N° 208, 11 mars 1996 : « Le zoo de Fory Coco »
Je n’attendais pas cette nuit, Fory Coco, d’autant que je n’ai jamais aimé recevoir un obus sur la tête. Donc, dès que je l’ai vu, j’ai regardé au-dessus, pour voir si une étoile filante ne le suivait pas.
D’entrée il me dit : « Lynxédenté, je viens des maquis. Comme tu ne dors jamais la nuit, comme moi, me voichi… » Il avait des poches partout, même sous les yeux. Voici à peu près ce que Fory Coco m’a confié, chers lecteurs et chères lectrices. Que celui qui n’a jamais menti me jette la première prière, comme l’aurait dit Jésus.
- Sassine, aide-moi à former un nouveau gouvernementeur. Je n’ai plus confiance. Même en moi-même. Plus je pense, plus je me penche. Si je ne suis Rien, devant certaines gens, c’est parce que je ne suis personne. Depuis les X février, je n’ai plus de conseillers mais des conseillés. Comme au Lynx.
- Monsieur le prési, gardez quand-même notre minus-tre de l’insécu. Il a vendu son âme pour vous.
- Ne me parlez pas du Hibou. Il ne sort que la nuit. Je sais qu’il peut vendre son âme pour moi.
- Et Biro alias Ibro, le patron de l’assemblée saladière ?
- Biro, lui ? C’est un singe. Il bondit de maux en maux. Dès ça ne va pas, il se pointe chez moi pour vérifier si je suis mort. Je commence à me méfier de ce jeune homme. On ne sait jamais.
- Monsieur le prési. Et la Baïcha, notre minustre des prématurés ?
- Oh, celle-là …c’est une Mante religieuse, on peut la ligoter avec son chapelet.
- Et votre minus-tre des Affaires Étranges ?
- Ce type, c’est un Perroquet. Quand ils ont tiré sur le palais, toute la journée, il était sous son lit à imiter le bruit de l’obus.
- L’enseignement supérieur, monsieur le prési ?
- D’après mes renseignements, mon minus-tre s’était rendu invisible comme un Taureau blanc. Ce mec, je m’en méfie. C’est peu après son discours, sur ma nomination au grade de Hono-rire Casaque que j’ai perdu mon poste radio.
J’assurai Fory Coco, qu’au Lynx nous étions en train de rechercher son poste. S’il le faut, nous sommes prêts à nous cotiser pour lui acheter un autre appareil. A condition qu’il nous rembourse nos deux millions et poussières. Qui est con, sans ou avec Thé ?
Notre conversation reprit, après qu’il ait vidé mon verre et grillé mon paquet de cigarettes.
- Monsieur le prési, est-ce que vous comptez garder votre minus-tre de la lumière ?
- Oh, celui-là, c’est une lucioleconstipée. Je verrai monsieur Sara, à ce sujet. Ils se connaissent bien.
- Monsieur le prési, quand est-ce que le train arrivera à Kankan ?
- Il faut demander chat à mon minus-tre qui va de Charybe en Sylla (sic : Charybde en Scylla), après les conseils mardivores. C’est un buffle. Il est capable de tirer une locomotive, à lui tout seul.
- Monsieur le prési. Et l’autre Sylla ?
- Le Flou-Flou ? Celui qui a rendu la Justice juteuse pour lui ? Pour Tunis 94, je sais qu’il doit à votre garçonnet 50 francs glissants. C’est un vrai RAT, je le reconnais.
- Monsieur le prési et votre minus-tre des finances ?
- Un Pélican, je ne peux savoir ce qu’il cache comme trésor dans son bec.
Je sortis pour acheter un autre paquet et une autre bouteille. A mon retour, je retrouvai Fory Coco, en train de tripoter mon poste radio.
- Monsieur le prési, ne vous fatiguez pas. Les piles sont usées.
- Mais branche-toi sur mon barrage.
- Monsieur le prési, le barrage lui aussi est déjà usé. Pour déficit de vocabulaire.
- C’est vrai. Donne-moi une clope…Où est ce qu’on en est ?
- Monsieur le prési. Qu’est-ce que vous pensez de la personne qui est à notre Agriculture aigrie ?
- Ah oui ! C’est ma belle au Boadormant préférée. Elle aime voir les arbres coupés. Elle aime faire le ménage partout. Chat me pose des problèmes quand elle sort. Après elle vient me raconter ses rêves et autres cauchemars.
- Elle voit de l’eau. Elle a besoin de changer de marabout. A Fakoudou !
- Et l’autre dame ? Monsieur le prési.
- V. vonne. C’est une Pingoune (sic : pingouine ?). J’ai parfois envie de l’envoyer au pôle nord, pour qu’elle rapporte des bonbons glacés à nos enfants. Quand elle parle, elle aime s’écouter. Chat m’énerve monsieur Sassine. Je ne l’ai nommée que pour embêter Tolno, son voisin mon ex-minus-tre qui jouait à l’Ogre de Poly.
- Monsieur le prési. Et Jean Tranquille Traoré, le minus-tre des cases qui coulent ?
- Lui, c’est un Babouin. Toujours avec des arachides, même quand je reçois. En plus, il aime occuper la branche au dessus de lui.
- Et notre docteur des hôpitaux malades ?
- Sassine, je vous avoue que ce frère-là, est un Corbeau. Il est toujours à l’écoute des drames et de la rubrique « Nécro ». Dès que je le vois je frissonne. Il y a le Solera ici, le tétanos là. La méningite là-bas. Le Sida est partout…C’est tout ce qu’il me raconte. Même les morts n’ont pas envie de le voir.
- Et madame Jojo Léno ?
- Elle, je l’aime bien. Elle connaît le chômage, à tel point qu’elle donne des journées fériées à n’importe quelle occasion. Comme nos compatriotes n’aiment pas travailler, elle est un vrai Rossignol pour eux. A Fakoudou !
- Monsieur le prési. Il est un peu tard. Que pensez vous de votre minustre des sports ?
- C’est un Crabe. Il a plus de dents que de vérita-bles bras. Et bon crabe, on ne te trouve qu’au fond des filets, en train de chercher un ballon qu’il n’a pas vu passer.
- Sidim ? Monsieur le prési ?
- Sassine, tu veux parler du Considérant des Con-sidérés ? Un vrai Dindon. Celui-là avec son regard d’amoureux. J’ai envie de rentrer. Une dernière question ?
- Oui Monsieur le prési. Que pensez-vous de Yans-la-glisse, le gouverneur de notre franc gluant ?
- Au début de notre entretien, je t’ai bien dit, que je ne pense plus. Je me penche. Sur chaque cas. Je viens de me rendre compte que cet animal est un Castor. C'est ancien prisonnier du camp Alpha Yaya. Si je me souviens bien vous avez été arrêtés ensemble en 61, avec Keïta Kélétigui, les Famany Condé. Même que Famoï Béa est mort là-bas. Je suis au courant de tout, mine de rien, même si je ne me promène jamais avec un stylo. N’aie pas peur Sassine. Tu peux rassurer tous tes collègues. Quand mon palais sera réparé, je vous rembourserai. Parole d’officier. Au revoir.
La parole est l’ombre de l’action, Monsieur le prési. On se reverra. En haut. Ou en bas, car l’homme d’action et le journaliste, ne sont pas moins seuls que dans la solitude.
Par Williams Sassine