Guizot épistolier

François Guizot épistolier :
Les correspondances académiques, politiques et diplomatiques d’un acteur du XIXe siècle


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Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Je ne puis attendre jusqu'à une heure pour savoir de vos nouvelles. J'écris un mot à Mlle Lacy pour lui en demander. Dites-lui je vous prie, de me donner quelques détails. Quel malheur de demeurer si loin ! Je me suis réveillé dix fois, en pensant à vous. Adieu. Adieu. si je pouvais apprendre que vous avez un peu dormi ! Adieu. Adieu

Lundi 5 mars-1849

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Auteur : Metternich, prince de (1773-1859)
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Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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N°1 Abbeville, samedi 1er juillet 7 h. du soir

J’arrive dans cet instant bien fatiguée. J’ai faim, j’ai sommeil mais je ne puis ni manger ni dormir avant de vous avoir remercier de ce bon billet, de ces bonnes connaissances que vous m’avez fait faire. j’ai tout dévoré. J’ai cherché l’histoire, le roman, c’est là ce qu’il me fallait d’abord. Il y a trop peu de cela, mais comme le peu qu’il y a m’a émue. J’ai couru ensuite après les dates. J’ai cherché à me rappeler ce que je faisais à pareil jour. Enfin, j’ai eu toute les émotions du monde. Elles n’ont pas toutes été douces. Ah mon Dieu, que j’ai peu d’esprit à côté de ces esprits là ! J’en ressens quelque embarras. Et puis je me dis qu’il y a autre chose qui compte, et je me rassure.
Monsieur je devais commencer par vous conter hier. Votre billet porte la date de 6 heures. Je ne l’ai vu qu’à 9. Mais à 6 heures je passais devant votre porte ; un embarras de voitures dans la rue parallèle à la vôtre ayant forcé mon cocher de prendre de votre côté pour me mener chez lady Granville. J’ai été bien contente d’elle. Elle m’a répété " you are safe." Je fus dîner chez Mad. de Flahaut, mais matériellement dîner & bien vite, & puis chez moi des affaires, des arrangements à prendre. Il se trouve que je n’avais pensé à rien, que je n’avais donné aucun ordre, quand tout était à commencer lorsque tout devait être fini. Voilà cette bonne tête, qu’on appelait comme cela jadis ! J’ai été excédée à 10 heures je me suis couchée sans pouvoir. dormir. À 6 heures j’étais en voiture & dans la rue de Luxembourg déjà j’avais ouvert le paquet je lisais et je n’ai pas fait autre chose jusqu’ici, excepté de une à trois heures où j’ai fermé les yeux, je ne sais si j’ai dormi, si j’ai rêvé, je ne puis trop expliquer cela, & je ne veux pas m’étendre sur cette partie de ma journée. Ma voiture est douce je m’y trouve bien, il me semble que je ne me trouverai bien que dans ma voiture mon courrier entre dans mes goûts il me fait avancer rapidement et cependant avancer c’est m’éloigner mais j’ai hâte de le faire. On dirait que cela me fera revenir plus tôt.
Adieu Monsieur. Je serai couchée à l’heure où je revenais de Chatenay, il y a huit jours. Je crois que je dors déjà. Pardonnez-moi, Monsieur, cette sotte lettre. Vous n’en aurez pas de plus élégantes jusqu’à ce que je sois settled en Angleterre. Je vous promets des nouvelles, mais jusque là seulement, ma plus tendre amitié.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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1 Beauséjour jeudi 31 août 1843
6 heures

Je commence par le récit de ma visite hier soir qui a été divertissante mais autrement que je ne pensais. M. Molé était la évidemment m’attendant de pied ferme. Il n'y avait personne. Pendant la première demi-heure, on chercha tous les sujets indifférents. J’étais fort déterminée à ne pas parler de la Reine d'Angleterre pour voir jusqu’où ils pousseraient le mauvais goût de ne pas faire mention de la chose qui les préoccupait le plus. Enfin, je nomme le duc d'Ossena [?] que je venais de voir, M. Molé me demanda s'il m'avait parlé du voyage de la Reine. Non, ce qui était vrai. Alors, il dit : Pour mon compte je suis enchanté de ce voyage. C'est un excellent événement. Et puis mon plaisir est double par le dépit que cela cause à certaines gens. C’est même fort drôle. Comment ? Qui ? Ah, d’abord le faubourg St Germain. Ils en crèvent et puis on en crève dans toutes les langues. Ah. Ah ! "
Hier à la soirée des Appony, c’était impayable. Ces pauvres diplomates ! Quand je disais à l’un d'eux, (et je me suis donné le plaisir de le dire à chacun) eh bien la Reine d'Angleterre arrive. On me répondait par " Avez-vous lu le National ? - Non Monsieur je ne le lis jamais tout ce que j’ai pu obtenir d'eux c'était ceci. C’est un grand événement et puis ils baissaient la tête avec un air capable. Ensuite c’est trop peu déguisé, et tous étaient comme cela. Evidemment c'est une grande déroute, mais c’est trop le montrer. - Vous souvenez vous Monsieur le conte d'une petite confidences que vous m'avez faite il y a quelques années ? Vous me disiez le corps diplomatique n’a pas d'esprit. - Oh, pour cela, c’est vrai. Et bien la seule personne convenable dans le salon Appony était le Duc de Noailles. Il me dit : c’est un événement très important, un grand raffermissement pour la dynastie, et je comprends que le roi et toutes les personnes, qui lui sont attachées ne soient fières et contentes. " Je vous ai redit tout Molé sur ce sujet.
Mad. de Castellane qui avait été de la soirée Appony confirme tout et renchérissait. Pour le coup Molé n’a pas menti car je ne doute pas un instant de la mauvaise humeur mais vous voyez qu'il a pris le bon côté dans l’affaire. Ou du moins qu'il le montra. Il m’a dit encore, c’est votre Empereur surtout qui sera furieux. J'ai simplement répondu, c'est une leçon. Il a encore fort blâmé l’article de la presse, du premier jour qu'il a trouvé de très mauvais goût. Il pense que si la reine vient à Paris, elle y sera très bien reçue. Enfin il était très gai, et n’aurait pas mieux parlé s'il était votre Ambassadeur. J’ai vu longtemps les Cowley. Ils sont dans le troisième œil.
Les lettres de Londres hier de Henry Greville disaient que la Reine ne passerait à Eu qu’un jour et qu’elle viendrait décidément à Paris. Aujourd’hui il attendait son courrier avec quelque chose, comme vous les verrez demain vous saurez avant moi. Vraiment plus on pense à cet événement plus on le trouve grand, immense. Soyez en bien content, et pas trop orgueilleux. Amenez bien la reine, soignez bien le Prince vous ne saurez trop faire dans ce genre. Every Thing short of another Cobourg. Il me semble que vous feriez bien de vous arranger de façon à faire parler le télégraphe. Faites donc stationner un directeur là où il passe le plus près d’Eu. Vous gagneriez toujours huit heures au moins, et plus, et il serait bon qu'on sût ici l'arrivée de la Reine à Eu ; puis que Duchâtel sût très vite si elle vient à Paris. Je vais parler de cela à Génie. Il en donnera peut-être l’idée à Duchâtel. Les Cowley étaient en peine d’une loge à l'opéra, pour le cas où la Reine y irait. Je leur ai dit de s'adresser à vous. En général il faudrait que le corps diplomatique peut être pourvu, car malgré leur mauvaise humeur. Il faut leur supposer un peu de curiosité.
Je vais en ville un moment. peut-être passerai-je chez les Appony. Je suis jalouse du divertissement de Molé. Je vais à Versailles pour dîner et coucher. Si je trouve Pogenpohl je l’emmènerai dîner et pour le cas où il n’y aurait pas de fête pour moi, ce qui est possible, je ne ferais au moins pas le retour seule dont j ai un peu peur dans l'obscurité. Je crois que Madame de Castellane viendra passer un jour chez moi à Versailles. Mais au fond je suis si curieuse d’Eu que je ne sais si je tiendrai loin de Paris. Ecrivez-moi bien les nouvelles. Je suis encore à m'étonner et à m’inquiéter de la joie de notre séparation, à m'inquiéter parce que j’ai pleuré chaque fois, et toujours je vous ai retrouvé bien portant et bien. Aujourd’hui que je ne pleure pas qu’est-ce qui m'attend ? On sait si peu prévoir ! Tout est si incertain dans ce monde ! Vous n'avez pas besoin de mes exclamations et de mes méditations. Vous voilà dans grand [?]. Je pense avec plaisir à la joie de tout votre camp. Adieu Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Bruxelles Mercredi 2 juin 1852

Ma dernière nuit à Paris a été assez bonne. Je suis arrivée ici à 5 heures mon fils arrivait de Londres en même temps. Il reste avec moi aujourd’hui.
Trubert est très bien. Kalerdgi est arrivée cette nuit, je ne l'ai pas vue encore. Collaredo est dans le même hôtel que moi depuis hier aussi. Van Praet est venue me voir. Le tête-à-tête n’a pas réussi. [Kontornoff] & notre consul l’ont empêché. Je le reverrai ce matin. J'ai redormi cette nuit, et je suis moins fatiguée que vous ne m’avez laissée. Voilà tout ce que j’ai à vous dire et Adieu. Adieu.
Voici votre lettre merci, une aussi d’Aberdeen, très rude pour Lord Derby, & peu obligeant pour Paris. Adieu encore et le M. [?] raconte mon dîner. Evidemment il y avait un gentleman of the press dans mon salon vendredi soir. Je suis très vexée.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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N°1 Château d’Eu Jeudi 31 août 1843 - Midi.

Je quitte le Roi pour vous écrire. Il vient de me promener dans la Smahla dont il est épris comme si c'était celle d'Abdel-Kader et qu'il l'eut prise lui- même. Il est singulièrement jeune. Parfaitement heureux de ce qui arrive, par les grandes raisons, et par les raisons jeunes ; charmé de bien arranger et montrer son palais comme de veiller aux intérêts de son trône. Il aura de très bonnes conversations, très franches. Avec Lord Aberdeen s’entend. Avec la Reine, pas un mot de politique, à moins qu'elle ne le provoque. La Reine arrivera samedi, toujours wind and weather pemitting, qui sont excellents en ce moment. Galanterie du ciel bien nécessaire, car on n'entre pas au Tréport comme on veut. Le Prince de Joinville est parti hier pour Cherbourg, où il est allé attendre la Reine qui n’y sera que demain dans la journée, et seulement pour voir le port prendre un pilote. On est convaincu ici qu’elle n'ira pas à Paris. Rien de ce qui est venu d'elle ne donne lieu de le supposer. On s’attend à trois jours de séjour. Un grand déjeuner dans la forêt pour un jour. Magnifique promenade. Un spectacle pour un autre jour. Il y a eu bien des incertitudes, quant au spectacle. Duchâtel s’est plaint qu'on eût choisi le Gymnase, d’abord parce que c’est le seul théâtre qui n'ait pas voulu fermer aussi longtemps que les autres, à la mort de M. le Duc d'Orléans ; ensuite parce qu'il est devenu ennuyeux. Le Roi à trouvé qu’il avait raison et le Gymnase est congédié, à sa place l'Opera comique et le vaudeville votre ami Arnal. La grande calèche dans laquelle le Roi ramènera la Reine du Tréport est vraiment belle et de bon goût. Place pour les deux familles royales, au complet. La Reine sera au rez-de-chaussée dans l’appartement des Belges, convenable et tout plein de curieux portraits. On met dans sa Chambre un très grand lit, un lit anglais. Les tapis sont ôtés. Le Roi me demande, si je suis d'avis de les remettre. Je dis que non. Il fait chaud et les parquets sont très beaux, beaucoup plus beaux qu'aucun parquet anglais. La Smahla est vraiment un village de tentes en bois, qui seraient somptueuses en Afrique. Le Duc d’Aumale et le duc de Montpensier, qui arrive demain y logent. Le Duc de Nemours ne revient pas. On a pensé qu’il ne devait pas quitter son camp, laisser là dix mille soldats oisifs et dans l’attente, et toute la population, en mécompte. Je crois qu’on a raison.
C’est Lady Canning et miss Leeds qui accompagnent la Reine. Lord Aberdeen a mon appartement ordinaire. J'en ai un bien plus petit et plus simple, mais très suffisant, près du sien. La ville est pleine, archipleine, surtout d'anglais qui viennent de Dieppe, du Havre, de Boulogne, même de Southampton et de Brighton.
Un petit cabinet, place pour un lit et une chaise, se loue 25 fr. pour une soirée. Le Roi a été obligé de louer 40 chambres dans la ville. Je vous conte tout, pêle-mêle comme tout est et se fait sous mes yeux. Pourtant tout est à peu près prêt, et si la Reine arrivait demain, elle serait reçue convenablement.
Je suis arrivé à 9 heures, après une nuit très belle et très douce. J’ai assez dormi, dormi et pensé à vous tour à tour. Un peu à la Reine d'Angleterre. La Reine des Belges m'a dit à déjeuner qu’un des plaisirs qu’elle se promettait de son voyage était de me revoir. Je m'attends un peu à un siège en règle, dans l’intérêt Cobourg. Je ne trouve ici pas plus d'indécision que je n’y en apporte. La Reine est encore ébranlée de l'accident du pont. La chance était vraiment affreuse et sans la vigueur et la présence d’esprit du second postillon, on ne conçoit pas ce qui ait pu les sauver. La Reine se méfiait de ce pont, et ne se souciait pas d’y passer. " Je dirai mon mea culpa toute ma vie de ne l'avoir pas fait descendre.» m'a dit le Roi. Le petit Paris n’a pas eu peur du tout, ni du coup de canon qu’il venait de tirer. Cela a plu au Roi. Mad. la Duchesse d'Orléans y était , et aussi le duc de chartres, le Prince et la Princesse de Joinville, le duc et la duchesse de Cobourg, le duc d’Aumale, tous, excepté Madame de Nemours a bien failli être Roi m'a dit la Reine à déjeuner. Dieu se plaît à entrouvrir et à fermer l'abyme. Adieu.

