Guizot épistolier

François Guizot épistolier :
Les correspondances académiques, politiques et diplomatiques d’un acteur du XIXe siècle


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Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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[?] and [?] La pauvre et chère reine m’est plus que jamais respectable & admirable à Claremont par la manière dont elle porte son malheur. Voilà la vraie chrétienne selon Dieu. De tous temps je me disais que si nous nous étions connues nous nous serions calmées et convenues ; envisageant la vie de famille et la vie sur cette terre de la même manière, nos cœurs, se seraient compris. La Duchesse d’Orléans est elle bien ou mal avec elle. Voilà par contre un caractère qui ne m’aurait jamais convenu." J'ai fait parvenir à Claremont par Montebello ce qu’elle me dit sur la Reine et que je trouve charmant.
Longue lettre de Constantin. Francfort défère à la Prusse, l’arrangement avec le Danemark mais il le fait avec des restrictions et des détails qui rendent l’œuvre difficile. Le Roi et l’archiduc se rencontrent aujourd’hui à Cologne. Le Roi étant chez lui cèdera le pas à l’archiduc. On ne se promet à Berlin rien de bon de l’entrevue. Le Comte Ernest Stakelberg que vous avez souvent vu chez moi est à Paris & a été chez Cavaignac. Très bien accueillie par lui. Qu’est-ce que cela veut dire je n'en sais rien. Mais évidemment nous nous rapprochons. Il est clair que si la France pense comme nous et l'Angleterre : sur le Danemark nous devons être être bien avec elle pour agir moralement avec elle. Que veut dire le paragraphe dans le National ou il est question du dernier ministre de la monarchie. Comment seriez-vous dans l’enquête ? Cette enquête va être une bien grosse affaire. Le parti de la rue de Poitiers semble bien déterminée à tout savoir. La Montagne se joint à ce parti là, car Louis Blanc & Caussidière aiment mieux avoir des camarades que rester seuls. Deux heures. Votre lettre d’hier m’arrive à l'instant ; Pas de réponse car elle ne me fournit rien. Votre rhume passe, j'en suis bien aise. N’allez pas imaginer de vous baigner dans la mer ; à nos âges cela est mauvais. Je vous prie ne faites rien de nouveau. Le Tolstoy de Paris est arrivé à Londres & me l’annonce. Je le verrai ici. Il sera assez mieux à entendre. Adieu. Adieu.
Voilà que le National m’est enlevé. Je découperai demain l’article dont je vous parle. Adieu. J’ai aussi une longue lettre de Hugel de Houzard vous l’aurez demain, je l'ai à peine lue. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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105 Paris Samedi le 28 juillet 1838

Je vous remercie de votre bonne lettre nous n’avons plus en tête vous et moi que le 31. Il est si près et ce sera si joli qu’il me semble qu’il ne viendra jamais. N’y aura-t-il pas une émeute demain ? Ne serai je pas tuée ? Voilà qui est possible. Mon fils Alexandre n’a pas renoncé à ces projets de mariage. Il attendra 6 mois comme je lui ai dit de le faire, et puis je crains qu’il n’attendra plus. J’ai parlé de la religion des enfants comme une condition de rigueur, c.a.d. les fils luthériens, et je crois que cela fera la grande difficulté. Sa lettre est une bonne lettre et me touche. M. Ellice et le petit Howard sont venus un voir à Longchamp hier matin. J’ai ramené Ellice qui était venu à pied.
Le soir j’ai fait visite à Madame j ai trouvé M. de la Rovère de Steakelberg un très drôle homme. Quelle idée d’aller épouser Melle de Steakelberg. Ellice m’a lue des lettres de Londres selon lesquelles vraiment le parti libéral (Whigs libéraux) veut absolument une modification dans le ministère. Le Cabinet est fort divisé. Minto et Melbourne, à la Chambre haute, Horwich & John Russell à la Chambre basse se donnent des démentis en pleine séance. Cela a une étrange mine, et ne peut pas durer ainsi. Votre gouvernement ne veut mettre la main à la question Belge que pour la résoudre. Ainsi plus de protocole qui ne soit le dernier. Nous verrons.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond Samedi 21 juillet 1849
Midi.

J'attends aujourd’hui une lettre du Havre. Le Times ce matin dit que vous y êtes arrivé, et que votre réception a été des huées. Cela fait bien de l'honneur à vos compatriotes ! Ma journée a été triste hier comme le temps. Beaucoup de pluie, point de visites de Londres. J’ai vu les Delmas la vieille princesse, & le soir les Beauvale. Là, bonne et longue et intime conversation.
Lady Palmerston avait écrit une lettre très inquiète, elle croyait à une bataille perdue à propos de la motion de Lord Brougham. Je vois ce matin qu’elle a été rejetée par 12 voix. La séance a duré jusqu'à 4 h. du matin. Brougham. Carlisle. Hugtesberg. Minto. Aberdeen Lansdown, Stanley. Voilà les orateurs & dans l’ordre que je dis là. On m'apporte votre lettre du Havre. Merci, mais vous ne dites pas comme le Times. J'aime mieux vous croire vous, que lui. (C’était dans les ships news, Southampton.)
Vous voilà donc établi chez vous ! que Dieu vous protège. Comme nous sommes loin ! Les discours hier sont si longs, qu’il m’est impossible de les lire. J'ai choisi celui d'Aberdeen, j’y trouve des paroles honorables & justes pour le roi, Lord Palmerston et pour vous. Je relève cela, parce que les journaux de Paris ne rendront surement pas les discours dans leur étendue. Onze heures de séance. C'est long !
Mon fils est revenu de Londres de sa tournée. J’irai peut être le voir demain, quoique je ne me soucie pas trop de l'air de Londres. Il est vrai que le choléra est bien près d’ici à Brentford vis-à-vis Ken. Peut-être à Richmond, mais on ne me le dit pas. Je n’ai pas de lettres du continent. Demain rien de nulle part, ce sera very dull. Adieu, sotte lettre. Je bavarderais bien cependant si je vous avais là dans ce fauteuil, si bien placé pour un entretien intime comme je regarde ce fauteuil avec tendresse et tristesse ! Adieu. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond Mercredi 18 juillet 1849
Onze heures

Je veux encore essayer de vous faire parvenir deux mots à Londres. Cette pensée si douce que vous êtes à une heure de distance, il y faut donc renoncer. Renoncer à tant de bonheur ! Ah mon Dieu Hier mes genoux ont fléchi quand vous avez fermé la porte. Je suis restée en prières. J’ai tant prié, et toujours une seule & même prière. Je n’ai pas pleuré. Le moment même d'un grand chagrin me trouve sans larmes. C'est de l’étonne ment. Tout est suspendu en moi. Je me suis mise à la fenêtre, presque sans pensée. Je ne sais ce que j’ai fait ensuite. Je me suis couchée. J’ai dormi un peu, pas beaucoup et je me lève, la désolation dans l'âme !
Une lettre de Constantin de Berlin. L’Empereur est parti subitement de Varsovie pour aller surprendre l'Impératrice le jour de sa fête le 13. Il ne devait passer à Pétersbourg que deux ou 3 jours. Un moment de halte dans les opérations. On veut toucher en masse sur l’armée véritable des rebelles. Tout est calculé. On ne doute de rien, et dans 15 jours ou 3 semaines l’affaire de la Hongrie sera terminée. A Berlin, grand changement dans les esprit même les plus sages. L’unité, l’unité au profit de la Prusse ; les succès dans le Palatinat & dans le grand-duché de Bade ont tourné toutes les têtes. grande haine contre l’Autriche, mille soupçons. Le roi, la reine & une partie du ministère résistent seuls à cet entrainement. Mais la bourrasque est bien forte. Prokesh et Bernstorff sont incapables de rien arranger. Il faut changer ces deux instruments. L’armistice avec le Danemark mécontente beaucoup les Allemands. Enfin beaucoup de fronde à Berlin.
Adieu. Adieu, cher bien aimé, adieu. Voici les larmes. Je m’arrête. Adieu. Dites un mot, pour que je sache que vous avez reçu cette lettre. Voilà du vent. J’ai peur pour cette nuit. Passez-vous sur un bâtiment anglais ou français ? Je ferme ma lettre à 2 1/2. Je l'adresse chez Duchâtel. C’est plus sûr. Mon messager reviendra de la directement. Adieu. Adieu, mille fois. Mon cœur se brise. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond Samedi le 14 Juillet 1849

En repassant chez moi après vous avoir quitté hier, j’ai trouvé Ellice & mon fils qui venaient d’arriver. Le premier en demandant à dîner. Le second m’annonçant son départ pour une tournée en Angleterre ; il part ce matin fuyant le choléra de Londres et les mauvaises odeurs dans le quartier qu'il habite. il m’a quitté à 7 1/2 de sorte que je n’ai pas causé seule avec lui. Ellice m’a dit que la discussion de la chambre des Pairs était ajournée à vendredi & que la motion de Brougham était fort hostile. Du reste point de nouvelles.
Rodolple Cousin m'écrit de Paris assez tristement sur les affaires en France. Misère, mauvais esprit, impossibilité de continuer comme on est.
Je crois que la place Vendôme me conviendrait mieux. Je flotte. Quoique je fasse j'aurais mieux fait je crois d’épouser Célimène Est- ce bien là ce vers ? Le petit Cousin à moi m'écrit de Pétersbourg. Tout le monde y est triste. Je vous montrerai demain ces deux lettres. Je suis de nouveau un peu souffrante des entrailles ce matin. Est-ce que le choléra serait venu à Richmond ? Adieu à demain. Je ne répèterai plus cela qu’une fois. Ah il y a de quoi mourir de chagrin et je suis bien triste ! Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond Mardi le 10 juillet
3 heures

Je n’ai vu personne encore. Constantin m'écrit de Varsovie. Lettre toute militaire. Succès de tous les côtés, Pesth va être pris. Amoureux de l'Empereur d’Autriche. Il m'annonce la mon de la petite Grande Duchesse. Hélène me dit que Leuchtenberg va mieux, mais il mourra. Il ira à Madère, sa femme, non la Princesse [?] a vu hier à St Léonard la duchesse d’Orléans triste ; adoration de la France. Il n’y avait point de Dumon & & là Adieu. J’ai écrit à Aberdeen. Hier était charmant. Il me gâtera un peu demain. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond le 23 août 1848

J’ai été hier prendre mon luncheon chez Lady Palmerston. Rien de nouveau. Toujours bienveillance pour l’Autriche. Désir d’aboutir, assez d'espérance, (j'espionne les bases) on jette des mots en l'air, et l’idée la mieux accueillie est la mienne : doubler la Toscane par la Lombardie. En grande moquerie de l’Allemagne. En éloges de Beaumont que de son côté est très courtisan pour Palmerston surtout. J’ai rencontré [?] en sortant on me l’a présenté. Je lui ai dit deux mots, il a beaucoup vanté l’accord du Prince & du peuple à Cologne & partout. Il parlait de son roi qu'il a accompagné là. Les Standrish ont dîné chez moi hier. Elle est un peu parente de Madame Beaumont. Elle avait appris que G. de Beaumont s’était beaucoup félicité d'avoir fait ma connaissance.

2 heures
Bonne lettre et bonne nouvelle. Le 1er au lieu du 2. Vingt-quatre heures dégagées. C'est donc Samedi que je vous verrai quel plaisir ! Je suis bien aise de voir que vous attendez du décisif ressortant des pièces. Elles sont terribles. Un grand pays gouverné pendant 5 mois par un set of scoundrels quelle honte ! Et depuis un mois, je ne sais si c’est beaucoup mieux. Je trouve que Cavaignac est un peu compromis. Constantin est appelé à Pétersbourg. Il y est allé avec sa femme pour revenir bientôt à Berlin. Il me dit que Brunner est parti de Berlin l'oreille bien basse. L’affaire danoise s’arrange, Francfort n’est plus si arrogant avec Berlin. Les journaux français ne sont pas là encore. La tempête ces deux jours a été terrible, il y a retard. Il me semble bien difficile qu'il n'y ait pas un éclat à Paris. Adieu. Adieu. J’ai le cœur plus réjoui depuis que les jours sont réduits à mes dix doigts tous les jours j’en couperai un. Adieu. Adieu. Aggy va mieux quel miracle. Adieu. Voici un petit fragment de Marion. Drôle.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond Samedi le 19 août 1848
1 heure

