Guizot épistolier

François Guizot épistolier :
Les correspondances académiques, politiques et diplomatiques d’un acteur du XIXe siècle


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Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Cambridge. Jeudi 2 Nov.1848
5 heures

Je rentre d’une longue promenade, et je trouve votre lettre d’hier. J'espère bien que votre indisposition, est déjà passée. Vous succomberiez en deux jours à la vie que je mène ici. Non pas à table, car je ne mange pas plus qu'à mon ordinaire, et rien que du mouton, du bœuf et du poulet. Mais je marche ou je parle ou j'écoute tout le jour. Il y a ici bien des gens voués à avoir de l’esprit et quelques uns qui accomplissent leur vocation. C’est un beau spectacle de profonde, tranquillité matérielle et d'incessante activité intellectuelles. Plus d’activité qu'à Oxford. Moins de passion politique. On y pense moins. La jeunesse cependant très conservative, peut-être plus que ses maîtres. Ne redites pas cela. Les maîtres m'en voudraient, et ils sont excellents pour moi. D'ailleurs à vrai dire ils sont conservative. J'y deviens peut-être trop difficile. J’entrevois de si loin les déviations !
Mon hôte, le Dr Whowell est vraiment Un homme d’esprit. Un esprit robuste, infatigable, amusé de tout ce qui l’occupe. Je suis frappé de la phrase du Constitutionnel. Il en dit trop. En fait, il ne dit pas vrai. Thiers connait très bien Louis Napoléon. Daru m'a raconté une conversation entre eux. Louis Napoléon a dîné chez Odilon Barrot. Ce qui est clair, c’est que Thiers ne veut pas prendre d'avance ou être pris d'avance. Cela ne me prouve pas qu’il ne veuille pas être poussé au pouvoir, sous la présidence de Louis Napoléon, par la majorité de l'Assemblée nationale. S'il ne veut pas même de cela, s’il refuse absolument d’entrer dans la barque de N. B., Celui-ci sera bientôt usé.
En échange de votre article, en voici un de l'Assemblée nationale que je regarde comme un évènement. C’est la première fois que la fusion est ouvertement annoncée. Et elle se place convenablement sous son vrai drapeau. Je suis sûr que c'est le symptôme d’un pas considérable fait à Paris, par les deux partis. Je pars toujours demain vendredi à 2 heures. Et à moins que vous ne me disiez le contraire, je parlerai de Brompton samedi, à 2 heures, par le Railwvay de Brighton.

Vendredi 3 nov., 8 heures
Je pars tout-à-l ‘heure, par le train de 10 heures au lieu de celui de 2 heures. Il y à quelqu'un à Londres qui doit partir ce soir pour la France, et qui tient beaucoup à me voir auparavant. Je serai chez moi à 2 h. au lieu de 6. Je ne pense pas que cela change rien à mes projets pour demain. Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton, Samedi 4 Nov. 1848
8 heures

Je ne sais ce que vous faites aujourd’hui, serez-vous Albermarle Sreet ou encore à Brighton ? Je vous écris quelques lignes aux deux endroits. Je vais à Claremont de bonne heure. J’en serai de retour à 3 heures. En revenant je passerai à Clarendon Hotel. Si vous y arrivez plus tard faites-moi dire que vous y êtes. Si vous n’y écrivez pas, j’espère bien, aller vous voir lundi à Brighton. En partant à midi, comme vous dîtes, pour revenir mardi matin. Nous avons bien à causer.
Je suis revenu hier avec Van de Weyer et sa femme qui avaient été invités à Cambridge avec moi. Adieu. Adieu. Je vais faire ma toilette. Il faut que je parte d’ici pour Claremont à 9 heures et demie. Malgré les mauvais jours, vous vous portiez mieux à Londres qu'à Brighton. Adieu.
G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton Samedi 11 nov. 1848
7 heures

Je me lève. Le jour commence. Je viens d'allumer mon feu. Puis à vous. Je vais déjeuner ce matin chez Macaulay, avec Lord Mahon et quelques oiseaux de passage à Londres. Avez-vous froid à Brighton ? Il faisait froid hier ici, par un beau soleil. J'espère qu’il ne faisait pas froid à Brighton.
J’ai vu du monde hier chez moi, car je ne sors point. M. Vitet, très longtemps. Il était venu la première fois avec Duchâtel, son ami d’enfance, et son patron politique spécial. On ne cause librement que tête à tête. Je l'ai trouvé hier très intelligent et très sensé. Convaincu qu’il n’y a de bon et d'efficace que la fusion. Parce que cela seul peut être fort, et que cela seul est nouveau. Il n’y a pas moyen, de part ni d'autre, de ne faire autre chose que recommencer. Mais la fusion est horriblement difficile. Les nôtres y sont les plus récalcitrants. Ils croient plus que les autres qu'ils peuvent s’en passer. Quoiqu'on ne parle pas des Princes, ni des Orléanistes, au fond, c’est là ce qui est dans la pensée de la grande majorité. Il faut plus de temps et plus de mal pour leur faire accepter la raison. Elle n’a pas encore la figure de la nécessité.
Les derniers venus d'Eisenach rapportent un mauvais langage. Sémiramis ne veut pas partager ses grandes destinées. D'un autre côté, le duc de Noailles a parlé à Mad. Lenormant en homme assez découragé, qui rencontrait parmi les siens, bien peu d’intelligence et beaucoup d'obstacles. Vous avez vu que sa lettre est pourtant pressante. Evidemment tout est encore loin, par conséquent vague et obscur. L'avenir le plus prochain et le plus pratique est l’élection d’une nouvelle Assemblée. C'est à cela qu’il faut penser et travailler dès aujourd’hui. Elle videra la question. Pour ces élections-là, les deux partis monarchiques sont très décidés à agir de concert. Je vous envoie là pêle-mêle ce qu’on me dit et mes réflexions.
Hier soir, Lavalette et sa femme qui repartent aujourd'hui pour Paris, et de là pour une terre qu'ils ont près de Bordeaux. Et près de Bugeaud chez qui ils vont passer deux jours. Lavalette revenait de Richmond. Il avait trouvé le Roi bien, la Reine mieux, le Prince de Joinville, malade, le Duc d’Aumale repris et dans son lit. Il avait été content du dernier. Le Roi triste parce qu'on ne lui envoie pas d’argent de Paris. On ne veut lui donner de l'argent ni sa vaisselle, que lorsqu’il aura fait son emprunt pour payer ses dettes. Et l’emprunt n’est pas encore fait. Un brave amiral, que le Roi a connu jadis et dont Lavalette avait oublié le nom, était venu le matin à Richmond, offrir au Roi dix mille louis, avec toute la franchise et la shyness anglaises.
Je n'ai point eu de lettres. Merci de celle que vous avez pris la peine de copier pour moi. Amusantes. Quels subalternes ! Je ne les ai montrées à personne. Montebello m’a écrit hier matin. Il me donnera tous les jours des nouvelles du Roi, tant qu'ils seront là. Vous n'aurez peut-être pas remarqué dans les Débats d’hier un petit article sur les élections du Calvados, emprunté à un Journal de Caen. Ce que j’ai écrit a fait son effet. On ne me portera point. On portera un légitimiste que je connais un peu, honnête homme et assez distingué.
J’ai eu des nouvelles de Turin et de Florence. Charles Albert persiste à regarder un conflit entre lui et les Autrichiens comme inévitable. La république le talonne plus que jamais. Gênes est de plus en plus menaçant. Il est tout seul. On le laissera tout seul. Mais on le poussera sur le champ de bataille. Tout son désir, c’est que le premier boulet y soit pour lui. Il disait tout cela il y a huit jours. A Florence, le grand Duc a été sur le point de s'enfuir, et n'y a pas renoncé. L’anarchie est au comble. On a de la peine à écrire d’une ville à l'autre. Il faut des occasions. Adieu. Adieu.