Le Roi est allé se promener. Je lui ai demandé la permission de venir écrire. La poste part à 2 heures. Il me reprendra à son retour. Adieu. Adieu. Quel beau temps. J’ai voyagé jusqu'à 5 heures et demie dans un brouillard énorme. Le soleil a lui sur Eu au moment où j'approchais. En dix minutes, le brouillard a été balayé. Voilà la Musique qui annonce le départ du Roi pour la promenade. On a fait venir de Londres le God save the Queen et la musique du régiment l’apprend. On a aussi la marche saxonne du Prince Albert. Adieu, adieu. Adieu. J’espère qu’il fait aussi beau à Versailles. Je ne sais ; mais je ne trouve pas dans cette lettre assez de vous et pour vous. Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Château d'Eu. Lundi 7 oct.
3 heures

Je ne vous répète pas le récit de mes ennuis. Trois heures et demie dans une chaumière, sur la route, à attendre une voiture de Rouen. J'ai beaucoup pensé à vous, et à l'impatience que vous auriez, bien plus vive que la mienne. Cela m'a calmé. Au fait j'étais à couvert, devant un bon feu, et j'étais sûr qu'une voiture m’arriverait. Quand elle est arrivée la seule solide qu'on eût trouvé, les deux glaces des portières manquaient. On y a adapté des rideaux d’épaisse perkalin verte. Un vrai sarcophage, du reste il roulait bien.
Quand j’ai relayé à Tôtes, j’entends un groupe autour de ma voiture. Je ne voyais rien, & on ne voyait rien. J’entends dire : " C’est M. Guizot. Pourquoi s'enferme t-il comme çà ? Il n'en a pas besoin. Ici, tout le monde l’aime ; nous ne sommes pas des journalistes. " Je soulève mon rideau : " Messieurs, c’est que ma voiture s'est brisée et j’ai été obligé d'en prendre une autre qui n’a pas de glaces. - Prenez bien garde de vous enrhumer. M. le Ministre. On dit que vous avez été malade soignez vous. Le commerce a bien besoin que vous vous portiez bien. "
Je les ai remerciés, et j'ai refermé mon rideau. Il y avait cinq ou six gardes nationaux en uniforme, et une vingtaine de petits bourgeois ou paysans. Voilà les assassins qui m'attendent sur la route. Je suis arrivé à Dieppe à 9 heures. J’ai fait faire un bon feu. J’ai expédié une estafette à Eu et une à Paris. J'étais dans mon lit à 10 heures. J'ai assez bien dormi. Pas comme dans ma chambre pourtant. Ce matin à 7 heures et demie, comme j’allais partir, Herbet m'a rejoint. Je l’avais laissé en arrière pour prendre soin de ma voiture. Je suis arrivé ici à 10 h.. Le Dr Fouquier m'attendait à la porte de ma chambre. Il est allé rendre compte au Roi de moi.
J'ai déjeuné dans ma chambre, très bien déjeuné. Puis, j’ai fait ma toilette. Cette maison est très bien tenue. Tout y est commode et prévu. Et puis, je suis évidemment l'objet, des plus tendres soins. L’intérêt personnel habile et élégant fait ce qu’il peut pour ressembler à un peu d'affection. J'y réponds par de la bonne grâce. C’est assez.
Je viens de passer une heure avec le Roi. Content et préoccupé. J’ai des nouvelles, de Sainte Aulaire. Peel sera à Windsor, à l’arrivée du Roi, et est invité pour toute la durée du voyage. Il y aura beaucoup d'invitations pour un jour. Les Cambridge ne sont invités que pour le 10, le jour de la Jarretières. Les deux colliers vacants seront donnés à Lord Abercorn et à Lord Talbot, mais pas ce jour-là. Le Prince Albert viendra-t-il jusqu'à Portsmouth, ou seulement au point ou nous quitterons le chemin de fer ? That's the question. La Reine Louise a écrit qu’il irait à Portsmouth. Adieu.
Vraiment, je suis bien. Point fatigué. Nous verrons cette nuit. J'ai dit au Roi que je me coucherai en entrant sur le Gomer. Il m’a fort approuvé. Beau temps ; mais un peu de vent, et mauvais nord-ouest. Nous dinons à 4 heures et demie, & nous nous embarquons à 6 heures. Adieu. Adieu.
Merci de votre lettre à Lord Aberdeen. Je suis sûr qu'il en tiendra grand compte. Sainte-Aulaire m'écrit qu’il est très préoccupé de mon indisposition. Adieu. Adieu.
Le facteur demande mes lettres. Adieu dearest. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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1 Château d’Eu Samedi 6 septembre 1845,
10 heures et demie du soir

J’aime mieux causer avec vous que de me coucher. Mesurez tout ce que cela veut dire. Je suis peu fatigué et fort peu enrhumé. Moins qu’hier. Temps charmant. Beau soleil, pas assez chaud. Trop de vent ; mais, je ne sais comment peu de poussière. Si l'employé du télégraphe électrique s’était trouvé là au moment où je l'ai demandé, vous auriez su à 10 heures dix minutes que je venais d’arriver à Rouen, à 10 heures cinq minutes, et que j'en repartais à 10 heures un quart. Je suis arrivé ici à 5 heures un quart. Le Roi était à la promenade, en mer, avec tous ses petits enfants dont un seul, Philippe de Wurtemberg, a eu le mal de mer. La Reine m’a accueilli tendrement. J’ai eu le temps de faire, ma toilette complète avant le dîner.
J'ai dîné à la gauche de la Reine, le Prince de Salerne à sa droite. Ne dites ceci à personne, car tout revient ; mais je ne plus résister à vous le dire. La Blache Don Pasquale, moins la belle figure de La Blache. Très bon homme du reste et très empressé pour moi. L’archiduchesse, vrai portrait de sa fille ; assez de ressemblance avec la Reine ; sourde à ne pas entendre les 400 tambours du roi de Prusse. L’air doux et fort polie. Madame la duchesse d’Aumale inconsolable de l'absence de son mari. Madame la Duchesse d'Orléans pas à dîner. Ce soir dans le salon de la Reine. Soyez tranquille; le Prince de Joinville sera ici demain matin. Le Roi l'a appelé et il vient de bonne grâce. Il reconnait que c’est convenable au point d'être nécessaire. On fait toutes sortes de calculs pour savoir quand la Reine arrivera. Les plus vraisemblables la font arriver Lundi, à 5 heures du matin. Trois bâtiments croisent pour venir nous avertir à temps. Le séjour sera court. On croit comme vous qu’elle veut être sur terre Anglaise mardi soir.
La galerie Victoria n’était pas finie. Depuis six jours tous les peintres sont arrivés de Paris, et tout sera prêt demain. Prêt du moins pour l’apparence et l'éclat. C'est fort joli. Toutes les scènes des deux voyages, la Reine au château d’Eu et le Roi à Windsor. Lundi soir, spectacle ; l'opéra comique, Richard cœur de Lion et un petit opéra gai.
En attendant, je viens de passer deux heures assis auprès du Roi, à passer et repasser en revue, tout ce qu’on peut nous dire et tout ce que nous devons dire. Mes thèmes de conversation ont été tous adoptés. Adieu pourtant. A demain le reste. Il n’y a pas de reste, car je vous ai dit tout ce que je sais ce soir. Demain, il y aura autre chose. Salvandy couvert de gloire de se trouver à Eu un tel jour. Je suis logé dans mon grand appartement. Lord Aberdeen sera près de moi Adieu. Adieu. Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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N°1 Paris, Dimanche 6 octobre 1844, 9 h. du matin

On m'apporte votre billet. Je l’attendais. Vous ne m'en voulez pas de cette confiance. J'ai mal dormi. J'ai entendu chaque coup de vent. Ce matin la pluie hélas ! Et vous en calèche pour toute la journée ! J'ai prié Dieu ; je le prierai vingt fois le jour ! Je chercherai des consolations auprès de Génie.
Je ne suis restée aux Italiens que juqu’à 9 1/2. J’y ai vu les gouverneurs [Bathurl] & Kisseleff. J’étais triste et il me semblait que j’étais malade. Je viens d'écrire à Lord Aberdeen pour le prier d’avoir soin de vous épargner les fatigues et les veilles de la cour. Je lui ai bien recommandé cela, & de vous donner beaucoup de sa conversation.
1 heure. Je rentre de l'église. Un détestable prédicateur venu de la province. J’attends Génie. Mad. de Castellane m’écrit un petit billet tendre et fort arrangé pour me prier de l'annoncer pour demain à déjeuner à Champlatreux. Elle ne m'y trouvera plus, je veux revenir ici pour mon luncheon. Voilà Génie, et voilà mon adieu. Adieu. Adieu mille fois dearest.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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12. Paris samedi 11 juillet 1846 Midi

Quelle nuit j’ai passée ! Pas une heure de suite de sommeil. J’ai entendu sonner toutes les heures. à 4 heures les préparatifs, à 5 le départ, & puis j’écoutais, votre voiture a dû passer dans la rue Royale & sur la place. Je me suis levée comme je m’étais couchée triste, triste. Votre billet est venu à 10 heures. Merci, merci que cela va être long. Et puis tout est si fragile, vous soignerez-vous bien ? Le parapluie, les assassins. Les chambres n'auront pas été suffisamment aérées. No good house keeper comme moi pour vous préparer tout cela. Je m’inquiète exactement de tout. J'ai oublié de vous dire hier que Peel a la promesse de premier vacant garter. C'est bien de l'orgueil. Vous prendrez peut être l’autre bout, & vous direz : Pas assez ! J’aime assez l’article des Débats aujourd’hui sur Thiers & Palmerston fort bien ménagé l’un, et très bien rossé l’autre. Je n’ai pas eu la réponse de la Vicomtesse, elle est peut être à Dieppe elle-même. Dasse boffa. Cette visite commençait à m’ennuyer si elle ne répond pas je partirai Mardi pour Dieppe.
2 heures. J’ai été voir lady Cowley ; ils commencent leurs paquets. Le projet actuel est d’aller passer l'hiver à [Hin?], & revenir au printemps s'établir à Paris. Comme cela c’est assez convenable. Il fait beau, vous êtes content. A 6 heures vous serez enchanté. Je dis cela sans reproche, car je sais bien que mon souvenir viendra troubler un peu votre joie. 3 1/2 Lord William Hervey est venu mais il ne sait rien. On dit seule ment que le sacre sera un embarras. Lord Charles Wellesley a quitté sa place à la cour. Adieu. Adieu que je déteste ce mot quand il va si loin. Adieu. Mille fois malgré cela. La Princesse [Crasolcovy] vous prie de vous souvenir que vous lui avez promis un lascia pasare pour ses effets quand elle traversera la France ce qui sera tout à l'heure. Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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1. Paris, Vendredi 24 Février 1854

J'avais résolu de ne pas vous dire un mot de mon chagrin et de mon vide. Cela ne se peut pas. Il y aurait trop de mensonge dans le silence. Mais je ne vous en dirais pas plus long qu'hier matin, en vous quittant. Que Dieu vous garde et vous ramène. Je reste à Paris et vous êtes à Bruxelles. Sans vous, Paris, pour moi, c’est Bruxelles pour vous.
Hier matin, l’Académie. Tout le monde y était, sauf le Duc de Noailles. Dupin m'a demandé si vous étiez partie, avec des paroles de regret et s'excusant de n'être pas allé vous voir ces derniers jours. Je le soupçonne, un peu de n'avoir pas voulu être classé parmi les complices de la Russie. Peu de conversation politique. L’Académie commence à s'occuper du jugement des prix qu’elle a à donner cette année. C'est son coup de feu. Cela la distrait des autres.
Le soir quelques personnes chez moi, entre autres, le Duc de Broglie et son fils. Broglie était venu me voir la veille, et m’avait touché. Après m'avoir parlé de toutes choses, il m'avait dit, d’un bon d’amitié aussi vraie qu’embarrassée " Vous allez vous trouver bien seul ; venez nous voir plus souvent ; nous sommes chez nous tous les jours, les dimanche et lundi chez moi, les mardi, jeudi et samedi chez Mad. d'Haussonville la mère, les mercredi et vendredi chez ma fille et chez Mad. de Stael ; vous aurez toujours là de quoi causer avec des amis. Et puis, venez dîner toutes les fois que vous voudrez, avec Guillaume." Je lui ai serré la main de bon cœur.
On ne parlait que de deux choses l’entrée de l’Autriche dans l'alliance et le soulèvement des Chrétiens de Turquie. Deux grosses choses. On ne sait précisément et certainement ni l’une ni l’autre ; mais on les accueille l’une et l’autre avec faveur, comme des espérances ou des moyens de retour à la paix qui est toujours l'idée fixe de ce pays-ci. Je me trompe ; on parlait un peu d’une deux jours. Moins nombreuses qu’on ne l’avait dit ; mais on en annonçait d'autres. On dit, aussi que quelques personnes seront engagées à aller à la campagne. " à quelle compagne ? - Oh,à leur propre campagne, chez elles, hors de Paris seulement. "
Je ne suppose elle serait bien superflue ; je n'attends que le retour de ma fille Pauline pour m'en aller au Val Richer.
A onze heures, je suis allé signer le contrat de la petite La Redorte. Une cohue immense ; 1700 personnes invitées ; l’ennui de la queue m’a pris ; il faisait sec et pas froid ; j'ai laissé là ma voiture et j’ai été à pied. En arrivant, sur l'escalier, 2 ou 300 personnes montant, 2 ou 300 descendant ; tout le monde de connaissance, étrangers et Français ; quelques rares légitimistes. J’ai vu la Maréchale et La Redorte qui donnait le bras à sa fille ; très jolie. Il m’avait rencontré dans le premier salon ; il est revenu sur ses pas avec sa fille : " Ma fille veut vous bien voir et vous remercier d'être venu."
J’ai mis dix minutes à redescendre l'escalier. Au bas, j’ai rencontré Thiers qui attendait : " N'est-ce pas, lui ai-je dit, que la patience est la plus difficile des vertus ? - Oui ; pourtant, on l’apprend avec l’âge. - Comme on apprend ce qu’on subit." J'étais dans mon lit à minuit. J'espère que vous étiez depuis longtemps dans le vôtre. J’ai joui pour vous du beau temps de la journée. Adieu, adieu. Pour combien de temps ? Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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2. Beauséjour 5 heures jeudi 31 août 1843,