Hélas, voilà mon fils parti ! J’en ai le cœur bien gros. Il l’a vu, et je crois qu'il en est touché. Il va à Bade, de là à Castelamane, & il veut revenir à Brighton à la fin de Novembre. Je n'ose y compter. Le temps est affeux. Tempête et pluie. Comme c’est triste quand on est triste et seule ! Pierre d’Aremberg m’est resté sur les bras hier pendant cinq heures, c’était long. Ce qu'il m’a dit de plus intéressant est la ferme croyance de son parti que dans trois mois Henri V sera en France, Roi. Nul doute dans son esprit et il est entré dans des détails qui m'ont assez frappée. Ce qui a donné de la valeur à ses propos, c'est que une heure après, j’ai vu Lady Palmerston à Kew, qui me dit avec étonnement qu'ils venaient de recevoir de Paris la confirmation de ce que leur disaient depuis quelques temps les lettres particulières que le parti légitimiste avait gagné énormément de terrain, et qu’il était presque hors de doute que le duc de Bordeaux serait roi, & sous peu. Après l’étonnement venait le plaisir. Evidemment le premier intérêt là est que la France redevienne une Monarchie. Enfin je vous redis Lady Palmerston, me donnant cela comme une nouvelle officielle du moins venant de source officielle. Son mari n’a pas paru du tout au dîner donné à G. de Beaumont. Il était retenu à la Chambre. Beaumont a été fort causant, cherchant à faire deviner qu’il n’était pas républicain du tout, et disant très haut qu'on l’était très peu en France. ça et là, quelques propos très monarchistes. On ne lui a pas trouvé la tournure d'un homme du grand monde. Mais convenable, l’air honnête. Tournure de littérateur. Il a bien mal parlé de Lamartine, Ledru Rollin & & D’Aremberg affirme positivement que la Duchesse d’Orléans a pris l’initiative à Frohedorff et qu’elle a écrit une lettre de sympathie, se référant à ce qu’elle avait toujours éprouvé pour eux, & demandant que dans une infortune commune ou confondue les douleurs, & les espérances, & la conduite. Il affirme.
Lady Palmerston très autrichienne disant que l’affaire est entre les mains de l’Autriche, qu'ils sont les maîtres. Espérant qu’ils se sépareront du milanais mais ne se reconnaissant aucun droit pour ce disposer contre le gré de l’Autriche. Impatiente de recevoir les réponses de Vienne. Inquiète de Naples. Mauvaise affaire pour Gouvernement anglais. Le Danemark, espoir, mais aucune certitude de l’arrangement. Toujours occupée du manifeste [?] qu'on trouve plus bête à [?] qu'on y pense. Voilà je crois tout. Je reçois ce matin une lettre de Lord Aberdeen pleure de chagrin de ce que vous ne venez plus. & puis beaucoup d’humeur des articles dans le Globe où Palmerston lui reproche son intimité avec vous. Comme je n’ai pas ce journal je n’ai pas lu.
J'oubliais que G. de Beaumont annonce une nouvelle bataille le dans les rues de Paris comme certaine. J'oublie aussi qu’il tient beaucoup au petit de avant son nom. Le prince Lichnovsky, (celui de Mad. de Talleyrand) est arrivé à Londres, on y arrive comme pendant à Lord Cowley à Francfort. Nothing more to tell you, excepté, que je trouve le temps bien long, bien triste, et qu’il me semble que vous devriez songer à me marquer le jour de votre retour. Depuis le 31 juillet déjà. C’est bien long ! Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond Mercredi le 16 août

Voici votre lettre d'hier. Bonne. J’ai un autre plaisir encore aujourd’hui, c’est que mon fils qui devait parler ce matin reste jusqu’à Samedi. Ces trois jours de plus me font tant de joie. Je ne suis pas gâtée et mon cœur est reconnaissant de tout. Montebello est allé hier à Claremont. [?] venait d'arriver.
Mauvaises nouvelles de Paris. On va porter de suite devant l'Assemblée la question de la fortune du Roi. Père et enfants tout sera décidé selon le bon plaisir de Cavaignac qui est fort hostile. Il y aura des pensions rien de plus. Voyons l’enquête. Voyons la Constitution. Tout cela va venir coup sur coup. Mais l’enquête surtout comment cela ira-t-il ? Il est évident que cela contrarie bien le National. A propos voici l’article dont je vous parlais hier. Voici aussi la lettre de Hugel. Je suis étonnée qu'on sache si peu ce qui s’est passé diplomatiquement en Italie depuis la prise de Milan. Il y a des gens que commencent à douter de l'armistice. Cependant c'était bien le gouvernement français qui envoyait ici cette nouvelle par télégraphe Savez-vous que le Prince Petrullo est venu ici député par le parti réactionnaire en Sicile, expliquer à Lord Palmerston que les Siciliens ne veulent pas de séparation avec Naples. Palmerston a écouté. Petrullo est appuyé de beaucoup de grands noms en Sicile. Je n’ai pas vu encore Pierre d'Aremberg. Je sais qu'on l'a bien reçu à Claremont mais qu’il n'a rien dit qui ressemble au duc de Noailles.
J'ai été assez souffrante hier. Prise d’un frisson désagréable. Question d’estomac. Le temps est trop abominable. Un brouillard épais permanent depuis 3 jours ! Adieu. Adieu. Mon fils a dîné avant-hier avec Syracuse Petrullo & Calonna. Syracuse ultra conservateur. Adieu encore.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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97. Ems le 12 Juillet 1854

Des lettres de Londres. On n'y veut pas entendre parler de nos réponses. L’Autriche ne peut pas les accepter, à plus forte raison ni l'Angleterre ni la France. On croit toujours que Sevastopol. peut-être pris du côté de terre. Grande désapprobation de la guerre de pirate qu’on nous fait dans le golfe de [Bothein] même Napier en est disgusted mais il n'ose pas le témoigner aux officiers. Le public en est enchanté. Brûlez, saccagez. Constantin me mande notre grande victoire en Asie. J'aurais préféré en Europe.
Les flottes se sont retirées. Il n’y a plus une voile devant Cronstadt. Le Maréchal Paskévitch est rétabli et reste à Yassy. Constantin me quitte qu’après la fête de l’Impératrice qui est demain.
Voilà toutes mes nouvelles Greville ajoute : " à moins de catastrophe à Pétersbourg jamais la paix ne se fera. " L’Empereur se porte bien. Ne trouvez-vous pas qu'on pouvait négocier sur nos réponses.
Montebello s’annonce à Schlangenbad. Je n’y crois pas. Je ne crois à rien d’agréable. jusqu'à nouvel avis adressez toujours à Ems. Adieu. Adieu.
Je suis jaune comme une orange. Le temps est affreux pas une belle journée. Le Connery de Vienne est un cousin de celui de Paris.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Lundi 14 août.
Midi

J’ai vu hier Lord Palmerston à Holland House. Il ne savait pas si l’armistice était ou non une conséquence de la médiation commune. Les courriers n’étant partis de Paris que Mardi dernier. Il me parait que ce n’est pas eux qui ont pu décider. On bavardait beaucoup là hier. La Lombardie à la Toscane. Voilà l’idée générale, dans tout cela voyons le dernier mot de l'Autriche. L’article du Moniteur est fort important. Évidemment chez vous on veut la paix, et on compte encore sur notre bon vouloir pour la république. L'Allemagne fait le plus gros, des embarras. Kielmannsegge me disait encore hier que les têtes y sont tout-à-fait renversées. Vous voyez que la France aussi se mêle d’arranger l'affaire des Duchés. L’entente entre Paris et Londres embrasse sans doute toutes les questions en litige. Le Manifeste du Prince de Linange serait bien plus critiqué s’il ne serait pas du frère de la Reine. Mais avec cela même, on en parle avec grande désapprobation. Je n’ai rien lu de plus fou & de plus bête. On dit que Strockmer la croit, c’est impossible. Il a plus d'esprit que cela.
Voilà de la pluie à verse. Quel climat, quelle tristesse. Comment iront les bains de mer avec cette pluie ? Et puis vous viendrez me dire qu'on n’a pas pu prendre les bains, qu'il faut donc prolonger. Je n’accepterai pas cela. Voilà votre lettre. Seul plaisir, seule ressource. Mais quand viendra le temps où nous ne songerons plus aux ressources ?
J'ai rencontré hier Dumon aussi à Holland house. Il songe beaucoup à s’établir à Brighton le mois prochain pour la mauvaise saison. Aggy va un peu mieux. Elle m’a écrit elle même. Je ne donne pas encore de rendez-vous à Pierre d’Aremberg car je n'ai rien décidé sur Tunbridge. J'attends toujours pour un appartement. Adieu, adieu. Comme c’est long.
Voici mes réponses de Tunbridge Wells. Pas d'appartement du tout. Tout est pris. Je reste donc ici. Cela va faire plaisir à Montebello, il est bien accoutumé à mon bavardage. 

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond Samedi le 12 août 1848
2 heures

Votre lettre est très curieuse. Toutes vos observations justes et tristes. Je vous trouve triste en général depuis votre départ. L’air anglais est lourd, les Anglais sont lourds aussi et quand on reste quelque temps sans autre frottement, on finit un peu par la mélancolie. Je sais cela parfaitement par mon expérience. Quelle grande affaire que Milan. Quel dénouement pour Charles Albert. Quelle juste punition ! Je ne conçois plus ce que peut devenir la médiation, certaine ment les Autrichiens n’entreront pas en Piémont. Chacun étant chez soi, qui s'agit-il de concilier ? C’est certainement plus moutarde que quoi que ce soit qu’on ait jamais vu. Que votre lettre anonyme est drôle ! Elle ira à Peterhoff. A propos j’ai encore des nouvelles d'Hélène. Tous les fléaux accablent la Russie. Le choléra dans toutes les provinces. La disette, les sauterelles par dessus le marché. L’Empereur fort triste. Pierre d’Aremberg est à Londres, il est venu me voir hier, j’étais sortie, il m'a laissé un mot que je copie. " Le bilieux Cavaignac est un homme qui voudrait et qui croit à la possibilité d'une république raisonnable. Ce sont de semblables croyances dont le temps fait justice. Encore un peu de temps et la république aura tout ce qu’elle voudrait même de l’influence politique sur l’Angleterre, mais ce qui lui manquera ce sera l’argent et les républicains. J’ai visité l’Allemagne et j’ai quitté Paris avant hier. Je suis fâchée de ne pas pouvoir vous faire le récit de ma visite hier à Claremont. " Comment trouvez-vous Pierre d’Aremberg à Claremont ? Il est clair que le travail du Duc de Noailles est devenu comme à beaucoup de monde.
Je pense à aller à Tumbridge Wells, je n'en suis pas tout-à-fait sûre encore, mais j’y ai écrit pour un logement. Mon fils part mardi. Mauvais jour demain, je n’aurai point de lettres. Ce sera votre tour lundi, c'est bien ennuyeux car blank days. Il n'en faudrait pas entre nous ce qu'il ne faudrait pas surtout c’est l'absence, la séparation. Very unwholesome for both. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond 8 août 1848, Mardi
Midi

Mon fils a longtemps causé hier avec Tallenay. Celui-ci lui a dit qu’il n'y avait un jusqu’ici que de la conversation avec Palmerston. Le désir de s’entendre, le désir comme d’éviter la guerre, & d’offrir la médiation commune que cependant les prétentions de l’Autriche étaient telles qu'il était fort douteux qu'on puisse les présenter, & que lui Tallenay ne croyait pas du tout à la réussite ni de l’entente ni de la médiation. Et il y croyait moins encore depuis l’article du National que je vous ai envoyé hier, & qu’il regarde comme officiel. Tallenay ayant appris que Marast devait le remplacer a fait comprendre à Paris qu'il ne le souffrirait pas. Que s'étant chargé de les représenter dans un moment où ils n’avaient rien d’honorable & de convenable à envoyer, ni il était en droit d’attendre des égards. Qu'il concevait que lorsque les relations seront établies régulièrement on tient à avoir ici une bonne politique considérable. Mais que c’était lui qui devait rester jusqu'à ce moment, c.a.d. lui faire reconnaître la république. Il a ajouté que d’après ses lettres de Paris, on se conformerait à cela. Montebello a vu des lettres de Paris. Flocon a dit que dans 6 mois personne ne voudrait plus de la République. Cause perdue. Vous voyez comme l’Assemblée nationale s'échauffe. Le rapport sur l’enquête a fait un grand effet. Beaucoup de lettres menaçantes anonymes. Enfin cela va devenir gros. La déclaration de Palmerston hier au Parlement est quelque chose. Cela prouve le travail commencé. Mais il me parait impossible qu’après de si éclatants succès l’Autriche se contente de ce qu’elle demandait lorsqu'elle était en mauvaise situation d’un autre côté comment la France pourrait-elle faire moins qu'assurer la Lombardie à l'union italienne. Ici l’opinion sera un peu combattu. Mais en toute justice peut-on imposer à l’Autriche des sacrifices quand c’est elle qui a été attaquée, chassée, & que c’est elle qui triomphe ! Quel dédale. Et puis Francfort ! Et puis Berlin. ¨Pas d’hommage le 6. Ainsi un commencement de résistance à la volonté de Francfort. Que de choses à nous dire, que de raisonnements à perte de vues ! Comme vous êtes loin ! J’attends votre lettre ; je n'ai rien à vous dire de nouveau que ce qui précède. Ma santé est comme vous l'avez laissée. Je crois que mon fils part demain. Adieu. Adieu. Voici le National. Curieuse.

3 heures. Voici votre lettre. Vous me paraissez être in a perplexing state cela m'inquiète aussi. Vous serez probablement très mal à Cromer sans aucune ressource. Pourquoi ne pas revenir ? La mer du nord est la moins bonne pour les bains de mer. S'il les faut absolument allez donc les chercher sur la côte méridionale. St Leonard, Hastings, Weymouth, si vous ne voulez pas de Brighton. Encore plus chaud. Mieux civilisés. Enfin je ne trouve pas qu’il y ait beaucoup de good sens dans tous vos projets. Pardonnez-moi de croire que si je m’en mêlais cela serait mieux. La presse a reparu hier, je l’ai reçu, pas lu encore. Les Débats se moquent très joliment d’un nouveau journal de l’Etat qu’on veut mettre au monde.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond lundi le 30 juillet 1849

Duchâtel m’a tenu longtemps et mon essai de la poste de 4 heures ne peut pas se faire aujourd’hui. Il part le 4. Il s'embarque à Ostende, le lendemain il dîne à Spa chez sa belle-mère. Il ira ensuite à Paris pour peu de jours & de là chez lui dans le midi. Je crois qu'il préfère ne pas débarquer dans un port français. Son arrivée ne fait pas événement et il aura fait d'une pierre deux coups, la France & Paris. On lui écrit pour lui conseiller cela. Il sera à Paris encore avant la dispersion de l'Assemblée. On lui mande que Morny est un vrai personnage et que c’est lui qui pousse à l’Empire. Duchâtel n’y croit pas. Il ne voit d’où viendrait le courage. En même temps je pense, que si on le tentait cela serait accepté par tous, lui, Duchâtel le premier. Morny a écrit à Duchâtel une lettre très vive d'amitié, de vœux de le voir à Paris, à l’Assemblée, disant que des gens comme lui sont nécessaires & &
Il faut que je vous dise qu'ayant été très inquiétée par suite de ce qui s’est passé au Havre le 19. J’avais écrit au duc de Broglie pour lui demander s’il voyait du danger pour vous au Val-Richer, il me répond et me rassure pleinement, me disant que les quelques cris poussés au Havre n’avaient aucune signification aucune portée mais voici comme il finit sa lettre... " Votre bon souvenir m’est d’autant plus précieux que je n’espère point vous revoir ici. Vous avez vu les derniers beaux jours de la France, ni vous, ni nous ne les reverrons plus. " Il n’espère pas me revoir. Cela veut dire poliment que je ferai grand plaisir en ne [?] pas. C’est clair. Je [?] bien ne pas lui faire ce plaisir. Lettres de vendredi et Samedi très intéressantes. Je vois que vos journées sont bien garnies. J’en [suis] bien aise. J’aime qu’on vienne [vous] voir.

