Transcription Transcription des fichiers de la notice - Extrait : 1540c [Denis Janot] La châtelaine de Vergi BnF Extrait 17 1540c. chargé d'édition/chercheur Réach-Ngô, Anne Équipe Tragiques Inventions, Magda Campanini (Univ. Ca' Foscari-Venezia), Anne Réach-Ngô (UHA, IUF) ; EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1540c. Fiche : Équipe Tragiques Inventions, Madga Campanini (Université Ca' Foscari), Anne Réach-Ngô (UHA, IUF) ; EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
Paris (Fr), Bibliothèque Nationale de France, BnF RES-YE-2963
Français

[E7r] Et se peine debvez porter,

Doulx Dieu, je veulx supporter.

Plus certes ne pourroye attendre

De la mort recepvoir et prendre.

Doulx amans, priez tous pour moy

Car pour aymer la mort reçoy.

Adieu m’amour, adieu m’amye,

Adieu, la noble compaignie.

Comment les nouvelles furent annoncees au Duc que sa niepce et son chevalier estoient mors.

L’escuier

Ha, cher seigneur, pour Dieu mercy,

On a faict trop grand meudre icy,

C’est assavoir du Chevalier

Et de ma Dame du Vergier:

Tous deux sont mors presentement.

Le Duc

Helas, doulx Dieu omnipotent,

Comment leur est il advenu?

L’escuier

Le Chevalier estoit venu

Aprés s’amye dernier,

Mais vostre niepce vint premier

Se complaignant de son amy,

Lequel l’avoit trahye ainsi

Et descouverte leurs amours;

Si trespassa par grand douleurs

Pour ma dame qui la tansa

 [E7v] D’ung petit chien qu’afaité a;

Et depuis vint le Chevalier

Qui la courut tantost baisier:

Adonc vit bien qu’elle estoit morte.

Par grand douleur se desconforte,

Et disoit qu’il l’avoit perdue

Pour avoir de sa convenue

À son tres redoubté seigneur

Par grant affinité d’amour.

Et puis s’amie salua

Et print l’espee et se tua:

Ainsi deffinerent leur vie.

Le Duc

Bien je t’en croy: c’est par envie,

Et tout ce a faict la Duchesse.

Elle en mourra comme traisteresse

Sa foy faulcement a faulcee.

À elle vois, de ceste espee

La turay sans point varier,

Car elle m’a faict encombrier.

Plus yci je n’arresteray

Car vistement je la turay

Tout à present de ceste espee:

Tuee sera et decollee.

Or tien: tu l’as bien deservy!

[E8r] Helas, je vifz en grand ennuy

Quant mon amy est trespassé:

Tout mon soulas si est passé.

Il m’avoit dict par grand honnour

Tout le conseil de son amour,

Et je le dictz à la Duchesse;

Mais par pensee traisteresse

Vistement ma niepce mocqua

D’ung petit chien qu’afaicté a

Et en mourut desconfortee.

Or n’est il rien au monde nee

D’icy en avant qui me plaise.

Helas, amy, tout ton affaire

Tu m’avoisdoulcement monstré:

moy trahyson as trouvé

Par la mauldicte puterelle,

La faulce Duchesse cruelle,

Qui en trahison me disoit

Que le cas ne decelleroit,

Mais faulcement elle m’a deceu.

Bien je doibs estre confondu

Quant doulcement monstrer tu m’as

La belle que tant aymee as.

Hé, Duchesse tant desloyalle,

Je te pensois estre fealle

[E8v] Plus que nulle qui fust au monde!

Pour ta luxure tant immunde

As faict mourir mon chevalier

Et ma niepce, qui du vergier

J’avoye faicte chasteleine.

Helas, bien je doibtz souffrir peine:

Mon amy est mort et m’amye.

Ha, las! Tant doulce compaignie

Sont mors par si treffaulx langaige.

Je meurs de dueil en mon couraige:

Aller m’en veulx sans plus tarder,

Pour ma penitence alleger,

Oultre mer faire mon repaire.

Du monde je n’ay plus que faire:

Hospistalier je deviendray

Et là les paovres serviray

Tant qu’au monde seray vivant.

Je prie à Dieu le tout puissant

Que leurs ames ne soient perdues:

Doulx Dieu, à toy ilz soient rendues!

Donne moy faire penitance

Qu’à leurs ames soit allegence.

Demourer plus ne veulx icy,

Seigneurs et dames, adieu vous dy.

 Deo gratias.