438. Paris, le 30 septembre 1840
Midi
Je vais vous dire toute la vérité à la condition que vous ne vous inquiéterez point. J’ai été saisie cette nuit de crampes au cœur et à la poitrine assez vives pour m’obliger à faire venir mon médecin il est venu à cinq heures. Il m’a fait faire des frictions, prendre des potions pour me faire transpirer. Cela a réussi, mais le mal est encore là. Je ne puis ni parler, en respirer librement. Je suis levée depuis un quart d’heure, on refait mon lit. Le médecin dit que c’est un cold pas autre chose. Je n’ai pas de fièvre. Eh bien vous savez tout et vous attendrez demain sans la moindre inquiétude. Mais je ne puis pas écrire longtemps.
Et j’avais tant à dire aujourd’hui 30 ! Au milieu de mes douleurs cette nuit, cette date m’est revenue à l’esprit et bien le croiriez-vous ? Je ne sais plus me rappeler ce qui s’est dit, ce qui s’est passé. Pas un détail mais le mot, l’idée, si vifs si profonds dans mon cœur. Je répète les 30 avec tant de passion. J’attends encore l’explication du bis, et j’attends encore la lettre qui doit être venue aujourd’hui. Dimanche il y avait quatre semaines depuis le 30. Dimanche prochain, il y aura quatre semaines de mon départ, je crois qu’il y a quatre ans Dans d’autres moments je crois que c’était hier. nous ne savons rien régler en nous. Nos imperfections sont si de diverses.
Adieu, il faut que je finisse. Je n’ai rien à vous dire. On attend ici avec anxiété. M. de Flahaut a écrit qu’il avait bon espoir à la suite d’un long entretien avec lord Palrmerston. J’espère qu’il n’ajoutera pas à la confusion. Je ne sais si je dois rien espérer du conseil. La seule chose sûre c’est que cet état d’incertitude ne saurait le prolonger, tout est trop tendre.
Fleischmann m’a bien confirmé ce que je vous disais hier je crois. L’Allemagne est très heureuse très peu remuer révolutionnairement parlant Elle sera fort unie pour le défense. Dieu garde que vous l’y forciez. Une longue visite hier du prince Paul de Wurtemberg ; bon a entendre, raisonnant juste, et voyant noir comme tout le monde. comme tout le monde. M. de Broglie repart pour la Suisse tout de suite presque, car le procès va être fini. On dit que c’est pitoyable ce procès.
Adieu, envoyez-moi, la paix, je vous enverrai demain ma convalescence j’espère adieu. Adieu comme le 30 aussi sérieux, aussi éternel.