Je vous offre un charmant cabinet de physique, dans lequel je me plais beaucoup et qui donne de la jalousie à ma femme. Nous y sommes assez bien installés pour y faire de bonnes expériences. Il ne nous manquera peut-être que des substances ? Mais j’ai les principales, des acides et des alkalis. [1]
[1] Lettre de Monge à du Breuil du Marchais, le 24 juin 1783, transcrite dans le manuscrit la Vie de Monge, in DE LAUNAY L. (1933), p. 29.
Description archivistique : "Pesanteur spécifique des gaz. Expérience faite par Monge contestant les calculs d'Achard. Lettre (s.d.) adressée à Vandermonde signée Monge avec des croquis."
Je vous offre un charmant cabinet de physique, dans lequel je me plais beaucoup et qui donne de la jalousie à ma femme. Nous y sommes assez bien installés pour y faire de bonnes expériences. Il ne nous manquera peut-être que des substances ? Mais j’ai les principales, des acides et des alkalis. [1]
[1] Lettre de Monge à du Breuil du Marchais, le 24 juin 1783, transcrite dans le manuscrit la Vie de Monge, in DE LAUNAY L. (1933), p. 29.
Description archivistique : "Pesanteur spécifique des gaz. Expérience faite par Monge contestant les calculs d'Achard. Lettre (s.d.) adressée à Vandermonde signée Monge avec des croquis."
Je vous écris encore à la hâte, Mon cher ami, parce que le courrier me presse encore.[1] J'avais des doutes sur les pesanteurs spécifiques des gas donnés par M. Achard.[2] J'ai pris ce matin celles de l'air atmosphérique et celles de gas inflammable[3] d'une manière très exacte[4] et que voilà.
Le bocal A est un de ceux qui m'ont servi à faire les expériences sur l'inflammation du gas dephlogistiqué et gas inflammable. Je l'ai garni d'un robinet à son sommet, et il était plongé par le bas dans l'eau de l'appareil de Pristley. B est un ballon garni d'un robinet avec un écrou qui pouvait se monter sur la vis du robinet C. J'ai fait le vide dans le ballon B.[5]
Dans cet état je l'ai pesé puis je l'ai monté sur le bocal et en ouvrant les deux robinets, il est entré dans le ballon 13 pintes d'air atmosphérique dont le poids s'est trouvé 2, 67 grains
Thermomètre de Réaumur 20 °
Baromètre 27 pouces 6 lignes
Je ne me suis servi cette fois du bocal que pour connaître la capacité du ballon.
J'ai démonté le tout. J'ai rempli d'eau le bocal A, puis j'ai introduit par dessous du gas inflammable extrait du fer par l'acide vitriolique. J'ai fait de nouveau le vide dans le ballon, que j'ai pesé, je l'ai remonté sur le bocal et il s'est rempli de 13 pintes de gas inflammable qui ont pesé 47 grains. Ainsi voilà le poids de mon gas inflammable d'une manière incontestable et sans reproche. Mon ballon n'a jamais été mouillé ni en dedans ni en dehors.
D'après cela les 105 pintes et demie de gas inflammable que j'ai employées dans les expériences dont je vous ai rendu compte par ma dernière[6] ont pesé ..... 381 5/13 de grains.
Je n'ai pas pesé de même mon gas déphlogistiqué, parce que je n'en ai plus, et que je ne pas le courage d'en refaire mais gardant la pesanteur spécifique donnée par M. Achard qui est à celle de l'air de l'atmosphère dans le rapport de 835 : 1000 je trouve que le poids des 49 pintes que j'ai employées est de 832 1/2 grains donc la somme totale des gas employés pour l'inflammation est 1214 grains.
C'est-à-dire 2 onces 0 G 62 grains et le poids de mon produit est 2 onces 1 G 59 grains
Ainsi vous voyez donc que j'approche infiniment d'avoir le poids exact des gas que j'ai employés et que j'ai lieu de soupçonner que la pesanteur donnée par M. Achard [pour le gas déphlogistiqué] n'est pas d'une très grande rigueur.[7]
[Paraphe le 5 août 1783 le M. de Condorcet][8]
Je vous embrasse de tout mon coeur, et vous prie de me conserver votre amitié qui m'est bien précieuse. Monge
[2] Achard, Franz Carl (1753-1821) chimiste et physicien né à Berlin et membre de l’Académie Royale des sciences de Berlin. Il est difficile d’établir avec précisions à quelles mesures Monge fait référence. Certaines mesures d’Achard sont publiées au sein des mémoires présentés à l’Académie Royale de Berlin : « Observations sur le Gaz de Mongolfier, et description d'une nouvelle méthode de mesurer les élévations au moyen du Thermomètre », Berlin 1784 in: Nouveaux Mémoires de l'Académie Royale des Sciences et Belles-Lettres. Cl. de philosophie expérimentale. 1782. p.54-62, « Examen de l'air qui se dégage pendant l'inflammation de la poudre à canon, de celui qui se développe par la détonnation de la poudre fulminante, par celle d'un mélange de nitre avec de la poudre de charbon, et enfin par la déflagration du salpêtre avec la limaille de fer », Berlin 1784 in: Nouveaux Mémoires de l'Académie Royale des Sciences et Belles-Lettres. Cl. de philosophie expérimentale. 1782. p.125-136 ; « Recherches sur l'air qui se dégage du nitre pendant sa détonnation avec les substances métalliques », Berlin 1784 in: Nouveaux Mémoires de l'Académie Royale des Sciences et Belles-Lettres. Cl. de philosophie expérimentale. 1782. p.137-144 ; Expériences faites dans la vue de déterminer les circonstances sous lesquelles il se fait une production d'air lorsque l'eau, soit comme fluide, soit comme vapeur élastique, est mise en contact avec des corps de différente nature échauffés jusqu'à rougir. Berlin 1785 in: Nouveaux Mémoires de l'Académie Royale des Sciences et Belles-Lettres. Cl. de philosophie expérimentale. 1783. p.49-69 ; Expériences faites dans la vue de déterminer 1° De quelle manière l'air agit sur les fluides lorsque par sa pression à leur surface il augmente le degré de chaleur qu'ils prennent en bouillant; si une semblable pression occasionnée par le poids d'un autre fluide produit le même effet, ou s'il ne résulte que de quelque proprièté particuliere de l’air et desfluides aériformes élastiques; 2° Quel est le rapport qui se trouve entre la vitesse avec laquelle des corps de même degré se refroidissent dans différentes sortes d'air qui ont un degré de chaleur inférieur, et égal. Berlin 1785 in: Nouveaux Mémoires de l'Académie Royale des Sciences et Belles-Lettres. Cl. de philosophie expérimentale. 1783. p.84-97.
