Guizot épistolier

François Guizot épistolier :
Les correspondances académiques, politiques et diplomatiques d’un acteur du XIXe siècle


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Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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35 Schlangenbad jeudi 21 juillet  1853

D'abord ma santé. Elle est comme vous l'avez vue. Ems m'a laissée comme j'étais. Attendons Schlangenbad.
J'ai eu deux longues lettres de C. Greville la dernière du 18. On avait reçu à Pétersbourg, les propositions de la France, et nous en étions contents. On voulait seulement encore l’aboucher avec l’Autriche, mais cela était fait et convenu avec elle entre temps. La proposition anglaise qu'on dit meilleure encore pour nous aura par conséquent été mieux reçu encore. Les projets pleuvent de tous les côtés. La paix ne peut pas manquer de sortir de tout cela. La réponse de Drouin de Lhuys arrivera après coup et ne dérangera rien. Voilà le point de vue de Londres et je le crois exact. Je trouve cette réponse très bien faite, on ne pouvait pas se dispenser de la faire.
Le roi de [Wurtemberg] m’a fait encore hier une longue visite, trop longue, car même avec beaucoup d’esprit Il ne faut pas me tenir trop longtemps. Je ne puis pas le renvoyer comme un autre et voilà que les impolies angoisses me gagnent. Il y a perdu son dîner et moi ma promenade. Nous arrangerons cela mieux à l'avenir. Il sait beaucoup de choses & moi je lui en apprends quelque unes. Le 22 Constantin m’est arrivé hier inopinément. Il a déserté pour deux jours. Les nouvelles sont bonnes. On va à la paix seulement cette avalanche de projets fait de l'embarras. Il faudra donner la préférence à l’un d’entre eux. Votre Empereur est très bien, tout le monde se loue de lui, Cowley aussi bien que Kisseleff. Menchikoff reste à Sébastopol chef apparent de l’armée de mer & de terre, mais au fond en disgrâce. Il voulait renverser Nesselrode. Beaucoup de petites nouvelles curieuses. Le Prince Emile de Darmstadt est venu de Wisbade hier pour me voir. Toujours charmant le plus charmant Prince que je connaisse.
Adieu. Adieu. Je me baigne tous les jours, malgré ce mauvais temps.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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39. Bruxelles Mardi 25 avril 1854

Le duc de Noailles me raconte et m'amuse, mais une lettre de Marion m’amuse bien d'avantage. Elle est impayable. Elle a vu tout le monde. L’Empereur deux fois, le soir, le matin. Persigny, Fould, causé avec tous, la tête tonsurée, c'est-à-dire là où elle était, anti russe. Alliance française. Drôle, gaie. Ah que cette fille est charmante ! La comtesse Colloredo passe ici deux jours. Elle me dit qu’on est toujours échauffé à Londres.
32 fils aînés de Paris sont partis pour la guerre. Guerre élégante à la mode. Ils sont exaltés l’orient, les contes de fées. Ils seront bientôt déprimés. On écrit de Paris que Morny se marie. Une Delle de Boutteville légitimiste. Pas possible n’est-ce pas ? Le duc de Noailles a votre appartement. Il déjeune et dîne comme vous, à votre place. Distraction, & chagrin. Il reste jusqu’à vendredi. On m’interrompt. Adieu. Adieu.
Le rappel définitif de Brunsen fait un grand événement. Sacrifié à la Russie.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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40. Schlangenbad le 1 août Lundi 1853

J'ai enfin reçu une longue lettre de Meyendorff. Je la ferai copier par Marion pour vous l'envoyer. Le dernier mot du 29 est que les Turcs trainent en dépit des conseils de tout le monde et que cela peut durer encore par leur fait, car aujourd’hui tout le monde y va de bon cœur. Le sultan se grise.
Il y a ici la Princesse Charles de Prusse et sa fille. La mère & la fille belles, mais bêtes à un degré étonnant c' est à qui en évitera. Vous comprenez que j’en suis là aussi, et à faire des impertinences. Le roi de Wurtemberg est toujours aimable et assidu. Changarnier part demain je crois, car Mad. [Rotschild] part. Je répète qu'il est très convenable et que moi au moins, je n’ai pas entendu une parole aigre ou amère. Il se croit à Malines pour longtemps. Je vous avoue qu'il ne m’amuse pas. Il parle trop de lui, et il n’est pas naturel. Marion qui le voit beaucoup dit qu'il est beaucoup plus agréable hors de ma présence. Mais elle aussi n’a pas relevé un mot qui ne peut être dit à Paris sur la place publique. C’est un parti pris, ou bien vraie conviction.
Le temps est atroce, parfaitement froid, j’ai repris toute ma toilette d’hiver je me baigne malgré cela. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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41 Bruxelles jeudi 27 avril

Morny est réparti pour Paris ce matin. Hier j’ai envoyé le duc de Noailles dîner chez un grand ennuyeux le duc de Beaufort son neveu et toute la journée j’ai possédé Morny hors le moment où il a été à Lacken chez le roi. Il a rencontré chez moi tout le monde. Lord Howard, Brunnow, l'Autrichien, Chreptovitch Brockhausen, Les Belges Brockers, Van Praet, Lebeau, tous hors Kisseleff qu’on dit très embarrassé. J'ai été extrêmement content du langage de Morny, et de tout ce qu’il m’a dit de son Empereur. D’abord je me vante qu'il m’a fait porter des paroles gracieuses de sa part. Toujours désireux de la paix, et si elle s'offre convenable bien décidé à poser sur l'[Angleterre] au reste si elle n'était trop obstinée on n’est engagé à rien, c’est très remarquable. Dans la convention d’alliance très content des allemands dans tout les cas on ne s’attend à aucun concours actif, mais dans tous les cas le concours moral donne une grande force à la France pour accepter la paix quand elle sera possible.
Andral a répondu pour se récuser. Il faut encore les avis du Médecin qui traite ; il n’a pas le droit de juger de loin. C’est donc fini, elle va à Spa. Vous concevez comme cela me désole ! Ma nièce Demidoff écrit d'Odessa en date du 17. Quelques bateaux à vapeur croisaient devant le port. Mais il ne s’était rien passé. Voilà qui détruit la destruction d'Odessa le 14.
J'ai eu de curieuses lettres de Londres. Lord Palmerston très bien très tendre, et pacifique. Agréable. toujours la guerre populaire sachant qu’elle ne l’est pas en France.
C. [Greville] me dit ici d'Aberdeen : charmé de notre déclaration, modéré et pacifique. Et si l’Empereur faisait des propositions tant soit peu acceptables " They might send me to the Tower but nothing on earth would prevent me from accepting peace. " On sait fort bien en Angleterre que les Français détestent la guerre & que l’Empereur serait enchanté de la voir finir. Marion a eu une longue conversation avec Persigny. Excellent langage. La France ne veut rien, ne prendra rien, elle veut l’estime de l’Europe. Elle y a déjà fait beaucoup de chemin, elle en fera encore et forcera tout le monde à la respecter et l'honorer. Marion a proposé la Savoie et le Rhin, il l’a envoyé promener en répétant rien rien rien que l’estime des honnêtes gens. Toutes ces lettres vous plairaient fort. J’emploie ce matin le duc de Noailles, M. Grote & Hélène a me faire des copies. Tout cela établi dans mes deux petites chambres. C’est comme une scène de Comédie et moi vous écrivant au milieu de cela. Morny a été charmant et vraiment sa visite ici a fait un extrême plaisir.
Il n'y a pas un mot de vrai à la nouvelle de son mariage. Il n’y a pas moyen de continuer Adieu. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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43. Schlangenbad le 6 août 1853
Je vous envoie copie de deux lettres. Tout cela a très mauvais air, & la réponse de Clarendon à la chambre haute complète et compliquée. Je ne vois plus le moyen d'éviter la guerre et je reste plus triste que jamais. Le roi de Wurtemberg vient sans cesse causer avec moi, il s’étonne et s’afflige car on ne voit pas le bout. Ce serait une grande surprise, aujourd’hui de voir l’affaire s’arranger. Je crains que nous ne voyions pas cela.
Ma santé me tracasse, rien de mieux et presque du pire. Je suis cependant si docile. Tous les Croy sont partis ce matin, c’est une petite très petite diminution pour mon salon, car ils n'ont point d’esprit. Je garde deux hommes de la suite de roi de [Wurtemberg]. Et le comte de Brie Belge qui a cloué les princes & qui est très agréable. Jeune et de bonne mine. Ma nièce reste toujours avec moi. Madame Oudinoff est ici. La Princesse Charles de Prusse est la plus ennuyeuse des femmes, Dieu merci elle ne vient pas. Elle avait voulu le faire mais elle a compris que le deuil de son père devait la retenir chez elle. Je n'ai rien à vous dire du tout qu’adieu.
Les lettres de Meyendorff sont pour vous seul.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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43 Val Richer, Samedi 6 Août 1853