Mardi 31. Onze heures
[?] ce que m'écrit mon fils de [?] en date du 20. [Je] vous ai écrit dans le temps que les français mettaient le maintien [de] la constitution comme prix au [retour] du Pape, ils n’auraient rien [?], & que si le Pape avait la faiblesse d’accepter cette condition [?] serait recommencé. D’après tout ce que j'ai su, le [?] Pape retournerait à Rome les mains libres. Lui de sa personne ne retournera qu’après un an à Rome où il serait représenté par une commission, et toutes les commissions le [?] à une sécularisation partielle de l’administration. En attendant le Pape irait probablement résider dans quelque ville des légations. Rayneval qui c’est conduit dans toute cette affaire avec sagesse et habileté succéderait dit-on à Haverest. Si le pays est tranquille et gouvernement fort. "
Voilà un petit rapport très bien fait. Je lis avec plaisir que mon Empereur a écrit au Président pour lui annoncer, je crois la mort de sa petite-fille. Voilà les relations régulières rétablies. Cela ne fera pas à Claremont autant de plaisir qu'à moi.
Hier M. Fould s’est annoncé chez moi, je l'ai reçu. Quelle figure ! Che bruta facia ! Puisque nous sommes voisins, il a cru devoir venir. Il m’a rassurée sur le choléra de Richmond aussi bien que sur celui de Paris. Il arrivait de là. Il dit que c'est bien vide & bien triste. J'ai fait ma promenade en voiture avec lord Chelsea. Le soir j’ai [?] le piquet à Lord Beauvale. Cela ne lui a pas plu du tout. Je suis un mauvais maitre.
J’ai pris un nouveau médecin à Richmond. J'ai horreur de celui qui m’a tant effrayé l’autre jour. M. G. de Mussy reviendra me voir aussi. Adieu. Adieu. Aujourd’hui Mardi, Il y a quinze jours, je vous ai vu encore. Je ne veux pas me laisser aller à vous dire tout ce que je sens, tout ce que je souffre ! Trouvez un mari, je vous en prie. Travaillez- y. Adieu. Adieu dearest adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond le 1er août 1848 Mardi
2 heures

Quelle triste nuit, quel triste réveil, quel triste jour ! Et cela sera comme cela tant que vous le voudrez. Vous savez cela. Voyons quand vous m’accorderez ma délivrance. Mon fils a renoncé à Paris. J’ai pensé que cela m’avançait et qu’il resterait ici plus longtemps pas du tout, il part à la fin de cette semaine pour Bade, où il veut chasser pendant deux mois. Le temps est affreux aujourd'hui de bourrasques, de l'orage, le ciel noir comme mon humeur. Je ne vois rien de nouveau dans les journaux. La révolte Irlandaise finit ridiculement. C'est un pays bien heureux que l'Angleterre ! Je voudrais avoir autre chose à vous envoyer aujourd’hui que ma tristesse. J’aurai peut-être mieux demain mais soyez sûr que la tristesse y sera toujours. Adieu. Je connais un peu le Norfolk pays de navets, il n'y a que cela en fait de pittoresque. J'écris la ville de province comme vous me l'avez indiqué mais je crois moi que c'est Wymondham.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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20 St Germain Dimanche le 2 août 1846

Voilà donc votre grand jour d’élection. Comment cela ira- t-il ? Hier des bruits sinistres étaient fort répandus à Paris. Le Roi blessé au bras, le roi tué comme cela revenait de tous les côtés j’ai eu quelques heures de grande inquiétude. Thom est venu la dissiper. Il avait été aux enquêtes. Tout cela était menti. Dieu merci. Rien de nouveau pas Thorn. Personne ne voit Armin. Il vit tout-à-fait renfermé sans contact avec aucun de ses collègues. Assez mal vu d'eux tous, parce qu’il ne leur a jamais encore fait visite. Il se pose en ambassadeur, & les autres n’acceptent pas cela. Thorn inquiet de sa monarchie disant sur cela des choses fort sensées. Les longs règnes des rois ou de Ministres ne valent rien, parce qu’on veut continuer comme on a commencé et cela n’a plus le sens commun lorsque les autres avancent. Savez-vous que c’est vrai, & que tout ce qui a duré longtemps a pauvrement fini ?
Voici votre lettre, charmante et moi aussi je t'aime, je t’aime. C’est si charmant de nous aimer, mais il faut être ensemble. Et voici encore bien des jours à venir qu'il me faut passer seule. Au moins pas d’accident, pas de rhumes, rien je vous en prie qui puisse m'en inquiéter. Je vous dis une bêtise, car je m’inquiète tout de même cette nuit de l'orage. Aujourd’hui bonne pluie bien nécessaire, j’étouffais. Adieu. Adieu cher bien aimé. Vous voyez que l’exemple gagne. Je m’émancipe Voici Brougham. J’aime ces ferveurs. Mon fils Alexandre me mande de Kramsach qu’ils y ont eu un tremblement de terre. Paul est retourné à Londres. Adieu. Adieu. Demain j'irai à Paris chercher des nouvelles sur les élections, je commence à m’animer. Adieu dearest. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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31. Rue St Florentin, jeudi 28 août 1845
3 heures

Me voici arrivée à temps pour vous le dire encore aujourd’hui. J’ai bien fait mon voyage. Mon compagnon, un brave homme. Je viens d'envoyer chez Génie demander mes lettres & sa visite. Personne de reste ne sait ma venue. Je suis un peu fatiguée & je pense à Samedi avec transport. J'espère que c'est bien samedi, après demain, le 30. Adieu. Adieu. Adieu.
Voici vos trois bonnes lettres. Merci, merci, mille fois adieu. à Sameit adieu. Ah mon Dieu ! Mon bien aimé Constantin blessé, blessé plusieurs fois. On dit pas de danger comment puis je le croire. Le Malheur me poursuit. Ah que j'ai besoin de vous. Ce cher Constantin. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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27 Boulogne Dimanche 24 août 1845
Onze heures

C’est charmant de voir commencer la semaine où nous devons nous revoir ! Voici votre lettre de vendredi, vous y pensez aussi beaucoup. Que de bonne causerie nous aurons ensemble ! Bulwer s'annonce pour aujourd’hui, S'il veut m'accepter, nous irons ensemble ; si non, j’ai d’autres ressources. Le temps a été beau hier, je me promène mais pas beaucoup. Je suis en constante défiance de mes yeux. Je crois que l’Impératrice ira en Italie. Mad. Fréderic me l’a mandé aussi. J'ai eu à Londres, une lettre de mon bon Constantin. Il campait dans la neige, voici cette lettre. Elle vous intéresse pour lui. Gardez la moi je vous prie pour me la rendre.
Moi, j’ai peur des Montagnards. ils reculent, ils attirent, & Dieu sait ce que nous trouverons au delà. Rien de plus fin qu’un asiatique. Bulwer a dit à Londres ce qu’il pensait de Lyon, c.a.d. qu'il en a très mal parlé. On lui a répondu par le Duc de Norfolk. Je passe mon temps ici assez doucement. Ma bile s’est calmé. Je renonce tout-à-fait à Mouchy ; cela m'ennuierait. Adieu, adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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121. Paris, vendredi 31 août 1838

En effet il ne m’est point venu de lettre ce matin. Cela me parait singulier et cela me parait triste. La journée sera lorsque. Au lieu d'une lettre de vous j'ai lu votre discours à la société des antiquaires. C’est beau et les dernières sentences. sont admirables. Vous produisez toujours de grands effets. Et j'aime les beaux finales (dit-on beaux ou belles ?) dans les morceaux d'éloquence comme en musique.
Je vais mal, toujours mal. Hier au soir il a fallu me faire frotter pendant plus d’une heure dans mon lit et me couvrir de trois grands châles avant de pouvoir me réchauffer. J’étais comme une glace. Je ne mange rien. Je ne sais ce que j'ai. Le médecin dit que c’est le temps. Je suis beaucoup maigrie. Tout mon monde ordinaire est venu hier au soir. Mon fils me dit que Naples vous envoie enfin un ambassadeur. Le vieux comte Ludolf père de Mad. de Stakelberg, il y a 25 ans qu'ils sont à Londres. Le mari et la femme sont des ennuyeux que j’ai toujours bien mal traités. Ah que j’étais difficile à Londres ! La cour part demain. Le Roi a eu la bonté de faire donner des ordres à Versailles pour moi. Je crois que j’y irai cette semaine avec mon fils ; mais rien que pour une matinée. No ever whatever. and no letters. Adieu. Je pense beaucoup à vous beaucoup. Adieu.
Si la Suisse refuse votre demande. L'Autriche rappellera son ministre.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris, Jeudi le 10 octobre 1844
8 h 1/2 matin

Voilà votre bon petit mot de Portsmouth. Merci. Merci. Bien dormi, bien mangé. C'est là ce qu’il faut me dire. C'est la seule chose qui m’intéresse vraiment. Hier soir Génie est venu m’apporter la dépêche télégraphique de Windsor. J’en ai été médiocrement contente, elle ne parlait pas de vous. Sachez bien qu’il n'y a que vous pour moi dans le monde.
A propos de cette dépêche la colère de Génie était sans bornes, restée 23 1/2 heures entre Windsor & Calais ! C'est vrai que c’est fort.
Il est impossible de faire plus. La venue du Prince Albert à Portsmouth à bord du Gomer, c’est parfait. Que je serai curieuse maintenant des détails. Comme les journaux vont nous en régaler ! Je voudrais qu’ils me racontent aussi ce que vous mangez.
Hier pauvre journée de larmes. Constantin m'a écrit la plus touchante lettre du monde. Vous verrez qu’elle vous touchera. Cette lettre a enfin fait pleurer la pauvre Annette. Elle n’a pas quitté son lit depuis l’arrivée de la nouvelle.
J’ai vu hier matin Fagel deux fois, Fleishman, Kisseleff, Bacourt, l'Ambassadeur d’Autriche. J'ai fait ma promenade au bois de Boulogne après mon dîner. J'ai été chez Annette où je suis restée jusqu'à 1 heure de me coucher. Je ferai cela tous les jours. Bacourt vous demande s'il doit attendre votre arrivée. Il voulait aller lundi à Bruxelles pour en revenir le 1er Nbre. Mais si vous en disposez autrement, il fera votre volonté et vous attendra. Il ne sait rien que le fait que vous avez peut être besoin de lui. Fagel est excellent d’abord pour moi (il a le cœur très charitable) et puis excellent par les rapports avec Londres. Lord Aberdeen a lu le rapport de Fagel sur son entretien avec le roi où celui-ci-li a fait un éloge si vif & si mérité d’Aberdeen. Cela lui a fait une satisfaction visible. Il s’est beaucoup loué & d'ici, et de vos agents d'Espagne surtout de Glusbery. C'est absurde de vous adresser tout cela à Windsor. Je ne sais que vous mander. Vous comprenez bien qu'ici il n’y a pas de nouvelles, & que moi plus recluse que jamais à présent à cause de mon deuil, je ne puis rien apprendre.
Le Toulonnais donne votre traité avec le Maroc. Certainement, cela n’est pas en règle. Comment ces choses là arrivent-elles chez vous ? J'espère que Tahiti ne va pas faire un nouvel embarras. Ah que j'arriverais à jeter Tahiti au fond de la mer. Revenez je vous en prie avec le droit de visite au fond de mer aussi. Je ne sais pourquoi, je l'espère beaucoup. Mais surtout je vous en supplie portez vous bien. Dormez, mangez, prenez des forces et parlez moi de cela tous les jours.
Sans doute le Roi se louera de Cowley à Windsor. Je voudrais que cela valût à ce bon vieux homme le titre d’earl. Je n’ai pas vu Lady Cowley hier elle était malade, elle viendra aujourd’hui.

Midi et demi. Dans ce moment m’arrive votre petit mot de Windsor. Mardi 5 heures Mille fois thank you dearest que c’est charmant de lire écrit de votre main : Je suis très bien. Continuez à l’être et à me le dire.
Que la bonne réception de Portsmouth m'enchante. Au fait tous ces hourras feront du bien au roi ici. Cela le réhausse encore. Quelle honte pour les Français de si peu reconnaître ce qu’ils possèdent. Mais savez vous qu’au fond il y a un sentiment d’inquiétude de son absence, on sera content de le savoir de retour. Il manque, c’est un vide. On s’aperçoit que c’est une grande affaire que le roi. Je crois moi que tout ceci fera du bien.