[4] Il faut noter l'importance que Monge confère à l'exactitude et la précision notamment dans les modalités expérimentales de la recherche. C'est cette même exactitude que Lavoisier souligne dans son mémoire pour confirmer une partie de son interprétation de son expérience du 24 juin 1783, notamment au sujet du poids de l’eau qui est égal au poids total des deux airs. Lavoisier intègre dans sa démonstration une expérience faite par Monge à Mézières à la même période. C’est Vandermonde, témoin de l’expérience de Lavoisier qui reçoit une lettre de Monge dans laquelle le géomètre explique le procédé expérimental qu’il a utilisé pour la combustion de l’air inflammable et de l’air atmosphérique et par lequel il a obtenu de l’eau.
Nous ignorions alors que M. Monge s’occupât du même objet, et nous ne l’apprîmes que quelques jours après par une lettre qu’il adressa à M. Vandermonde, et que ce dernier lut à l’Académie ; il y rendait compte d’une expérience du même genre, et qui lui a donné un résultat tout semblable. L’appareil de M. Monge est extrêmement ingénieux : il a apporté infiniment de soin à déterminer la pesanteur spécifique des deux airs ; il a opéré sans perte, de sorte que son expérience est beaucoup plus concluante encore que la nôtre, et ne laisse rien à désirer : le résultat qu’il a obtenu a été de l’eau pure, dont le poids s’est trouvé, à très-peu de chose près, égal à celui des deux airs. En rapprochant le résultat de ces premières expériences de ceux que nous avons obtenus M. Meusnier et moi, dans des expériences faites postérieurement en commun, et dont je parlerai bientôt, il paraîtrait que la proportion en volume du mélange des deux airs, en les supposant l’un et l’autre dans leur plus grand degré de pureté, est de 12 parties d’air vital, et de 22,924345 d’air inflammable ; mais on ne peut, disconvenir qu’il ne reste encore quelque incertitude sur l’exactitude de cette proportion.
[LAVOISIER A.-L. [1783] (1862), « Mémoire dans lequel on a pour objet de prouver que l’eau n’est point une substance simple, un élément proprement dit, mais qu’elle est susceptible de décomposition et de recomposition »,pp. 334-359. p. 334 est ajouté en note « Ce mémoire a été lu à la rentrée publique de la Saint-Martin 1783 ; depuis, on y a fait quelques additions relatives au travail fait en commun avec M. Meusnier, sur le même objet. (Mémoires de l’Académie des sciences, année 1781, p. 468.) pp. 339-340.]
D’une part Lavoisier reconnaît à l’expérience de Monge plus de précision que la sienne grâce à l’ingéniosité de son appareil expérimental, d’autre part il souligne que Monge a effectué cette expérience indépendamment de celle de Lavoisier. Meusnier et Lavoisier font référence à la même expérience de Monge dans un autre mémoire, lu le 21 avril 1784 à l’Académie, qui décrit la suite de leurs expériences autour de l’air inflammable « Mémoire où l’on prouve, par la décomposition de l’eau, que ce fluide n’est point une substance simple, et qu’il y a plusieurs moyens d’obtenir en grand l’air inflammable qui y entre comme principe constituant ».[LAVOISIER et MEUSNIER [1781] (1862), « Mémoire où l’on prouve, par la décomposition de l’eau, que ce fluide n’est point une substance simple, et qu’il y a plusieurs moyens d’obtenir en grand l’air inflammable qui y entre comme principe constituant », pp. 360-373.]
[…] malgré les soins apportés par M. Lavoisier, pour assurer, autant qu’il est possible, la précision d’une expérience aussi délicate ; malgré la conformité du résultat obtenu à peu près en même temps par M. Monge, dans le laboratoire de l’école de Mézières, avec un appareil très exact et les attentions les plus scrupuleuses, quelques personnes ont cru pouvoir attribuer l’eau qui provient de cette opération à l’humidité dissoute par les airs, et privée de soutien au moment de leur combustion. Mais, sans parler du peu de proportion d’une cause aussi légère avec la quantité d’eau dont il faut expliquer l’origine, si les airs eux-mêmes n’y entraient pour rien, il resterait à trouver quel est le produit réel de leur combustion, et, puisque, en en brûlant des volumes considérables, on n’obtient autre chose que cette eau très-pure qu’on voit couler de toutes parts, il s’ensuit que, même en admettant une erreur grossière dans la comparaison du poids des airs avec celui de l’eau qui se manifeste, l’explication qu’on vient de rappeler serait encore sujette aux difficultés les plus fortes.[LAVOISIER et MEUSNIER [1781] (1862), pp. 360-361.]
L’expérience de Monge est citée plusieurs fois par Lavoisier et Meusnier parce qu’elle joue en faveur de leur théorie d’une part sur la nature composée de l’eau et d’autre part sur le rapport entre le poids de l’air inflammable et celui de l’air atmosphérique et sur l’égalité du poids de l’eau au poids des deux airs. Cent ans après, Berthelot dans son histoire la Révolution chimique affirme que Lavoisier ne donne pas dès le début la démonstration expérimentale complète, celle de la permanence du poids des deux composants dans le composé.
C’est à Monge qu’est due cette démonstration. Monge poursuivait alors à Mézières l’étude des gaz avec des instruments très exacts, comme Lavoisier le déclare lui-même ; il annonça quelques jours après qu’il avait obtenu cette démonstration, dans la lettre que Vandermonde lut en son nom à l’Académie ; il avait mesuré séparément les poids de l’hydrogène, de l’oxygène et celui de l’eau résultante. C’est donc Monge qui fournit la preuve rigoureuse de ce fait capital, que l’eau se forme poids pour poids.[BERTHELOT M. (1890), La Révolution chimique, Paris, p. 116.]