C'est mardi que j'espère aller vous voir. Pour revenir mercredi matin. J'attends une lettre de Sir Robert Peel. Mais je compte toujours aller vendredi à Drayton. Adieu, Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris jeudi le 25 octobre 1849

Montebello est venu me raconter la séance d’hier en sortant de l’Assemblée. Broglie & Thiers ont absolument voulu s'abstenir. Le parti Orléans n’a donc pas voté. Pourquoi ? Cela me parait mal jugé. Montebello qui a été obligé de faire comme Broglie, en était tout triste et mécontent. Ils disent que c’est parce que Berryer a été trop légitimiste ! Berryer a fait de la belle et et bonne monarchie, il fallait voter avec lui pour cela, et même au lieu de cela, on se divise. Molé a voté avec la majorité, il a eu raison. J’ai vu hier des diplomates Fagel, les petits. Inquiets de l’Orient. Tous les jours cela m’inquiète davantage. J’ai vu aussi Edwards 1er secrétaire de l'Ambassade anglaise. Gêné, cachant ce qu'il pense ; ainsi disant " on ne rêve pas à des coups d’état. " Et c'est Normanby qui y pousse ; Je vois que Manin est arrivé. A propos de lui, voici ce que m'écrivait Beauvale en réponse à une lettre où vous me parliez de Manin il y a longtemps. Gardez cela pour me le rendre. On dit que Narvaez est décidément sorti des Ministères le 23, avant hier. J’ai été hier soir chez Mad. Swetchine, femme d'esprit et de sens & très doux. Société française qui ne me plaît pas du tout. Des femmes qui crient, et qui déraisonnent. Beauvale m'écrit qu'il y a des articles de journaux menaçants comme nouvelles de Pétersbourg. Il croit que c’est fabriqué. Moi et les autres russes nous avons de l'inquiétude. Les Russes sont venues hier chez moi notre dernier ministre à Turin, la princesse Wittgenstein & A propos, Annette est nommé à Turin. Neumann désigné pour Bruxelles. Le beau temps se trouble, je vais cependant tous les jours passés une heure au bois de Boulogne. J'entendais hier, je ne sais qui, dire chez Mad. Swetchine, que la majorité finirait par se fâcher des visites du président au faubourg St Antoine. C'était un député. Adieu. Je ne sais rien de plus que les journaux du matin. Quand nous nous parlerons comme nous serons bavards ! Adieu. Adieu. Le petit Willonghby est ici. Je ne sais comment tout cela se passe.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 21 septembre 1850 Samedi

Je n'ai absolument rien à vous dire aujourd’hui. J’ai vu hier matin le prince Paul & lady Holland. Le soir Dumon, Vieil Castel, les petits autrichiens, prussiens, & Kisseleff. Pas de nouvelle de nulle part. On écrit de Londres que Bunsen est dans la joie la plus insolente de l’évènement de Hesse-Cassel. Cela vous donne raison. Lady Allice a passé deux jours à la campagne chez les Ségur, les Votry y étaient. Tout cela orléanistes à brûler, et entrant en rage au seul mot de fusion. Je suis curieuse de votre Monk. Vous aurez une lettre de moi par votre fille. Bien vieille lettre. Adieu.
Celle-ci est bien courte. Mais je suis très pauvre. Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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N°1 Paris, Mardi 1er Juin 1852
2 heures

Vous êtes en route depuis six heures. Je voudrais bien savoir comment vous traite le voyage. Je me figure qu’il vous reposera en vous tranquillisant. Je crains moins pour vous la fatigue même que la perspective de toutes les chances. Je viens d'écrire à Marion ; une lettre very impressive, je crois. Je lui persuade que son retour, elle ou Aggy, est pour elle un devoir, et pour vous une nécessité. Après avoir écrit, je me suis aperçu que je ne savais pas son adresse. Clothall, c’est bon mais où est Clothall. Je viens de la faire demander à M. Hanguerlot qui me l'a donnée. Il m’écrit que Fanny est très préoccupée de ce qui vient de France et demande à lire toutes les lettres. Il n’y a rien dans la mienne qu’elle ne puisse lire.
Je n'ai, comme de raison, rien à vous mander. Je n'ai vu ce matin que trois anciens conservateurs en retraite braves gens préoccupés surtout de leur conseil général et que la lettre du comte de Chambord contrarie quoiqu'ils n’osent pas s'en plaindre.
On dit que M. Baroche envoyé chercher M. Cornudet et Reverchon, les rapporteurs du conflit au conseil d'Etat, et leur a demandé d'abord, leur avis sur le conflit, puis leur démission, si leur avis était contraire au conflit. Ils ont avoué leur avis et refusé leur démission, disant qu’il fallait qu’on prit la peine de les destituer. Les journaux sont parfaitement vides. Adieu, adieu. Et que Dieu vous garde !
Je vous écris une heure plutôt parce que je vais à l'Académie. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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N°2 Paris Mercredi 2 juin 1852
9 heures

En revenant hier de l'Académie j’ai vu vos fenêtres fermées et j’ai passé devant votre porte sans entrer. Cela m'a souverainement déplu, j'en ai été attristé le reste du jour. L'affection et l'habitude, ce sont deux puissants Dieux.
L'Académie elle-même se dépeuple. Hier M. Molé, M. Cousin, M. de Montalembert, le Chancelier n’y étaient pas. Barante part demain. Je partirai probablement le 12. Je suis pressé d'aller m'établir dans mon nid de campagne. A défaut des douceurs de la société au moins faut-il avoir celles de la solitude, le grand air et la liberté.
Montebello est revenu hier de sa Champagne. Il l'a trouvée froide, l'humeur renaissant un peu dans les villes et l'indifférence dans les campagnes, mais un grand parti pris de tranquillité. Tant que le gouvernement fera passablement son métier de gendarme et d'homme d'affaires, il n’a rien à craindre, on ne lui demande, et on n'en attend rien de plus. On ne sent nul besoin de l’aimer, ni de l'estimer. Je ne me résigne pas à cet abaissement et du pouvoir et du public.
J’ai rencontré hier M. de St Priest. Toujours le même modéré inintelligent, fait pour être l'esclave des fous de son parti et la Dupe des intrigants du parti contraire. Il avait, m'a t-il dit de bonnes nouvelles de Claremont. Le capitaine, Brayer envoyé à Frohsdorf avec de très bonnes paroles ; il aurait l’air d'en douter, par décence de légitimiste, mais au fond, il y croyait. Il était sûr aussi que le petit article des Débats, sur Changarnier, était faux et avait été inséré, sans l'autorisation du Général.
Je n'ai moi, aucune nouvelle de Claremont. J'en attends ces jours-ci. Je vois que la Reine, les Princes et M. Isturitz sont allés recevoir à Douvres le Duc et la Duchesse de Montpensier. L'entrevue sera assez curieuse entre les nouveau débarqués et la Reine Victoria ; ils avaient bien de l'humeur quand ils ont été obligés de quitter précipitamment l'Angleterre dans les premiers jours de mars 1848. Mais le temps, la chute de Palmerston et l’amitié de la Reine Victoria pas à cet abaissement et du pouvoir et du pour la famille effaceront tout.
Le Constitutionnel publie ce matin, sauf quelques phrases, la lettre de Fernand de la Ferronnays et la commente avec convenance et perfidie. C’est tout simple. Je persiste dans mon opinion. Le comte de Chambord a eu raison, au fond ; sa lettre l’a grandi, lui, et contribuera beaucoup à isoler de plus en plus le président en France, comme votre Empereur l'isole en Europe ; mais il fallait un autre langage ; il fallait se montrer plus touché des sacrifices et des tristesses qu’on imposait à son propre parti, et en mieux présenter les motifs.
Vous m'avez peut-être entendu dire qu’on disait que M. Duvergier de Hauranne allait fonder à Gênes un journal, dans l’intérêt de son opinion. Il paraît que ce n’est pas, M. Duvergier, mais le Roi de Naples qui veut fonder ce journal, intitulé Il mediterraneo, et écrit en Italien quoique rédigé par un réfugié Français ; et ce n’est pas au profit des opinions et du parti de M. Duvergier, mais contre le gouvernement Piémontais qu’il sera rédigé. On en a beaucoup d'humeur à Turin et on y parle aigrement de l’ambition et des intrigues du Roi de Naples.