9 heures
J’ai été accablée de visites. Il faut que je ferme ceci & que je le porte chez Génie. Adieu. Adieu. Vos filles sont venues elles ont été très aimables pour moi, et m'ont apporté de charmantes brioches bien chaudes très utiles. Elles ont bonne mine toutes les deux. Adieu. Adieu.
Voilà le petit Nessellrode qui reste aussi. Je vous redirai tout demain. Adieu. Adieu. God bless you dearest.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris mercredi 9 octobre 1844
9 heures

A 6 heures hier au moment où je m’apprêtais à faire ma toilette pour dîner chez les Cowley, l'ambassadeur d’Autriche est venu m'annoncer la mort de mon pauvre frère. Je ne puis pas dire que j’en ai été saisie, il y a si longtemps que je suis préparée à cet évènement, mais j'en suis fort triste. Votre absence ajoute beaucoup à cette tristesse. Et quand Appony m’a eu quittée j’ai senti profondément mon isolement absolu. Je me suis regardé avec un vrai serrement de cœur, quelle solitude, quelle impuissance. Je suis restée comme cela une heure et puis il a fallu songer à mon dîner. Personne n'était à la maison, j’ai envoyé prendre quelque chose chez un restaurant, je n’ai pas que manger à huit heures je suis allé chez Annette. Pauvre fille elle sanglote sans pleurer. Elle se reproche d’avoir quitté son père. Et elle ne sait pas tout encore. On dit qu'il est mort dans la traversée, ainsi sans sa femme, sans ses enfants. Le bon Constantin tout seul auprès de lui. Toutes ces nouvelles sont venues par des correspondance russes. Personne ne nous a écrit encore ni à Annette ni à moi. Je suis restée auprès d'elle jusqu'à 10 heures. J’ai mal dormi encore. J’ai beaucoup rêvé de vous. Je me suis levée de bonne heure dans l’attente d'une lettre, d'une nouvelle. Il n'y a ni télégraphe ni lettre. Je sens qu’il n’y a pas de quoi m’inquiéter, et je m’inquiète. C’est votre santé qui me trouble l'imagination. Le temps est devenu très froid. Vous avez été fort exposé à l’air. Comment tout cela vous va-t-il ? Par pitié pour moi soignez vous extrêmement. Si vous avez dit vrai c’est d’aujourd'hui en huit que je vous reverrais. Ah que le ciel m’accorde ce bonheur. Et puis je jurerai que vous ne m'échapperez plus.
La pauvre Marie Tolstoy selon ces nouvelles russes aussi, est très près de sa fin. Ce pauvre excellent Constantin quel chagrin pour lui. Il ne lui reste plus rien. Je suis sûre qu'il se rappelle & cherche mon amitié. Il n’a plus que moi pour l’aimer. Je crains qu’il me demande à aller au Caucase cela me désolerait. Voilà encore qu'aujourd’hui ma lettre est demandée pour 11 heures vite je finis. Je vous prie je vous supplie portez-vous bien & ne me dites que cela. Adieu. Adieu.
Mille fois adieu dearest.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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3. Paris Mardi 8 octobre 1844 à 11 heures.

Quel bon réveil ! Une lettre de vous, je m’agitais dans mon lit pour deviner comment s’était passé cette nuit de Dieppe, & puis les assassins et tous les autres dragons que je me mets en tête. Lorsqu'on m’apporte votre lettre d’Eu. Je n’ai pas besoin de vous dire mes rages, mes imprécations au récit de vos aventures. Pas de places aux postières ! Il ne manquait plus que cela ! Et par une soirée froide humide, et le vent en face. Ah mon Dieu ! Vous voyez que tout le monde autour de vous est bète. Comment est-ce que Herbert vous a envoyé une voiture comme cela. Vraiment je suis en fusion. Jamais je ne l'ai été autant. Mais voyons. Le nuit a été calme, je n’ai pas dormi ainsi je sais très bien que j’aurais pu dormir sans inquiètude. A huit heures épais brouillard, mais vous étiez in smooth water. A présent, brillant soleil. L’arrivée doit être belle. Et mon dieu je me figure cela, & Dieu sait ce qui se passe ! A distance le plus sûr c’est d'être toujours alarmée.
Que de serment je fais à chaque séparation, de ne jamais en espérer de vous ! Il y avait l'Angleterre à dîner hier chez les Appony j’y ai diné aussi ; il n’y avait que cela. Aujourd’hui répétition chez les Cowley. On parle beaucoup du voyage.
Je suis restée jusqu'à 10 heures, & puis je suis revenue trouver mon lit. J’ai écrit à mon fils en lui envoyant toute ma correspondance sur son affaire. Comme la paquet est gros c'est à vous que je l'adresse. Ayez la bonté de le faire passer à Londres. Pilot a promis de s’engager par écrit pour l’année prochaine. Je n’ai pas entendu parler de Morny. Vraiment vos journaux sont des imbéciles. Vous ferez fort bien de dire à Windsor que personne ici ne fait attention à toute ces sottises qui se disent sur la visite du roi. C'est vrai, car c'est trop bête. Voilà vite qu'on me demande ma lettre. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Voilà mon fils qui rentre de sa visite à la direction de l'Opéra. On lui a dit que l’affaire était arrangée en effet. c.a.d. que la loge était loué à Madame Lehon. Je m’empresse de vous mander ce dénouement. C’est bien fort. Adieu à midi.
10 h 1/2 Lundi.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Comment avez-vous dormi ? Comment êtes-vous ? Il y a si longtemps que je ne vous ai vu ! Dites-moi l'ordre du jour. Où et quand. Je ferai comme vous voulez. Je ne sais rien, j’ai vu les Cowley qui ne savaient rien, & mon fils qui part ce soir. Il est ravi que l’affaire de [?] soit arrangée. Mais il ne l’a appris que par moi. Il s'en va ce matin payer son argent. Adieu. Adieu.

Lundi 30. 9 heures

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Richmond Mercredi le 25 juillet 1849

Hier à neuf heures il y a huit jours nous nous sommes séparés. Le dernier adieu. Mon Dieu que c’était doux. & triste. Voici votre lettre. Il me semble que vous jugez ici les choses de votre pays comme vous les jugez depuis que vous y êtes rentré ; choses & hommes. Voyons ce que le temps amènera ? Il n'amènera pas de grands hommes, je crois.
Aberdeen est venu me voir hier. II est parti ce matin pour l’Ecosse. Pas très étonné du dévouement de Vendredi. Lord Brougham avait fait un discours des plus lâches, des plus longs, des plus ennuyeux du monde. Le parti était révolté. Il ménageait lord Palmerston avec une tendresse paternelle. Cela a dégouté beaucoup de monde. Quelques Pairs sont sortis disant qu’ils ne voulaient pas voter pour une motion faite par lord Brougham. Je crois que ceci était un prétexte, et que la vraie raison était la crainte de renverser le Ministère. Quoiqu'il ne soit les Lords Hefford, Pembroke. Tankerville, Cantorbéry, Willougby & & & s’en sont allés. Le duc de Wellington est parti aussi, il est vrai que pour celui-là son vote eût pu être de l’autre côté. On l’accuse fort de désorganiser encore un parti qui l’est déjà beaucoup. Lord Aberdeen a eu hier un dernier entretien très long avec lord Stanly. Ils ne sont venus à reconnaître qu’il n’y avait pour le moment aucun moyen de prendre les affaires ensemble quand bien même les circonstances écarteraient les présents ministres du pouvoir. Aberdeen parle très dédaigneusement de Peel. D'abord comme d'un défunt et puis comme du destructeur du plus grand et respectable parti qu’ait jamais eu l'Angleterre. Moi aussi, mon Peelisme est fini. Lady Alice, parle comme les autres. Aberdeen craint fort les meetings radicaux qui vont se tenir partout en faveur des Hongrois. Il trouve que l’esprit démagogique grandit. Cela l’inquiète.
J’ai oublié de vous dire hier qu' Ellice a reçu une nouvelle lettre de Mad. d'Osne sur le même ton. Thiers et toute la famille sera à Dieppe le 3 août pour y passer quatre semaines. Mon fils est venu me voir hier pour quelques heures. Sa tournée dans le pays lui a profité, il se porte mieux. Brunow envoie des courriers à Varsovie. L’Empereur doit y être revenu hier. J’ai été hier au soir chez Lord Beauvale. Nous sommes une grande ressource l’un pour l’autre Bulwer m'écrit une longue lettre de Francfort, Résumé. L’Allemagne veut l’Unité. La Prusse, si elle ne fait pas de fautes, formera une [?] du Nord. Les petits princes disparaîtront certainement. L'Autriche reprendra sa situation après que la guerre de Hongrie sera terminée. Il n’y a là rien de neuf.
Adieu. Adieu. Je pense à vous tout le jour. Cela n’est pas nouveau non plus, adieu, adieu.

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Richmond Mercredi 1er août 1849,

Un nouveau mois, qui sera un bien mauvais mois pour nous comme cela me serre le cœur ! J’ai lu hier une lettre de lord Ponsonby de Vienne à lord Beauvale. Il dit que la guerre peut trainer quelques semaines encore, mais que l’issue n'est pas douteuse, et personne ne s'en inquiète. Il dit aussi que les relations entre la France et l’Autriche sont excellentes ; tant mieux.
Mon fils est venu me voir hier. Brünnow est un peu noir sur la Hongrie. Je ne sais pas de nouvelles du reste. Le choléra continue et grandit. 130 morts dans la journée. C'est beaucoup, & ce n'est pas tout ; on avoue cela, mais le vrai chiffre est au-delà de 200. Je reste cependant. Je me soigne. Je me fais beaucoup trainer dans le parc, il n’y a pas de choléra là. Je passe et repasse devant le beau chêne, & vous savez à quoi je pense et repense tous les soirs chez Beauvale et un peu aussi chez Mad. Delmas.
A propos elle a été bien flattée de votre souvenir. Faites dire un mot à la vieille princesse. Le temps est passable. J’occupe dans ce moment-ci l'appartement qu’avait la Reine. Mais c’est un peu bruyant, & j’espère succéder à Mad. Steigley qui part dans peu de jours.
Je suis allée aux informations à propos de la lettre de l’Empereur au Président ; c'est la même formule que pour le Président des Etats-Unis. Mon grand et bon ami. N’importe je suis bien aise qu’il ait écrit. Je ne vois pas cependant que les journaux français le disent. C’est dans le Morning Chronicle que je l’avais trouvé.
J’ai rendu compte à Lord Aberdeen de ma petite discussion avec Lord John à son sujet. Cela l’amusera. Je n’ai pas manqué avant hier de lui faire parvenir votre lettre. Adieu. Adieu dearest, adieu.
Que c’est long déjà, & que ce sera long encore. Les correspondances de Paris dans les journaux anglais disent qu'on est inquiet. On croit à un coup d’état on le craint parce que les trois partis monarchistes sont divisés mais on ne peut pas rester comme on est. Quel puzzle. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris, Vendredi 27 Septembre
1 heure

Vous venez de me quitter, et il faut que je vous dise deux mots encore avant de partir. Ce beau temps me donne un remord horrible. Moi seule j’en profiterais et vous vous restez en ville, et c'est moi qui vous ai enlevé au bon air de la campagne. Vous avez de bonnes nuits ici, mais les journées auraient mieux valu à Auteuil. J'avais raison quand il pleuvait & faisait froid. J’ai tort quand il fait chaud. J'ai mal prévu et je m’accuse, et je pars très triste. Ne pourriez-vous pas aller passer les bonnes heures du jour à Auteuil y prendre vos enfants ou les y envoyer. Avoir du feu dans le salon qui donne sur la terrasse, et rester là de midi à 3 ou 4 heures. Cela vous ferait du bien, c’est juste le moment du jour le meilleur, si ce beau temps se soutient. Je pense à tout cela, je ne penserai qu'à vous, je prierai Dieu, et j’attendrai vos lettres avec une immense impatience.
Dites-moi bien comment vous êtes. Aujourd’hui par la poste Château de Ferrière par Lagny, Seine et Marne. Demain avant d’aller au conseil envoyez-moi un mot chez Rothschild 15 rue Laffite et puis en revenant du Conseil encore par la poste par Lagny, Adieu. Adieu. God bless you.
Voici mon fils qui entre. Il vient de recevoir une lettre de Morny de Clermont le remerciant beaucoup de lui avoir donné la préférence & lui annonçant pour demain le remboursement de la loge ! Et puis on est venu chez Paul ce matin de la part du Directeur pour lui parler, mais il n'était pas levé et ne l’a pas reçu. Encore adieu. Adieu.
Paul est extrêmement confondu et reconnaissant de la peine que vous voulez bien prendre. Il me semble que l’affaire s’arrange. Adieu. Adieu encore again and again.