Le chimiste Berthelot précise que si Lavoisier répète des expériences effectuées par d’autres, si la démonstration de la permanence du poids ne lui est pas due, c’est lui qui interprète en des termes radicalement différents et nouveaux les résultats des expériences et c’est le seul qui en exprime clairement l’enjeu : la nature composée de l’eau.
Mais c’est par Lavoisier que fut énoncée la première affirmation publique et nette de la composition de l’eau ; tandis qu’au même moment Priestley, Monge et Cavendish lui-même mêlaient à l’exposé des faits des notions confuses empruntées à la théorie du phlogistique et qui voilaient pour eux, aussi bien que pour leurs lecteurs, la simplicité et le caractère fondamental des résultats.[…] Le lendemain même du jour où Lavoisier publiait ses premières expériences sur la synthèse de l’eau, c’est-à-dire le 26 juin 1783. Priestley lisait à la Société royale de Londres un mémoire sur le phlogistique et sur la conversion apparente de l’eau en air […]. Watt, qui réclama plus tard pour lui toute la découverte, […] pensait également que l’eau pouvait être changée en air […]. [BERTHELOT M. (1890), pp. 116-117.]
Monge lui-même regardait comme une hypothèse tout aussi probable que celle de Lavoisier l’opinion que l’hydrogène et l’oxygène sont des combinaisons de l’eau avec des fluides élastiques différents, lesquels par la combustion se changeraient dans le fluide du feu, et s’échapperaient sous forme de chaleur et de lumière. Cette opinion congénère de celle du phlogistique, et qui rappelle les anciennes idées des physiciens sur le deux fluides électriques adhérents à la surface des corps, maintenait toujours l’eau comme un élément indécomposable.[42]
René Taton dans son oeuvre scientifique de Monge avant d’aborder la participation de Monge à la découverte de la composition de l’eau précise que la reconstitution exacte de cette découverte est un des problèmes d’histoires des sciences des plus délicats.
Plusieurs savants opérant dans des villes et des pays différents ont participé à cette découverte autour des années 1783-1785 : Lavoisier, Cavendish, Watt, Monge ; toutes les difficultés et les polémiques autour de cette question viennent de ce qu’il est souvent difficile de fixer exactement les dates des expériences et des déductions faites par chacun de ses savants ainsi que les indications qui peuvent avoir été transmises des uns aux autres. [TATON R. (1951), p. 327.]
L’historien des mathématiques, R. Taton, comme celui de la chimie M. Berthelot reconnaissent à Lavoisier l’originalité de l’interprétation. En effet, à Mézières, pendant l’été 1783, Monge procède à des expériences sans être informé de celles de Canvendish en Angleterre (à la différence de Lavoisier) et de celles de Lavoisier et Laplace à Paris. Monge lui-même l’indique dans une note liminaire de son Mémoire sur le résultat de l’inflammation du gaz inflammable et de l’air déphlogistiqué dans des vaisseaux clos. [Cité in TATON R. (1951), p. 330.]
Les expériences dont il s’agit dans ce Mémoire ont été faites à Mézières dans le mois de juin et juillet 1783, et répétées en octobre de la même année : je ne savois pas alors que M. Cavendish les eût faites plusieurs mois auparavant en Angleterre, mais plus en petit ; ni que Mrs Lavoisier et de la Place(sic) les fissent à peu-près dans le même temps à Paris, dans un appareil qui ne comportait pas toute la précision de celui que j’ai employé.
Si Monge procède aux mêmes expériences que Lavoisier et que ses résultats constituent les premières mesures précises relatives à la synthèse de l’eau, obtenue indépendamment de Lavoisier et de Cavendish, Monge dans ses conclusions n’exprime pas l’idée de la nature composée de l’eau. [TATON R. (1951), p. 330.]
[5] Pour ses recherches autour de la synthèse de l’eau, Monge entreprend des expériences précises de combinaison de l’hydrogène avec l’oxygène avec un appareil eudiométrique perfectionné. Il s’agissait d’un eudiomètre clos pouvant être branché à volonté sur une machine pneumatique ou sur des gazomètres contenant respectivement de l’oxygène et de l’hydrogène obtenus par voie chimique dans un état de pureté relative. Selon Taton, ce dispositif lui permet de mesurer de façon assez précise les volumes des gaz qu’il introduit dans l’eudiomètre préalablement vidé d’air. . [TATON R. (1951), p. 328.]
[6] René Taton recense 3 lettres à Vandermonde de juin à juillet 1783, il indique une lettre du 2 octobre 1783. (Copies partielles à la Bibliothèque de l’Institut de France.)
[7] René Taton souligne que si « Monge obtient des résultats assez précis en volume mais qui laissaient subsister des erreurs de masse considérables à la suite de la grande imprécision des mesures de densité de gaz qu’il avait faites. » Comme cela est consigné dans les Registre des séances de l’Académie des sciences, ces résultats sont communiqués à l’Académie par Vandermonde qui les lit à partir du « Mémoire sur le résidu de la déflagration de gaz inflammable et de l’air vital. » [TATON R. (1951), p. 329.]
[8] Condorcet paraphe cette lettre et l’original du mémoire, conservés ensemble aux Archives du CNAM. Le mémoire imprimé présente des chiffres d’expériences plus petits, en prenant en compte des résultats d’octobre 1783. [TATON R. (1951), p. 329.]Condorcet alors secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences depuis 1776, fait partie de la commission constituée à la réception du procès-verbal de l’expérience des Montgolfier faite à Annonay le 5 juin 1783, avec la nomination de de La Rochefoucauld, Le Roy, Tillet, l'abbé Bossut, Lavoisier, Brisson, Berthollet et Coulomb. [LAVOISIER A.-L. [1783] (1865a), « Rapport fait à l’Académie sur la machine aérostatique de MM. De Montgolfier par Le Roy, Tillet, Brisson, Cadet, Lavoisier, Bossut, de Condorcet et Desmarets », in Œuvres d’Antoine Laurent Lavoisier (1743-1794), T. 3, J.-B. Dumas (ed.), pp. 719-735, p. 719.] Monge est mentionné en tant que membre de la Commission dans une note ajoutée par l’éditeur des mémoires de l’Académie en 1865. La participation de Monge est attestée par ses notes manuscrites et ses signatures sur le registre de laboratoire de Lavoisier. Il présente le 16 mars 1785 à l’Académie l’eau obtenue par synthèse. [TATON R. (1951), p. 331.]