Merci de la lettre de M. de [Meyendorff] qui m’a beaucoup intéressée. Je suis charmé que les miennes l’intéressent un peu. J’aimerais bien mieux causer avec lui. Je lui dirais que je n'ai jamais pensé à un protectorat collectif des Chrétiens en Turquie. J'en sais, comme lui, l'impossibilité pratique. Ce qui me paraissait praticable, c'était que votre Empereur, puisque on regardait un engagement de la Porte envers lui comme attentatoire à l’indépendance Ottomane, proposât lui-même que la Porte prit le même engagement, non plus envers lui seul, mais envers toutes les Puissances Chrétiennes, laissant chacune de ces Puissances protéger ensuite, pour son compte, ses propres dieux Chrétiens, l’une les Grecs, l'autre les Catholiques, l'autre les Protestants &
Mon idée n'était qu’un expédient pour sortir de la difficulté du moment par une porte qui ne fût plus seulement Grecque et Russe, mais Chrétienne et Européenne, qui fût par conséquent plus grande pour votre Empereur et unobjectionable pour les autres. Ce sont les situations prises qui décident. des affaires je voyais là une bonne situation à prendre, bonne pour la dignité et pour la solution. Voilà tout. Cela ne signifie plus rien aujourd’hui. Le sultan a beau se griser et traîner. L'affaire finira bientôt puisque tout le monde veut, qu'elle finisse. Les embarras ne sont des périls que lorsqu’il y a des puissants qui veulent en faire des périls.
Vous ne lisez probablement pas les récits de la révolution de Chine. S'ils sont vrais il y aura bientôt là, pour l'Europe, de nouveaux Chrétiens à protéger. Seront-ils Grecs, Catholiques ou Protestants ? Je crois que vous avez une mission religieuse à Pettiny. Du reste, ces Chrétiens chinois, orthodoxes ou non, me paraissent en train de se bien protéger eux-mêmes. Convaincu, comme je le suis, que le monde entier est destiné à devenir Chrétien, je serais bien aise de lui voir faire, de mon vivant, ce grand pas.
Avez-vous des nouvelles de la grande Duchesse Marie ? Le voyage de la grande Duchesse Olga en Angleterre est-il déterminé par la santé de sa sœur ? Dieu veuille épargner à votre Empereur cette affreuse épreuve ! Il m’arrive le contraire de ce qui arrive, dit-on, ordinairement ; je deviens en vieillissant, plus sympathique pour les douleurs des autres ; mes propres souvenirs me font trembler pour eux comme pour moi-même.
Je voudrais vous envoyer un peu du beau temps que nous avons depuis quelques jours ; très beau, mais pas chaud. C'est le vent du Nord avec le soleil. Nous n'aurons décidément point d'été. Vous ne me dites rien de l'effet de vos bains ; mais à en juger par l’air de votre silence, Schlangenbad vaut mieux qu'Ems.
Changarnier parle en effet trop de lui. Mais quand vous n'avez rien à faire des gens, vous ne savez pas assez les prendre par le bon côté, et mettre à profit ce qu’ils ont tout en voyant ce qui leur manque. Vous vous ennuyez trop de l'imperfection dès qu’elle ne vous est bonne à rien.
Adieu, adieu. Je ne fermerai ma lettre que quand mon facteur sera venu ; mais il ne m’apportera probablement rien à y ajouter. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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44. Bruxelles le 29 avril dimanche 1854

Le duc de Noailles est parti ce matin. Vous le verrez sûrement dans la journée. Dites lui ma grande reconnaissance, mon grand chagrin, mon grand ennui. Cette semaine a été bien remplie et bien agréablement. J'ai encore eu une lettre de [Greville]. Très curieux de ce qui se fait entre Vienne & Berlin, n'en sachant pas le premier mot. Espérant bien que le bombardement d'Odessa n’est pas vrai." A sheer barbarity, without any sort of use."
Je n'ai rien à vous dire de nouveau depuis hier soir. J'écris beaucoup, cela fatigue mes yeux. Ce sera bien pire quand je n’aurai plus Hélène pour venir à mon aide. Ah qu'Andral aurait pu faire une autre réponse ! C'était si simple, répéter ce qu'il avait prescrit, peut être est il blessé de ce qu'on ne s'en soit pas tenu à cela. Si c'était vrai ce serait bien bon à dire, et peut-être à défaire encore le mal. Adieu. Vous voyez ma préoccupation de cette affreuse perspective d'isolement. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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44 Schlangenbad le 7 août 1853

J'ai oublié de vous dire que j’ai donné à lire au roi de Wurtemberg trois de vos lettres qui traitent de la question d’Orient c.a.d. de nos circulaires. Il en a été ravi, il me les a renvoyées avec un billet que je vous montrerai. A propos ses plus intimes ici nient qu'ils aient jamais vu la face de Klingworth (belle face) Il vient ici sans cesse chez le roi.
2 heures. Le roi vient de recevoir une dépêche télégraphique en annonçant qu’à Pétersbourg le projet d'ultimatum à la Turquie a été agréé ; je ne pouvais en douter puisque cela s’est fait sous les yeux de Meyendorff. Reste à voir ce que dira Constantinople. Ce n’est plus aussi grave. Si les Turcs acceptent, l’affaire est terminée. S'ils refusent, ils n’auront plus l’appui des protecteurs qu'ils s’en tirent tout seuls. L’une on l’autre alternative est donc bonne pour nous.
Je suppose que cet ultimatum ne touche que l’affaire principale, la proposition Menchikoff. Les principautés seront une affaire séparée et secondaire ; mais je suis portée à croire que nous les évacuerons du moment que la Turquie se soumet à la note de Vienne.
Si la nouvelle que vient de me donner le roi est vraie et elle doit l’être, je vais me reposer de toutes mes agitations. J’attends aujourd’hui. mon fils Alexandre. Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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44 Val-Richer 18 Juillet 1852

La poste, même française, me traite toujours plus mal que vous. Vous avez mes lettres le lendemain ; je n'ai les vôtres que le sur lendemain. Je ne comprends pas pourquoi cette différence.
Je serais charmé que votre fils, Paul rentrât au service. C'est vraiment dommage qu’un homme d’autant d’esprit perde sa vie comme il le fait. Il le regretteront un jour. Pour mener cette vie oisive, et s'en contenter, il faut être jeune ; la jeunesse remplit tout. Mais quand on devient vieux, deux choses deviennent nécessaires, une famille et ses occupations.
Si Schlangenbad, contribue, comme je le présume, à rendre ces arrangements-là plus faciles ou plus agréables, ce sera une bonne et juste récompense de votre fatigue.
Je ne savais pas que M. Molé fût à Trouville. Je l’y verrai en y passant pour aller vous voir. Je ne puis fixer précisément mon jour qu'après demain à cause d’une lettre que j’attends. Mais ce sera probablement vendredi ou samedi.
Malgré l'ennui, vous avez raison de vous coucher de bonne heure. Mon expérience d’ici me le persuade tout-à- fait. Je suis toujours couché à 10 heures et presque toujours levé à 5. Ce régime me réussit très bien. C'est l’ordre naturel.
Je n’ai pas plus de nouvelles que vous. Les journaux, et j'en reçois sept ou huit, ne m’apportent rien. Montalembert, m'écrit de Vichy, où il s'ennuie fort, me dit-il. Il m'envoie ce qu’il a dit, l'avant veille de la clôture du corps législatif, sur les décrets du 22 Janvier, commençant par cette phrase : " Je désire faire une très courte observation et je vous promets d'avance de ne pas demander l'autorisation d'imprimer ce que je vais dire " et finissant par celles-ci : " Nous aurons sans aucun doute, un jour à discuter cette mesure ; les lois de finances nous y amèneront ; nous le ferons alors en toute liberté. D’ici là, il faut qu’on sache, que nous n'y sommes en rien associés, ni compromis. Quant à moi, je profite de cette première occasion pour élever dans le triple intérêt de la propriété cruellement ébranlée, de la justice méconnue et d’une auguste infortune, mes solennelles réserves contre une faute qui a été sans excuse, sans prétexte, sans provocation aucune, et que l’on s’attache chaque jour davantage à rendre irréparable."
Vous voyez que selon sa coutume, il n’a pas mâché les paroles. La Reine, et le duc de Nemours lui ont écrit pour le remercier. Adieu.
J’aimerai mieux la fin de cette semaine que le commencement. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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45. Bruxelles Lundi le 1er mai 1854

Je vous écris une lettre ostensible pour être lue par Andral. Hélène est tout aussi intéressée à cela que moi, car elle est sûre pour son compte qu’Ems is the thing. Seulement l’esprit de la malade est troublée, et la sentence nette d’Andral décidera tout. Je vous prie je vous prie, Hélène vous supplie, ne perdez pas de temps. J'ai eu une bonne lettre de Morny mais rien de lui. Seulement il a retrouvé le langage plus accoutumé à la guerre. Il n’avait pas encore vu l’Empereur il allait le voir hier. Il me parle des bombardements d’Odessa comme de quelque chose de sauvage. J’ai peine à y croire. Ici on ne sait pas encore d'une manière précise. Vaudrait et Brockhausen sont toujours mes plus fidèles.
Mad. Salvoy m’a écrit de Vienne tout bonnement une lettre spirituelle. Au milieu des récits de toilettes et de fêtes, il y a des observations. Hubner petit rôle, rien du tout. Bual embarrassé. Le public enthousiaste pour la France. Dans la rue hourah pour l'équipage de Bourguenay. Tous les généraux autrichiens, russes. Il pleut, je ne me promène plus. Adieu. Adieu.
Si Andral faisait encore des façons, il me semble qu’il pourrait pour le moins formuler son opinion comme voici, sur l’autre nuance de vert. Vous voyez comme cela m'occupe, mais Hélène est bien mon compère aussi je vous en réponds. Adieu. Vous dites de belles paroles dans votre discours !