4 heures
J’ai des nouvelles de Claremont. de bonne source, et malgré votre scepticisme et le mien elles me paraissent bonnes. On se dit décidé à ne pas attendre l'Empire et à saisir l'occasion du retour du Duc de Montpensier à travers l'Allemagne pour faire une démarche décisive. Nous verrons. Le porteur, si vous avez le temps de l'écouter, vous donnera des détails.
Dumon, qui sort de chez moi est très frappé de ce qu’on nous dit. Il paraît que la situation de Flahaut à Londres est bien désagréable. On dit que le 5 mai, la Reine l’avait invité à Buckingham Palace, et qu’il n’y est pas allé, à cause de la date. On a trouvé que, pour Walewski, c'était bien, mais que pour Flahaut c'était trop. On ne l’invite plus dit-on.
Vous ririez bien si je vous disais les inquiétudes que cause à quelques personnes, à quelques uns de vos amis, votre voyage. Ils craignent votre action auprès de l'Empereur en faveur du Président ; ils disent que l’Elysée compte tout-à-fait sur vous. Si l'Empire se fait en votre absence, c’est vous qui l'aurez fait. Adieu.
Ceci vous sera remis demain matin. Je vous écrirai demain à Schlangenbad. Je serai bien content quand je vous saurai arrivée, et sinon reposée, du moins calmée. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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2 Bruxelles le 3 juin 1852

Je n’ai pas bougé de chez moi hier. J’ai vu deux fois Van Praet. Le roi avait voulu venir, il a pris un accès de bile. Il sera dans huit jours à Wiesbade.
J'ai causé un peu avec Collaredo, bien content de retrouver Londres, & de ne plus trouver Palmerston. J'ai bien parlé à Van Praet sur la nécessité de réprimer la presse. On ne peut pas vivre avec un voisin comme celui-ci. Ce sera une grande faute si un motif pareil poussait la France à sortir de chez elle, mais en définitive et malgré toutes ses protections, la Belgique serait abîmée. Elle deviendrait le théâtre de la guerre. [Van] Praet dit qu'on fera aussitôt les élections passées dans huit jours. Il faut modifier la législation, on le fera.
On est ici très fusionniste seulement on voulait attendre, et on croyait que tel était le conseil de Paris. Moi je n’y comprends rien. Si non que ce qui est fait et fait, & que ce qui se fera peut ne pas se faire. Voilà un raisonnement de [portier] ce qui veut dire good sense.
Trubert a vu hier Changarnier. Il fait son plan pour quand il sera dictateur. Comme Broglie fait sa Constitution ! Du reste tranquille & convenable & très solitaire dans son trou de [Malines]. Adieu. Adieu.

Je pars dans une heure. L'[Impératrice], est arrivée hier soir à Schlangenbad moi, je n’y suis annoncée pour Samedi. Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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N°3 Paris, Jeudi 3 Juin 1852
9 heures

Vous serez arrivée quand ceci vous arrivera, chère Princesse. Je regrette de ne pas connaître Schlangenbad. Pour ma satisfaction pendant votre absence, je vous aimerais mieux à Ems que je connais. Il faut voir ses amis en pensant à eux et on ne les voit qu’en voyant les lieux où ils vivent.
J’ai passé hier ma soirée chez Mad. de Stael. Rien de plus politique que Rumpff et Viel-Castel. Celui-ci triste quand il a donné sa démission, il ne croyait pas la donner pour si longtemps. Dieu a bien raison de cacher aux hommes l'avenir ; ils ne feraient pas la quart des bonnes actions qu’ils font s'ils savaient ce qu'elles leur coûteront. Il est vrai qu’ils feraient aussi moins de sottises. Conversation donc toute littéraire.
Vous n'avez probablement pas lu dans le Constitutionnel, M. de Ste Beuve racontant la passion rétrospective de M. Cousin pour Mad. de Longueville, et sa haine pour M. de La Rochefoucauld, son rival heureux, il y a 200 ans. M. Cousin est très irrité de cet article et en parle comme d’une publication malveillante qui lui aurait fait manquer une bonne fortune à laquelle il touchait. M. de Ste Beuve a proposé, pour son tombeau cette épitaphe : " Ci gît M. Cousin ; il voulait fonder une grande école de philosophie, et il aima Mad. de Longueville. " Vous voyez que les nouvelles manquent tout- à-fait.
On dit que le Président ira en Algérie. Ce serait hardi. J’ai vu hier deux personnes qui arrivent d’Algérie, émerveillés des progrès.
Voilà votre lettre de Bruxelles. Merci d'avoir écrit et dormi. J’espérais bien que le voyage vous reposerait.
On est très préoccupé ici de l’attitude des partis monarchiques. Je coupe pour vous, le petit leading article des feuilles d'Havas d’hier soir. Cela n’est pas écrit pour le public de Paris et la presse de Paris n'en dit rien, mais les journaux des départements le reproduisent et le répandent partout. C'est là le langage qu’on veut parler au public intérieur sur lequel on compte.

4 heures
Jules de Mornay est mort hier soir d’une congestion cérébrale. C'était une bien pauvre tête, et un assez noble coeur. Il m’a fait de l'opposition jusqu’au 24 février, mais depuis, nous étions bien ensemble. Trés fusionniste, et le disant très haut à Madame la Duchesse d'Orléans. C’est une famille bien frappée. En six mois Mad. de Mornay a perdu son père, sa mère, son mari et la fille aînée qui s’est faite religieuse malgré elle. Je vous quitte pour l'Académie. On ne remplit jamais mieux ses devoirs qu’au dernier moment. Adieu.
J’ai bien peur d'être un ou d'être un ou deux jours sans nouvelles de vous. Adieu, Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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4. Schlangenbad Dimanche le 6 juin 1852

