340 Paris, jeudi 9 avril 1840 10 h1/2
Appony m’a fait une longue visite hiers la dépêche télégraphique annonçant que M. Temple avait envoyé des ordres à l’amiral Stopford préocupait beaucoup l’ambassadeur. Cependant je l’ai trouvé plutôt joyeux. Il m’a fait l’éloge de M. Thiers, il le loue de sa politesse, ce qui ne l’empéchait pas de faire quelque voeux contre M. Berger. M. Molé ameutait beaucoup son monde dans ce vote. Je vois cependant que les moutons sont remis à ce berger.
J’ai fait le tour du bois de Boulogne avec Marion en voiture, on ne me permet pas de marcher par ce temps, car il ne fait pas beau ici. j’ai fait visite à la petite princesse. elle est mieux mais il ne peut pas être question pour elle de départ
J’ai dîné seule. Le soir j’ai été en Appony dernière grande soirée. Toute la diplomatie est en grande rumeur sur l’affaire de Naples. Vous ne sauriez vous faire d’idées du soulèvement. M. Molé est venu m’en parler aussi, disant, qu’il faut s’en mêler, protester au moins. Que c’est inouï !
Granville m’en a parlé quoique affirmant qu’il n’en savait pas un mot de Londres. Il a cependant dit : "Vraiment il faut mettre à la raison ce petit roitelet." Le propos est fort, mais les Anglais ont le prévilège de l’insolence. Je ne connais pas the merit of the case, mais le procédé Anglais me parait bien soudain et violent, vraiment il me semble difficile qu’on ne s’en mèle pas. Je n’ai entendu parler que de cela hier au soir. J’étais dans mon lit avant onze heures. Comment n’avez-vous pas été encore au parlement ? Les engagements de soirée ne demandent pas un grand respect en Angleterre, on s’en tire par une carte remise le lendemain et si vous attendez une soirée libre vous arriverez au mois de juillet, c’est-à-dire lorsque le parlement finira.
J’avais le cœur plus à l’aise hier. Votre lettre m’a fait du bien tenez le dans ce bon état. J’ai fait prier Génie de venir une voir ce matin. Il y a 10 jours qu’il n’est venu. Il faut que je lui parle d’une chicane qu’on me fait pour mon loyer. Un des grands ennuis du célibat veuvage pour une femme est que tout le monde commence par la croire bête et poltrone. Je veux savoir de Génie si dans le cas présent c’est dans ce sens qu’on me traite. J’ai relu plusieurs fois votre lettre, votre portrait d’O’Connel est merveilleux. Je suis sûre que vous dites vrai. Vos dernières pages sont charmantes, c’est une beaume tout-à-fait.
Midi
J’allais assez souvent le Dimanche au Zoological garden, mais je n’y allais pas seule ! Je n’y retournerai pas. Y avez-vous été seul ou en société et avec qui ? Je vous prie de me dire toutes ces choses, tous, tous les détails. Est -ce que je vous en épargne un seul de ma journée ? On ne peut se résigner à l’absence qu’à cette condition là. Je suis bien aise que vous ayez décidé sur Madame de Meulan. Quand comptez-vous faire venir votre famille ? La ferez-vous venir cet été ? Pensez-y bien. Vous m’avez dit que vous viendrez ici à la fin de l’automne. Si vous la faites venir, vous ne me tiendrez pas votre promesse, car vous ne voudrez pas laisser votre mère, et vos enfans seuls en Angleterre. Vous ne voudrez pas leur faire passer la mer dans la mauvaise saison. Examinez bien tout cela, et dites-moi vrai, ne me trompez pas. S’ils sont auprès de vous, vous ne ferez plus avec moi vos visites de moi vos visites de châteaux. Enfin, enfin de quelque côté que je regarde cela j’y vois pour moi de grands mécomptes. Je ne veux pas que votre première pensée soit pour moi, mais je ne veux pas que vous me trompiez. Vous savez que quelques fois, vous l’avez essayé pour m’épargner de la peine et vous savez aussi que cela a toujours mal réussi.
Je vous envoie cette lettre parce que c’est mon jour, mais elle vous dit peu de choses.
Parlez moi de Brünnnow, n’est-il donc pas encore venu vous voir ? Quand vous le rencontrez dans le monde vous parlez vous ? La grossesse de Lady Palmerston si elle est vraie, serait étrange. Elle a mon âge.
Adieu. adieu mille fois.