Débuté en 2017, le projet « Naturalismes du monde » a été une initiative de partenariat incluant le CNRS, l’ENS et le Collège de France, au sein de la COMUE PSL. Le Labex TransferS a envisagé d’étudier les circulations des textes, des modèles intellectuels et des objets culturels saisis dans le contact des langues. Dans ce cadre, et en lien avec « La République des Savoirs », le Centre Zola de l’ITEM a souhaité étudier et valoriser les lettres internationales adressées à Zola. Il s’agit du courrier des lecteurs du monde, dans le contexte d’une vie littéraire internationalisée à la fin du 19e siècle, à l’ère du cosmopolitisme, des colonies et des Alliances françaises, du commerce industriel et des grands chantiers, et bien sûr au moment de l’affaire Dreyfus.
Cette dernière a suscité l’explosion d’un courrier planétaire adressé à Zola, convergeant vers la rue de Bruxelles ou vers Médan, par centaines de lettres journalières lors de la publication du J’Accuse dans L’Aurore du 13 janvier 1898, traduit aux quatre coins du globe. Notre priorité est allée vers l’examen de ce vaste corpus épistolaire multilingue, dont une part est encore conservée dans les archives du Dr. Brigitte Émile-Zola, précieuse collaboratrice des projets archivistiques zoliens. Comment ce courrier planétaire des lecteurs parle-t-il du naturalisme ? Comment les professionnels de l’édition et de la presse contractualisent-ils les droits de traductions et de publications en langue étrangère ? Quelles images renvoient-ils de Zola en dehors de l’hexagone, et – au-delà même de la question artistique – comment les lettres sur l’affaire Dreyfus modifient-elle la perception du naturalisme zolien, avant et après cette « affaire-monde », à la charnière de l’esthétique et de l’éthique, de l’art et du combat ? Sur le plan de la sociologie épistolaire, ce courrier de milliers de lettres participe enfin d’une photographie mondiale exceptionnelle des canons artistiques, des idéologies et des mentalités des peuples à ce moment de l’histoire, des pratiques des langues susceptibles de permettre la compréhension de certains phénomènes de transferts culturels à la fin du 19e siècle, en particulier la fabrique de l’opinion publique, entre le nationalisme et l’universalisme, l’histoire politique de l’Europe et la montée de l’antisémitisme, l’histoire des nations européennes aux portes de la Première Guerre Mondiale.
Pour une part, le courrier international des lecteurs de Zola, anonymes en majorité, entre dans le contexte de la « lettre à l’écrivain ». Cette situation-type du vedettariat littéraire, qui débute notamment avec Rousseau, est un élément important de l’histoire médiatique du 19e siècle pour comprendre l’économie du succès et la stratégie de fidélisation d’un lectorat. Plus encore, l’écrivain a besoin de cet audimat épistolaire comme baromètre de popularité à mesure qu’explosent l’industrie de la presse et la publication en feuilletons qui transforment le champ littéraire.
Plus de 2300 lettres numérisées à ce jour, sous la responsabilité de Jean-Sébastien Macke, sont en ligne sur la plateforme E-Man de l’ITEM. Tous les continents sont couverts, sur une période qui va surtout des années 1880 jusqu’à la fin de la vie de l’écrivain : l’Europe limitrophe de la France (Belgique, Suisse, Allemagne, Espagne, Angleterre…), l’Europe de l’Est (Hongrie, Pologne, et les lettres de Russie, …), les deux Amériques, du Nord et du Sud (Canada, États-Unis, Chili, Argentine, Brésil, Colombie, Costa Rica, Mexique ou encore Venezuela), le continent asiatique, (Inde et Indonésie), l’Australie, l’Afrique du Sud. L’équipe est loin d’avoir fait le tour de ce courrier international, dont une grande partie reste encore inédite. Cependant, le corpus déjà constitué permet d’élaborer une méthode et des axes de lecture qui répondent à la question principale d’un tel projet : quel traitement apporté à une telle masse épistolaire, pour quels intérêts et quels usages ? Le colloque de mai 2019, dont les actes sont publiés dans le numéro 94 des Cahiers naturalistes (2020), a tenté de répondre en partie à ces questions.
