N°233, 9 septembre 1996 : « L’alibi ou la Libye »
L’effet du courant ceint Sidya commence à se connaître. Les factures viennent par paires. Il faut payer les deux à la même date. Quand on sait que le travailleur guinéen se pend à la queue du diable. Enfin, quand il veut gagner sa vie honnêtement. Quand il ne se sent pas concerné par les remue-ménages, dans les ministères. Comme le commissariat de Tahoua. Quand il pleut, les policiers sont obligés de s’abriter dehors. A Faoukoudou ! Un canard n’oserait y mettre les pattes. Le commissaire, lui, reste fidèle à son poste, attendant le miracle. A force d’attendre la rénovation de son bâtiment, on pourrait le trouver un jour, momifié derrière son bureau. L’appel sera t-il entendu ?
Notre président a fait un tour en Libye. C’est une bonne chose, cette visite pour désenclaver ce pays. Rappelons quelques faits. Les Etats-Unis, suivis du Royaume Uni et de la France, exigeaient que la Libye accepte d’extrader certains de ses nationaux, suspects d’être responsable d’attentats visant deux avions (l’un américain, l’autre français de l’UTA) en 1989. La Libye avait refusé d’extrader (comme le droit international général l’y autorise). Cependant les trois pays requérants saisirent le conseil de sécurité des Nations Unies et en obtinrent deux résolutions. La Libye fut menacée d’un embargo aérien et de la réduction des effectifs de ses missions diplomatiques.
Le conseil de sécurité est un organe politique. L’existence d’une menace contre la paix justifie son intervention. Mais qu’est-ce qu’une menace contre la paix ? Les Etats-Unis, en intervenant par la force, dans l’affaire des otages en Iran, ne pratiquent –ils pas le terrorisme ? Dans l’affaire du Golfe, en bombardant à volonté les civils irakiens, les pays dits « grande puissances « n’ont-ils pas pratiqué le terrorisme avec la bénédiction du conseil de sécurité ? La Libye, n’est-elle pas finalement l’alibi pour imposer la déraison du plus fort ? Cela n’a pas empêché les Libyens de construire une rivière artificielle de 1000km.
Exemple dont pourrait tirer profit notre Chef de l’Etat, à propos de notre futur barrage.
Je continuais à écrire ma chronique, mes pieds dans une bassine d’eau bouillante. Ma chienne barbue se grattant ; quand elle réussissait à se débarrasser d’une puce, je prenais un balai et faisais éclater l’animal plein de sang.
Mon arbre était immobile. Pas de vent. Et il faisait chaud. Un orage se préparait.
J’appuyais à nouveau le balai sur une puce gonflée de sang. La chienne détourna la tête, l’air dégoûté, et recommença à se gratter. Bon, il était l’heure de rendre visite à Bocar, un ami borgne. Il buvait beaucoup. C’est pour voir double disait-il. En m’asseyant, je lui demandai les nouvelles de sa demande d’embauche. Il voulait faire le gardien à « la canne noire ». C’était un nouveau projet pour aider les anciens dirigeants.
- Rien de nouveau, mon frère. Quand j’étais secrétaire général de l’association des handicapés, les choses ne traînaient pas. Mais aujourd’hui, on n’entend que des vœux pieux. Les autorités sont même incapables d’organiser une fois par an, un jour seulement consacré aux infirmes. Mon second œil ne voit presque plus rien.
Je lui dis au revoir. Un forgeron, dehors tapait comme un fou sur des boîtes de conserve pour en tirer des marmites.
- Le pays est rempli de marmites vides et d’affamés et autres mal-nourris, lui fis-je remarquer.
- Messié, je m’en fous. Mes marmites peuvent servir à décorer les salons.
Après tout, il avait raison. Une marmite vide peut toujours faire rêver à des jours d’abondance. Un autre alibi. Autant que les soutiens-gorge qui transforment de vieux seins en obus. Heureusement qu’on ne s’en sert pas contre notre Palais.
Quelqu’un racontait : « La chienne là-bas, tous les matins passe devant l’église. Elle n’a plus que la peau. Regarde, là. Même les mouches sont dégoûtées. Mais elle est réglée comme une montre. À 8 heures, on la voit devant l’église. À 8h30, elle affronte les chauffards. À 9 heures, après cet exercice périlleux, elle cherche une poubelle pour s’y reposer. Jusqu’à midi. À midi 30, elle va au commissariat pour affoler les policier. On dirait que l’animal cherche vainement la mort. Il est vrai que dans le pays, ce sont les gens en bonne santé qui meurent de « courte maladie ». A Fakoudou !
Je n’ai jamais vu cette chienne manger. Pourtant je ne fais que l’observer toute la journée. Je n’ai rien à foutre. Je suis un déflaté.
Mais mon marabout (sic:dit) que ça ira bien un jour. Je ne sais pas quel jour. Dans la semaine, il n’y a que sept jours. J’ai envie d’attraper la chienne super galeuse, pour la cacher sous le lit du charlatan. Je suis sûr que pour une fois, il dira la vérité. A Fakoudou. Si on laisse faire, les animaux eux, ne se laisseront pas faire. Le jugement dernier a commencé. D’après Camus, Noé a sauvé les animaux, un autre déluge se prépare.
Billet
UN CHAT M'A CONTÉ
Les poubelles débordent
Les fonctionnaires se « vident » entre eux
Les rues sont inondées
Les factures inondent
Nous partageons dans la « paix » libérienne
Les ministères rassurent
Et les griots ne savent plus quels mécènes vont les soigner
RE-CREATION
Au début, tout à fait au début,
Le ciel et la terre étaient amoureux.
L’un ne sortait sans l’autre.
Et puis, vinrent les étoiles.
De plus en plus nombreuses dans le ciel.
La terre était en grossesse.
Jalouse, elle se retira
Pour accoucher l’horizon.
A son enfant, elle raconta l’histoire.
C’est pourquoi pour ne pas se mêler entre son père et sa mère,
L’horizon n’aime pas qu’on l’approche.
Par Williams Sassine