N° 253, 27 janvier 1997 : Quand je suis un bar !
La nuit est là. La lune seule, m’indique sa présence. Autant que les déclarations de bonne intention veulent bien m’indiquer que bientôt nous quitterons la démocratie pour une autre « cratie ». Autant mon cœur chavire, autant ma raison résiste. J’hésite de prendre parti entre les deux. J’hésite, parce que ceux qui nous dirigent, ne savent pas que leur cœur doit être dans leur tête. J’hésite parce que la prochaine maladie du siècle qui s’ouvre, est la folie.
- Pour moi, l’homme, c’est la banane, criait une pute dans la rue. La banane qui ne s’use pas.
- Moi j’aime beaucoup les papayes. Mais si j’avais les moyens, j’aurais coupé tous les papayers du pays. C’est dans les papayers que se cachent les diables, affirmait un nain.
Pourquoi pas ! L’irrationnel revenait à la mode. On a arrêté un commissaire de police, parce qu’un charlatan lui avait prédit un destin d’homme d’État. On chen fout ! Tout est tentation par ces temps de misère. Même le coca à 300 f. En réalité, 400 f ou 500 f quand on veut le boire assis. C’était tentant ! Mais je suis toujours en train de résister. La dernière fois que j’en ai pris, ça m’a foutu une de ces diarrhées, comme si le château d’eau que nous sommes, me traversait l’estomac pour aller se faire foutre ailleurs.
Il a fallu tout mon génie, pour comprendre que ma pharmacie est dans un maquis. Et c’est beaucoup moins cher, une topette. Parce que dans nos officines, quand on vous montre le prix d’un médicament, vous risquez une crise cardiaque, ou « l’enterrement à 14 heures, à la suite d’une courte maladie ».
J’ai quand même acheté un coca, en priant pour que mon estomac résiste à son assaut. Quant j’arriverai à Conakry 1, une des 3 capitales de la ville. Conakry 1 ou Kaloum est construite pour les constipés. De toute façon en cas de catastrophe, je pouvais toujours faire comme cet ami, qui un jour, dans le besoin urgent, prit un taxi, « en déplacement ». Il s’installa confortablement à l’arrière. Le taximan était heureux, le mois avait faim. Quand mon ami se sentit soulagé, il descendit. Et le chauffeur passa sa journée à nettoyer son véhicule. Une bonne leçon pour ces transporteurs qui transforment leur taxi, en voiture privée. Une autre bonne façon de résoudre le problème des toilettes publiques de notre capitale : transformer les taxis en vécé ambulants. N’est-ce pas monsieur le gouverneur ?
Comme je suis un BAR (un bon à rien), je vis avec moi-même. Comme un réfugié, sans carte de séjour. Comme les léonais, les libériens. Mais c’est Gomez, l’ex numéro 2 du régime qui assurait qu’il fallait les recevoir, que ce sont des frères et sœurs, because la guerre. Et ils sont venus confiants, avec leur patrie, leur patois, leur sens des petites combines, pour survivre. Aujourd’hui Conakry ressemble à une tour de babel, un marché de malentendus où un polyglotte donnerait sa langue au chat. Pour le plus grand plaisir de cet animal affamé par nos souris, rebelles aux pièges mécaniques et aux poisons. Comme tout bon exilé ! D’ailleurs tout le monde a l’âme d’un réfugié dans le pays. Pourquoi ne demanderait-on pas la carte de séjour à un non-Conakryka ? Fory Coco a bien dit que chacun regagne son village. Il a raison le chef ! On attend seulement qu’il donne l’exemple. Pour le moment, les cimetières de la capitale débordent comme les poubelles. Peut-être parce que nous considérons un cimetière comme une poubelle. Avec autant de respect. Si ça continue, parce que le Guinéen n’écoute jamais son chef, même s’il est élu « démoncratiquement ». Oui ça continue, nous aurons bientôt besoin de cimetières sous marins. Les poissons nous béniront, écœurés qu’ils sont, d’avaler du riz avarié.
N’est-ce pas Sow Baïlor plutôt Seid Bilal Baïlor le terroriste du temps qui passe et des constipés du rire. L’ami Sow, voulait changer de peau pour être plus Blanc que notre Rouguine Blanche de notre populaire Ibro. Oui, Sow voulait devenir Blanc pour avoir son visa pour la France. Ce pays ne voulait plus des noirs. Nos gouvernants n’ont pas assez d’imagination, sinon, ils auraient proposé à notre vieille métropole, nos albinos. A Fakoudou !
Le problème pour le moment est de survivre. Nous ne sommes pas encore au bout de janvier, et déjà on se sent fatigué. A tel point, que le 31 décembre nous paraît à des millions d’années-lumière. Peut-être que l’année nous semblerait plus courte si le prési, nommait un premier minustre par région, chacun avec ses ministres. Quatre gouvernements. À Fakoudou !
Notre institut poly est devenu une école privée quand tu « rates » le concours d’entrée, c’est à dire, quand le parent d’élève a formé son enfant pour avoir le bac, il te faut payer 50.000 f par mois pour y être admis. L’école privée la plus chère du pays.
Alors je suis parti me renseigner du côté de Nongo. Une nouvelle. J’y ai constaté des bâtiments neufs et propres, même les vécés. Seule la route qui y mène, ne sait pas elle même si on doit l’appeler route, composée qu’elle est de cailloux, de cris, de creux. Et puis à pieds, l’école n’est pas à 300 mètres. Mais au moins à 500 mètres. Comme j’étais à pied (je mets pied au singulier) les 500 mètres devinrent très vite 800 m, sur ce chemin du Golgotha. Enfin je finis par arriver. Et, réconfort moral je n’y ai trouvé que de vieux amis, des professionnels de l’enseignement. Un complexe scolaire. Avec un personnel sans complexe, l’aventure recommence. Bonne chance !
Qu’est-ce qui est debout quand il dort et qui est couché quand il est réveillé ? Demandez à notre cher Fory ou à Oussou Kabako, le ministre…de l’économie.
QUELQU’UN EN RACONTAIT…
« Je ne comprends rien. Absolument rien. J’ai monté une petite affaire de poissons braisés, avec ma femme. Mais depuis que ça commence à marcher, j’ai constaté que ma femme accorde beaucoup d’intérêt à un client. Dès qu’il vient, elle lui sert un gros poisson. Hier, j’ai pris une règle. J’ai trouvé que le poisson qu’il mangeait avec deux centimètres de plus que le poisson du voisin…Je ne suis pas jaloux, mais elle commence à exagérer. J’attends. Je ne suis pas pressé…Un jour viendra où je trouverai trois centimètres. Ce jour là, elle me connaitra. Je ne dors pas la nuit quand je pense à cette différence de deux centimètres entre la longueur des poissons. Je ne comprends pas. Remarquez je ne suis pas jaloux, sinon, je n’allais pas me marier. Mais qui peut accepter de se faire tromper par des poissons, hein ?
Billet
UN CHAT M'A CONTÉ
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Par Williams Sassine