J’ai été en ville. J’ai remis à Génie ma lettre et une lettre de Lady Palmerston reçue après coup, et que vous me renverrez. J'ai fait visite aux Appony. Vraiment il est trop bête. "-Et bien, elle vient donc cette petite reine ? Caprice de petite-fille un Roi n’aurait par fait cela. - Pourquoi pas ? S'il en avait eu l’envie ? - Mais c’est que l’envie n’en serait pas venue. - C’est possible. Mais voilà toujours un grand événement et qui fera beaucoup d’effet partout. - Je ne crois pas. On dira que c’est une fantaisie de petite fille. - Fantaisie accepté par des Ministres qui ne sont pas des petites filles. - On sait qu'ils sont très plats et qu'ils tremblent devant elle. - En tous cas voilà parmi les souverains de l'Europe le plus considérable peut être, et celui qui ne se dérange jamais qui vient faire visite au Roi. C’est un grand précédent. (avec une mine et un geste très ricaneur) Il se trompe bien s'il croit pour cela que les autres feront autrement qu’ils n’ont fait jusqu'ici. Personne ne viendra. - Et bien on se passera mieux des autres visites depuis qu'on aura eu celle-ci. - Je suis bien sûr cependant que le roi eut été beaucoup plus flatté de la visite du roi de Prusse. - En vérité je ne sais pas pourquoi et certainement elle n’aurait pas fait autant d’effet que celle-ci. - à Vienne on n'y pensera pas. Je me mis à rire et je lui dis : - Savez-vous qu'il y a des rapportages en ville & que j'ai entendu moi-même dire à Molé que le corps diplomatique montrait beaucoup de dépit. Il est devenu rouge. Certainement pas moi. Nous sommes si bien avec l'Angleterre et si sûrs d’elle que nous serons même bien aises de cette visite. Je n’en avais pas assez et j'ai dit que Molé avait été assailli par des : " Avez-vous lu le National ? Décidément ceci l'a interdit. Il avait même l’air un peu colère, Armin est entré ; la conversation a fini. Il me semble que je vous envoie assez de commérages. Ce qui est bien sûr c’est que l'humeur de l’Europe sera grande et cela doit bien vous prouver que le continent sans exception est malveillant pour ici. Gardez l'Angleterre. C’est votre meilleure. pièce. Beauséjour vendredi 8 h dim. matin La journée a été bien mauvaise hier. Si vous n'aviez pas à recevoir une Reine je vous en conterais tous les incidents. Tout a été de travers, pas de fête, pas un coin et je me suis vu forcée de revenir coucher ici où j’ai failli ne pas retrouver mon lit. Je vous conterai tout cela à votre retour. Heureusement Pogenpohl était avec moi, ce qui a contenu ma colère, quoique pas trop. Il a un peu d'esprit et avant que j'eusse pris l’initiative il m’a parlé du voyage comme de quelque chose de très grand, très important et qui doit avoir un grand effet, ici et partout. Il a ajouté " à présent, les bouderies de l’Empereur n'ont plus la moindre portée. " Il ne fera peut-être pas autrement qu'il n'a fait mais cela ne veut plus rien dire. " Voilà qui est vrai. Le bon de ce voyage, c’est que tout le reste dévient égal. Ecrivez donc ou faites écrire à d’André de bien vous mander tout ce qu’il entendra dire. Vos autres après auront bien l'esprit de le faire sans attendre un ordre. J’ai fait prier Kisseleff de venir ce matin, je serai bien aise de lui parler. Fluhman viendra probablement aussi. 10 heures Que de choses utiles et bonnes à dire à Aberdeen. Vous n'oublierez surement pas de donner une bonne bais [?] à vos entretiens. Vous rappelez que le bon langage des Ministres anglais au parlement a bien puissamment contribué à calmer les folies françaises. Il me parait que vous devez, que vous pouvez vous établir sur un pied de si bonne amitié et franchise avec lui. Surement comme étranger vous lui cèderez le pas aux dîners, & & & Je vous dis des bêtises. Vous savez tout cela. Mais n’importe. Qu’est ce que l’affaire de votre consul et du drapeau français. à Jérusalem ? C’est mauvais. Sébastiani a eu je crois une affaire pareille à Vienne ou Constantinople. Ou bien n'était-ce pas Bernadotte ? Je reviens à Appony. Vraiment je suis un peu étonnée. Le meilleur !!! Metternich était bien tant qu’il croyait être seul à vous protéger car c’est bien là le sentiment. Sa vanité était en jeu et de là venait sa bonne conduite. Aujourd’hui il est débordé, son dépit sera grand, en attendant son ambassadeur est trop sot Voici votre N°1. Merci, merci. J’aime autant, et même mieux que la Reine ne vienne pas à Paris. On n’aura plus le droit de dire, petite-fille curieuse de s'amuser. Et puis. Vous serez libre plutôt. J'aurais aimé à causer avec Lord Aberdeen, mais vous n'oublierez rien, seulement j'aurais eu le contrôle. Je suis charmé que ce soit Andral j'espère qu'on choisira son meilleur rôle. Passé minuit est un peu trop leste pour la vue ; car il sort de son lit avec le stricte nécessaire. However I don't know. Les tapes sont une grande habitude en Angleterre ; peut-être par la chaleur aimera-t-elle la nouveauté d’un parquet. Si j’avais Lord Cowley sous la main je lui soufflerais la mauvaise humeur du corps diplomatique. Il se croyait si sûr de la probité autrichienne ! Nous en causions le dernier jour et il me disait : " pour ceux-là ils ne seront surement pas. jaloux. " Je regarde beaucoup le ciel. Quel bonheur s'il reste aussi beau ; ce sera superbe. Le danger qu’a couru le Roi et la famille fait faire d'étranges réflexions. Dans l’accident de l’an passé, il n’y avait pas de quoi se donner une entorse, et le Duc d'Orléans y a péri ! A présent ils devaient être tués tous, et il n'est rien arrivé qu'un bain à 3 chevaux ! Vraiment, vraiment la main du duc est bien visible. Elle protège toujours le Roi. jaloux. " Je regarde beaucoup le ciel. Quel bonheur s'il reste aussi beau ; ce sera superbe. Le danger qu’a couru le Roi et la famillie fait faire d'étranges réflexions. Dans l’accident de l’an passé, il n’y avait pas de quoi se donner une entorse, et le Duc d'Orléans y a péri ! A présent ils devaient être tués tous, et il n'est rien arrivé qu'un bain à 3 chevaux ! Vraiment, vraiment la main de duc est bien visible. Elle protège toujours le Roi. Je repense à ma conversation avec Molé. Certainement, il a retrouvé son esprit. C’est de très bon gout de dire son contentement du voyage, et il le fait avec un air très naturel, irréprochable. Le diable n’y perd rien peut-être, mais c’est égal.. Je vous écris des lettres énormes. Aurez-vous le temps de les lire ? On vient de me faire dire de Versailles qu'il y a un appartement. Je me décide donc à retourner. Si je puis entraîner Fluihman, je l’emmène si non j’irai seule. Adieu. Adieu mille fois adieu. l wish you success. Je serai bien contente d’apprendre que la Reine est actually arrived. Adieu. J'ai oublié encore à l’article Appony ceci : il me dit, j'espère que M. Guizot et ses collègues ne montreront pas trop d’orgueil de cette visite. Soyez tranquille. Ce sont des gens d’esprit. And now good bye for good. Mais encore adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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2. Beauséjour Samedi 2 heures le 12 août 1843

Je reviens de ville, où je n’ai vu que Durroy & M. Galand, ce n'est donc pas des nouvelles que j’ai à vous conter mais je veux ajouter à ma lettre de ce matin que j’ai remise à Paris, parce que je crains qu’elle ne vous fâche. Je regrette votre départ, je trouve d’après tout ce que m’a dit Génie que cela n’est vraiment, pas raisonnable, que vous avez été faible, mais je ne vous reproche rien, et je veux avoir foi à votre promesse de 26 en dépit de ce qu'a dit votre mère. Répétez-moi le 26 dans chaque lettre. Vous tenez tant à avoir son respect pour votre parole, & vous me l'avez engagée. Et puis dites-moi, répétez-moi qu’il ne vous arrivera rien. Point d'accident, point de maladie. La semaine prochaine sera abominable et si longue, si longue ! Mais la suivante quel plaisir de me dire la commençant que je la finirai bien si bien auprès de toi dans mon petit salon. Que nous serons contents ! En attendant je me ferai tous les dragons du monde, et pour commencer il me semble que cette nuit, on viendra vous attaquer dans votre lit. Fermez-vous votre porte ? Comment ai-je pu oublier de vous demander cela ? Je relis, je trouve une familiarité extraordinaire sur cette page. C’est égal je n’effacerai pas. La P. Belontelly sort d'ici. Décidément elle croit que Mad. de Nesselrode va venir : si elle vient, je suis d’avis que vous ne soyez pas aussi poli que la dernière fois. Au fond Génie ne m'a dit sur la visite qui vous est venue ce matin que la circonstance qu'on n'appelle plus Bourges ni roi ni reine. Ce n'est pas grand choses. Le faisait-on avant ? Je ne me sens pas bien, je voudrais me distraire. J'ai froid aux jambes. Sur les nerfs. Ils iront mal jusqu'au 26. Voici une petite lettre d'Emilie reçue à l'instant. Je crois que c'est le prétexte pour vous écrire deux lettres. Mais la vraie raison est que je voudrais en écrire et en recevoir toutes les heures. Adieu une fois, mille fois. Le 26. Le 26 et avant s'il plait à Dieu de nous envoyer une révolution, et à Lopeze vous demander un ambassadeur. N'allez pas m'escamoter cela. Adieu. Je vous enverrai Emilie demain au fond je ne l'ai pas encore lue.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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2. Boulogne midi dimanche 2 juillet 1837

Vous voyez comme je cours Monsieur. C’est superbe, et puis c’est insupportable car j’arrive et le bateau à vapeur est parti il y a deux heures. Il faut patienter jusqu’à demain 9 heures ! Soyez assez bon pour un faire passer le temps. Causons un peu et nous pouvons le faire bien commodément. Mon appartement est bien tranquille, pas le moindre bruit. Cela me fait une nouveauté après la bruyante rue de Rivoli. J’ai la vue de la mer de cette mer que j’aime tant & que vous connaissez si peu, & que je vous prie d’aller regarder pour me faire plaisir en descendant de voiture tout à l’heure j’ai senti une main saisir la mienne. Cela m’a donné une palpitation involontaire. C’était celle de lord Pembroke. Il ne valait pas la peine de m’agiter. Comme vous n’êtes pas femme, vous ne comprenez pas les bêtises que je vous dis là.
J’avais reçu en partant de Paris une lettre de mon mari. Je l’avais oubliée. Je l’ai ouverte aujourd’hui. Il m’écrit du 15 juin. Je me sens bien triste aujourd’hui. Je ne l’ai jamais été autant. Monsieur ces paroles dites ce jour là m’ont bien frappées.
4 h. Je viens de dîner, & j’ai reçu quelques visites. J’ai fait parler lord Pembroke, il a quitté Londres hier les Torys sont découragés, toutes les faveurs de la reine sont pour les Whigs. Lord Melbourne passe tous les jours deux heures de la matinée avec elle. Toutes ses idées sont accueillies. On ne dit rien de l’esprit et des opinions de la reine. On dit seulement qu’elle sait haïr, mais c’est bien quelque chose à 18 ans ! Elle veut à toute force chasser l’amant de sa mère. Elle le fait magnifiquement. Elle donne au chevalier Conroy trois mille lires sterling de pension pour qu’il s’en aille. Lord Pembroke s’est avisé de me parler aussi de french politics, il me dit : " Nous autres Torys nous n’avons qu’un vœu, c’est de voir M. Guizot aux affaires."
Mais monsieur ce n’est pas de politique que je veux vous parler, Je cherche... C’est de musique. Vous savez comme Je l’aime cette musique ! Comme elle m’enivre, comme elle me plait. Et bien, je l’entends, je la sens. Je n’ai pas lu aujourd’hui. j’avais trop lu hier, j’en ai mal aux yeux mais j’ai pensé à ce que j’avais lu j’ai trouvé des paroles qui m’ont été répétées. " Le paradis sur la terre." Il venait donc d’elle ? Et c’est avec elle qu’il était trouvé !
8 h. Je vous demande pardon Monsieur de vous parler à tort et à travers de tout ce qui me vient dans la tête. Quel début de correspondance et cependant, vous voyez bien que je ne vous dis rien, rien de ce que je voudrais dire. Je n’aime pas la contrainte. Je n’aime pas les souliers étroits ; un ruban qui me serre, & bien je n’aime pas plus les lettres que je vous écris, comment n’ai-je pas pensé à cela en m’engageant dans cette correspondance ? Dites Monsieur ne vaudrait-il pas mieux la laisser-là ? Hier & aujourd’hui ont été bien mal. C’est à dire bien maladroite. cela va vous fâcher, & je me sens toute humiliée d’avance de cette fâcherie.
Adieu Monsieur, adieu. C’est mon dernier mot de cette terre de France dans quelques heures je trouverai des émotions terribles. Ces pensées me font frémir. Le manteau de Raleigh (je crois que c’est le nom/ sera-t-il assez puissant ? Ah Monsieur j’ai le cœur brisé. Pensez à moi, prenez pitié de moi, je suis bien malheureuse. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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2. Bruxelles Dimanche 26 février 1854

Merci du triste N°1. Quel brave homme que le duc de Broglie ! Je vois bien que mon chagrin ira en grandissant. Je suis très entourée mais qu’est-ce que c’est ? Et puis si mal arrangée en comparaison de ce que j’étais. Le temps n’est pas froid et cependant ma toux a augmenté beaucoup quoique je ne sois pas sortis du tout depuis mon arrivée. Tout le monde vient, connus et inconnus. Tout le corps diplomatique moins le Français. Lord Howard était en doutes sur l'accueil. Je l'ai fait rassuré. Il est venu avec sa femme, une fille du duc de Portland, très bien & spirituelle, et grande dame. Elle m’a apporté une lettre de Lady Palmerston à moi, très sympathique et bonne. Les Chreptowitch sont toujours là, trop. Le Prussien est excellent. L’Autrichien point d’esprit. Van Praet ma grande ressource. Il veut m'amener M. de Brouckere & le général Chazal. On veut m'amuser. Montalembert a eu l’air bien content de me voir, nous avons causé. Demain il retourne à Paris hélas. Le prince d'Aremberg aussi. Les heureuses gens !
Les nouvelles ici sont que mon Empereur a reçu avec une grande colère les remontrances de l’Autriche & de la Prusse. Qu'à Paris & Londres on presse l’Autriche de telle sorte qu’elle sera obligée de se prononcer & tout de suite, & qu’elle agira. L’enthousiasme en Russie est réel et énorme. Tout le monde veut faire des sacrifices. Un marchand de Moscou nommé Alexis à envoyé à l’Emp. 25 millions la moitié de sa fortune. Hélène va lui donner 300 hommes pour commencer. On dit que nos armées sont immenses. Le 1er avril nous ferons parler de nous. Je ne vois pas ici d’apparence du voyage du duc de Brabant, en tous cas on doute que sa femme l’accompagne. Voilà votre petit billet d’hier continuez, je vous prie. Ce sera mon seul plaisir, mon grand plaisir, ma joie. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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2 Bruxelles le 3 juin 1852

Je n’ai pas bougé de chez moi hier. J’ai vu deux fois Van Praet. Le roi avait voulu venir, il a pris un accès de bile. Il sera dans huit jours à Wiesbade.
J'ai causé un peu avec Collaredo, bien content de retrouver Londres, & de ne plus trouver Palmerston. J'ai bien parlé à Van Praet sur la nécessité de réprimer la presse. On ne peut pas vivre avec un voisin comme celui-ci. Ce sera une grande faute si un motif pareil poussait la France à sortir de chez elle, mais en définitive et malgré toutes ses protections, la Belgique serait abîmée. Elle deviendrait le théâtre de la guerre. [Van] Praet dit qu'on fera aussitôt les élections passées dans huit jours. Il faut modifier la législation, on le fera.
On est ici très fusionniste seulement on voulait attendre, et on croyait que tel était le conseil de Paris. Moi je n’y comprends rien. Si non que ce qui est fait et fait, & que ce qui se fera peut ne pas se faire. Voilà un raisonnement de [portier] ce qui veut dire good sense.
Trubert a vu hier Changarnier. Il fait son plan pour quand il sera dictateur. Comme Broglie fait sa Constitution ! Du reste tranquille & convenable & très solitaire dans son trou de [Malines]. Adieu. Adieu.

Je pars dans une heure. L'[Impératrice], est arrivée hier soir à Schlangenbad moi, je n’y suis annoncée pour Samedi. Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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2 Château d’Eu Dimanche 7 sept. 1845,
Midi

Je reviens du déjeuner. A côte de la Princesse de Salerne qui a voulu causer beaucoup. J’espère que la conversation a été plus agréable pour elle que facile pour moi. Les sourds feraient bien d’être tous muets. Bonne personne du reste avec cette dignité timide, un peu embarrassée et pourtant assez haute que j’ai vue à tous ce que j’ai connu de la maison d’Autriche. La Reine dit que l'archiduchesse est le portrait de François 2. A ma droite, sa dame d’honneur, la marquise de Brancaccio, sicilienne, femme d’esprit, dit-on, et qui en a bien l’air. Elle m’a parlé de la Sicile avec une verve de colère et d'opposition qui m’a plu. " On néglige toujours la Sicile. On opprime toujours la Sicile. Les ministres changent, l'oppression reste. Nous avons des ministres siciliens mais ils sont en minorité. Prenez la majorité. Venez chez nous nous enseigner comment on s'y prend. " Souvent, chez les Italiens, le naturel et la vivacité des impressions commandent la franchise.
Le prince de Joinville est arrivé ce matin, à 6 heures. Toujours grande incertitude, sur le moment de l’arrivée de la Reine. Ou aujourd’hui, vers 6 heures ; ou demain, à 5 heures du matin, ou à 5 heures du soir. Je parie pour aujourd’hui. D’abord, parce que j'en ai envie, ensuite parce que la Reine des Belges a écrit que c'était fort possible. Ils (le Roi et la Reine des Belges) sont allés la recevoir à Anvers hier samedi entre 1 et 2 heures. Nous nous mettons en mesure ici pour toutes les hypothèses.
J’aurai bien peu de temps pour causer, avec Lord Aberdeen. Je veux pourtant lui dire tout l'essentiel. Je vous promets qu’il passera avant moi. Les peintres sont encore, à l'heure qu’il est, dans la Galerie Victoria. Si la Reine avait le temps de se promener, elle verrait réalisées, aux environs du château, toutes les idées qu’elle a suggérées, les désirs qu’elle a indiqués ; un parc fort agrandi, de belles routes au lieu des mauvais chemins & &. Mais je doute qu’on se promène une heure.
Le courrier Russe qui avait été expédié au Prince Wolkonski, l’a rencontré à Eisenach & le Prince est arrivé à Berlin où il attend l'Impératrice qui a dû y arriver avant-hier au soir et qu’il accompagnera à Palerme. Le Kamchatka après l'avoir déposée à Swinemünde, ira passer le détroit de Gibraltar et l'attendre à Gênes pour la porter en Sicile. On croit, on dit à Pétersbourg que l'Empereur s’embarquera à Sébastopol et ira voir sa femme à Palerme.
Pourquoi me cherchez vous un cache-nez brun ? Le blanc que vous m'avez donné est excellent et m’a très bien préservé. Il est parfaitement convenable.
Voilà M. Royer-Collard mort. Je pense avec plaisir que nous nous sommes séparés en vraie amitié. C’était un esprit rare, charmant et un caractère, très noble. Quatre personnes ont réellement influé sur moi, sur ce que je puis être, devenir et faire. Il est l’une de ces personnes là. Le seul homme. Il a tenu peu de place dans les événements, beaucoup dans la société et l’esprit des acteurs politiques. Il leur était un juge redouté et recherché. Adieu. Adieu. Le Roi me fait appeler en toute hâte. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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2. Au château d’Eu Vendredi 1 sept 1843
9 heures

