2024-03-29T15:10:53Z
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/oai-pmh-repository/request
oai:www.eman-archives.org/Guizot-Lieven:2
2024-01-18T10:40:09Z
2
315. Paris, Mardi 25 février 1840, Dorothée de Lieven à François Guizot
Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
Ambassade à Londres
Relation François-Dorothée
Santé (François)
315 Paris Mardi 25 février 1840 2h1/2<br /><br />
<div style="text-align: justify;">Je suis triste, triste, triste à mourir. Je parcours ces chambres que vous venez de traverser. Je regarde cette chaise verte sur laquelle je ne vous reverrai plus. [Et un cœur est pris à s’éprendre]. Ah nous reverrons nous ? Je suis frappée de cette mort qui signale votre départ. J’ai l’esprit superstitieux quand l’affection s’en mêle. Qui sera là pour calmer mes terreurs ? Je vous en prie ne prenez pas cette potion de votre petit médecin. Cela pourrait aggraver le mal de mer. Subissez le tout bonnement comme fait tout le monde. Manger bien en arrivant à Calais, mais le matin ne prenez qu’une tasse de thé. Il faut avoir pris du liquide. Buvez de l’eau tiède si le mal de mer vous prend. Je vous écris pour vous dire tout cela. Adieu adieu. God bless and protect you and me. N’est-ce pas ? adieu</div>
Marie Dupond & Association François Guizot, projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle)
1840-02-25
Correspondance
1 double folio
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/items/show/2
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/files/original/aebcff3d4967be21588938a0c29f90f4.jpg
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/files/original/4b5df583b5ae3c21090f391de81c87c0.jpg
799, AN : 163 MI 42 AP Papiers Guizot Bobine Opérateur 4
Français
Anglais
Voir la réponse <a href="http://eman-archives.org/Guizot-Lieven/items/show/5" target="_blank" rel="noopener noreferrer">316 Calais Mercredi 26 février 1840, François Guizot à Dorothée de Lieven<br /> </a>
Paris (France)
Calais (France)
Marie Dupond & Association François Guizot, projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0.
oai:www.eman-archives.org/Guizot-Lieven:3
2024-01-18T10:40:08Z
2
316. Paris, Mercredi 26 février 1840, Dorothée de Lieven à François Guizot
Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
Ambassade à Londres
Doctrinaires
Réseau social et politique
Femme (diplomatie)
Salon
Politique (France)
Discours du for intérieur
<div style="text-align: justify;">316 Paris Mardi 26 février 1840</div>
<div style="text-align: justify;">Midi</div>
<div style="text-align: justify;"> </div>
<div style="text-align: justify;">Voici ma pauvre journée hier. Le Bois de Boulogne, seule, Lady Granville et Mme Appony de 4 à 6. Le soir M. de Noailles, Bacourt, quelques autres. La combinaison Thiers et Doctrinaires étaient l’ordre du jour.<br /><br /></div>
<div style="text-align: justify;">[[Je n’ai point vu paraître Génie pour le confirmer ou le démentir. Je [me ravis] d’un rien. Il me semble presque que je ne m’intéresse à rien. Je suis si triste ! J’ai passé une mauvaise nuit. J’ai pensé que vous aussi, bien froid ces routes. à 6 heures je vous verrai arrivé à Calais, car je doute que vous y soyez avant. Vous y trouverez une lettre.]] Lady Granville a été bien bonne et bien caressante pour moi hier, plus que de coutume. Son mari est toujours fort préoccupé de la crise. Il est arrivé quelque chose de très ridicule tandis que j’étais chez eux. Madame Sébastiani s’était fait annoncer une demi-heure avant, on l’attendait. Lorsqu’elle su que j’y étais, elle n’a pas voulu entrer. Ah pour le coup, c’est trop fort ? Et moi qui voulais innocemment lui aller faire visite pour apprendre des détails sur la noce ! [[Ne parlez pas de cela pas plus que je n’en parlerai. Vous concevez bien que je l’ignore. Il fait froid. Je ne sortirai pas tard.<br /><br /></div>
<div style="text-align: justify;">2 heures Appony sort de chez moi, il est parfaitement convaincu que l’entrevue que le roi doit avoir ce matin avec Thiers n’aboutira à rien absolument, [acquis] avant la fin de la semaine l’ancien ministre sera rétabli. M. Molé est de cette opinion aussi. [Comte Mathieu Molé].</div>
<div style="text-align: justify;">Vous êtes à Douvres. Vous en êtes déjà parti. Comme je pense à tout, à tout. Et vous, vous pensez à moi en traversant ce riant pays, en regardant ces cottages que j’ai tant regardés [l’année 37] ! [[Je me trompe fort, où vous aimez beaucoup l’Angleterre, et vous n’aimez pas beaucoup Londres. ]]<br /><br /></div>
<div style="text-align: justify;">Il a fait trop froid pour me promener hier. J’ai passé une grande heure chez Lady Granville. Mme Sébastiani en sortait. Il y avait eu une scène très vive à mon sujet, qui a fini par des pleurs de l’ex-ambassadrice et amende honorable. Vous ne pourriez concevoir toutes les pauvretés qu’elle a dites. « On m’appelle à Londres, le chef de la coalition. J’ai remué ciel et terre pour vous y faire aller. » (Moi, la seule victime de ce départ !) Lady Granville s’est fâchée et a dit tout ce qu’il fallait dire. Au surplus tout cela ne fait rien ; ce serait trop bête de m’en fâcher. [[Pardonnez moi ma mauvaise plume. Je me punis par avance après un dîner solitaire j’ai reçu une troupe de joueur de Whist que Lady Granville m’a envoyée. Cela m’a diverti et pas trop pendant un quart d’heure après quoi je suis allée causer avec le duc de Noailles, messieurs d’a et de Castellane. Le premier exhorte ton [4 mots] il m’a parlé longuement et avec chagrin de la situation, il voudrait en sortir, il voudrait être [ ? ], parler agir travailler pour la monarchie sans s’inquiéter pour le [ ?] du monarque. Voilà le programme en gros.<br /><br /></div>
<div style="text-align: justify;"><span style="text-decoration: underline;">Midi</span><span style="text-decoration: underline;">]]<br /></span></div>
<div style="text-align: justify;">Le vent était à Thiers hier et il y a des innocents qui y croient [[Je suppose qu’on croira autre chose aujourd’hui. Point de Génie encore. Cela ressemble beaucoup au [ ?2­]<br /><br /></div>
<div style="text-align: justify;">1 ½</div>
<div style="text-align: justify;">Je viens de faire ma toilette, je reviens à vous. Mes lettres vous accueilleront. Je n’aurai rien à vous dire sans vous c’est temps perdu [ ? 2] et prendre les nouvelles. Qu’est-ce qui me reste ?</div>
<div style="text-align: justify;">Le soleil est superbe ; mon appartement est bien gai, et je suis bien triste.­]]<br /><br /></div>
<div style="text-align: justify;">Adieu, je vais remettre ceci moi-même aux affaires étrangères [[et j’irai au bois de Boulogne, et puis quelques visites, et puis et puis toujours de la solitude, toujours de l’ennui, toujours de la tristesse, toujours de l’[ ?] adieu, adieu.]]</div>
Marie Dupond & Association François Guizot, projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle)
1840-02-26
Correspondance
2 doubles folio
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/items/show/3
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/files/original/eaa3c7181c2dcf942a4e21f01b684c6d.jpg
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/files/original/14cbe2c68a04799da7c4765c7af409d1.jpg
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/files/original/76f6259ae6324d22c5b6a469a8f9a739.jpg
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/files/original/2bc59feeb28bd4626be736cbca33bc96.jpg
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/files/original/3e19544490ae763b972a5938a00ade57.jpg
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/files/original/44d7432908ad6d42193d0b2368a20b32.jpg
800-801, AN : 163 MI 42 AP Papiers Guizot Bobine Opérateur 4
Français
Voir la lettre du même jour de François Guizot <a href="http://eman-archives.org/Guizot-Lieven/items/show/5" target="_blank" rel="noopener noreferrer">316 Calais Mercredi 26 février 1840, François Guizot à Dorothée de Lieven<br /><br /></a>Voir la lettre précédente de Dorothée Lieven <a href="http://eman-archives.org/Guizot-Lieven/items/show/2" target="_blank" rel="noopener noreferrer">315 Paris Mardi 25 février 1840, Dorothée de Lieven à François Guizot</a>
<p></p>
Paris (France)
Marie Dupond & Association François Guizot, projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0.
