Guizot épistolier

François Guizot épistolier :
Les correspondances académiques, politiques et diplomatiques d’un acteur du XIXe siècle


Votre recherche dans le corpus : 222 résultats dans 3296 notices du site.

Auteur : Baudrand, Marie-Etienne-François-Henri (1774-1848)
MF-G-L#024_00059.jpg
Hier, je dînais au château des Tuileries : après le repas, lorsque le roi eut congédié la plus part de ses convives, sa majesté vint à moi, me demanda si j'avais eu de vos nouvelles ; sur ma réponse négative, le prince me dit : je vois que M. Guizot est bien accueilli par les hommes de tous les rangs de la société, à Londres, et qu'il y jouit d'une juste considération, j'espère que cette considération s'accroitra encore, et que notre ambassadeur conservera cette position qui lui plait, qui lui est avantageuse et dans laquelle il peut bien servir la France et le roi. Je trouve seulement que, dans ses dernières lettres au président du Conseil, M. Guizot parait trop préoccupé des dispositions de l'Angleterre qui lui semblent douteuses envers nous. Guizot est enclin à croire que les ministres anglais traiteront avec les puissances étrangères sur les affaires de la Turquie sans nous.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
06_00337.jpg
440. Paris, vendredi 2 octobre 1840,
à 10 heures

Le voilà expliqué le bis, au moment où je commençais une toilette de nuit hier, on m’annonce Byng, je le renvoie ; il me fait dire qu’il arrive de Londres à l’instant ; je le fais entrer rêvant à la paix ou à la guerre ; c’était bien autre chose. Cette charmante lettre en tendres paroles ! Elle a passé la nuit avec moi. Ah que je voudrais vous dire à mon tour tout ce que j’éprouve. J’en étouffe, et cela reste ici. J’ai eu un rêve que vous auriez aimé. Mais ce n’était qu’un rêve !
Hier matin j’ai vu les Appony, Montrond, Bulwer. J’ai fait par ordre du médecin une promenade en voiture fermée. J’ai fait dîner Pogenpohl avec moi pour le voir manger. Ensuite j’ai reçu Tshann, et mon ambassadeur. Mais toujours dans ma chambre à coucher. Le matin j’avais eu une bonne visite de votre plus fidèle. Si la question du dehors s’arrange, savez-vous que celle du dedans sera difficile à arranger. Cela me paraît bien embrouillé, bien compliqué. Le moment des chambres sera des plus curieux. Ma nièce a eu une lettre de son père, il s’annonce positivement pour le mois d’avril, et sa femme dans quinze jours, tout cela est bien pacifique. Il parait qu’on ne rêve pas à la guerre.
Que savez-vous de la disgrâce de Bülow ? Les petits diplomates allemands l’affirment. Vous ne m’étonnez pas par ce que vous me dites de Neumann c’est un gros sot, et fort impertinent ; donnez en de bonnes nouvelles à Paris pour le cas où il y viendrait. A propos les Clauricarde viennent-ils toujours ? Elle ne m’a pas écrit depuis mon départ. Il est vrai que je ne lui ai pas écrit non plus.
J’ai eu un retour de crampes cette nuit et un sot accident après. Je m’étais fait frotter rudement l’épaule et la voilà tout ensanglantée ce matin, et me faisant un mal horrible, comme si j’avais été blessée à la guerre, aussi. ai-je fait chercher le chirurgien du 10ème hussards ! (Chermside)

Midi.
Je viens de recevoir votre lettre d’avant-hier, il y a de l’espoir, il y a de l’inquiétude, un peu de tout. Un peu de gronderie à mon adresse, beaucoup d’autre chose qui n’est pas de la gronderie. J’accepte tout à tort et à travers, mais surtout la dernière partie, toujours désirée, toujours bien venue. Toujours nouvelle quoique si vieille. Voici donc Beyrouth pris. On va crier ici comme si c’était chose inattendue et inouïe. J’en suis effrayée; je suis effrayée de tout, parce qu’il faut si peu pour aller bien mal et bien loin. Vous ne sauriez concevoir le plaisir que j’ai eu à voir Byng. Il avait déjeuné avec vous Samedi. Il été fort pressé de me remettre la lettre. Il était encore en toilette de voyage. J’aime Byng. Adieu, que dois-je penser du conseil de cabinet d’hier ? Je tremble et j’espère. L’article du Times était bon, mais rien ne fait quelque chose à lord Palmerston. Je suis bien aise que vous soyez bien avec Flahaut, je ne sais encore rien de cela pour la femme, je ne l’ai point vue depuis mardi.
Adieu. Adieu, tendrement. Montrond vient souvent sans avoir rien à dire. Il est archi pacifique. Tout le monde l’est je crois, mais n’y a-t-il pas des existences politiques que la paix tuerait. Voilà ce qui m’inquiète. Adieu. Adieu.

2 heures
Dans ce moment, je m’aperçois du vendredi. Je suis enragée contre moi-même, il n’a a pas de remède, ceci ne partira que demain, je vous écris un pauvre mot mais il vous faut la vue de mon écriture, sans cela vous me croiriez morte.

Samedi 3 octobre, 11 heures.
Ma journée s’est passée à Beyrouth c-à-d. que tout le monde est venu chez moi parler de cela et rien que de cela. Le matin, les Granville, Werther, Appony, Pahlen. Le soir M. Molé. Je ne compte pas Adair et autres de cette espèce. Et bien on est bien agité, c’est à dire agité de l’agitation que cela va causé ici, comme si ce n’était pas un événement tout naturel, et très attendu. Thiers a dit hier matin à un diplomate à Auteuil : "Monsieur, c’est la guerre. " On ne le prend pas au mot, parce que vraiment il n’est pas possible qu’elle ressorte de ce fait. le conseil s’était réuni d’abord à Auteuil et puis aux Affaires étrangères. M. Molé me dit que la chambre des pairs était dans un trouble inexprimable. On ne parlait que de cela. On proposait de dresser une pétition à la couronne pour demander la convocation du chambre. M. Molé prétend s’y être opposé. Mais il parle très mal de la situation. Il dit que jamais on n’a si mal gouverné une affaire. Et puis une conduite si lâche à côté de tant de bruit, de si pitoyables réponses au général anglais.
Le dernier factum de lord Palmerston excellent, clair, une vraie pièce de cabinet. Et pas de réponse ? mais c’est incroyable. Enfin vous entendez tout ce qu’il dit. Il voudrait bien savoir bien des choses ; moi, je n’ai rien à lui apprendre. J’ai renvoyé M. Molé avant dix heures pour aller un moment chez Lady Granville. Là j’ai appris l’abdication du roi de Hollande. C’est grave aussi, parce que l’héritier est peu de chose. Tête très légère. Le monde va mal. Mais vous que faites-vous ? L’éclat de Beyrouth devrait faciliter les affaires ; on a meilleure grâce à céder quand ou a un succès. Cependant, je ne sais rien bâtir d’agréable sur ce qui peut venir de Londres. Je suis frappée ce matin du ton de Siècle et du Courrier français. Le Constitutionnel est plus prudent, il est évident qu’il attend vos nouvelles sur le conseil de jeudi. M. Molé prétendait savoir qu’on allait mobiliser la garde nationale, mesure révolutionnaire selon lui. Il croyait aussi que le ministère ne pouvait pas l’empêcher, de convoquer les chambres. Le cri public serait trop fort. Moi, je suis pour la convocation cela va sans dire ! Lord Granville était allé hier soit à St Cloud. L’ambassade anglaise est très agitée. Bulwer excessivement.

1 heure.
J’ai eu votre lettre et un long entretien, avec celui qui me l’a portée. Il vous écrit lui-même. Il voudrait que vous l’instruisiez mieux de votre volonté, de vos idées, pour qu’il puisse faire face aux entretiens qu’il a avec vos amis. Vraiment la situation devient très grave pour les choses comme pour les personnes politiques de toutes les couleurs. C’est bien difficile de deviner le dénouement de tout ceci. On dit qu’ici tout le monde est pacifique au fond, tout le monde, et je le crois mais comment arriver à cette parole décisive " la paix " au milieu de ce qui se passe et peut se passer tous les jours ?
J’approuve tout ce que vous me dites, et comme je comprends ces éclairs d’élan vers une vie tranquille, domestique ! Et moi, que de fois je l’ai souhaitée, et tout juste dans les moments les plus agitées. C’est alors que je rêvais les cottages, que j’enviais le sort des plus humbles de leurs habitants. Ah que je saurais aujourd’hui embellir cette vie là pour vous. Mais vous n’osez pas en vouloir, vous ne le pouvez pas. Je sens tout ; je suis en même temps une créature très passionnée et très sensée.
Je crois l’esprit de 20 très combattu dans ce moment, au fond il n’a pas de l’esprit tout-à-fait Il faut finir, je n’ai encore vu personne aujourd’hui. On dit, c’est votre petit ami qui me l’a dit que les ministres sont un conseil depuis huit heures ce matin. Je crois moi qu’il ne ressortira la convocation des chambres. Encore une fois, il m’est impossible de ne pas la désirer ardemment. J’ai vu chez moi Mad. de Flahaut hier, elle m’a parlé des lettres de son mari, mais elle ne vous a pas nommé. Au reste elle est très douce maintenant, et inquiète comme tout le monde.
Adieu. Adieu. Je ferme de crainte d’interruption et de retard, adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
Guizot épistolier
276 Paris samedi le 22 Septembre 1839

Décidément, votre rhume est trop long, et un médecin intelligent vous prescrirait un changement d’air. C’est un remède infaillible. Savez-vous donc le grand changement de front politique ? Rien de plus subit ni de plus grave. Nous étions seules il y a quatre semaines. C'est vous qui l’êtes aujourd’hui. Ce que je vous dis est de la dernière exactitude. Je ne puis pas vous dire les détails vous êtes trop loin. Si vous les connaissez dites les moi afin que je voie si vous êtes bien renseigné. qu’allez-vous faire ? Il n’y a plus que deux partis à pendre rester dans cet isolement complet. (Car vous n'auriez d’alliés que le Pacha d’Egypte) ou bien entrer dans l’alliance contre lui, par conséquent ravaler bien des paroles, souffrir bien des actes contre lesquels vous avez protestés. Enfin vous mettre à la suite de la Russie & de l'Angleterre. Il me semble que votre diplomatie éprouve des mécomptes étranges. Comment tout cela a-t-il pu arriver ! Je voudrais bien pouvoir causer avec vous. Le séjour à Fontainebleau sera drôle au milieu de cette confusion politique, l'Autriche, la Prusse, la Russie, l’Angleterre y sont aujourd’hui pour revenir lundi. Je les ai presque tous vus hier. Et au milieu de cela Pozzo qui fait vraiment pitié à voir. En sortant de chez moi il avait absolument perdu le sens. Je crains bien que l’affaire de Paul ne tienne à ses relations avec moi. J'en suis désolée, mais il n'y a que cette explication de possible.

Midi
Génie est encore revenu aujourd'hui. Il m’est toujours très utile. J’attends M. de Valcourt dans une heure, il ira visiter le mobilier. Madame de Castellane est toujours ici et malade je ne le savais pas. J’ai été la voir hier, elle m'a fait une quantité d’exagérations sur le plaisir qu'a fait ma visite à Champlâtreux. Quelle bêtise de mentir comme cela ! Me voilà prête à croire que j’ai paru très désagréable. Décidément la qualité dont je fais le plus de cas c'est la vérité. Adieu. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
06_00268.jpg
436. Paris lundi 22 Septembre 1840
8 heures

Je suis sur pied de bonne heure, je crois qu’en me levant si tôt je rattraperai la lettre perdue. Car vous saurez que hier je n’ai reçu eu, rien du tout. Expliquez cela. S’il y a de votre faute je ne me sens pas le courage de vous pardonner, car vous me faites trop de mal. Mais ce ne peut être vous. Et cependant où est cette lettre ? J’ai bien assez, J’ai bien trop d’un mardi pas semaine, et me voici à deux.
J’ai vu hier matin, Bulwer, Werther, Adair, Montrond, Granville. Bulwer commence à se monter la tête beaucoup. Il veut du décisif, du vigoureux. Il trouve Stopford lâche, il faut le destituer. Il faut finir l’affaire. Schleinitz mande à Werther qu’il a fort peu d’espoir d’accommodement, que l’opinion en Angleterre devient assez générale contre la France, et qu’on ne veut pas lui laisser le triomphe d’avoir fait reculer. Vous êtes tous trop vantards, cela finit par irriter, et vos menaces n’intimident personne. Je crois cela assez vrai et dans le fond il n’y a que la diplomatie à Paris qui soit encore à vous défendre. Le duc de Broglie est arrivé. Il n’avait encore vu ni le roi, ni Thiers. Lord Granville l’a vu très triste, très découragé. Il trouve que la conduite de Thiers a été bonne, mais l’affaire est bien mal engagée. Il est triste et soucieux pour le roi. Il y a bien des gens qui regardent sa situation comme bien mauvaise. Il a épousé le pays ou pour dire plus vrai les journaux. Il sera débordé par eux.
62 dit que la chambre des députés sera toute pour la paix et que par lâcheté elle votera pour la guerre. Or, la guerre, elle sera mauvaise pour toutes les puissances peut-être (sauf l’Angleterre qui n’a qu’à y gagner) mais elle sera surtout mauvaise pour la France, car elle n’y est pas préparée. Cela paraît incontestable. Je suis sûr le ton belliqueux c’est que cela devient le ton de tout le monde. On dit, on répète : " c’est insensé. " Et l’on ajoute toujours, " Mais comment se tirer de là ? "
15 croit que c’est la guerre continentale dont vous avez envie. Il est vrai qu’à l’autre Il n’y aurait que des coups à attraper, et malgré vos promesses malgré vos désires même, ce sera la Prusse qui sera la première victime, car c’est la seule abordable, et le Rhin est ce que l’on comprend le mieux en France. Vraiment nous voilà à la veille d’un beau dénouement, je n’espère pas la moindre chose du conseil de cabinet d’aujourd’hui. Il n’y a aucune vraisemblance à ce que lord Palmerston soit out voted. Thiers a dit à M. de Werther avant hier : " Si les propositions de Méhemet ali ne sont point acceptées, c’est la guerre." J’ai fait mon régime ordinaire hier. Le bois de Boulogne, dîner seule, la perdrix, et le gâteau de semouille, pas autre chose, c’est l’ordonnance. Le soir un moment chez Mad. de Flahaut et un moment chez Lady Granville, dans mon lit à 10 heures. Voici une lettre du duc de Noailles. Elle me frappe un peu. Il est clair que les événements du jour inspirent de l’espérance.