Je me lève. J’ai très bien dormi. J'étais fatigué hier soir. Je dors dans ma voiture comme il y a vingt ans et ma voiture est beaucoup meilleure qu’il y a vingt ans. Mais j’ai vingt ans de plus. Je suis très reposé ce matin. La Reine ira-t-elle à Paris ? That is the question. Personne n’en sait rien. Sebastiani qui est arrivé hier de Londres dit oui. La Reine des Belges persiste à dire non. En tout cas, le Roi le lui proposera et insistera. C'est mon avis comme le sien. Nous en tremblons pourtant. Des cris de polissons, un coup de scélérat, Tout est possible en ce monde et de notre temps. Nous avons fini hier le Roi et moi, par nous troubler beaucoup l'un l'autre en en parlant. Cependant la conclusion est restée la même. Il faut proposer et insister convenablement si elle ne veut pas, c’est bien. Si elle veut, nous ferons comme si nous ne craignions rien, et tout ira bien. Si elle veut, le Roi lui offrira deux logements, St Cloud ou les Tuileries à son choix. Aux Tuileries l’appartement de la Duchesse de Nemours en y joignant celui de la Reine des Belges, qui touche. Ce sera bien. St Cloud serait mieux, plus beau, plus gai et plus sûr. Comme elle voudra. Je suis ravi qu’elle vienne. Je serai très heureux quand elle sera partie. Elle est très aimable, car elle veut l'être beaucoup. Elle a dit aux Princes que depuis longtemps, elle était décidé à mettre le pied sur un bâtiment Français avant tout autre et à entrer dans le palais du Roi avant tout autre.
Les récits de Sebastiani sur son gouvernement sont aussi bons que ceux de l’intérieur de la famille sur elle-même. Peel, Aberdeen et le Duc de Wellington excellents, parlant de l’épreuve qu’ils viennent de faire de nous et de notre politique en Espagne comme d’un fait décisif. Peel parlant de moi, en termes qui font dire à Sebastiani : " C’est un ami que vous avez là. " Et puis autre chose encore que je vous dirai, et qui ne vient pas de Peel. L'opposition est bien et veut être bien sur le voyage de la Reine. Palmerston dit qu'elle a raison. J'ai deux longues lettres de Chabot. Il a encore un peu tort, mais moins que je ne pensais. Ce n’est pas du tout lui qui a demandé à venir ici ; c'est le Roi qui de lui-même, ou plutôt sur la provocation du Prince de Joinville, l’y a engagé, et l'a fait en me le disant.
Je tiens ceci du Roi à qui j'ai dit que je gronderais un peu Chabot ; et la lettre qui m’est venue hier de Chabot est parfaitement d'accord. Je suis bien aise d'avoir dit ce que j'ai dit. Ceci bien entre nous. Je ne sais pourquoi je vous dis cela. Mais on parle souvent vous le savez ; sans raison aucune, pour se satisfaire soi-même. Autre question qui nous préoccupe fort. Le Roi, ira-t-il en mer au devant de la Reine, pas loin, mais enfin en mer, en rade du Tréport ? Il le veut, et il a raison. On s'y oppose beaucoup autour de lui ; on me demande de m'y opposer. La Reine des Belges m'en a conjuré hier. On a l’esprit frappé des accidents. L’entrée du Tréport est difficile ; il y a peu d'heures dans la journée, où elle soit possible. Le Roi pourrait se trouver retenu dehors avec la Reine Victoria. Ses deux souverains hors de chez eux, et ne pouvant rentrer chez eux, ni l’un chez l'autre. Il y aurait à rire. Pourtant je suis de l'avis du Roi. La prudence est bonne, et aussi la crainte de faire rire. Mais on ne ferait rien, si on ne savait pas courir la chance de faire rire et pleurer. Et puis vraiment, il n’y aura lieu ni à l’un, ni à l'autre. En soi, la chose me parait simple et convenable. Le Prince de Joinville a un autre petit ennui. Ses deux steamers, le Pluton, et l'Archimède, ne marchent pas aussi bien que le steamer de la Reine qui est un bâtiment fort léger sur lequel on a mis une énorme machine de la force de 450 chevaux. Il craint de ne pouvoir la suivre de Cherbourg au Tréport.
La Princesse de Joinville est bien gentille ; grave comme un bonnet de nuit, en l’absence de son mari, elle ne peut par s’y accoutumer. Elle a quatre heures de leçons par jour, histoire géographie, littérature, français, dessin etc. Je vous quitte pourtant. Il faut que je fasse ma toilette. Le Roi déjeune à 10 heures et demie. J'aurai votre lettre dans une heure. Je ne sais pourquoi Versailles me semble plus loin que Beauséjour
10 heures Oui, Versailles est plus loin que Beauséjour. Vraiment, si cela ne vous contrariait pas trop je vous aimerais mieux à Beauséjour et à Paris pendant ce voyage. Vos idées, vos avis me sont nécessaires, et nécessaires à mon monde de Paris. Par Génie, tout ce que vous penserez ira à qui il faudra. Et la promptitude est tout en ce moment. J’ai bien envie de vous séduire. Je vous écrirai plus souvent si vous êtes à Beauséjour. Mes lettres vous arriveront plus vite et auront un effet s’il y a un effet à avoir. C’est abominable ce que je dis là. Je vous écrirai aussi souvent quoiqu’il en soit, pour mon plaisir et pour le vôtre. Mais il est sûr que Beauséjour est plus utile. J’écrivais ce matin à Duchâtel pour le télégraphe.
Molé a de l’esprit. Je le savais. Mais l'humeur le lui ôte quelque fois. L’humeur de tous les autres m'amuse infiniment. L'enfantillage m'étonne toujours un peu. Pourquoi avoir de l'humeur quand on ne peut et ne veut rien faire ? Soyez tranquille ; je ne serai pas trop orgueilleux. Mais je vois bien tout ce que ceci vaut. Je sais bon gré au duc de Noailles. Je vais déjeuner. Merci de ce N°1, bon et long. La longueur est ici la mesure de la bonté. Adieu. Adieu. A tantôt. La poste ne part qu'à 2 heures

Midi et demie. Je viens d'avoir un rare honneur. J’entre dans la salle à manger. La Reine prend la Princesse de Joinville à sa droite, et me fait signe de me mettre à côté d’elle. Mad. du Roure à qui je donne le bras, et qui n’a pas vu le signe, me dit : " à côté de la Princesse Clémentine. Je n’en tiens compte et je me mets à côté de la Princesse de Joinville. " Mais non, non. " me dit mad. du Roure. - Mais si, dit avec un peu d'impatience la Princesse de Joinville, la Reine l'a dit. " Je m'assieds donc. Mad du Roure se penche vers moi et me dit : " C’est qu'en général on ne met personne à côté d'elle ; elle ignore tant toutes choses ! Et en effet, je ne l’ai jamais vue qu'entre deux Princes ou Princesses. On a fait une exception pour moi, la Reine l'a voulu et la Princesse en avait envie. J’ai causé. Parfaitement naïve, ignorante, vive, se tenant bien droite, le ton un peu brusque. Elle attendait que je lui parlasse et se tournait vers moi un peu impatientée quand j'étais quelque temps sans lui parler. A tout prendre j'en ai reçu une impression agréable. On a trop peur de ses ignorances. Pour le coup, ceci pour vous seule. Décidément la Reine des Belges insiste pour qu'on ne presse pas la Reine de venir à Paris. Elle en aurait envie, mais elle ne peut guères. Elle a promis de ne pas s'éloigner des côtes. On se croirait obligé de nommer une espèce de Conseil de Régence si elle s’enfonçait bien loin. L’insistance l'embarras serait. Elle craindrait que le refus ne fût une maussaderie. Voilà le dernier état de la question. Adieu. Adieu. Adieu. G.
Voici la lettre de Lady Palmerston. Evidemment gracieuse à dessein, quoique de loin. Cela est fort d'accord avec le dire de Sebastiani. Dites, je vous prie à Génie ce qui est de nature à lui être dit dans ce que je vous écris, pour que je ne sois pas obligé de l'écrire deux fois. J’ai et surtout j'aurai bien peu de temps.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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N°2 Dimanche 2 juillet 10 heures du soir

Je rentre de ma promenade solitaire. Il n’y a presque plus personne à Paris, et je ne vais pas chercher ce qui y reste. Le bonheur, les affaires ou la solitude. C’est un blasphème de placer ces trois mots l’un à côté de l’autre. Le bonheur ne doit jamais être nommé que tout seul ; rien ne lui ressemble. Mais sans bonheur, et à défaut des affaires, j’aime bien mieux la solitude que le bavardage des indifférents. Je sais qu’on ne la supporterait pas longtemps, que l’âme s’userait vite à vivre ainsi à ses propres dépens et de sa seule substance. Mais finir seul sa journée se promener deux heures sans rien regarder, sans rien dire, n’entendant que le bruit de ses pas n’écoutant que cette voix intérieure qui nous entretient de notre passé ou de notre avenir, c’est assez doux. Dans les affaires mêmes, un peu de solitude est bonne ; il faut un moment chaque jour, secouer tous les jougs ne relever que de soi-même, permettre à sa pensée cette liberté insouciante qui lui conserve seule toute son originalité et sa grandeur. Gouverner n’est pas labourer. On s’hébête à avoir toujours la main sur la charrue et l’oeil sur le sillon. C’est un grand vice de notre organisation politique en France que ce travail incessant, ce défaut absolu de loisir auquel nous nous sommes condammés. A faire un tel métier, on se sent devenir machine soi-même et on tombe bientôt au dessous de sa tâche pour n’avoir pas su ou pu, de temps en temps, la laisser là et n’y plus songer. Je vous assure Madame qu’au milieu des plus pressantes affaires, une heure de conversation avec vous n’importe sur quoi serait, tout plaisir à part, le régime le plus sain du monde. à la vérité, ce n’est pas là de la solitude.
Lundi 3. 10 h du matin. Voilà votre lettre d’Abbeville. Je ne serai pas seul aujourd’hui. Que vous êtes aimable! Je voudrais vous le dire à mon plein gré. Mais je n’en ferai rien. Cette lettre n’ira cependant pas par la poste ; elle vous sera portée par le jeune homme dont je vous ai parlé, M. Nettement, qui va passer trois semaines en Angleterre et vient de me dire qu’il partait demain. Un moment, il m’a semblé que dans cette confiance, je vous parlerais comme nous nous parlions ici. Cela ne se peut ; j’y renonce. Ces mains étrangères, quelque sûres qu’elles soient
Ces chances lointaines, inconnues, tout cela refoule dans le cœur les choses qui auraient le plus envie d’en sortir. Il y a un degré de vérité, de liberté, qui ne souffre aucune entremise. C’est déjà trop quand on est ensemble, que la nécessité de rédiger ses sentiments en phrases et de les envoyer à deux pas en entendant le bruit de sa voix. L’âme ne passe jamais tout entière dans cette manifestation extérieure, et au moment même où elle parle, elle aspire. Surtout à être devinée dans ce qu’elle retient. Je ne sais lequel de nos poètes pour peindre la conversation. intime de deux amants a dit :
Cachés, et se parlant tout bas, quoique tout seuls. Il savait ce que c’est que l’intimité.
A tout prendre cependant, je me sens un peu plus à l’aise par M. Nettement que par la poste. Je lui remets donc cette lettre. Si vous êtes encore à Londres quand il en partira, il ira vous demander vos ordres pour moi. Vous pouvez les lui donner en sûreté. J’étais sûr que les volumes vous plairaient beaucoup. Si je n’en avais été sûr, je ne vous les aurais pas envoyés. Je ne déteste rien tant que la profanation d’un souvenir. A présent, quand vous reviendrez (car vous reviendrez) je vous parlerai librement de ces deux nobles créatures qui ont tenu tant de place dans ma vie. Il n’y a jamais eu, entre elles et moi, cinq minutes de roman. Je m’éprise le roman. Il a la prétention de surpasser la réalité et il lui est bien inférieur. L’amour vrai l’admiration vraie le dévouement vrai sont très rares, c’est pourquoi les gens qui ne s’y connaissent pas les appellent romanesques. Ils ne le sont pas du tout ; ils sont au contraire, quand ils existent tout ce qu’il y a de plus simple de plus positif, de plus pratique. Seulement il ne faut pas s’y tromper et prendre pour les sentiments-là, les fantaisies qui s’en attribuent le nom. Les feux follets qui traversent l’air s’appellent aussi des étoiles ; mais ils n’en ressemblent pas d’avantage aux étoiles véritables, et celles-ci n’en sont pas moins hautes et fixes parce que des traits de flamme apparente courent et brillent un moment dans les régions inférieures de l’atmosphère. Pourquoi vous parlerais-je aujourd’hui d’autre chose? J’ai le cœur joyeux et profondément indifférent à tout ce qui n’est pas ma joie. J’attendais votre première lettre avec une inexprimable impatience. J’avais soif de rentrer par ce simulacre, en possession de nos longs et doux entretiens. Dans une charmante habitude la première interruption a quelque chose de très amer. L’âme se précipite pour ressaisir le fil qui lui a échappé un moment. Adieu, dearest Princess. Soignez-vous comme vous me l’avez promis. Je serai charmé que vous me donniez des nouvelles ; mais sachez bien que j’aime infiniment mieux autre chose.
Adieu. Adieu. Guizot Je suis obligé de rester deux ou trois jours de plus à Paris. Moi aussi, j’ai négligé mes affaires et comme il y en a qui intéressent mes enfants je veux les faire avant de partir. Remarquez mon cachet. C’est celui dont je me servirai habituellement.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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2 Paris dimanche 12 juillet 1846 onze heures
Je n’ai rien à vous raconter. Qu'une bonne nuit. Il fallait bien finir par dormir. Mad. Danicau sait lire dans les gros volumes ; elle sait manger et se promener, elle parle et elle sait aussi se taire. Je l’ai menée à Boulogne. Les fils y étaient. Ils m'ont confirmé ce fait incroyable et très suspect que Mercredi on racontait à la bourse à 2 heures l’accident d’Arras c.a.d. une heure avant qu'il ne soit arrivé. Les journaux parlent de mettre Rothschild en jugement : les fils sont persuadés qu'il va revenir de suite. Je ne sais rien, je n’ai pas eu de lettre de nulle part. Annette est partie pour Dieppe. Génie n'est pas venu me voir hier. Peel me répond une lettre. pleine de rodomantades du passé. Et puis il finit : " You know I always declared against a government by suffrance." C'est un esprit orgueilleux & irrité. Je vais commencer à ne plus l’aimer autant. 1 heure. J’ai été à l’église. pendant ce temps Génie est venu quoique je lui eusse écrit pour le prier de venir me trouver entre 5 & 6 heures. Il n’a pas aussi envie de me voir que vous. Et il se pourrait fort bien que je parte sans que nous nous soyons rencontrés. Vous voyez bien d’après cela que je ne sais pas le plus petit bout de nouvelles. C'est beaucoup, vous perdre vous, & toute l’Europe par dessus le marché. Mad. Danicau revenue de Bar hier m’a dit que l'élection de votre candidat, M. Jamin je crois, est fort compromise car il n’est pas aimé là ni lui, ni son père. Il pourra vous arriver des surprises. Adieu. Je crois qu'il est prudent de fermer ma lettre de bonne heure vu le dimanche. Pauvre dimanche, pauvres jours de la semaine. Plus de plaisir, plus de bonheur, plus de causerie plus de nouvelles. Et vous bien content au Val Richer. Voilà de la grosse jalousie qui perce. Quand est-ce que vous me ferez le sacrifice de deux jours seulement de bon air & de campagne, à nous deux ? Adieu. Adieu. Adieu
3 heures. Voici que me sont tombés à la fois. Sir Robert Adair, Génie, & la Redorte. Jugez comme c’est commode ! Il est clair que je n'ai vraiment causé avec personne. Génie écloppé m’a montré Rayneval du 2. Dites-moi s'il y a quelque chose de plus dans la lettre particulière. Adair rit beaucoup de la situation anglaise. Cela ne durera pas. Grey fera sauter le Cabinet ou bien il sortira et ira porter ses tracasseries à l’ennemi. Peel l'homme le plus puissant de l'Angleterre. La Reine un chiffon dont personne ne s'embarrasse. La Redorte dit que Thiers est un sot on ne s’y prend pas bien. Pour les élections il faut une question que les électeurs comprennent. Et bien ! Ils ne comprennent rien à la politique étrangère cela leur est indiffèrent. Mais les fonctionnaires députés à la bonne heure, voilà ce qu’il faut dénoncer, et cela tout seul, & ne pas y mêler le Roi. Et puis, Thiers a contre lui deux essais malheureux. On ne veut plus de lui. Je vous ai tout redit, & je vous redis Adieu. Adieu.
Me revoilà encore. W. Hervey est venu me lire une lettre de Keene. Seconde entrevue entre Aberdeen & Peel : Aberdeen le priant de le regarder comme un collègue prêt à lui donner renseignements & conseils, & plus jamais comme un rival, car jamais il ne reprendra les affaires. (hennebey? !) Tout marche doucement & bien. La sugar question décidera de la dissolution si on est battu ou dissout ; si non on laissera vion? le parlement tout son temps. Question d’Espagne très irritante. Bresson a dit que si on prenait un foreign prince la France lâcherait Don Carlos, grande rienine et révolte à Londres. J’ai dit que probablement c’était menti, mais qu’après tout, l'Angleterre avait fait quoi que cela en interdisant un prince français. Ici on reste dans un choix d'une demi douzaine. C'est trop long à vous conter, mais je vois bien que cela va devenir gros et tout de suite. Don Enrique est attendu à Londres où on se prépare à le très bien recevoir. Et bien qu'on l’épouse ou lui ou son frère, soyez sûr qu'Enrique va devenir the favorite et qu'il se présentera sous le patronage de Palmerston premier succès. Adieu. Adieu. Reve? va en Autriche pour voir si la monarchie menace ruine. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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2. Paris lundi 7 octobre 1844,
1 heure