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Bruxelles jeudi 4 juillet 7 h. du matin

Je vais partir, bien fatiguée. Je vous ai dit n’est-ce pas que mon fils Alexandre me mène à Ems, il n’y restera avec moi que deux jours. J’ai pris un Médecin allemand Kolb que vous connaissez. Aujourd’hui la princesse Chreptovitz chemine avec moi jusqu’à Cologne. Hier j’ai vu le roi pendant une heure bonne conversation, intéressante, plus que jamais plein de sens, de bonne vue, de jugements excellents sur toutes choses quelques notions de plus sur l'Angleterre. Ainsi Lord Palmerston disant au Ministre du Brésil qu’il lui était bien égal que le Brésil fut république ou Monarchie. La reine des Belges assez bonne mine.
J'ai beaucoup causé avec M. van Pradt, beaucoup d’esprit. Et avec lui la causerie a été à fond sur tout ce qui vous préoccupe en France. J’ai raconté et insisté, sur la minorité de bons conseils là où ils sont si peu écoutés. Il est entré dans tout ce que je lui ai dit avec réserve et intelligence. Neumann m’avait beaucoup dit que je pouvais en sûreté causer avec lui, et que ce serait utile. J’ai vu les Metternich un moment. Enfin ma journée a été pleine. Ma nuit meilleure que l’autre, & je pars en meilleur état que je n'étais arrivée. Voilà mon histoire jusqu’aujourd’hui. What next ? Adieu. Adieu. Adieu

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Ems le 21 Juillet 1850

Le Prince Paul est revenu hier de Francfort. Il y a vu la duchesse de Kent qui lui a dit positive ment : "le ministère ne durera pas, c’est impossible, la reine me l'écrit." Je vous livre texte et auteur. Le Prince Emile me disait avant hier que pour le moment tout est rompu entre l’Autriche et la Prusse, mais cela n'inquiète personne. L’affaire du Danemark est assez embrouillée. C'est pour nous obéir et nous plaire que la Prusse a conclu la paix avec le Danemark au nom de l’Allemagne, maintenant il faut que les états allemands ratifient. Or, c’est une affaire très nationale & qui pique l'honneur allemand. L’Autriche est charmée que la Prusse ne soit un peu dépopulaire par là, et elle refuse de son côté de ratifier, pour se populariser à son tour. Nous allons nous fâcher contre l’Autriche. Voyez quelle confusion ! Notre flotte est là, mais il n’y a pas de troupes à bord.
Le mauvais temps continue. Je fais cependant mes promenades en voiture. A présent avec Constantin. Il a des récits curieux à me faire impossible de les écrire. On commence à Ems à être un peu trop curieux de me voir. Comme je ne vais jamais ni dans la promenade, ni dans le salon, on se fait présenter chez moi, & je commence à être très ennuyée de cela. Hier j’ai été d'une impolitesse remarquable même pour moi. Aujourd’hui je fais dire non aux gens qui demandent à venir. Ce que je vois habituellement c’est les petites princesses de Beauvale et la Duchesse d'Istrie. Le duc de Saxe Meneingen & Rothschild. A présent Paul de Wurtemberg for ever. Mais il ne m'ennuie pas. J'oublie ma princesse régnante, mais celle-là me fait rire à force de modestie & d'ignorance, et de bonne volonté !
Adieu, je suis fâchée de vous faire de si pauvres lettres. Je ne pêche rien dans le salon. Pensez-vous encore à votre projet de visite au Rhin ? Ou bien l'avez-vous abandonnée ? Répondez-moi, & si vous disiez oui, dites en un mot à Lord Aberdeen, en lui disant vos dates. Moi je reste ici jusqu'au 7. Le 8 je pars. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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220 Baden jeudi le 18 juillet 1839, 2 heures

La poste de lundi de Paris n’est arrivé que tout à l'heure. C'est un accident arrivé à la voiture qui a causé ce retard. J'en ai été très alarmé. Mais voici votre lettre et je suis contente. Savez-vous que vos lettres sont bien prudentes. Vous me laissez beaucoup à deviner, et je ne connais au fond vos opinions sur rien. Ainsi pour parler du plus frais, trouvez-vous bon ou mauvais la commutation de la peine de Barbès ? Comment se porte le ministère ? Ces messieurs font-ils bon ménage ? Cela tiendra-t-il jusq'à la session ? Moi j’entends dire beaucoup que la gauche l'emporte, & que Thiers a des chances.
J'ai donné toute ma journée hier et ma matinée aujourd'hui à Lady Carlisle. C'est une bonne personne, un peu ennuyeuse. Elle vient de repartir. Sir John Couroy est arrivé à Bade. J’ai envie de le voir et de le faire parler, ce qui me réussit assez quand je veux. Voici ce que me dit mon frère : " Paul connait bien les lois. Il ne l’est occupé que de cela depuis son arrivée ici ; et parait très observateur des lois ! " " Voici la calcul de ce que la loi vous assigne. Cela a été discuté avec une précision scrupuleuse ! " Après avoir commenté les articles, mon frère trouvant que je suis riche, & que mes fils sont plus que riches, il poursuit : " Il serait inconvenant dans cette position de solliciter une pension du gouvernement. " Et me cite une grande dame dans ma situation qui l'a fait il y a quelques années et ajoute. " Cela a beaucoup déplu et elle a obtenu 10 000 rouble. Cette somme ne vous rendrait pas plus riche. " La question de déplaire ne me touche pas beaucoup, mais en effet je pense que je ne dirai plus un mot de cela, parce que cela m'ennuie. Ce n’est pas à moi à dire. Ces gens-là devraient faire ce qui est convenable sans que j’en parle. Il y a une chose que je regrette, c’est le plaisir de mettre dans l'embarras ou dans le tort. Voilà du mauvais cœur au fond la question n’est pas de savoir si j'ai besoin de cette pension ou non. Elle devait être donnée sans plus. Après cela savez-vous qu'il y a du plaisir à ne devoir rien à personne. J’aime mieux avoir à me venger d'une injustice. Il me semble que je vous parle un peu trop longuement de moi ; mais pour être franche j’ajouterai encore que j'ai hésité et que j'avais commencé une lettre à Orloff excessivement logique & bonne ; je l’ai laissée là. Mon frère fait des calculs très légers dans ce qu’il m'écrit et comme Pahlen part et que c'est mon frère qui va faire le reste, cela m’inquiète un peu. Ainsi il me parle de 400 mille francs da capital pour moi. Cela n'est pas possible. Ensuite il regarde comme éternels des revenus qui finissent dans 2 ans. Je serai obligée de relever tout cela, & de demander des explications, et puis on veut que je donne 355 paysans pour une rente de 9000 francs. Ils valent le double. Ensuite rien que la parole de mes fils comme garantie que la pension me serait payée. Ceci ne regarde que 21 000 fr par an, mais encore faudrait-il vérité. Enfin je prierai mon fière d’y faire attention et le style de sa lettre me prouve que cette observation ne l'étonnera pas. Mes fils auront à ce qu’ils me parait chacun 100 000 francs de rente. J'en suis bien aise. Ils n’ont pas besoin de moi, et de personne. Et cependant, s'ils avaient eu besoin de moi, j'aurais pu conserver des illusions ! Ah, tout est fini de ce côté !
Adieu, vous qui n'êtes pas une illusion, vous qui êtes ma seule vérité. Vérité que je chéris, que je désirais toute ma vie. Ecrivez-moi tous les jours. Vous allez être bien heureux au Val-Richer.

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Ems le 19 juillet 1850

Vous me faites un tableau très frappant de la situation morale de votre pays, et tous les jours cela devient plus drôle. Ce qui est sûr c’est que tous les jours le Président avance. Il n'y a que lui qui soit quelque chose. J'ai eu des lettres de Londres aujourd’hui lady Allice, & Ellice. La première a été à Saint Léonard, elle trouve au Roi mauvaise mine. Il vient à Londres cependant pour la première communion du Comte de Paris demain. De là ils vont lui & la reine, à Claremont et plus tard à Richmond. La duchesse d’Orléans les y rejoindre après un petit séjour seule à St Léonard. Elle reste en Angleterre jusqu’en septembre. Elle montre une grande inquiétude qu'on ne prolonge les pouvoirs du Président. Elle dit que l’Assemblée sera certainement réunie au commencement d'octobre. Le reste de la lettre de Lady Allice traite de l’hésitation dans le parti Peel. Elle croit qu'il se décidera à rester parti séparé, portant son nom. Le [gouvernement] très faible, pas possible qu'il fasse une autre session. Ellice est assez noir aussi sur ses amis. Il dit que John a fait une grande faute de ne pas donner sa démission après le vote de la Chambre haute. Il serait rentré bientôt & plus fort. Aujourd'hui, il est très affaibli. Les comités lui sont tous contraires, & il n’y a plus Peel pour le soutenir. Le comité d’Économie a décidé que les seules ambassades existantes aujourd’hui Paris & Constantinople seront converties en mission avec 5000 £ de salaire. Le [gouvernement] résistera mais on ne sait pas s’il ne sera pas battu comme Ellice l’a été dans le comité. Un autre comité sur le gouverneur de Ceylan, Lord Torrington, s’est aussi prononcé contre lui. Lord John veut aussi le défendre, cela lui réussira t-il ? Voilà une lettre.
Constantin est arrivé hier. Curieux sur beaucoup de détails Je vous dirai demain ce que je pourrai vous dire, pour aujourd’hui je suis bien fatiguée et un peu malade. La femme de Constantin n’est pas jolie peut être que je découvrirai qu’elle l'est, la première vue n’est pas favorable. On me dit que le Prince Emile de Darnstadt est ici, mais pour quelques heures seulement. Je vous dis adieu. Adieu.

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Ems Jeudi 18 Juillet 1850

Hier une pluie battante, pas de promenade, misérable journée. Votre lettre est venue l’égayer, & deux autres de Montebello & Duchâtel. Ils me mandaient que tout tourne à l’Empire. Cela m’est égal, j’espère seulement que l'Empire me plaira autant que la République dont je m’accommode fort bien. Quel drôle de pays que le vôtre. On peut tout faire des Français. Ils sont charmants, ils ne sont pas grands. J’attends Constantin aujourd’hui. Il me dira quelques nouvelles. Je n’en sais pas une. 4 heures. Pas un mot à vous dire, point de lettre d'Angleterre. Des visites, pas de conversation. Le prince George de Prusse, neveu du roi est venu. Très timide jeune homme, mais quelque chose peut-être Adieu. Adieu. Vous trouvez qu’il ne vaut pas la peine de recevoir une si pauvre lettre. I cannot help it. La mésaventure de la reine d’Espagne n'aura pas déplu au Duc de Montpensier. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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72. Vendredi le 27 octobre 1837.
9 heures

Quel plaisir de voir finir ce mois, cette semaine ! Vous ne viendrez donc mardi que pour le dîner, mais au moins soyez chez moi à 8 ¼. Car j’ai beau me retourner je ne vois aucun moyen d’éviter ce jour là de recevoir mon monde accoutumé. Je comptais sur l’opéra, mais ce n’est pas le jour et mon ambassadeur ni celui de la petite Princesse dans la semaine qui vient. Mes promenades quand j’en ferai, car me voilà prisonnière, mes promenades seront de 2 à 4. Vos visites seront donc depuis 4 heures. Enfin nous réglerons tout cela ; mais je suis impatiente en pensant que nous commencerons si pauvrement Mardi.
Je suis toujours fort souffrante. Comme toute la matinée, & combien le soir aussi. M. de Pahlen deux fois le jour, Lady Granville & la petite Princesse deux fois aussi. Le Duc de Palmella fort longtemps hier de 4 à 6. Il n’aura plus cette heure-là. Savez-vous que je ne puis pas même occuper ma chaise à ma table ronde Je suis très affaiblie, je ne l’ai jamais été autant. Mais c’est très naturel, je ne vous ai pas assez dit ce qu’a été pour moi le séjour de mon fils. Mon sang en mouvement, en irritation. Il faut me soigner beaucoup et puis je n’ai pas d’air, & je ne vis que par l’air. Je vois qu’il vous en coûte de quitter la campagne. Je le conçois. Que de froideur, ma vie, j’ai envié la vie des Bohémiens. De la liberté, de l’air, de l’indépendance un abri, le plus petit possible, mais de la place pour deux. Je vous conte là des choses que vous n’avez jamais vues peut-être. Il ne m’est pas arrivé de rencontrer des Bohémiens en France. Y en a-t-il ? En Angleterre ils sont très nombreux.
Ah ! qu’on me connait peu quand on parle de moi comme d’une femme politique. Vous me connaissez. Je le crois, vous savez ce qu’il me faut une seule chose et je l’ai. Il est vrai que c’est immense car tout disparait à côté de cela.
Midi
Vous m’annoncez pour ce matin une lettre de M. de Grouchy. Je l’attends, je la désire avec ardeur. Je la crains. Elle me fera peut-être du mal. Vous savez ce que sont pour moi vos paroles. Non vous ne les avez pas, je crois que vous le saurez jamais. Ah ! Quelle puissance que vos paroles !
Je vous annonce un changement dans mon ménage. Woodhouse a fait un riche héritage en Angleterre, il m’a quittée. J’en ai pleuré, presque. C’est un Anglais encore qui le remplace. J’aime les domestiques anglais pour deux raisons : la première parce qu’ils se lavent les mains trois par jour ; la seconde, parce qu’ils ne parlent jamais. J’ai beau attendre et souhaiter, pas de Génie aujourd’hui ! Adieu, comme de coutume, mais si la lettre était venu, l’adieu s’en serait ressenti. Il eût mieux valu encore. Cependant celui ci est bon.

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Ems Lundi 15 juillet 1850

Je me sens tout-à-fait malheureuse de votre inquiétude. Car je sais bien que dans un cas pareil j’aurais fait mille sottises comme de me jeter à l’eau par exemple, ce qui empêcherait les autres. J’ai pris tous les renseignements possibles. D'ici mes lettres sont certainement parties. Mais la poste Tour & Ta[?] a ses agents partout, & par curiosité comme par calcul, ils font quelques fois passer les lettres par Mayence & Francfort, et il se peut que des lettres d’ci mettent quatre jours pour aller à Paris. Cela expliquerait comment le 11 vous n'aviez pas encore ma lettre du 6. Cependant non, voilà plus de cinq jours. Enfin que faire. Moi je n'en sais rien. Un jour vous recevrez douze lettres à la fois. Je plaindrai les onze lettres. C’est assez parler de nos ennuis. Le beau temps est revenu. Je suis toujours bien ennuyée & bien docile. L'effet des eaux est une lassitude, & somnolence excessive, et puis des douleurs de jambes et d’estomac, on me dit que c’est très bon. Qu’en pensez-vous ? Moi je crois que je devrais cesser. Je crains un coup d’apoplexie. Vous me reconnaissez là.
Je ne sais que penser de la loi sur la Prusse. Je vois que le Journal des Débats prend le mors aux dents, je vois que la Prusse en prend son parti, qu’est-ce que ce revirement extraordinaire. Venez à mon aide. J’ai fort aimé ce que M. de Laboulis a dit dans la séance de jeudi. Mais je vous parle de choses qui seront bien vieilles & oubliées quand vous recevrez ceci. Je m’avise de proposer à lord Aberdeen de venir ici vous rencontrer pour le 1er ou 2 août. Quelle idée ! Pourquoi pas ? Viendrez-vous toujours et quand à peu près. Ma cure complète finit le 5 août, il faut deux jours de repos et puis je pars. Je ne sais pas du tout ce que je ferai du reste de l’été. Mon fils aîné passera le mois d'août à Paris. Mais quel vilain mois pour y rester. Je n'en serai pas capable. Hier je n’ai pas vu une âme mais le temps était superbe. J’ai bien fatigué mes chevaux. Adieu. Adieu. Adieu.