oai:www.eman-archives.org/Guizot-Lieven:4
2024-01-18T10:40:07Z
2
317. Paris, Vendredi 28 février 1840, Dorothée de Lieven à François Guizot
Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
Ambassade à Londres
Vie domestique (François)
Femme (politique)
Musique
Réseau social et politique
Politique (France)
Salon
Relation François-Dorothée (Politique)
Posture politique
Enfants (Guizot)
<div style="text-align: justify;">317. Paris, vendredi 28 février 1840, midi<br /><br />Votre lettre de Calais m’a fait tant de plaisir ! Comme vous avez été vite ! Vous voilà donc vraiment à Londres. Votre chambre à coucher donne-t-elle sur le square ou le jardin ? Vous devriez prendre le square, l’air doit y être meilleur. Comment supportez-vous l’odeur de Londres ? J’ai mille et une question à vous faire ; mais vous me direz tout. J’ai eu longtemps hier matin les Granville et les Appony. En fait de nouvelles ici, ni les uns ni les autres ne savaient la moindre chose. Mais l’un attendait patiemment le dénouement, et l’autre, avec une grande horreur de Thiers, et une presque certitude de retourner au Marechal. <br /><br />Je ne me suis point promenée il faisait trop froid, je n’ai pas fait d’autres visites, j’ai manqué celle de Mad. Sébastiani dont j’ai trouvé la carte en rentrant ; je vous dis cela comme suite à ce que je vous mandais dans mon dernier n°. J’ai dîné à 6 heures seule, et je suis allée à l’opéra où j’avais donné rendez-vous à M. Molé et le duc de Noailles. Le dernier est venu et Lord Grainville nous avons entendu Mozart [ ? ] Les noces de Figaro mais charmant, chanté à ravir. Cela m’a plu j’y retournerai. Medem, [ ? ] et d’autres étaient venus chez moi. Je suis fâchée d’avoir manqué Médem. [Comte Paul] Je vous raconte tout et cela fait peu de choses. Je dus à Paris ce matin chez M. Jaubert, comme de raison j’ai été très effrayée.<br /><br /></div>
<div style="text-align: justify;"><span style="text-decoration: underline;">2 heures</span></div>
<div style="text-align: justify;">Je vais dîner et passer la soirée chez Lady Granville. En attendant l’émeute dans les rues, on s’occupe beaucoup d’une émeute chez Thorn, à une répétition où Mme de Ségur a presque boxé avec Rodolph Appony, Directeur du bal costumé qui aura lieu lundi. Décidément Génie n’a pas reçu d’instructions claires, ou il n’y veut pas obéir. Je n’entends pas parler de lui, d’après cela je vous conseille de ne point vous adresser vos lettres. On me dit que vos amis sont très hostiles contre moi ; qu’est-ce que je leur ai fait ?<br /><br /></div>
<div style="text-align: justify;"><span style="text-decoration: underline;">5 heures</span></div>
<div style="text-align: justify;">J’ai vu Appony chez moi ; il venait de chez le Maréchal. L’impression qu’il en remporte est qu’il restera ministre. Dans ma tournée des visites j’en ai fait une à Mad. de la Redorte. Thiers y est venu . Il verra le Roi demain, « il n’est point encore chargé de faire un Ministère. C’est demain que le mot sera dit ou pas dit. Son ministère est tout prêt. Ce sera original de voir renaître le 11 octobre, mais séparé par la mer.» Voilà ce que j’ai recueilli dans un langage un peu embrouillé. Il fait excessivement froid. Il me semble que vous dinez demain chez Lord Palmerston ou au moins que vous y serez ce soir.</div>
<div style="text-align: justify;">Dimanche vous dînerez chez Lord Holland ? [ ?]<br /><br /></div>
<div style="text-align: justify;">Samedi 29 à 11heures.</div>
<div style="text-align: justify;">Un petit billet d’Henriette m’annonce que vous êtes arrivé à Londres, et que vous n’avez pas souffert du mal de mer. Lord Grainville me disait hier à dîner que selon des nouvelles sûres venues du Château, c’est Thiers qui serait nommé président et ministre des aff. etr. Il le croyait parfaitement, les autres diplomates en doute. Ils ont foi en la mine sereine du Maréchal. On dit que nous verrons aujourd’hui. Il me semble que si c’est Thiers qui gouverne, quand même il y aurait une <span style="text-decoration: underline;">petite</span> infusion de <span style="text-decoration: underline;">petits</span> doctrinaires, comme c’est sur la gauche qu’il aurait à s’appuyer, vous ne pourriez pas rester à Londres. Tout l’intérêt de la crise ministérielle pour moi, est là.<br />Ce soir il y avait [ ?] et [ ? ]. Évidemment Médem serait charmé que le Maréchal n’y fut plus. Il ne voit pas un grand inconvénient à Thiers. Appony et [ ? ] y verraient la guerre. Il n’y a point de nouvelles du dehors, que je sache. Je vous prie de me mander beaucoup de choses. Racontez-moi [ ?], dites-moi tout ce qu’aurait sinon dit Génie, et une autre fois ne vous fier à des Génies. Moi je m’y fiais puisque vous me le disiez - mais il [faut­­] que j’apprenne à ne pas croire à tout ce que vous me dîtes. Je vous ai dot que j’étais rancunière et je vous le prouve. Cela n’empêche pas autre chose.<br />M. Molé est venu me chercher hier, mais je n’y étais pas.<br /><br /></div>
<div style="text-align: justify;"><span style="text-decoration: underline;">1 heure. </span>Enfin Génie est venu. Je lui fais amende honorable dans ma lettre. Il n’a voulu venir qu’avec quelque chose. Et bien, il a pris quelque chose de bizarre ! Il m’a raconté tout ce qu’il ne vous écris. Je n’ai rien à changer à ce que je trouve sur une 2<sup>ème</sup> page, mais à [ ? ]. C’est un moment important pour vous, prenez-y bien garde, votre parti se divise ; les braves gens iront au bon drapeau car c’est à la gauche que tout cela tire. Vous qui avez toujours combattu la gauche vous resterez avec les braves gens. Vous ne les avez quittés qu’un moment, qu’une erreur, une faiblesse, une distraction, comme vous voudrez ; voilà ce qu’a été l’hiver dernier ; c’est le moment de réparer. Et vous ne pouvez pas rester neutre. Vous êtes un Ambassadeur des plus extraordinaires. Vous êtes le <span style="text-decoration: underline;">seul</span> Français qui soit appelé à suivre la méthode anglaise. Les autres peuvent rester quand même. Vous <span style="text-decoration: underline;">ne le pouvez pas. </span></div>
<div style="text-align: justify;"><span style="text-decoration: underline;"> </span></div>
<div style="text-align: justify;">Savez-vous pourquoi je vous dis tant ? C’est que vous êtes faible pour vos amis !</div>
<div style="text-align: justify;">Adieu. Adieu. J’attends vos lettres avec une si vive impatience !</div>
Marie Dupond & Association François Guizot, projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle)
1840-02-28
Correspondance
2 doubles folio
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/items/show/4
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/files/original/3a174c63e83ab4bde0fe99561bfb6b6e.jpg
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https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/files/original/b05f6454e362eabb09daeba65c7d1015.jpg
802-803, AN : 163 MI 42 AP Papiers Guizot Bobine Opérateur 4
Français
Voir la lettre à laquelle Dorothée de Lieven répond <a href="http://eman-archives.org/Guizot-Lieven/items/show/5" rel="noopener noreferrer" target="_blank">316 Calais Mercredi 26 février 1840, François Guizot à Dorothée de Lieven<br /><br /></a>Voir la lettre du même jour de François Guizot <a href="http://eman-archives.org/Guizot-Lieven/items/show/6" rel="noopener noreferrer" target="_blank">317 Londres Vendredi 28 février 1840, François Guizot à Dorothée de Lieven </a><a href="http://eman-archives.org/Guizot-Lieven/admin/items/edit/5" rel="noopener noreferrer" target="_blank"><br /></a>
Calais (France)
Londres (Angleterre)
Paris (France)
Marie Dupond & Association François Guizot, projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0.
oai:www.eman-archives.org/Guizot-Lieven:5
2024-01-18T10:40:07Z
2
316. Calais, Mercredi 26 février 1840, François Guizot à Dorothée de Lieven
Guizot, François (1787-1874)
Relation François-Dorothée
Conditions matérielles de la correspondance
Voyage
Discours du for intérieur
<div style="text-align: justify;">316 Calais, mercredi 26 février 1840, 2h1/2<br /><br /></div>
<div style="text-align: justify;">Merci mille fois, merci comme adieu. Votre lettre est arrivée une heure avant moi. Elle m’attendait sur la cheminée. Un plaisir inespéré, un plaisir attendu, lequel est le plus doux ? Je n’en sais rien. Je penche en ce moment pour le plaisir inespéré. Je ne m’attendais pas à trouver ici un plaisir. Je suis bien. J’ai dormi cette nuit et déjeuné ce matin, à Montreuil. Je vais faire ma toilette, recevoir les autorités, dîner et me coucher. Je pars à 4 heures du matin, pour entrer dans le port de Douvre avec la marée, vers 7 heures. J’y passerai deux heures, et je serai à Londres, de 4 à 5 heures ? Il fait un temps admirable, et j’ai éprouvé la nuit dernière qu’on pouvait se garder à merveille du froid.<br /><br /></div>
<div style="text-align: justify;">Je ferai, sur le paquebot comme ailleurs, ce que vous me dîtes, tout ce que vous me dîtes.<br /><br /></div>
<div style="text-align: justify;">J’aurais voulu m’arrêter à Abbeville à l’auberge où vous avez été malade. J’aurais voulu m’arrêter à Boulogne. J’aurais été triste pourtant. Adieu. Adieu. N’ayez pas de vaines terreurs. C’est bien assez des maux réels et des craintes légitimes. Adieu. G.<br /><br /></div>
<div style="text-align: justify;">Demain, je verrai des lieux où vous avez été, que vous avez aimés. Ce sera pour moi ce que la chaise verte était hier pour vous. Oui, nous nous reverrons, à Londres et sur la chaise verte à Paris.</div>
Marie Dupond & Association François Guizot, projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle)
1840-02-26
Correspondance
1 double folio
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/items/show/5
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/files/original/696d540ec670a435223bb8b218572143.jpg
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/files/original/08742d76dbea846155577d3ac2c2f6ec.jpg
804, AN : 163 MI 42 AP Papiers Guizot Bobine Opérateur 4
Français
Voir la lettre à laquelle il répond <a href="http://eman-archives.org/Guizot-Lieven/items/show/2" rel="noopener noreferrer" target="_blank">315 Paris Mardi 26 février 1840, Dorothée de Lieven à François Guizot.<br /><br /></a>
<p>Voir la réponse de Dorothée de Lieven <a href="http://eman-archives.org/Guizot-Lieven/items/show/4" rel="noopener noreferrer" target="_blank">317 Paris Vendredi 28 février 1840, Dorothée de Lieven à François Guizot<br /></a></p>
<p>Voir la lettre du même jour de Dorothée Lieven <a class="permalink" href="http://eman-archives.org/Guizot-Lieven/items/show/3">316 Paris Mercredi 26 février 1840, Dorothée de Lieven à François Guizot</a>.</p>
<p> </p>
Calais (France)
Marie Dupond & Association François Guizot, projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0.