9 heures
Voici la lettre que je devais recevoir hier. Le petit copiste est venu me l’apporter il ne l’a eu hier qu’à 10 heures du soir ; il était reste jusque là à son bureau. Il dit que s’il pouvait être prévenu des jours où on lui adresse des lettres il rentrerait pour les recevoir. Je vous supplie faites quelque chose qui n’épargne la cruelle peine de rester tout un jour sans lire des paroles qui me donnent tant tant de joie ! Car quelle lettre encore que ce 421 ! Ces deux feuilles volantes comme elles vont rester dans ma mémoire dans mon Cœur. C’est un langage du Ciel, vous dites vrai, jamais, jamais oreille de femme ne l’a entendu !J’étais donc destinée à une félicité immense ; et cependant, tout ce qu’il y manque ! Midi Je suis pleine de bonheur et d’orgueil de votre lettre. Mais j’ai le cœur plus triste tous les jours sur les. affaires. Elles vont de mal en pire. Elles vont à la guerre, quelle démence ! J’attend encore votre lettre d’aujourd’hui. La voilà

1 heure
Vous ne m’avez pas entendu sur l’adieu spécial car vous me dites qu’il ne ressemble à nul autre, cela me déplaît beaucoup, les autres ont toujours été si charmants. pour être tout autre il faut qu’il soit bien laid. Je n’en veux pas. Si fait j’en veux, car au moins c’est tout près et s’il commençait mal. Je le forcerais bien à devenir bien mais voyez quelle longue histoire pour si peu de chose. Je suis tout-à-fait enragée contre moi-même. Je vous jure que je ne retomberai plus. Car vous êtes un peu fâché et vous avez raison. Ne m’en parlez plus mais s’il vous plait un adieu qui ressemble à tous les autres. Vraiment, je pense à vous je m’inquiète de vous sur cette maudite affaire d’Orient, sans cesse, sans cesse. Ne vous en tracassez pas trop cependant je vous en prie. L’aventure de votre anneau est arrivée à mon anneau, je suis obligée d’en porter un autre pour le retenir à sa place.
Venez et tout rentrera dans l’ordre. Mon Dieu, si nous étions ensemble ! Vous voulez oui sur tout-à-fait, qu’est-ce qu’était donc tout-à-fait ? J’ai envie de dire oui à tout événement car vous le diriez, et aujourd’hui je me crois obligée à vous obéir, à vous donner toute satisfaction pour vous faire oublier mon iniquité. Oubliez, oubliez, est-il possible que rien puisse m’inquiéter ? Mais c’est si beau, c’est si rare, mon bonheur ; Je ne veux pas que le moindre souffle l’atteigne. Pardonnez pardonnez. Le temps est doux, Paris est charmant. Je suis désolée de penser à toute cette tristesse. Cette solitude de Londres. Je voudrais y retourner. Voilà Mad. Durazzo. Il faut que je vous quitte. Je ne voudrais jamais jamais vous quitter. Si vous pouviez voir tout ce qu’il y a dans mon Cœur. Si profond, si fort, si éternel, si tendre si triste. Adieu. Adieu. Adieu. Toute ma vie toujours ! Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
23003_00831.jpg
296. Paris, le 25 octobre 1839
Midi

J’ai passé toute la journée dans ma chambre. Je n’ai vu personne que Thiers il est venu à 2 h. et ne m’a quittée qu’après cinq heures. Beaucoup d’Orient, presque rien que cela. Beaucoup d’esprit sur ce sujet. Ce qu’il aimerait le mieux, c’est que nous nous arrangeassions cela. Au fond c'est son vieux refrain et le refrain de beaucoup de gens ici. " Donnez-nous le Rhin, & nous vous donnerons Constantinople. " Mais il y a une petits écueil là-dedans, c’est que nous pouvons prendre Constantinople, & que nous ne pourrons ni ne voudrons donner le Rhin. Je l'ai un peu plaisante sur la coalition il a fort mal pris mes plaisanteries et a soutenu fort et ferme qu’elle avait accompli ce qu’elle s'était proposé. Tuer le ministère, que c’était beaucoup, que c’était tout, & que les gens d’esprit n’avaient pas un autre devoir. Les Turcs tous les uns après les autres, de façon à y arriver après que tout le monde sera mort. Je vous assure que je vous ai dit là tout ce qu’il a tourné et retourné pendant 3 heures. Il parle fort bien de vous, mais sans affectation, il dit qu’il est à merveille avec le roi.
J’ai eu une lettre de mon frère qui m'envoie les comptes de Brünnow. J'aurai 24 milles francs de plus que les 56 mille en tout 80 mille qui me seront remise quand je voudrai, à ce que dit mon frère. Il a jouté " Vous n'aurez plus qu’à régler la question du capital anglais Paul part pour Londres à cet effet, il a un vif désir de se réconcilier, avec vous. " (écrit comme cela.) Je voudrais voir trace de ce désir ! Ce que vous me dites de M. de Talleyrand est d'une parfaite vérité, de grandes habitudes mais pas de grandeur naturelle. Adieu.
Me voici en face d’une jolie femme de chambre, qui ne l'a jamais été mais qui a l’air si doux que je veux me résigner à toutes le gaucheries. Adieu, adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
06_00264.jpg
435. Paris, dimanche 27 septembre 1840 10 heures

J’ai vu hier Appony, Bulwer, les Granville le soir. Le temps était beau, j’ai fait assez de chemin dans le bois de Boulogne. Mon allée favorite est détruite. Elle deviendra une fortification !
Les nouvelles d’avant-hier étaient de l’invention des Rothschild. Le conseil anglais a quitté Alexandrie. La guerre est engagée. Ferez-vous la paix demain à Londres ? Le Roi était vendredi soir de très mauvaise humeur à St Cloud. Très aigre et mécontent vis-avis des puissances. Infiniment plus monté et plus belliqueux que Thiers, et j’ai entendu dire à ma diplomatie qu’il ne valait plus la peine d’aller faire sa cour si on était exposé à entendre tout ce langage. C’est le plus favorisé des diplomates qui disait cela. Eh bien qu’arrivera-t-il donc ? Peut-il arriver autre chose que la guerre, tout insensée qu’elle paraisse ?
Mad. de Boigne est à la Campagne, elle n’a pas été en ville depuis quinze jours. Elle n’y est attendu que dans 15 jours. Je suis restée chez lady Granville hier jusqu’à 10 heures, l’heure de mon coucher. Nous avons bien bavardé et un peu ri à entendre toutes les nouvelles contradictions, à voir toutes ces fluctuations dans cette affaire si grave, on est toujours dans l’embarras de savoir de qui on aura à se moquer le lendemain ! Si le Pacha cède on se moquera de vous. S’il résiste avec succès c’est de nous qu’on rira. Je ris encore, parce que je suis à Paris. Le jour où je n’y serai plus, il en sera autrement.

Midi
On ne m’apporte pas de lettres ; je vais faire un tour aux Tuileries. Vous aimeriez n’est-ce pas à y venir avec moi ? à rentrer avec moi ? à aller regarder votre gravure. Vous ne la regarderiez pas, ni moi non plus. Adieu, c’est le moment de vous le dire. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
06_00201.jpg
à lady Palmerston, le 21 septembre 1840

Je ne voulais plus causer politique, mais vous m’en parlez je réponds, et je réponds pour faire votre écho. " Comme je voudrais voir arranger bien et vite cette affaire d’Orient ! " Vous ne le désirez sûrement pas plus que moi, Voilà notre ressemblance. Mais vous y pouvez quelque chose et moi je n’y peux rien ; voilà notre dissemblance. Eh bien ma chère, faites. Inspirez le désir ; saisissez les moyens. Les moyens y sont dit-on. Le traité a eu pour résultat excellent de faire énoncer des concessions auxquelles ni la France, ni le Pacha ne voulaient se prêter avant. C’est un triomphe très patent. Le jour où lord Palmerston dira : Examinons les propositions du Pacha. " Ce jour là, la paix est sûre. S’il dit : " Le traité doit être accompli." La guerre en ressortira. je dis ici que je n’ai vu ni Thiers, ni Molé pas un français excepté un moment le duc de Noailles, et je rapporte tout ce que je vous ai dit de l’opinion du duc. " Tenez pour certain que la France veut la paix, désire la paix. Mais tenez pour certain aussi qu’elle n’acceptera plus d’humiliation, et qu’elle fera la guerre très résolument, très unanimement, et que nous en serons tous. "
( Je fais un peu le portrait du duc de Noailles après cela je continue.)
Ma chère, vous êtes bien grands à vous tous seuls. Vous êtes immensément grands à quatre ! Les plus forts ne dérogent jamais dans quoi qu’ils fassent. Vous avez fait fléchir une inflexible volonté. Votre traité a beaucoup obtenu déjà. Et bien qu’il pacifie aujourd’hui, tout de suite ; ce sera une belle et bonne veuve. La joie sera partout dans la proposition qu’ont été et qui sont encore les alarmes.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
06_00181.jpg
429. Paris, dimanche 20 septembre 1840
3 heures

Ma lettre est partie, et la vôtre est venue. Quelle charmante page, il y a dans cette lettre. Il n’y a pas un sujet sur lequel on a plus dit depuis que le monde existe que le sujet que traite votre lettre. On n’a jamais dit comme cela, senti comme cela. C’est si beau, si parfait, si charmant que je me demande si je mérite tout cela ? comment il se fait que j’aie mérité tout cela. Je suis fière, je suis humble. Je suis ravie, je suis heureuse, et je suis triste! Je ne devrais pas être loin !
J’ai lu dans la bible, j’ai essayé d’entendre votre voix. J’ai été aux Tuileries, la pluie m’a ramenée plus vite que je ne voulais.
Voici Bulwer. Bulmer bien mélancolique et desponding hier presque joyeux aujourd’hui. Un mot dans le Globe de vendredi que lui semble de bon augure. Mais assez piqué que ce ne soit que jeudi que Thiers lui a parlé de la proposition du Pacha tandis que cette proposition se trouvait livrée à des journalistes anglais depuis la veille. Cela m’est bien égal. Je me sens en train de croire que tout va aller bien, est-ce que je ne crois pas trop vite ? Mais votre lettre m’y encourage un peu.

Lundi 8 heure
J’ai vu un moment mon ambassadeur hier matin ; avant de me rendre au bois de Boulogne j’ai passé chez vous ; je suis entrée sous prétexte de chercher des livres. Je ne les cherchais pas, je n’en ai point pris, j’ai regardé votre portrait, d’autres portraits. Votre fauteuil, votre bureau. Vous ne ne vous doutiez pas que j’étais chez vous. J’y étais avec des sentiments bien mêlés. Le bois de Boulogne un peu, une visite à Mad. Durazzo. Mon dîner qui ne ressemble pas à un dîner, une perdrix. et un gâteau de semouille, je ne sais pas manger encore et puis lady Granville jusqu’à 10 h 1/2.
Le protocole de jeudi est-il ce qui vous faisait me dire vendredi que vous croyiez à la paix ! Il me faudrait plus que cela. Il faut que lord Palmerston dise " Examinons la proposition de M. Ali. " Dès ce moment là je croirai à la paix, avant non. J’ai eu une lettre de lady Palmerston de vendredi, ce même jour je lui écrivais au sujet de la reine de Hanôvre. Une lettre insignifiante pas un mot de politique. elle me provoque à en parler, je verrai si je le ferai. Je vous envoie copie des passages importants de sa lettre.

Midi
Voici votre lettre, courte, et demain je n’aurai rien ! Dites-moi s’il y a espoir que les propositions du Pacha devienne quelque chose. Je suis très flottante. Hier j’espérais, aujourd’hui j’espère peu. Vous m’auriez dit quelque chose, si quelquechose pouvait ressortir du nouvel incident. Cependant vous êtes en pourparler avec lord Palmerston cela laisse du jour. Quand je pense à quel point ma vie, mon bonheur dépendent des paroles qui se disent aujourd’hui à Londres ; je n’ai pas assez de vœux et de soupirs pour tout ce qui agite et remue mon âme. Voici du Soleil ; ce beau soleil de Paris, si brillant, si gai, cet air si pur. Allons nous promener ensemble aux Tuileries. Ensemble ! Ah que ce serait charmant !
Adieu. Adieu bien des fois, et encore. mille fois adieu. Lord Granville verra Thiers ce matin.
A propos Thiers a dit à M. de Pahlen qu’il ignorait qu’on eut permis à Lelevel de revenir. Qu’il allait s’en enquérir auprès de M. de Rémusat. nous verrons. Pahlen redoute tout, s’il revenait prenez garde, Appony ce que je vous dis. Adieu. Lady Palmerston me dit : " Les affaires de ce moment sont trop importantes pour pouvoir espérer de les mener à la distante même de quelques heures. Ainsi, j’ai pris mon parti, et je reste. "

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
06_00153.jpg
426. Paris, Vendredi le 18 septembre 1840
10 heures

Je suis un peu malade aujourd’hui, je me fâche contre le médecin, contre moi. Je ne pense qu’à me soigner, me bien porter et rien ne va, rien ne réussit. Vous savez comme le découragement me gagne vite. Hier j’ai fait une longue promenade au bois de Boulogne, le temps était charmant ; en revenant j’ai ramassé Fagel et nous avons recommencé. Fagel est de la bonne espèce droit, franc, sensé. Il a de veilles habitudes de confiance avec moi. En rentrant on m’apprend que ma nièce est malade Je suis allée chez elle ce n’est pas grand chose.
Appony m’a dit les nouvelles d’Egypte. Le Pacha proposant de se contenter de l’Egypte héréditaire et de la Syrie viagère, et ... Le soir j’ai laissé entrer chez moi les Durazzo, et les deux Pahlen. Tout le monde est à la paix ici depuis quatre ou cinq jours. J’espère que tout le monde a raison. Avant mon dîner Mad. de Flahaut est revenue. J’avais bonne envie de la refuser, et puis la curiosité l’a emporté, paix ou guerre, je ne savais pas. Je me croyais en guerre. elle est entrée, douce, caressante, la nuit avait porte conseil et elle s’est résignée à rester comme par le passé, avec soustraction de la politique. Je pense que vous allez voir le père et la fille à Holland. house. La fille est gentille, c’est-ce qu’il y a de mieux dans la famille. Le père est ce qu’il y a de pire.
Mon ambassadeur est vraiment un cher homme il me parait qu’il redouble encore pour moi depuis qu’il sait M. de Brünnow. Il fronde un peu mon cabinet et trouve étrange qu’on le laisse depuis quatre mois sans une ligne d’écriture. Rien Ces gens là ne savent plus écrire, car moi aussi je n’ai rien. Midi. Voici le joli médecin m’apportant un charmant remède. Merci, merci. Denay est arrivé et en fonctions depuis quelques jours. La nouvelle femme de chambre est plus bonne que belle. Eugénie part, et je ne sais comment m’en séparer, mais je le lui avais dit ; je ne puis pas me retarder. Personne ne m’a écrit d’Angleterre depuis mon départ. Il faut que j’écrive aujourd’hui à lady Palmerston pour lui envoyer une lettre de la reine d’Hanôvre qui demande explication. Mon Ambassadeur est excessivement occupé de Mad. Lafarge ; et comme je ne lis pas ce procès, il a le plaisir de me raconter tous les jours ce drame là, cela l’enchante.
Adieu, je comprends la sottise, et même je la partage c’est effroyable ce que je vous dis là. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
23003_00769.jpg
282. Paris Jeudi le 17 octobre 1839,