[1] Monge fait le récit de sa visite au Vésuve dans la lettre précédente. Voir la lettre n°107.
[2] Les fouilles qui permettent de découvrir le site de Pompéi commencent en1748. Sur la vision globale de l’espace archéologique et la sensiblité à la conservation du site voir infra.
[3] Sous le règne de Charles III, père de Ferdinand IV, les œuvres et objets antiques découverts sur les sites de Pompéi et Herculanum sont portés et exposés dans Musée Ercoléonien installé dans le palais royal de Portici. Le palais devient alors une des étapes du Grand Tour. L’éditeur du Journal de Desaix indique que : « Lorsque, à l’article de Milan, il parle des fresques que les Français ont emportées, il remarque qu’on les lève aisément à Pompéi et à Herculanum, et que Monge lui a expliqué les procédés en détails » à Passériano en septembre 1797. Voir la lettre n°132. DESAIX [1797] (1907), p. LVIII.
[4] Sur la sensiblité à la vie quotidienne des civilisations anciennes voir infra.
[5] Les objets de valeurs sont enlevés du site. Les fouilles sont fondées « sur l’extraction de trésors destinés à enrichir les collections du roi des Deux-Siciles ». Le néoclassicisme naissant « conférait un prestige considérable aux souverains d’Ancien Régime possesseurs de trésors artistiques remontant à l’époque antique. » MONTÈGRE G. (2011), « Science et archéologie au siècle des Lumières : Pompéi et la vision de l’antique dans les Éphémérides du naturaliste François de Paule Latapie » in ROYO M. et DENOYELLE M. (éd.), Du voyage savant aux territoires de l'archéologie, Paris, De Boccard, pp. 127-148, p. 127. Sur la « logique de collection » voir infra.
[6] Sur l’analyse technique et fonctionnelle des monuments antiques voir infra.
[7] Ce détail que Monge insère dans sa description témoigne de sa réflexion incessante sur les méthodes pédagogiques et de l’instruction publique. Voir la lettre n°132.
[8] Le site d’Herculanum découvert en 1709 est fouillé à partir de 1738. Voir la lettre n°107.
[9] Les lettres écrites par Monge lors de son séjour à Naples (107 et 108) se distinguent du reste du corpus en répondant plus aux attentes d’une correspondance de voyage. Il ne faut pas, il me semble, y lire une volonté de créer un discours de vulgarisation scientifique, un discours mondain à thème scientifique. Bien au contraire Monge cherche à former un discours intelligible sans le priver ni de sa valeur scientifique ni d’exactitude (voir la lettre n°107). C’est justement ce à quoi est sensible Catherine. Elle en est même flattée. De Paris le 17 messidor an V [5 juillet 1797], elle lui en fait part en réponse à sa lettre écrite après sa visite de la ville d’Ostie (voir la lettre n°99) : « Parlons maintenant de ton article de physique, tu crains qu’il ne m’ennuie au contraire, je suis toute glorieuse, tu me traites comme une personne, il me semble que je comprends à merveille ce que tu me dis des causes de l’insalubrité de l’air d’Ostie. Est-ce de cette ville que nous vient l’invention du Dieu de nos pères ? Nos nouveaux dévots devraient bien y aller former une colonie, et nettoyer tous ces marais, cela nous en débarrasserait, et me ferait croire à leur amour de Religion de nos pères, et puis ils augmenteraient le nombre des imposteurs de ce pays-là. »
Si Monge apparaît ici en « amateur d’antiquités » tel que sa fille Louise le décrit dans sa lettre du 29 vendémiaire an V [10 octobre 1796] (voir la lettre n°9), il ne se départit pas de son regard de savant. En effet, les descriptions de ces deux sites antiques n’étaient pas courantes. Les fouilles d’Herculanum et de Pompéi sont effectuées dans « un contexte de défiance et de secret jusqu’à la fin du siècle ». Les visiteurs ne pouvaient pas se déplacer librement en notant leurs observations. Ces restrictions à l’étude et à la diffusion des résultats des fouilles archéologiques « rendent précieux les témoignages que les savants voyageurs » portèrent sur les premières fouilles des cités vésuviennes. » Cela conduit même, selon G. Montègre, à poser la question : « Dans quelle mesure la démarche observatrice et classificatrice de ces savants n’a pas anticipé, préparé ou concrétisé le passage de l’antiquariat à l’archéologie ? » MONTÈGRE G. (2011), p. 127-129. Montègre détermine cinq caractéristiques qui fondent la modernité de l’approche émanant des récits des savants, elles sont identifiables dans les descriptions du Vésuve et de la ville de Pompéi effectués dans ces deux lettres (107 et 108) : une « sensibilité nouvelle à la vie quotidienne des civilisations anciennes » ; une sensibilité de l’auteur-visiteur « à la conservation du site et des collections » ; « l’analyse technique et fonctionnelle des monuments antiques qui se substitue à l’intérêt esthétique » suscité par les antiquités ; une « vision globale de l’espace archéologique » enfin la « science comme discipline auxiliaire des études antiquaires » (lettre n°107). Ces cinq caractéristiques sont « unies par une même démarche qui repose sur l’observation directe et l’expérimentation ». Cette analyse des récits savants permet d’éclairer l’émergence concomitante de la géologie et de l’archéologie. Les fouilles d’Herculanum et de Pompéi contribuèrent au passage d’une « logique de collection » (voir supra) à une « logique de site » mise en œuvre dans un raisonnement sur les vestiges. MONTÈGRE G. (2011), pp. 129-140. Cela montre une fois encore le caractère pédagogique du discours qu’il adresse à sa famille comme il avait l’habitude de le faire lors de ses tournées d’examinateur de la Marine. Sur la posture pédagogique de Monge avec les membres de sa famille voir les lettres n°9, 13, 20, 48, 118, 171 et 173.
[10] Son voyage en Italie lui permet de raviver les éléments de sa culture classique acquise lors de sa formation chez les Oratoriens de Beaune. Voir la lettre n°22.