Voici ma seconde lettre depuis votre départ. Départ, absence, c’est abominable. Je ne suis pas raisonnable. Je m’inquiète, je me désole. Hier je suis arrivée à 5 1/2 à Champlatreux. Très bonne et Gracieuse réception, M. & Mme Molé sur le perron. Personne au Château que M. & Mme de la Ferté & Madame, je ne sais what de l’aigle. Petite femme une lionne.
Le diner à 7, la causerie générale jusqu'à 10 1/2. Ce matin à 9 heures promenade à pied dans les serres, & à 9 1/2. All night go on. J’étais ici avant midi. Il ne s’est pas dit un mot de politique. L’humeur est douce & galante.
Voilà Génie qui entre votre lettre à la main. Belle lettre ! Belle aventure. Vous voyez bien que vous ne songez à rien. Que personne ne s’occupe de vous, et de ce qui vous regarde chez vous. Partir avec une roue qui ne tourne pas ! Rester pour cela cinq heures de plus sur la grande route. Coucher dans une méchante auberge. Une chambre qui n’aura pas été avec des matelas froids, du linge humide. Un stupide valet de Chambre qui n’aura su rien faire ! Je suis dans une colère, ah mon dieu, que je suis en colère ! Ce voyage commence mal. Je vais plus que jamais me chagriner. Je ne saurais rien vous dire que mon désespoir.
Le temps est clair, mais le vent est très froid et très contraire et suffisamment fort pour vous rendre bien malade. Si vous étiez très bien portant, très fort, je serais très inquiète. Voyez un peu ce que je suis aujourd'hui ! 3 heures
Je viens de voir Appony & Bacourt. Point de nouvelles, ils m'en demandent. Voici une lettre de Lady Palmerston reçue à l’instant et que je vous envoie. Ils ne viennent pas à Paris. No harm. Adieu. Adieu, plus que dearest. Si vous pouvez vous soigner. Si je pouvais avoir demain de bonnes nouvelles. Et que je serais contente. Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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2 Paris, samedi 25 février 1854
Midi.

Je comptais avoir ce matin des nouvelles de votre arrivée. Elles ne sont pas encore venues. Je pars pour l'Académie que je préside le samedi, et de bonne heure. Hier matin, Duchâtel et des Américains, le nouveau ministre. des Etats-Unis à Pétersbourg. M. Seymour. Le soir, chez Mad. de Staël, le Duc de Broglie, Viel-Castel, Langsdorff, Rumpff, Sahune, George d'Harcourt, Mérode. Point de nouvelles du dehors. Les arrestations au dedans faisaient les frais de la conversation. Il y en a eu de nouvelles hier. De plus, M. de Persigny a fait venir les président de trois principaux Clubs, le Prince de Chablais, M. de Biron et un troisième, et leur a, en termes très polis, mais très péremptoires, recommandé plus de réserve dans les propos et les entretiens des Clubs. On a affiché dans les salles : « On ne parle point politique. "
Je doute que l’article du Journal de St Pétersbourg pour justifier l'affaire de Sinope par votre ignorance du texte in extenso de la dépêche anglaise du 27 décembre, produise un bon effet. On n’a pas bonne grâce à dire : « Que ne m’avez-vous montré en détail, et par écrit, toute votre résolution ? Si j’avais su, mot pour mot, combien vous étiez fâchés, j'aurais peut-être agi autrement. " On disait hier soir que l'emprunt n'était pas encore conclu que Rothschild attendait la résolution définitive et complète de l’Autriche. Adieu, Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Rade de Portsmouth, 8 h. 3/4
Mardi 8 oct. 1844

Nous allons débarquer. Nous n'attendons que l’arrivée du Prince Albert qui doit être à Portsmouth à 10 heures. La traversée a été excellente. J’ai dormi au moins neuf heures. Pas trace de mal de mer. Je viens de bien déjeuner. Nous sommes entourés de yacht sutters, bâtiments de toute sorte, pleins de femmes autant que d’hommes. On nous annonce an emphatic enthusiasm. Le temps est très beau, soyez tranquille, à mardi prochain. Adieu. Adieu, dearest. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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2 Val Richer. Lundi 13 Juillet 1846,
Charmant N° 2. Long et charmant. Sa longueur m'inquiète, un peu pour vos yeux. Sans regret, pourtant. Ménagez vos yeux. C'est, pour moi, une des préoccupations de l'absence. Je suis fort aise que Mad. Danicau sache lire. Trouvez-vous toujours de l'intérêt dans les gros volumes ? Cet été la petite session finie, quand je serai rétabli à Paris, nous reprendrons votre Grèce, pour la compléter et polir ensemble. J’ai des nouvelles ce matin de votre ouvrage, je veux dire de la Grèce en personne. Jamais agent étranger n'a conspiré plus scandaleusement que Lyons. Si Colettis le traitait comme Cellamare fut traité chez nous, il y a cent et je ne sais plus combien d'années, il ne ferait que justice. Mais il est trop petit pour user de son droit. Il se contente de déjouer les conspirations, et de faire condanmer, par les tribunaux, les petits conspirateurs. C'est ce qu’il vient de faire avec grand succès et bruit à l'occasion de quelques essais de brigandage, évidemment fomentés et soudoyés par les amis de Mavrocordato. C’est-à-dire par ses maîtres Colettis s'affermit par la lutte, au lieu de s’user. Le million que nous avançons pour les routes grecques, et la Pairie de Piscatory vont faire là un excellent effet. Je me suis donné le plaisir de le lui écrire samedi matin avant de monter en voiture. Il est de fait que je m'intéresse bien plus à ce petit pays depuis que je sais que vous avez eu la main dans son berceau. Je veux qu’il dure et qu’il prospère, et que votre nom et le mien se mêlent, là un jour dans les récits de sa première histoire. L’ambition et l'affection sont bien intimement unis et confondus dans mon cœur. Voici Aberdeen et Peel. Vous me les renverrez. Evidemment ma lettre a fait un très vif plaisir à Aberdeen. J’en suis charmé Brougham m'écrit aussi, pour me bien inculquer qu’il devient chef du parti conservateur qui se réorganise ardemment. Ce n’est pas la peine de vous l'envoyer. Je lui répondrai demain, sur mon invitation à dîner. Certificat confirmatif du vôtre. Point de lettre particulière de Rayneval.
Le Roi ne me laisse pas dormir. Une estafette chaque nuit la première à 4 heures, la seconde à Génie. Je me suis rendormi sur le champ. Je dors très bien après avoir beaucoup marché. Estafettes sans grande nécessité, si ce n'est d’avoir mon avis sur deux ou trois nominations de Pairs de plus, que le Roi et le Maréchal demandent. Je dis oui pour le candidat du Maréchal, non pour ceux du Roi. Je suis sûr que le Roi m’approuvera. Je lui ai expédié ce matin ma réponse à Dreux, pour qu’il l'ait dans la nuit et soit dérangé à son tour. Il est très préoccupé de D. Enrique. Il a raison. Je crois vraiment que la question va se poser entre les deux frères. Nous pouvons les accepter tous deux très convenablement, même celui qui, au fond, ne serait pas pour nous un succès. Je tâcherai de ne pas sortir de cette position. Narvaez est pressé de retourner à Madrid, et moi pressé qu’il y retourne. Recueillez bien, je vous prie, tout ce que vous pourrez sur D. Enrique à Londres. Je pense qu’il y sera bientôt. J’ai peur que le pied de Génie ne vous fasse un peu tort. J'en serais bien contrarié.. Vous ne me dîtes, rien de Mouchy, ni de Dieppe. Je voudrais tout s’avoir heure par heure. Adieu. Adieu. Le temps toujours charmant, et bien moins chaud ici qu'à Paris. Je me suis promené hier de midi à 5 heures et demie. Aujourd’hui j'écrirai un peu plus. Si je vous avais ici, ce serait parfait pour envoyer à nos agents une correspondance particulière excellente, car il y faut deux choses, notre conversation et le loisir. Je n'en ai qu’une. On n'a presque jamais qu’une chose et il en faut toujours deux. Vous avez bien là quelque chose de Montesquieu. Son grand ouvrage l’Esprit des lois a pour épigraphe quatre mots latins Prolem sine matre creatam, ce qui veut dire un enfant créé sans mère. On lui en demandait le sens. " C’est, dit-il, que le Génie est le père des grands ouvrages et la liberté en est la mère. " A Montesquieu aussi, il eût fallu deux choses. J’oublie que vous n’aimez guères les livres, même grands. Adieu. Je vais écrire à Duchâtel et à Génie et lire le courrier d'Orient qui vient de m'arriver. Il est une heure. A 3, j'irai me promener jusqu'au dîner. Adieu. Adieu. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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2 Val Richer, Dimanche 29 mai 1853
8 heures

Je me lève après neuf heures de sommeil. Je sens la fatigue s'en aller. comme la soif quand on boit. Mais il ne fait pas beau ce matin. Vous ne connaissez pas le plaisir de voir pousser vos cerises, vos fraises, vos abricots et vos pêches. Marion vous dira si c’est un plaisir. Je reviens de mon verger à mes journaux à Paris, je les regarde ; ici, je les lis.
Le Moniteur met bien du soin à répéter le Morning Post qui dit que les Cabinets de Londres et de Paris, "ont agi, agissent et agiront à Constantinople avec l'accord le plus parfait et le plus cordial." On est très pressé de rentrer dans l’ornière. Il est vrai que cette fois, vous y avez poussé. Si votre Empereur avait, dés le premier moment, dit avec précision, à tout le monde, que pour se mettre à l'abri des firmants secrets et mobiles, il demanderait pour l'Eglise grecque, ce que la France possédait depuis deux siècles pour l'Eglise latine, c’est-à-dire des capitulations formelles, et que c’était là, pour lui, la question des Lieux Saints, il n’eût pas rencontré, j'en suis convaincu, les obstacles qu’il rencontre aujourd’hui ; car bien qu'énorme en fait et très différente par là de la prétention latine, la prétention grecque est, en soi et en droit, si naturelle et si raisonnable qu’on eût eu de la peine à la combattre. Mais elle ne s’est pas expliqué tout haut, toute entière et tout de suite ; elle a apparu au dernier moment comme une nouveauté par conséquent beaucoup plus grosse qu’elle n'eût paru au premier ; et vous avez créé, à la fin, une situation grave uniquement peut-être parce que vous avez voulu vous épargner, au commencement, quelques embarras de conversation. Je n'en persiste pas moins à penser que la situation grave sa dénouera sans événements graves.

Onze heures
Je persiste toujours, quand même la tentation de conciliation des quatre puissances n'aurait pas réussi. Le feu ne prendra pas à l'Europe pour cela. Vous avez raison, il fallait parler plutôt et plus haut pour vous. Vous voyez que je suis de votre avis, encore plus que vous, car je remonte plus haut. Adieu, Adieu.
Ne soyez pas trop fatigué en partant. Je remercie Marion. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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3. Beauséjour dimanche 9 1/2 le 13 août 1843

J’ai eu hier une visite très longue de M. de Barante. Pendant une heure j’ai été pleine de vivacité. Cela allait très bien. Et puis cela a langui et puis cela n’allait plus de tout. Il faut plus que Barante pour m’intéresser et m’occuper au delà d'une heure. Il n'a rien encore d'André il attend. M. Molé lui écrit de ? tristement, mécontent de sa santé et de tout. Il sera ici sous peu de jours. Barante est convaincu que Salvandy prendra Turin avec joie quoiqu'il continue à dire qu'il ne peut accepter que Madrid. J'ai vu le prince de Dolgoronky, il ne croit pas au voyage du Gal Oudinot. Il avait vu avant hier le Gal Pajol qu'il a interrogé à propos de ce que disent les journaux. Pajol s'est mis à rire. Oudinot est allé à Ems trouver sa fille malade. De là à Vienne. Il n’y a pas un mot de vrai au voyage à Pétersbourg. Dalgorondy de son côté dit que tel qu’il connait Oudinot c'est impossible nous verrons très incessamment. Appony chez qui j’ai dîné, m’a dit que le prince Metternich avait fait beaucoup de vœux pour Espartero et que sa chute lui causerait certainement beaucoup de peine. Voilà probablement le sentiment dans les cours d’Allemagne. Et je crois que cela se traduit par le chagrin du triomphe de la France. Je vous ai assez parlé des autres. à nous maintenant. Je ne me console pas, je ne me pardonne pas de vous avoir laissé partir. Il y a plus dans ce regret qu’il n’y avait autre fois. Cela me fait frissonner. Mon cœur me remonte à la gorge, j’étouffe et je pleure. Est-ce que je vous aime plus que je ne vous aimais ; est-ce pressentiment ? Nous verrons cela le 26. Il y a treize jours jusque là ; demain il n'y en aura plus que 12. Soyez bien assuré que je ne pense qu’à cela, et que cela ne me fera pas engraisser. J'ai revu mon salon hier pendant une demi-heure avant mon coucher. Je n’ai pas pu rester en place. J’ai joué du piano tristement, beaucoup de ? J’ai assez bon dormi. Avez-vous dormi ? pas de brigands ? Avez-vous pensé à moi, au chagrin que vous me donnez. Adieu. Je porte ceci en ville. Le dimanche on ne sait rien faire parler d'ici. J'irai à l’église. Vous savez pourquoi j’y vais à 4 heures je m'embarque avec Pogenpohl pour Versailles. Trouverai-je votre lettre à Paris ? Adieu. Adieu, tous les jours une lettre n’est-ce pas. Et dans chacune après l’adieu répétez le 26. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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3 Beauséjour Lundi le 8 7bre 1845
Onze heures

Merci, merci de vos deux lettres 1 & 2. Je vous imite, celle-ci porte le N°3. Je crois la reine arrivée et vous dans le full time of conversation. J’espère que vous ressortirez de là aussi content que vous l'avez été il y a deux ans.
J’ai eu hier une très longue conversation avec Kisseleff. Le maître n’est pas changé. Caractère, opinion, tout est resté de même. Seulement de plus en plus inaccessible à tout conseil. Personne ne rêve plus à en donner. Vraisemblance qu’il ira de la mer noire en Sicile. Je pense qu'il verra le Sultan un moment. Evénement ! J’ai été chez les Appony le soir ; assez mauvaise humeur mais qu'on cache.