Comme je trouve inconvenant de n’avoir offert à lady Peel que ce qui a été fait pour Mme Canning ! Manque de tact. En tout cas elle eut refusé. La prévoyance de Peel ajoute encore à la popularité de sa mémoire. Grand homme, grand démocrate. Il restera désormais le héros de la démocratie. Au temps qui court l’effet ne sera pas bon pour la upper house.

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Ems jeudi le 11 Juillet 1850

Depuis dimanche il n’a pas cessé de pleuvoir. Je n’ai pas pu faire une seule promenade à pied, & il fait trop froid pour aller en calèche. Je bois l’eau dans ma chambre. Hier j’ai vu le Prince Paul & un Rothschild neveu. Et puis voilà toute ma récréation. Si vous ne me plaigniez pas à présent, je vous en dispense pour le reste de ma vie. Jamais je n’ai été si mal, & j’ai pris Ems et moi-même en horreur. Vous me dites hier soir ce que je vous disais le matin le Président durera plus que la République peut-être, mais avec ou sans elle il y restera. Vous savez que je m'en accommode fort bien, & que le présent état de choses me convient tout-à-fait, vu que j’ai l'honneur de n'être pas française.
Constantin & sa femme s’annoncent pour le 20. Ce sera quelque chose ; entre nous, pas grand chose. Mon fils Alexandre était une vrai ressource. Il sait tout, il connait tout le monde. C'est un puit de connaissances en toutes choses et très pratiques. Très bon observateur & très bon juge. Le commerce le plus doux. Mais il ne tient pas en place. Il lui faut des voyages, Castellamare ou les quatre parties du monde. Je n’ai pas eu une ligne de Lady Allice. C’est inconcevable ni de Marion. Montebello m’a écrit hier à peu près ce qu'on vous mande à vous. Les grands Burgraves ne vont plus à l'Assemblée. Par l'un d'eux j’en sais la raison. Il perd la raison pour Madame Kaledgi. Il est horriblement jaloux de Piscatory, & il va à la campagne regarder la Lune quand il y en a. Ne me faites pas de commérage.
Voilà ce pauvre duc de Cambridge mort. C'est bien des catastrophes coups sur coups, à commencer par le coup de canne à la reine. Je plains beaucoup la duchesse de Glocester, elle ne survivra pas longtemps à son frère. Elle le chérissait. Adieu. Adieu. Que je m'ennuie Adieu. Depuis trois jours le thermomètre marque 6 degrés de Réaumur à 9 h. le matin. Il n'y a ni cheminée ni poêle dans les maisons.

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Ems Mardi le 9 juillet 1850

Mon fils est parti ce matin, c’est un gros chagrin pour moi. Il est retourné à Paris, de là il va en Ecosse, il m’a presque prouvé de revenir ici, mais je ne veux pas y compter. Le Prince Paul de Wurtemberg a fait son entrée très imprévue chez moi hier. Il passe ici deux jours et va à Francfort. Je n’ai du reste vu personne hier, et le temps a été pluvieux & froid tout le jour, ce qui a empêché mes promenades. Je n’ai pas de livres, je n'ai rien. Il y à de quoi se pendre. Et pas de lettres de mes correspondants anglais il est tout-à-fait impossible qu’ils ne m’aient pas écrit. Où sont ces lettres ? Les vôtres m’arrivent le 4ème jour. Hier 8 j’ai reçu cette du 5. Ainsi huit grands jours pour la question et la réponse. C'est bien ennuyeux. Les arrangements de la poste sont tout-à-fait sauvages. Je vous apprendrai bien peu ou rien du tout sur les affaires d’Allemagne. Je ne vois personne et il n’y a personne ici qui vaille la peine qu'on voie. Il y a des princes & princesses allemandes. Elles m'ont fait témoigner qu'elles seraient charmées de ma connaissance. Je le crois bien, mais je ne suis pas aussi sûre de l'être de la leur, et j’évite. Les connaissances se font dans le jardin & le salon, je n'y vais pas. C'est de la cohue. Entre autres altesses il y a les héritiers du Danemark. J’ai vu Antonini avant mon départ. Sa cour proteste contre le principe. Mais comme on fait valoir des cas où, hors la guerre civile, il y a eu des pertes infligées à des Anglais, on a nommé une commission qui examine. Mais rien ne sera admis pendant les bombardements. ou combats. J’ai trouvé ce qu’a dit Dupin de Peel, parfaitement de bon goût. Mais quels hommes à cet homme ! Jamais citoyen n’en a révélé de semblables. La grande duchesse Hélène arrive ici le 15 août. J’espère bien être partie avant.
4 heures. Voici l'heure d’envoyer les lettres. Je n'ai rien à dire de plus. Je suis de bien vilaine humeur, de toutes choses, & surtout de ce que je ne trouve pas d’encre noire ici. Adieu. Adieu. Ecrivez-moi des nouvelles. Adieu. J’espère que mes lettres vous arrivent toujours affranchies ?

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Ems Lundi 8 Juillet 1850

Enfin deux lettres de vous du 3 & du 4. Une d’Aberdeen du 5. Le plus vif chagrin. Perte nationale. Ressentie par la nation toute entière, depuis la Reine jusqu'au laboureurs. Jamais ou n’a vu un deuil un chagrin aussi général. Le plus grand homme qu’ait eu l'Angleterre, & pour Aberdeen un ami de 50 ans. Il n'a pas cœur à me parler d’autre chose, ni à spéculer "on the probable consequences of this calamity in our political combination. The session of Parliament will be brought to an early termination." Vous voyez par les journaux toutes les démonstrations. Certainement tout cela prouve que vous et moi nous le mettions un peu au dessous de son mérite. Il n’y a rien à dire devant une opinion aussi universelle. Toutes mes autres lettres d'Angleterre me manquent. J’ai vu hier la duchesse d’Istrie & les deux petites princesses de Beauvale, celle qui est fille du Duc de Mortemart est fort gentille. Mon fils me quitte demain. C’est un grand chagrin pour moi. Aujourd’hui j’ai commencé à boire, par un temps pluvieux, & froid. C’est du guignon. Ah qui je vais m'ennuyer !
Je trouve bien bonne la dernière partie de votre lettre au sujet de l’institut. Je crois que les mois prochains vont être bien fades. Si les vacances de l’Assemblée sont longues il y aura de quoi s’endormir. Ici c'est l’occupation obligée de tout ce qui marche sur deux pieds. Vous ne vous figurez pas l'ennui de ce lieu. C’est pire que ce que j’avais craint. Adieu de peur de trop. vous faire goûter les plaisirs d’Ems. Adieu.

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Ems Samedi le 6 Juillet 1850
Midi

Si je reviens jamais à Paris, je suis bien décidée à n'en plus sortir. Quelle histoire que celle de mon voyage, & quel début à Ems. Arrivée hier soir bien fatiguée J’ai passé deux heures allant de porte en porte demander un gite. Pas un. Nulle part, une chambre. Enfin dans une tabagie à côté de buveurs, une pièce avec deux lits moi & ma femme de chambre. Pas un domesti que dans la maison. Mon fils mon docteur, mes trois domestiques chacun éparpillé dans des granges. Je ne sais où. La perspective de m’en retourner aujourd’hui à Paris. Enfin depuis une heure on m’a trouvé quelque chose de bien mauvais, mais enfin je suis logée avec mon monde. Un immense rocher derrière moi et une jolie vue en face.
Je suis très abîmée du voyage et des agitations de tout genre. Ainsi hier l’université de Bonn avec moi sur le bateau. Chantant d'atroces chansons. Ah le vilain pays. J’avalerai Ems pendant 3 semaines ou 4. Et puis bon jour, on ne m’y rattrapera plus. Je verrai aujourd’hui le médecin du lieu pour régler mon régime. Je serai bien docile. J'essaierai de croire qu’Ems m’aura fait du bien.
J'ai bien à rattraper. Pas une âme de connaissance dans une énorme liste d'étrangers ainsi la solitude dans la foule. Je vois Londres & Paris comme dans un nuage, bien loin, bien loin. Pour tout ce qui n’est pas affection la distance est mortelle, l’intérêt s'en va. Si je reprends des forces je recommencerai à y penser. Mon fils me quittera dans très peu de jours. Je n'ose pas le retenir. Ceci est trop ennuyeux. Je vais bien vous ennuyer aussi. Qu'aurai-je à vous dire ? Les lettres partent d'ici à 8 h. du matin. Il faudra donc toujours qu’elles soient écrites de la veille. Je vais voir comment m’arriveront les vôtres. Je n'ai rien trouvé, la poste entre à 6 h. du soir. Adieu. Adieu.

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Paris le 27 juin jeudi 1850

Je n’ai pas vu Thiers dimanche, car je n’ai pas pu aller à Passy. C'était le dernier jour de mon fils aîné qui est parti lundi pour l'Angleterre. Je demanderai à Hubner sur l'Autriche. Londres est bien curieux. Beau discours de Graham, & bien agressif. Cela promet. Lahitte qui était ici hier soir me dit, qu'on lui mande, que le vote est douteux. Moi je persiste à croire que le ministère aura la majorité. Mais quels rudes coups. Aujourd’hui pas un mot de mes correspondants. Ce silence m'étonne. Combien vous me dites-vrai sur ce qui se passe en Angleterre ! 3 heures. Voici un mot d’Aberdeen de hier 26. Nul doute que le g[ouvernement] n'ait la majorité. Il n'y a de doute que sur le chiffre. Palmerston made a most able and effective speech last night, which may probably produce considerable effect on the [?] and war on the vote. Graham had spoken very well this might before. We have still to hear Disraeli, Lord John Russell, and Peel. Whatever may be the result, the governement and especially the [?]. Are greatly damaged. Il ajoute que cela peut traîner jusqu’à vendredi.
D'ici je ne sais rien. On dit que l’Elysée n’est pas content, loin de là. On dit que Baraguey d'Hilliers reste le rival menaçant du Gal. Changarnier, & que l’époque de la prorogation peut-être dangereuse à celui-ci. On va faire la loi sur la presse. On parle de la loi des maires. On espère se séparer dans les premiers jours d’août. Voilà tout ce que je sais. Je sais de plus que je meure de chaud & de paquets et d’arrangements de toutes espèces. Adieu. Adieu. Adieu.

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Richmond vendredi le 3 août 1849

Votre lettre me fait rétrograder dans mes espérances. On restera donc comme on est. Si cela pouvait rester ainsi toujours, je n'ai rien à dire mais cela ne se peut pas. Hier un temps charmant aujourd’hui de la pluie. Une longue lettre de Constantin de Berlin. Sa femme n'accouche pas il s’impatiente. Il voudrait aller retrouver ses cosaques. Je crois qu’au fond il les aime mieux que son ménage. Les élections bonnes, pas assez pour défaire tout le mauvais ouvrage, surtout pas assez pour se rapatrier avec l’Autriche. En Autriche on s'en moque de la constitution promulguée à [?], personne n'y pense plus. On est tout militaire. On veut ressaisir tout le pouvoir que donne la force des baïonnettes. Cependant la guerre traine, mais nous écraserons. C’est toujours le langage. On ne sait que faire de Bade. Pays pourri. La famille régnante très déconsidérée. En Bavière l’opposition unitaire gagne. Constantin furieux du discours de Lord Palmerston. Voilà sa lettre. Le duc de Cambridge m’a fait une longue visite. Cela ne m’a pas extraordinairement divertie. Beauvale valait mieux. J’y ai rencontré le L. Holland qui m'a demandé de vos nouvelles avec bien de la tendresse. Le choléra toujours gros à Londres, sans changement. J'ai diné chez Delmars avec Mad. de Caraman. Voici M. Genaud de Mussy. Pardon & Adieu. Adieu.

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Mercredi le 12 juin 1850

Quel plaisir que votre lettre ce matin. Je vous reverrai dimanche. C'est bien charmant & c'est bien utile. Il sera ici samedi pour jusqu’à lundi. J’aurai dimanche soir chez moi, ceux que vous aimerez à rencontrer. Je suis très entrain de Lord Palmerston. J’ai tant de complices que l'ouvrage est facile. Savez- vous que je le crois bien entamé, bien malade. Le g[énéral] Lahitte est bien ferme. Il se loue du Président qui est très ferme aussi. Enfin jusqu’ici rien n’est fait. J’ai fait arriver en bon lieu vos soupçons sur ce qui pourrait se traîner à Athènes. On y fera attention. La manière dont la question est posée dans la négociation qui se poursuit ne rend pas raisonnable que l'intrigue à Athènes puisse aboutir. D’ailleurs j’ai vu [?], il me parait qu’il a pris les devants dès il y a 3 semaines. Il a bien conseillé de laisser faire la France. Quand je vous verrai, je vous dirai pourquoi ma lettre est si courte aujourd’hui.
Depuis onze heures pas un moment jusqu’à présent 2 heures. Rien à vous dire. La dotation passera, tout le monde le dit à présent. Le discours du Président dans son voyage, fait du bruit. On le trouve un peu socialiste. Au demeurant ce voyage a été excellent pour lui. L'accueil partout, parfait. Changarnier ne le fait pas voir, on n’entend pas parler de lui. Mes fils sont toujours ici. Adieu. Adieu. Adieu Chreptovitz est en activité et en grande confiance pour moi. Morny que j’ai vu hier on dit que Flahaut ne voudrait pas qu’on fût trop raide. Mais cela n’agit pas sur Morny d’ailleurs je vous répète Lahitte est tout-à-fait décidé. Adieu. Adieu.