Ces lettres sont des archives-monde, sans doute parmi les plus fortes de la mémoire collective de l’humanité en marche, qui fit écrire à l’un des épistoliers argentins, le Dr Louis Harperath, le 23 février 1898 : « Zola est tout un homme ! ». Ces lettres sont ainsi un trésor de langues et les traces vibrantes de la conscience collective planétaire. Elles offrent un trésor de l’humanité dans l’un des gestes les plus inaliénables : reconnaitre la souffrance de l’autre comme la sienne propre, et oser l’écrire, à l’échelle du monde, à la manière d’un chœur épistolaire qui ne reconnait que la race humaine, au moyen d’une diversité scripturale.
Si ces lettres internationales ont des vertus éducatives, en ceci qu’elles portent en elle ce que les humains ont de plus commun – le langage, l’identification, l’émotion et la conscience – l’énonciation vient cependant buter sur l’intraduisible dans la langue de Zola. Gabriel Oliveiras écrit : « Pauvre, pauvrissime, est ma plume pour vous dire tout ce que mon cœur sent vers votre personnalité » (15 mars 98). Sans la langue française faite cri de justice par la voix de Zola, et sans la frappe de son verbe dans J’Accuse, le 13 janvier 1898, sans l’attachement à cette langue française de milliers de voix étrangères anonymes portées par ces lettres venues du monde, jamais l’affaire Dreyfus n’aurait été, au-delà d’une affaire d’opinion, une affaire-monde. Sans doute, son issue aurait-elle été différente si elle était restée une affaire nationale, une affaire d’État dans l’État, qu’elle était encore en 1894.
On peut regrouper les lettres mises en ligne en trois grandes rubriques :
1-Les lettres professionnelles du monde des Lettres, de l’édition et de la traduction, de la presse étrangère et de la diplomatie culturelle. Elles renseignent sur un écrivain de grande notoriété dont la carrière s’est internationalisée et qui s’approprie des réseaux médiatiques.
2-Les lettres d’admiration des lecteurs et lectrices des œuvres de Zola et de son engagement dans l’affaire Dreyfus. Elles relèvent de la reconnaissance pour l’artiste réaliste et l’intellectuel engagé. Ce sont les lettres qui offrent, de façon individuelle ou collective, un capital de soutien, proches de la lettre-pétition.
3-Les lettres de quémandeurs qui, au nom de la générosité de Zola, expriment une demande de soutien financier ou une lettre de recommandation. Ce sont des courriers qui sollicitent une attention, une protection ou un don. On trouvera les lettres des utopistes, des rêveurs, des mégalomanes, des démunis et des condamnés politiques. Au fond, le personnel romanesque d’un « monde à part » rêvant un familistère argentin ou un prototype d’avion dirigeable, inspirés par la vision industrielle de Paris ou Travail. Leur créativité entrepreneuriale nait dans le terreau de la fiction romanesque.
Éditer la correspondance croisée de 1836 à 1857, entre l’historien et homme d’état François Guizot (1787-1874), et Dorothée van Benckendorff, princesse de Lieven (1785-1857), une figure féminine du monde diplomatique européen de la première moitié du XIXe siècle, c’est éditer une partie des archives privées d’un acteur politique et intellectuel engagé dans le domaine public. Durant l'hiver 1837, après la mort du fils aîné de François Guizot, leur rencontre se noue autour de leur expérience commune de la perte d'un enfant. Mais la correspondance quotidienne échangée entre les deux amants s’élabore aussi à partir de leur analyse et de leur description de la France et l’Europe politiques et diplomatiques du XIXe siècle.
Cette édition numérique a une ambition culturelle, patrimoniale et scientifique. Elle est initiée et financée par une société savante, l’Association François Guizot, soutenue par le Comité des Travaux Historiques et Scientifiques et réalisée par Marie Dupond. L’objectif de cette édition est de mettre à disposition un corpus exhaustif constitué de l’intégralité des lettres et de nombreux inédits, en donnant accès tant aux autographes qu’à un discours épistolaire transcrit, indexé et documenté. Cette édition veut permettre de lire et de fouiller cette correspondance au sein d’un réseau documentaire et thématique. Elle est envisagée comme une bibliothèque numérique structurée en collections.