Paris 1 heure. Je suis ici pour un moment. Je viens de voir Vérity. Il me trouve mieux qu'à Londres. Mais ce sera tout. Pas la moindre nouvelle à vous donner. Le plus beau temps du monde. et moi adieu adieu. Voilà tout et toujours.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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3. Boulogne, 9 h du matin.
Lundi 3 juillet

La marée n’arrive pas, je suis toute impatiente de placer la mer entre la France et moi. J’espère retrouver un peu de calme en Angleterre. J’en ai grand besoin. Il me semble que j’ai la fièvre. Ah monsieur, que je voudrais vous parler, vous écouter, vous mettriez mon esprit en ordre. Que d’idées s’y pressent. Tant de douleurs, tant de joie, tant d’incertitudes sur mon avenir. C’est un chaos ; mon cœur n’y suffit pas. Il est si plein, si plein. J’attends le Capitaine, dans 10 minutes je m’embarque. Je resterai sur le pont. Je regarderai, cette France tant que mes yeux pourront regarder.

Londres mardi 10 h. du matin, J’ai fait un passage superbe, deux heures et demie. J’ai pris quelque chose a Douvres, et puis je suis venu sans m’arrêter à Stafford house. J’ y étais à onze heures hier soir. Il y avait un grand dîner tous mes english friends de la couleur Whig. Lord Grey à la tête. Ils s’étaient lasser de m’attendre ; en sorte que je n’ai plus trouvé que la famille de la Duchesse, M. Ellice, mon fils. Il ne m’attendait plus. Il allait partir. Je l’ai rencontré sur ce magnifique palier avec cette belle Duchesse et un groupe de douze personnes. Tout cela m’a accablé. J’ai embrassé le Duc, croyant embrasser mon fils. Mes jambes ne me soutenaient pas. La fatigue, les battements de mon cœur en entrant à Londres, tout ce qui le remplit mon cœur ! tout cela m’avait étourdie. On m’a fait causer, on m’a même fait rire, on m’a servi à souper à minuit, on m’a mené dans mon appartement, mon fils est resté jusqu’à une heure. Il a bien de l’esprit, et il m’aime, c’est du bonheur pour moi de me retrouver avec lui.
Je me suis couchée sans pouvoir m’endormir. J’ai entendu l’horloge de St James sonner toutes les demi heures. Mon âme était si agitée ! Je viens de me lever, & je viens à vous Monsieur. Je vous ai fait un récit bien sec de ma journée d’hier. Je n’ose pas me livrer à la douceur de vous décrire mes sensations. Cela m’entraîne, cela m’égare je ne saurais où m’arrêter ; je dirais trop peu, je dirais trop. Avant de m’embarquer hier. Je me suis jetée à genoux. J’ai invoqué Dieu. Je lui ai si souvent demandé de me laisser mourir. Hier je l’ai prié de me laisser vivre ; de me conserver ce cœur que j’ai trouvé. Il y avait du trouble et cependant tant de passion dans ma prière, et de tristesse & de douceur.
Le temps a été magnifique ; la mer calme. Je vous ai dit que pour éviter le mal de mer il faut regarder la ligne de l’horizon. Je l’ai regardé tout le temps. Mon horizon c’était la France. Cette ligne blanche que mon œil apercevait encore presque au moment d’entrer dans le port de Douvres. Et puis quand on m’a dit que nous arrivions, je me suis retournée de l’autre côté et mes yeux se sont remplis de larmes. Cette île où j’ai été si longtemps heureuse d’un bonheur si pur, si doux, si calme. Je la revoyais donc toute pleine de tant de souvenirs, & rien J’ai regardé rien pour mon cœur ! tout avec calme, je crois. Quelques habitants du lieu attendant sur le bord m’ont reconnue. J’ai été accablée de soins, de prévenance, pas un embarras. Je leur ai si longtemps appartenu que toutes les difficultés s’aplanissaient devant mon nom. Il y avait du cœur dans cet accueil ; dans les auberges sur la route on m’apportait des fruits, des fleurs. Il n’y manquait que les couplets mais John Bell n’en fait pas ! J’entendais répéter mon nom ; moi même il me semblait que j’ y avais été la veille. Rien ne m’étonnait. Je rêvais, je regardais tranquillement en beaux paysages. Deux ou trois fois seulement à la vue de ces ravissants cottages, bien ornés, entourés de beaux ombrages, tapissés de fleurs, avec les beaux enfants jouant sur le gazon, j’ai senti comment on peut être heureux. Et les plus profonds soupirs sont sortis de mon triste cœur. En approchant de Londres la nuit était venue. Je la voulais. En plein jour je n’aurai pas supporté cette vue. Londres éclairée ne me rappelait rien qui peut faire faiblir mon cœur. Je n’ai donc pas pleuré mais j’étais en rêve, vous savez Monsieur tous mes rêves. Vous me l’avez dit & je vous crois. Vous me devinez, vous savez, vous comprenez tout ce que je pense. Continuez Monsieur à penser tout ce que je pense !
Quelle lettre Monsieur, c’est moi, toujours moi dont je vous parle. Je vais vous ennuyer. D’après le peu qu’on m’a dit hier au soir le règne des Whigs est parfaitement assuré. Ils disent éternel. Je saurai beaucoup aujourd’hui ce qui fait que vous saurez beaucoup demain. Dans ce moment je n’en puis plus; je suis accablée de fatigue. Adieu Monsieur. Adieu, ne m’oubliez pas.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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3 Bruxelles lundi 27 février 1854

Vos lettres sont ma seule joie. Continuez-les je vous en prie. Je n’ai pas bougé depuis mon arrivée, ma toux est beaucoup augmentée, mes yeux aussi me font mal. J’ai beaucoup de courants d'air dans mon appartement. Je ne parviens pas à m'en garer. On vient assez me voir, beaucoup même mais cela ne me plait pas. Montalembert seul me plait & il part ce soir. Van Praet est toujours ma préférence et est vraiment très agréable.
Les nouvelles Allemandes nous sont très défavorable, nous aurons tout le monde contre nous. Je crains qu’au lieu d’intimider cela n’aggrave l’obstination. Clarendon a fait un remar quable discours.
Mardi 28 Le duc de Saxe Cobourg arrive aujourd’hui. Il se rend à Paris où sa visite annoncée fait plaisir. Khiva est décidément pris. Et mon Empereur décidement bien en colère contre les Allemands. Je vous remercie de me dire l'emploi de vos journées. Je veux pour vous de la distraction mais point d'habitude. Mes soirées éparpillées. Ah que je pense à tout cela ! & si on me regrette, jugez comme je regrette à mon tour ! Avant hier je me suis pris à pleurer. J'en ai encore mal aux yeux. aujourd’hui. Quelle chute !
Pourquoi le journal des Débats me fait-il faire des visites à Chreptovich & Kisseleff ? Imaginez, débarquant & courant tout de suite ? Le fait est que je n’ai pas encore bougé de ma chambre et quand je bougerai ce sera pour prendre l’air. S'il y en a jamais de prenable. à Bruxelles, mais certainement je ne ferai visite à personne. Il fait très froid et tout a l’air si triste ! Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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3 Château d’Eu Lundi 8 sept. 1845
7 heures du matin

La Reine est signalée. On entrevoit sa petite flottille. Je viens de faire, en toute hâte, une toilette un peu incomplète. J’ai été plus expéditif que le Roi. Je sors de chez lui. Il lui faut encore vingt-minutes. Nous partons immédiatement pour le Tréport. Le temps est superbe et la mer parfaitement calme. Nous serons de retour, ici, je pense vers 10 heures. Nous avons fait hier en mer, à la découverte, une charmante promenade de deux heures. Pas la moindre apparence d'indisposition.
Toute la famille royale était là, même le comte de Paris et le petit Philippe de Wurtemberg. Sauf les personnes indisponibles. Madame la Duchesse de Cobourg, qui vit encore chez elle et Madame la duchesse d’Aumale qui a l’air encore plus fatiguée d'attendre son mari que ses couches. Le soir pas grand chose ; un peu de dépenaillement général ; on allait et venait du salon, dans la galerie Victoria qu'on arrangeait, encore. Pas assez de candélabres. Les lampes pas encore arrivées de Paris. Des impatiences Royales. Des serviteurs empressés et embarrassés sans inquiétude. Il y a de la bonté et de la confiance dans la bonté. Je suis rentré chez moi, et me suis couché à 10 heures. J’ai très bien dormi. Je sors avec ma grosse redingote et mon cache-nez blanc. Il fait frais. Mon rhume va bien. C’est-à-dire moi non pas lui.

Une heure
Je cause avec Lord Aberdeen depuis onze heures un quart. Je suis content. Je crois qu'il l’est aussi. La principale question, l’Espagnole coulée à fond, à sa complète satisfaction. Le Roi l’a abordée sur le champ avec lui, à bord du Victoria-Albert. Plus l’ombre d’un nuage sur ce point. Tahiti et ce qu'on appelle les armements, restent nos deux embarras. Embarras des deux côtés, embarras très ennuyeux. Rien de plus. Il supporte moins bien les embarras que moi. J'ai établi très nettement ce que je pouvais et ce que je ne pouvais pas. Je vous répète que je suis content. Amical au dernier point. Et le Prince Albert beaucoup.
Charmante arrivée. Le temps encore plus beau qu’il y a deux ans. Arrivée au Tréport marée basse. Il a fallu monter dans de petites voitures, pour atteindre le canot royal à travers les sables et les galets. Une demi-heure en canot pour atteindre, le Victoria-Albert. Autant à bord, pour approcher du rivage. Nous sommes descendus dans le canot du Roi, le Roi, la Reine, le Prince Albert, le Prince de Joinville, le Prince de Cobourg et moi. Puis les petites voitures pour atteindre la terre ferme. La Reine gaie comme un entant. Excellent accueil de la population, moins nombreuse qu’il y a deux ans. Presque point de préparatifs : a friendly call between neighbours. Arrivée au château par le grand parc nouveau défilé des troupes dans la Cour. La Reine comme chez elle, reconnaissant les lieux, approuvant les changements. Grand, grand succès de la Galerie Victoria. Les tableaux de quatre jours sauvés par l’intention. On s’est promis qu’ils seraient beaux quand ils seraient faits.
A déjeuner le Prince Albert donnant le bras à la Reine. le Prince de Salerne de l'autre côté. La Princesse de Salerne à la gauche du Roi. Moi à côté de la Duchesse d’Aumale.
J’ai fait vos compliments à Lady Canning, pour elle et pour son mari. Après le déjeuner, établissement dans la galerie Victoria. On s’est écouté successivement. Nous sommes restés seuls, Lord Aberdeen et moi causant toujours. Je viens de l’installer chez lui. A 2 heures, promenade. Tout le monde y va. Ce soir, à 8 heures spectacle. La petite pièce est Le nouveau seigneur. On commence par là. Demain, grande promenade et luncheon dans la forêt, à la Ste Adelaïde. La Reine part entre 4 et 5 heures. Adieu. Adieu.
Il n’y a pas moyen de continuer. L’estafette part. Adieu. G. P.S. Soyez assez bonne pour donner à Génie quelque chose de ces détails.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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3 Château d’Eu, Samedi 2 sept 1843
6 heures et demie du matin.

Il fait toujours très beau, et bon vent d'ouest. La Reine, la nôtre, avait grand peur que l'autre Reine n’arrivait cette nuit. Le danger est passé. Les Cowley sont arrivés hier à 3 heures. J'ai été les voir sur le champ en revenant du Tréport où j'étais allé avec Mackan m’assurer de tous les préparatifs. Ils ont l'air bien contents. Mais Lord Cowley, qui avait d'abord cru le contraire, dit que la Reine n’ira pas à Paris, qu'elle ne le peut pas cette fois. Nous verrons bientôt. Je crois quelle n'ira pas.
Chabot est arrivé aussi. Je lui ai fait mon admonition. Le tort était petit, à part ma facilité naturelle et ma bonté particulière pour lui. Il m’a écrit que le Roi le mandait à Eu le lendemain du jour où il l’a su ; et ce n'est pas sa faute si je le savais déjà depuis plusieurs jours, le Roi me l'ayant mandé tout de suite. Il est d'ailleurs fort agréable à entendre sur notre et ma bonne situation à Londres. Il y a évidemment un parti pris de s’entendre avec nous sur toutes choses et de reprendre en même temps le fond et les dehors de l’intimité.
Lord Aberdeen a assez mal reçu Neumann sur les propositions de M. de Metternich en faveur du fils de D. Carlos. Il les aimerait assez en principe, mais il ne croit pas au succès et ne veut pas s'en mêler du tout. Neumann à écrit qu’il n’y avait rien à faire du foreign office sur cette question là. M. de Metternich avait écrit partout, à Berlin entr'autres, qu’il était sûr de l'Angleterre et n'attendait plus que la France. La vanterie n’est pas un défaut des seuls Français. Le gouvernement représentatif en corrige beaucoup. Le ridicule ne peut pas s’y cacher.
Le corps diplomatique de Londres ne voulait pas croire au voyage. Là aussi on pariait, Brünnow comme Kisseleff. Lord Aberdeen y a été très favorable quoi qu’il souffre beaucoup en mer. Je crois toujours que l’espoir Cobourg y est pour quelque chose. Le Prince Albert et le Roi Léopold ont évidemment beaucoup contribué à la résolution. Votre recommandation est donc bien placée, mais point nécessaire ; soyez sûre.
L’appartement de la Reine est bien arrangé. Un bon salon avec un meuble de beau Beauvais, fond rose et des fleurs d'un travail admirable. Un bon Cabinet pour le Prince Albert en velours cramoisi. La Chambre à coucher, (j'oublie la couleur) grande et très pleine de meubles. Un lit immense. (jaune, je me souviens) en face de la cheminée. Au fond du lit un grand portrait de la grande mademoiselle à plus de 50 ans, grosse, forte, le nez en l’air, quoique long, l’air hautain et étourdi, bien comme elle était. Des portraits dans toutes pièces, et dans tous les coins de toutes les pièces. En face du lit de la Reine à droite de la cheminée, le père de l'Empereur Napoléon, Napoléon et M. de Lafayette. A gauche, trois Princes de la maison de Bourbon anciens, je ne sais plus lesquels. Après la Chambre de la Reine, son cabinet, pas grand, fort joli. Beaucoup de petits comforts inspectés par le Roi avec un soin incroyable. Il était bien en colère hier parce que les serrures n'avaient pas bonne mine. Elles auront bonne mine.
J'ai vu hier Madame la Duchesse d'Orléans. bien triste. Je la trouve un peu engraissée, mais fatiguée et le teint échauffé. Bon et beau naturel. Soyez en sûre Elle viendra un peu le soir, dans le salon de la Reine. Ce sera sa rentrée dans le monde. Le Comte de Paris est à merveille, gras, gai, l'œil ferme et tranquille. Le duc de Chartres bien grêle et bien vif. Je l'ai vu hier au Tréport. Le comte d’Eu sur les bras de sa nourrice, un superbe enfant.
Le camp de Plélan va très bien. Parmi les légitimistes bretons, l'ébranlement est général ; et la masse de la population accourt au camp avec avidité. Les curés très puissants là, se rallient tous. Le Duc leur convient. La Duchesse plait. Et les soldats aussi plaisent au peuple. La Bretagne n'avait rien vu de pareil depuis on ne sait combien d'années. Les comédiens de Vannes sont venus s'établir au camp. On s'amuse utilement. A propos de comédiens nous aurons ici lundi, l'Opéra comique et le vaudeville. Jean de Paris et les deux voleurs ? Qu’est-ce que les deux voleurs ? Arnal y est-il ? Il faut pourtant que j'écrive à d'autres. Nous serons probablement convoqués, tout à coup, après le déjeuner, pour nous rendre au Tréport. Dès que la flottille de la Reine sera en vue, trois coup de canon l’annonceront. Nous endosserons notre uniforme, nous monterons dans les calèches; et Dieu sait quand nous reviendrons; à quelle heure je veux dire. Les approches, la marée, le débarquement, les cérémonies, rien ne finit. Cette lettre-ci partira donc sans que j’y puisse rien ajouter, par le courrier de 2 heures. Mais je vous écrirai ce soir par l'estafette. Il n’y avait rien à faire du télégraphe. On n'aurait pu aller le rejoindre qu'à Boulogne 28 lieues d’ici. Mad. Angelet (vous savez qui c’est, elle a élevé la Princesse Clémentine) m'a fait les plus agréables rapports sur ce qu’on disait de moi, à Windsor, la Reine et tout le monde autour de la Reine. Je me suis trompé, c’est miss Lisdle et non pas miss Leeds ; une sœur de Lady Normanby. Adieu. Adieu. Je vous dirai encore adieu après le déjeuner, avant de monter en voiture.