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104. Paris le 26 juillet 1838

Les bons jours approchent, et puis les mauvais viendront tout aussi vite. Je voudrais ne penser qu’aux premiers, mais la peine se présente à mon esprit plus aisément encore que le joie. Cette disposition n’était pas dans ma nature. Elle n’y est venue que depuis que j’ai tant aimé. Je vous ai dit comme j’ai tremblé cent fois au milieu de mon bonheur. plus mes enfant m'étaient chers & plus je frémissais de tout, de tout. Vous n’étiez pas comme cela. Vous ne l’êtes pas encore. Savez vous pourquoi ? C’est que vous êtes français. Le plus grave, le plus sérieux, peut-être le plus passionné des Français. Mais encore une fois, français. Je ne dis pas cela en blâme. Je le dis en envie. Et puis, non ; je ne vous envie rien, je vous aime trop pour vous rien envier. Oui, je vous aime, de toute mon âme, de tout mon cœur, de tout mon esprit. Je trouve que j’ai si raison de vous aimer, que je fais une si bonne action que je deviens meilleure auprès de vous tous les jours. Mais défendez-moi d’être si triste, si triste. Comment se fait-il que pour moi le temps ajoute à la douleur ? On m’avait tant dit qu’il la calme. Vous le voyez. Je vais de vous à ces horribles souvenirs, et puis je vous cherche, je vous retrouve, j’ai besoin de vous, de votre impensable patience, de votre affection.

Longchamp 4 h.
Je vous demande pardon de la pauvre petite lettre que la poste vous portera demain matin. Le prince Kotchoubey entrait tandis que je vous écrivais, et l’heure de la remettre est venue pendant sa visite ! C’est un fils de ce lui que vous avez connu. Il a un peu d’esprit et la disposition à la fronde comme tous les jeunes gens en Russie. Il vient dans ce moment de Londres, & voit Paris pour la première fois. Il trouve la France & Paris abominables, c’est fort naturel quand on vient de ce merveilleux pays. Mais il s’amusera ici et dans huit jours il aura changé d’opinion. Il fait bien tranquille ici, peut-être trop tranquille pour moi, cela ne me vaut rien du tout. Quand nous y serons ensemble ce sera charmant, car je vous y mènerai n’est-ce pas ?
Vendredi 10 heures.
On m’a fait veiller hier jusqu’à minuit. J’en ai mieux dormi. Je vais remettre ceci à M. Génie. L’occasion est bien bonne et cependant je ne sais pas écrire tout ce que je dis si aisément vous verrez Mardi comme je reprends vite et avec joie mes habitudes, que je suis impatiente de mardi ! Je ne vous ai pas logé encore dans mon salon. Je ne sais quel est le fauteuil, le canapé sur lesquels vous vous plairez. Tout cela me préoccupe, tout cela m’amuse même et puis le jardin. Ces belles fleurs nous les regarderons ensemble. Enfin j’ai mille petits plaisirs en perspective, il me semble que je me suis levée plus gaie aujourd’hui. J’ai vu beaucoup de monde hier au soir mais presque rien que des hommes, toute la diplomatie et Berryer et le petit Dino, Médem et Nicolas Pahlen restant toujours les derniers et me font veiller. Lady Clauricarde m’a écrit enfin, mais pour m’annoncer qu’elle est nommée Ambassadrice à Pétersbourg. Elle dit qu’elle en est fâchée, je n’en crois pas un mot. Elle est enchantée. Elle me demande des conseils. Je l’engagerai à venir les chercher ici. Ellice est furieux de la nomination. Il ne les aime pas. Le Duc de Noaille m’écrit ce matin. Il est toujours à Dieppe. Fabricius qui était hier ici est-en grande colère contre M. Molé d’un certain discours à la chambre des pairs dans lequel M. Molé dit à propos de la Belgique qu’il a fait ses preuves l’année 30. Il ne veut plus remettre les pieds chez lui. De son côté M. Molé m’a parlé mal de Fabricius qu’il appelle un mauvais homme. Son Duc, le Duc de Nassau a été assez mal traité à Londres. On n’y a pas fait la moindre attention. En vérité les promenades & les speech au Maréchal & du maréchal Soult sont parfaitement ridicules. Il est bien temps que cela finisse. Il quitte Londres le 29.
Vos glorieuses commencent. On a fait beaucoup de dépenses en bois et en couleurs mais pas beaucoup de dépenses d’esprit dans la décoration. Imaginez que tout le long des Champs-Élysées il y a 27, 28, 29 juillet sur des poteaux comme j’ai marqué là et entre ces quatre poteaux un plus grand portant le nom d’un département. Ainsi les chiffres répétés 86 fois. C’est exact comme je vous dis là. Ce qui me divertit & me plait, c’est que j’ai juste devant mon appartement - Calvados. Est-ce de la malice de M. le décorateur ?
Adieu. Adieu. Je vous aime, je vous aime. Je vous attends. Je vous le dirai autrement. quand vous serez là, devant moi, près de moi. Quel plaisir. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris lundi le 29 octobre 1849

Voici ce que m'écrit Constantin. 24 Berlin. " L'envoyé turc a été trouvé très content, une fois hors de l’influence de St Canning. Le jour où Bloomfield & Lamoricière ont présenté leurs notes, le comte Nesselrode a eu la satisfaction de pouvoir leur dire, que tout était terminé directement avec la Turquie Le pied de nez est complet. Vous vous en réjouirez surtout à l’endroit de Lord Palmerston, ce génie infernal ." Voici les dates. Le courrier Anglais est parti de Londres le 7 octobre. Il n’a pu arriver à Pétersbourg que Le 10e jour au plus tôt. Or nous avions fini avec le Turc le 14. Le 16 il a eu son audience de l'Empereur vous ne voyez le récit dans les Débats c’est que les hommes importants s'emparent du pouvoir de gré ou de force : Thiers, Molé, Berryer ministres. Tous les gens de cœur & d’honneur se mettant au service. Le duc de Noailles accepterait d’être sous préfet. Il s'agit de sauver la France il n'y a d’autre moyen que l'épuration des places. Il est très éloquent et très monté. J'ai été le soir un moment chez la vicomtesse. Le duc de Mouchy est un vrai paysan. Il me déplait parfaitement. Aujourd’hui qu'il est l'un des 150 rois de la France, il est insoutenable. Et puis il a été 10 fois impressionné dans la demie heure que j’ai passé là. Votre lettre ne vient pas, qu’est-ce que cela veut dire ? Adieu, Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond Mardi le 18 septembre 1849

Deux mois, deux grands mois depuis votre départ ! Comme notre courte vie est massacrée. Je comprends que vos hôtes aiment votre visite, mais je suis sure que vous aussi vous aimez avoir à qui parler, avec qui raisonner un peu. Moi je n’ai eu personne. Lord John tout seul, mais il n’y a pas assez de liberté d’esprit. J’avale à tout instant ce que j’allais dire. Cependant sa conversation m’amuse. Nous devisons Hier j’ai passé la soirée, chez eux. Tous seuls à nous trois. Cherchant à comprendre comment peut se débrouiller ce chaos partout, surtout en France, aboutissant un peu à dire, c’est John qui dit que les Français sont particulière ment faite pour un bon despotisme militaire. Je suis d’accord de cela malgré que cela ne vous plaise guère. Je crois vous avoir dit, il y a une dizaine de jours que Lord Palmerston voulait qu'on destituât le gouvernement de Malte pour avoir refusé l'hospitalité aux réfugiés italiens. Lord John ne veut pas, et cela ne sera pas. Il approuve la conduite du gouvernement. Il est très curieux de ce que va faire le gouvernement turc à l'égard de Kossuth & & &. L’Autriche les réclame et nous réclamons les Polonais. Je suis étonnée de n’avoir rien de Constantin depuis la mort du grand duc. Des nouvelles privées parlent du chagrin violent de l’Empereur. Il prend les joies comme les peines avec une fougue, effrayante. Mon fils est venu me voir hier. Le temps tourne au froid, et je commence à craindre que Richmond ne le soit trop pour moi bientôt. Je ne suis cependant pas pressée de Paris. Le choléra, & les menaces de Changarnier. Morny revient ici dans huit jours. Lord Melbourne m'écrit souvent mais il demande, car il ne sait rien. Il me dit sur Lord John " Quel cocher pour l’attelage qu’il devrait conduire, et dont il est mené." Je suis un peu colère contre Melbourne pour une question de 3 £ il laisse aller cette belle maison qu’avait M. Fould. Les Delmas viennent de la prendre. Lord John approuve fort le vote de la Chambre à Turin qui condamne l’arrestation de Garibaldi.
Je vous envoie une lettre de Marion. Je lui avais fait tenir celle où vous me parliez d'elle. (c’était trop long à copier.) Voyez la drôle de fille. Voici votre lettre. Je suis bien aise du peu de valeur que vous attachez à au dire de de Lord Normanby. Mais regardez y toujours et au choléra. Adieu. Adieu mille fois.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond mardi le 4 septembre 1849

Lord Beauvale est venu de Londres hier pour me voir. C’est dans sa calèche que s’est passé la visite. 1h 1/2 au milieu de la rue au grand divertissement de toutes les commères de Richmond, la Duchesse de Glocester en tête. Il m’a fort diverti ne me racontant la mauvaise humeur du f.o. bien grognon, bien aigre, & certainement broyant du noir encore, partout. Entre autre espérant que les révolutionnaires traqués & chassés de tous les pays iront en Grèce, & que là ils renverseront le roi Othon. Ce propos est littéralement vrai. Très mécontent du gouvernement de Malte qui a imaginé de refuser de recevoir les Marsini & &. Ce gouverneur arrive ici et sera sans doute destitué. Il est de mode de dire que l'Autriche n’est plus qu’une province Russe. On cherche à aigrir, à blesser. Votre diplomatie parle bien plus convenablement.
J'ai eu un mot de John Russell hier, aussi de la mauvaise humeur, je copierai cela pour demain, avec ma lettre qui a donné lieu à cette réponse. Mon fils m'écrit de Naples que le Pape y était attendu pour le 1er septembre. Il tiendra ensuite un consistoire à Benavente, et puis il ira passer l'hiver à Loretto. La question politique bien incertaine bien vague. Ma soirée s’est passée à faire de la musique. Mad de Caraman chante. Cela m'amuse assez. Bulwer est de retour, je ne l’ai pas vu encore.
1 heure
Comment n'avez- vous pas eu ma lettre de vendredi ! Elle a bien été remise de bonne heure. Que faire ! Le grand duc Michel a encore une fille à marier. La grande duchesse Catherine charmante, il va la marier. Je crois à un Mecklembourg. Elle ne vous épouserait pas. Vous trouverez peut-être quelque petite allemande, mais surement pas avant de vous être fait empereur. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond Mercredi 22 août 1849

J’ai livré à lord Melbourne. Votre lettre sur le Pape. Il en raffole. Elle est admirable. (Il me l'a rendue cependant, mais lue tout à loisir.) C’est dommage que Metternich a tort une fois. dans cette lettre car du reste elle lui ferait un grand plaisir. Nous n’avons rien de nouveau par ici. Mais évidemment la guerre de Hongrie touche à sa fin. Dans huit jours j'espère apprendre le dénouement. Ce sera une grande affaire de terminée après cela cependant viendront pour le gouvernement autrichien les plus grosses difficultés. Vous savez qu'il a demandé à la Bavière 20 m. d'hommes pour venir garnisonner Vienne. Quelle situation pour ce grand empire ! Lord Palmerston est toujours et restera toujours bien hostile à l’Autriche. Il l'est un peu à nous maintenant. Ah comme Melbourne le déteste !
J'ai fait mon luncheon hier chez la duchesse de Glocester. Rien, qu'une excellente femme, et qui aurait bien envie que je passasse l’automne à Brighton avec elle. Mon fils est venu me voir hier. Il a pauvre mine, il est sans cesse malade à Londres et il est trop paresseux pour quitter sa vie de club. Brünnow est à Brighton, il n’y a vraiment personne à Londres. Lord Ponsonby écrit de Vienne à Lord Melbourne une excellente lettre. Toujours occupé à empêcher les personnalités entre Lord Palmerston & le Prince Schwarzemberg. Quand aux affaires de Hongrie, il n’a plus l'ombre du doute. Nous écrasons l’insurrection. L'Empereur sera bien content.