oai:www.eman-archives.org/Guizot-Lieven:6
2024-01-18T10:40:06Z
2
317. Londres, Vendredi 28 février 1840, François Guizot à Dorothée de Lieven
Guizot, François (1787-1874)
Ambassade à Londres
Vie domestique (François)
Réseau social et politique
Voyage
Description
Victoria (1819-1901 ; reine de Grande-Bretagne)
Diplomatie
France (1830-1848, Monarchie de Juillet)
Femme (diplomatie)
Salon
Finances (François)
Relation François-Dorothée
<div style="text-align: justify;">317 Londres Vendredi 28 février 1840, 9 heures<br /><br />Je me lève. Je suis arrivé hier à 5 heures un quart. J’ai mis un peu plus de huit heures de Douvres à Londres par un beau soleil froid qui est entré avec moi dans le brouillard de la ville et s’y est éteint tout à coup. J’espère que je n’en ferai pas autant.<br /><br /></div>
<div style="text-align: justify;">La Londres que j’ai traversée m’a paru plus belle que je ne m’y attendais, les maisons moins petites, l’aspect plus monumental. Mais quelle monotonie grise ! C’est du jour sans lumière.<br /><br /></div>
<div style="text-align: justify;">En débarquant à Douvres, j’ai trouvé l’Angleterre différente, très différente de la France, pays, villes, personnes, rues, tout. Après deux heures de voyage, l’impression avait disparu, je me trouvais chez moi. Au fond, c’est la même civilisation, et les ressemblances surpassent les différences.<br /><br /></div>
<div style="text-align: justify;">Hertford-House est très beau, le rez-de-chaussée surtout. Le premier étage est mal meublé. J’y suis établi dans une bonne chambre sur la cour, au dessus du salon qui précède mon cabinet du rez-de-chaussée et dont on a fait une petite salle à manger. J’ai bien dormi. Mais la maison est vide, la ville est vide, le pays est vide. Rien ne les remplira.<br /><br /></div>
<div style="text-align: justify;">Je verrai lord Palmerston chez lui à Carlton-Terrace, ce matin, à une heure. Il est possible que la reine me donne dès demain mon audience.</div>
<div style="text-align: justify;">Lady Palmerston est la première personne que j’ai rencontrée dans Londres. Sa voiture a passé à côté de la mienne. Nous nous sommes regardés. Elle ne m’a pas reconnu, mais moi elle et le chancelier de l’ambassade que j’avais avec moi, me l’a nommée à l’instant. J’irai demain soir à son samedi.</div>
<div style="text-align: justify;"> </div>
<div style="text-align: justify;">2 heures et demie</div>
<div style="text-align: justify;"> </div>
<div style="text-align: justify;">Je viens de chez Lord Palmerston. La Reine me recevra, à ce qu’il paraît, demain. Point de discours. M. de Talleyrand en a fait un. Le général Sébastiani point. On aime mieux que je n’en fasse point. On m’a très bien reçu. J’ai été de la chez lord Landsdowne et lord Melbourne que je n‘ai pas trouvés.</div>
<div style="text-align: justify;"> </div>
<div style="text-align: justify;">Les bals de la Reine vont commencer. Lundi prochain, une petite soirée dansante. Le Prince Albert a décidément du succès. La Reine a été très bien reçue, il y a trois jours à Drury lane.</div>
<div style="text-align: justify;">M. de Bülow arrive demain.<br /><br /></div>
<div style="text-align: justify;">Ellice est venu en mon absence. J’y ai regret. Alava m’a écrit de grand matin, désolé de ne pouvoir venir à la place de son billet. Il est cloué dans son fauteuil par un lumbago. Je viens de parcourir tout le beau quartier. Tout est petit et l’ensemble est grand, très grand. Une chose me choque, c’est la manie des ornements dans toutes ces petites maisons. Je n’ai vu nulle part tant de colonnes, de colonnettes, de figurines, d’enjolivement de toute espèce. Ce qui est charmant et point exagéré du tout dans votre dire, c’est la propreté ou pour mieux dire l’éclat des carreaux de vitre, des portes de tout ce qui paraît. À ce degré la propreté devient de l’élégance qui donne bonne opinion des gens et se passe de bon goût.<br /><br /></div>
<div style="text-align: justify;">Voilà une invitation qui m’arrive de lord et lady Palmerston à dîner pour demain samedi, avec de duc de Sussex.</div>
<div style="text-align: justify;">Seriez-vous assez bonne pour faire venir le petit [luc] dont je n’ai pas l’adresse, et l’engager à porter chez ma mère, s’il en a encore au même prix, ou à peu près, un service de [nappage] de Saxe pour 24 couverts pareil au premier, et deux ou trois services, moins beaux pour 12 couverts. Je vois que je ne trouverai rien ici à si bon marché ; et je crois me rappeler qu’il a dit à ma mère qu’il en avait encore.<br /><br /></div>
<div style="text-align: justify;">Ma maison est fort loin d’être montée. Je suffis aux premières nécessités. Ce sera cher, même resserré dans le simple convenable. Je veux dire le premier établissement ; je ne sais pas encore ce que sera le service courant ; mais j’entrevois qu’il n’aura rien d’excessif.<br /><br /></div>
<div style="text-align: justify;">Le vote d’hier soir préoccupe un peu mais plus de préoccupation que de conséquences. Je n’ai encore rencontré personne qui pensât sérieusement à la possibilité d’une autre administration. </div>
<div style="text-align: justify;">Je vous parle bien à tors et à travers, de tout pêle mêle et sans rien dire. J’ai sur l’esprit comme sur le cœur le poids de cet Océan qui nous sépare. Mes lettres de ce matin me disent qu’il n’y a toujours rien. Quand en aurai-je de vous ? Demain, j’espère. Adieu. Dites-moi tout ce qui vous occupe ou vous ennuie. Je voudrais vous suivre dans toutes vos heures. Triste, triste effort.</div>
<div style="text-align: justify;">Adieu. Adieu. G.<br /><br /></div>
<div style="text-align: justify;">P.S. Le fils de M. de Nesselrode vient d’arriver en courrier de St Pétersbourg.</div>
Marie Dupond & Association François Guizot, projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle)
1840-02-28
Correspondance
1 double folio
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/items/show/6
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805, AN : 163 MI 42 AP Papiers Guizot Bobine Opérateur 4
Français
Voir la lettre du même jour de Dorothée Lieven <a class="permalink" href="http://eman-archives.org/Guizot-Lieven/items/show/4">317 Paris Vendredi 28 février 1840, Dorothée de Lieven à François Guizot</a>.
Londres (Angleterre)
Douvres (Angleterre)
Marie Dupond & Association François Guizot, projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0.