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
Guizot épistolier
Cette lettre ne figure pas dans les dossiers de la correspondance Guizot-Lieven. On passe du n°45 au 47. Mais Dorothée fait bien référence à une lettre du 12 août 1853, dans sa lettre 47 de Schlangenbad, du 15 août 1853.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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48. Bruxelles le 4 mai 1854

J’ai retrouvé quatre de vos lettres commencement de l'année dernière, de juillet. Admirable de jugement, de prévision, et d’actualité comme on dit. Tout ce que vous annoncez s’est fait et se fait. C’est vraiment bien curieux. J'en ai régalé Brunnow qui entre pétrifié. Vous connaissiez l'Angleterre mieux que lui. [?] auquel j’ai donné aussi la joie de lire cela, dit, qu’il vaut bien la peine de rester en exil quand on reçoit de pareilles lettres. Elles sont vraiment frappantes.
Mlle de Cérini est arrivée hier, elle est tout ce que vous me dites et la première vue lui a été toute favorable. Nous verrons. J’apprends de bonne source de Londres qu’on est inquiet de se voir si dégarni de troupes. Il ne reste plus rien. Tout cela s'est fait bien à la légère ; on accuse Palmerston d’avoir poussé à la guerre. La cour lui en veut. On appelle la milice pour avoir une force armée quelconque. En Prusse, haine énorme contre l'Angleterre, le roi, enragé. Il voulait mettre Bunsen sous jugement, des fureurs. Il est très ferme dans son amitié pour nous. Le parti opposé est cependant bien fort.
Manteuffel donne la nouvelle que dans l’attaque sur Odessa, on a démonté deux de nos pièces, brûlé 4 vaisseaux anglais, 3 Français un prussien, après quoi et avec quelques dommages à ses propres navires la flotte alliée a pris le large. Si tout cela est vrai voilà une expédition peu glorieuse. J’attends avec curiosité ce Moniteur. Et les nouvelles étrangères. Adieu. Adieu.
Demain je vous écrirai au Val Richer. C’est ennuyeux de vous voir vous éloigner. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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50. Schlangenbad le 21 août 1853

Je ne partage point du tout votre opinion sur la conduite des Anglais dans l’affaire d'Orient et je suis bien plus de l’avis de Duchatel qui m'écrivait ceci : " le gouvernement Français sort de l’épreuve à son honneur, pour lui c’est du côté de la sagesse et de la modération qu’il gagne. Je ne ferai pas le même compliment à l'Angleterre, aveuglément confiante au début. Absurdement colère dans la crise, devient la paix et ne recevant le dénouement qu’en grognant tout cela me parait une triste politique. "
La séance de 16 à la Chambre basse n’est pas brillante pour le ministère, et le Times même l'abandonne & se moque de lui. Hier est venu la nouvelle que l'Empereur d'Autriche est fiancé à une princesse de Bavière. Son père est duc en Bavière. Elles sont six soeurs pas jolies. J'ai été enfin rendre visite hier à la D. de Nassau à Wiesbade. Je lui devais cela pour l’année dernière et celle-ci. Un établissement ravissant. Palais Moresque dans le meilleur goût. Le temps est superbe. Je crains que l’été n’arrive tout juste lorsque je rentre dans un quartier d’hiver. Je pars après demain, mais je ne sais pas quelle route ni combien de temps je me trainerai en chemin. Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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50. Val-Richer, samedi 24 Juillet 1852

C'est vrai, Mardi est bien loin ; mais il viendra dans trois jours, et quand nous aurons causé, vous serez convaincu comme moi que je ne pouvais faire autrement. Broglie n’est pas encore venu, je crois qu’il viendra ; mais ne vint-il pas, il fallait que je lui donnasse la semaine qu’il me demandait. Soyez sûre que vous serez de mon avis.
Je crois aussi que vous devez faire quelque chose sur ce sot communiqué du Moniteur. J’ai bien regretté et je regrette bien de n'être pas là, pour vous dire tout ce que je pense à ce sujet. Vous faites bien en tout cas de consulter Kisseleff. Peut-être serai-je à temps mardi.
Voilà des nouvelles qui m’arrivent de Londres, assez curieuses : « The government reckoned, on 307 which seemed tour un excessive estimate. They have got about 312 and may win two or three more. Such a party well disciplined may for a time be master of the house of common especially against a disjointed opposition without principles and without leaders. I think the main cause of Lord Derby's success has been the absence of my competitor or antagonist whom the country can tolerate and accept [?] Lord John Russell, leaned to the conservative side, he might have become such an Antagonist, and he has discovered this too late, for he is now in communication with lord Aberdeen. But by adopting the radicals, he destroyed his party and his position. The policy of the Whigs is now to avoid all hasty or premature attacks on Lord Derby, and to judge of the measures he is prepared to bring forward. But the position of the government is only the more critical, for at heads, a party prepared to demand more than it can execute... M. Lady Palmerston said to me last night triumphantly : " Observe, no one in the whole country dare, to call himself a follower of Lord John Russell ; even hastings Russell says he is a follower of sir R. Peel. " Vous connaissez mon correspondant. Adieu, Adieu.
Je voudrais bien que l’air de la mer vous fît un peu de bien. C'est vrai, je vous dois 5 fr.. Mais je ne veux pas recommencer. Je vous paierai mardi. Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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51 Schlangenbad le 22 août 1853

Le N°50 est allé à Paris, je vous en préviens, votre lettre du 19 m’apprend votre changement d’époque pour votre séjour-là. Meyendorff me mande l'acceptation de la Porte de l’ultimatum reste à coordonner l’évacuation des principautés avec la retraite des flottes. Il pense qu'il y aura quelques courses de courrier, et que cela se fera sans beaucoup de diffi cultée, mais plus ou moins de temps.
Au fond nous sortions de mauvaise affaire très bien. Les [?] seront de notre côté. Il ne seront pas du côté de Lord Redcliffe. La Russie n’a pas été effrayée de l’Europe. Je pars demain matin avec regret, mais mon fils s'ennuie, il n’y a plus personne que des royautés qui l'incom modent. Je répugne à un nouvel établissement à Bade, je n’ai de ressource qu’en m’en retournant à Paris, et là personne, ce n’est pas brillant. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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52 Schlangenbad le 24 août 1853

Me voilà encore. La chaleur a été si forte que je n’ai pas où me mettre en route. Elle se dissipe un peu, et samedi je pars. Je serai à Paris sauf nouvel incident ou accident. Mardi le 30. Meyendorff était très affir matif en me mandant que Constantinople avait accepté l’Ultimatum. Une lettre de Kisseleff reçue hier l’est moins, mais cela nous est bien égal. La faute serait aux autres.
Je ne vois plus une âme, il n’est resté personne à Schlangenbad. Ce repos me plait beaucoup, seulement il ennuie mon fils. Je n’ai pas l'ombre de nouvelle à vous dire. Mariage à droite, à gauche, voilà le seul aliment des journaux. Adieu. Adieu. On a bien des Bavaroises déjà en Autriche, cela ne plaira pas.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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54 Bar le duc Mardi le 30 août 1853

Si je date de Mardi une lettre que je vous aurais écrit la veille (Lundi) est-ce antidater on postdater qu'il faut dire ? Répondez-moi je vous en prie et tout de suite. Détestable auberge, mais il a fallu m’arrêter.
Paris le 31. Me voilà et fatiguée. Je trouve une lettre de Meyendorff et une de Constantin. Je vous envoie copie des passages importants. Je n’ai encore vu personne ici et ma lettre partira avant toute visite, mais ces deux lettres me semblent renfermer ce qui est essentiel. Greville me mandait si les Turcs ne font pas what we prescribe nous ne pouvons plus les soutenir. Voyons comment tout cela ira, maintenant, notre partie est la belle. Heeckeren m’a dit que jamais les vaisseaux. Français ne reculeraient tant que nous resterons dans les principautés. Nous verrons. Comment pourraient-ils entrer dans les Dardanelles sans provoquer le guerre, et ils ne peuvent pas rester à Besika. Adieu. Adieu.

Je copie un autre passage de la lettre de Meyendorff. " je voudrais vous dire tout le plaisir avec un peu d'envie que j’ai éprouvé ici apprenant le beau sens du fils de M. Guizot. Comme j’admire le père d’avoir eu le temps de bien élever ses enfants ! "

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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53. Bruxelles le 9 mai 1854

J’ai lu une lettre d’un homme d’affaires d’Odessa qui rend compte ici à une dame russe de ce qui s’est passé à Odessa. Le palais de cette dame à côté de celui de Woronzoff n’a pas souffert. Woronzoff un peu endommagé pas beaucoup. Les vaisseaux du port marchand brûlés, une batterie détruite, une poudrière sautée. Une femme tué par un boulet au milieu d'une place. Voilà tout. La lettre est du 28 avril. Les flottes étaient parties depuis deux jours. Le rapport d'Osten Saken parle d'une descente de 1800 hommes repoussés avec perte. Vos rapports n'en parlent pas du tout. Vous voyez qu’au bout du compte ce n’est ni très gros ni très nul. Le conseil de Belgique dit exacte ment la même chose. En fait de vaisseaux étrangers 3 grecs 3 Sardes, & un autrichien brûlés. Bronkers était ici hier soir et m’a compté les détails. Rothschild est reparti. Je n’ai pas un bout de lettre de Paris ni d’autre part.
Vous voyez que les voyages de Bruxelles vous font mieux que ceux du Val Richer. Vous n'êtes pas fatigué en venant ici. Je vous porte bien envie d’avoir un coin et un joli coin à vous. Toute ma vie j’ai désiré cela. J'ai de quoi payer le coin, mais pourra-t-il me plaire si je n’ai pas de quoi le peupler ? Vous ne savez pas comme je jouis d’un brin d’herbe, mais comme j’ai besoin de le dire ! Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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53 Val Richer, lundi 29 Août 1853

Deux lignes pour votre arrivée demain à Paris, quoi qu’il y ait déjà une lettre de moi qui vous y attend. Je suis bien aise que vous y soyez de retour malgré la saison, vous y aurez toujours plus de ressources qu'ailleurs ne fût-ce que vos diplomates. Mais de quoi vous parleront-ils maintenant ? Le Moniteur m’a apporté hier l’assentiment de la Porte. Cette question vous a agitée outre mesure. Mais il n’y a jamais de mesure dans votre agitation. Comme je vous le disais, on est très content à Londres, le Cabinet du moins. On m'écrit avant. hier : " Notre session a fini avec éclat, et le gouvernement jouit d’un repos absolu. L'opposition a disparu, et le succès de Lord Aberdeen est tout ce que ses amis pouvaient désirer. On a reproché au Cabinet une attitude un peu molle sur la question du dehors ; mais vous savez ce que valent, ces sortes d'attaques, et la position est assez forte pour nous permettre une grande modération. D'ailleurs, il est plaisant que ce soit les soi-disant amis de la Turquie qui veuillent la guerre, laquelle lui serait probablement funeste. "
Reeve va se promener à Constantinople. Faites vous lire, dans le Quaterly Review de Juin, un article sur Lord Palmerston et toute la politique anglaise à propos de l'ouvrage de M. de Ficquelmont. Il vous intéressera. Adieu, Adieu, avant quinze jours, nous aurons bien causé. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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54 Val-Richer, Mercredi 4 août 1852

Je suis très contrarié des quinze jours d'immobilité auxquels Velpeau vous condamne ; il a probablement raison. Mais c’est bien ennuyeux. J’aurais mieux fait de ne pas aller vous voir ; vous ne seriez pas montée dans ma chambre, et vous ne seriez pas tombée. C'est là tout ce que j'ai de mieux à vous dire.
L'insignifiance des journaux est complète. Ceux qui ne peuvent pas critiquer ne veulent pas louer. Pour surcroît le Journal des Débats, m'a manqué hier. Quand on supprime ainsi à l’esprit son aliment, on devrait supprimer aussi l'esprit lui-même. Cela se fera peu à peu.
J’ai eu hier une longue lettre de Barante qui prévoit ce résultat, car il me dit : " Lorsqu'on ne s’intéresse pas à soi-même on est indifférent à tout ; l’esprit s'éteint quand les sentiments sont glacés ! "
Il m’écrit du Mont Dore, où il est allé pour ne pas être repris l’hiver prochain de son extinction de voix.