J'ai trouvé à Biberich, les voitures de la cour qui m’attendaient. Il a bien fallu en profiter. Je suis arrivée tard ici.
L'Impératrice était allée au devant de la [Grande Duchesse] Olga. Meyendorff est accouru et m'a tenue jusque près de onze heures & si agréable, si curieux que je n'avais pas sommeil.
J’ai mal dormi. Je ne suis pas logée auprès de l’[Impératrice]. Les jeunes grands ducs sont venus à [Schlangenbad] & deux jeunes Princesses de Dessau nièces de l’Imp.. Il a fallu mettre dehors les autres je suis dans la maison vis-à-vis. Le duc de Leuchtenberg avec moi, à 9 h ce matin le G. D. Nicolas est venu me voir, je n’étais pas à moitié prête. Un quart d'heure après la G. D. Olga et son mari, puis l’Impératrice avec le G. D. Michel. Voilà toute la famille impériale dans mes bras. J’ai été très émue en voyant entrer l'Impératrice, elle a été charmante, gracieuse, affectueuse. J'ai été lui rendre sa visite tout à l'heure, elle m’a gardée longtemps questionnant avec intérêt, intelligence.
Le Prince de Prusse arrive ce soir. Le roi de Wurtemberg demande à venir faire sa cour. On n'a pas envie de le recevoir. On ne veut voir personne. Le roi de Prusse sera ici le 24.
Meyendorff m’adore, & je l’adore aussi, nous allons passer notre temps ensemble. Que de choses nous nous sommes dites déjà. Je lui ai montré votre lettre car il est très avide de vous, il me dit que vous êtes dans l'erreur. Nous n'isolons pas la France du tout. Au contraire nous avons besoin d’elle pour toute affaire européenne. Elle est et restera dans ce concert. Seulement sous une autre forme, elle n'y sera pas aussi agréablement. C’est très exact ce qu’il me dit là & que je vous redis. Il est notre Cabinet. C’est ce que K. a l'ordre de dire et c'est parfaitement notre pensée.
Je suis très lasse j’attrape un petit moment avant le dîner. Je dînerai chez moi tête-à-tête avec Meyendorff. L’Impératrice dîne seule. Le soir j’irai auprès d'elle. Je ne l'ai pas trouvée aussi changée qu'on me l’avait dit. Olga superbe. Mes jeunes G. D. charmants. Le duc de Leuchtenberg arrive mourant dit-on. On l’attend ce soir. Personne ne croit à la fusion. On l’a trop souvent annoncée. Adieu. Adieu.

Voici votre N°3 du 3 juin. Merci. Le duc de Leuchtenberg a l’air d'un mort qui tâche d'avoir l’air vivant.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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N°7 Paris. Lundi 1 Juin 1852
9 heures

Merci de votre lettre de Cologne, et Coblentz qui m’arriva à l'instant. Vous êtes parfaitement aimable de m'avoir écrit ces petits bâtons rompus. J’attendrais plus patiemment des nouvelles de Schlangenbad que je n'espère pas avant après-demain. J’ai frémi de l'aventure de votre malle. Puis, j’ai ri quand vous l'avez retrouvée. Non pas de votre trouble, mais de celui de vos compagnons.
Assez de visites hier avant de partir pour mon dîner de campagne. Paul Daru, Lagrené, St Aignan, le général Trézel &. Les détails qu’on vous a donnés à Bruxelles sur Claremont sont vrais et paraissent décisifs. Le Duc de Montpensier restera là jusqu'au 26 août, et retournera dans les premiers jours de septembre, en repassant par l'Allemagne.
Il est un peu bruit, ici d’une circulaire récente de M. de Persigny, écrite aux Préfets à propos des élections de Maires, Conseils généraux, conseils municipaux et leur enjoignant de s’appuyer fermement sur le peuple source et base du gouvernement actuel. L’idée que M. de Persigny m’a développée, le jour où je l’ai vu chez vous, devient un fait officiel et pratique. Et vraiment il est difficile qu’il en soit autrement. Il faut bien poser sur quelque chose. Je ne crois pas qu’il soit tout-à-fait impossible de poser sur autre chose ; mais il y faudrait moins de passion, et plus de patience qu’on n'est en droit d'en attendre des hommes. Du reste, je ne me préoccupe pas beaucoup de ces velléités de Gouvernement systématique ; de nos jours, les idées, et les paroles ont l’air tranchant et exclusif ; les conduites ne le sont pas ; en fait, il y aura de la modération et de la prudence, et la situation ne se développera que lentement.
Le docteur Véron de ce matin vous amusera. Hier, en vous écrivant, je n'avais pas vu le communiqué du Moniteur. Je l’ai peu compris. Que le président se serve de M. Granier de Cassagnac pour lancer dans le monde telle ou telle insinuation, rien de plus simple ; mais qu’il se croie ensuite obligé de l'avoir ou de le désavouer quand ses paroles font un peu de bruit cela m'étonne. Le bruit sans réponse est la condition, et souvent le moyen des gouvernements.
Je reviens à mon idée ; il y a, autour du pouvoir actuel, trop ou trop peu de silence, trop ou trop peu d'opposition. Si on ne parlait pas du tout, il n'aurait pas à répondre, et si on parlait un peu plus, il ne se croirait pas obligé de répondre. Le juste milieu n’est pas encore trouvé.
On croit que la discussion du budget dans le corps législatif sera très peu de chose. On veut en finir le 29 Juin sans prolongation de la session. Les députés sont au moins aussi pressés de retourner chez eux que le gouvernement de les y renvoyer. Tout ce qu’il y aura de malice, s’il y en a sera dans le Rapport. Mais certainement pour la plupart ce seront des mécontents qui retourneront chez eux.
Adieu, princesse. Soignez vous. Je suis un peu préoccupé, pour vous, des fatigues de promenade, et de conversation. Paris se vide. tout-à-fait. Duchatel et Montebello y seront bientôt tout seuls. Je pars toujours samedi. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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N°8 Paris, Mardi 8 Juin 1852

L’avertissement donné par le Ministre de la Police est Constitutionnel et la réponse du Dr Véron feront aujourd’hui encore plus de bruit que n’en faisait hier le premier article du Docteur. Il n'en pouvait guère être autrement ; l’offense était trop rude pour n'être pas ressentie.
On dit que Morny a dit il y a deux mois, quand la loi de la presse a paru : " Vous verrez que le Constitutionnel sera le premier journal supprimé." C’est une question de savoir si le silence de M. Granier de Cassaignac aura pour le président plus d’inconvénient que d'avantage. Il sera moins détendu, et moins compromis. On sera satisfait à Bruxelles. C'est là certainement un témoignage de bon vouloir pour les bonnes relations et un acte de déférence envers la paix Européenne. Je suppose que la Belgique y répondra par quelque mesure un peu efficace pour protéger le Président contre les attaques de la presse Belge ; elle ne peut guère s'en dispenser.
Duchâtel, Charles de La Ferronay, le Général Trézel, Neuvet de Bord, Nisard, Salvandy, tous les Mornay, voilà mes visiteurs d’hier.
Madame de Mornay m'a remercié par quelques lignes d’une fermeté émue et simple qui m’a touché. Elle a autant d’énergie native, et plus de vertu réfléchie que son père. C’est une curieuse chose que la forte et longue préoccupation du Maréchal sur son tombeau. Il y a fait travailler, sous ses yeux, pendant, trois ans. Il n’a pas voulu le placer dans sa terre qui peut passer un jour entre les mains, on ne sait de qui : " Je ne veux pas être vendu avec mon château." Pas même dans l’intérieur de l'Église de sa petite ville de St Amand ; il a trouvé la place trop petite et trop sombre. Il l’a fait construire sur la place publique de St Amand, adressé à l’Eglise et incrusté en partie dans le mur de l'Eglise, pour avoir à la fois la publicité et une sanction religieuse ; puis il a légué une rente perpétuelle aux pauvres de St Amand ; perpétuelle à condition que la commune ferait respecter à perpétuité l'emplacement du tombeau. Si l’on y touchait un jour, la rente cesserait ; en sorte que toute la population de St Amand est intéressée à sa conservation. Le monument est simple et assez grand, en marbre ; il n’y a que deux places, pour lui et sa femme. Il a pris toutes les précautions possibles pour touché. Elle a autant d’énergie native, et leur union dans l'éternité.
Charles de La Feronnay revient de Claremont, disant les mêmes choses. On m’avait mal informé hier. Le Duc de Montpensier et l'Infante en repartent, le 16 Juillet, et non pas après le 26 août. La Reine aurait désiré qu’il attendit jusques là ; il ne l’a pas pu ; l'Infante est grosse et ne peut pas trop retarder son long voyage à travers l'Allemagne. Mad. la Duchesse d'Orléans part, sous peu de jours, avec ses enfants, pour les eaux de Baden, en Suisse ; elle ira de là s’établir pour quelque temps à Interlaken. On dit que ses confidents intimes, M. de Lasteyrie, M. de Rémusat et même M. Thiers iront l’y rejoindre. J'en doute, au moins pour plusieurs.
Mad. de Rémusat, que j'ai vue avant hier, m’a paru avoir d’autres projets.
Adieu Princesse. Je pense avec plaisir que vous êtes arrivée, établie. Je vous désire un beau soleil et un peu de force pour jouir de votre jolie vallée et de vos charmantes conversations, car il y a un grand charme à retrouver les souvenirs et les affections de sa première vie. Ici il pleut et les matérialistes s'en réjouissent. A la bonne heure, pourvu que le soleil revienne quand je serai en Normandie. Adieu, Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer 16 Juin 1852