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2024-01-18T10:40:05Z
2
318. Londres, Samedi 29 février 1840, François Guizot à Dorothée de Lieven
Guizot, François (1787-1874)
Ambassade à Londres
Conditions matérielles de la correspondance
Relation François-Dorothée
Portrait
Interculturalisme
Récit
Protocole
Bonheur
Discours du for intérieur
<p>318 Londres Samedi 29 février 1840<br />9 heures du matin</p>
<p style="text-align: justify;">J’éprouve ici le matin une grande impression de calme. Personne ne vient. Personne ne me parle. Je n’entends point de bruit. C’est le repos de la nuit, sauf les ténèbres. Il me semble que je sors d’un guêpier bruyant, et que je contemple une ruche d’abeilles qui travaillent toutes sans bourdonner. Vous avez raison. Avec du bonheur domestique, la vie peut être ici aussi douce que grande. Il y a en France trop de mouvement extérieur; ici, pas assez de mouvement intérieur. En tout, l’aspect de cette société me plaît; je m’y sens à l’aise et dans un air sain, bien que trop froid.</p>
<p style="text-align: justify;">Voilà du bonheur, le 316. Décidément chaque fois, je vous dirai mille fois merci. Oui, c’est du bonheur, un bonheur charmant quoique triste. Que serait-ce s’il était gai ? Je ne comprends pas Mad. Sébastiani ; malgré tout ce que j’en savais, ceci est plus bête. Mais je comprends encore moins Génie. Je lui ai répété ma recommandation pour tous les jours, cinq minutes avant de monter en voiture. Je n’entrevois qu’un motif, les obsèques de ce pauvre M. Devaines. Elles ont dû avoir lieu avant-hier jeudi, et Génie aura eu toutes sortes de soin à prendre. C’est un travail de mourir, et ceux qui s’en vont lèguent à ceux qui restent l’embarras avec le chagrin. Il est impossible que Génie ne soit pas allé vous voir hier.</p>
<p style="text-align: justify;">4 heures Je viens d’avoir des aventures. Je sors de chez la Reine. Imaginez que je reçois, à une heure dix minutes, un billet de Lord Palmerston qui me dit que la Reine me recevra à une heure. J’envoie sur le champ chez Lord Palmerston pour constater mon innocence. Je m’habille en toute hâte. Je demande mes chevaux. Je pars. J’arrive avant 2 heures, à Buckingham. Comme de raison, on m’attendait. Je monte et trouve Lord Palmerston qui arrivait aussi. Les ordres de la Reine lui étaient parvenus tard. On ne les lui avait pas remis tout de suite. Heureuse-ment la Reine avait d’autres audiences qu’elle avait données en atten-dant. [Point de maître des cérémonies. Sir Robert Chesler, prévenu en même temps que moi, n’avait pas été aussi preste que moi.]</p>
<p style="text-align: justify;">Bref, la Reine m’a reçu avec beaucoup de bonne grâce; sa dignité la grandit; son regard est intelligent et animé. Je lui ai dit en entrant : « J’espère, Madame, que Votre Majesté sait mon excuse, car je serais inexcusable. » Elle m’a répondu en souriant, et j’ai vu que Lord Palmerston était excusé aussi. Mon audience a été courte. Le Roi, la famille Royale, les relations du Roi avec le Duc de Kent son père, la surprise que je ne fusse jamais venu en Angleterre etc, etc. [Je suis sorti. Lors Palmerston est resté un moment après moi. Je m’en allais ; il m’a rejoint en courant : « Vous n’avez pas fini ; je vais vous présenter sur le champs au Prince Albert et à la Duchesse de Kent ; sans cela, vous ne pourriez leur être présenté qu’au prochain lever, le 6 mars ; et il faut qu’au contraire que, ce jour-là, vous soyez de vieux amis. »]</p>
<p style="text-align: justify;">Nous avons été chez le Prince Albert, très beau et agréable jeune homme d’une physionomie douce, ouverte, intelligente, simple et élégant de langage. Il m’a retenu un quart d’heure. Nous avons causé. Il m’a plu tout à fait...</p>
<p style="text-align: justify;">[De là, chez la Duchesse de Kent, au rez de chaussée. Elle était un peu malade de la goutte. Au moment où je traversais le vestibule pour aller reprendre ma voiture, sir Robert Chester est entré descendant de la sienne. Je lui ai fait toutes mes excuses dont je n’avais pas besoin. Je suis rentré chez moi, j’ai quitté mon harnois. J’ai couru une heure et demie pour aller m’écrire chez les Ducs de Sussex & de Cambridge, la duchesse de Glocester, les Princesses Auguste et Sophie-Mathilde, et me voici de retour. Demain les visites du cabinet. Après demain celle du Corps diplomatique. Les cartes pleuvent chez moi ce matin. On me remet à l’instant celle de Lord Aberdeen, Lord Holland et Lord Howe. Je demanderai demain à être reçu par la Reine Douairière.</p>
<p style="text-align: justify;">Je suis allé hier soir chez Lady Holland sans la trouver. Elle était à Covent Garden où la Reine a été fort bien reçue. Les loges en face ont été louées pour 20 £ pour la voir, et les loges à côté 10 liv., pour ne pas la voir.</p>
<p style="text-align: justify;">Dimanche 9 heures.</p>
<p style="text-align: justify;">J’ai été plongé hier en Angleterre ; jusqu’au fond. A dîner le duc de Sussex, le Duc de Norfolk, le Duc de Devonshire, Lord Carlisle, Lord & Lady Albermarle, Lord & Lady Minto, Lord & Lady Elisabeth Howard, Lady Seymour, &, &, tous Whigs sauf un petit Tory dont j’ai oublié le nom. Le soir un rout immense, tout ce qu’il y a de ministres, de corps diplomatique, de membres des deux chambres, Whigs, Torys, radicaux, depuis lors Aberdeen jusqu’à M. Grote ; mais les Whigs souverains, selon leur droit.</p>
<p style="text-align: justify;">J’ai passé ma soirée à être présenté et à accueillir des présentés. On me dit que je dois être content, très content que j’ai été bien lion et bon lion. Il me semble que j’ai rencontré de la curiosité et de la bienveillance. Je suis décidé à y être difficile. Je ne fais nul cas des demi-succès et des succès de début. Il les faut, mais pour commencer, comme il faut un premier échelon à la plus haute échelle. Si je suis bon à quelque chose ici, pour mon pays & pour moi, ce ne peut être qu’en inspirant une estime & un intérêt soutenu & croissants.</p>
<p style="text-align: justify;">Fanny Cowper est charmante ! Elle promène partout, modestement mais sans embarras, un regard si jeune et si indépendant ! Je serais surpris si elle n’avait pas des goûts très décidés, en attendant des volontés.</p>
<p style="text-align: justify;">Lord Aberdeen est venu à moi avec un empressement marqué. Je l’ai trouvé plus vieux et l’air moins sombre que je ne m’y attendais.</p>
<p style="text-align: justify;">Lord Melbourne m’a parlé français de très bonne grace et longtemps. Il n’y a qu’Ellice qui soit décidé à ne pas me dire un mot de français. Il a raison. Je lui ai promis d’aller diner chez lui mercredi, en famille, et vendredi, chez Lord Charendon, en petit comité. Lord Charendon a été très aimable.</p>
<p style="text-align: justify;">Je n’ai pas vu, du Cabinet, Lord John Russel, et du corps diplomatique, le Baron de Brunnow.</p>
<p style="text-align: justify;">Connaissez-vous une Mad. Stanley, jolie, vive, spirituelle, whig très décidée et très active, que Lord Palmerston appelle notre <span style="text-decoration: underline;">Chef d’Etat major</span> ? Son mari est un whipper-in important.</p>
<p style="text-align: justify;">J’ai trouvé là le Prince de Capoue et sa femme. Il y a plus que l’océan entre les façons anglaises et les façons napolitaines.</p>
<p style="text-align: justify;">Le Duc de Sussex a l’air d’un très bon homme. Il m’a beaucoup parlé de ses voyages sur le continent. Il a vu commencer toutes les révolutions, en France, en Espagne, en Portugal. Il prenait grand plaisir à me raconter Mirabeau. Vous savez que M. Croker m’a dressé à ces leçons-là.</p>
<p style="text-align: justify;">J’étais à table entre Lady Cecilia Underwood (vous savez) et Lady Albermarle qui m’a mis très bonnement, au courant de tout le monde. Lady Palmerston avait à côté d’elle le Duc de Sussex et le duc de Norfolk. C’est la règle, n’est-ce pas ?</p>
<p style="text-align: justify;">J’ai échangé en courant quelques paroles avec Lady Palmerstonn affectueuses pour vous. Elle a l’air très contente, et répand avec beaucoup de grace son contentement tout autour d’elle. Son fils, Lord Cooper m’a paru sprituel.</p>
<p style="text-align: justify;">Si nous étions ensemble, je vous dirais mon compliment de Lady Palmerston à mon sujet, que j’ai entendu en passant. Mais cela ne se dit que tout bas quoique tout seuls.</p>
<p style="text-align: justify;">Vous avez raison ; elle a l’air très fine et voyant tout sans y regarder.</p>
<p style="text-align: justify;">5 heures</p>
<p style="text-align: justify;">J’ai eu toute à l’heure un vrai plaisir. J’ai été à Stafford house. Le Duc et la Duchesse de Sutherland m’ont accueilli presque avec amitié. J’aime Stafford-house. C’est très beau, très beau. Et ce sera encore plus beau, car le premier étage n’est pas fini. J’ai vu ce qui est fait et ce qui se fait. Le Duc m’a promené partout. L’Escalier a vraiment de la grandeur, assez pour que la richesse y soit bien placée. Le comte de Montfort m’y a succédé.</p>
