La correspondance inédite du géomètre Gaspard Monge (1746-1818)

La correspondance inédite du géomètre Gaspard Monge (1746-1818)


82. Rapport des commissaires du gouvernement à la recherche des objets de sciences et des arts

Auteurs : Monge, Gaspard

Transcription & Analyse

Transcription linéaire de tout le contenu
Rome, Le 26 germinal an V[1]
Les commissaires n’ayant eu qu’à se louer du zèle de tous ceux qui ont été chargés par le Pape de l’exécution du traité,[2] en ce qui concerne la remise des statues, tableaux et manuscrits, pensent qu’à la fin de cette importante opération, il serait convenable de leur prouver que si la République française terrible envers ses ennemis, elle est toujours juste et même généreuse envers ceux qui montrent du zèle à la servir.
Ils proposent, en conséquence, de distribuer des récompenses en proportion du mérite et de l’activité des services de chacun. Ils mettent à la tête de cette liste honorable M. Valadier[3], architecte à Rome, chargé de la conservation du Muséum du gouvernement romain.
M. Valadier a mérité dès l’année dernière la confiance de la commission des arts ; il a toujours parfaitement répondu : il a présidé à tous les encaissages, constructions de chariots, etc …
Le second est M. Franchi[4] : il s’est chargé de rassembler et fournir tous les animaux nécessaires aux transports, bœufs, buffles. Il a trouvé les bouviers et les chefs pour les conduire. Il était l’homme du Pape. Il a parfaitement rempli l’intention de la commission.
Les bibliothécaires, les différents custodes[5] des muséums doivent participer à la bienveillance nationale en proportion de l’importance des objets d’art extraits des dépôts qui leur étaient confiés et qui leur procuraient des émoluments journaliers de la part des amateurs.
La 3ème classe de gens à récompenser est composée de nombreux ouvriers de tout genre qui  ont souvent travaillé la nuit pour préparer les convois. Ceux qui ont été blessés dans l’emballage et le chargement des masses énormes : et aussi les veuves de quelques uns d’entre eux qui ont eu le malheur d’y périr.
Il est encore une quatrième classe d’ouvriers qui ont travaillé utilement pour la République : ce sont les employés de l’hôtel des monnaies à Rome, où l’on a essayé, pesé et emballé 15 millions tournois en matière d’or et d’argent pour les armées de la France, et ceux qui, au Mont de Piété ont fait la même opération pour 9 autres millions en diamants, allant à la même destination.[6]
Les commissaires ne parlent de cette dernière classe que parce que deux de leurs collègues, les Citoyens Monge et Berthollet, ont été chargés particulièrement par le général en chef d’être présents à la vérification de ces paiements de contribution.[7]
Il a fallu le zèle de ces chefs et la bonne volonté des subordonnés pour éviter des lenteurs et des obstacles dans la prompte exécution.
Ils soumettent dans leur liste nominative à l’approbation de l’autorité supérieure.
Savoir
M. Valadier, Architecte               5000# tournois
M. Franchi               3000
Le bibliothécaire du Vatican 2400
Celui chargé du grec   600
Custode de la bibliothèque   300
Custode du Muséum du Vatican 2000
Un custode du Muséum du Capitole[8] 1500
Un second du même Muséum   300
              _______________
             15100
 
Chefs ouvriers et employés
De l’hôtel des monnaies à Rome  6000
Et ceux du Mont de Piètè
_____________
 
21100
 
Ouvriers blessés et veuves d’ouvriers
employés aux emballages, chargements
de statues, tableaux, aux moines de                                                                            3900
Montoris, à ceux de Saint-François, etc
 
Total                                                    _____________________
 25000 #
 
Fait à Rome, par nous commissaires soussignés le dit jour 26 germinal an 5 de la République française.
Tinet, Moitte
Monge, Berthollet
Berthélemy[9]