[11] Voir la lettre n°107. De Paris le 11 thermidor an V [29 juillet 1797], Catherine répond : « J’ai reçu ta lettre de Naples du 30 prairial, elle est arrivée ici en 19 jours. Je ne crois pas qu’elle ait été décachetée, il y avait deux enveloppes. C’est à celle-là que j’ai répondu le 22 messidor [C’est dans sa lettre du 20 messidor an V que Catherine répond à la lettre du 30 prairial.] Si elle te parvient, tu verras que je blâme ton imprudence de t’expliquer aussi franchement, surtout devant faire encore quelques séjours dans ce pays-là ; il y a un vieux proverbe qui dit, il ne faut se moquer des chiens qu’on ne soit dehors du village. Nous sommes plus circonspects ici, nous prions Dieu à la vieille mode, nous dansons, nous avons des feux d’artifice dans tous les coins de Paris, et nous ne disons rien. Voilà comme il faut être pour être sage, mais vous autres, cerveaux brûlés par la chaleur du climat et de vos idées, nous vous mettrons bien à la raison. Quand vous arriverez ici, nous vous mettrons chacun sous une cloche de verre, crainte que vous ne conspiriez et que vous ne portiez atteinte à la Constitution à laquelle nous tenons, mais à laquelle on donne tous les jours des coups de canif pour ne pas dire de sabre, mais à cela près nous la respectons beaucoup. »
[12] Cette personne n’a pas pu être identifiée.
[13] L’explosion de la poudrerie du château Saint-Ange détériore notamment la fresque du Jugement dernier de Michel-Ange dans la chapelle Sixtine. Voir la lettre n°122.
[14] José-Nicolas AZARA Le chevalier d’ (1731-1804).
[15] Jacques-Pierre TINET (1753-1803), Jean-Guillaume MOITTE (1746-1810) et Jean-Simon BERTHÉLÉMY (1743-1811) et les adjoints qui sont restés à Rome Antoine-Jean GROS, (1771-1835), Rodolphe KREUTZER (1766-1831), Joseph Charles MARIN (1749-1834) et Edme GAULLE, (1762-1841).
[16] Dans le cadre de leur action pour l’armement sous la direction du Comité de Salut public, Monge et Berthollet créent la poudrerie de Grenelle en janvier 1794. Elle explose le 31 août de la même année faisant plus d’un millier de morts et de blessés. Voir les lettres n°3 et 46.
[17] Monge quitte Rome le 26 messidor an V [14 juillet 1797]. Voir la lettre n°113.
[18] Claude-Louis BERTHOLLET (1748-1822). Voir la lettre n°99.
Bibliothèque centrale de l'École polytechnique / Centre de Ressources Historiques. (Palaiseau, France).
Images : Collections École polytechnique (Palaiseau, France). Reproduction sur autorisation.
[1] Monge accompagné de ses collègues Jean-Guillaume MOITTE (1746-1810) et Jean-Simon BERTHÉLÉMY (1748-1822). Berthollet est à Venise. Thoüin à Livourne. Voir la lettre n°103.
[2] Monge commet ici une erreur de date assez curieuse: il s'agit en fait du 16 juin 1797 (28 prairial an V). [R.T.] Voir la lettre n°104. Monge fait référence à leur mariage dont la date anniversaire est le 12 juin et qui est symbolisé par la fleur de genêt. Voir les lettres n°8, 127, 181 et 187. Le 20 messidor an V [8 juillet 1797], Catherine lui répond de Paris en lui faisant remarquer son erreur « Tu t’es mis en route le 12 mai, mon cher bon ami, pour aller à Naples, et tu cherchais des genêts, moi qui suis plus sure des époques heureuses de ma vie, je t’ai écrit le 12 juin pour te rappeler celle-là. Si tu continues, tu seras obligé de solliciter ce brevet pour le myrte, mais je ne l’accorderai pas il me faut le titulaire, et cela le plus tôt possible. » Enfin, Monge admet son erreur mais indique encore qu’il s’est mis en route pour Naples le 12 juin 1797. Voir la lettre n°118.
[3] MARIE-CAROLINE D’AUTRICHE (1752-1814), femme de FERDINAND IV, roi de Naples et de Sicile (1751-1825). Sœur de Marie-Antoinette et ennemie de la Révolution. De Paris, le 20 messidor an V [8 juillet 1797], Catherine commente avec la même énergie : « Puisque tu supposais qu’elle [le monstre femelle] devait lire ta lettre tu aurais dû être plus discret sur son compte, il faut se défier de ces espèces de monstres, ils sont trop difficiles à abattre. »
[4] FRANÇOIS DE NAPLES, FRANÇOIS Ier DES DEUX-SICILES (1777-1830), fils de Marie-Caroline D’Autriche et FERDINAND IV. Il épouse MARIE-CLÉMENTINE D’AUTRICHE (1777-1801) le 8 messidor an V [26 juin 1797].
[5] Cette description pourrait répondre aux critères d’un compte-rendu d’expérience en chimie. Un terme tel que « combustion lente » constitue un premier indice. Les images convenues de l’ « antre de Vulcain » et du « sommeil » du volcan sont le seul trait qui pourrait évoquer un discours mondain sur la science. La spécificité de ces sites archéologiques est leur lien avec des questionnements scientifiques. Cela constitue un élément de plus qui montre la posture pédagogique que Monge adopte avec les membres de sa famille. Voir les lettres n°9, 13, 20, 48, 108, 118, 171 et 173.
[6] Le site d’Herculanum découvert en 1709 est fouillé à partir de 1738. Voir la lettre n°108.
