La correspondance inédite du géomètre Gaspard Monge (1746-1818)

La correspondance inédite du géomètre Gaspard Monge (1746-1818)


162. Les commissaires au Directoire

Auteurs : Monge, Gaspard ;

Faipoult de Maisoncelles, Guillaume-Charles (1752-1817)

 

; Daunou, Pierre (1761-1840) ; Florens, Joseph Antoine (1762-1842)

Transcription & Analyse

Transcription linéaire de tout le contenu

Commission du Directoire

Exécutif de la République française à Rome

N°12

Liberté Égalité

Rome, le 13 germinal, l’an 6 de l’ère républicaine

Les commissaires du Directoire exécutif envoyés à Rome

Au Directoire exécutif de la République française.

            Citoyens Directeurs[1]

            Nous devons vous instruire des événements qui viennent d’avoir lieu ici, relativement à l’exécution de vos ordres contre les officiers signataires d’adresses collectives et provocateurs d’insubordination.[2]

            Le général Saint Cyr, sur les ordres du général en chef,[3] pris le 11 les mesures nécessaires pour l’arrestation des officiers désignés : ce jour là même, il nous fit part des ordres qu’il avait reçus et de ceux qu’il allait donner. Nous aurions bien désiré pouvoir l’inviter à suspendre une exécution du succès de laquelle on n’avait point la certitude, dont on pouvait prévoir les résultats dangereux, dans un moment où tout était tranquille, à la veille d’une expédition importante (celle de Civitavecchia), qui pouvait manquer ou être dérangée.[4]

            Nous aurions désiré qu’il eut été possible d’attendre un moment favorable et d’en référer en attendant au Directoire exécutif : mais vos arrêtés étaient si positifs, les ordres du général en chef étaient si précis, qu’aucune considération ne paraitrait pouvoir permettre des modifications à l’exécution de ces ordres et de ces arrêtés.

            Hier 12 officiers ont été arrêtés et conduits au château Saint-Ange. Les officiers se sont assemblés presque subitement au Capitole. On porte à 250 le nombre de ceux qui étaient réunis. Une députation de cette assemblée a été envoyée au général Saint-Cyr. Le général a refusé de les entendre et il a fait rassembler les corps dans leurs postes respectifs. Cependant les deux officiers arrêtés ayant écrit au général qu’ils n’étaient point signataires de l’adresse, le général a ordonné de suite leur mise en liberté.

            Le général s’est rendu avec l’état major à la tête des corps assemblés. Nous étions avec lui, ainsi que nous en étions convenus. Il a lu une proclamation qui a été écoutée avec attention et qui paraît avoir fait une grande impression.

            Le général a reçu les plaintes et réclamations des soldats et officiers, et leur a promis justice.

            Aujourd’hui tout est tranquille, nous ignorons si des motifs secrets dirigent quelques uns des officiers, ou si leur insubordination n’est que l’effet du serment qu’ils ont fait de se soutenir tous et de ce point d’honneur qui met de la lâcheté à manquer à sa parole, et qui (ils le disaient hautement) est plus fort que tout, que l’autorité, que la loi. C’est là sans doute une erreur très dangereuse, mais ce n’est qu’une erreur que peuvent dissiper la raison [et] la persuasion, impuissantes d’ailleurs contre la malveillance.

            Vous voyez, Citoyens directeurs, combien les circonstances sont peu favorables à l’exécution actuelle, soit de vos arrêtés relatifs aux officiers et à l’incorporation des 11 et 12ème  demi brigades, soit des mesures de rigueur que vous pourriez prendre contre les officiers qui vous ont été illégalement députés.[5]

Salut et Respect.

Faipoult Daunou Monge Florens[6]