]]>Éditer la correspondance croisée de 1836 à 1857, entre l’historien et homme d’état François Guizot (1787-1874), et Dorothée van Benckendorff, princesse de Lieven (1785-1857), une figure féminine du monde diplomatique européen de la première moitié du XIXe siècle, c’est éditer une partie des archives privées d’un acteur politique et intellectuel engagé dans le domaine public. Durant l'hiver 1837, après la mort du fils aîné de François Guizot, leur rencontre se noue autour de leur expérience commune de la perte d'un enfant. Mais la correspondance quotidienne échangée entre les deux amants s’élabore aussi à partir de leur analyse et de leur description de la France et l’Europe politiques et diplomatiques du XIXe siècle.
Cette édition numérique a une ambition culturelle, patrimoniale et scientifique. Elle est initiée et financée par une société savante, l’Association François Guizot, soutenue par le Comité des Travaux Historiques et Scientifiques et réalisée par Marie Dupond. L’objectif de cette édition est de mettre à disposition un corpus exhaustif constitué de l’intégralité des lettres et de nombreux inédits, en donnant accès tant aux autographes qu’à un discours épistolaire transcrit, indexé et documenté. Cette édition veut permettre de lire et de fouiller cette correspondance au sein d’un réseau documentaire et thématique. Elle est envisagée comme une bibliothèque numérique structurée en collections.
Le volume et l’amplitude chronologique et thématique du corpus permettent d’investir deux axes de questionnements. Le premier est celui des études biographiques, historiques et politiques consacrées à Guizot. Ce dernier pose des défis historiographiques notamment par le volume des archives à la disposition de celui qui interroge son action et son œuvre. L’édition de ce corpus conduit à un bilan historiographique et à libérer la figure de Guizot de la tension entre l’historien et le ministre de l'instruction publique à l’œuvre positive, et le président du Conseil qui s'est opposé obstinément au mouvement de 1848. Ce corpus permet d’éclairer son orientation vers les Affaires étrangères et de préciser les caractéristiques de son action diplomatique, en considérant le rôle de Dorothée dans la politique étrangère qu'il pratique depuis 1839. Enfin, ce corpus permet de dépasser la borne de 1848, et de manifester les liens entre les principes de son action publique et ceux de son œuvre intellectuelle qui s'élabore encore pendant vingt-cinq ans.
D’autre part, ce corpus permet de considérer la correspondance non seulement comme un document mais aussi comme un objet d’étude. Cette correspondance stimule l’étude des conditions matérielles, intellectuelles, historiques, sociales et culturelles de production et de conservation des correspondances. Elle permet d’interroger la dynamique et le fonctionnement épistolaires. Un des enjeux de l’édition est de mieux connaître le fonctionnement des salons mais aussi des correspondances comme espace et pratique d’action publique et sociale des femmes au XIXe siècle.
Pour cette réalisation éditoriale, l'Association est lauréate du prix de la Fondation des travaux historiques et scientifiques qui réunit le Comité des Travaux Historiques et Scientifiques, l’École nationale des chartes et l’Académie des sciences morales et politiques.
Cette correspondance est constituée de plus de 4000 lettres (11 000 folios) échangées pendant 20 ans. Conservée aux Archives Nationales, la correspondance représente matériellement 11000 folios, 19 bobines de microfilms qui ont été numérisées en 2017. Ce corpus a été édité en partie par J. Naville et J. Schlumberger et publié de 1963 à 1964.
Cette correspondance croisée échangée pendant 20 ans, et elle est aussi bien amoureuse que politique et diplomatique. Leurs premiers échanges commencent en 1836. Dorothée, Princesse de Lieven, femme d’un diplomate Russe, a 51 ans et François Guizot, ministre de l’Instruction publique, veuf, a 50 ans. Si leur intimité se noue à partir de l’expérience du deuil, leur rencontre a lieu dans des espaces sociaux et politiques communs et elle se développe rapidement autour de leur vif intérêt pour la chose publique et de leur positionnement respectif au sein du réseau politique et diplomatique de l’Europe du XIXe siècle.