Quand je vous écris, je n'ai point de nouvelles à vous dire, et quand j'en ai, je ne suis comment vous les écrire. Je recueille ici ce que j’ai appris de plus intéressant, et de plus exact depuis quelques jours. Ma lettre ira attendre à Paris une occasion.
A tort ou à raison, MM. Fould. Rouher et même Morny se flattent de rentrer prochainement au pouvoir, et il y a des intimes de l'Elysée qui y croyent. Ce serait le résultat d’un accord entre eux et M. de Persigny, qui passerait aux Affaires étrangères. Les anciens ministres adopteraient pour le dehors et dans l'avenir, la politique impériale représentée par Persigny, et le nouveau Cabinet adopterait au dedans et actuellement, la politique modérée qu’ils représentent. Cela se ferait-il à la suite et par suite d’une décision du conseil d'Etat dans l'affaire des biens d'Orléans, qui rouvrirait une porte à Morny et Fould ? Je ne sais et ce qui me revient des dispositions du Conseil d'Etat, m'en fait beaucoup douter. Cependant, le bruit dont je vous parle est sérieux.
Le Président ne renonce à rien, mais il est décidé à deux choses, à attendre, et à tout faire pour vous amener à ce qu’il veut. Il vous croit séduisibles. Question de temps, de savoir faire et de bonne fortune. Son espérance est aussi indomptable que son idée est fixe. Vos compliments l'encouragent plus que vos duretés ne le piquent. Il fait de tout cela un mélange qui le laisse plein de confiance. Vous ne pouvez lui ôter ni son étoile, ni son adresse persévérante. Vous subirez l'influence de l’une et de l'autre. Vous en passerez par son titre d'Empereur parce que vous ne pouvez vous passer de lui. Il attendra tant qu’il faudra pour le prendre ; mais le bon moment lui viendra pour le prendre, comme il lui est venu pour le coup d'Etat. Sa politique extérieure aura son 2 Décembre ; il ne mettra pas l’Europe à la porte, mais il la mettra à la raison. Voilà ce qu’il y a au fond de la prudence, et de sa patience ; tôt ou tard, vous céderez à ses coquetteries, et à la nécessité. Vous douterez encore, et moi aussi je doute.
Voici cependant où en est la fusion. L’arrivée du Duc d’Aumale à Claremont et son opinion clairement exprimée avaient embarrassé la Duchesse d'Orléans, sans abandonner sa résistance, elle avait demandé qu’on restât en suspens jusqu'à ce que le Duc de Montpensier arrivât, et que toute la famille réunie pût en délibérer. Le Duc de Montpensier est arrivé, plus décidé. qu’aucun de ses frères. Alors a paru tout à coup ce petit article des Débats que vous vous rappelez et qui présentait les Princes et Changarnier comme encore bien loin de la fusion. La colère a été grande parmi les Princes. Le Prince de Joinville s'est chargé de l'explosion. Il est allé chez la Duchesse d'Orléans qui s'est dite absolument étrangère à l'article des Débats ; mais l'explication n'en a pas moins été jusqu'au bout. “ Il n’y a point d'autre parti à prendre, c’est le seul moyen de salut pour notre maison. Quand j’ai consenti à être porté pour la présidence de la République, c'était dans cette seule vue nous avons nous, maison d'Orléans, une revanche à prendre ; je voulais la prendre en personne, mais pour remettre la couronne sur la tête du comte de Chambord. Comment Paris pourrait-il régner ? Vous seriez chaque matin obligée de faire aux partis révolutionnaires, une nouvelle concession ; avant six mois nous serions dans leurs mains. N’y pensez plus ; il faut en finir "
Tout cela, dit avec verve, avec abandon, d’autant plus impétueusement que la Duchesse d'Orléans semblait moins convaincue. Quand elle a vu que ses beaux frères étaient à ce point décidés, et que Joinville, sur qu'elle comptait et dont elle ne pouvait se passer se montrait le plus décidé de tous, elle s'est résignée, sans céder. Elle a dit qu’elle ne se séparerait point de la famille qu’elle ne protesterait point qu’elle subirait son sort, qu’elle demandait seulement, à ne prendre, personnellement point de part active à ce qu’on voulait faire, et à n'être pas là quand on le ferait. Les Princes y ont consenti.
Elle part donc pour Baden en Suisse et les Princes restent à Claremont jusqu'au départ du Duc de Montpensier, moment fixé pour accomplir leur résolution. Sous quelle forme ? Par le Duc de Nemours seul, au nom de tous, ou par tous ensemble ? Je n'en sais rien ; ils n'en disent absolument rien ; ils veulent que l'acte soit tout-à-fait personnel et intérieur dans la famille. Ils se donnent seulement pour vous décidés à en finir et très près d'en finir. Je vous donne là le dires des meilleurs rapporteurs, et qui se sont dits autorisés à me dire. Ils sont de plus persuadés qu’il y a déjà eu, entre Claremont, et Frohsdorf, des communications préparatoires, et précises. Je n'ai rien de plus gros, ni rien de plus. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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N°16 Val Richer 17 Juin 1852