[1] Cette lettre est envoyée par Cacault avec une lettre qu’il écrit au ministre des relations extérieures le même jour: « […] J’ai l’honneur de vous envoyer ci-joint une note de la commission des arts, que j’approuve infiniment. Cette commission ne peut quitter Rome en emportant les cent premiers chefs d’œuvre de cette capitale et 500 manuscrits sans faire au nom de la République, un acte de générosité envers les hommes de lettres, les artistes, les ouvriers qui ont concouru à cette grande opération. Permettez-moi de vous demander les intentions du Directoire à cet égard. Cacault. P.S. Je vous annonce avec plaisir, citoyen ministre, que je viens d’expédier e soir au citoyen Haller une caisse de diamants qui, d’après l’estimation d’experts nommés par les commissaires Monge et Berthollet et de l’autre part par le Pape, et après une estime contradictoire en présence des susdits commissaires, a été évaluée 2. 205 506 livres, 8 s., 8 d.. Il manquait encore 124 523 l. 11 s. 4 d. pour compléter les dix millions stipulés à l’art 12 du traité de Tolentino, lesquels étaient échus le dernier jour de mars. Cette somme a été payée ce soir en bonnes lettres de change que j’envoie ce soir au citoyen Haller. Nous voilà donc arrivés à 25 millions bien payés, bien reçus, dont 9 millions et demi payés en diamants et le reste en argent comptant et lettres de change. Je vois de plus un million et demi d’assuré et déjà commencé à payer en diverses fournitures. » E.E. pp. 259-261 Le 22 avril il écrit une lettre à Haller pour défendre l’estimation de diamants, faite à Rome et s’opposer à la nouvelle expertise demandée qu’Haller fait faire à Modène. Eschassériaux en retranscrit un passage : « L’instruction du général en chef aux commissaires des arts n’est-elle pas une loi positive de recevoir sans retard les diamants ? De quel droit aurai-je pu mettre au désespoir ce gouvernement-ci et casser le col à toute l’affaire en refusant des diamants ? Ces pierres forment l’assortiment le plus complet et le plus varié pour être mis en vente. C’est à peu près tout ce que Rome avait assemblé depuis des siècles. L’estimation a été faite ici fort en règle et j’eusse agi en brouillon de ne la pas admettre. Vous nous avez toujours fait attendre des experts à envoyer de votre part, et jamais ils ne sont arrivés. Il n’a été mêlé dans cette affaire que des hommes zélés comme vous pour l’intérêt de la République. Les commissaires Monge et Berthollet répugnaient ainsi que moi à ce genre d’affaire ; mais ils ont obéit à l’ordre écrit, dont je vous ai envoyé copie, du général en chef. Berthollet et l’expert de Rome doivent être arrivés à Modène. », B. E. Vol. II, p. 267.

[2] Traité de Tolentino du 1er ventôse an V [19 février 1797] avec le pape Pie VI, Giannangelo BRASCHI (1717-1799).

[3] Giuseppe VALADIER (1762-1839). Voir les lettres n°23 et 102.

[4] FRANCHI ( ? - ? ).

[5] Conservateurs.

[6] Sur la question des diamants reçus dans le cadre des contributions à verser à la France et stipulées dans le traité de Tolentino avec le pape de février 1797, voir les lettres n°65, 66, 70, 71, 73, 77, 79, 81 et 93.

[7] La commission distingue la tâche essentielle de la mission qu’a donnée Bonaparte à deux de ses membres. Cacault ne manque pas d’aborder la question des diamants dans sa lettre au ministre qui accompagne le rapport (voir infra) en développant ses différends avec Haller (Voir la lettre n°75) : « Avec ce rapport,Le citoyen Haller se trompe même à l’égard des évaluations écus romains et de poids de marc, comme le citoyen Moutte, qu’il a envoyé ici et qui entend cette matière, le lui prouvera. […] Je m’aperçois que c’est à moi qu’il en veut et qu’il a médité de m’attaquer à tort et à travers. […] Je vous envoie la copie de la lettre du général en chef Bonaparte aux commissaires Monge et Berthollet qui leur prescrit dans tout état de choses de recevoir vite les diamants.  Vous verrez évidemment par cette pièce que l’acte est en règle, qu’il était nécessaire […] On n’avait pas le droit de refuser un prix fixé par les experts des deux parts, lorsque l’instruction de Bonaparte aux commissaires leur prescrivait de recevoir vite […] Je travaille à amener les princes romains, dont vous savez que j’ai déjà tiré 4 millions en bonnes lettres de charges, à faire un nouvel effort […] Le traité accorde au Pape de payer en diamants. C’est pour donner une facilité. L’administrateur Haller prétend aujourd’hui que les diamants seront pour lui l’équivalent d’argent comptant, oui, s’il les donne en paiement aux fournisseurs, mais autrement non certainement quand on sera pressé de les vendre. Nous recevrons en tout environ 9 millions en diamants, après que le pape aura donné tous ceux de la couronne, tous ceux des églises et de la madone de Lorette, tous ceux des princes, princesses, dames et bourgeoises romaines. Nous dépouillons tout, et le Pape et les cardinaux et les églises et les femmes, et les muséums (sic) et les bibliothèques. Tout cela s’opère avec tranquillité ; mais il ne faut pas croire que les esprits soient contents, et l’on aurait tort de me tracasser, quand beaucoup de choses ne réussissent que par un effet marqué de confiance en mon caractère estimé

[8] Musée du Capitole dont le directeur « antiquaire » résident est Ennio Quirino VISCONTI (1751-1818) qui entretient de très bonnes relations avec les Français en mission à Rome.

[9] Jacques-Pierre TINET (1753-1803), Jean-Guillaume MOITTE (1746-1810), Jean-Simon BERTHÉLÉMY (1743-1811) et Claude-Louis BERTHOLLET (1748-1822) qui assiste ce jour-là à l’expertise des diamants, a dû signer d’avance, ou le matin du jour de son départ. (B.É., vol. II, p. 264.) Monge assiste seul à cette estimation du 15 avril 1797 même si Cacault mentionne dans sa lettre du même jour au ministre des relations extérieures les deux commissaires Monge et Berthollet. Thoüin est avec l’adjoint Wicar dans la Romagne. Voir la lettre n°81.

 

 

AnalyseTranscription d’Eugène Eschassériaux. B.É Vol. II, pp. 262-264.

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Notice créée par Marie Dupond Notice créée le 12/01/2018 Dernière modification le 11/02/2022