A été déterminé un traitement éditorial, par phases, inscrit sur une ligne de temps qui réponde au principe de faisabilité (en envisageant les ressources humaines et financières), aux principes archivistiques et scientifiques déterminés par l’environnement numérique. (Voir Les principes d’éditorialisation du projet https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/principes-ddition )
Le schéma éditorial et la structuration de données et métadonnées établis sur EMAN pour l’édition de la correspondance de Gaspard Monge (DUPOND 2018) ont été utilisés en appliquant des principes établis au cours d’une recherche post-doctorale : « De l’édition à l’éditorialisation : pour des principes communs d’édition des correspondances » (UDPN/USPC 2015-2017 ) » http://eman-archives.org/monge/des-principes-ddition-aux-principes-dditorialisation et au sein du groupe de travail « Correspondance » CAHIER (Huma-Num2016-2018).
La première phase de traitement éditorial consiste en la préparation des données et des métadonnées, réalisée au cours d’un inventaire comparé des transcriptions manuscrites, des copies microfilmées et numérisées, des manuscrits du fonds conservé aux Archives Nationales et des lettres déjà publiées, en associant à chaque lettre les fichiers jpg correspondants. Ainsi la création de notices pour chaque lettre et l’import des données structurées associées peuvent être effectués en masse
L’usage d’OMEKA au sein de la plate-forme EMAN permet d’établir des données interopérables, pérennes, moissonables et réutilisables en assurant une structuration économique. Cela assure le développement de réseaux de relations entre item, collection, corpus à partir des données d’identification, de description, de documentation et d’indexation mais aussi de transcription et de mise en relation.
Le corpus de correspondance est structuré en collections et sous-collections. La présentation des collections et sous-collections permet de documenter les corpus en introduisant des éléments biographiques et les sujets traités dans leurs lettres.
L’indexation thématique offre des entrées dans l’œuvre intellectuelle et publique de Guizot par mots-clés, elle est réalisée à partir des sujets traités au sein de la correspondance dans une perspective biographique tant pour Guizot que pour la princesse de Lieven. La navigation entre les lettres est ainsi permise par les mots-clés mais aussi par la mise en relation.
La pratique de transcription a ses principes mais aussi ses outils. La transcription est réalisée avec Transkribus, un outil de reconnaissance de caractères manuscrits. La tension entre lisibilité et fidélité, n’est plus si décisive dans l’environnement EMAN, on a accès tant à la/les transcription(s) qu’à l’image du manuscrit autographe. La normalisation de l’orthographe permet une recherche plein texte à tous les utilisateurs. La transcription doit répondre aux principes d’intelligibilité, accessibilité et « interrogabilité ».
Ainsi, il s’agit de mettre en correspondance les modalités éditoriales distinctement définies pour la réalisation de plusieurs éditions papier avec les ressources et contraintes techniques du CMS Omeka mis au service de l’édition de corpus au sein de la plateforme. Cela notamment afin de permettre la mise en réseau du corpus de correspondance du géomètre avec le corpus d’autres auteurs.
Aussi, la démarche éditoriale de conversion et de préparation rentre aussi dans le cadre d’un projet de recherche post-doctorale au sein du réseau Usages Des Patrimoines Numérisés (USPC) qui envisage l’exploitation des questionnements et du savoir-faire déjà acquis en matière d’édition critique de sources en interrogeant les modifications des pratiques éditoriales et en considérant comment la problématique éditoriale se complexifie en revêtant une perspective technique, collaborative et dynamique.
]]>L’édition du corpus 1795-1799 de la correspondance du géomètre Gaspard Monge (1746-1818) sur la plateforme EMAN est à la fois une étape de conversion numérique de l’édition critique d’un corpus et la préparation de son extension à la correspondance générale. L’annotation et le traitement de ce premier corpus a nécessité de mener une étude historique de la pratique scientifique et de l’action publique du géomètre qui a conduit à l’édition d’autres sous corpus notamment celui de la première correspondance mathématique du géomètre mais aussi celui de la volumineuse correspondance familiale.