Il est très vrai que l’Empereur est devenu intolérant, et persécuteur en matière de religion, et l'on m’a dit hier que nous aurons une grosse querelle avec le Pape qui mettra tout-à-fait dans l'ombre sa querelle avec la Prusse. Le Maréchal Soult a dit hier matin à Appony qu’il n’avait pas un mot de Vienne en réponse aux propositions françaises pour l’affaire de l'Orient. Voilà donc le roi & le maréchal donnant un démenti formel à ce que vous aviez appris par d’autres ministres. Sont-ils donc si désœuvrés qu'ils aient le temps d’inventer des nouvelles. Je demanderai à Tcham ce que vous voulez savoir. Je ne lis pas encore Lord Chatham. Je ne lis que votre lettre dans la journée. Je n’ai pas le temps d’autre chose. Vous ne concevez pas mes ennuis. Et puis deux ou trois avis différents, M. de Pogenpohl, M. de Valcourt, le tapissier. Je m’en vais mettre une tenture en soie dans le premier salon pour terminer le débat. Il se passera bien encore 12 jours avant que je sois complète.
Hier j’ai passé trois heures avec les deux messieurs et puis une heure dans des magasins de tapis. Et puis un moment avec Bulwer, un autre moment avec Le baron de Krudner, je voudrais bien avoir l’esprit fait comme le sien. J’ai dîné chez M. Feichmann, avec les Appony, Médem, Armin, Jennisson qu'on n’appelle plus que Gémissons et quelques autres. Je suis rentrée pour me coucher. J'ai encore mal dormi. J’écris une longue lettre à mon frère par M. de Krudner, mais je ne lui parle de mes affaires que pour le prier de ne pas oublier de m'envoyer l’acte. Adieu, le temps est abominable. Tout juste comme je l'ai désiré pour vous chasser du Val-Richer. Adieu. Adieu.
Armin a vu le roi avant-hier et l’a trouvé de très mauvaise humeur. Il ne sait pas de quoi.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
06_00137.jpg
425. Paris Jeudi le 17 septembre 1840
9 heures

Avant toute chose, la question de la correspondance. Ce n’est qu’à huit heures hier au soir que j’ai eu votre lettre de lundi, encore j’ai été la chercher. C’est-à-dire que mourant d’ inquiétude de n’avoir pas eu de lettres j’ai pris le parti d’aller chez Génie pour savoir s’il avait quelque nouvelle, si vous étiez malade. Enfin j’étais moi dans une véritable agonie, et je vous préviens que j’y serai chaque fois qu’il n’arrivera pareille aventure. Mettez y bon ordre, car ces choses me rendent malade et vous savez que je n’ai pas besoin d’agitation ! La preuve que ceci m’avait fait du mal et que j’ai été obligée de faire chercher mon médecin le soir, toute inquiétude se porte sur les entrailles. Et j’avais repris des douleurs. Ensuite on peut me voir toujours de 9 à 10. Et puis, j’écrirai Mercredi et Lundi au N°1. Mardi et Samedi au N°2. Jeudi et Dimanche au 3.
J’ai été à Kenwood bien souvent quand je vous proposai une promenade à Hamstead, c’était là que je voulais vous mener. Pourquoi n’y avons-nous pas été ensemble ? J’ai vu hier matin chez moi Appony, Mad. Durazzo, et Mad. de Flahaut hélas ! Appony venait de prendre lecture rapide du traité dans le journal anglais. Il pensait qu’il n’y avait rien là qui dût irriter la France ou l’inquiéter. Il trouve que la lettre de Königsberg insérée dans le Constitutionnel a un grand fond de vérité ! Mad. Durazzo bonne, douce et pas bête. Brignoles revient dans un mois je crois.
Mad. de Flahaut est venu me faire une scène, une scène. M. de Flahaut et elle sont très offensés de ce que je ne veux pas parler politique en leur présence. Il est évident que je me méfie d’eux, que je ne crois pas un mot de leurs explications sur la lettre. Cela n’est pas tolérable. Et sur ce point là, je ne puis plus être qu’une connaissance et non plus une amie. Voilà littéralement la déclaration. Vraiment c’est trop drôle. J’ai répété que je ne voulais plus entendre parler de la lettre, et qu’assurément je ne parlerais pas politique qu’ils s’arrangent. La colère est grande, il y a eu des insinuations et des paroles, fort étranges, je ne les ai pas relancés. Je veux simplifier les querelles. Vraiment j’ai bien à faire avec mes amies !
C’était bien autre chose encore que lady Palmerston on dirait qu’on s’est donné le mot. Revenez au milieu de la scène, Mad. de Flahaut pleure, moi je n’ai pas eu l’air tendre. Le temps hier était épouvantable. Un vrai hurricane. Le chaos. J’ai eu peur. Plus tard, j’ai été pour une demi-heure au bois de Boulogne.
Après mon dîner, comme je l’ai dit plus haut, chez Génie avec des battements de cœur si forts si forts, il est venu à la portière me remettre la lettre reçue disait-il après 5 heures Mon ambassadeur est venu de 8 1/2 à 9 1/2 et puis mon médecin. Il reviendra ce matin. Et bien le traité ! Vous ne m’en parliez pas Lundi. Il était dans les journaux anglais cependant. Est-ce que par hasard il ne vous aurait pas été communiqué ? Je l’ai lu, je ne trouve pas que nous y jouions un grand rôle. Après cela je ne le trouve en vérité pas incommode pour la France. Et puis l’acte de Napier reste toujours incroyable car l’article qui prescrit les mesures avant la ratification dit nommément que c’est parce que l’insurrection était en train. Or elle se trouvait étouffée.
Le 14, et le 14 était toujours deux jours avant le 1. Effacez vendredi au N°1 car ce jour là j’écris tout droit. Je l’avais oublié et donnez au n°1 Lundi en place de Vendredi. Et ôtez alors le lundi au n°2. Je viens de faire cela à la seconde page. C’est compris maintenant ? 1 heure Pas de lettres, mais la tempête d’hier explique cela, je ne veux donc pas m’inquiéter. Les journaux ministériels ne font pas d’observation sur le traité. J’attends les vôtres. Je me trompais peut-être sur Napier, alors cet article du Protocole réservé est bien étrange. Dites-moi donc ce que vous en pensez.
Voici le 412. Grey a bien du bon sens. J’aime les Holland parce qu’ils vous aiment et parce qu’ils sont aimables. Je ne pourrai rien dire pour la vaisselle de Lady Durham ; vous voyez bien que je ne vois pas Thiers pourquoi ? Je ne le comprends pas et bien vous ne me dites pas un mot du traité. Why ? Chermside sort d’ici, il trouve qu’on m’a fait prendre du quinine trop tôt. J’ai des vertiges, et l’estomac bien affaibli.

2 heures
Il me semble que je vous écris de pauvres lettres, si j’allais dans le monde elles vaudraient mieux mais je n’ai pas la force et vous voulez n’est-ce pas que je me repose. Je pense que Molé ne vient pas parce que je ne lui ai pas envoyé dire que je suis ici. Il est parmi les susceptibles. Mais je vous avoue que je trouve très bon qu’on n’aie pas à citer mes paroles, et le plus sûr alors est de ne pas voir les gens, ou quand on les voit (Flahaut par exemple) de mériter des scènes pour mon silence. C’est une prudence d’enfant, mais je vis au milieu de menteurs.
Adieu. Adieu, beaucoup de fois ou une seule bonne according to your texte. Adieu. Vous avez raison, il faut obtenir la vaisselle pour lady Durham. Lord Grey plus que qui que ce soit arrange ses opinions politiques sur ces petites choses. Et ce qu’il vous mande a de l’importance et beaucoup, il faut l’entretenir dans cette disposition. Je ne puis pas finir sur cela il faut encore adieu. Dites aux Holland mille bons souvenirs de moi, adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
Guizot épistolier
275 Paris, vendredi le 27 Septembre. 1839

Je trouve singulier que vous vous obstiniez à tousser. Vous y êtes trop sujet. Il me semble, lorsque vous êtes en santé, que vous devriez vous laver le cou le matin avec de la glace, cela fortifie beaucoup. Si vous n’aimiez pas la glace mettez un peu de vinaigre dans de l’eau, tous ces conseils là sont bons. Mais dites-moi bien vite que vous êtes mieux, que vous êtes bien.
J’ai prié Génie de vous rendre compte de la mémorable scène d’hier avec M. Démion. Imaginez une scène, je crois même qu'il n’a pas été très poli pour moi. J’en avais une grande envie de rire. M. Génie a été d'une bonté parfaire pour moi, mais sa physionomie a singulièrement déplu à Démion. Le dénouement a été que j'ai emporté la clause de sous location et que j’ai fait abandon de toutes les autres que Génie avait en réserve. J'ai signé mais M. Démion n’est plus de mes amis et vraiment je ne sais pourquoi. Que le ciel me préserve d’affaires Je ne suis pas faite pour elles. Démion prétendait que personne ne se mêlât des miennes, que lui !
J'ai été dîner chez Mad. de Talleyrand, et de là chez Mad. Appony, où j’ai trouvé ma diplomatie, avec le petit Nesselrode fils du ministre. Brunnow lui a parlé de mes affaires et lui a dit que j’aurais 50 milles francs. Vous savez que je ne sais encore rien, il a un peu mal parlé de Paul pour ce qui me regarde. On trouve que M. de Brünnow a l'air d'un sot. C'est bien sa mine.
L’Empereur a envoyé de beaux cadeaux à la Reine comme reconnaissance de l’accueil qu’elle a fait à son fils. Le Duc de Wellington se pressait de retourner à Douvres pour m'y recevoir. Le Ministère Anglais est très satisfait de l’état des affaires partout. Même la mort de Runget-Sing ne l’incommode pas du tout. Les affaires d’Orient l’arrangeront. Voilà Lady Cowper. Les Diplomates ici ne me paraissent pas être de très bonne humeur.
Je verrai demain M. de Valcourt et je lui remettrai tout l’arrange ment de mon appartement. Il prendra à M. de Jennisson ce qu’il croira devoir me convenir. C’est le 15 octobre que j’entre dans la maison. Mais c’est du 1er que je paye. M. Démion dit que c'est l’usage. Adieu. Adieu. Guérissez-vous de votre rhume. Pourquoi ne vous prierait on pas à Fontainebleau ? Voilà une idée qui me vient tout à coup. Ah si cela était ! Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
06_00129.jpg
424. Paris Mercredi 16 septembre 1840
9 heures

J’ai vraiment des moments de grand mépris pour moi, et pour vous. Je trouve si intolérablement absurde que nous soyons séparés. Vous seul à Londres ; moi seul à Paris, chacun au milieu de millions d’habitants, seuls, bien seuls ! Eh bien voyez-vous cet abominable égoïsme qui fait que je vous aime mieux à Londres qu’au Val-Richer. Je vous veux, comme moi, sans compensation, sans distraction, sans plaisir ; pensant à juin, juillet, août rêvant à octobre. Un doux passé, un charmant avenir, n’est-ce pas ? Mais il faut qu’il vienne cet avenir. Il faut que nous allions à lui bien décider à le conquérir.
J’ai vu hier Bulwer et Adair. J’ai été shopping pour un cadeau à ma nièce. Et j’ai passé chez les Appony que j’avais manqués chez moi décidément on était à la paix hier. Appony avait vu Thiers longtemps ; il avait l’air un peu mystérieux (Appony), mais fort rassuré. Après mon dîner j’ai été chez les Flahaut, il y avait M. de Sercey et M. d’Haubersaert. On a beaucoup, beaucoup parlé politique, je n’ai pas ouvert la bouche. C’est exact ce que je vous dis là, pas ouvert la bouche. On disait beaucoup que le Pacha se modérait. On faisait des paris qu’il n’y aurait aucune tentation sur la côte de Syrie qui puisse réussir. Enfin comme de raison, on était très français. J’étais dans mon lit à 10 heures, avec un gros rhume.
Le temps est abominable. J’aurai une lettre aujourd’hui. Ce pauvre M. de Stackelberg a encore perdu une fille. Mad. de la Rovère. Trois enfants dans dix mois. Je devrais dire cette pauvre Mad. de Stockelberg ! Car c’est elle, elle qui le sent !
1 heure
Comment pas de lettres ! Mais c’est impossible, n’est-ce pas c’est impossible que vous ne m ’ayez pas écrit ?
2 heures
Je vais sortir, comment il faudra fermer ma lettre sans un adieu de vous ? Faut-il que je m’inquiète ? Adieu tristement. Adieu tendrement. Adieu bien longuement.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
06_00109.jpg
422. Paris, dimanche 6 heures 13 septembre 1840

Je me suis sentie indisposée ce matin, j’ai fait venir Chermside, il croit que j’ai pris froid. Le temps a subitement passé au froid. J’ai vu Bulwer longtemps les Appony, mon ambassadeur j’ai renvoyé Flahaut, sa femme et d’autres.
Les ambassadeurs se sont disputés chez moi. L’Autrichien soutenant que sa cour lui mande qu’en cas de marche d’Ibrahim, les Russes n’occuperaient pas Constantinople. et le Russe soutenant que nous l’occuperions. Ce discrepancy m’a un peu étonné. Le 29 actuel a vu hier au soir Z et et a obtenu l’assurance positive qu’il ne méditait point de coup de théâtre au loin. Cette idée avait été fort accréditée hier. On dit que l’Angleterre devrait bien souffler au Turc à Londres une proposition d’accommodement avec la France, c’est-à-dire que le Turc offre bénévolement de meilleures conditions au Pacha plutôt que de voir de la désunion entre des puissances qu’elle (la Turquie) regarde comme également bienveillante pour elle, et dont la rupture pourrait avoir des résultats fâcheux pour son existence. Croyez-vous qu’on inspire cela ? Ou qu’on l’ordonne, car on peut ordonner. Ce serait a loop hole.
Les nouvelles d’Espagne sont bien critiquées. Il faudra que la Reine s’humilie ou s’enfuie. Que ferez-vous dans cette affaire ? Un gouvernent qui ne serait pas soutenu par la gauche irait peut-être au secours de la Reine. Mais il est difficile que vous le fassiez. Il y a des gens qui croient que vous le ferez quand même, pour faire aujourd’hui quelque chose. Cela me semble impossible.