[7] De juin à septembre 1774, Monge effectue un voyage dans les Pyrénées dont il gravit des sommets afin d’effectuer avec le jeune médecin d’Arcet des observations à l’aide d’un baromètre à mercure portatif pour obtenir des mesures précises de la hauteur des montagnes. Cela donne lieu non seulement à une publication : Observations sur le baromètre, faites dans les Pyrénées conjointement avec le nivellement d’une montagne par MM. d’Arcet et Monge, au mois d’août 1774. Elles sont jointes à la Dissertation sur l’état actuel des montagnes dans les Pyrénées prononcée par d’Arcet, le 11 octobre 1775. Le voyage dans les Pyrénées donne lieu à une première correspondance de voyage. Monge écrit à un ami de Mézières, M. Tisseron, directeur des Postes de Mézières et de Charleville. Une copie manuscrite de cette correspondance est disponible à la B.I.F. (man. 2.191) et dans la B.É. (TATON R. (1951), p. 20)
[8] Monge donne aux phénomènes naturels une importance déterminante pour le perfectionnement de l’esprit et le progrès des sciences. (Voir les lettres n°3 et 62). Dans ce domaine plus que dans les mathématiques, il semble qu’il est devenu chercheur pour ses besoins d’enseignant. C’est d’ailleurs la physique que Monge enseigne pour la première fois au collège des Oratoriens de Lyon en 1764. Ensuite il développe en même temps un enseignement de physique et de mathématiques à l’École du Génie de Mézières. Il justifie l’étude des phénomènes naturels au sein même de sa Géométrie descriptive en les mettant en rapport avec les arts mais aussi en leur attribuant une valeur pédagogique dans le cadre de la formation de l’esprit : « Il faut […] rendre populaire la connaissance d’un grand nombre de phénomènes naturels, indispensable aux progrès de l’industrie, et profiter pour l’avancement de l’instruction générale de la nation, de cette circonstance heureuse dans laquelle elle se trouve, d’avoir à sa disposition les principales ressources qui lui sont nécessaires. » MONGE G. [1795] (1827), p. xv. Il faut souligner que Monge n’envisage pas seulement une formation en mathématiques à l’usage de la physique comme cela est le plus fréquent dans l’enseignement scientifique à la deuxième moitié du XVIIIe siècle, mais il envisage aussi l’usage de l’étude des phénomènes naturels au service de la formation de l’esprit dans des domaines plus théoriques tels que les mathématiques : « On contribuera donc à donner à l’éducation nationale une direction avantageuse en familiarisant nos jeunes artistes avec l’application de la Géométrie descriptive aux constructions graphiques […]. Il n’est pas moins avantageux de répandre la connaissance des phénomènes de la nature, qu’on peut tourner au profit des arts. Le charme qui les accompagne pourra vaincre la répugnance que les hommes ont en général pour la contention d’esprit, et leur faire trouver du plaisir dans l’exercice de leur intelligence, que presque tous regardent comme pénible et fastidieux. » MONGE G. [1795] (1827), p. xvii Monge attribue à l’étude des phénomènes naturels et à la géométrie descriptive la même valeur élémentaire sans hiérarchiser leur utilité pour la formation des esprits à l’exactitude et à l’évidence. MONGE G. [1795] (1827), p. 111. Il établit des liens réciproques entre les deux domaines scientifiques. Dupin ne manque de rappeler la part de l’étude des phénomènes naturels dans l’enseignement de Monge ni le charme qu’ils exerçaient aussi bien sur les élèves que sur le professeur : « Il aimait à conduire ses disciples partout où les phénomènes de la nature et les travaux de l’art pouvaient rendre sensibles et intéressantes ces applications. […] Monge étudiait avec une égale ardeur et les phénomènes de la nature et les phénomènes de l’industrie ; il acquérait des lumières pratiques […] et s’empressait d’en faire jouir la jeunesse studieuse. Dans ces excursions, faites aux jours de congé, par les plus beaux temps de l’année, au milieu des sites les plus pittoresques, l’imagination de Monge semblait s’agrandir comme les aspects offerts à ses regards par la nature ; il communiquait à ses disciples son ardeur et son enthousiasme, et changeait en plaisirs passionnés des observations, des recherches appliquées à des objets sensibles, qui faites dans l’enceinte d’une salle par des considérations abstraites, n’eussent paru qu’une pénible étude.» DUPIN Ch. (1819), pp. 16-18.
[9] Catherine n’est pas séduite ni fascinée par la description du volcan effectuée par Monge, le 20 messidor an V [8 juillet 1797], elle écrit : « Tu es donc enchanté de Naples et de ses belles horreurs, cela ne me donne pas envie d’aller habiter si près de l’Enfer, notre belle France vaut mieux que tout cela […]. »
[10] Voir la lettre n°108.
[11] Théâtre San Carlo construit en 1737 sur les plans du Sicilien Giovanni Medrano, par l'architecte napolitain Angelo Carasale.
[12] Rodolphe KREUTZER (1766-1831). Voir la lettre n°66.
[13] Camille BORGUESE (1775-1832).
[14] Louise MONGE (1779-1874), Marie-Élisabeth Christine LEROY (1783-1856) appelée Paméla et Anne-Françoise HUART (1767-1852). Voir la lettre n°9. Monge a l’habitude de mentionner sa fille ainsi. Par contre ici il cherche à montrer son attention spécifique à « Paméla » et « Fillette ».
[15] Barthélémy BAUR (1752-1823) le mari de « fillette » Anne-Françoise HUART.
[16] Louis MONGE (1748-1827) et sa femme Marie-Adélaïde DESCHAMPS (1755-1827). Le 17 floréal an V [6 mai 1797], Catherine donne des nouvelles de Louis de retour de sa tournée dans les ports en tant qu’examinateur de la Marine en remplacement de Monge: « Ton frère est de retour depuis longtemps, il a rapporté de son voyage une sciatique qui lui tient tout un côté du corps de sorte que quand il éprouve de l’humidité, il souffre, mais à cela près, il se porte bien ainsi que sa fe[mme], et nous aussi. » Monge a aussi souffert de sciatique en Italie. Voir la lettre n°118.
[17] Marie-Marguerite BAUR (1745-1829).
Bibliothèque centrale de l'École polytechnique / Centre de Ressources Historiques. (Palaiseau, France).
Dans l’édition des leçons de mathématiques de l’École normale, la similitude entre les cours préliminaires de Monge à l’École centrale et ceux de l’École normale est soulignée en indiquant qu’il n’effectue pas « un résumé de l’enseignement qui serait donné aux élèves au cours des trois ans de formation mais la présentation très générale de la théorie et de ses applications afin d’éclairer l’esprit de sa méthode. » (dir. DHOMBRES J. (1992), L’École normale de l’an III. Vol. 1, Leçons de Mathématiques. Laplace-Lagrange-Monge, Paris, Éditions Rue d’Ulm, p. 279.)