Ainsi, il s’agit de mettre en correspondance les modalités éditoriales distinctement définies pour la réalisation de plusieurs éditions papier avec les ressources et contraintes techniques du CMS Omeka mis au service de l’édition de corpus au sein de la plateforme. Cela notamment afin de permettre la mise en réseau du corpus de correspondance du géomètre avec le corpus d’autres auteurs.
Aussi, la démarche éditoriale de conversion et de préparation rentre aussi dans le cadre d’un projet de recherche post-doctorale au sein du réseau Usages Des Patrimoines Numérisés (USPC) qui envisage l’exploitation des questionnements et du savoir-faire déjà acquis en matière d’édition critique de sources en interrogeant les modifications des pratiques éditoriales et en considérant comment la problématique éditoriale se complexifie en revêtant une perspective technique, collaborative et dynamique.
Éditer la correspondance du géomètre Gaspard Monge (1746-1818), un des membres fondateurs de l’école polytechnique et savant engagé dans la Révolution c’est d’abord déterminer les enjeux biographiques, historiques et historiographiques d’une entreprise éditoriale.
Les pièces de la correspondance de Monge sont connues, pour certaines, déjà exploitée depuis le début du XXe siècle dans des entreprises biographiques, mais elles sont encore inédites en 2016. Je voudrais souligner l’enjeu d’une étude problématisée, conjointe et croisée des correspondances scientifiques, institutionnelles et familiales du géomètre.
Ma recherche doctorale a été déterminée par deux objectifs : l’un éditorial, l’autre historique. La coordination des démarches éditoriale et historique a été effectuée au cours de la mise en problème du corpus de correspondance pour la réalisation de l’annotation. Si la perspective historique a été choisie au départ pour soutenir ma démarche éditoriale, elle s’est développée par la suite d’une manière autonome en permettant de déterminer des axes de recherche transversaux qui conduisirent à considérer tout à la fois son œuvre scientifique et son action publique en requérant l’exploitation conjointe des archives publiques et privées, scientifiques et non scientifiques.
Les bornes chronologiques du corpus ont été déterminées par R. Taton. Ces lettres sont finalement écrites non seulement au cours de l’action de Monge au service de la République sous les ordres du Directoire et du ministre des relations extérieures, mais aussi dans le cadre de son appartenance à deux institutions scientifiques : l’École polytechnique et l’Institut national. Deux cent quatre documents rédigés de juillet 1795 à décembre 1799 sont réunis. Plus de la moitié des deux cent deux lettres sont adressées à des membres de la famille et essentiellement à sa femme (80%). La majeure partie de la correspondance est constituée des lettres écrites lors de ses missions hors de France en tant que commissaire de la République en Italie et en tant que savant attaché à la campagne d’Égypte. Le corpus est ainsi constitué à la fois d’une correspondance de voyage adressée à sa famille, à Paris et en province et d’une correspondance institutionnelle. La nature familiale et institutionnelle du corpus est en partie liée à l’histoire des archives Monge. Elles sont composées de la volumineuse correspondance active et passive de Monge et de celle échangée entre les membres de la famille.
Les archives sont partagées naturellement entre d’une part les descendants d’Émilie, fille aînée de Monge (1778-1867) mariée à Nicolas-Joseph Marey (1760-1818) (fonds Marey-Monge et de Blic), et de l’autre les descendants de la fille cadette Louise Monge (1779-1874). Le petit–fils de cette dernière, Eugène Eschassériaux (1823-1906), député bonapartiste au début de la IIIe République, ne se contente pas de préserver les pièces détenues par la famille ; en les réunissant, les ordonnant et les reliant, il complète le fonds en faisant l’acquisition et en transcrivant d’autres documents au sein des cinq volumes manuscrits qu’il intitule « Notes chronologiques pour servir à l’histoire de la vie de Gaspard Monge ». Patrice Bret souligne « l’œuvre d’historiographe » qu’il a accompli « en réunissant un nombre impressionnant de documents » et indique que «si l’ouvrage resta inédit, les historiens du XXe siècle y ont abondamment puisé ».