Lundi 14. 9 heures
Mon ambassadeur est revenu hier au soir avant de se rendre à deux routs (Appony et Flahaut) il m’a répété qu’il n’a pas eu un mot de Petersbourg, pas un mot depuis le mois de juin. Il en est fort content. Les lettres particulières de là disent qu’on n’y croit pas à la guerre, que personne n’y songe. Lui, Pahlen, la croit très possible , et même très difficile à éviter. Il me demande ce que je ferai ? Je le demande aussi que devenir ? Ah mon Dieu ! J’ai assez bien dormi. Mad. de Talleyrand est à Rochecotte. Elle m’a attendu quelques jours à Paris, à ce qu’elle prétend elle m’engage à aller chez elle ce que je ne ferai pas.
Mad. Appony est moins éprise de sa belle-fille que ne l’est son mari. Elle la trouve bien frivole, et rien que frivole ; toute la journée se passe en toilettes. Elle tremble pour l’avenir lorsque le beau trousseau sera fané ! Lui Appony n’est pas si inquiet ; il est charmé d’une jolie femme dans se maison et me parait tout aussi amoureux que son fils. Midi. J’ai revu le gros Monsieur et quelque chose de mieux que lui. Merci, merci. Demain mardi sera un mauvais jour, je voudrais qu’il fût passé ! Ah je voudrais qu’ils fussent tous passés, tous les jours de séparation ! J’ai écrit à Thiers le lendemain de mon arrivé ; il n’est pas venu, et ne m’a pas répondu. je continue à me coucher à 9 1/2, j’ai bien besoin de repos.
Adieu, adieu. Je ne prévois pas que j’apprenne rien de nouveau d’ici au moment de la poste. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
06_00121.jpg
423. Paris Mardi le 15 Septembre 1840
8 heures

J’ai vu hier matin, M. de Werther et Bulwer. Point de nouvelles tout le monde très pacifique. J’ai fait ma promenade au bois avec Emilie. Je n’ai pas vu sa mère, Dieu merci.
Après mon dîner qui n’est pas un dîner, les deux Pahlen sont venus chez moi, du parlage, du rabâchage, car il n’y a rien. M. d’e Pahlen qui connait cependant fort bien l’Orient et parfaitement les Turcs, affirme qu’il est impossible que le traité stipule l’entrée des Russes dans l’Asie mineure, ou que si ce traité le dit c’est une complète absurdité. Car jamais nos troupes en surmonteraient les obstacles matériels et moraux de cette entreprise. Aucune troupe européenne ne le pourrait et nous moins que tout autre, parce que le Russe est détesté par tout musulman ainsi dans son opinion, point de Syrie possible par terre, par mer c’est l’affaire de lord Palmerston voyons s’il en viendra à bout.
Le temps est à la pluie, n’importe Paris est joli. Les fontaines font leur devoir ; les arbres sont un peu gris, C’est vrai ; mais c’est égal. Je n’ai pas vu une âme française depuis mon arrivée ; excepté Montrond. Charles Pozzo vient de se casser une côte. Le vieux est tout-à-fait imbécile, il n’y a plus d’éclaircie. La fille de Jérôme Bonaparte épouse M. Demidoff. J’en suis indignée. Le prince Paul de Wurtemberg est de retour, je pense que je vais bientôt le voir. Il doit être drôle maintenant.
Mon ambassadeur est fort impatient de ce que je n’ouvre. pas encore ma porte. Je l’ai renvoyé avant dix heures. Midi, j’ai vu le petit ami, et il m’a vue dans mon bonnet de nuit. Il est venu trop tôt, ou bien moi, je suis restée trop tard en tenue de nuit.
Il n’y a rien rien. A blank day again. Mais il est impossible qu’il ne survienne pas des événements, les matières remuantes ne manquent pas. Il faut que vous vous contentiez aujourd’hui de ce pauvre chiffon de lettre. Il ne vous en porte pas moins, tout court, qu’il est un bien long, adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
06_00392.jpg
444. Paris, Mardi 6 octobre 1840
9 heures

Les trois 4 font une drôle de mine et ne font pas honneur à notre intelligence, pour des gens qui ont pas mal de goût à se trouver ensemble. C’est bien bête. J’ai vu hier matin chez moi à la fois l’Autriche, la Prusse, l’Angleterre. Une petite conférence en ressemblant pas du tout à celle de Londres quant aux opinions et aux vœux. Il parait que l’insurrection se ranime en Syrie. Il paraît aussi que les Anglais allaient à St Jean d’Acre. Voilà qui fera une bien autre émotion encore qui Beyrouth !
On dit donc qu’on travaille ici à une sorte de protestation dans laquelle on établirait le casus belli. Mais tout cela n’est-il pas un peu tard ? On est très révolté ici de voir que l’internonce a assisté à la dépossession du Pacha à Constantinople.
Quant à nous je n’ai rien vu de plus modeste, même de plus effacé. C’est très drôle. Tous les acteurs en scène, le premier amoureux seul, dans les coulisses. Je ne crois pas qu’il perd rien à attendre. Mais la comédie est complète. Le soir je voulais aller chez Lady Granville lorsque est venu encore M. Molé et puis mon ambassadeur et Bulwer. Nous sommes restés à quatre jasant toujours de la même chose, et riant même un peu. C’est toujours encore dans ma chambre à coucher que je reste ; et ma porte fermée à tout ce qui ne m’amuse pas tout-à-fait. M. Molé et très curieux de tout, mais au fond il me parait être au courant de tout.
Il disait et Bulwer disait aussi que M. Barrot entrerait au ministère, si les affaires tournent à la guerre. Mad. de Boigne est toujours à Chatenay. M. Molé me l’a répété. Il ne l’a point vu du tout. Molé repart aujourd’hui ou demain pour la campagne. Personne ne parle du procès de Louis Bonaparte. Jamais il n’y eut quelque chose de plus plat. Le petit Bulwer est d’une activité extraordinaire et une relation avec toute sorte de monde, très lié avec Barrot. Il faut que je vous dise que 10 jours après mon arrivée ici j’ai écrit à Paul une lettre assez indifférente lui parlant de ma santé, un peu des nouvelles du jour, rien du tout. J’ai fait cela pour renouer la correspondance sur le même pied qu’a été notre rencontre. Il ne m’a pas répondu. C’est bien fort je ne crois pas que j’aie à me repentir de cette avancée, c’était un procédé naturel mais son silence me semble prouver qu’il ne veut avec moi que les relations de plus strict décorum rien que ce qu’il faut pour pouvoir décemment habiter la même ville que sa mère. Qu’en pensez-vous ? Est-ce comme cela ? Il écrit à Pogenpohl qu’il viendra passer l’hiver ici, cela ne me promet pas le moindre. agrément. Je le recevrai un peu plus froidement qu’à Londres. Son frère est auprès de lui dans ce moment, je l’attends sous peu de jours. 1 heure. Le petit ami est venu me voir, il est presque convenu que ce sera quotidien. Nous devrions beaucoup sur un même sujet une seule personne. Quelle situation difficile et grave, en tout, en tout.
Le chêne n’écrit-il pas trop à 21 ? Il faut qu’il sache bien que ce 21 est plus l’ami des autres que le sien, et qu’au besoin il livrerait telle phrase imprudente on intime de ses lettres. On parle de la présidence de M. Barrot, s’il n’entre pas dans le ministère. Que pensez-vous de cela ? Dans mon opinion qui sera celle de tout le monde, au premier instant les personnalités doivent s’effacer devant une grande circonstance. En y pensant davantage je ne sais que dire. Je suis très perplexe ; et c’est cela qui me fait dire, que tout, tout sera difficile. Cependant les événements viendront au secours des embarras peut-être. Je finis par crainte d’interruptions.
Adieu. Adieu mille fois adieu, que je voudrais vous parler. Ah mon Dieu que je le voudrais ! Ce ne serait ni de l’Orient, ni de la Chambre, ni du ministère. Adieu, adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
23003_00929.jpg
309 Paris, Jeudi le 7 octobre 1839
Midi

J'ai été envahie par des affaires et surtout une affaire à Pétersbourg dont je n’ai pas le temps de vous entretenir, (il parait que Paul met des entraves à ce qu'on m'envoie de la l’argent qui me revient). Tout cela m’a fait arrivé à midi sans vous avoir dit un mot. J'en suis désolée, car à présent il faut que je me presse. Je crois que je n'ai reçu de neuf à vous conter. Le roi a vu Médem avant hier. Le Maréchal aussi cela s’est passé plus doucement que de coutume. Nous sommes hostiles aux personnes nous ne le sommes pas aux choses et nous ne sommes pas loin de nous entendu sur l'Orient. Cela me fait plaisir parce que je vois Pahlen au bout de cela.
L’Impératrice va mieux mais le grand duc est malade et très malade à Mohilon. L’Empereur l’a été un moment il était bien de nouveau. La grande Duchesse Olga toujours malade. Voilà un hôpital.
Adieu. Adieu, pardonnez-moi cette pauvre lettre, je suis très occupée et désagréablement. Alexandre n’était pas arrivé à Londres avant-hier, je continue à être inquiète. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
06_00101.jpg
421. Paris, Dimanche 15 septembre 1840
9 heures

Voici trois dimanches bien différents entre eux. Dimanche 30 août, dimanche 6 où je vous voyais pour la dernière fois, et celui-ci que je passe si loin, si loin de vous mais il me semble que je suis chez nous. Et cette pensée est si douce, venez la compléter.
J’ai vu hier matin Bulwer, Montrond, mon ambassadeur. Le premier bien agité, bien inquiet. Il y avait quelque chose ; il venait me le dire, l’arrivée de Montrond nous a dérangés. Montrond inquiet aussi croyant à la guerre, me faisant des questions sur vous, surtout les détails de votre attitude, vos allures, votre maison. J’ai pleinement satisfait à toutes ces questions. Je l’ai trouvé ni bien, ni mal, disant seulement que Flahaut disait beaucoup de choses qui ne sont pas bien. Le roi belliqueux, mais croyait à le paix. Au total pas grand chose. Mon ambassadeur inquiet aussi, la journée semblait mauvaise. Il y avait quelque chose de menaçant dans l’air. Je lui ai conté hier M. de Brünnow, il est parfaitement indiqué et parfaitement sûr que l’Empereur n’y est pour rien, mais il ne devine pas et ne comprend surtout par la bêtise. Je lui ai conté M. de Nesselrode aussi, cela le confond, mais il n’a pas pour lui une grande estime. Il me dit que j’ai très bien fait mais que je les mettrai dans un grand embarras. C’est leur affaire de s’en tirer. M. de Pahlen dit un peu autrement qu’Appony. Il est convaincu qui si Ibrahim passe le Taurus nous irons à Constantinople. Au reste, il n’a pas eu un seul courrier depuis mon départ pour l’Angleterre pas un. Il n’a pas eu un mot même par la poste depuis ce traité, c’est-à-dire qu’on ne lui dit pas un mot du traité. C’est drôle ! L’Empereur sera de retour à Pétersbourg cette semaine.
J’ai fait ma promenade avec Mad. de Flahaut. Je suis avec elle comme avec lady Palmerston bien, et pas comme avant. Elle a recommencé des explications sur la lettre. Je lui ai dit que je n’y pensais plus, elle voulait dire, et elle a dit pendant une demi-heure, trente mille même mensonges je les ai écoutés probablement comme on écoute des mensonges car elle m’a dit : " Je vois que vous ne croyez pas un mot de ce que je vous dis." J’ai souri, et je l’ai assurée que sa réponse écrite m’avait parfaitement suffi. Et voilà qui est fini. Elle a bavardé, bavardé sur les affaires, bien dans le sens raisonnable. Après. cela elle a dit qu’il y avait une question curieuse à éclaircir, que le ministère disait que vous n’aviez pas su un mot du traité et ne lui en avez rien mandé jusqu’après sa conclusion ; que vos amis, c’est-à-dire une petite partie de vos anciens amis disaient que vous avez toujours éte d’opinion qu’il se conclurait que vous en aviez averti et souvent. et elle m’a interrogée. J’ai répondu froidement, que Londres on disait et croyait que vous le saviez et que vous l’aviez dit. Flahaut que je n’ai pas vu part demain pour Londres ou autre part afin de n’être pas ici pendant le procès.
J’ai dîné seule, ou plutôt pas dîné. Après, j’ai été en calèche encore, à droite, à gauche, passer mon temps. J’ai manqué Fagel ce que je regrette. Je me suis couchée à 9 1/2.
Voici votre lettre. Comment êtes-vous resté un jour sans rien de moi ! Vous aurez vu au moins qu’il n’y avait pas de ma faute. Il y a deux pages charmantes dans votre lettre, il y a dans chaque lettre des pensées si douces, si tendres. Ah que j’y réponde doucement, tendrement !
Midi. J’ai fait un tour de promenade au jardin à pied je suis lasse, le plus petit exertion me fatigue. Je ne me plains plus que de cela ; très fatiguée, très faible, très maigre. Il faut que je me relève de ces calamités. Adieu. Adieu extrêmement.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23015_00274.jpg
Paris mardi 31 août 1852

Lord Granville a passé quelques heures à Paris venant de Londres et allant chercher sa femme en Allemagne. Il est venu me voir et m’a fort intéressée. Il n’y a rien de nouveau cependant. Si Derby touche il croit à John Russell et le garde toujours comme le plus grand chef de parti en Angleterre, il confirme la liaison d’Aberdeen avec lui. Quant à Palmerston, jamais [Ministre] des aff. étrangèrs, & jamais premier ministre. Stuart Canning retournera probable ment à Constantinople.
Il n’y a pas moyen d’attraper un bout de nouvelle d'ici. Personne n'approche de St Cloud, et on n’a d’accointance. avec aucun homme en place. Fould ne revient que le 5 pour repartir le 15. Aggy a été faire visite aux dames Thiers hier soir. Elle y a trouvé Lasteyrie extrêmement engraissé. La rosière y était aussi. On ne parle pas politique. On s’est moqué du discours de Laroche Jacquelin, du bal de la Halle & & Voilà mon bulletin. Haynau est fort suivi et protégé par la police. Mes forces ne reviennent pas. Je continue les bains de Vichy. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
06_00009.jpg
410. Stafford house samedi 8 août 1840
8 heure du matin

Je ne puis pas dormir, je me lève et j’ai été au jardin. Il y a un brouillard épais et froid un temps anglais bien triste, triste comme moi. J’ai vu hier lord Harry Vane longtemps. Homme sensé voyant les choses comme elles sont sans passion. Il regrette la querelle de personnes et trouve que les journaux français ont été maladroits sur ce rapport. Le discours de lord Palmerston avant-hier a eu du succès à la chambre du commerce. On l’a trouvé clair et satisfaisant. Lady Clauricarde prétend que M. de. Brünnow n’en est pas content quant à la partie qui nous regarde. J’ai vu Munchhausen, des bêtises. Lady Palmerston, très sereine, très contente. Les Russes ne disant et ne sachant rien. J’ai dîné trois avec lord & lady Clauricarde. Le soir la promenade en calèche avec elle, et je me suis couchée à 10 1/2. J’ai pu dormir. J’ai oublié hier, la duchesse de Bedford (régnante) et lady William Russell. La première était évidemment venue pour me sonder et apprendre si je connaissais la Reine des Belges. Ils arrivent ce matin, Il y a une soirée pour eux lundi, et mercredi la cour s’établit à Windsor. Lady William Russell dit qu’on est de bien mauvaise humeur à Holland house. Depuis que je sais Louis Bonaparte arrêté je suis plus tranquille.
Personne ici ne croit à votre retour. Moi je ne crois à rien dans le monde qu’à une seule chose.
Midi. Je me sens bien nervous aujourd’hui, plus que de coutume. Le brouillard est dissipé la chaleur est venue, elle ne me réchauffe pas.