<p style="text-align: justify;">J’apprends que j’ai eu tort de ne pas me mettre à côté de Lady Palmerston. C’est Lady Albermarle qui m’a trompé. Je lui donnais le bras. Je l’ai consultée ; elle m’a dit que je devais me placer à côté de Lady Cécilia Underwood, quasi altesse royale. Je prendrais ma revanche.</p>
<p style="text-align: justify;">J’ai fait ce matin toutes mes visites de cabinet, et Lord Charendon sort d’ici. Il a vraiment de l’esprit, et un esprit gracieux. Nous nous sommes entendus au-delà de mon attente. Je dine chez lui vendredi, samedi chez Lord Lyndhurst, Dimanche chez Lord Landsdown. Il y a aussi un dîner arrangé chez le duc de Devonshire, avec le duc et la duchesse de Cambridge. Je subis cette première bouffée , j’espère qu’elle ne soufflera pas toujours.</p>
<p style="text-align: justify;">Je vous parle de tout, et pas un mot de ce qui se fait à Paris. Que serviraient mes paroles ? Vous en savez plus que moi. J’attends ce que me mandera le duc de Broglie. Il a mes pouvoirs, sauf ratification. Adieu pour Aujourd’hui. Il fait très froid. Mais je n’ai pas l’impression d’un changement de climat.</p>
<p style="text-align: justify;">M. Dedel sort aussi de chez moi, très ouvert et très bienveillant. Je crois que je me trouverai bien de lui et avec lui Lundi.</p>
<p style="text-align: justify;">Lundi 2 mars 9 heures</p>
<p style="text-align: justify;">Je ne compte pas avoir de lettre de vous ce matin, par la poste. Vous aurez attendu le courrier des affaires étrangères. C’est horrible une poste qui arrive et qui ne m’apporte rien de vous. Le Val-Richer, Baden ne m’ont jamais coûté si cher. Je m’y accoutume tous les jours moins. C’est déjà si peu qu’une lettre ! Et pourtant c’est tout.</p>
<p style="text-align: justify;">J’ai passé deux heures et demie hier soir chez Lady Holland, empressée, charmante. J’ai trouvé Lord Holland toujours le même, absolument le même, la seule personne qui ne m paraisse pas vieillie, d’esprit ni de corps. Lord John Russel et Ellice y avaient dîné. Lord & Lady Palmerston y sont venus le soir. J’ai un peu causé avec Lady Palmerston, et j’ai protesté contre l’erreur où m’avait attiré Lady Albermarle avant-hier. Voici mes dîners de la semaine. Mercredi Ellice. Vendredi, Lord Clarendon. Samedi, Sir Robert Peel. Dimanche, Lord Landsdown. Mardi 10, le Duc de Sutherland. Il me semble que je vous en ai dit la moitié plus haut.</p>
<p style="text-align: justify;">10 heures ¼</p>
<p style="text-align: justify;">J’avais tort de ne pas espérer. La poste est charmante. Que de choses à vous répondre ! En attendant vous gagnerez quelque chose à ma joie. Je ferai partir ce volume aujourd’hui. Un autre suivra promptement. Que ne donnerais-je pas en ce moment pour causer une heure avec vous ! Adieu. Adieu.</p>
Marie Dupond & Association François Guizot, projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle)
1840-02-29
Correspondance
2 double folio
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806-807, AN : 163 MI 42 AP Papiers Guizot Bobine Opérateur 4
Français
Londres (Angleterre)
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2024-01-18T10:40:04Z
2
318. Paris, Dimanche 1er de mars 1840, Dorothée de Lieven à François Guizot
Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
Ambassade à Londres
Conditions matérielles de la correspondance
Famille Guizot
Femme (portrait)
Portrait
Politique (France)
Santé (enfants Guizot)
Femme (diplomatie)
Salon
Conditions matérielles de la correspondance
Femme (santé)
Vie domestique (François)
<p style="text-align: justify;">318. Paris, le 1er mars 1840, dimanche</p>
<p style="text-align: justify;">10 heures</p>
<p style="text-align: justify;">Après avoir fermé ma lettre hier, je suis allée chez votre mère. Le cœur m’a battu en entrant. Elle m’a reçue avec bonté. Vous ne sauriez croire comme elle me plaît. C’est un visage si serein, un regard si intelligent et si doux, et même gai.</p>
<p style="text-align: justify;"> Je l’ai beaucoup regardée. Quand je ne la regardais pas, il me semble qu’elle me regardait aussi. Le Duc de Broglie y était, et y est resté. Il a parlé de la situation tout le temps. Pourquoi le Duc de Broglie a-t-il cet air moqueur et désobligeant ? Je conçois qu’il ne plaise pas. Moi, je l’aime assez malgré cela, et malgré autre chose que je déteste et que j’ai découvert en lui hier. Il a commencé par dire qu’il ne savait absolument rien ; que depuis trois jours il n’avait vu personne du tout ; et puis il nous a raconté son entretien avec le Roi, la veille, et un long entretien avec Thiers le soir, et puis, et puis, tout ce qui se passe. Pourquoi commencer par mentir ? Vous savez l’horreur que j’ai de cela. Si jamais je commence, moi, je continuerai. Mais il me semble que je suis trop fière pour commencer. Les Français ont décidément l’habitude du mensonge ; je ne connais pas d’Anglais dans lequel j’aie surpris ce défaut. Voyez bien et vous trouverez si je dis vrai!</p>
<p style="text-align: justify;"> Mais je reviens à la rue de la Ville-l’Evêque. Vos enfants ont couru à ma rencontre dans la cour, cela m’a fait plaisir. Ils ont une mine excellente, surtout Henriette. J’ai demandé à votre mère de me les envoyer ce matin pour voir passer le bœuf gras, elle ne le veut pas à cause de leur deuil. Votre mère a été bien polie et affectueuse pour moi.</p>
<p style="text-align: justify;">Delà je fus chez Lady Granville qui est bien malade ; elle n’avait pas dîné ni assisté à la soirée la veille. Nous avons causé pendant une heure, elle et son mari, du nouveau ministère, de votre situation ; il ne sait trop qu’en dire. Moi, je ne me permets pas d’avoir une opinion devant les autres ; j’attends que vous ayez pris votre parti.</p>
<p style="text-align: justify;">J’ai été rendre visite à Mad. Sebastiani sans la trouver. De là chez les Appony qui sont consternés. Appony ne conçoit pas le Roi, et il ajoute qu’il n’aura certainement aucune affaire à traiter avec Thiers, et qu’il entre en conséquence en vacances.</p>
<p style="text-align: justify;">J’ai dîné seule. Le soir la diplomatie est venue. Granville croyait savoir que la nomination du ministère avait été mal accueillie à la Chambre. Médem est enchanté de n’avoir plus Soult et d’avoir Thiers. Il est tout remonté. Brignoles n’a pas d’opinion.</p>
<p style="text-align: justify;">Quand aurai-je mes lettres ? à propos notre correspondance ! Cela ne sera plus très commode. Cela prouve bien votre situation naturelle vis-à-vis de ce ministère.</p>
<p style="text-align: justify;">Bulwer est très malade, je ne puis pas le voir. Il m’écrit ce matin ce matin & me dit qu’Odillon Barot est très piqué contre Thiers qui ne l’aurait pas même consulté pendant la crise. Cela n’est pas trop d’accord avec d’autres avis.</p>
<p style="text-align: justify;">Midi</p>
<p style="text-align: justify;">Génie sort d’ici, il a un peu ébranlé mes opinions d’hier, par les récits qu’il m’a faits de ses entretiens avec vos amis. Il faut attendre ; mais si on tire à gauche, revenir sur le champ : voilà ce qui me paraît ressortir des avis les plus sages. En attendant, la puissance de Thiers me paraît établie dans tous les départements du Ministère.</p>
<p style="text-align: justify;">J’attends votre lettre , car on me dit qu’il y a un gros paquet au bureau de l’hôtel des Capucines.</p>
<p style="text-align: justify;">1 heure</p>
<p style="text-align: justify;">La lettre n’arrive pas. La voilà. Je vous en remercie.</p>
<p style="text-align: justify;">Lundi 2 mars, I heure</p>
<p style="text-align: justify;">Je ne sais pas trop comment vous envoyer cette lettre. Cependant, jusqu’à nouvel avis, je ferai comme vous me l’avez indiqué. Lundi et jeudi au bureau des Affaires étrangères et samedi par la poste.</p>
<p style="text-align: justify;">J’ai été voir hier les trois malades, la petite Princesse, Lady Granville & Mad. Appony. Même fureur chez ceux-ci. Il veut aller au château ce soir.</p>
<p style="text-align: justify;">J’ai eu à dîner M. de Pogenpohl. Ah! mon Dieu, Dimanche passé c’était autre chose! Le soir j’ai été faire visite à Mad. de Castellane; mais quoique j’aie tenu bon jusqu’à onze heures, M. Molé n’y est pas venu, je le regrette. Mad. de Castellane est fort opposition. En bonne catholique, elle a une sainte terreur de M. Vivien. Outre ces faits là, je n’ai rien relevé dans sa conversation.</p>
<p style="text-align: justify;">Lord Palmerston mande à Lord Granville que dimanche il devait avoir un long entretien avec vous. Vous voilà lancé dans les affaires, les dîners et les fêtes. Je crains que, pour commencer, le Duc de Sussex ne vous ait fait longtemps rester à table. Je vois tout cela, et un peu tout ce que vous en pensez. Votre première impression de Londres m’a divertie. Elle est vraie; je n’oublierai pas vos colonnettes et vos figurines.</p>
<p style="text-align: justify;">J’ai fait venir mon petit brigand et l’ai envoyé chez votre mère avec des nappes de Saxe. Elle choisira ; il a tout ce que vous demandez. Les services ordinaires pour 12 personnes, étonnamment bon marché, 129 francs.</p>
<p style="text-align: justify;">Je n’ai de lettres de personne.</p>
