N° 250, 6 janvier 1997 : « 97…les petits pois auront faim »
J’avais bien fêté l’année. Quelle année ? Je ne sais pas ! Bien bu. Bien mangé. Comme un fils de voleur.
Les temps sont durs. Avant, c’était bon. Les voleurs donnaient à manger aux pauvres. Aujourd’hui, nos Robins des Caisses se cachent dans des bois. Nous redécouvrons la pauvreté. Pauvres mais honnêtes. Pauvres maisonnettes ! Je devais retourner la mienne comme un âne sans état d’âme. La veille, on avait fermé mon maquis pour une histoire d’impôts impolis. Cinq gaillards en tenue avec seulement un minuscule pot de colle, pour afficher « Il est interdit.. » Bon, on ne peut plus boire. On ne doit pas fumer. Il est interdit de faire…sans capote. Il est dangereux de traverser la rue. Plus dangereux d’écrire. On se demande pourquoi on nous a mis à l’école. N’est-ce pas Ismaël Bangoura, Célestin, Titi Faye … ? « Mamadou et Bineta sont devenus petits ».
Ma chienne barbue m’attendait. Depuis qu’elle avait appris que j’avais refusé de la faire recenser, elle me faisait la gueule. Qu’est-ce que j’en avais à foutre ! Elle n’avait qu’à s’adresser en haut lieu. Les gens là-bas cherchent tellement à s’occuper, qu’ils passent leur temps à « Reclasser » les « reclassés ». Pour ne pas avoir l’air bêtes, ils créent une liste A.
Souhaitons que cette année, vous voyions la queue de cette liste. Quant à sa tête, nous devinions au journal. Un secret de polichinelle.
Le coq déréglé se réveillait. Tout fier et orgueilleux. Il chantait à n’importe quelle heure. Pour être en avance, si d’aventure un coq Malais traînait dans le quartier. Il a raison. On ne peut pas être dernier partout. A Fakoudou ! Il paraît que ces nouveaux « amis » sont venus ou vont venir en force pour nous « développer ». Aïe pour nos dernières richesses. Pour le moment ils ont réussi à nous envelopper dans de belles promesses. Tout chat-là, n’est pas fait pour réjouir nos anciens maîtres. A tort. Nous avons bien été à Ouaga, pour qu’ils nous apprennent à correctement gouverner. Pourquoi ne pas retourner à l’époque des gouverneurs généraux des colonies ? Au point où on en est…
97 commençait bien. En tout cas les putes et les trains y croyaient. Ils n’étaient pas touchés par la TVA. Chacun allait de son petit train-train quotidien, n’étant menacé que d’usure de la peau, et des rails. Mais dans un pays où même les muses s’usent, où est le problème ? Le seul problème que nous vivons, c’est que nous n’avons que des solutions. Ça embête Fory Coco. Nous aussi. Nous avons cherché à comprendre le plus tard possible que tout est difficile avant d’être simple. Nous n’avons pas su mettre à profit les acquis de la révolution de S.T. (la sécurité, la discipline…) Et nous revoici avec un autre S.T., un premier des minus-tres. Maintenant il faut payer. Le petit doit se dépêcher. La fatalité pèse contre lui Lansana, Diarra. Ils ont tous mal fini. Comme dit le proverbe, il n’y a jamais deux sans trois. Mais Socrate pensait que seule la volonté peut combattre la fatalité. Le gouvernement en a certainement, même si cette volonté est maladroite. Il ne frappe pas tous les bandits avec le même bâton. Peut-être, parce que le bâton n’est pas assez long. Où est cette fameuse liste A ?
1996, a été finalement une bonne année pour les morts. En Algérie, on a joué avec les bombes et les couteaux. Au Rwanda, avec les machettes. En Angola, avec les bazookas. En Guinée, on a incendié la Douane et le Palais. A Rome, on a tiré sur la vie des pauvres, parce qu’il y a tellement de pauvres en Afrique, que même si on leur donnait des cailloux à manger, il n’y aurait pas assez de cailloux. Même si leur vie quotidienne est un caillou en soi. Le palu, le Sida, le choléra. Il est vrai que ça tue moins que l’homme. L’homme est une maladie. Voici des centaines de milliers d’années que l’homme a commencé à attaquer l’humain.
L’humanité n’est pas une somme d’individus, autant une Cathédrale, une Mosquée ne sont une somme de pierres. Même les plus grands prophètes n’ont réussi ni à convaincre, ni à vaincre l’homme. Les gros poids seront des petits pois. Par illusion, pour pouvoir passer à travers le tas (sic:chas) d’une aiguille.
97. Les petits pois ont commencé par Kankan. On a chanté le passage de notre « mère ». Moi qui viens de perdre la mienne, pour la remplacer, merci les saintes d’occasion. La campagne politique du Pé Ou Pé a commencé. Femme vé, dieu le veut ? Vêler ou vouloir. Les vaches décideront à Boké.
Quelqu’un racontait : « Je ne comprends plus rien. Alors rien du tout. Je suis venu prendre un pot, et préparer en même temps mon cours de français. Ali m’emprunte le bouquin, Mohamed le lui prend pour cinq minutes soit disant, le temps de sortir pour chercher une boite d’allumettes, tout le monde a disparu. Je demande au barman, il me répond que c’est lui qui a le livre, mais qu’il ne peut pas me le rendre sans la présence de Mohamed..…Je ne sais pas ce que je vais raconter à mes élèves ce matin.
Peut-être que je vais leur faire une dictée encore. La 5è de la semaine. Ce sera difficile ce matin, parce que j’ai une gueule de bois terrible…Tout ça ne serait pas arrivé si mon école avait une bibliothèque. Me voilà maintenant à rechercher mon livre dans un maquis.
Dans 30 minutes je dois être en classe…Bon ce n’est pas grave. J’ai toujours un ancien discours du premier prési, là où il disait que : « l’homme est un inconnu connu et un connu inconnu ». Je n’ai jamais très bien compris. Alors je vais donner cette phrase en commentaire de texte. Les enfants n’ont qu’à se débrouiller. A Fakoudou ! Nous avons des librairies. Mais qui peut acheter un livre ? Même un cahier…Il faudrait transformer tout notre ciel en tableau noir. Bon, je commence à dénoncer…Mais où est mon livre ? » A Fakoudou !
Billet
UN CHAT M'A CONTÉ
Je n’écris pas
Je ne parle pas
Je n’entends pas
Alors, je ne Marche pas
Il ne me reste qu’un Œil
Aujourd’hui lui aussi est en prison
On se trompe de sexe
On a le Sida
On se trompe de texte
On s’en va là-bas.
Par Williams Sassine