Le haut degré théorique de l’enseignement mathématique de Monge tient à sa nature élémentaire. Aussi La géométrie descriptive n’est pas réservée aux seuls ingénieurs mais elle est adéquate à la formation de tous les esprits. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'elle doit être un élément de la formation des futurs enseignants de la République. (voir la lettre n°62).
Les rapports entre Géométrie descriptive et Analyse appliquée à la Géométrie
[1] GODELLE ( 17 - ? ) et LEBRUN ( 17 - ? ). Ce sont donc deux des mille quatre cents élèves de la première et seule promotion de l’École normale de l’an III.
[2] Il faut noter dès à présent que Monge envisage ensemble les deux disciplines et institut ainsi des rapports entre elles. Sur les rapports entre Mathématiques et physiques dans la pratique scientifique de Monge voir la lettre n°107. Les leçons de mathématiques de Monge à l’École normale ont lieu du 1er pluviôse an III [20 janvier 1795] au 21 floréal an III [10 mai 1795]. L’École ferme le 30 floréal an III [19 mai 1795]. Les cours de l’École avaient lieu dans l’amphithéâtre du Muséum d’histoire naturelle. En revanche, les séances de travaux pratiques, dirigées par Monge avec l’aide de Jean-Nicolas HACHETTE (1769-1834) et Sylvestre-François LACROIX (1765-1843), se tenaient dans l’église de la Sorbonne aménagée à cet effet. (TATON R. (1951), p. 41.)
[3] Un an après sa création l’École centrale des travaux publics change de nom et devient l’École polytechnique par le décret de la Convention du 15 fructidor an III
[1er septembre1795]. Voir la « Chronologie des premières années de l'Ecole polytechnique (1794 - 1799) », Bulletin de la Sabix [En ligne], 8 | 1991, mis en ligne le 09 mai 2011, consulté le 03 juin 2012. URL : http://sabix.revues.org/594. Monge fait allusion aux Feuilles d’Analyse appliquée à la Géométrie à l’usage de l’École polytechnique, ensemble de 28 feuillets comportant de 2 à 8 pages de texte, imprimées séparément et portant des titres divers. En 1795, sont aussi publiées les Séances des écoles normales recueillies par des sténographes et revues par des professeurs, T. 1, pp. 49-64, 278-285, 401-413, T. 2, pp. 149-171, 338-368, T. 3, pp. 61-106, 332-356, T. 4, pp. 87-99, 291-313, T. 7, pp. 28-34, 63-74, 144-151. Des feuillets de séances séparés ont existé pour les premières séances. Même si la Géométrie descriptive est encore dispersée dans sept volumes et partagée en douze leçons, la retranscription des cours de Monge à l’École normale constitue la première rédaction et publication de l’ensemble de ses principes et méthodes dont l’élaboration a débuté en 1765. Monge enseigne sa Géométrie aussi bien à l’École normale qu’à l’École centrale des travaux publics. Cela montre qu’elle n’est pas réservée aux seuls ingénieurs mais qu’elle est adéquate à la formation de tous les esprits. Le haut degré théorique de l’enseignement mathématique de Monge tient à sa nature élémentaire (voir la lettre n°62). Dans l’édition des leçons de mathématiques de l’École normale, la similitude entre les cours préliminaires de Monge à l’École centrale et ceux de l’École normale est soulignée en indiquant qu’il n’effectue pas « un résumé de l’enseignement qui serait donné aux élèves au cours des trois ans de formation mais la présentation très générale de la théorie et de ses applications afin d’éclairer l’esprit de sa méthode. » (dir. DHOMBRES J. (1992), L’École normale de l’an III. Vol. 1, Leçons de Mathématiques. Laplace-Lagrange-Monge, Paris, Éditions Rue d’Ulm, p. 279.) Les cours révolutionnaires à l’École centrale ouvrent le 1er nivôse an III (21 décembre 1794), Monge est alors malade et extrêmement fatigué. Il ne peut commencer son cours préliminaire de Stéréotomie qu’à partir du 21 nivôse an III (10 janvier 1795), dix jours avant le début des cours à l’École normale. Catherine, sa femme, rappelle cette période à Monge en 1798 « […] la maladie que tu fis à la suite de tant de travaux, ta convalescence d’un an pendant laquelle l’École polytechnique fut créée par toi à force de peine et de travail. » (brouillon d’une lettre de Catherine du [17 germinal an 6] [6 avril 1798] envoyé à Monge le 30 germinal an VI [19 avril 1798].) Les aspirants instructeurs qui ont bénéficié au cours des mois de novembre et décembre 1794 d’un enseignement spécial dû à leur fonction spécifique dans l’École, continuent leur formation. En pluviôse et ventôse an III, alors que Monge a terminé ses cours préliminaires à l’École centrale le 19 pluviôse (7 février), les aspirants instructeurs assistent aux leçons de Monge à l’École normale (dir. DHOMBRES J. (1992), p. 279).