<p style="text-align: justify;">Le temps est toujours brillant et froid. Ceci ne me plait pas ? Je crains la grippe des ambassadeurs. Je ne marche pas.Adieu, il me semble que je vous ai tout dit, tout ce que peut porter une lettre. J’aurais mieux dit à la chaise verte. Ah! que cette chambre est vide! Adieu. Adieu.</p>
Marie Dupond & Association François Guizot, projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle)
1840-03-01
Correspondance
2 doubles folio
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808-809, AN : 163 MI 42 AP Papiers Guizot Bobine Opérateur 4
Français
Paris (France)
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2024-01-18T10:40:03Z
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318. Londres, Mardi 3 mars 1840, François Guizot à Dorothée de Lieven
Guizot, François (1787-1874)
Ambassade à Londres
Affaire d'Orient
Diplomatie
Politique (Angleterre)
Famille Guizot
<p style="text-align: justify;">318 Londres, Mardi 3 mars 1840</p>
<p style="text-align: justify;">6 heures</p>
<p style="text-align: justify;">Je viens de passer ma matinée à écrire une longue dépêche sur la conversation que j’ai eue hier au soir avec Lord Palmerston et où nous n’avons pas encore abordé les affaires d’Orient. Je devais le revoir aujourd’hui à une heure. Mais il m’a prié de remettre à demain. Il était obligé d’employer sa journée à préparer les documents demandés par la Chambre des Communes sur la querelle avec la Chine. Sa vie pendant la session est vraiment très dure. Il travaille beaucoup. Je lui trouve l’esprit net, prompt & pratique. Il doit prendre de l’influence.</p>
<p style="text-align: justify;"> Je n’ai encore fait que rencontrer Lord Melbourne. Mais il me plaît. Je lui trouve un certain mélange de bonhomie & de commandement, d’insouciance& d’autorité que je n’ai pas encore vu. Son crédit auprès de la Reine est toujours le même. Les Whigs aiment tendrement la Reine. Ils font remarquer qu’on n’a pas encore cité d’elle un acte, un mot qui manquât de prudence ou de tact.</p>
<p style="text-align: justify;">Elle n’a plus grand goût à la danse. Elle aime mieux son mari.</p>
<p style="text-align: justify;">Je dîne jeudi à Buckingham-Palace. Cela me fait déranger un petit dîner chez moi ave Dedel, Alava et le baron de Blum. Le corps diplomatique me parait très avisé de ces petits dîners & d’une partie de whist après.</p>
<p style="text-align: justify;">M. de Hummelauer a plus d’esprit que vous ne m’aviez dit. Il part au mois de mai, charmé de quitter l’Angleterre, où il s’ennuie, pour aller à Milan épouser une jeune Italienne de 18 ans qu’il ennuiera, je pense. Ellice est venu dîner hier avec moi, très bon et très aimable. Je puis abuser de lui tant que je voudrai. Je lui ferai plaisir.<sup>1</sup></p>
<p style="text-align: justify;">J’ai interrompu mes écritures ce matin, pour aller mettre des cartes, chez Lord Lyndhurst, Lord Cowley, et le marquis de Northampton. Voilà qui est bien intéressant , n’est-ce pas ? Je vous dis tout.</p>
<p style="text-align: justify;">Ma chambre donne sur le square. On dit qu’elle est très gaie. Décidément, ici, le ciel et la terre se confondent, gris tous les deux. J’ai regardé hier le soleil bien plus en face que ma lampe. C’est là, jusqu’à présent, le seul fait physique qui me frappe en Angleterre. Je n’ai du reste aucune impression d’un changement de climat, de température et d’habitudes. Si j’avais près de moi ceux que j’aime j’oublierais parfaitement que j’ai changé de lieu. Mon cuisinier a le plus grand succès. Ellice dit qu’il n’a point de pareil. Mon maître d’hôtel est excellent. Je ne suis pas aussi content de mon valet de chambre. Je ne vous dis que des balivernes et j’ai à vous parler de choses si importantes. Je n’ai pas voulu les entamer ce matin. Je me repose avec vous de ma dépêche.</p>
<p style="text-align: justify;">Mercredi, 5 heures</p>
<p style="text-align: justify;"> Je voulais vous écrire avec détail sur le parti que je prends, vous dire toutes mes raisons qui me semblent décisives et ne me laissent aucun doute. Je sors de chez Lord Palmerston qui m’a gardé trois heures et demie. J’ai à peine le temps d’envoyer à la poste. A après-demain donc les détails. Mais je veux que vous sachiez au moins l’ensemble. Voici des copies de la lettre que j’ai reçue ce matin du Duc de Broglie, et de celle que j’écris aussi ce matin, à M. Duchâtel. Vous serez au courant. J’y ai bien pensé. Je suis parfaitement convaincu. J’attendrai et je regarderai. Quel douloureux ennui que l’éloignement! Je voudrais vous tout dire et je ne vous dis rien, rien.</p>
<p style="text-align: justify;">Je suis charmé que vous ayez vu ma mère. J’étais sûr qu’elle vous plairait. Adieu, adieu. Quand je cesse de vous écrire, c’est encore une séparation. Adieu au moins.</p>
Marie Dupond & Association François Guizot, projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle)
1840-03-03
Correspondance
1 double folio
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/items/show/9
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810, AN : 163 MI 42 AP Papiers Guizot Bobine Opérateur 4
Français
Londres (Angleterre)
Marie Dupond & Association François Guizot, projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0.
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2024-01-18T10:40:02Z
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319. Paris, Mardi 3 mars 1840, Dorothée de Lieven à François Guizot
Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
Ambassade à Londres
Deuil
<p style="text-align: justify;">319 Mardi 3 mars 1840<br />9 heures<br /><br />J’attends vos lettres avec une vive impatience. Je suis curieuse de ce que vous me direz de Paris autant et plus que de ce que vous me direz de Londres.</p>
<p style="text-align: justify;">M. d’Appony est venu causer longtemps chez moi hier matin. Plus tard j’ai été causer longtemps chez Lady Granville. M. Thiers quoi venu de bonne heure chez l’Ambassadeur d’Angleterre. L’entretien été fort agréable à Granville. Thiers lui a dit qu’il avait votre promesse de rester avec lui Ministre des Affaires Etrangères. Cette visite s’est faite même avant la notification officielle du changement de Ministère. J’ai dîné seule. Le soir tout le monde était chez Thorn. Il ne m’est venu que Mad. de Boigne et le Duc de Richelieu, trop fier pour faire la connaissance du plébéien de l’autre monde. Mme de Boigne ne sait trop que dire de ceci. Elle trouve à Thiers beaucoup de puissance, mais elle aime Thiers, elle en aime quelques autres dans le nouveau ministère. Somme totale, elle attendra patiemment avec ce ministère ci l’occasion d’aimer beaucoup un ministère prochain. Elle a parlé de vous, espérant fort — que vous resteriez à Londres pour le moment, quoique M. Duchâtel dise que vous n’étiez pas préparé à la combinaison actuelle, telle qu’elle est faite. M. de Broglie se proclame très haut le parrain du Ministère actuel ; il y a des gens que cela étonne beaucoup, car ce Ministère ne peut trouver d’appui que dans la gauche (Boigne). Le Roi a causé avant-hier avec l’Ambassadeur d’Angleterre. Il se dit fort content des explications qu’il a eues avec Thiers. On pense généralement qu’il sera fort doux avec tout le monde, voire même les Appony.</p>
<p style="text-align: justify;">Je suis dans de tristes anniversaires et cette année, pour la première fois, les jours correspondent avec les dates ! Je cherche à me distraire, mais comment ? Ah que vous me manquez, à présent, toujours ! Il y a huit jours je vous attendais encore, je n’attends plus rien, personne.</p>
<p style="text-align: justify;">2 heures Il fait un temps bien froid et avec cela bien gris.</p>
<p style="text-align: justify;">Mercredi, 11 heures</p>
<p style="text-align: justify;">J’ai fait visite hier à Lady Granville, à Pauline et puis à sa mère. L’enfant de Pauline a la ressemblance la plus frappante avec M. de Talleyrand. J’ai trouvé chez la Princesse Mrs de Rambuteau et de Vandoeuvre. Celui-ci ravi et inquiet. Rambuteau disant qu’il faut soutenir parce que les changements sont déplorables. La Duchesse spécule sur la diplomatie française au cas où Londres, Vienne et Petersbourg viendraient à vaquer. Elle doute que Londres vaque.</p>
<p style="text-align: justify;">J’ai dîné hier soir en Autriche. Appony avait été le matin faire visite à Thiers sans le trouver. Une heure après, Thiers est venu chez lui. Il a été très poli, très bien. Il est évident qu’il est décidé à être bien pour tout le monde. Appony avait été au Château avant-hier soir. Il a trouvé le Roi résigné et triste, reconnaissant fort bien que sa situation devait être très abaissée aux yeux de tous. Il s’est dit cependant content de ses entretiens avec Thiers. Les articles d’hier et ce matin dans les Débats font quelque sensation. Mon voisin Jaubert reste mon voisin. J’en suis bien aise. Il est venu me faire visite hier avant que je ne fusse rentrée de chez les Appony. J’étais chez moi à 8 h 1/2. Il n’est venu personne, personne. C’était le mardi-gras, par conséquent mon mardi maigre. Et tout juste hier c’était horrible. Je me suis couchée à 11 heures sans pouvoir m’endormir jusqu’à 6 heures du matin. Cette terrible heure ! Ah quelle nuit !</p>