Lorsque René Taton pour les besoins de sa thèse soutenue en 1951 prend connaissance des archives familiales, il est frappé par le nombre de documents non scientifiques qui y sont réunis. Et s’il les exclut de son étude de l’œuvre scientifique de Monge, il pointe dès l’introduction la difficulté qu’ils posent aux historiens dans la perspective d’une édition des œuvres complètes du géomètre. Éditer la correspondance de Monge de 1795 à 1799 conduit à enquêter sur la nature de son action publique et sur les caractéristiques de sa pratique scientifique durant la deuxième partie de la Révolution française.
Dans les années 1990, Taton rassemble dans ce corpus les lettres de Monge du fonds de Chaubry (désormais fonds Monge de l’École polytechnique), du fonds Marey-Monge (copie microfilmée disponible aux archives de l’École polytechnique), des archives de l’École polytechnique, des Archives Nationales (AN F17), des copies de lettres conservés à la bibliothèque de l’Institut de France (Ms 2192) et des archives du ministère des affaires étrangères et du service historique de la défense. Le corpus bien sûr n’est pas complet. Le nombre de lettres écrites au cours de l’expédition d’Égypte est très réduit : dix-huit lettres de mai 1798 à décembre 1799. Depuis 2002, les archives familiales Eschassériaux sont conservées aux archives de l’École polytechnique après son acquisition par l’AX. Pour la majorité, les lettres appartiennent au fonds ; lorsque cela n’est pas le cas, la source est indiquée en note dans la liste des lettres. Enfin, le corpus est aussi constitué d’une certaine manière par des lettres dont on ne dispose pas du manuscrit autographe mais dont on apprend l’existence par des mentions dans d’autres lettres, dans les ouvrages biographiques de de Launay et d’Aubry ou comme pour une lettre de Monge de janvier 1797 aux membres de l’Institut sur les expériences de Volta dont on retrouve la trace dans les procès-verbaux de l’Académie (n°47).
Notre projet se fonde sur trois éditions qui ont fait date dans les études baudelairiennes : la Correspondance générale, établie par Jacques Crépet aux éditions Louis Conard et parue en six volumes entre 1947 et 1953 ; les deux tomes de la Correspondance de Baudelaire, publiés par Claude Pichois, avec la collaboration de Jean Ziegler, dans la Bibliothèque de la Pléiade, en 1973, et dont un nouveau tirage du premier tome a paru en 1993 (avec un « Supplément » de 25 lettres et reçus), et un nouveau tirage du second tome, en 1999 ; les Lettres à Charles Baudelaire, publiées par Claude et Vincenette Pichois en 1973 aux Éditions de la Baconnière, à Neuchâtel. Plus récemment, deux ouvrages sont venus enrichir et corriger ces éditions : les Nouvelles lettres (Fayard, 2000), où Claude Pichois donne le texte de 75 lettres et documents inédits de Baudelaire ; les Lettres à sa mère (Manucius, 2017), établies par Catherine Delons, recueillant les 350 lettres de Baudelaire à Mme Aupick. En outre, depuis quinze ans, d’autres lettres auparavant inconnues de Baudelaire ont fait l’objet de présentations ponctuelles, en particulier dans L’Année Baudelaire. D’autres encore restent inédites.
En rassemblant ces documents, nous souhaitons fournir une édition de la correspondance de Baudelaire dont le texte serait le plus possible fidèle aux manuscrits, qui seront reproduits en regard lorsque c’est possible. Dans le sillage de la tradition baudelairienne, notre édition numérique se propose de relever le défi lancé en 2000 par Claude Pichois, qui regrettait le « destin des correspondances », vouées à « rester à tout jamais inachevées ». Destinée à accueillir les nouveaux documents qui apparaissent régulièrement dans les ventes publiques, son ambition est de promouvoir l’inachèvement ouvert et perfectible de l’édition électronique et de contribuer à une meilleure connaissance des écrits et de la vie de Baudelaire.