1 heure
Je viens de recevoir votre petit mot de Calais. Je serais bien curieuse, bien anxieuse de celui que vous m’écrirez d’Eu. J’ai eu une longue visite de Benckhausen. Mes fils sont en règle. C’est la loi. Je suis charmée, Benckhausen affirme qu’à la cité personne ne croit à la guerre et qu’on pense que le Général français a fait toutes ces démonstrations pour pouvoir en jouir plus dignement. S’il en était autrement nous avons 28 vaisseaux de ligne à Cronstadt qui peuvent être ici dans 8 jours, et 14 à Sébastopol qui peuvent aller rejoindre la flotte anglaise dans le Levant, voilà les dires de la cité, et on est parfaitement tranquille. Je voudrais être calme et me bien porter, mais cela ne va pas M. de Bourqueney n’est pas venu me voir, je le regrette. Je suis assez seule et cela ne me vaut rien. Adieu. Adieu. J’ai une horreur d’écriture. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23016_00019.jpg
4. Paris lundi 30 mai 1853

Je suis votre exemple. Voici ma quatrième lettre. J’ai reçu à la fois ce matin le 1 & 2. L’article du Times du 28 fait beaucoup de bruit. Flahaut en est trés frappé. Tout le monde maintenant est contre nous. On dit que le moins épouffé et peut être seul même le réjoui de la situation, c’est votre Empereur. " il a eu raison, en ne se fiant pas à nous, et le voilà sorti de l'isolement. Il a pour allié l’Angleterre, il n’aura d’autres. " Il est bien plus occupé de Bruxelles que de Constantinople. Le mariage lui déplait beaucoup, ainsi que tous les succès de Léopold. J'ai eu beaucoup de monde hier, mon dernier dimanche. Du bavardage infini sur l’Orient. Toujours le duc de Noailles le plus enragé de tous. Molé bien fâché aussi. Le dernier paragraphe du Moniteur lui paraît très sensé. Au fond je le trouve un peu aussi. Castelbajac ne cesse de rapporter un langage très différent de celui du P. Menchikoff. Tout cela a besoin d'un éclaircissement. Kisseleff a l’air très dégagé et content. Hubner dit : cela s’arrangera. Je ne conçois pas comment ?
Quel dommage que vous ne m'aidiez pas à avoir une opinion. Tous les jours, toutes les heures, j’aurais des choses nouvelles et curieuses à vous conter. Donnez-moi toujours vos réflexions. Votre tableau de la campagne me donne bien envie de cette vie là. Comme elle me conviendrait avec mon salon de Paris le soir.
Cowley a une affaire avec Le duc de Gènes & Villamarina et on dit qu'à Londres on est mécontent de l’ambassadeur. comme je ne connais pas bien l'affaire je n’ai pas d’opinion mais je parierais pour quelque gaucheries de Cowley. On donne un grand bal au duc de Gènes à St Cloud ce soir, demain il part pour Londres. J’attends mon fils aîné aujour d’hui. La grande duchesse Marie ne va plus en Angleterre. La grande Duchesse Hélène ne vient plus à Vichy je crois vous avoir dit cela. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23016_00086.jpg
17 Bruxelles Mercredi 15 juin 1853

Je suis restée hier encore pour Hélène. Et me voilà ici. Cologne jeudi le 16. Je ne sais plus quand je vous ai écrit & quoi. Je rabâcherais peut-être. Le roi restait inquiet sur l’Orient, très occupé & utilement en Angleterre.
Excellent pour nous. Excellent pour la France. Pleine de sagesse, d’équité. Vraiment un homme remarquable.
Vous ai-je dit que Menchikoff a le commandement en chef de l’armée de terre & de mer dans le Sud que l’Empereur a été vif contre Nesselrode dans le premier moment. L’accusant d'avoir emmené tout cela par sa politique molle depuis longtemps. Que [?] n’a pas l'ordre de mission. Je l’ai vu à Paris, il est venu chercher sa femme dont il est séparé depuis 2 années. Homme d'esprit. J’espère le voir à Ems.
Adieu. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
23003_00264.jpg
218 Baden Mardi le 16 juillet 1839, 10 heures

Je vous disais hier que le temps était à l’orage. Une heure après un gros nuage noir est descendu sur Bade mais plus particulièrement sur la salle de conversation qui touche à la maison que j'habite. La foudre est tombé dessus, le paratonnerre a écarté le danger mais tout le monde qui était à table dans ce moment a senti le choc électrique, deux dames sont tombées par terre de frayeur. J'étais à la fenêtre, relisant votre lettre. Le coup a été si fort qu'il m’a fait sauter & votre lettre m’est tombée de la main. Je n'ai jamais été si près de la foudre que hier. La nuit a été orageuse aussi & nous n’avons pas fini aujourd'hui.
Voilà donc le Sultan mort, je l’ai appris hier au soir. Le courrier venu de Constantinople traversait Bade le 15 ème jour. C'est vite. Tout peut arriver un bien comme un mal. C’est un moment curieux, mais ce qui m’étonnerait le plus serait que nous prissions part à une conférence à moins qu’elle ne se bornât à établir les nouveaux rapports entre les deux chefs barbares.

5 heures
Je viens de recevoir votre lettre, je viens aussi de recevoir un gros volume de mon frère, avec tout l’arrange ment de me fortune. Je vous manderai demain le détail. Il me parait qu’il n’est pas content de mes fils. La loi rien que la loi, comme elle m’accorde à peu près ce que j’ai à présent, je ne me plains pas, mais je ne suis pas bien orientée encore je vous dirai cela plus exactement demain. Adieu. Adieu. Adieu. J'étais mieux ce matin je ne me sens pas si bien dans ce moment. God bless you.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23016_00095.jpg
19. Ems le 20 Juin Lundi 1853

Mon fils m’a quitté avant hier soir. Me voilà vraiment sans une âme. Je n’ai pas voulu le retenir. Il a été bien & charmant. Plus longtemps j'aurais trop vu l'ennui, je n’ai pas voulu abuser. Je n’attends personne. Quelle jolie perspective ! Je commence à m'alarmer vraiment. Les chances de la guerre sont grandes, car rien ne peut satisfaire mon empereur qu’une satisfaction directe, écla tante ; et le firman pour tous les cultes n'est pas cela.
Je me suis un peu orientée sur ce qui s’est passé chez nous. Au fond Nesselrode n'était pas d'opinion d'envoyer le Prince Menchikoff. C'est l'Empereur qui l’a voulu. Cet ambassadeur a été cassant, hautain. Redcliffe est venu brochant sur la mauvaise humeur des Turcs. Des querelles de visites ont aigri l’un contre l’autre les deux ambassadeurs. Menchikoff a été maladroit en toutes choses et lorsque enfin la place n’a plu été tenable, il a mis sur le compte des faiblesses de Nesselrode la décadence de notre influence auprès de la porte, ce qui avait préparé sa défaite. L’[Empereur] a reproché à Nesselrode tout le passé des dernières années. Et la scène a été vive dit-on. M. Le ministre a voulu racheter cela par une rédaction très insolent de sa note à Rechid Pacha. Nous allons en apprendre le résultat après-demain. Sans doute la porte nous répondra par un refus, nous entrerons dans les principautés. Je crois savoir que ce ne sera pas cas de guerre aux yeux de l'[Angleterre]. & de la France, à moins que cela n’ait changé depuis mon départ de Paris.
Voici une lettre de Greville qui vous intéressera. Nous sommes dans une position très embarrassée. Dans tous les cas notre bonne situation en Europe restera bien endommagée ; mais je le répète je crains plus que cela.
La mort du Nonce m’a vraiment beaucoup affligé. Marion en pleurs. C'était un brave homme. si tolérant, si doux, si facile & fin. Il pleut à verse aujourd’hui. Pas de promenade, pas une visite. J'ai commencé les bains. Nous verrons dans quelques jours comment ceci me convient. Adieu. Adieu.
Nous sommes bien loin. Vos lettres m'arrivent en quatre jours. Comment vont les miennes ? Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23016_00112.jpg
22 Ems le 25 juin 1853

Selon une nouvelle lettre de Vienne, nous n’entrerons pas dans les principautés avant le 2 ou le 3 juillet ; alors encore on pourra négocier, mais les chances de s’arranger deviennent plus faibles tous les jours. Et hélas vous perdrez votre pari. Et moi, je ne rentrerai pas en France. C’est affreux d'y penser. Je doute de l’efficacité de l’Autriche à Constantinople et c’est la dernière chance.
Tout ceci dérange grandement l'effet des haines. Je ne pense qu’à la guerre et à ce que sera mon sort. Je ne le conçois pas. comme je ne vois personne ; jugez quelle belle occasion de me faire tous les dragons du monde.
Et puis, il pleut sans cesse. Je ne puis pas sortir. Je suis très à plaindre. Les journaux, voilà pour m’assombrir l’esprit encore. Ah la maudite question d'Orient. Marion prétend que je me suis [?] à [?], c’est possible. Depuis hier je ne me sens pas bien. C’est peut-être l’agitation d’esprit qui dérange l’effet des eaux. J'attends ce soir ma nièce. Ce ne sera pas grand chose quoi que quelque chose. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23016_00117.jpg
23. Ems le 28 juin 1853

Vos réponses sont longues à m’arriver. Je ne sais pas encore ce que vous dites de notre long facteur. Il est bien controversé. Il y a bien à dire. Il est évident que tout le monde cherche à éviter la guerre, moins Lord Redcliffe et peut-être ses patrons. Nous verrons. Toute cette incertitude me fait du mal. J’ai été obligée de suspendre mes bains. La pluie n’a pas discontinué depuis mon arrivée c’est une horreur au milieu de cette solitude. Ma nièce est très bon enfant, mais elle va bien s'ennuyer aussi. Je n'ai pas un mot à vous dire. Personne ne m'écrit de Paris. Mollé seul ! Je vous laisse à juger ce que sont ses lettres ! Il parait que Morny s'est donné du mouvement, vous m'en direz quelque chose.
Un mot de Constantin m’apprend que nous entrerons le 2 juillet dans les principautés. Les Bulgares Turcs nous demandent des armes contre les Turcs, les Grecs sont dans une grande effervescence, les Turcs sont agressifs. Ils envoient des émissaires pour soulever les Circassiens. Tout cela est très mauvais. Comment cela finira-t-il ?
Adieu. Adieu.
Nous faisons une pauvre correspondance ! Menchikoff reste à bord de son vaisseau à Odessa.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23016_00125.jpg
25 Ems samedi le 2 juillet 1853

Aujourd’hui 2 nous entrons dans les principautés. On nous interpellera sur nos intentions. Les négociations commenceront à Constantinople. Quand la Turquie voudra signer l'engagement que nous demandons nous sortirons des principautés, pas avant. C’est l'Autriche qui sera intermédiaire. Elle a intérêt à la conservation de l’[Empire] ottoman & point de la confiance des deux parties. Voilà ce que me mande mon correspondant de Vienne en date d’avant hier. Il ajoute quand la guerre éclatera j’irai à Gastine, je me soignerai et j'aurai désormais peu de foi dans la diplomatie. Si je n’étais retenu par les liens de la reconnaissance j'enverrai toute la boutique au Diable.
Vous voyez qu’il n'y a là rien pour me rassurer. Aussi suis-je bien noire.
2 h. Dans ce moment une lettre de Berlin d'un jour plus fraîche et donnant des nouvelles de Pétersbourg du 25. Beaucoup plus rassurantes, mais refusant de m’expliquer pourquoi, mais me priant de croire. Je ne demande pas mieux, mais j’ai peine à comprendre. Comme tout cela me tracasse, et la pluie par dessus le marché et une température très froide, et pas une âme. Les de Laigle sont ici c’est à peu près comme rien du tout.
Ma Nièce est gentille & bon enfant. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23016_00129.jpg
26. Ems Lundi le 4 juillet 1853

Bien mauvaise lettre de Greville. La guerre inévitable. L’Empereur dit qu’on peut lui brûler sa flotte de la mer noire, cela lui est égal. Il veut avoir raison des Turcs. Greville parle de nous détruire aussi dans la Baltique. Enfin cela n’est plus arrangeable selon lui, & selon tout le monde. Ah mon Dieu. Et vos pressentiments ? Tiennent-ils encore ? Que vais-je devenir ? Tout ceci, & le mauvais temps et l'isolement complet, me fait du mal. Je ne suis pas mieux qu’à Paris et aujourd’hui après cette mauvaise lettre, pire.
En Russie on parle de guerre sainte. En Turquie c’est la guerre sainte aussi, & chez les Grecs ditto. Comment espérer qu'on recule quand on est allé si loin ? La mission de Giulay ne produira rien.
La guerre de la révolution apparaîtra bientôt. Nous en verrons de belles ! Vous pouvez concevoir ma tristesse, & cela au milieu d'un total isolement.
Adieu. Adieu.
Brunnow avait annoncé le 1er Juillet à Clarendon que l’ordre d'entrer dans les principautés était parti. L'Angleterre et la France nous déclareront la guerre si les négociations ne nous forcent pas à nous retirer. Et nous ne nous retirons pas. Je vous ai dit qu'on a ordonné chez nous une nouvelle levée de 10 h sur 1000. C’est énorme.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23016_00141.jpg
28. Ems le 8 juillet 1833