9 heures. Voilà du canon. Le Roi me fait demander. Je pars. Adieu. Adieu. G.

Onze heures Je reviens. Ce n’était pas la Reine, mais un petit steamer anglais envoyé devant pour annoncer qu'elle arrivera vers 2 heures. The Ariet, Captain Smith. Il a quitté la Reine à Portsmouth. Elle a dû partir de Falmouth hier au soir à 6 heures, pour passer dans la nuit devant Cherbourg. Le Prince de Joinville, averti aussi, a dû quitter hier soir la rade de Cherbourg pour aller rencontrer la Reine en mer. Tout cela est arrangé, calculé avec une précision admirable. Nous venons de déjeuner et nous rentrons chez nous jusqu'à l'heure.
Que le n° 2 est amusant ! Je répète avec vous : " C’est trop bête. " Ne trouvez-vous pas que quand on n'a pas naturellement beaucoup d'esprit il ne sert à rien, dès que la passion arrive, d'être bien élevé et de bonne condition ; on tombe au plus bas, on devient grossier et subalterne, comme si on avait passé sa vie dans l’antichambre.
Vous avez mis Andral pour Arnal. J'en ai ri. Mon pauvre Andral a failli perdre tout à l'heure sa femme d’une fluxion de poitrine, la fille de M. Royer-Collard. Elle est un peu mieux. Je déjeunais à côté de Lady Cowley. J’ai fait avec elle ce que vous auriez fait avec son mari. Je lui ai soufflé l'humeur d’Appony. Je ne savais pas que Georgina eût le cœur si français. Au point, me disait sa mère, qu’elle trouve à tous les Anglais en France, l’air vulgaire. C’était à propos du Capitaine Smith ; et pour lui, il y a du vrai. Mais pas du tout en général. Adieu. Adieu. Je dis comme tout-à-l'heure. Il faut pourtant que j'écrive à d'autres. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Château de Windsor. Mardi 8 oct. 1844 - 5 heures

Je veux que vous voyez mon écriture. Je suis très bien. La mer et le voyage me réussissent. Réception à Portsmouth ultra toute attente. 2 ou 300 bâtiments de toute espèce, Toute la population sur les quais. Un hourra, sur terre et sur mer qui a duré tant que nous sommes restés à l'ancre, attendant le Prince Albert qui est arrivé, à 10 heures avec le Duc de Wellington, celui-ci comme lord lieutenant du Hampshire. Excellente adresse de la corporation de Portsmouth. Bonne réponse du Roi, reçue avec transport. Vous les verrez dans les journaux. Beaucoup de monde et de hourras sur la route.
Très bon accueil de la Reine, évidemment contente. Sir Robert Peel attendant avec la Reine au bas de l’escalier. De la cordialité la plus empressée avec moi. Il m'a cassé un doigt. Je tâcherai de sauver les quatre autres. Lord Aberdeen arrive pour dîner. Point de monde d'ailleurs aujourd’hui. J’ai l’appartement de Lord Melbourne dans la tour du Diable. Adieu. Adieu.

Donnez, je vous prie, ces détails à Génie, à qui je n'écris pas moi-même. Adieu As the last. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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3. Cologne Vendredi 4 Juin 1852

Notre petit ami m'a remis votre lettre hier matin, et m’a raconté le reste c’est assez d’accord avec ce que m'a dit Van Praet. J'ai fait la route très agréablement dans une excellente voiture. Au débarcadère hélas je me suis séparée de mon fils avec chagrin très réciproque.
À Malines, j’ai aperçu Changarnier je l'ai appellé, il est venu très empressé. La vue de Madame |Kalerdgi] l'a contrarié. Il l’a appelée scélérate. A moi Il m’a fait compliment de mon nouvel ami Persigny. J’ai dit, ami, non, c’est trop fort, mais bonne connaissance. Il a parlé du serment d'amour qu'on avait voulu lui faire prêter après l’avoir traité comme il l’a été. Il a parlé de sa tranquillité, de sa philosophie. Il a bonne mine & l'air aussi arrangé qu'à Paris.
D'ici je serai escortée par le comte Goly et des amis de Mad. [Kalerdgi] Je coucherai à Coblence.

6 heures Coblence. J'arrive, journée très orageuse et ma malle, celle qui contient toutes mes parures, perdue, égarée entre Bruxelles et Cologne. Grande consternation et impossibilité d'avaler jusqu'à ce que je la retrouve. Cela me contrarie horriblement. Voilà comment je suis servie, vous voyez ma colère ! Je n’ai littéralement, absolument rien à mettre. Je me soulage en vous contant ma misère.

Samedi 5. 9 heures. La malle est retrouvée, à force de télégraphes & de protection prussienne elle m’est arrivée cette nuit. Je ne pars cependant qu’à midi. Cela convient ainsi à Mad. [Kalerdgi] et je lui dois de faire un peu sa volonté. Je coucherai sans doute à Biberich, et je serai rendue à Schlangenbad demain matin.
Pas la moindre nouvelle à ramasser en route, beaucoup de curieux, petits renseignements à recueillir de ma compagne. Elle a beaucoup d’esprit mais sans suite aucune. Elle sait assez bien observer. Elle amusera son oncle. Adieu. Adieu.
Je suis très impatiente de Schlangenbad. Je crois que l'[Impératrice] y restera plus longtemps qu'on n’avait dit. Le temps est assez froid, et toujours à l'orage. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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3 Paris, Dimanche 26 Février 1856

J’ai trouvé votre lettre hier soir, en rentrant à dix heures et demie. J'en étais bien pressé. Votre tristesse m'attriste et me plaît. Lequel des deux davantage ? Je n’en sais rien. Le 24 s'est passé très paisiblement. Les précautions du gouvernement ont atteint leur but. On n'est pas venu dans les rues, et on sera plus réservé dans les Clubs. Quoique les préparatifs de guerre soient peu bruyants, ils se font pourtant, et quoique la guerre ne soit pas plus populaire qu’il y a deux mois, on s’y accoutume.
M. de Witt m’écrit d'Hyères : “ Il faut reconnaître que jusqu'ici le retour aux préoccupations politiques ne s'est point tourné contre le gouvernement. On ne le rend point responsable de la guerre. La publicité bonne aux pièces diplomatiques a flatté le public, et il approuve l'Empereur de sang froid et comme par raison. La guerre est pour lui affaire de devoir, non de passion ou de plaisir. Ce n’est plus la gloire de la France, c’est l’équilibre Europe qu’on défend. " Je crois que cela est bien observé, et que telle est réellement, surtout en province, la disposition du public.
Le maréchal St Arnaud va mieux ; il est monté à cheval avant hier. C'est décidément lui, dit-on, qui commandera le corps expédition naire, entonné des généraux Pélissier, Bosquet et d'Assonville. Le général Canrobert reste à Paris pour faire l’intérieur du Ministère de la guerre. En fait de mesures financières, on dit que le message du 2 Mars annoncera le rétablissement de l'impôt du sel et d'un certain nombre de centimes dont la contribution foncière avait été dégénérée, il y a trois ans, quand M. Fould était aux finances. On calcule que ces mesures augmenteront le revenu de 50 ou 60 millions à l'aide desquels on se promet de faire les emprunts dont on aura besoin.
Je ne sache pas quel Rothschild ait encore conclu. Voilà tout ce que je sais. J’ai vu peu de monde hier, Broglie et Dupin à l'Académie, Mad. Mollien en en sortant. Elle avait des nouvelles de la Reine Marie-Amélie que les troubles d’Espagne pourraient bien faire revenir plutôt en Angleterre. Elle ne veut pas se trouver au milieu d’un chaos Espagnol.
J’ai dîné chez ma fille. Le soir, une visite chez Mad. de Rémusat. J'étais dans mon lit à dix heures et demie. Je comprends les préférences affichées de votre Empereur pour M. de Castelbajac. Ces petites habiletés aident à la bonne politique, mais ne la remplacent pas. L'alliance Anglo Française résistera à la mine gracieuse ou disgracieuse pour les deux ministres partants. Je lis les mémoires de Ste Aulaire sur les affaires d'Orient en 1840. Ils m'amusent beaucoup. Rien de nouveau sous le soleil. Adieu.
J'espère qu’il fait beau à Bruxelles comme à Paris. Parlez quelquefois de moi, je vous prie, à la Princesse Kotschoubey J’ai envie qu’elle pense quelquefois à moi. Vous écrirez un jour à Marion. Il ne faut pas qu’elle croie que vous ne vous souciez plus d’elle. Adieu, adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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3. Paris lundi 13 juillet 1846 10 heures

Voici votre N°1. J’ai eu presque de la colère en voyant ce chiffre. C’est le commencement des mauvais jours, de tant de mauvais jours. Hier toute la diplomatie est venue chez moi le soir. Il n'y manquait personne, car même le Prince de Ligne y était. Je lui plais beaucoup car mes imprécations contre les chemin de fer sont encore d'un ton plus élevé que les siennes. Sa femme a vu de ses yeux 21 cadavres, et il y avait des carcasses entières qui n’étaient pas retirées de l’eau. Les journaux étouffent tout cela, & sont toujours des vilaines de bourse. Mais que dire de cette providence qui s’adresse à l’aristocratie d'une manière si frappante. 13 voitures culbutées. La 14ème celle où sont les enfants Ligne. La 15. La P. ? Crartoue? 16. Mad. Lauriston 17 La Princesse de Ligne, saines & sauves. Passons. Könneritz m’a dit qu’il n’y aura pas de Constitution en Prusse. Cela a été décidé à une dernière réunion du Conseil. Le Prince de Prusse est parti pour Pétersbourg laissant à tout événement une protestation formelle contre tout projet. Armin à qui j'en ai parlé doute. Mais il ne doute que parce que cela lui déplait. La Vicontesse est évidemment in distress, elle me prie de ne venir que Samedi. J’irai d'abord à Dieppe & si Dieppe me déplait j’irai chez elle, voilà qui est dit. Je crois que je ne partirai que mercredi. Je dine aujourd’hui chez les Cowley avec le vieux Adair. Je hais les paquets et les embarras, me voilà enfoncée là dedans. J'ai bien repensé à votre Espagne. Quel dommage que vous n’ayez pas bâclé un mariage quelconque. Vous avez eu 7 monthes Warning. Aujourd’hui ce même Enrique qui eût été de votre fait, ne passera plus pour cela. Palmerston s'en chargera. Et cependant il me semble encore que ce que vous avez de mieux à faire serait de l’épouser franchement. Qu’on puisse le dire appuyé, par vous comme par l'Angleterre. Car sans cela il y arrivera en dépit de vous. Cela me tracasse. Je n’ai pas encore causé du tout avec Génie. Je ne sais si aujourd’hui vaudra mieux que hier. La chaleur m’accable. Est-ce que j'arriverai à Dieppe ? 4 heures. Kisseleff vient de me montrer une très bonne dépêche en réponse aux légions d’honneur. Je suppose que Désages vous l'envoie. Adieu. Adieu. Adressez toujours vos lettres à Génie. Encore adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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N°3 Mardi 4 Juillet
Princesse