Jeudi 5 Août
Je n’ai pas fait partir hier cette page qui n'en valait pas la peine. Vous ne m’avez pas écrit non plus. J’espère bien que ce n’est pas quelque mauvaise raison, accident ou autre. Je n'ai pas plus de nouvelles aujourd’hui qu’hier.
Mon fils, m'en apportera peut-être quelqu’une demain il est allé passer 48 heures à Paris pour un examen. Mes Anglais arrivent aussi demain.
Je vois que les élections des conseils généraux sont ce que j’attendais, ou immense majorité ministérielle c’est-à-dire présidentielle. Il me semble aussi que les pétitions impériales commencent à circuler. On m'écrit que les exilés espèrent quelque chose, du 15 Août. Ceux d’entre eux qui sont petits et modestes accepteraient volontiers l'Empire, s’il devait les faire rentrer. Que feraient les autres, Thiers, Rémusat, les généraux ? Il ne serait pas glorieux, pour eux de rentrer au milieu des Vive l'Empereur ! Ils rentreraient pourtant, s’il le leur permettait.
Avez-vous lu, dans le Galignani du 3 un article curieux du correspondant américain du Times sur Kossuth ? Il fera plaisir à Hübner.

11 heures
Voilà une lettre qui ne me plaît pas. Vous vous faites vous-même bien plus de mal que vous n'en avez. C'est singulier d'avoir l’esprit si juste, si ferme sur toutes choses, excepté sur soi-même. Je suis bien fâché de n'être plus là. Adieu, adieu. Merci de la lettre de Beauvale. Merci pour vous et pour Aggy. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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57 Val Richer. Mercredi 7 sept. 1853

Voici une lettre de Lord Aberdeen qui a de l'intérêt. Je le crois plus confiant dans la conclusion qu’il ne le dit. C'est sa maxime qu’il ne faut jamais être ni surtout paraîtra sûr ; en quoi il a très habituellement raison. Moi qui ne suis qu’un spectateur sans responsabilité, je persiste à tenir l'affaire pour terminée. On disait, il y a six semaines, que les Turcs ne demandaient qu'à céder, que c’étaient les puissances, et Lord Stratford, ou non des puissances qui les en empêchaient. Apparement elles seront bien en état de les faire céder aujourd’hui.
Je trouve que votre Empereur a là une excellente occasion de reprendre en Europe le terrain qu’il y a perdu ; on lui sait déjà beaucoup de gré de la bonne grâce avec laquelle il a accepté la note de Vienne ; si maintenant, il est plus modéré que les Turcs et passe par dessus leurs petites exigences pour mettre fin à la crise au lieu de s'en servir pour la prolonger, on sera frappé de sa magnanimité russe, de sa sagesse Européenne ; on regardera presque la paix comme un don de lui, et la question sera close à son honneur comme à son profit.
Le Duc de Broglie et Mad. d’Haussonville, sont venus me voir avant hier. Nous avons causé tout le jour. Broglie triste et sensé, trouvant, comme vous le dites, et comme cela est évident, que l'Empereur Napoléon, a gagné que l'affaire d'Orient a bien tourné pour lui, qu’il s’y est conduit habilement & & Cela vaut mieux que la popularité au Dieppe. Un souverain est toujours populaire aux eaux où il amène du monde.
J’ai vu ce pauvre Molé quand j’ai été à Paris pour l'Académie. C'est fort triste, un peu moins pour lui que pour d’autres, parce qu’il a toujours plus vécu de la conversation que de la réflexion ou de l'étude. Il paraissait croire que c’était une cataracte, déjà formée, sur un oeil et en train de se former sur l'autre. On peut opérer cela. Triste ressource, mais ressource. On n’a pas besoin d'être un héros mutilé pour finir comme le maréchal de Rantzau ; Et Mars ne lui laissa rien d'entier que le coeur, heureux ceux à qui le coeur reste entier ! Après tout, c’est par là qu’on vit. Adieu, je vais faire ma toilette. J’aurai de vos nouvelles ce matin. Je vous écrirai encore vendredi. Puis, je vous verrai dimanche. Vrai jour de fête. Adieu.

Onze heures
Voilà votre lettre. Ce serait bien du bruit. Mais si Constantinople est sens dessus dessous, tout suivra. Adieu. Vous savez bien que je ne m'ennuierai pas.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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59 Paris jeudi le 8 septembre 1853

Merci de la lettre de Lord Aberdeen. Je crois que nous accepterons, mais la nouvelle-ci n'est pas venue encore, ce qui étonne cependant je ne pense pas que nous évacuions avant l'envoi d'un ambassadeur Turc porteur de la note. Il me semble qu’en Angleterre. On s’inquiète outre mesure. Lord [Aberdeen] est dans le vrai.
Je vois les diplomates le matin, ils ne savent absolument rien, mais Kisseleff & Hübner sont tranquilles, les deux empereurs vont se voir à [Olnentz]. à moins de grand événement ceci sera ma dernière lettre. Le temps est toujours affreux. Très froid.
Nous avons passé toutes ses dernières soirées à trois avec Viel Castel, que nous trouvons charmant. Il part aujourd’hui pour Broglie. Il ne me reste plus personne et je vais courir le soir je ne sais où. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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62. Bruxelles le 20 Mai 1854

Vous aurez eu mon N°60 plus tard car je n’ai pas manqué un jour de vous écrire. Je remets ceci à votre petit ami. Je l’attends car hier je n’ai pas pu causer avec lui.
Ici on croit tout-à-fait que l’Autriche passera à l’action. Le roi Léopold répète que la guerre ne peut pas durer. Je voudrais bien savoir comment elle peut finir ?
Evidemment même d’après la lettre de la Grande Duchesse, l'Empereur est abattu mais autour de lui c’est toujours de l'encens, de l’exaltation, et il a vraiment tellement échauffé les têtes qu’une pauvre paix pourrait lui coûter cher. Greville m'écrit encore charmé de l’Autriche et sur d’elle, très mécontent de la Prusse mais trouvant sa fidélité à nous très naturelle. L'armée prussienne est tout à fait dans le sens Russe. Je suis curieuse de la Suède. Je flaire la défection.
Je vois beaucoup Brunnow. et je lui trouve beaucoup d’esprit. Son grand régal est quand je lui montre une de vos lettres. Il dévore Cromwell. Pour Kisseleff c’est comme s’il était en Chine. Fini tout-à-fait. Cela devait être, je l’avais trop bien traité pour qu'une désertion tion peut être supportée par lui.
En Angleterre on voudrait toujours chasser ces deux messieurs de Bruxelles. à Paris leur présence ici n'incommode pas du tout. Je suppose qu'on la trouve évidente ce qu’elle est en effet. Cela ne pourra pas durer. Le corps diplomatique ici est fâché de leur présence. La cour ne veut pas donner de dîners craignant autant de les inviter que de les exclure. Depuis février personne n’a vu le roi. Van Praet ici est toujours bien fidèle et bien agréable. Infaillible, tous les soirs. C’est lundi matin que Brockhausen quitte Paris si vous savez quelque chose vous savez où le trouver Hotel de Londres rue Castiglione. Adieu. Adieu.
Voterez vous pour Fortoul ? J'ai été charmée de l’Evêque d’Orléans & de M. de Sacy. Génie porte ma lettre à Rothschild Il la trouve très bien, mais il se concertera d’abord avec vous. Si vous ne trouvez pas l’intermédiaire bien laissez cela, mais envoyez simplement ma lettre.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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63 Paris le 23 septembre 1853

Le fils de M. de Meyendorff m’a apporté de lui une longue lettre, pas gaie. 2 pages d'invectives contre Lord Radcliffe. Double langage, double jeu. J’ai envoyé copie de cela à Lord Aberdeen. Ce n’est que le 10 octobre qu'on attend à Vienne les résolutions de la porte à la suite de notre refus.
J’ai vu Fould ; mécontent d'Aberdeen. Ne comptant que Palmerston & Malmberg comme aussi de l’Emp. Napoléon disant que l’opinion toute entière de l'Angleterre demande la retraite d'Aberdeen. Il a l’air d'y croire. Il est toujours question d'un mouillage en dehors des Dardanelles. Le discours à Satory avait subi quelque avarice en le prononçant, défaut de mémoire ou je ne sais quoi. Le Moniteur a suppléé. On est bien mécontent ici de nos observations sur les modifications de la porte, et on le dit aux gros et aux petits. Cette pièce était juste à la dépêche à Meyendorff. Celle-ci est bien pauvrement donnée dans les journaux. Je vous répète qu’elle est très bien faite, très bien écrite. K. a eu bien tort de ne pas donner le texte.
J’ai vu le duc de Noailles avant hier soir, & hier Barante. Sébach est revenu de Torquay. La G. D. Marie folle de l'Angleterre et ne voulant pas en bouger. Torquay plus beau que Naples mécontente de la cour mais se moquant de cela. Brunnow bien noir et croyant à la guerre, à la grande. Voilà mes nouvelles. Passons aux petites affaires. Hélène est bien touchée de vous voir vous occuper d’elle. Elle prendra à genoux le [...]