<p style="text-align: justify;">Il me semble que je suis bien loin de vous, j’ai votre lettre de vendredi & depuis je n’ai rien. Aujourd’hui le Galignani me parlera de vous, voilà tout ce que j’en saurais.</p>
<p style="text-align: justify;">Midi</p>
<p style="text-align: justify;">Voilà M. […] qui m’apporte le 318. Comme j’ai dévoré tout ! Eh bien, je vous dirai que Londres vous plaît beaucoup. Vous êtes content, oui, vous êtes content, même gai. J’ai prévu cela. Et c’est très naturel. La mer nous sépare aujourd’hui, nos sensations seront bien différentes. Je pleure aujourd’hui et vous riez! Quand vous aurez passé par le feu des dîners, dites-moi donc un peu autre chose. Que fait le négociateur Brünnow ? Le petit Nesselrode a dû porter les réponses de Pétersbourg. Mais c’est de Berlin qu’il les a prises au courrier. Quand me direz-vous ce que vous pensez de ceci ? Thiers a dit à Granville qu’il fera une diminution dans les fonds secrets. On dit que cela va être présenté incessamment. Il a reçu hier soir Aston dans la place St Georges ; les zélés y sont allés. Appony s’est abstenu.</p>
<p style="text-align: justify;">1 heure 1/2</p>
<p style="text-align: justify;">Vous voyez comme je reviens à vous souvent! Il me semble que vous m’avez recommandé de vous redire souvent ce que je vous avais dit souvent déjà ici. Eh bien, restez ce que vous êtes, grave, sérieux, naturel. Défendez-vous de l’enivrement de la situation nouvelle où vous vous trouvez. Rappelez-vous que vous vivez dans une maison de verre. Tout sera remarqué. Les Anglais sont infiniment plus fins qu’on ne l’imagine, et singulièrement observateurs et curieux, tout en ayant l’air de n’y pas regarder.</p>
<p style="text-align: justify;">Jeudi 5 mars,</p>
<p style="text-align: justify;">10 heures J’ai été à la Chambre hier. Elle était comble. Thiers est venu prendre sa place sur le banc des Ministres avec un contentement visible. <sup>1 </sup>Il s’est assis, pan, pan, pan, comme pour bien en prendre possession. Il a lu un discours d’une voix fort monotone, et pas très haute. Il a été reçu très froidement. J’ai quitté la Chambre tout de suite après, pour le Bois de Boulogne, ensuite chez Lady Granville. M. de Rémusat est venu chez son mari pendant que j’y étais. Il est convenu également qu’ils avaient été accueillis assez tièdement. Il a dit à Granville qu’il ne doutait pas que vous resteriez à Londres.</p>
<p style="text-align: justify;">J’ai dîné seule. Le soir j’ai eu Mad. de Coutades, elle est restée toute la soirée. Appony, Brignoles, le Duc de Noailles, M. Molé, Pahlen, d’Ossuna. Brignoles venait de chez le Roi qui lui a dit : « Je ne suis pas vaincu, mais je suis battu. » M. Molé parle du Ministère comme très transitoire. Il ne fait aucun doute qu’il tombe sur les fonds secrets : tout son monde tient ferme, le vôtre vient à lui. Il n’y a que cinq ou six doctrinaires qui restent avec M. de Rémusat. Les autres 25 passent à l’opposition. Thiers ne peut avoir de soutien qu’à la gauche, et cela ne peut pas suffire. Le Roi affirme qu’il n’accordera jamais la dissolution à Thiers. On a dit : « Et M. Guizot? — M. Guizot? cela ne fait pas une question. Il y a une justice à lui rendre, il n’a jamais cessé de combattre la gauche. » Vous voyez que je vous dis tout. Le Maréchal Soult avait dit aux Ambassadeurs qu’il n’attendait que la fin de la crise pour se rendre dans sa terre en Languedoc, hier il est venu leur faire visite à tous pour les prévenir qu’il les recevra tous les lundis soirs. Cela fait jaser.</p>
<p style="text-align: justify;">Voici une longue lettre, ou plutôt une gazette. Je sais qu’on attend M. d’André en courrier de Pétersbourg ; des lettres venues par la poste annoncent son départ, mandez-moi ce qu’il apporte. M. de Pahlen écrit à son frère toujours la même chose, qu’il n’y a rien. Que pensez-vous que fera Barante de l’ordre qui lui a été envoyé ? Je vous prie de me dire une quantité de choses. Adieu, adieu, adieu.</p>
<p style="text-align: justify;">Lord Granville a été hier à la soirée de la Place St Georges, Mardi. Il y avait une foule de députés, rien que la gauche.</p>
<br />
<p> </p>
Marie Dupond & Association François Guizot, projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle)
1840-03-03
Correspondance
3 doubles folio
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Français
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320. Londres, Jeudi 5 mars 1840, François Guizot à Dorothée de Lieven
Guizot, François (1787-1874)
Ambassade à Londres
Discours du for intérieur
Gouvernement Adolphe Thiers
Politique (France)
Diplomatie
Portrait
Relation François-Dorothée
Politique (Angleterre)
Interculturalisme
<p style="text-align: justify;">Londres, jeudi 5 mars 1840, 8 heures du matin</p>
<p style="text-align: justify;">Je me lève. Comment aurez-vous dormi cette nuit ? Hier était un triste jour. J’ai le coeur plein de remords d’être loin de vous. Je ne vous ai jamais fait le bien que j’aurais voulu. Vous ne savez pas, vous ne saurez jamais tout le bien que je voudrais vous faire, mon ambition infinie, insatiable, avec vous. Je vous aime trop pour me résigner jamais à me sentir impuissant et désarmé quand je vous vois un chagrin, n’importe lequel, n’importe de quelle date. Non, je ne me résignerai jamais à ce que cela soit, jamais à le croire; je m’en prendrai toujours à l’imperfection de notre relation, à la séparation de nos vies, à l’impossibilité où je suis de vous donner tout ce que j’ai en moi pour vous, d’exercer auprès de vous, sur vous, toute cette puissance d’affection et de tendres soins, le seul vrai baume que Dieu ait mis à notre disposition pour les blessures de l’âme. Dearest, vous avez beaucoup souffert, et il vous a toujours manqué du bonheur à côté de la souffrance. Il n’y a pas moyen de supprimer la souffrance dans la vie humaine; elle en est inséparable ; mais le bonheur aussi peut s’y placer; et la destinée le plus rudement frappée, le cœur le plus déchiré peuvent contenir en même temps les joies les plus intimes et les plus douces. C’est ce mélange de bien et de mal, cette compensation de l’un par l’autre que je voudrais du moins vous donner. Près de vous, je faisais déjà si peu! Quoi donc de loin?</p>
<p style="text-align: justify;">6 heures</p>
<p style="text-align: justify;">Vous avez raison. Je suis faible quelquefois avec mes amis. Mais dans cette occasion, ma faiblesse était bien embarrassée, car elle avait à choisir : le Duc de Broglie, MM. de Rémusat et Jaubert d’un côté, MM. Duchâtel et Villemain de l’autre. Evidemment il fallait chercher ailleurs que dans mes amitiés le motif de décision. Je ne vous redirai pas ce que vous aurez vu dans ma lettre à Duchâtel et dans celle du Duc de Broglie. Il ne m’est resté, il ne me reste aucun doute. Je ne sais ce qui arrivera. Je penche à croire qu’au fond ce Ministère fera à peu près comme le précédent. Je suis sûr qu’il le voudra; je présume qu’il le pourra. Je ne lui vois ni des amis bien exigeants, ni des ennemis bien intraitables. S’il en était autretrement, si le pouvoir allait réellement à la gauche, je n’hésiterais pas un instant. Ils le savent. Voici ce que m’a écrit Thiers :</p>
<p style="text-align: justify;"> « Mon cher Collègue, je me hâte de vous écrire que le Ministère est constitué. Vous y verrez, parmi les membres qui le composent, deux de vos amis, Jaubert et Rémusat, cl dans tous les autres, des hommes auxquels vous vous seriez volontiers associé. Nos fréquentes communications depuis dix-huit mois nous ont prouvé, à l’un et à l’autre, que nous étions d’accord sur ce qu’il y avait à faire, soit au dedans, soit au dehors. Nous pouvons donc marcher ensemble au même but. Je serais bien heureux si en réussissant tous les deux dans notre tâche, vous à Londres, moi à Paris, nous ajoutions une page à l’histoire de nos anciennes relations. Car aujourd’hui comme au 11 octobre, nous travaillons à tirer le pays d’affreux embarras. Vous trouverez en moi la même confiance, la même amitié qu’à cette époque. Je compte en retour sur les mêmes sentiments. Je ne vous parle pas d’affaires aujourd’hui. Je ne le pourrais pas utilement. J’attends vos prochaines communications et les prochaines délibérations du nouveau Cabinet. Ce n’est qu’un mot d’affection que j’ai voulu vous adresser aujourd’hui, au début de nos relations nouvelles. » Je lui ai répondu ce matin : « Mon cher Collègue, je crois comme vous qu’il y a à tirer le pays de graves embarras. Je vous y aiderai d’ici, loyalement et de mon mieux. Nous avons fait ensemble, de 1832 à 1836, des choses qu’un jour peut-être, je l’espère, on appellera grandes. Recommençons. Nous nous connaissons et nous n’avons pas besoin de beaucoup de paroles. Vous trouverez en moi la même confiance, la même amitié que vous me promettez et que je vous remercie de désirer. Nous nous sommes assurés en effet, dans ces derniers temps, que nous pouvions’ marcher ensemble vers le même but. Rémusat m’écrit que le Ministère s’est formé sur cette idée : Point de réforme, point de dissolution. C’est le seul drapeau sous lequel je puisse agir utilement pour le Cabinet, honorablement pour moi. Si quelque circonstance survenait qui me parût devoir modifier nos relations, je vous le dirais à l’instant et très franchement. Je suis sûr que vous me comprendriez, et même que vous m’approuveriez. » Vous voilà au courant, comme on peut l’être de loin. Misérable communication ! Pendant que je vous écris, mon âme, mes regards, ma voix vous cherchent. Adieu. Je vous quitte pour aller m’habiller et dîner chez la Reine.</p>