Ni moi non plus, je n’aime pas les souliers étroits. Vous pouvez vous en apercevoir. à dire vrai, et vous me passerez le terme, ce qu’il y aurait de plus agréable, ce serait de marcher pieds nus. Mais comme cela ne se peut, comme il faut avoir des souliers, je les aime mieux étroits que de ne pas marcher du tout. Y pensez-vous de me demander s’il ne vaudrait pas mieux laisser-là notre correspondance ? Madame on ne laisse pas comme on veut ce qu’on n’a pas pris parce qu’on le voulait. J’ai bien mis quelque chose du mien dans ma propre destinée ; et pourtant ce que j’y ai mis est bien peu à côté de ce qui m’est venu d’en haut... oui d’en haut, sans que je le demandasse et quand je n’y songeais pas. J’ai joui très vivement du bonheur. Le bonheur perdu, le vide est resté tet qu’il s’était fait ; je l’ai senti tous les jours sans chercher à le combler. Quand je l’aurais voulu, je ne l’aurais pas pu. Nous sommes, vis-à-vis de notre cœur malade, comme les Danaïdes vis-à-vis de leur tonneau ; ce que nous y mettons nous-mêmes ne le remplit pas. A une main plus puissante et plus riche il appartient de fermer l’abyme et d’y verser de nouveaux dons. Irons-nous, s’il lui plait de s’étendre avec bonté sur nous, irons-nous retuser son bienfait ou disputer sur le prix ? Non, Madame, non, il faut accepter, et jouir, et payer aussi cher que celui qui donne l’exigera. Vous allez retrouver, vous aurez retrouvé, quand cette lettre vous arrivera, de déchirants souvenirs ; mais tout déchirants qu’ils sont, à coup sûr vous ne voudriez pas les arracher de votre âme, vous ne voudriez pas ne pas avoir possédé les nobles enfants que vous avez perdus.
Un homme qui honorerait, il y a bientôt 200 ans le pays où vous êtes, le Duc d’Ormond, l’ami de Charles 1er disait, à la mort de son fils le comte d’Ossory tué en duel par le Duc de Buckingham. " Jaime mieux, mon fils mort que tout autre fils vivant. " C’est ce que je dis tous les jours du mien, et vous des vôtres; et nous aimons mieux ces maux, ces joies et ces douleurs inséparablement unis et confondus, que toute autre vie qui ne serait pas nous et ceux que nous avons aimés. Et si un beau jour se lève encore sur notre horizon, si une douce musique comme vous dites, vient encore frapper notre oreille, nous l’accueillerons nous en jouirons avec transport, qu’elles que soient les lacunes et les chances que la Providence y voudra attacher. En tout cas je réponds du manteau de Raleigh. C’est à vous, Madame, de me dire si vous croyez à sa puissance. N’ayez du moins à ce sujet que des émotions douces. J’ai le droit de vous le demander. Et puis, ne pensez jamais le moindre mal du 15 juin. Et puis encore écrivez-moi toujours comme vous m’avez écrit d’Abbeville et de Boulogne, dites-moi, taisez-moi tout ce que vous voudrez. Je jouirai des paroles; j’aurai foi au silence. Je vous défie d’inventer dans votre esprit, de trouver dans votre cœur de femme, quelque chose que je ne comprenne pas, si tant est que je ne l’ai pas devancé.
Mercredi 5 Je n’ai pas de lettre aujourd’hui. Je n’en espérais pas. Demain, j’y compterai. Je passe mes matinées d’une façon utile j’espère, mais bien monotone. Tout ce monde qui part, les députés surtout, viennent me dire adieu. Et la même conversation recommence avec chacun. Que le cercle où vivent la plupart des hommes est éteint et pauvre ! J’en suis toujours frappé à la fin d’une session. Ils sont tous épuisés, exténués d’esprit et de cœur. Ils ont évidemment dépensé, et au delà tout ce qu’ils avaient d’idées, de volonté, de force. Ils se traînent, ils baillent ; ils ont hâte d’aller se coucher et dormir. De toutes les conditions de la supériorité et de la puissance, l’activité, l’activité inépuisable est peut-être la première. J’ai beaucoup vécu avec le Maréchal Soult ; nous avons été près de trois ans ministres ensemble ; et pendant ce temps, j’ai vu tomber. l’une après l’autre devant moi toutes les qualités qu’on lui attribue ; il n’a ni esprit de suite, ni jugement sûr, ni vraie finesse d’intelligence, ni capacité efficace, c’est un grossier brouillon, un bizarre mélange du Gascon et du Barbare. Mais il est inventif, actif, infatigablement actif d’esprit, de corps, de volonté ; il projette, il combine, il trame, il pousse, il remue sans relâche. Il est important, il le sera toujours. Je doute qu’il y ait désormais grand chose à tirer de lui, mais son activité encore plus que son nom, lui donne une force avec laquelle tout le monde doit compter. Rien de nouveau d’ailleurs au milieu de ce décampement général. Ce que je sais de plus divertissant à vous mander, c’est la goutte de M. de Salvandy. Il avait l’autre jour un grand dîner, de la bonne compagnie des femmes, M. et Mad. Molé, M. Pasquier, Mad. de Boigne & & La goutte l’a pris : quand on est arrivé pour dîner, il n’avait pu quitter sa chambre ; M. Molé l’a remplacé à table ; et au sortir de table en rentrant dans le salon, tout ce beau monde a trouvé M. de Salvandy étendu sur un canapé, et faisant du soin de son immobilité, les honneurs de sa maison. Les mauvaises langues vont jusqu’à dire qu’il était là, en magnifique robe de chambre, un bonnet grec sur la tête en Sultan malade. Mais je n’en crois rien.
Savez-vous ce que je fais aujourd’hui? Je vais dîner à Chatenay. Cela me plaît-il ? Cela ne me plait-il pas? Je ne sais pas bien. Je vous le dirai après. Mad. de Boigne m’a écrit avant-hier. Enfin j’y vais. Mon départ est encore retardé de trois jours, jusqu’à lundi. L’envoi de 6 ou 7000 volumes à la campagne en est la cause. Adieu, Madame Certainement, j’irai m’asseoir au bord de la mer. Vous voulez que je la regarde. Je crois que je regarderai au delà. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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3. Paris Mardi 8 octobre 1844 à 11 heures.

Quel bon réveil ! Une lettre de vous, je m’agitais dans mon lit pour deviner comment s’était passé cette nuit de Dieppe, & puis les assassins et tous les autres dragons que je me mets en tête. Lorsqu'on m’apporte votre lettre d’Eu. Je n’ai pas besoin de vous dire mes rages, mes imprécations au récit de vos aventures. Pas de places aux postières ! Il ne manquait plus que cela ! Et par une soirée froide humide, et le vent en face. Ah mon Dieu ! Vous voyez que tout le monde autour de vous est bète. Comment est-ce que Herbert vous a envoyé une voiture comme cela. Vraiment je suis en fusion. Jamais je ne l'ai été autant. Mais voyons. Le nuit a été calme, je n’ai pas dormi ainsi je sais très bien que j’aurais pu dormir sans inquiètude. A huit heures épais brouillard, mais vous étiez in smooth water. A présent, brillant soleil. L’arrivée doit être belle. Et mon dieu je me figure cela, & Dieu sait ce qui se passe ! A distance le plus sûr c’est d'être toujours alarmée.
Que de serment je fais à chaque séparation, de ne jamais en espérer de vous ! Il y avait l'Angleterre à dîner hier chez les Appony j’y ai diné aussi ; il n’y avait que cela. Aujourd’hui répétition chez les Cowley. On parle beaucoup du voyage.
Je suis restée jusqu'à 10 heures, & puis je suis revenue trouver mon lit. J’ai écrit à mon fils en lui envoyant toute ma correspondance sur son affaire. Comme la paquet est gros c'est à vous que je l'adresse. Ayez la bonté de le faire passer à Londres. Pilot a promis de s’engager par écrit pour l’année prochaine. Je n’ai pas entendu parler de Morny. Vraiment vos journaux sont des imbéciles. Vous ferez fort bien de dire à Windsor que personne ici ne fait attention à toute ces sottises qui se disent sur la visite du roi. C'est vrai, car c'est trop bête. Voilà vite qu'on me demande ma lettre. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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3. Saverne Samedi 3 août 1844
6 h. du matin

Je veux encore vous dire adieu sur terre de France. Je serai triste en passant le Rhin ! Hier n’a pas été si bien que les autres journées. Un accident ; le postillon sous les chevaux... La voiture presque renversée. Mon Constantin a sauté dehors avec une prestesse de cosaque. Il a tout fait, coupé les traits, relevé le postillon. Enfin nous nous sommes remis de la frayeur et de l’accident. Cela a fait un délai d'une heure. Le pauvre postillon y perdra un doigt.
Je vais donc revoir mon frère aujourd’hui. Je commence à y penser. J’aurai un peu de plaisir, et quelques conversations curieuses. A propos, si l’envie de voir Strasbourg lui venait, s’il était curieux (ce qu'il sera) d’un exercice des chasseurs d’Orléans, Hennequin serait-il homme à l’orienter pour le jour où cela pourrait se rencontrer ? Ou bien pourriez-vous lui faire tenir quelque autorisation auprès du Chef militaire pour cela ? Cela serait de la bien bonne grâce. Je vous dis ceci en l'air, mais Constantin croit que son oncle serait le plus heureux du monde de voir pareille fête.
Les visiteurs de Bade arrivent à Strasbourg sans passeports. Au reste je vous reparlerai de cela encore quand je l’aurai vu. Je vais déjeuner et partir. Je soutiens bien le voyage. Constantin est tout étonné du peu d'embarras que je lui donne, mais cela vient de ce qu’il est là et que je ne m’inquiète pas de mille détails du voyage. Ma santé va assez bien. Adieu. Adieu. Ecrivez-moi, soignez-vous. God bless you dearest.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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3. Je mets 3 à cause de mes deux billets d’Evreux non numérotés.

Du Val Richer. Lundi 14 Août 1843, 6 heures du matin

Que je vous remercie ! Vous êtes charmante. Je comptais sur une lettre ; et encore vous ai-je fait une sotte question. J'en ai trouvé deux. Ne craignez jamais de me fâcher. Dites-moi toujours tout. Tout me plait venant de vous. Je ne me pique point de n'avoir jamais pour ceux que j’aime, pour ma mère surtout, quelque complaisance quelque faiblesse si vous voulez. Vous y êtes vous-même pour quelque chose. J’ai tort de vous dire cela ; je touche là une triste corde. Mais moi aussi, je vous dis tout. Le spectacle d’un fils que n’est pas pour sa mère ce qu’il doit être m'a tellement blessé que cela a tourné au profit de la mienne ; et je suis devenu, pour elle, plus soigneux, plus affectueux qu'auparavant. Il est vrai qu'elle et mes enfants avaient un très vif désir de ce voyage. Il m'a plu de leur donner ce plaisir. Je n'ai pas perdu ma bonne intention. Ils sont dans le ravissement.
Je mentirais, si je ne disais pas que je prends aussi quelque plaisir à la vue de mes bois, de mon jardin, de ma bibliothèque, de ma serre, de mes orangers. Le soleil brille ce matin ; ses rayons percent avec éclat une vapeur légère et fine qui flotte encore sur les bois et les près, les plus verts du monde. C’est charmant. Mille fois moins charmant qu’un moment près de vous, une parole, un regard de vous. Croyez-moi dearest, car je vous dis tout. Ne soyez pas jalouse de mon plaisir d’ici ; il ne le mérite pas. Mais pardonnez-moi de le sentir.
Puisque le mot de jalousie est venu là, sachez que vous êtes vous dans ma maison, pour ma mère surtout un objet d'immense jalousie. Si je n'étais pas venu ici elle aurait été parfaitement convaincue que vous seule en étiez la cause. Vous la comprendrez et vous ne lui en voudrez pas. Vous avez le cœur si juste ! Gardez-moi pourtant tout ce que vous m’avez montré le jour où vous m’avez dit qu'avec moi seul vous n'aviez ni justice, ni impartialité. Je déraisonne. Je vous demande les contraires. Oui, je vous les demande, bien sûr de vous en récompenser amplement. Je ne crains jamais d'être en reste avec vous.
Le 26. Politiquement soyez tranquille. Le jour où mon absence aura un inconvénient réel je partirai sur le champ. Je suis très attentif à cet égard. Je ne vous retire point la question d’un Ambassadeur à envoyer à Madrid. Si elle vient, elle me ramène le lendemain. Dans la nuuit de samedi à dimanche, à Evreux, à une heure du matin, le directeur de la poste m'a réveillé pour m’apporter une lettre du Ministre de l’Intérieur, disait-il. J’ai cru que j'étais rappelé à Paris. Ma première, bien première impression a été de plaisir, de plaisir pour Beauséjour. Il n’y avait point de lettre de Duchâtel. C’était tout bonnement des papiers que Génie m'envoyait et qui auraient fort bien pu attendre mon réveil. Il y avait pourtant une lettre du Roi. Bonne à voir, tant elle montre son sincère éloignement pour le mariage Espagnol, son vif désir de s’entendre avec l'Angleterre, et son humeur de ce brouillard si épais de préjugé, de méfiance et de crédulité qu'il ne peut parvenir à dissiper. Je vous quitte pour lui écrire. Je vous reviendrai quand la poste sera arrivée. Adieu. Adieu. Cent fois, adieu.

10 heures
Que j’aime le N °31 ! Si Oudinot a passé à Copenhague je ne comprends pas qu’il n'aille qu'à Ems ou à Vienne et s’il n’y a pas passé, je ne comprends pas où St. Priest a pris ce qu’il m'a dit. Oudinot n'aurait-il voulu aller à Pétersbourg qu'en cachette pour porter lui-même ses regrets à l'Empereur et revenir aussitôt. Ce serait bien galant. On écrit de Madrid qu'Aston fait ses préparatifs de départ. Vous me renverrez ce que je vous envoie. Adieu. Adieu. Il faut que j'écrive au Roi, à Désages et à Génie. Adieu. Au 26.
Ni brigands, ni accidents, ni maladies.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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3 Val Richer, mardi 14 Juillet 1846

Pas d'estafette cette nuit. A sa place un gros orage. Le tonnerre a roulé pendant une heure et demie. Il faut de l’espace au tonnerre. Les rues de Paris lui déplaisent ; on ne l'y entend pas. La mer et les bois, c’est là qu’il triomphe. J’avais envie de dormir, et pourtant. j'écoutais avec plaisir comme un bruit champêtre. J’ai très bien dormi après et ne me suis levé qu'à 7 heures après m'être couché avant 10. Je me soigne avec une obéissance exemplaire. Hier soir, à 8 heures, je suis rentré pour éviter le serein. J’ai cette éternelle disposition, à l'éternument qui n’est rien qu'un ennui, mais bien, un ennui.
Je viens d'écrire à Sir J. Easthope. Bien, je crois ; indiquant que la confiance peut se gagner, que je désire sincèrement qu’on la gagne, mais qu’il faut la gagner. C'est le commentaire d’une phrase d’une lettre de vous à Lady Palmerston. J’écris aussi à Brougham. Brièvement. Il abuse des lettres. Il est saisi d’une haine aveugle contre les Whigs, et sera contre eux au Parlement et dans le monde, d’une activité tout aussi aveugle. Je ne veux ni me l'aliéner, ni me livrer à lui. Les relations de ce genre sont l’ennui du métier. Amis ou ennemis, de la confiance ou de la guerre, à la bonne heure, mais se méfier et ménager, c'est l’ennui. L’Espagne, me préoccupe beaucoup. Si l'Angleterre épouse D. Enrique, nous retomberons dans la vieille ornière, la lutte des partis Espagnols modérés et progressistes, & le patronage français et anglais au service de cette lutte. Situation très incommode, car ce qu’on abandonne le plus difficilement, c’est un ancien patronage. Question d'influence politique et d’amour propre personnel. Je crois bien que dans cette lettre, j'aurai le bon bout. Si les Progressistes espagnols avaient le pouvoir à Madrid, et que de concert avec Londres, ils m'offrissent D. Enrique, je serais fort embarrassé à le refuser. Mais ce sont les modérés qui dominent en Espagne ; ils ne voudront pas de D. Enrique, et si je les décide à vouloir du Duc de Cadix, l’embarras du refus sera pour l’Angleterre, qui ne refusera pas, je crois. Au fait, je ne crains pas beaucoup cette alternative, et la question ainsi placée, n'a pour nous, plus de bien mauvaise issue. Notre principe et notre honneur sont saufs, en tout cas. Je cause avec vous, en attendant votre lettre qui n’arrive pas. L’orage aura retardé la malle.
6 heures et demie Voilà votre lettre. Nous nous rencontrons parfaitement sur D. Enrique. Comme toujours. Quoique cette situation soit difficile, je l’aime pourtant bien mieux que la chance du Cobourg. Ce que vous dit Könneritz de la Constitution en Prusse me parait probable. Il y aura encore plus d’une oscillation de ce genre. Ce qui n'empêche pas qu’on ne marche vers la constitution. La dépêche de Pétersbourg est bonne en effet, bonne avec complaisance. On a pris plaisir à l’écrire. On fera tout ce qu'on pourra pour être bien avec nous, comme gouvernement, sans changer d’attitude personnelle. Je puis, après ce qui s’est passé depuis cinq ans et ma raideur de 1843, m'accommoder assez de cette situation. Elle ne manque pas de dignité, et peut avoir de l'utilité. Voici une lettre intéressante de Londres. Renvoyez-la moi, je vous prie, dès que vous l'aurez lue. Soyez sûre que le Cabinet Whig a quand on regarde à ses adversaires, une meilleure position, et plus de chances de durée qu’on ne le dit. C’est dans son propre sein que sont les germes d’une dissolution, peut-être assez prompte. Lord John, lord Palmerston et Lord Grey n'iront. pas longtemps ensemble. Il faut que je vous quitte pour répondre aux lettres d’affaires. Celle-ci est bien froide, bien d’affaires. J’ai tout autre chose dans le cœur. Je ne m'accoutume pas en me promenant que vous ne soyez pas avec moi. Je m'arrête pour vous attendre. Je me retourne pour vous chercher. C’est surtout quand quelque chose me plaît que vous me manquez Adieu. Adieu. Vous partez donc demain pour Dieppe. Allez ensuite chez la vicomtesse. Il ne faut pas s'annoncer pour ne pas aller. On s’attire de la malveillance. Même de la part de ceux qui auraient autant aimé qu’on ne leur eût rien annoncé. Adieu. Adieu, dearest. J’enverrai toujours mes lettres à Génie. G.
Ibrahim Pacha dit que la nation anglaise l’a reçu comme il a été reçu par le Roi des Français.
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