L'impératrice m'écrit en date du 2. " J’espère en Dieu qu'il bénira les intentions droites & simples de mon empereur, & que la guerre. sera évitée. " Bonnes paroles, les dernières.
Le manifeste va exalter le sentiment religieux, mais il laisse encore ouverture à la négociation. Nous allons savoir tout à l’heure si Constantinople regarde l’entrée dans les principautés comme cas de guerre.
Je suis inquiète de tous ces complots à Paris. Que Dieu nous préserve d'un malheur là. Le comte [?] est arrivé. De l’esprit, beaucoup de connaissances, pas trop versé dans la diplomatie. Fort disposé à causer. Cherchant à apprendre. Défendant notre cause très bien, mais ne me persuadant pas. Toujours en doute de l'Angleterre c.a.d. ne croyant pas qu’elle puisse en venir aux extrémités.
Quant à nous pas l'ombre d'un doute que nous aurons Constantinople, & que personne ne peut nous en empêcher. Des préparatifs sur la plus grande échelle et les Turcs impuissants & appauvris. Le temps est à la chaleur, mais excessive. Je suis fondue. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
Guizot épistolier
274 Paris Jeudi 26 Septembre 1839 9 heures

Ma course a fort bien réussi hier. Le temps était charmant, et au moment de mon arrivée à Champlâtreux le soleil a paru et ne nous a plus quitté que pour faire place à la Lune. Champlâtreux est fort beau, fort noble, ce cadre va fort bien à M. Molé. Il avait l’air très radieux très fier et très reconnaissant. J’y ai trouvé M. Barthe qui louche toujours. J'avais mené dans ma voiture M. de Brignoles et Montrond. Nous étions de retour à Paris à 10 1/2. Il ne s’est pas dit un mot de politique. Mlle Molé est bien ennuyeuse, Madame de la Ferté très convenable, & la petite fille de M. Molé extrêmement jolie et Ladylike. Voilà pour Champlâtreux.
J’attends ce matin Génie et puis Démion et puis je signerai. Votre correspondant de Londres a de l’esprit, mais il me parait un peu exagéré. Il parle comme Pozzo sur l'Angleterre ; les jeunes gens et les vieillards renforcent toujours un peu les couleurs sombres.
On a du faire partir hier un courrier pour Petersbourg qui y poste un projet de pacification pour l'Orient. Vous proposez de donner à Méhémet Ali l'Egypte en propriété perpétuelle La Syrie pour lui & son fils et après la Syrie partagée entre les enfants de ce fils. Conclu durant la vie de Méhémet. Ali. Voilà les points principaux ! L'Angleterre ne s’en accommode pas. Vous êtes très mécontents de l'Angleterre. C’est aujourd’hui seulement, que le Roi va à Fontainebleau.
Midi
Voici Génie dans ma chambre, lisant le journaux en attendant, M. Démion, que j'ai envoyé chercher. Votre petit homme m’a fait des observations fort intelligentes. Il a mes intérêts à cœur. Adieu. Adieu. Il pleut à verse ce qui n'empêche pas adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
MF-G-L#017_00474.jpg
106. Ems le 29 juillet 1854

J'ai été voir hier ma grande Duchesse Marie de Weimar, à Coblence où elle est en visite de quelques jours chez sa fille la princesse de Prusse. Grandes tendresses. Grande tristesse. Je l’ai trouvé très russe mais sensée. La princesse de Prusse fort modérée dans son langage. Un éloge de l’Empereur Napoléon. Ma course & la Conversation m'ont fatiguée. Ma Grande Duchesse est plus sourde que le Prince Metternich.
Morny va mieux et se décide à rester à Ems. Je voudrais bien amener à Ems Léon de Schlangenbad. J’y resterais bien volontiers mais il n’y a pas moyen comme j'aimerais continuer ces conversations deux fois. le jour. Morny est décidément très agréable, & suis tout à fait fâchée le quitter.
On s’attend à Paris à l'accession de l’Autriche au traité Franco anglo turc, dans 10 jours. St Arnaud, dit on, se prépare à une bataille. rangée sur le Danube. On ne parle plus de la Crimée. Je n’ai pas de nouvelles de Pétersbourg. Voilà bien de la confusion à Madrid. Je pense qu'Espartero gouvernera cette révolution. Greville s'inquiète à l’idée qu'on puisse s'en mêler. Il dit que l'Angleterre n'a plus un soldat, ni un vaisseau à fournir. Il espère que la France verra faire sans prendre la moindre part. Que dites-vous de l'Angleterre prenant à sa solde une armée Turque à laquelle elle fournira ses officiers ? C'est comme les pays. La voilà maîtresse en Turquie comme elle l’est aux Indes, nous avons fait de belles affaires ! Elle a bonne grâce à nous reprocher notre ambition envahissante. Mais sans compter la Turquie que cela fait disparaître, ça peut s' arranger la France & d'autres ? Quels événements !
Metternich n’a pas eu plus de part à la conduite de son gouvernement que vous et moi. Tout cela était inventé de même Aurep. Il écrit à sa femme qu'il se porte très bien. Jusqu’ici la Prusse résiste quand même l’Autriche marcherait. Mais on lui demandera très net de dire oui ou non. Je doute qu’elle ose l'un où l’autre. Alors quoi ? Adieu. Adieu.
J’apprends que l'ordre vient d’arriver de Berlin de mobiliser l’armée. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
Guizot épistolier
269 Paris, Dimanche 22 septembre 1839
10 heures

Bulwer est venu hier pendant mon dîné me porter une lettre qu'il venait de recevoir de Cuming et une incluse de Paul à celui-ci traitant toutes deux du capital à Londres. Paul charge Cumming de prendre toutes les mesures légales pour me pour suivre au cas que je lève le capital avant son arrivée et que je retire les fonds. Cuming parait être dans la plus horrible perplexité. Il renouvelle la prière que je donne à Paul mes pleins pouvoirs ! Jugez si j’irai les donner après cette insolence. J’ai très simplement répondu à Bulwer que je viens de demander les lettres of administration pour qu’au retour de mes fils il n'y ait pas de temps de perdu et que je puisse leur faire tout de suite la remise de leurs parts et que ce sera mon banquier à Londres que je chargerai de la leur remettre. A cette occasion Bulwer m’a écrit qu'il avait eu des Affaires d’argent avec Paul et que sans douter le moins du monde de son honneur, il devait convenir qu’il n'avait jamais rencontré personne qui traitât en matière d’argent d'une si étrange façon que lui, et qu’il prendrai soin de n’en avoir jamais avec lui. Vous devinez que toute cette discussion m’a fait un effet mauvais comme santé, et que je n’ai pas dormi la nuit. Ma sœur qui a dû assister au partage du mobilier me mande dans une lettre indéchiffrable que je n’aurai pas de vaisselle !
Mon fils Alexandre m'écrit en date du 7 qu'il se rendait avec son frère chez mon frère pour une dizaine de jours. Qu'à son retour ils feraient leurs préparatifs de départ. Leurs oncles, les frères de mon mari ont procédé à l’enterrement en Courlande sans attendre ses fils & sans leur en donner avis ! Quelle famille ! Vous savez maintenant toutes les agréables nouvelles que j'ai eues hier. Je vous enverrai la lettre de ma sœur après avoir encore essayé de la lire, je ne crois pas que vous y parveniez. Savez-vous ce qui m'arrive au milieu d’un peu de colère, c’est de rire, vraiment rire de la manière dont tout se passe. Voici la lettre de ma sœur, vous rirez sans doute aussi. Je reçois dans ce moment une réponse de Berkhausen dans laquelle il me demande de lui envoyer les noms, prénoms, & titres du Prince de Lieven, date de son décès. Mes noms, prénoms & titres, et ajoute : " aussi tôt que votre altesse m’aura fourni ces renseignements je me procurerai les lettres d’administration en question que j’aurai l’honneur de lui adresser, pour qu’elle veuille bien y apposer sa signature et au moyen de ce document M. le Prince de Benckendorff qui se trouve déjà muni des pleins pouvoirs de votre altesse pourra toucher par l’entremise d’un fondé de pouvoir le montant des fonds laissés par le feu Prince de Lieven entre les mains de M. Harmann et C°."
Dites-moi ce que cela veut dire, pour quoi faudra-t-il que j'envoie cela à mon frère ? Je m'imagine que cela vient de la lettre de Paul, que Cuming mande à Bulwer qu'il avait montre à Berkhausen. Vous savez que mon frère est fort bien pour Paul et que celui-ci se croit à tout événement en meilleures mains chez mon frère que chez moi. Conseillez-moi, que faut-il que je fasse ? Ce tour du monde me parait parfaitement puéril, mon frère m’ayant dit surtout, " qu'à l’égard du capital j’aurai à m’entendre avec Paul ". Je crois que vous avez copie de cette lettre Ah, quand serai-je sortie de toutes ces horreurs ?
Madame de Talleryand est arrivée. Je la verrai ce soir. Il est parfaitement certain que nous sommes fort rapprochés de l'Angleterre. et que cela s’est opéré par suite de votre refroidissement avec elle. Nous boudons ceci, et on laisse M. de Médem, sans la moindre instruction et sans la moindre réponse nous donnons raison à l'Angleterre dans son hostilité contre l’Egypte. Les positions ont essuyé un change ment notable. Ce qui ressort le plus évidemment de tout cela c'est le maintien de la paix. Tant mieux votre lettre est bien courte, mais vous ne toussez pas, j'en suis bien aise. Encore une fois il fait bien humide au Val-Richer. Je ferai votre commission à Bulwer pour Lord Chatham. Adieu. Adieu, mille fois.
Renvoyez-moi le chef d’oeuvre de ma sœur. Nous avons appris à écrire ensemble. Son éducation a duré deux aux de plus que la mienne. C'est pourtant une très bonne femme, & qui a plus d’esprit que moi, c’est ce que j’ai toujours entendu dire.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
23003_00436.jpg
240 Baden Lundi 12 août 1839

Je commence toujours ma matinée par un long tête à tête avec le Prince Guillaume. C’est des confidences de part et d’autre. Il me laisse toujours l’impression d'un homme qui a l’esprit très bien placé ; qui naturellement n'en a pas plus qu’il n’est convenable d'en avoir mais chez lequel la réflexion supplée à l'abondance ; qui ne ferait jamais de fautes, et qui aurait toujours le courage de continuer ce qu’il aurait une fois commencé. Je vous dis tout cela parce qu’il est destiné à devenir roi un jour. M. de Figuelmont ambassadeur d'Autriche à Pétersboug est arrivé très inopinément à Vienne. Dans ce moment c’est singulier. Et on en a été étonné, car quoiqu’il eut depuis quelques temps la permission de s’absenter de son poste l’idée n'était pas venu à M. de Metternich qu'il peut en profiter dans un moment si grave a envoyé quelqu’un à Constantinople pour seconder ou gouverner l’internonce dont on est très mécontent.
Vous avez mille fois raison, il me faut quelqu’un dans mon intérieur qui me donne des soins qui me débarrasse du détail de ma maison ; j’y ai beaucoup pensé,et savez-vous sur qui j’ai jeté les yeux ! Melle Henriette, qui était auprès de Pauline Périgord. C'est une excellente personne, et par mille considérations tout juste ce qu'il me faudrait. Je viens de lui faire proposer de venir vivre auprès de moi. Je la défraierai de tout. Je lui donnerai 1500 francs par an. Mad. deTalleyrand lui a écrit, mais je ne sais si elle mettra beaucoup de cœur à cette affaire Melle Henriette sait beaucoup ! Je viens donc de lui écrire moi-même je voudrais bien qu’elle acceptât. Quel confort ce serait pour moi ! Mais encore une fois malgré ce que Mad. de Talleyrand m'a promis, elle serait fort capable de tout faire pour l'en détourner.

2 heures. Dites-moi ce que vous pensez de cet Orient. A mes yeux la conduite du Cabinet de l’Occident est parfaitement embrouillée. Que voulez-vous ? Que veut l'Angleterre avec laquelle de ces deux cours M. de Metternich s'arrange-t-il ? Il est clair que nous ne nous arrangerons d'avance avec personne. Mais enfin qu’est-ce que tout ceci et qu’est-ce qui peut m'advenir ? Qu’est-ce que cet avis de mon fils, que mon séjour pourrait être dérangé pour l’hiver prochain ? Ah, cela par exemple, je ne vous le pardonnerais pas. Parlez-moi donc de tout cela. Tout ce qu'il y a de diplomates ici vient toujours me faire visite. Je suis un vieux diplomate aussi. En vérité je me trouve bien de l’exprimer pour toutes les choses qui ne me regardent pas, car pour celles qui me touchent je suis bien primitive n'est-ce pas ?

5 heures Je viens encore à vous pour vous remercier de votre 239. Je ne sais pas ce que je ferai. Probable ment quelque jours de Bade encore, et puis je crois Paris, mais tout cela dépendra de Lady Cowper, tout le monde me dit qu’elle arrive, il faudra bien qu'elle me le dise elle même, et puis nous nous arrangerons. Adieu. Adieu, Ah que l’automne sera long ! Vous ne me dites rien des affaires à propos Rotschild vient de m'écrire. Le premier est loué à un américain, & Jenisson ne pense pas encore à partir. Ainsi point de rue St Florentin. Demandez un peu ce que devient l’hôtel Crillon.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
23003_00258.jpg
217 Baden lundi le 15 juillet 1839, 2 heures

Le télégraphe nous a annoncé hier la condamnation de Barbès, et un peu de tumulte auprès de la Chambre des députés. Je suis impatiente de votre lettre tantôt ; ne vous occupez pas de me parler de ma santé parlez moi de la santé de Paris. Je suis un peu mieux aujourd'hui, et enfin j’ai pu écrire quelques lettres, car depuis assez de temps ce n’est qu’à vous que j’ai écrit. Cela me fatigue la tête. Le temps est à l'orage et j'en suis accablée. J’ai un peu dormi, et même j'ai un peu mangé, ce qui est bien nouveau.