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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75 Bruxelles le 5 juin 1854

Je fais mes paquets & mes adieux. & je rentre de l’Eglise où j’ai commencé. Ici cela se passe le lundi de la Pentecôte. Brunnow part jeudi, décidement il reste en l’air pour le moment, il retourne à son petit Darmstadt. Kisseleff part également cette semaine pour Wisbade et puis l’Italie. Ces deux messieurs ne sont pas en bonne odeur à Pétersbourg, surtout dans le public. Creptovitch est ravi d’être débarrassé d'eux. Cela le gênait et l'offusquait. Il ne restera plus un russe à Bruxelles.
Pas de nouvelles. On s’étonne des lenteurs partout. Ceci ne ressemble aux choses qui se passaient jadis. Quand on était en guerre on se battait. Cela a passé de mode. Mais comment viendra la paix ? C'est indevinable. Adieu. Adieu. Je suis triste, et vous aussi. Adieu.

Mardi le 6. Voilà une lettre de Morny, il me dit ceci. " Il va se passer en Orient des événements importants, mais seront ils décisifs ? Si nous croisons décidement le fer nous serons en guerre pour bien longtemps. Je crains bien que votre Empereur ma bonne Princesse ne se repente amèrement d’avoir entrepris ces choses. Je devrais dire, j’espère bien, car je suis Français & bon Français. Si l’Allemagne se joint à nous, Dieu sait quel mal on peut lui faire. Et puis toutes les flottes qui n'osent pas sortir du port même à nombre supérieur, ce n'est pas une preuve de grande force ici de confiance en soi. Maintenant chez nous la confiance a repris. Les fonds ont remonté. On ne s’inquiète plus beaucoup de la guerre, on s’y intéresse voilà tout, et si elle est heureuse on s'en amusera. Il n’y aura plus de raison pour qu’elle finisse. Au fond pour nous et notre Empereur nous y avons gagné une position inespérée que 10 ans de paix n'auraient pas produite. Que Louis Philippe serait jaloux s'il vivait encore. "
La reine Amélie passe aujour d’hui. Le roi ira la trouver à Malines et l’accompagnera à moitié chemin d'Ostende. Elle n’a pas voulu s’arrêter ici ni à Laken. Ma lettre était restée hier je la trouvais bête. Je la trouve bien triste aujourd’hui comme je suis triste. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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78. Ems dimanche 11 Juin 1854

Je n’ai pas de lettre aujourd’hui et comme vous me parliez de vos éternuements dans la dernière me voilà inquiète. Je vous en prie ne me donnez pas d'inquiétudes, je ne saurais pas les supporter.
Paul est parti tout à l’heure Il va passer un mois à Aix la Chapelle et puis nous revenir. Il a besoin de ces eaux. Son départ nous laisse sans un seul homme, c.a.d. sans protection. Les mutations qu'on annonce dans le ministère anglais me semblent bonnes. John à la [Chambre] Haute. Cela fera de Palmerston le leader à la [Chambre] basse. Je ne sais ce que sera l’entrevue de l'Empereur] d’Autriche avec le roi de Prusse. Je persiste à douter que l’un ni l’autre passe à l’action contre nous.
Je serais bien curieuse de savoir tout ce qui s’est passé et ce passe à Constantinople. Evidemment Redcliffe est le tout puissant, et peut être faites vous bien de ne pas essayer de lui donner un rival. Il serait battu. Mais enfin comment la France vit-elle là avec l'Angleterre ?
Ni hélène, ni moi n’avons un mot de Russie ou de Berlin. Et comme nous ne connaissons pas ici une âme nous ne savons rien du tout de cette partie du monde.
J'ai eu ce matin une lettre très longue et très sensée du Comte Molé, très amicale aussi. J’aime qu'on se souvienne de moi et qu’on me le dise. Ah combien moi je pense à tout le monde. Mon monde. Hélène est plus que jamais excellente pour moi. Certainement c’est une personne d'un vrai mérite. Beaucoup de coeur et d’une charité, si intelligente & si soutenue. Elle a une bien bonne influence sur mon fils. Vous voyez que je n’ai pas une nouvelle à vous dire, et je ne prévois pas qu’il m’en arrive ici. Je regrette beaucoup mes pratiques de Bruxelles. Adieu. Adieu, je vous prie portez vous bien, et écrivez-moi tous les jours.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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80. Ems Mardi 13 juin 1854

Votre petit mot de Samedi 10 m'attriste. Il était si court, l'écriture mauvaise, seriez-vous malade ? Il ne manquerait que cela à mes misères. Je vous prie portez-vous bien, & dites le moi dans chacune de vos lettres.
Le duc de Richelieu nous est arrivé hier, très inattendu. Voilà un homme au moins. Tout ce qu’il raconte est sensé, & ressemble à ce que me mandent Molé, Noailles. La disposition à Paris est de la curiosité, pas d'inquiétude. Du contentement, du bien-être de la confiance dans la main qui gouverne, et grande obéissance à sa volonté.
On me mande de Bruxelles que l’Empereur Napoléon a en effet offert à la reine Marie-Amélie de traverser la France. On est là à Bruxelles comme partout, très curieux de la remonter des deux grands souverains Allemands & de la réponse que nous allons faire à Vienne. Elle est sans doute déjà arrivée. Je n’espère rien, je tâche de ne penser à rien, je n’y réussis pas. Je trouve bien pauvres les changements faits dans le ministère anglais. Le Times en est dans une grande colère. Je m'étonne de n’avoir rien de mon correspondant. Hélène est toujours bien touchée de votre souvenir, & la petite honorée et étonnée. Comme elle vous amuserait si vous la connaissiez. Cerini est bien bonne & affectueuse & soigneuss mais elle ne sait rien faire du tout. Perfectly useless.
Adieu. Adieu, nous sommes tous deux bien tristes, mais au moins portons nous bien.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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86. Ems le 23 Juin 1854

Quel discours celui de lord Lyndhurst clair, complet, mauvais pour nous, étonnant de verdeur et de force pour un homme de cet âge. J'aime bien le discours de Lord Aberdeen. C’est le duc de Laval qu'il cite comme ayant appellé Lyndhurst le colonel de Dragons, ce mot était resté. Greville m'écrit. On croit là à la levée du siège de Silistrie je ne puis pas y croire. On veut à toute force nous prendre Sébastopol et brûler notre flotte. On est décidé à nous faire sentir humiliation et pertes. L'occasion est trop bonne. L’Autriche a passé à l’accident.
Tout cela est fort triste, car on ne réduira pas la Russie. Savez-vous ce qui peut arriver ? Il peut arriver la 3ème invasion des barbares, nous ne la verrons pas peut être, peut être aussi sera-t-elle prochaine. Pensez à l'orgueil des barbares. Samedi 24.
J’ai gardé ma lettre espérant quelque chose, rien n’arrive. Vos réflexions sont aussi tristes que les miennes. Je suis fâché de votre mémoire, ma maussaderie au Val Richer. C’est vrai, comment ai-je pu me conduire ainsi ? Ah que de choses dont je me repends. Je pense souvent à présent comme j'aimerais à avoir un petite maison à Lisieux. Ma petite société d’Ems est quotidienne chez moi le soir. Le prince George est le plus heureux du monde de s’être laissé prendre par moi. Il périrait d'ennui. Il est bon musicien. La soirée commence toujours par le chant, Olga et Cerini, le prince les accompagne, & puis il joue des opéras très bien. L'Aide de camps est très beau, les petites filles s’occupent de lui. Le duc de Richelieu dispute, la petite Melri est folle & nous fait mourir de rire. On va comme cela de 8 heures à près de 10. Dans ma promenade du matin je cause avec le duc de Richelieu, devant Hélène c’est impossible elle est fanatique Russe. Richelieu a beaucoup de good sense et nous nous entendons très bien. Les Débats ont aujourd’hui un article extrêmement bien fait de M. de Sacy sans doute, cela lui est envoyé de Vienne. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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87 Paris jeudi le 10 Novembre 1853

Les nouvelles hier étaient très mauvaises dans un engagement entre 12,000 turcs & 9000 russes ceux-ci auraient. par être battus. Le combat fini aurait duré toute la journée du 5. On a épuisé la poudre des deux côtés, on a été réduit à se battre à l’arme blanche et c'est là où le nombre l’a emporté. C’est aux aff. étrangères qu'on donnait ces détails et avec beaucoup de tristesse parce que cela ne laissait plus d'espoir pour les négociations. Le combat a eu lieu près de Silistrie. Je vois que le Moniteur n’en parle pas ce matin. Il faut attendre. Je me trompais le Moniteur en parle. J’ai encore une lettre de Meyendorff, sans grande importance. Il compte sur la neige & le manque d’argent. Les gens venus d’Afrique & d'Asie n'endureront pas la première & tout le monde criera contre l'autre. Dans 2 mois révolte au camps turc. Moi je ne compte plus sur rien que sur la bêtise des gouvernements, right and left. C’est la plus triste & la plus sotte affaire ! Dans ce moment arrive le Manifeste russe du 21 octobre 2 novembre par lequel nous acceptons la guerre, & recourons à la forme des armes " pour obtenir réparation des offenses par lesquelles la Turquie a répondu à nos demandes modérées, & à notre sollicitude légitime pour la défense de la foie orthodoxe en Orient. "
Je copie des journaux étrangers, je suppose le manifeste vrai. C’est bien engagé. On me dit que le langage à St Cloud est devenu très belliqueux. Les journaux le sont. Voilà un triste hiver qui commence. Le froid est venu aussi. Adieu. Adieu.
J’ai vu hier soir Noailles & Berryer. Oiseaux de passage Dumon est fixe, & je le vois tous les jours.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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90. Ems le 30 juin 1854