[1] Philippe-Antoine MERLIN DE DOUAI (1754-1838), Nicolas François DE NEUFCHÂTEAU  (1750-1828), Jean-François REUBELL (1747-1807), Paul BARRAS (1755-1829) et Louis-Marie de LA RÉVELLIÈRE-LÉPEAUX (1753-1824).
[2] Lors de la séance du 18 ventôse an VI [8 mars 1798] les directeurs prennent des dispositions sur les mouvements insurrectionnels des troupes françaises à Rome. Ils donnent l’ordre au commandant en chef de l’armée d’Italie de faire arrêter et de conduire à Briançon les officiers se disant le comité central du corps d’officiers de l’armée de Rome, signataires d’un ordre du 7 ventôse interdisant toute sortie de marchandises de Rome sans leur permissions et les officiers se disant députés des officiers de l’armée réunis au Capitole signataires d’une déclaration du 7 ventôse an VI [25 février 1798]. Ils déclarent ne plus reconnaître Masséna comme général en chef ; ils dénoncent « les vols faits dans Rome par des monstres gradés et des administrateurs dévastateurs et corrompus, plongés nuit et jour dans le luxe et la débauche. » Lors de la même séance, le Directoire attribue à ses commissaires à Rome « toute autorité supérieure en matière civile, politique et financière dans le territoire de la République romaine » et « donne ordre à l’armée de déférer à leurs instructions ». Les commissaires doivent « vérifier tous les abus et dilapidations qui pourront leur être dénoncés ». (PV, t. IV, p. 121.)
[3] Laurent de GOUVION SAINT-CYR (1764-1830) remplace Masséna à la tête de l’armée de Rome, il est sous les ordres de Guillaume Marie-Anne BRUNE (1763-1815) nommé général en chef de l’armée d’Italie le 18 ventôse an VI [8 mars 1798] à la place de BERTHIER qui est nommé chef d’état-major de l’armée d’Angleterre.
[4] Le départ pour l’expédition en Égypte est effectué depuis quatre ports de la Méditerranée : Marseille, Toulon, Gênes, Civitavecchia. Les commissaires à Rome sont chargés de la bonne préparation de l’embarquement de Civitavecchia. Voir les lettres n°155, 157, 158, 160 et 162. Lorsque Godechot aborde la pouvoirs réels des commissaires, il indique que les rapports entre les commissaires et les généraux se sont inversés. Alors que lors de la 1ère campagne d’Italie, les instructions complémentaires de Carnot réduisent les pouvoirs des commissaires au profit des généraux en chef, lors de cette mission en Italie, les instructions du Directoire réduisent le pouvoir militaire au profit du pouvoir civil des commissaires. « Ainsi le Directoire avait voulu rétablir le pouvoir des commissaires aux armées, sans le laisser voir aux généraux  autres que le général en chef : depuis un an, les militaires de l’armée d’Italie avaient pris de telles habitudes d’indépendance qu’il apparaissait impossible au Directoire de rétablir d’un seul coup la suprématie de l’autorité civile. Il fallait conserver  une apparence de supériorité  au pouvoir militaire. » (GODECHOT J. (1941), t. II, p. 18.) Godechot indique que certains contemporains ne sont pas dupes et cite Duveyrier : « J’appris que la commission directoriale  […] était partie pour Rome depuis plusieurs jours avec tous les pouvoirs, et notamment celui d’interdire aux généraux toute intervention dans les intérêts politiques, civils et financiers de l’armée. » (DUVEYRIER, Anecdotes historiques, p. 275 cité in GODECHOT J. (1941), t. II, pp. 18-19.) Godechot nuance le jugement de Duveyrier en disant que selon les instructions de base du Directoire cela est inexacte mais les circonstances et les événements à l’arrivée des commissaires à Rome ont conduit les commissaires à user de pouvoirs considérables vis-à-vis de l’armée. Le flou qui entourait la définition des pouvoirs des commissaires a ainsi déterminé des tensions et des conflits constants entre le pouvoir civil et militaire. (GODECHOT J. (1941), t. II, pp. 18-19.)
[5] Le 18 ventôse an VI [8 mars 1798], le Directoire ordonne « la suppression des 11e et 12e demi-brigades, ayant le plus participé aux mouvements d’insurrection, devant être amalgamées à d’autres demi-brigades, le chef de la 12e devant être muté chef d’une autre demi-brigade au premier poste vacant. » (PV, t. IV, p. 121.) Quatre officiers sont venus avec congé délivré par l’adjudant général Gilly sur ordre du général Dallemagne : Louis DAVIN (17 ? - ?) capitaine à la 39e demi-brigade ; Joseph DUCOS (17 ? - ?), sous lieutenant au 24e chasseurs à cheval ; Claude-Ignace-Hilaire MOURRETE (17 ? - ?) et Jean-Augustin PION (17 ? - ?)tous deux capitaines aux 30e et 61e demi-brigades. Lors de la séance du 21 germinal an VI [10 avril 1798], le Directoire ordonne au ministre de la Guerre « d’arrêter militairement et d’interroger ces quatre officiers de l’armée d’Italie arrivés à Paris en affirmant être venus sur ordre du général en chef de l’armée de Rome pour donner des renseignements confidentiels ». (PV, t. V, p. 35.) Ces officiers sont finalement conduit de Paris à Briançon pour y être jugés en cour martiale. (PV, t. IV, p. 121.)

[6] Guillaume-Charles FAIPOULT DE MAISONCELLES (1752-1817), Pierre DAUNOU (1761-1840) et Joseph Antoine FLORENS (1762-1842).

Relations entre les documents


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162. Les commissaires au Directoire

Collection 1798 : Seconde mission en Italie Institution de la République romaine et préparation de l’expédition d’Égypte Pluviôse – prairial an VI

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Notice créée par Marie Dupond Notice créée le 12/01/2018 Dernière modification le 11/02/2022