<p style="text-align: justify;">Vendredi 6 mars, 5 heures</p>
<p style="text-align: justify;">J’ai diné à la droite de la Reine qui avait son mari à sa gauche. Elle a été très aimable pour moi. Soyez tranquille ; pas la plus petite allusion aux Affaires. La famille Royale, la Princesse Marie, Melle Rachel, Paris, Buckingham-Palace ont défrayé la conversation. La Reine a eu pour moi les mêmes bontés que Mme la Duchesse d’Orléans ; elle a lu mes ouvrages. Elle a un joli regard et un joli son de voix. Dans son intimité elle a supprimé la retraite des femmes avant les hommes. Hier les vieilles mœurs ont prévalu. J’avais à ma droite Lady Palmerston, puis Lord Melbourne, le Marquis de Westminster, Lady Barham etc, 28 en tout.</p>
<p style="text-align: justify;">Après le dîner, on s’est établi autour d’une table ronde, dans un beau salon jaune qui m’a fait frémir tout le cœur en y entrant. C’est presque la même tenture que votre premier salon. Deux ou trois femmes se sont mises à travailler. Nous avons causé, sans trop de langueur, grâce à Lady Palmerston et à moi jusqu’à onze heures un quart que la Reine s’est retirée.</p>
<p style="text-align: justify;"> J’ai découvert au-dessus des trois portes de ce salon trois portraits... Je vous donne à deviner lesquels! Fénelon, le Czar Pierre et Anne Hyde, Duchesse d’York. Je me suis étonné de ce rapprochement de trois personnes si parfaitement incohérentes. On ne l’avait pas remarqué. Personne n’a pu en trouver la raison. J’en ai trouvé une. On a choisi ces portraits à la taille. Ils allaient bien aux trois places.</p>
<p style="text-align: justify;">On disait hier matin une nouvelle. La Reine n’avait pas paru la veille à dîner, elle était souffrante ; elle est grosse. Lady Holland a apporté cela le soir chez Ellice où j’avais dîné. Mais la Reine a dîné hier et ce matin elle a tenu un lever qui a duré deux heures. C’est beaucoup si elle est grosse. Cependant on ne retire pas la nouvelle.</p>
<p style="text-align: justify;">Ce lever, m’a ennuyé et intéressé. C’est bien long et bien monotone. Pourtant j’ai regardé avec une émotion pleine d’estime le respect profond de tout ce monde, courtiers, Lawyers, Aldermen, Officers, passant devant la Reine, la plupart mettant un genou en terre pour lui baiser la main, tous parfaitement sérieux, sincères et gauches. Il y faut cette sincérité et ce sérieux pour que tous ces vieux habits, ces perruques, ces bourses, ces costumes que personne, même en Angleterre, ne porte plus que pour venir là, ne fassent pas un effet un peu ridicule. Mais je suis peu sensible au ridicule des dehors quand le dedans ne l’est pas. J’ai vu le Duc de Wellington, triste vue, presqu’aussi triste que celle de Pozzo; rapetissé de trois ou quatre pouces, maigre, chancelant, vous regardant avec ces yeux vagues et éteints où l’âme qui va s’enfuir ne prend plus peine de se montrer, vous parlant de cette voix tremblante dont la faiblesse ressemble à l’émotion d’un dernier adieu. Il n’est point moralement dans l’état de Pozzo, l’intelligence est encore là, mais à force de volonté et avec fatigue. Il s’est excusé de n’être pas ecore venu chez moi : « J’étais à la campagne ». Je crois que je dinerai avec lui chez le Sir Robert Peel.</p>
<p style="text-align: justify;">M. de Brünnow n’est pas encore venu chez moi. C’est le seul. Il était au lever de la Reine, très empressé, auprès des Ministres, busy-body 2 et subalterne dans ses façons.</p>
<p style="text-align: justify;">Lady Palmerston m’a parlé de Paul. Il ne va absolument nulle part, si ce n’est à Crockford à 9 heures pour dîner. Il passe sa journée chez lui, en robe de chambre et à fumer. M. de Brünnow, dans les premiers moments, l’a vu deux ou trois fois et a essayé de le voir davantage. Paul n’a pas voulu. M. de Brünnow ne le voit plus.</p>
<p style="text-align: justify;">Le mariage de Darmstadt n’est point certain. Le Grand Duc y retourne pour voir s’il pourra se décider. On doute qu’il se décide. Il est toujours amoureux en Russie. M. de Brünnow reviendra ensuite ici comme ministre en permanence, en attendant, fort longtemps peut être, un ambassadeur.</p>
<p style="text-align: justify;">Samedi, 8 heures du matin</p>
<p style="text-align: justify;">Hier, à dîner chez Lord Clarendon, M. de Brünnow s’est fait enfin présenter à moi. Il est bien remuant, papillonnant, aimable. Ce dîner m’a plu, Lord Clarendon est plus continental, plus de laisser-aller. Nous avions le Marquis de Douro et sa femme, la plus belle personne de l’Angleterre, dit-on, et vraiment très belle. Point d’esprit du tout. Comme lui. Entre nous il en est étrangement dépourvu. Plus que cela, car il parle beaucoup & se met en avant. Je vous étonnerais en vous répétant les pauvretés qu’il m’a dites. Toujours Lord Melbourne, Lord & Lady Palmerston. Après dîner, j’ai été à Devonshire House, où j’ai trouvé la Duchesse de Cambridge et un très select party, Lady Jersey, La Duchesse de Montrose, &, &. On dansait, le Duc de Devonshire autant que personne. On me parle beaucoup de vous, et je suis sûr que je réponds très bien.</p>
<p style="text-align: justify;">10 heures</p>
<p style="text-align: justify;">Voilà le 319. Mon remords de n’être pas auprès de vous redouble. Je me reproche l’agrément que je trouve ici, le plaisir que je prends à regarder, à être bien reçu. Je ne supporte pas la pensée d’être gai quand vous êtes triste, entouré quand vous êtes seule. Et pourtant cela est et je l’accepte en fait au moment même où mon cœur s’en indigne. Ah !Pardonnez-moi dearest, pardonnez-moi cette faiblesse de notre nature, à laquelle il n’y a peut-être pas moyen d’échapper et qui n’empêche pas que dans toutes les situations, à toutes les heures du jour, je n’aimasse mille fois mieux être auprès de vous que partout ailleurs, et partager votre tristesse plutôt que toutes les joies du monde. N’est-ce pas que vous me le pardonnez? N’est-ce pas que vous savez bien tout ce que vous êtes pour moi? La mer qui nous sépare est bien profonde, mais mon affection pour vous l’est mille fois davantage. Et j’aurais ici tous les succès imaginables que je leur préférerais mille fois le succès de vous donner un jour, une heure de bonheur.</p>
<p style="text-align: justify;">Vous voulez que je vous parle des affaires. M. de Brünnow est évidemment en panne, attendant que les embarras, les obstacles au progrès de la négociation viennent de nous, pour se saisir tout à coup de ce fait, se faire un mérite de l’empressement, de la facilité de son maître, pousser peut-être cette facilité plus loin qu’il ne l’a fait encore, et enlever brusquement le succès. Je tâcherai de ne pas le servir dans cette tactique. Evidemment il y a ici un désir sincère, vif, de ne pas se séparer de nous ; on fera des sacrifices réels à ce désir. Il y a des dissidences marquées, à cet égard, dans le cabinet ; quelques-uns tiennent beaucoup plus à nous que d’autres. Mais tous y tiennent, et je n’entends pas le moins du monde me prévaloir des dissidences, ni chercher seulement à m’en servir. J’ai commencé à traiter et je traiterai jusqu’au bout l’affaire avec la plus entière franchise, m’appliquant uniquement à convaincre tout le monde de l’intérêt supérieur des deux pays au maintien de l’alliance, et de la nécessité d’une transaction, entre le Sultan et le Pacha, qui puisse être acceptée par le Pacha comme par le Sultan, par la France comme par l’Angleterre et qui mette fin à cette question-là en ajournant toutes les autres.</p>
<p style="text-align: justify;">M. d’André n’a apporté de Pétersbourg que des lettres assez vagues, plutôt l’idée que l’affaire ne marchait pas, et un redoublement de colère de l’Empereur qui avait espéré, dit-on, que la dépêche, inspirée par lui, de M. de Nesselrode à Médem, amènerait une réponse qui amènerait une rupture. Je n’en crois rien. Pourtant, je n’en sais rien.</p>
<p style="text-align: justify;">Adieu. Adieu. Continuez de me tout dire. Vos lettres me font un peu vivre à Paris, et cela m’est très utile. Soyez tranquille. Je n’oublierai pas vos recommandations. Mais répétez les moi toujours. Adieu encore.</p>
<p style="text-align: justify;"> Continuez de m’écrire les lundi et jeudi par les Affaires Etrangères, et le samedi par la Poste. Et si vous vouliez quelque chose de plus indirect, envoyez votre lettre à Génie.</p>
<p style="text-align: justify;"> </p>
Marie Dupond & Association François Guizot, projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle)
1840-03-05
Correspondance
3 doubles folio
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