Voilà votre lettre que j'aurais dû avoir hier. Je vous envie l'exactitude. de vos facteurs. Je vais écrire aujourd’hui même à Marion. Je dirai de mon mieux. Tout dépendra de l'état et de la volonté de Fanny. Il est clair que les deux soeurs placent là leur premier devoir. La lettre que je vous ai envoyée me donne à penser qu'au fond Aggy a envie de venir. Marion la promet presque pour le mois de Juillet. J'insisterai pour les derniers jours de Juin à Schlangenbad. Ma crainte, c’est que le terme est très prochain ; à des gens qui hésitent, les résolutions soudaines sont difficiles. Je voudrais bien qu’elle se décidât promptement. Vous verrez un peu en repos sur vous-même et moi sur vous.
Quant au retour, je ne comprends guères que dans tout ce monde qui vous entoure, l'Impératrice n'ait pas un homme à vous donner pour vous ramener à Paris, si vous n'en trouvez pas un vous-même.
J’ai des nouvelles d'Angleterre insignifiantes. sur la situation générale tristes pour ce pauvre Lord Malmesbury ; il fait, à ce qu’il paraît, bévue sur bévue ; sa nouvelle convention d'extradition avec la France en fourmille. Tout le monde le houspille, on ne peut pas dire l'attaque ; ce serait trop sérieux. Je crains bien que le Cabinet Tory ne se dissolve assez piteusement après les élections, quelques morceaux en resteront bons et beaux, et prendront place ailleurs ; mais un vrai cabinet conservateur, avec sa politique et son autorité, je n'y compte plus.
Savez-vous que Stockhausen ne reste pas à Paris ? Son Roi l’envoie à Vienne. Il en fait encore mystère, à ce qu’on me dit ; mais c’est sûr. Vous le regretterez. Que dites-vous de M. Cruvelis faisant attendre une heure et demie la Reine d'Angleterre, et n'ayant seulement pas l’air de s'en apercevoir ? Je ne trouve pas qu'elle chante assez bien pour cela.
On dit que Morny soutient qu’il a droit de reprendre la direction politique du Constitutionnel et veut l'ôter à Véron qui veut la garder. On parle d’un procès entre eux. Si le procès a lieu, c’est que Morny est réellement bien avec le Président. Je viens de lire le compte-rendu de la séance d'avant hier au Conseil d'Etat.
Le plaidoyer de M. Fabre pour la maison d'Orléans me paraît médiocre. C'est bien loin de Paillet et Berryer. Tout le monde a été, là, timide et terne, le rapporteur, l'avocat et le ministère public. On ne me dit rien de l’issue probable. Je persiste à croire que le conflit sera confirmé.
Adieu. J’ai vidé mon pauvre sac. Je voudrais bien vous envoyer un peu de santé et de force. Cela vaudrait mieux que des nouvelles. Je vous quitte pour écrire à Marion. Adieu.

P.S. On m’écrit à l’instant de Paris : " Ce que vous croyiez fait à Claremont semble défait ; on ne s'entend pas sur le mode ; grands débats domestiques à ce sujet. L'aîné de la famille l'écrit ici. "

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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N°17 Val Richer, Vendredi 18 Juin 1852

On m’écrit que la décision du conseil d'Etat dans l'affaire de la maison d'Orléans est vendue ; elle ne sera publique que demain samedi ; mais le conflit a été confirmé, à 10 voix contre 6. C'est ce que j’attendais. Ce nouvel échec exercera-t-il, à Claremont, quelque bonne influence ? Dieu le veuille ; si j’avais eu besoin de preuves pour être convaincu que j’avais bien raison de ne pas laisser mener les affaires du pays comme les auraient, mêmes les personnes qui mènent, depuis deux ans, celles de la maison d'Orléans, j'en aurais de surabondantes.
Ce que vous me dites de l'Impératrice est charmant, et me fait grand plaisir pour vous. Rien n'est plus doux que de voir confirmées, les affections, et les confiances de sa première vie. C’est un grand charme aussi, et un charme bien rare dans une personne souveraine que d'inspirer à ceux qui l’approchent, ce sentiment de sûreté dont vous me parlez ; c’est en général le sentiment contraire qu’on éprouve auprès des rois, même quand ils sont bienveillants, il semble toujours que tout auprès d'eux tienne à un fil. De la sécurité dans les relations égales, c’est déjà beaucoup pour les misères de notre cœur ; de la sécurité auprès d’une personne royale, c’est une merveille.
Je ne comprends guère pourquoi la rencontre à Coblentz avec le Roi Léopold n’a pas eu lieu et par quels motifs on a pris soin de l'éviter. Je croyais que, la question des officiers Polonais vidée, il n’y avait plus de nuage entre les deux cours. Dans l’intérêt Européen, je regrette qu’il en soit autrement. Ce petit royaume de Belgique est une grosse pièce, et le Roi Léopold un personnage considérable dans les affaires générales.
Il me revient qu’il a un profond sentiment du peu de bon vouloir qu’il y a pour lui du côté de l'Orient, et qu’il cherche et prend toujours à l'occident son principal point d’appui. Sa partie, en cas de danger, est étroitement liée, dit-on, avec l'Angleterre et la Hollande ; tout est prêt en Angleterre pour le soutenir, et l’alliance et l’armée hollandaises lui sont assurées. Ce serait une triple alliance qui mettrait tout de suite en ligne 120 000 hommes qui donneraient à d’autres appuis le temps d’arriver, mais de n’arriver que les seconds. Qu'y a-t-il de sérieux dans ce qui me revient ? Vous pouvez en juger mieux que moi.
Ma lettre à Marion est partie hier. Vous en seriez contente. Je voudrais bien qu’elle fût efficace. Voici un petit fait qui mérite d'être remarqué. On a mis en vente quelques prairies de Neuilly, par petits lots estimés à une valeur de 400 fr, pour tenter les paysans. Au lieu de s'élever, les lots sont tombés à 120 fr, faute d'enchérisseurs quelques uns même, dit-on, à 60 francs. Le sentiment public, on pourrait dire populaire reste le même sur cette triste affaire.

11 heures
Je calomniais un peu le conseil d'Etat. Il y a en partage ; 8 contre 8 ; c’est la voix de M. Baroche qui a décidé la question. On m'envoie les noms qui ne vous font rien. Point d'autre nouvelle. Adieu, princesse. Je n’ai pas encore ouvert mes journaux. Il me paraît que vous n'en avez plus du tout. Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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22. Schlangenbad Vendredi le 25 juin 1852
3 heures

Encore séance chez l’Impératrice. Elle a l'air d'y prendre goût. Nous sommes seules avec la grande duchesse Olga en rentrant j’ai trouvé chez moi Van Praet, causant avec Meyendorff, c'est une bonne connaissance réciproque. Ils se promènent ensemble dans ce moment. Je crois qu'ils seront contents l'un de l’autre. La duchesse d'Orléans a passé deux jours à Liège ! Quelle idée ! Quatre grandes conversations avec Changarnier. Celui-ci très fusionniste, elle peu disposée à cela se déclarant cependant ébranlée. Elle a voyagé de là à Aix la Chapelle avec Lamoricière. Tout cela est jugé par le roi Léopold trés inconvenant. Il n'y a eu de sa part aucune manifestation. comme il ignorait son passage. Il n’y a eu personne pour la recevoir pas même les voitures royales, (pas si bien traitée que moi à qui on les a données. Excellentes voitures avec lesquelles j’irais si on veut en Russie. Non, pas si loin) L’Autorité militaire, & le bourgmestre ont inventé de leur propre chef de lui faire fête. Elle leur a donné à dîner, après le dîner sur le balcon où elle a été saluée par la foule. Tout cela est bien ridicule dans sa situation, & Van Praet en rit. Changarnier a refusé de dîner.
Tout ce que vous me dites dans votre lettre du 16 est vrai sur Claremont. Seulement il n’y a pas encore de démarches ou correspondances. Les Princes & leur belle soeur ne s’entendent point. Mais les Princes passeront outre. La Princesse de Prusse en causant avec le roi Léopold s’est montré fusionniste. Il me paraît que la Duchesse d'Orléans reste seule avec Lasteyrie. La rencontre hier entre l’Impératrice & le roi Léopold a fort bien réussi. Elle m’a tout raconté, elle a été fort contente. Elle n’avait voulu prendre personne avec elle. Il n’y avait que la grande duchesse Olga, son mari & les deux princes de Prusse. Point de témoins donc & je n'ai que le récit de l'Impératrice. Van Praet me dit que de son côté [Léopold] & a été très content.
Le roi de Prusse a envoyé ici hier son grand Maréchal. Il m’a formellement invité de sa part à venir à Stolzenfels. C’est le 30 ou le 1er que je pars avec l’Impératrice. Nous coucherons deux nuits là et puis à Cologne, où je me séparerai d’elle, ce sera tout-à- fait du chagrin de cœur. Quant à mon corps il a besoin de repos, grand besoin. Je n’en puis plus mais où aller me refaire ? Et avec qui ?