Voici ce que je trouve dans mes vieux papiers.
" Lord Chatham disait en 1760 que quand il entendait quelqu’un soutenir que la question ottoman n'était pas pour l'Angleterre une question de vie et de mort, il ne parlait plus à cette personne."
Je tourne et retourne dans mon esprit, les nouvelles perspectives que nous ouvre notre reculade. Elle est si étonnante pour un homme du caractère de l’[Empereur] Nicolas, et pour l'orgueil & le fanatisme russe. Je prends Hélène pour type. On ne peut plus lui parler. Son caractère en est changé tout à fait. D’abord elle ne croit pas. Je regrette que Paul ne soit pas ici. Il saurait la mettre à la raison. Elle soutient que nous allons faire la guerre à l’Autriche ; son point de départ est une lettre de la Grande Duchesse Marie qui est parfaitement dans ce sens. Les journaux Allemands disent que notre armée manque de vivres. Quand on ne mange pas, on ne se bat pas. Cela pourrait bien expliquer ce que vous dites des pertes que nous éprouvons dans nos officiers supérieurs. Quelle opinion nous donnons de nous en Europe ! Quelle tappe sur la fatuité Russe. Je serai bien aise de ne pas ressembler beaucoup à mes compatriotes, je me sentirais bien humiliée. Vous figurez-vous le contentement de Hubner.

Midi. Voici une lettre de Constantin de Peterhof le 21 juin. " Au Danube notre position militaire change en présence de l'absence de sécurité que présente l’Autriche. Notre droite se trouvant exposée par la concentration de troupes en Transylvanie Silistrie n’a plus aucun prix pour nous, aussi allons nous, aussi allons nous en abandon ner le siège et nous concentrer sur le Sereth. C'est là qu'on est invité à nous parler pour le moment quitte à mieux sauter plus tard. La conclusion qui a atteint le Maréchal le met hors de combat pour quelques semaines. Il se rendra à Passy." Le reste de la lettre est du fanatisme superlatif. J’ai peine à tenir pour ne pas répondre par quelque sottise à tant d'exagération, d’adulation. Il reste encore. là heureux, si heureux qu'il dit qu’il en oublie sa femme et ses enfants. Voilà ce qu’on devient, voilà ce qu'était devenu mon mari. Que de réflexions à faire. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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92. Ems lundi le 3 juillet 1854

Constantin me mande en date de 25 de Peterhoff que les flottes s'approchaient de Cronstadt. Elles n'en étaient plus qu'à 30 kilomètres. Nous sommes enchantés de cette visite. Toujours de très mauvais propos sur les Anglais, sur le Français pas du tout. Le Lt du Tigne était à Pétersbourg. L’Empereur lui a fait rendre son épée, & permis qu’il retourne en Angleterre. Il n’a pas envie il craint une cour martial.
Le prince Gortchakoff est parti le 25 pour Vienne. Avec une mauvaise réponse naturellement. La guerre avec l’Autriche est inévitable. La première depuis l’existence de l’Empire russe ! Greville me mande que la publication de la dépêche d'Aberdeen lui a été très utile. Il s’est remis sur jambes tout-à-fait. On envoie de nouvelles troupes en Turquie. Il n’y aura plus de troupes régulières en Angleterre du tout dans très peu de temps. On pense toujours là que la pression contre la Russie nous obligera à la paix, je crains qu'on ne se trompe nous ne fléchirons pas aurions-nous toutes les puissances sur les bras. Mon Dieu comment cela finira-t-il ? On croit savoir à Londres qu’entre toutes les tristesses du moment l’Empereur a encore le chagrin de voir la querelle entre ses deux fils aînés, qui serait arrivés à un haut degré de vivacité !
Constantin archi russe, le G. D. héritier bien plus modéré. Je ne crois pas que cela aille très loin, ils ont trop peur du Père ; mais il est certain que les frères ne s’accordent pas. Le roi de Portugal après Bruxelles se rendra à Berlin, de là à Vienne, Cobourg, Paris, St Omer. Voilà toutes mes nouvelles aujourd’hui. Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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92 Val Richer. Lundi 12 Juin 1854

J’ai reçu bien des lettres hier ; point de nouvelles, comme de raison, mais et des réflexions et des bruits.
Voici Dumon, qui vient de perdre un frère qu'il aimait vraiment : "Faute de nouvelles, on s'amuse du commérages ; on dit que le comte Branicki a été renvoyé de Constantinople, et que le Prince à qui il s'est attaché ne tardera pas à le suivre. Il a pris la suite des relations du général Baraguey d’Hilliers avec Lord Redcliffe, et on prétend qu’il faudra les interrompre de la même façon. "
Rien de plus, sinon, la suite de l’histoire de la médaille commémorative de la Triple alliance ; on dit que les Cardinaux se sont émus de voir les mots Dieu les protége écrits au dessus de Catholicisme, protestantisme, Islamisme, et que le tirage de la médaille a été suspendu, pour retirer la protection de Dieu.
Un ancien député conservateur, homme de sens et qui m'est très frivole, m'écrit de sa province. " L'Empereur Nicolas a rallié au gou vernement toutes les opinions, celle-même des personnes dont les intérêts sont le plus directement atteint par la guerre qui est devenue presque populaire. On est très ignorant des redoutables éventualités que cette guerre peut engendrer, on ne croit pas à sa durée. L’Alliance avec l’Angleterre avait déjà rassuré et l’attitude chaque jour plus décidée de l’Autriche fait espérer une paix prochaine. La grande émotion est calmée, et l'on entrevoit dans les affaires, qui ont été molles pendant tout l’hiver, un mouvement de reprise. Somme toute, la gouvernement gagne ; le Czar lui a fait plus de bien que n'auraient pu lui en faire dix années de bon gouvernement. " Singulière coïncidence de cette phrase avec celle de Morny.
Voici maintenant le vieux Tory Anglais, mon ami Croker. Après des Déclarations sur Cromwell, qui m'ont beaucoup plu : "I endeavor to mean myself from policies, of which my prospects are of the darkest color, for France, for England, for Europe. I see the storm preparing gathering. I may live to see the first explosions ; but I doubt whether even my grand children will see the end of the injustifiable principles, wild pretentions, [?] alliances and general disorganization of European society with which this war is pregnant. "
Mon instinct proteste contre Jérémie ; mais ma raison ne sait trop que lui répondre. J’ai vidé mon sac, et le facteur qui arrive ne m’apporte point de lettres. J’espère pourtant vous savoir demain arrivée à Ems. Adieu, adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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94. Ems le 6 juillet 1854

J’ai vu ce matin une lettre de Pétersbourg expliquant nos mouvements. 250 m dans les principautés 150 m en Podolie & Pologne, prêtes à marcher sur Cracovie et Vienne. On a abandonné Silistrie & partir de la Valachie à cause de l'attitude de l’Autriche. Mais l'Autriche est-elle de bonne foi ? Le correspondant émet cette idée comme un doute. On dit toujours que nous voulons la paix. Certainement l’Autriche la désire. Qu’est-ce qui ressortira de tout cela. Rien n'est éclairci. Constantin me mande que le prince Gortchakoff avait eu son audience de congé le 27, mais qu’il ne partait que dans quelques jours. Sa lettre est du 29 depuis l’approche des flottes toutes les promenades de la cour se dirigent vers les points d’où on peut les apercevoir. C’est l'élégance. L'[Empereur] & l’[Impératrice] sont toujours de ces promenades-là. Le temps superbe, la mer calme. Les Anglais ont tiré un coup, une bombe sur le Vladimir. Le ton est toujours à la gaieté. Quel étrange spectacle. On doute beaucoup qu'ils attaquent Cronstadt, mais ils sont là et au complet.
Greville me mande que vous allez embarquer sur des vaisseaux Anglais des troupes destinées à une descente dans la Baltique. Brignoles est arrivé hier, cela va me faire une bonne causerie.
Le 7 Vendredi. J’ai des nouvelles sûres de Peterhof de quelqu'un ici qui a causé une heure avec l'Empereur il y a 10 jours. La réponse à l’Autriche n’a dû arriver que hier 6, celle pour la Prusse sera portée par Constantin. C’est à peu près ce que disent les journaux. Toujours le tête-à-tête avec la Turquie pour la question religieuse. Négociations avec tout le monde pour les autres. (qu’est ce que c'est que les autres ?) position prise sur le Sereth et attente. "
L’Empereur très bien portant, très calme, prenant les choses de haut. Aucune irritation contre l’Autriche ni contre la Prusse. Il ne sait pas ce qui se passe en France et en Angleterre.” Constantin me dit qu’on demande mes lettres à grands cris. Si ce sont là leurs seules nouvelles, je les plains. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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97. Ems le 12 Juillet 1854

Des lettres de Londres. On n'y veut pas entendre parler de nos réponses. L’Autriche ne peut pas les accepter, à plus forte raison ni l'Angleterre ni la France. On croit toujours que Sevastopol. peut-être pris du côté de terre. Grande désapprobation de la guerre de pirate qu’on nous fait dans le golfe de [Bothein] même Napier en est disgusted mais il n'ose pas le témoigner aux officiers. Le public en est enchanté. Brûlez, saccagez. Constantin me mande notre grande victoire en Asie. J'aurais préféré en Europe.
Les flottes se sont retirées. Il n’y a plus une voile devant Cronstadt. Le Maréchal Paskévitch est rétabli et reste à Yassy. Constantin me quitte qu’après la fête de l’Impératrice qui est demain.
Voilà toutes mes nouvelles Greville ajoute : " à moins de catastrophe à Pétersbourg jamais la paix ne se fera. " L’Empereur se porte bien. Ne trouvez-vous pas qu'on pouvait négocier sur nos réponses.
Montebello s’annonce à Schlangenbad. Je n’y crois pas. Je ne crois à rien d’agréable. jusqu'à nouvel avis adressez toujours à Ems. Adieu. Adieu.
Je suis jaune comme une orange. Le temps est affreux pas une belle journée. Le Connery de Vienne est un cousin de celui de Paris.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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102 Val Richer, Vendredi 23 Juin 1854