9 heures
J’ai eu une longue visite d'un diplomate qui m’a montré les plus fraîches nouvelles de Constantinople du 28 juin. Le sultan n’avait plus que quelques jours à vivre. La guerre est engagée. J'ai lu tous les récits. Metternich compte sur des conférences. Moi j'en doute encore.

5 heures Voici votre lettre, vous me dites ce que je vous disais tout à l’heure. Je suis curieuse d’apprendre si Petersbourg voudra ce que veut le Prince Metternich vraiment, vraiment je suis mieux aujourd'hui vous savez que je vous dis toujours la vérité. Je regrette même de vous la dire trop ; car vous avez eu de tristes lettres. Tout mon mal vient de ce que j’ai écouté le médecin. Le lait d'ânesse m'a abîmé l'estomac, les bains m’ont affaiblie. Il ne me faut à moi jamais de remèdes. Mais ma vie réglée & l’esprit tranquille. Quand j’aurai cela j'irai mieux. Mais quand ? Voici un gros orage un temps bien lourd. Ecrivez-moi beaucoup, beaucoup. Qu’est-ce que dit Paris de la condamnation de Barbès ? Adieu. Adieu mille fois, adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
23003_00294.jpg
223 Baden le 22 Juillet lundi

Ah quel ennui que des lettres d’affaires surtout quand on les comprend aussi mal que moi. Je suis sûre que vous m'auriez bien mieux enseigné ce que j'avais à dire et à décider. Mais vous êtes trop loin, c’est trop volumineux et je n'ai eu la force ni les yeux pour des copies. Ces deux jours d'écriture m'ont abîmé la vue. Les orages se succèdent ici. Nous ne connaissons que cela. Personne n’arrive, et quelques personnes partent ainsi je vais perdre M. de Malzahen. Il est obligé par les ordres de Werther de retourner à Vienne pour prendre part à des conférences sur l'Orient qui n’auront pas lieu à ce que je crois à moins que ce ne soit strictement pour régler les affaires entre le Sultan et le Pacha, et le tout sans bruit, sans éclat.

Mardi 8 heures
Voici deux grands jours passés sans lettre. Cela m’attriste. J’espère qu'aujourd'hui j’en aurai M. Hummann est venu hier encore il quitte Baden demain. Je lui ai trouvé hier moins d’esprit. Il me faut beaucoup pour se soutenir auprès de moi. J'aime la société des gens qui me font faire de nouvelles découvertes mais je suis bientôt ennuyée quand toute la dépense s’est fait le premier jour. Et deux représentations de la même pièce c’est trop. Voilà ce qui fait que je suis si peu accusable, et que Baden m’est odieux. Je n’aime que la Terrasse à midi et demi ! c’est toujours nouveau, toujours charmant.

5 heures
J'ai eu une lettre de Mad. de Flahaut de Londres dans laquelle elle me mande que la Duchesse de Kent menace de quitter l'Angleterre. le Duc de Willegton s’emploie pour l’en empêcher, mais on doute qu'il réussisse. Je suppose que Conroy attend ici le dénouement. Mad. de Flahaut me dit aussi que Lady Cowper allait épouser Lord Palmerston. J’attends qu’elle me le dise elle-même.
Voici votre 222. Je ne sais si je vous ai dit en détail mes affaires, dans ce que j’ai écrit hier à mon frère j’ai accepté le projet de rente payée par mes fils sans hypothèques ; 21 000 francs. J'ai demandé qu'on m'envoie le tableau des capitaux et de l’époque où j’aurai à les toucher... De même où et par quelle main je toucherai le revenu des arendes, l’une pour 20 ans des 6000 fr ; l’autre pour 2 de 10 000. J’ai prié qu'on procède de suite au partage du mobilier. J'ai fait observer que la loi m'adjuge une part égale à celle de mes fils dans le mobilier en Courlande enfin je n’ai rien négligé en fait d’interrogations ou d’instructions, mais tout cela va tomber au milieu des fêtes, des départs, des manœuvres. Ce sera miracle si on y pense.
Je viens de voir deux diplomates le comte Buol qui est venu ici de Stuttgart pour passer quelque jours avec moi. Et M. Desbrown ministre d'Angleterre à La Haye. Il vient de Londres, il est plus Tory que Whig. Il croit que Peel va arriver ici. L'autre Buol a beaucoup d’Esprit, et d’indépendance dans l’esprit. Il me plaît beaucoup. Le Prince Emile de Hesse est arrivé ce matin, je ne l’ai pas vu encore. Je suis plus souffrante aujourd'hui que je ne l'avais été ces derniers jours. Le médecin me trouve le pouls bien nerveux. Je n’ai pas de raison à donner pour cela. Adieu. Adieu. Je suis impatiente de votre prochaine lettre, et ce sera toujours ainsi. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
23003_00225.jpg
212 Baden le 10 juillet 1839 9 heures

La mort de cette pauvre Lady Flora Hastings me parait un bien mauvais événement. Si vous causez avec Pozzo demandez lui ce qu'il pense de l’impression que cela fera sur l'opinion. En général Pozzo doit être curieux à questionner et à entendre. Je regrette de ne pas le voir. Vous me faites plaisir en m’annonçant Zéa. Mais il est bien sourd et je suis bien faible.
J'entends beaucoup dire que Bade est bien mauvais pour les personnes qui souffrent des nerfs, et maintenant je me souviens que je l'ai éprouvé moi-même les deux fois que j’y suis venue. Vous m’avez dit et même écrit je crois, que j'oubliais trop facilement tout ; vous avez raison, non pas pour tout, mais pour la plupart des choses qui me touchent. Je ne profite pas de l’expérience, il faut convenir que l’affaire de Bade est une pauvre bêtise de ma part, maintenant dites-moi où il faut que j’aille ! Et voyez un peu tous les inconvénients matériels et moraux qu'il y a pour moi à un déplacement. Je vous assure que j'en suis toute consternée et surement il faut prendre un parti car tous les jours je suis plus mal, & c’est visible. M. de Bacourt va prendre des renseignements sur M. Buss et vous les aurez dans peu de jours. Tout ce qu’il en sait c’est qu’il est professeur de l’université de Fribourg.
D’après les dernières nouvelles de Vienne, l’état du Sultan est désespéré ; cela va faire une grosse complication. Je vous remercie de vous promener aux Champs Elysées en pensant à moi. Je me trouve un si pitoyable objet que j’ai peine à comprendre qu'on y pense. Mon Dieu que je suis découragée ! Voilà le médecin qui sort de chez moi, et qui me conseille d’aller chercher les bains de mer. Mon pouls l'inquiète et il veut je crois se débarrasser d'un malade compromettant. Mais avec qui aller, où aller ?

5 heures
J’ai vu une lettre de Vienne dans laquelle il est dit que le Cabinet est consterné de la nouvelle de Constantinople. Le Prince de Metternich se flatte d’établir une conférence à Vienne sur les affaires de l’Orient. J"en serais fort étonnée. Voici votre lettre. Que vous êtes bon de m’écrire si assidûment que vous me faites plaisir. Je n'ai plus que ce plaisir. Je n’attends que cela, je n’aime que cela. Adieu dans ce moment je me sens un peu mieux. Vous voyez que j'ai hâte de vous le dire. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
23003_00317.jpg
225. Baden Vendredi 26 juillet 1839 9 heures

J’ai eu une fort mauvaise nuit au fond je ne crois pas qu’il m'arrive de jamais bien dormir ou bien manger à Baden. Je ne sais pas pourquoi j’y reste et j ne sais comment je ferai pour en partir si ma faiblesse augmente. Ensuite l'ennui, la crainte de voyager seule. Car c’est à présent que je vais être bien seule, pas même Marie. Je n’ai aucun projet quelconque ; j’attends. Je vois couler le temps. Je n'ai jamais été si indécise, si flottante qu'aujourd'hui. La seule chose fixe est Paris plutôt ou plus tard c.a. d. Septembre ou Novembre et plutôt le premier.
J’ai trouvé un mot dans votre avant dernière lettre qui m’a fait battre le cœur. Vous avez songé à venir à Baden ! Un seul instant cette idée ou ce désir vous est venu. Et moi je me suis dit. S'il venait, s'il pouvait venir, pourquoi ne pourrait-il pas venir ? Pendant quelques jours je revenais à cela sans cesse. C’est peut être dans le même temps que vous y rêviez aussi. Rêve, rêve, rien que rêve pour tout ce qui est bonheur !
Je suis fâchée de vous avoir remis vos lettres. Il y en a que j'aimerais tant à relire. Celles où vous me parlez de votre foi en Dieu ; de votre foi à l'éternité. Celles où vous me dites que je reverrai ce que j’ai tant aimé ! Ah comme j'y pense, quelle douceur de penser à cela d’y croire. Dites-moi bien d’y croire.
Il a plu hier tout le jour. Cela ne m’a pas empêchée de faire ma promenade. M. de Malzahn est encore venu trois fois prendre congé de moi, j’ai cru que cela irait jusqu'à l’année prochaine. Enfin il est bien parti. C’est dommage, je pouvais causer avec lui.

2 heures
Le médecin a voulu absolument que je recommençasse des bains ; je m’y prête encore plutôt par ennui que par conviction des bains presque froids, ils me plaisent comme sensation, mais nous verrons s'ils me conviennent.

5 heures
Merci de votre lettre 225. Je la reçois dans cet instant. Je viens d'en recevoir une aussi de Pahlen l’ambassadeur. Mon frère lui a dit que j’aurais 90 milles francs de rente avec ce que j'ai d'abord il ne sait pas ce que j’ai et je voudrais bien voir comment il arrivera à cette somme. Savez-vous ce qu’est mon frère, un peu hâbleur. Est-ce un mot dont on ne sert ? et puis c'est un homme qui se débarrasse des questions en brodant. C’est égal. Ce n'est pas ce qu’il a dit à Pahlen mais ce sera ce que moi je vous ai dit 75 mille. Adieu. Adieu.
Je vais à ma promenade du soir. Je vous remercie de vos lettres, elles me font tant de plaisir. Vous voyez que les nouvelles de l’Orient sont plus tôt sues à Baden que chez vous. On a tiré le canon, illuminé à Alexandrie. On dit que Méhémet Ali demande la régence.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
23003_00327.jpg
226 Baden le 27 juillet 1839 9 heures

Je vous écris après une laide et triste promenade car il pleut ; et avant mon bain qui ne sera pas agréable non plus. Le médecin veut que je poursuive. J'obéirai encore jusqu'à ce que cela me rende malade. J’ai écrit à M. Démion et je viens d'écrire à M. de Pogenpohl au sujet de l’appartement qu'occupe le capitaine Jennisson. C'est sans contredit ce qui me conviendrait le mieux. Mais il faut savoir d’abord, s'il part ; et puis si ce n’est pas trop cher. Je ne veux pas donner au delà de 10 mille francs. Mes causeries politiques ont cessé depuis le départ de M. de Malzahn mais les journaux allemands me tiennent assez au courant de ce qui se passe, et le ministre de ce pays-ci M. de Blittersdorff vient me montrer les rapports qu'on lui fait de Vienne. Il a à Vienne un agent fort intelligent que je connais depuis bien longtemps le général Fittenborn partisan dans notre armée l’année 12 et les suivantes.
Le 10 on se flattait à Constantinople que l’armée Turque pourrait s'y rallier et empêcher les progrès d'Ibrahim. Mais on y savait la trahison patente du Capitan Pacha qui avait rallié la flotte égyptienne à Rhodes. Voilà le fait grave 5 heures. Il a plu toute la matinée et depuis mon bain j'ai eu une succession de visites.
Voici votre lettre. Vous me paraissez croire qu'Ibrahim, et le Capitan Pacha vont remuer le monde, c’est possible Mais je crois que la diplomatie fera les derniers efforts pour empêcher cela. Votre cabinet est bien faible pour une semblable crise. Ou pour agir s'il faut agir ! Nous saurons bientôt ce que va devenir l’Empire ottoman. Adieu. Adieu, vos lettres courtes ou longues me font toujours un grand plaisir, mon seul plaisir. Il y a quinze jours que je n’ai rien reçu de mon fils Alexandre. Je l’avais prié de me dire comment se porte Paul rien que cela, est-ce peut être là ce qui l’empêche de me répondre ? Adieu. Adieu mille fois.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
23003_00199.jpg
209 Bade Samedi 6 juillet 1839 1 heure

J’ai lu et relu votre discours. Relu surtout le passage sur l’Empereur dans l’intention de bien me rendre compte de l’effet qu'il peut produire chez nous. Le personnage principal ne peut pas en méconnaître la vérité, mais elle ne lui plaira pas. Ceux qui après lui comprennent seront contents. Moi je suis très contente de tout votre discours et soyez sûr que je suis difficile. J’ai voulu commencer ma lettre par vous dire cela.
J'ai mal dormi, mes forces m’ont manqué pour la promenade du matin, j’ai pris mon bain de houblon quelle idée ! J’ai dormi depuis il me semble que je suis un peu mieux que ce matin. Vous voyez que je vous dis minutieusement tout. Le temps redevient beau mais je crains que cela ne dure pas.

5 heures
Votre lettre m’attriste, j'y répondrai demain. Je vaux mieux que je ne parais. Je vous aime plus, mille fois plus que vous le pensez. Si vous pouviez voir tout ce qu’il y a dans mon cœur ! Mais on ne voit jamais la dedans. Ah mon Dieu que vous aimeriez y regarder. A présent dans ce moment. Et ce moment, et sera toujours. Adieu. Je ne me sens pas bien, je ne puis pas continuer. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
23003_00350.jpg
229 Baden jeudi le 1er août 1839

Vous m'avez écrit une lettre des plus intéressantes par les nouvelles que vous me donnez. Si ce que vous me dites sur l'Orient se confirme, si Méhémet Ali va non pas régner, mais gouverner à Constantinople ce sera certainement le dévouement le plus inattendu, le moins désiré par nous, qu'il soit possible de concevoir. Et si c’est M. de Metternich qui a tramé cela et sera son coup le plus habile. Mais je ne crois pas encore. Comment Méhémet irait-il se livrer, livrer sa tête à moins. d’être maître absolu du terrain, ce qu’il ne peut pas être. Tout cela est fort curieux à observer. Et j'en suis fort curieuse. Le projet électoral de la gauche me semble bien démocratique ! Je vous remercie beaucoup de toutes ces notions. Les premières surtout m’intéressent au plus haut degré. Continuez car aujourd’hui que j’ai perdu M. de Malzahn je suis peu informée à moins ce que vous me donnerez.
Ma nièce Meschersky est arrivée pour passer quelques jours avec moi. Il y a d’autres personnes venues aussi mais rien qui me plaise ou me convienne. En Anglais de peines de ménage bien frivoles. La petite Madame Wellesley se retire beaucoup de cela vu les journaux j'y gagne, car je le vois davantage et elle est gentille.