5 heures. Voilà un courrier & rien de vous, à mon tour l’étonnement & tout à l'heure l’inquiétude. J'ai une longue lettre de Fould intéressante, racontant la séance du C. législatif où assistait le Président. " Montalembert a fait un discours modéré dans la forme, plein d'éloges pour la personne pour l’acte qui a sauvé la France & l’Europe du danger qui la menaçaient, mais où perçaient au milieu d'assez piquantes critiques sur les institutions un dépit personnel assez vif. " Autre passage. " Sans doute il pourra être reconnu nécessaire d’apporter quelques changements dans les institutions, mais elles s’y prêtent vous le savez et le Prince y avisera dans sa sagesse. "
Pas question pour Fould de rentrer dans le gouvernement. Si je relève autre chose dans sa lettre, je vous le donnerai demain. En attendant. Adieu, & adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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N°24 Val Richer, Samedi 26 Juin 1852

J’ai lu hier soir ces débats du corps législatifs sur le budget. Ceux qui s’en promettent, et ceux qui en redoutent beaucoup me paraissent également enfants. Ni l’absolutisme impérial ni l'opposition parlementaire, ne sont près de ressusciter. On ne fera qu'évoquer deux fantômes. Voici l’incident sérieux du Débat. M. de Kerdrel, au milieu de son discours a demandé à l'huissier un verre d'eau sucrée ; l'huissier n’a pas osé prendre sur lui ce retour au régime parlementaire ; il a consulté le secrétaire de la Présidence, M. Valette qui a consulté, M. Billault. M. Billault a répondu qu’il valait, mieux s'abstenir. Alors, M. de Kerdrel a prié un de ses voisins d'aller lui chercher un verre d'eau et le voisin a rapporté le verre au milieu des rires et des applaudissements de l'assemblée. M. de Montalembert, en prenant la parole a demandé à son tour un verre d’eau sucrée à très haute voix. L'huissier troublé a regardé M. Billault, et M. Billault trouble a fait signe à l'huissier de l’apporter C'est la première liberté reconquise.
Vous savez que le Président assistait à la séance, dans sa tribune. On dit que, pendant le discours de M. de Montalembert, il a écrit un billet à l'autre président, pour lui demander de faire taire l'Orateur, et que M. Billault a traité cette demande de prétention inconstitutionnelle. Je doute de la demande et de la réponse. Le chapitre qui a été rejeté n’est point celui de la Police générale, mais celui de la dotation du Sénat. Le rejet a eu lieu, non pour le fond même de la dotation, mais pour une question de place et de forme. Les fonds seront votés ailleurs.
Il y a eu aussi des scènes au Sénat, mais des scènes privées, entre le Roi Jérôme et le maréchal Exelmans à propos d’un M. Laurent de l’Ardèche naguère très rouge, qui vient d'être nommé Bibliothécaire au Sénat. Le Maréchal s'est fâché tout rouge. Le Roi a répondu que M. Laurent n'était plus que bleu.
Après les commérages de l'Elysée ceux de Claremont. La fusion ne marche pas. Le départ de Mad. la Duchesse d'Orléans, qui devait la presser, l’a arrêtée. Les Princes troublés de la séparation disent qu’il ne faut pas brusquer la Princesse qu’avec de la douceur on l’amènera à la fusion que d'ailleurs, avant de faire la démarche décisive, ils ont besoin de savoir où en sont les vues politiques du comte de Chambord. Le Duc de Montpensier retourne directement en Espagne par Plymouth, et le Duc d’Aumale qui avait été très explicite sur son intention d’aller à Frohsdorf, ne parle plus que de patienter et d'attendre.
J’ai vidé mon sac. J'attends le vôtre. J'étais pressé hier en fermant ma lettre. Je vois que le Roi de Wurtemberg est venu vous chercher et que vous avez eu, avec lui, la conversation tant interrompue. J’en suis bien aise. C’est certainement un Prince fait pour la grande. politique.

10 heures et demie
Votre lettre ne m’apprend rien, mais elle me fait plaisir. Malgré la fatigue vous vous trouvez un peu mieux et votre vie vous plait. Et probablement vous aurez Aggy. Je l’espérais un peu. Moi aussi, j’ai bien envie de connaître M. de Meyendorff. Adieu, Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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24 Schlangenbad Dimanche le 27 juin 1852

Je suis horriblement enrhumée. Je tousse beaucoup, cela me désespère, les derniers jours vont être bien gâtés par là. Vous ai-je dit hier que Kolb est arrivé ? C’est une grande sécurité pour moi. Il reste à mon service pour tout le mois de juillet. Maintenant si Aggy pouvait arriver ce serait complet. Je doute parce que je le désire tant. Il y a là quelque chose que je ne m'explique pas. J’ai écrit au Médecin du lieu. Il m’a répondu que [?] allait beaucoup mieux. Ellice & Marion m'écrivent que les parents veulent qu'Aggy m'arrive, qu'elle-même le désire ardemment. Mais que c'est la soeur malade qui s'y oppose. Est-ce la vérité ? On pourrait bien vaincre cet obstacle. Enfin que faire !
Nous avons dîné aujourd’hui en plein air avec l’Impératrice ; grande musique, nombreux public pour nous voir manger. Magnifiques ombrages, les plus beaux arbres du monde, & le plus beau temps, malgré cela, comme ma toux m'inquiète j’aurais préféré la chambre.
Van Praet est revenu me voir aujourd’hui m’apportant une lettre de son roi. Toujours bien bonne conversation avec lui. L'Empereur a envoyé à Kisseleff 13 décorations de ses ordres pour des militaires Français en retour des politesses faites à ses fils à Rome par les autorités françaises.
Décidément le roi Léopold n'a pas vu la duchesse d’Orléans à son passage sur le Rhin, et décidément il n'ap prouve pas sa conduite. C'est Lasteyrie qui la gouverne souverainement. Ce que disent les journaux sur Frohsdorf est-il donc vrai ? Est-il vrai que le comte de Chambord persiste à interdire le serment.

2 heures. J’ai essayé une petite promenade. Elle ne m’a pas réussi. Je rentre plus malade. Je crois qu'il me faudra mon lit au lieu de la soirée chez l'Impératrice. Adieu. Adieu.