Je n'avais hier matin, absolu ment rien à vous dire, j’attendais mon facteur et l'explication, ou le désaveu des dépêches télégraphiques de la veille. J’ouvre d'abord votre lettre, et le récit, très curieux, du général Offenburg puis une lettre de Paris, d'un homme d’esprit, en général assez au courant, obligé par état d'être au courant, et qui voit habituellement les gens le mieux au courant. Il m’écrit : " Voilà l’armée Russe au delà du Pruth ; le bruit commence à se répandre que l'Empereur Nicolas est disposé à faire les concessions nécessaires pour désintéresser les Puissances Allemandes, et pour les séparer de la France et de l'Angleterre. On dit même que des concessions seraient de telle nature qu'elles pourraient bien être acceptées, même à Londres. Je ne puis pas croire que l'Empereur Nicolas soit d'humeur à faire une pareille reculade. Cependant ses affaires militaires sont si mal conduites qu’il pourrait bien être condamné aux plus dures et plus humiliantes extrémités."
J’ai souri du contraste. Triste sourire. Que croire ? Je crois tout ce que vous me dites du général Offenberg, mais non pas tout ce qu’il dit. A dessein ou sans dessein, il a évidemment son parti pris d'avoir pleine confiance. J’ai vu, à la fin du règne de l'Empereur Napoléon, des exemples touchants et ridicules de ces illusions du patriotisme et du dévouement passionné. Vous aviez passé le Rhin, vous marchiez sur Paris ; des hommes d’esprit, des généraux distingués disaient sérieusement que vous n'avanciez que parce que l'Empereur vous laissait faire, qu’il était invincible, infaillible, et qu’il retournerait à Vienne et à Berlin quand il voudrait. Je suis décidé à ne croire personne. Je n'ai confiance dans personne. Je ne croirai que les événements. Encore faudra-t-il qu’ils aient parlé bien haut, et plus d’une fois.
// Je trouve seulement bien déplorable que de grands souverains et de grands peuples se fassent la guerre, à si grands frais et avec de si grands risques dans un si grand aveuglement et une si grande ignorance, les uns et les autres, ler leur vraies dispositions et sur leurs vraies forces. Cela fait honte à la civilisation et à l'esprit humain.//
à vous dire vrai, je crois bien plus et j’attache bien plus d'importance au Débat de la Chambre, des Lords lundi dernier qu'à tous les dîners de tous les généraux du monde. J’ai eu attentivement ces trois discours Lyndhurst, Clarendon, Aberdeen. et j’y ai vu ces deux choses-ci ; la paix encore possible, à des conditions modérées pour vous, et un ministre à Londres pour la faire, si vous la voulez ; une guerre de vingt ans et des ministres à Londres pour la faire si vous voulez courir cette chance. Vous n'avez pour vous, dans ce dernier cas, que les divisions des puissances maintenant unies. L'Empereur Napoléon a eu aussi ces divisions là pour lui, et il en a profité, et il a eu, à plusieurs reprises presque tout le continent avec lui, laissant l’Angleterre seule contre lui. L'Angleterre a repris peu à peu toutes les puissances du continent, et les a ralliées contre Napoléon.//
Tout est fort changé, je le sais, les choses et les hommes. Ne vous y fiez pas ; il y a des faits simples et grands, supérieurs à tous les changements d'hommes et de choses, et qui se développent pareillement au milieu des circonstances les plus diverses ; si une fois la politique générale et nationale de l'Angle terre s’engage contre vous, elle marchera à son but, quelle que soit la mobilité des alliances. Ce sera une lutte à mort, dans laquelle, tôt ou tard. Londres ralliera contre vous l’Europe. Le sentiment Européen ne vous est pas favorable ; si vous laissez, à ce sentiment, l’Angleterre pour chef, vous aurez beau être obstinés, aveugles et dévoués ; en définitive, la lutte tournera mal pour vous.
En attendant la question du moment subsiste ; avez-vous cessé le siège de Silistrie, et le grand théâtre de la guerre va-t-il se transporter du Danube en Crimée ?

Midi
Mon facteur ne m’apporte rien aujourd’hui, et je n’ajoute à ceci que adieu et adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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107 Val Richer, Vendredi 30 Juin 1854

Je n’ai pas reçu hier la confir mation que j’attendais, si impatiemment. Il me paraît clair que vous avez levé le siège de Silistrie, mais non pas que vous vous retirez des Principautés. Je crains que vous ne fassiez dans cette occasion-ci, ce que vous avez fait depuis le commencement de l'affaire, diplomatiquement et militairement, c’est-à-dire quelque chose d’indécis et d’incomplet un certain mélange d’ambition et de modération d'obstination et de concession, d'étalage guerrier et d’esprit non guerrier. Combinaison déplorable pour vous, et aussi pour l'Europe, car elle ne donne, ni à vous la victoire, ni à l’Europe la paix, et elle détruit à la fois l’idée de votre sagesse et celle de votre force. Tout l'orgueil Barbare possible, ne suffit pas pour tenir lieu d'habileté et de vigueur.
Je vous traite, en personne aussi impartiale, que moi je vous dis tout ce que je pense. Je me figure que, si je causais avec elle, je ferais admettre cela, même à la Princesse Kotschoubey qui a l’esprit juste, si elle a le coeur patriote. La vérité peut attrister, mais elle ne blesse pas quand il n’y a rien de blessant dans l’intention de celui qui l'a dit.
J'aime les deux discours d'Aberdeen, et le second au moins autant que le premier, quoique je trouve toujours qu’il ne le prend pas d’assez haut avec les adversaires. Il a beaucoup plus raison qu’il ne dit. Il ne rattache pas assez son bon sens et son honnêteté à la grande morale et à la grande politique. Il ne donne pas grand air à une conduite qui mériterait de l'avoir, et il se donne un air de faiblesse au moment même où il résiste. Il se défend quand il devrait attaquer, et il se défend amèrement et non pas énergiquement. Je le lis avec un mélange de satisfaction et d'impatience, d'approbation et de regret. Et je m'irrite de l'impertinence hautaine avec laquelle, les hommes qui sont à cent piques au-dessous de lui le traitent quelquefois.
Encore un général mort. N'est-ce pas que le général Schilder était un de vos officiers du génie les plus distingués ?

Midi
Votre N°97 est bien triste, et il y a de quoi. J'ai peine à croire pourtant que, de tout ce qui se passe, il ne sorte pas quelque chose de nouveau. Je vais lire la lettre d’Ellice. A demain. Adieu, Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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108 Val Richer, samedi 1er Juillet 1854

Je vous renvoie, la lettre d’Ellice, intéressante si j'y croyais tout à fait, j'en conclurais que la politique de la paix a fait son temps, que l'Angleterre veut du nouveau, n'importe par quels motifs, et à quel prix, et que nous entrons dans une de ces époques où les gouvernements et les peuples dépensent en enfants prodigues, le capital de force, de richesse et de bonheur qu’ils avaient acquis dans ces jours plus sensés. Cela se peut ; il y a bien des symptômes de cet état. Pourtant je n'y crois pas ; je vois bien des symptômes contraires, et je suis sûr que la France n’est pas du tout dans cette disposition.
// Ne croyez pas que je vous dis ceci par pure malice ; tenez pour certain que, s'il y avait dans ce pays-ci une tribune et si ses affaires du dehors, et du dedans, étaient publiquement discutées, ce qui arrive n’arriverait pas. Le vrai sentiment et intérêt de la France se ferait jours et les amis de la paix en Angleterre trouveraient en France un point d’appui. Je conviens qu’il aurait fallu s'y prendre plutôt, et qu’au point où en sont aujourd’hui les choses la paix ne peut se faire que fort à vos dépens.//
Le Duc de Broglie m'écrit : " Voilà l'affaire d'Orient qui entre dans une phase nouvelle ; il me paraît difficile qu’il n’y ait pas, dans tout cela, un dessous de cartes une certaine entente entre la Prusse et l’Autriche et la partie modérée du Ministère anglais. S'il y avait un homme quelque part, les choses étant posées comme elles sont, la paix telle qu’elle s’en suivrait. Mais je n'y crois pas ; je crois que John Bull poussera sa pointe que nous l’y seconderons un peu à contrecoeur, et que l'Allemagne laissera faire. Les événements décideront. "
J’ai aussi des nouvelles de Ste Aulaire qui me demande quelques renseignements pour ses Mémoires ; très amical : “ De fréquentes lettres de vous, c’est tout ce que je regrette des ambassades hélas, je serais bien indigne à présent de votre correspondance ; mon esprit s'endort et ma main tremble " Il m’écrit au crayon ; il ne peut plus tenir une plume. C'est ce qui m’arrivera un jour. Sa lettre finit par ceci : " Pauvre Princesse de Lieven ! On croit qu’elle a renouvelé son bail de la rue St Florentin. et j'en augurais bien pour son retour vous me ferez plaisir de mettre, mon nom dans une de vos lettres ; je lui suis bien sincèrement attaché. "
Puisque j'en suis sur les souvenirs, vous vous souvenez de M. Sauzet ; il est à Paris et M. Vitet m’écrit : " C'est à tomber à la renverse ; un spectre, un vrai fantôme. Le pauvre homme m’a donné l'explication de sa maigreur extrême ; c’est son énergie qui l’a dévoré. Par malheur, elle ne lui a pris que son embonpoint et lui a laissé sa faconde, à l’entendre, on le reconnaît." Il paraît qu’il y a eu de vifs débats à l'Académie, à propos des prix Monthyon ; les philosophes aux prises avec les dévots ; Cousin et Montalembert se sont querellés vivement. Cousin a été battu. Adieu.
Toujours un temps abominable des torrents de plus depuis trois jours. Si votre Empereur est aussi entêté que mon éternuement, il n’y a guère de chances de paix. Adieu, Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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120 Val Richer, Mercredi 19 Juillet 1854