La différence des enseignements de la géométrie descriptive dans les deux écoles réside dans le mode de traitement de ses rapports avec l’analyse. À l’École centrale, Monge enseigne à la fois la stéréotomie et l’analyse appliquée à la géométrie. (dir. DHOMBRES J. (1992), pp. 294-295). Ainsi, cette lettre fait apparaître le souci de Monge d’organiser son enseignement en deux domaines correspondants, la Géométrie descriptive et l’Application de l’Analyse à la Géométrie afin de montrer les liens étroits entre technique et mathématiques, géométrie et analyse et la correspondance entre opération analytique et construction géométrique. Monge regrettait déjà en 1780 de ne pas pouvoir les enseigner en même temps à des élèves extérieurs à l’École de Mézières, l’enseignement de la géométrie descriptive étant strictement réservée aux élèves du Génie : « Monge, entraîné par son zèle, enseignait la géométrie analytique à quelques élèves ambitieux de pénétrer dans la connaissance des hautes mathématiques ; à Lacroix, depuis membre de l’Institut ; à Gay-Vernon, etc. Il leur montrait quelles relations admirables unissent les opérations de l’analyse et de la géométrie. Il aurait voulu leur enseigner également ce qu’il avait découvert en géométrie descriptive. « Tout ce que je fais ici par le calcul, leur disait-il, je pourrais l’exécuter avec la règle et le compas ; mais il ne m’est pas permis de vous révéler ces secrets. » » (DUPIN Ch. (1819), pp. 20-21.) Dans la réédition de 1811 de la Géométrie descriptive, élaborée avec Hachette les rapports entre les deux domaines mathématiques sont énoncés dès le descriptif détaillé du programme des leçons en justifiant ainsi leur modalité d’enseignement : « On fait souvent usage, dans la Géométrie descriptive, pure ou appliquée, de propositions qu’on suppose démontrées par l’analyse. Comme ces deux sciences se prêtent des secours mutuels, elles doivent être cultivées en même temps. C’est par cette raison que, d’après l’organisation de l’enseignement de l’École polytechnique, les mêmes professeurs sont chargés du cours de Géométrie et d’Analyse appliquée à la géométrie. » (MONGE G. et HACHETTE J. N. (1811), Géométrie descriptive, Paris, Klostermann, p. viii.) L’aide réciproque que l’analyse et la géométrie s’apportent détermine une pratique mathématique qui développe simultanément une appréhension géométrique et analytique des objets envisagés. : « Pour apprendre les mathématiques de la manière la plus avantageuse, il faut donc que l’élève s’accoutume de bonne heure à sentir la correspondance qu’ont entre elles les opérations de l’analyse et de la géométrie ; il faut qu’il se mette en état, d’une part de pouvoir écrire en analyse tous les mouvements qu’il peut concevoir dans l’espace, et de l’autre, de se représenter perpétuellement dans l’espace le spectacle mouvant dont chacune des opérations analytiques est l’écriture. » MONGE G. et HACHETTE J.N. (1811), pp. 75-76. Cette préoccupation de mise en correspondance des deux domaines mathématiques ne quitte jamais Monge et la manière dont il a exposé sa géométrie descriptive et son analyse appliquée à la géométrie ne lui paraît pas encore suffisamment montrer et faire sentir leur correspondance. Dans son introduction à ses Cours de géométrie descriptive, Th. Olivier prend soin de rapporter une remarque de Monge : « Si je refaisais mon ouvrage qui a pour titre de l’Analyse appliquée à la géométrie […], je l’écrirais en deux colonnes : dans la première je donnerais les démonstrations par l’analyse ; dans la seconde, je donnerais les démonstrations par la géométrie descriptive, en d’autres termes, par la méthode des projections. Et l’on serait peut-être, […], bien étonné en lisant cet ouvrage, de voir que l’avantage serait presque toujours du côté de la seconde colonne, pour la clarté du raisonnement, la simplicité de la démonstration et la facilité de l’application des théorèmes trouvés aux différents travaux des ingénieurs. » (OLIVIER Th. [1843] (1852), Cours de géométrie descriptive, première partie, 2ème éd., Paris, Carilian-Goeury et V. Dalmont, Libraires des corps des points et chaussées et des mines, p. IV. cité in TATON R. (1951), p. 228.) Mais son enseignement des mathématiques destiné à montrer, faire sentir, développer, fonder et rénover les rapports entre les domaines de la géométrie, de l’algèbre et de l’analyse n’est pas encore achevé. Voir les lettres n°132 et 170.
[4] Le 29 mai 1795, Monge quitte Paris et se réfugie dans la maison de campagne de Berthollet à Aulnay-sous-Bois. Après les journées de Prairial, Monge est ainsi obligé d’interrompre ses cours d’analyse. (É.B) (dir. DHOMBRES J. (1992), p. 295). Voir la lettre n°90.
[5] Dans une lettre aux Comités, Lamblardie, alors directeur de l’École exprime le caractère irremplaçable de Monge en soulignant l’importance, la spécificité et la nouveauté de son enseignement mathématique qui associe étroitement technique graphique, géométrie et analyse. « Le directeur de l’École centrale des travaux publics croit de son devoir d’observer aux Comités de la Convention que les progrès de l’instruction de la stéréotomie commencent à se ralentir depuis l’absence du citoyen Monge, instituteur. Avant qu’il eût été forcé de quitter l’École, il avait préparé d’avance et pour quelque temps un travail qui a servi à continuer l’enseignement aux élèves de cette partie essentielle de leur instruction. Mais ce qu’il a laissé se trouve maintenant épuisé et comme nul autre savant ne s’est livré à cette partie des mathématiques qui est relative à l’instruction des projections, les élèves vont être privés de continuer ce genre d’études qui leur est cependant indispensable et de laquelle dépend le reste du travail qui se fait à l’école. Ils ont déjà témoigné dans une pétition adressée au Comité de salut public, dès les premiers moments de l’absence du citoyen Monge, les regrets de ne plus recevoir les leçons de cet instituteur et le désir qu’il leur fut bientôt rendu. Il serait donc non seulement intéressant pour cette école, mais encore très urgent que le Comité de sûreté générale statuât sans délai sur le sort du citoyen Monge. » Lettre du Directeur de l’École polytechnique, [Lamblardie] conservée dans la correspondance administrative. (Arch. Ec. Pol.). transcription Doc. 3 RT 15.3.1. CAPHES, R.T. [Dans son ouvrage Langins parle de cette lettre (p. 82 et note 238: p. 110), mais la date à tort du 5 thermidor, alors que l’arrêté du Comité de sûreté générale décidant « que le citoyen Monge sera mis provisoirement en liberté et les scellés levés » est daté du 4 thermidor. Par ailleurs, il fixe son retour à l’École au 11 thermidor (29 juillet), alors que Monge avait participé à la réunion du Conseil dès le 8 thermidor (26 juillet).] [R.T.] Ferry remplace Monge pendant son absence à l’École centrale, comme il l’avait fait à Mézières en 1784.
Le 29 mai 1795, Monge quitte Paris et se réfugie dans la maison de campagne de Berthollet à Aulnay-sous-Bois. Après les journées de Prairial, Monge est ainsi obligé d’interrompre ses cours d’analyse. (É.B) (dir. DHOMBRES J. (1992), p. 295). Voir la lettre n°90.
C'est à ce moment que Monge répond à deux des mille quatre cents élèves de la première et seule promotion de l’École normale de l’an III, GODELLE ( 17 - ? ) et LEBRUN ( 17 - ? ).
Bibliothèque centrale de l'École polytechnique / Centre de Ressources Historiques. (Palaiseau, France).