Le 1er Juillet je m'embarque avec l’Impératrice. Nous dînons sur le bateau, nous arrivons de bonne heure à Stolzenfels, Vendredi la journée se passe là. Samedi je me séparerai d'elle soit à Stolzenfels, soit à Cologne si je devais aller jusque là. J'en doute, je suis trop fatiguée. Je penche beaucoup pour le retour ici. J'ai si besoin de repos que je ne songe plus à l'ennui de ce lieu quand toutes les magnificences l'auront quitté. Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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N°30 Val Richer, 3 Juillet 1852

Mon gendre arrive de Paris. Il n’y a pas la moindre nouvelle. Tout le monde se promène et s'ennuie. Plusieurs mois vont se passer dans cet état. On a été un moment très troublé de l'ombre d'opposition du Corps législatif. Il a été question de le dissoudre. Le décret, dit-on a été signé. On est rassuré. La manie de l'opposition était jadis de supprimer le pouvoir ; la manie du pouvoir est de supprimer l'opposition ; ni l’un ni l'autre ne réussira.
Vous avez passé hier la journée à Stolzenfels. J'espère que vous avez eu le magnifique temps que nous avions ici. Un beau soleil est encore plus beau sur la vallée du Rhin que sur mon vallon. Je suis d’un bon caractère ; j’aime les grandes choses et je jouis des petites.
Je crois que le comte de Chambord persiste à interdire le serment, et il ne peut faire autrement. Ce sont des questions sur lesquelles on peut se taire ; mais quand on parle, il faut bien parler d’une certaine façon, et quant on a parlé d’une certaine façon, il faut bien s'y tenir. Voilà les querelles de Protestants et de Catholiques qui commencent en Angleterre. Ils se sont battus à Stockport. Il se battront peu. Le vent n’est pas à la guerre, à aucune guerre, étrangère ou civile. Ils se querelleront, se dénigreront, se verront.
Est-il vrai qu’on est très préoccupé en Prusse aussi de l’attitude agressive du catholicisme, et qu’on se disposa à ne pas se laisser faire ? Cela paraît dans les journaux, et il me revient que le Roi de Prusse, ses conseillers, ses anciens sujets, toute l'Allemagne protestante, princes et peuples, sont extrêmement sur le qui vive. Ceci influera beaucoup sur la politique.
Je me suis abonné pour trois mois au Moniteur. J’ai voulu voir la métamorphose annoncée. Il n’y paraît pas encore, et on dit qu’il n’y en aura point du tout. Moniteur et autres, tous les journaux sont insignifiants.
Si vous restez sur le Rhin, tout le mois de Juillet, il me semble qu'Aggy pourra aller vous y rejoindre ; c’est le 30 Juin qu’il lui était impossible d’y arriver, à ce que me disait Marion, je crois. Puisqu'elle devait venir vous joindre à Paris dans les premiers jours de Juillet, elle pourrait de là, aller vous chercher sur le Rhin. Du reste tout est difficile pour une personne encore trop jeune pour courir seules.

11 heures
Malgré votre N°25, je vous adresse encore ceci sur le Rhin. Vous me direz quand il faudra cesser. J'étais sûr que votre dîner en plein air ne vous réussirait pas. Je voudrais vous savoir revenue de Stolzenfels, autre plein air, Adieu, adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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35 Paris le 12 Juillet Lundi 1852

Un mot, puisque j’ai un moment. Je suis fondue. J’ai oublié de vous dire qu'on rend au duc de Montpensier la dot de sa femme placée en terre, je crois. C’est bien fait, on devrait faire cela pour la Belgique aussi.
Voilà un intercepteur. Mes premières colombes de l’Impé ratrice quelqu'un qui l’a quittée avant hier à Berlin se plaignant que je ne lui ai pas encore écrit. Tendresse, regrets. On dit qu'on ne parle que de moi. Elle, le roi, les princes. Je pourrais être un peu fat. Il n’y a pas de féminin n’est-ce pas ? C'est que nous avons plus d’esprit que cela Je ne vous parle pas fusion. Vous savez ce que je sais. Ce que je sais de plus que vous, c'est qu’on aura trouvé que le Comte de Chambord a grandement raison.
Qu’est-ce que c'est que des capitulations ? De quel droit quand on a un maître ? Or, il est le maître de sa famille. Et si on ne reconnaît pas cela, il faut reconnaître qu'il n’y a plus de Bourbons pour la France now and never. Voilà Claremont bien avancé ! Ils ont plus à perdre car ils sont au pluriel. Adieu vite, car on m'interrompt. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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43 Val Richer, Samedi 17 Juillet 1852

Dites-moi votre adresse Dieppe ; encore faut-il que je sache où aller vous chercher, quoique je sois sûr que je vous trouverais partout où vous seriez. Je compte aller vous voir la semaine prochaine. Je ne puis vous dire aujourd’hui précisément quel jour. J’irai par Trouville. Le Havre et Rouen.
J’ai envie qu’il fasse encore beau ce jour-là. Il pleut aujourd’hui à la grande satisfaction du tout le monde et même à la mienne pour la première fois hier, j’ai souffert du chaud. J’avais si mal dormi, dans la nuit que je me suis levé à 4 heures du matin. J’ai très bien dormi cette nuit.
Je passerai deux jours avec vous. J’attends la semaine suivante, M. Hallam, et Sir John Boileau. J’aurai du plaisir à les revoir. Ils me donneront les détails sur l’Angleterre. L'échec électoral qui Peelistes est frappant, si notre ami Aberdeen était à élire, il n'aurait peut-être pas été réélu.
Le succès du Cabinet en Irlande prouve à quel point les élections sont surtout protestantes. Cette chambre des communes sera partagée par moitié. Donc bien difficile à gouverner et bien mauvais instrument du gouvernement. mais je persiste à croire, pas de danger.
Le Président se trompe, s’il se méfie du Prince de Ligne. Le Prince de Ligne sera comme voudra son Roi. Et d'ailleurs si, aise d'être à Paris, lui et sa femme, qu’ils feront ce qu’il faudra pour y rester, et pour y être bien venus.
Vous avez toujours trouvé à Fould les mérites que vous lui trouvé aujourd’hui, et qu’il a en effet. Preuve de votre pénétration et de votre tact. Je désire qu’il reste en faveur ; il ne donnera que de bons conseils.
Mes journaux d'aujourd’hui me diront s'il va à Strasbourg. Si vous avez la Revue des deux mondes, (1er et 15 Juillet) lisez deux articles de M. de Rémusat sur Horace Walpole, et Angleterre du 18 siècle. Vous le trouverez bien parlementaire, mais spirituel, et intéressant.
Voilà donc Mad. Seebach établie à Paris Elle y sera une lionne de toilette l'hiver prochain. La Russie sera-t-elle aussi brillante que l'hiver dernier ?
On m’a raconté bien des choses de Mad. Kalergi. Il me paraît que le séjour de Mlle Rachel à Berlin a été très orageux. Vous voyez que je lis les nouvelles frivoles, faute d'autres.

11 heures Enfin vous avez Aggy. J’en suis bien content. Vous vous soignerez l’une l’autre. Adieu, Adieu. Je suis à ma toilette. Votre adresse. Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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41 Dieppe Jeudi le 22 juillet 1852

Mardi est bien loin, mais je suppose qu'il arrivera un jour. J'ai été tracassée et occupée. J’ai beaucoup réfléchi au Moniteur, je ne puis pas laisser là cette affaire d'un autre côté je ne veux rien faire sans Kisseleff. Je lui adresse donc aujourd’hui. une lettre pour Persigny. Il me dirigera là dedans, je vous dirai ce que j’aurai fait. Je ne sais pas de nouvelle. M. de St Priest a été ici, toujours très fusionniste mais vous savez que je ne le connais pas. Vous parlez très sensibly de l’Empire. A propos vous me deviez 5 Francs au ler Juillet nous ferons un autre pari si vous voulez. Lord Cowley que je vois tous les jours ne sait rien de nouveau d'Angleterre. On m’envoie de là le grand article qui a motivé le communiqué du Moniteur sur moi. On promet entre autre à Marion un mari et une fortune si elle me dispose à servir le président auprès de l’Impératrice. Le tout est de cette force. Comment va-t-on ramasser de ces choses là & y répondre. Est-ce possible ? Adieu. Adieu.
Je ne suis contente ni de la mer ni de ma santé. Adieu.
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