2 heures
Voici votre lettre. Curieux portrait de Lamoricière. Ce doit être vrai. Duchâtel vous mande exactement ce qu’il m’a mandé à moi. Il est clair que la durer de ceci n’est pas possible. Mais d’où partira l’explosion ? Que je voudrais qu'elle se fit vite ! Je n’ai plus aucun goût aux événements ; Je voudrais trouver les choses faites. Adieu. Adieu, vous voyez que je suis stérile aujourd’hui. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond dimanche le 19 août. 1849

J’ai dîné hier chez lord Beauvale avec les Palmerston. Nous faisons très bon ménage. Tout-à-fait de l’intimité sans beaucoup de sincérité, mais cela en a presque l'air.
Il n’avait pas de nouvelles hier seulement il croit savoir que le voyage de Schwarzenberg à Varsovie avait pour objet de se plaindre des lenteurs du Maréchal Paskowitz. Celui-ci se plaint à son tour que le gouvernement autrichien ne donne pas à manger à notre armée. Ce qu’il y a de vrai c’est que selon les lettres de Constantin on est mécontent chez nous du Maréchal, on dit que cela traîne, que nous laissons échapper l’ennemi quand tout ne va pas bien il y a toujours quelqu’un qu'on en amuse. En Transylvanie cela va mieux. [Bem] a été parfaite ment battu, c’est littéralement vrai, car outre que nous avons détruit un corps de 6000 hommes. Voici ce qui est arrivé. La calèche de [Bem] tombe en notre pouvoir on y trouve deux hommes. Le plus grand on le tue, l’autre était petit et si laid, qu'on se met à le fouetter, et lui, si agile qu'il parvient à s’évader au milieu des coups. C'était [Bem]. Constantin a lu avec Schwarzenberg les papiers trouvés dans cette calèche. C’était la correspondance de [Bem] avec Kossuth, très curieuse, & bonne à connaître. Constantin me dit que Lamoricière a été bien reçu mais il me dit cela froidement on l’a fait assister à un exercice de cavalerie, et il a dit qu’il n’avait jamais rêvé à une pareille merveille. Bon courtisan. Lord P. m’a dit que l’Autriche et la Russie seraient très empressées et très charmés de reconnaître l’Empire français. Il faut d'abord le faire.

4 heures
Longue visite de Lady Palmerston et curieuse conversation. Elle est venue pour me démontrer combien son mari avait raison en toutes choses, en dépit de ce que, public européen, public anglais, la presse toute entière, les collègues. même, la cour, étaient contre lui Curieux aveu. Alors sont venus les détails il est très autrichien & & très conservateur partout & & - C'est donc un homme bien calomnieux. - C’est cela. Horriblement calomnieux. Mais enfin après tout ce que je vous ai expliqué n’est-ce pas que j’ai fait quelque impression sur vous ? - Certainement vous m'avez convaincue que vous croyez très sincèrement à tout ce que vous me dites. - Mais ce que je vous dis est la vérité. - Je veux bien le croire, mais prenez de la peine pour détruire tout ce qu’on croit de contraire. Votre mari est puissant, puissant en actions, en paroles, en écriture. Et bien que tout ce qui vient de lui action, parole tout porte le cachet de ce que vous dites. On ne demande pas mieux que de voir lord Palmerston dans la bonne voie mais il faut le voir pour le croire, & aujourd’hui je vous déclare qu’on ne le croit pas & Voilà pour l'ensemble ; dans le détail ; - On accuse mon mari d'être personnel ? Personne n’est moins cela que lui. Il aime tout le monde, Il aimait beaucoup M. Guizot. (Comment voulez-vous ne pas rire ?) Enfin j’ai ri, j'ai écouté, je n’ai voulu ni disputer, ni discuter. Je me suis amusée, et je vous amuse. Au milieu de tous les bons principes, elle est convenue avec beaucoup de plaisir même que lord Palmerston était le roi des radicaux. Enfin c'était très drôle, et cela a duré une heure & demi.
Je rentre d'un luncheon chez la duchesse de Cambridge où j’ai trouvé Madame Rossy (?) La duchesse a rencontré avant hier la duchesse d’Orléans chez la reine douairière. Elle ne lui a pas plu du tout, Elle a surtout éte désappointée dans sa tournure. Elle ne lui trouve pas l’air grande dame, & elle lui a paru très laide. Elle a dit deux choses désobligeantes à sa fille la grande duchesse de Meklembourg. Manque de tout plutôt qu’intention, je suppose. Car alors ce serait grossier. La Reine douairière n’a pas longtemps à vivre.
Lundi 11 heures
Hier encore dîner chez Lord Beauvale avec les Palmerston point de nouvelle de la causerie rétrospective. Toujours énorme désir de voir en France une autre forme de gouvernement, et ferme conviction que cela doit arriver. J’ai vu hier matin lord John Russell un moment très occupé, il est parti ce matin pour rejoindre la reine en Ecosse. Mad de Caraman est [?] installée au Star & Garter. Elle veut absolument faire mon portrait, c’est bon s'il pleut, et une séance plus, pas possible. Van de Weyer est revenu hier de Bruxelles, il est mon voisin aussi à la porte du parc. Cela sera une ressource j'en ai beaucoup cet été. Encore interrompue par lady Palmerston. Mais c’est fini. Ils retournent à Londres aujourd’hui pour dîner chez C. Fox avec l’ambassadeur de France. Grande satisfaction de n'être mêlé en rien dans l’affaire de de Rome, en rien dans l’affaire de La Hongrie toutes les deux détestables et dont on ne peut pas comprendre le dénouement. Van de Weyer rapporte de Bruxelles la conviction que la France aura l’Empire Léopold, glorieux, heureux, fort aimé. On va lui offrir une couronne civique. Voici la poste. Votre lettre, une de Duchâtel, intéressante avec rien de nouveau cependant grande tranquillité. De la division et beaucoup dans le camps modéré. Thiers en grand discrédit. Molé un peu aussi. Il n'y a qu'un seul homme dont on attende quelque chose c'est Changarnier lui-même Duchâtel a été parfaitement traité à la douane. Du respect, de l’empressement Adieu, Adieu voici l'heure de fermer ma lettre et puis ma promenade. Vous avez là une grosse lettre. Adieu. Adieu. Je répondrai à la vôtre tantôt. God bless you dearest.

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Richmond Mercredi 15 août 1849 6 heures

Je viens de voir lord John, le hasard a fait qu’il me citait un mot un peu radical de Lord Grey l'actuel, je lui dis à cela, que je croyais que lord Palmerston était le seul radical des ministres, qu'au moins on prenait bien du soin pour le classer ainsi et le distinguer des autres. Vous voulez parler du portrait & du discours dans les meetings ? oui. à quoi Lady John observe qu’elle ne croit pas qu’il ait recherché cela. C’est possible, mais il l’a mérité Lord John. I Wonder whether they are flatered by it. Si Lord Palmerston est un homme d'esprit, il devrait ne pas l’être, ce sera la pierre de touche, quant à moi je croirai convenable de lui en faire un compliment de condoléance. Lord John a ri ; bien des petits mots & des petits gestes m'ont prouvé que la chose lui déplairait fort. J’ai eu soin de glisser dans la conversation le mot de position isolée. J’ai voulu vous dire cela tout de suite pour ne pas l'oublier. Hier lord John & les Palmerston ont dîné chez Brunnow avec le duc de Lenchtemberg. Il n’y avait d'Anglais qu’eux. Les Collaredo y étaient mon fils aussi qui ne parait que quand il y a du [?]. Lord John a distingué un nommé Mussard le secrétaire du commandement du Prince avec lequel il a causé & qu'il a trouvé homme d'esprit. Vous ai-je parlé de lui ? Il a vraiment de l’esprit.

Jeudi le 16. Je ne me remets pas et cela m'ennuie. Je fais ce qu'on me dit ; j'ai une très pauvre mine je crois que M. G. de Mussy vient aujourd’hui. Je vois toujours chez moi tout Richmond, je suis sortie aussi le temps était avez beau quoiqu'il soit fort rafraîchi. Lord John en me parlant hier de Rome, me dit qu'on leur demande conseil sur ce qu’il y a à faire là (je suppose qu'il veut dire les Français) et qu'on a répondu d'ici qu’on n’avait aucun conseil à donner. La situation est bien désagréable. Il est évident que la conduite du Pape est insensée. Les français vont-ils soutenir et protéger les cardinaux, ou les combattre ? Ou se retirer de là absolument ? Mauvaise affaire.
Je vous prie ne soyez pas du conseil général. Un journal anglais dit ce matin que vous en êtes. Je ne veux pas le croire.
1 heure. Voici votre lettre. Vitet dit comme le Journal des Débats sur le Havre. Va donc pour la république. What a bore ! Imaginez que les Ellice restent à Brighton, pas de Paris les parents n’en veulent plus. Adieu. Adieu & Adieu dearest.

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Richmond Mardi le 14 août 1849

Je suis mieux aujourd’hui, mais hier je suis restée tout le jour sur mon lit souffrant beaucoup de crampes & d’agression. Le médecin ici m’a fort bien traitée. Tous mes voisins sont accourus, mon fils aussi de sorte que je n’ai pas été seule. Il ne valait pas la peine d'envoyer chercher Mussy qui était à Claremont. Enfin je le répète je suis mieux, je je crois même que je sortirai. Merci merci des deux lettres de Vendredi & Samedi. Je reviens au duc de Lenchtemberg honnête jeune homme, conversation sensée, pleine d’affection, mais reste étranger sous beaucoup d'autres rapports. Du good sense, et bonne vue des choses. Il a vu l’Empereur il y a quinze jours, qui lui a dit que la guerre en Hongrie serait terminée au plus tard en six semaines donc, dans un mois. Qu’aussitôt, cela fait il dirait le bonjour aux Autrichiens &t rentrerait chez lui avec armes & bagages, mais que son armée resterait en Pologne, prête à d’autres éventualités. La totalité de nos forces actuellement en Hongrie & Transylvanie est de 220 mille hommes, 130 mille de réserve en Pologne. En tout 350 m/ sur pied de guerre. On se préparait à recevoir très bien le général Lamoricière. L'empereur lui a assigné un palais à Varsovie (c'est énorme !) Nous allions nommer de suite ses Ministres à Paris. Brunnow affirme que c’est Kisseleff. Le prince a souci & a dit qu’on était mécontent de Kisseleff sans beaucoup de rapports, & qu’il ne croyait pas que ce serait lui, moi, je crois Brunnow mieux renseigné. Après le Prince j’ai eu une longue visite d'un des cavaliers de sa suite, homme d’esprit, français. Il me dit que l’empereur est devenu très serieux, très grave, qu’on a fort peur de lui. Ces propres enfants. Refus absolu de passeport pour l’étranger, pas une exception, personne, personne ; ne peut sortir de Russie. Cela a été provoqué par la conduite de certains Russes à Paris Branitzky entr'autres. Le Prince repart après demain pour Madère. Grande suite 12 ou 14 personnes, toutes grands noms, & des gens comme il faut !
Je n’ai pas de nouvelles à vous mander d’ici. Les Palmerston devaient y venir coucher hier et à côté de moi lorsque tout à coup ils sont partis pour Tunbridge où un autre petit garçon de Ashley est mourant. Lady Holland m'écrit une lettre assez curieuse. Il parait que Thiers a complètement désorganisé le parti conservateur. Brouillé ouvertement avec Montalembert & Barryer. Molé s’en montre fort triste, & dit : " je ne vois plus ce qui peut sauver le pays." Il y a quelque rapprochement entre l’Elysée & les Invalides. Le rappel d’Oudinot n’est pas du tout sûr. Le ministre le rappelle mais le président lui écrit de rester. Cela serait-il possible ? Oudinot a toujours été mal avec Tocqueville et ne lui faisait pas de rapport tandis qu'il écrirait tout confidentiellement mais par intermédiaire au Président. Je vous donne là lady Holland. Son mari est venu pour huit jours. J'espère le voir. Lady Alice est encore ici mais malade. Elle vient de louer Marble Hill. Le temps est à la tempête. Et je suis ici comme dans une cabine de vaisseau. On meurt beaucoup du Choléra à Londres. Adieu. Adieu.
Voici votre lettre d’accord avec lady Holland quant à la scission dans le parti modéré. Si on va de ce train, Ledru Rollin sera président dans 3 ans. Adieu. Adieu. Adieu. Tournez. Vous me faites bien plaisir en continuant votre langage & votre attitude réservée. Persistez, persistez, sans un moment de distraction. Adieu encore.

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Richmond le 8 août 1849

J'ai eu hier une longue & bonne lettre de Montebello. A propos de tous les mea culpa exprimés par tous les côtés, il me dit " Thiers a fait le procès du gouvernement provisoire qui est aussi un peu le sien. Si on était logique il faudrait en conclure que celui qui a le moins failli est M. Guizot et se hâter de l’envoyer chercher au Val-Richer, où, tout considéré je suis bien aise de le voir. Il grandit dans sa retraite et son jour viendra. " Il veut vous faire visite. Il veut venir ici aussi. Je le voudrais bien.
J'ai eu aussi une très bonne et affectueuse lettre du grand duc héritier, pleine de respect, de souvenir, & d’amitié. Il m'écrit de Grodus en marche pour Varsovie à la tête de la garde Impériale. La femme de Constantin est accouchée d'un fils. Il en est dans un grand bonheur. Il allait la quitter le 3ème jour pour retourner auprès de l'Empereur à Varsovie. J’ai vu hier lord John Rusell tout rempli du succès de voyage de la Reine. L’enthousiasme est immense. Cela ne peut s’adresser qu'à la durée d'une dynastie, ou à un très grand homme. Il n'y a plus de grands hommes, et une petite fille de mérite très médiocre devient un objet de vénération et d’idolatrie par cela seul que son arrière grand-père, a régné là où elle règne aujourd’hui. Certainement il y a dans cette réflexion de quoi frapper beaucoup aujourd’hui les esprits partout si toutes fois, les esprits du continent sont susceptibles de réflexions sages.
La princesse Crasalcovy à dîner chez moi hier, nous nous sommes fait traîner à nous trois en calèche très découverte jusqu’à 10 heures du soir par le temps le plus beau, le plus chaud du monde. Cette nuit il y a eu de l'orage mais l'air n’en est pas rafraîchi. J’ai fait lire à John Russell la lettre de Montebello qui l'a fort intéressé. Il dit ce que vous me dites. Cela ne peut pas durer comme cela, mais on ne sait comment s'y prendre. Tranquillité assurée pour quelques mois, mais après ? God knows. Tolstoy m'écrit du Havre. Ce pauvre Pogenpohl est en paralysie. Adieu, dearest Adieu. Mille fois.
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