4 heures. Je vous envoie copie d’une partie de la lettre que j'ai reçu hier de notre consul général à Londres, auquel j'avais simplement demandé d’apprendre l’exact montant du capital. Cette réponse m'a beaucoup surprise. Je lui ai écrit de suite pour lui dire que je doutais beau coup que la loi anglaise pût s'appliquer dans ce cas ci à une étrangère et que je ne ferais aucune démarche jusqu’à ce que j'ai acquis la certitude la plus complète que je me trouve sous la régie de cette loi. Qu’en pensez-vous ? Cela me parait bien singulier ! Quelles seraient vos lois en France dans un cas pareil ? Imaginez que j'ai encore eu toute une matinée de notaires. Le premier plein pouvoir n’était pas suffisant ( celui d'avant hier) il a fallu tout recommencer. Je suis excédée de ces affaires. Que j'aime à vous entendre dire que vous êtes seul. Quel égoïsme ! mais cette affection est si égoïste. Il n'y en a qu’une qui ne le soit pas. Mes enfants ! J'étais heureuse de leur bonheur quand même il ne leur venait pas de moi. Mais vous, je veux qu’il vous manque quelque chose, et beaucoup. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
23003_00192.jpg
208 Bade le 5 juillet vendredi 1839, 8 heures

Je cherche ce que j’ai à vous conter. Il a gelé cette nuit positivement gelé. Ce matin il y a un beau magnifique soleil du mois de janvier voilà le beau pays que je suis venu chercher ! Personne ne se baigne, personne ne boit, tout est suspendu. J’ai mal dormi, j'ai eu chaud, j'ai eu froid. Cela fait une intéressante 2 lettre n'est-ce pas ? Que je voudrais voir ces deux mois écoulés, car enfin je me crois obligée de rester puisque j’ai dit que je resterai, et je suis cependant que ceci ne convient pas à ma santé. Les bains de mer me feraient du bien, ils m’en ont toujours fait, mais où les chercher ? Ah s je n’étais pas seule, tout serait facile. Mais seule, seule, voilà ma vraie maladie. J’attends avec impatience votre discours. Je n’ai pas lu encore la séance de lundi.

1 heures
Je viens de lire. M. de la Lamartine a dû être très brillant. M. Villemain a eu un grand mérite à savoir si bien lui répondra. Je suis curieuse de la suite du Débat. Il n’en ressortira cependant rien de pratique. Cela est évident. C'est une question sur laquelle on peut parler, mais on ne peut pas faire. Personne ne veut faire. le médecin n’est pas content de moi, et je le suis très peu de lui. Il va changer les bains. Demain on y mettra du houblon au lieu d’aromates et toujours du sel. Tout cela sont des bêtises, rien ne me fera du bien. Dites-moi si je dois continuer à faire la volonté du médecin. J'ai bien envie de ne plus rien faire. Mon pouls est fort affaibli. Vous voulez la vérité et je vous la dis. Mad. de Talleyrand me conseille de partir. Elle a bien raison. Ma vue seule est de l'ennui pour tout le monde.

5 heures
Voici le N°206. C'est le premier c’est le seul bon moment de ma triste journée. Je vous remercie de me le donner. Je serai bien avide de lire votre discours demain matin ; ce n’est que le matin qu'on me l'apporte. Adieu. Adieu mille tendres adieux.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
23003_00366.jpg
231. Baden Samedi le 3 août 1839

Il me semble que vos nouvelles d’Orient ne se confirment pas. Je voudrais bien savoir le vrai de l’affaire du Capitaine Pacha. Dites-moi ce que vous saurez, mais il faut que cela vienne de source. Nous avons envoyé un complémentaire au nouveau Sultan, un comte Rzvonsky, que je connais beaucoup. Je le faisais venir le soir chez moi quand j'habitais Czarkoislo il me divertissait en débitant bien des mensonges, des contes de revenants surtout. Il pourra rapporter bien des contes sur l'Orient. Ibrahim poursuit ses triomphes. Des lettres de Constantinople du 20 annoncent sa marche sur Koniah, que va faire le divan ? à qui demandera-t-il secours ? Voici que la confusion commence. un courrier arrivé à Darmstadt porte le consentement de l’Empereur au mariage. On y enverra une ambassade pour la demande formelle. On continue en Allemagne à exprimer le plus grand étonnement de ce choix.
La princesse Meschersky va rester à Bade, j'en suis bien aise ; c’est une ressource lorsqu'il n’y a pas mieux.

5 heures.
Quelle lettre que ce N°230 et combien de fois je vais la relire ! Que je vous en remercie ! Je viens de recevoir une lettre de Bulner de Paris, il me dit que Khosrew Pacha le présent grand vizir est le seul homme habile et ferme en Turquie, qu’il est fort dévoué à la famille du Sultan mais qu'il pourrait bien la vendre aussi si on le payait cher. Méhémet Ali demande le renvoi du grand Vizir et l'hérédité de son gouvernement en Syrie, Egypte et ce troisième nom indéchiffrable. Bulwer croit à la nomination de l'Égyptien. Il connait bien tout cela il y a été longtemps. Le Sultan actuel is devoted to the ladies, a black dwarf and 2 monkeys. The Dwarf being the prime favorite.
Bulwer a écrit à Paul mais il n'a pas eu de réponse, et craint qu’il n’en aura pas. Vous dirai-je ce que je pense ? Si notre consul à Londres a raison, Paul en reviendra, et ce n’est que pour cela que j’aurai quelque plaisir a est accroissement inattendu de fortune. Au reste je n'y compte pas du tout et je fais tous mes calculs sur les lois russes. Il faut que je voie moi-même l'hôtel de la rue Bellechasse. Si je ne me trompe il est rebâti à neuf on n’y a pas habité encore, il y aurait du danger peut-être, je serai à Paris au commencement de septembre au plus tard et je choisirai. J’ai écrit pour l'appartement de Jennison. Je n’ai pas de réponse Adieu. Adieu, bien tendrement.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
23003_00171.jpg
206 Baden lundi 1er juillet 1849, à 2 heures

Le temps est vraiment atroce. 8 degrés seulement. Le médecin ordonne à tout le monde de discontinuer les bains. Il pleut des torrents, on ne peut pas bouger ; c'est affreux ceci par un temps pareil. J’attends votre lettre tantôt. C'est la seule chose que j’attends que je désire surtout à Baden.
Vous voyez qu'on ne se presse pas de m’informer de mes affaires. Je n'ai pas d’idée comment elles vont, si elles vont. Je pense qu’il n’y aura que les lettres de Mad. de Nesselrode à son mari qui les fera aller parce qu'elle aura écrit très énergiquement qu'il faut en tirer de l’incertitude où je languis depuis si longtemps. J'ai beau m'en plaindre moi-même cela me touche pas trop ; mais le témoignage d’un turc aura du poids. Voilà comme nous sommes faits ! Un nouvel incident nous donne de l'espoir ; nous croyons si aisément ; je devrais cependant être désabusée.

Mardi 2. à 8 heures du matin Je reçois dans ce moment trois lettres de Pétersbourg. L’une de mon frère ne me parlant que de fêtes- approuvant fort ma réponse au grand duc ! me disant que Paul s’occupe de mes affaires. Voilà tout. L’autre de mon fils Alexandre qui m'annonce prochainement des voyages dans leur terre de Courlande et de Russie, ce qui fait qu’il ne viendra pas me rejoindre à Baden. La troisième de Matonchewitz. Il venait de recevoir ma grande lettre. Il en est très surpris, très peiné, et affirme que s’il n’avait pas été instruit par moi de ces tristes affaires, jamais il ne les eut soupçonnées rien dans la conduite ou le langage de Paul en laissant plus à cette idée. Dans tout cela vous voyez que mes affaires d’intérêts n'ont pas fait un pas. Et il me parait assez probable que rien ne se fera avant le voyage de mes fils, c.-a.-d. que je suis renvoyée à l'automne ou l’hiver.
Après vous avoir parlé de ce qui me tracasse, j’en viens à ce qui me plait. Votre N° 203, dont je vous remercie beaucoup. Vous me dites un peu plus de détails sur vous c’est ce que j’aime. Quand je les recevrai tous les jours je serai contente.
J’ai vu les dépêches de Constantinople du 12 juin adressées à Vienne. Elles laissent fort peu d’espoir de conserver la paix. Le manifeste contre le Pacha d’Egypte devait paraître le lendemain. Le Sultan est très malade ; il est attaqué de la poitrine, il ne peut pas durer. La Hongrie donne du souci au Cabinet de Vienne. Il aura là bien de l'embarras.
Le temps est si laid qu'au lieu de promenade on est venu chez moi hier. J’y ai eu longtemps Mad. de Nesselrode Mad. de Talleyrand et le comte Maltzan Ministre de Prusse à Vienne. Il a un peu d'esprit, une préoccupation continuelle des affaires. Et il est très bien informé de tout ce qui ce passe malgré son absence de son poste. Cela me sera une ressource.

2 heures
Je viens de recevoir des lettres de Londres. Bulner m'annonce sa nomination à Paris. Il venait d'écrire à Paul une lettre qu’il croit bonne, il me rendra compte des résultat. Ellice m'écrit aussi ; l’un et l’autre disent que battus ou battant les Ministres resteront. Il n’est pas possible de songer à un changement. La Reine est devenue Whig enragé. Les Torys c.a.d. Wellington & Peel seraient désolés d'une crise, ainsi il y n’y a aucune apparence quelconque qu’elle arrive. Lady Flora Hastings est mourante. Cela fait un très mauvais effet.

5 heures
J’ai vu ce matin chez moi, Mesdames Nesselrode, Talleyran, Albufera, la Redote. J'ai marché par un bien vilain temps. Je viens de faire mon triste dîner toute seule. Voilà un sot bulletin. Adieu, Adieu, tout ce que vous me dites m'intéresse. Je suis avide de toutes les nouvelles et avide surtout de vous. Ne trouvez-vous pas qu’il y a bien bien longtemps que nous sommes séparés, que c’est bien triste ? Ah mon Dieu que c’est triste ! Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
23003_00405.jpg
236 Baden Jeudi le 8 août 1839

Vous n’aurez qu’un mot aujourd’hui. Je suis encore pressée d'écritures. Le Prince Meschersky part demain soir pour Pétersbourg. Je le charge de beaucoup. de choses pour mon frère, pour mon banquier, pour Alexandre. Il peut encore m'être d’une grande utilité dans mes affaires si elles ne sont pas irrévocablement conclues. Vous ne sauriez concevoir tout ce qui peut encore se présenter de confusion d'ici à peu de semaines. Que n’êtes-vous là pour me conseiller ! Je cause beaucoup avec le Prince Guillaume, et sur toutes choses, excepté ma personne dont je ne parle pas. Nous nous trouvons d’accord surtout, dans ces cas-là vous savez qu'on trouve toujours du mérite à la personne avec qui on parle ! C’est drôle, mais nous sommes tous plein de vanité. On dit qu'il y a un tas de Polonais fort, remuant ici. Le Prince Jérôme de Montfort qui est un sot à de mauvaises histoires aussi. On a découvert une certaine lettre adressée à lui par quelques français mécontents. J’espère que ce pauvre petit sot ne va pas faire une seconde édition de Strasbourg.
J’ai vu une lettre de Vienne aujourd'hui qui dit que le Prince Metternich est extrêmement troublé des affaires d’Orient. Il y a des courriers quotidiens presque, entre Vienne & Londres. La déclaration de Méhémet Ali à la Turquie est bien insolemment respectueux. Cet homme doit avoir beaucoup d’esprit. " Je maintiendrai, et j’attendrai " !

5 heures Votre n° 235 est triste, triste pour moi, contre moi ; je ne sais mais il m’afflige, il y a même un mot en seul mot qui me blesse. Je suis bien inquiète, car je suis sûre que je vous ai dit souvent plus que cela, & vous m’avez pardonné. Pardonnez, pardonnez toujours, pardonnez tout, car je suis faible et malheureuse. Je n'ai que vous pour me soutenir. Soutenez-moi et pardonnez-moi tout. Ah si je pouvais vous voir ! Que de fois je profère ce stérile vœu. Adieu. L’Empereur reste à Pétersbourg. Les journaux disent des bêtises. Il ira à la revue de 160 000 hommes à Borodino voilà tout. Il y dépensera 20 millions en fêtes et tuera quelques chevaux de poste en courant. Adieu. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
23003_00412.jpg
237 Baden le 9 août 1839 5 heures

J’ai passé ma matinée en écritures. Je leur ai même sacrifié mon sommeil de midi et ce n’est que dans ce moment-ci que je pense venir à vous. Montront m'a fait la désagréable surprise de partir ce matin. Il s’est fort ennuyé à Bade. Il dit que moi j’y faire des parties de dormir, que Mad. de Talleyrand qui a un très bon cuisinier s'enferme avec lui à double tour, qu'on mange horriblement ici, que pour voir les gens il faut se lever à 6 heures du matin, tandis que c'est alors ordinairement qu'on les quitte, qu’il y a trop de Princes, et puis qu’on lui vole son argent dans sa poche. C'est vrai, hier en plein salon on y a pris 16 Louis. Tout cela ensemble fait qu'il s'en est allé, il dit qu’il trouvera bien plus de connaissances au café de paris.
L’Autriche et la Prusse donnent raison au roi de Hanovre et lui accordent de retourner à la constitution de l'année 1819. La Diète va aller aux voix, et la majorité pour lui. Les états constitutionnels voteront contre. La lettre de M. St Marc Girardin dans le Journal du Débats du 6 est très bien faite. Je cause beaucoup avec le Prince Guillaume, et il me plait toujours davantage, des lettres de Constantinople du 23 juillet disent que les restes de l’armée Turque se sont débandés. Il n’y a plus de troupes dans l’Empire ottoman que 3 régiments à Constantinople !
Voici votre N°236. Je vous remercie de vos observations sur le Capital. Il me semble que mes interrogations à Bulkhausen sont si précises qui je ne puis pas m’être compromise. Voici la copie, dites-moi si je dois l'envoyer à mon frère. Il est clair que s'il n’y a que moi qui peux lever le Capital, qu'il m’appartient en entier ou qu’il ne m’en revient que le quart l’opération est toujours la même. Adieu. Adieu.
Formats de sortie

atom, dcmes-xml, json, omeka-xml, rss2