Certainement, on pourrait se parler, et il y a, dans votre réponse aux dernières ouvertures de l’Autriche, de quoi arriver à la paix. Mais on n’y arrivera pas ; on est de part et d'autre sous le poids des fautes passées et des arrières-pensés d'avenir. On ne voulait pas de la guerre qu’on se fait, et aujourd’hui, quand on parle de paix, on veut autre chose que ce qu’on se dit. Sans nécessité, par imprévoyance et malhabileté, contre le voeu naturel des peuples et des gouvernements eux-mêmes, on a laissé se poser publiquement, avec éclat, deux questions énormes, la question de la lutte entre les gouvernements libéraux et les gouvernements absolus, et la question de prépondérance entre l’Angleterre et la Russie en Europe, et en Asie. Que fera-t-on de ces deux questions dans la paix qu’on peut faire aujourd’hui ? Evidemment on ne les résoudra pas, on n'en fera pas même entrevoir la solution. Il faut rétrécir et abaisser infiniment, les négociations pour arriver à un résultat, il faut fermer les perspectives qu’on a ouvertes, arrêter les esprits qu’on a lancés, ramener les choses et se réduire soi- même à de très petites proportions après avoir tout exagéré, enflé, soulevé. C'est bien difficile, et je n'ose pas espérer, pour arriver maintenant à la paix, un degré de sagesse, de prévoyance, de mesure et de fermeté bien supérieur à ce qu’il en aurait fallu pour éviter la guerre. Voilà, mon inquiétude et ma tristesse. Je n’y échappe. qu'en espérant que la fardeau des questions soulevées sera trop lourd pour ceux qui ont à le porter, gouvernements et peuples, et qu'à tout prix, ils s'en débarrasseront plutôt que d’y succomber avec un éclat honteux. Nous ne sommes pas dans un temps de grands desseins, ni de grandes persévérances. On peut sortir, par faiblesse du mauvais pas où l’on s’est engagé par maladresse. Dieu veuille qu’on soit aussi faible qu'on a été maladroit.
En attendant nous allons apprendre quelque grosse bataille entre Giurgiu et Bucharest. Je doute que le gros de l’armée Anglo-Française, soit déjà là, mais il paraît bien certain que Canrobert était arrivé le 9 avec sa division, au quartier général d’Omer-Pacha.
Je suppose que c’est une bouffonnerie des journaux qui disent que votre Empereur a interdit l'enseignement du Français et de l'Allemand dans votre École militaire d'Orembourg pour y substituer celui du Persan, de l’Arabe, et du Tartare. Vous n'en êtes pas encore à quitter aussi l'Europe pour l’Asie.
J’ai des nouvelles de la Reine Marie Amélie. Lettre du pure amitié, en arrivant à Claremont. Elle me dit : " Je crois avoir fait un beau rêve de six mois, car rien n'a été plus satisfaisant et plus doux pour mon coeur que le temps que j'ai passé à Séville ; le bonheur que j'y ai éprouvé et la douleur et la beauté de ce délicieux climat ont rétabli ma santé qui est tout à fait bonne. " Pas un mot, comme de raison, des troubles d’Espagne qui s'aggravent évidemment.

Midi
J'ouvre d’abord votre lettre, puis mes journaux. Est-il vrai que le Général [?] se soit suicidé ? J’espère G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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124 Val Richer. Lundi 24 Juillet 1854

J’ai, vous le savez, la prétention de n'être pas du tout général et tacticien. Je ne m’applique donc point à suivre pas à pas les opérations de la guerre, à eu discuter le mérite, et à mettre mes jalons à côté de ceux qu’on suit sur le Danube. ou dans la Baltique. Je m'étonne pourtant un peu de voir partout que notre corps de troupes qui vient de partir de Calais, est destiné à aller prendre et occuper les Îles d’Alaud. Comment y restera-t-il l’hiver prochain, sans l’appui des flottes, si la guerre n’est pas terminée au mois d'Octobre ? Comme malheureusement tout l'indique ? J’ai peine à me figurer le général Baraguey d'Hilliers et 8 ou 10 000 soldats Français seuls au milieu des glaces, pendant six mois dans les Îles d’Alaud. Il faut qu’on ait le projet de quelque coup plus prochain et qui mette plutôt fin à la situation.
Quant à l’Espagne, je vois, dans le Moniteur d'avant hier samedi, que Narvaez et Espartero sont d'accord. Si cela est, la Reine Isabelle n'a qu'à se soumettre. Il est vrai qu’il y a aussi moins de chance qu’elle soit détrônée.
Savez-vous pourquoi, le voyage du Roi de Portugal à Paris est remis au mois de septembre ? Est-ce simplement un arrangement convenu de bonne grâce entre lui et l'Empereur Napoléon, ou bien y a-t-il quelque intention de ne pas faire la visite ? C'est du reste quelque chose d’assez singulier qu’un Roi de Portugal absent de Lisbonne pendant qu’il sa passe de telles choses en Espagne. J’ai des nouvelles de Piscatory revenu en Touraine après deux mois passés en Italie avec sa femme et ses enfants. Pas plus content de l'Italie que d'autre chose. Il veut absolument que je le tire de ses ténèbres sur l'avenir, les plus noires le monde : " Est-ce la paix ou la guerre qui décidément résultera de tous ces mouvements belliqueux et de toutes les volontés pacifiques ? J’ai peut-être grand tort, mais tout cela me paraît pitoyable, d’un bout. du monde à l'autre. " Je ne lui dirai rien qui lui apprenne ce qu’il cherche, ni qui change sa disposition.

Midi
Rien de nouveau, ni à Giurgiu, ni à Madrid. J'espère que vous ne souffrez pas de cette chaleur qui me convient très bien à moi. Adieu, Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Au château de Broglie, Jeudi 20 oct. 1853

Je viens d’en lire bien long, la lettre de M. Xavier Raymond, et le manifeste de Raschid Pacha. C'est bien du bruit. Jamais les hommes ne font plus de bruit que lorsqu’ils n'ont pas envie de faire autre chose. Quand on regarde au fond et de ce manifeste et de toutes les pièces de cette affaire depuis l'origine, on trouve le bruit bien ridicule, car au fond, il n’y a rien. Vous demandez qu’on vous redonne ce que vous avez. On refuse de vous le redonner, mais on reconnaît que vous l'avez. Voilà pourquoi on vous déclare la guerre. Vous dites que vous ne l'acceptez pas, et vous avez raison, et je crois qu’on ne vous la fera pas. Pourtant, il y a là un grand secret un secret de Dieu. A-t-il décidé que le moment de la mort de la Turquie est venue, et par conséquent le moment du remaniement, c'est-à-dire du bouleversement territorial de l'Europe au sujet de l'héritage ? C'est possible ; et moins je vois de motifs assignables, de motifs humains à la guerre, plus j'ai peur quelquefois, qu’il n’y ait là une volonté divine, et que ce ne soit bien lui même qui pousse à la guerre, les hommes qui n'en veulent pas. Nous verrons bien.
En attendant, je cause ici, de cela et de tout. J’irai après demain passer 24 heures au Val Richer pour dire adieu à ma fille Pauline qui en par lundi pour le midi. Je reviendrai, après son départ, passer encore ici la semaine prochaine, et je retournerai au Val Richer, le samedi 29 pour le quitter définitivement le 15 ou 16 Novembre. C'est bien des courses, et mon Cromwell, qui touche à sa fin, en est un peu dérangé. Je serais fâché quand j'aurai fini ; c'était une société dans ma solitude, et un but dans mon oisiveté. Il faudra que je m'en fasse un autre.

9 heures
On m’apporte votre lettre, et le duc de Broglie m'en envoie une du Prince de Joinville qui est en effet très inquiet pour la Reine sa mère. La pleurésie allait mieux ; mais le matin même, une inflammation d’entrailles venait de se déclarer et paraissait grave. On attendait le Duc de Nemours qui venait de Vienne avec sa soeur la Princesse Clémentine. Le duc d'Aumale est en Savoie. Ils ont évité de se trouver tous réunis à Genève, de peur de quelque ennui politique. Je crains beaucoup pour la Reine ; elle est prête, fatiguée ; elle a 71 ans. Il y a de bon médecin à Genève. Ecrivez-moi demain à Broglie. Je n'en partirai samedi qu'après déjeuner. Mais dimanche, je vous prie de m'écrire au Val Richer. J'y passerai toute la journée de lundi. Adieu, Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Au château de Broglie, mardi 18 Oct. 1853

Je m'assois pour vous écrire et on m’apporte votre lettre d’hier. Celle de M. de Meyendorff est très rassurante. Il faut être deux pour faire la guerre. Le seul embarras, c’est qu’il y a trop de gens pour faire la paix. Ils ont bien de la peine à s'entendre. Ils en viendront à bout pourtant. Mais évidemment vous occuperez les principautés tout l'hiver.
Il n’y a personne ici que les maîtres de la maison. Barante, et Mad. Anisson sont partis avant hier. C’est bien un des lieux les plus tranquilles qu’on puisse imaginer. Beau et froid. On n’y sait point de nouvelles, quoiqu'on les aime. On se promène et on cause beaucoup. Bonne conversation, très sensée. Je trouve la princesse de Broglie changée, maigre et pâle. Ma fille croit qu’elle est grosse. Elle a déjà quatre fils.
J'écrirai demain à M. Monod ; mais sa lettre me fait, comme à vous l'impression qu’il n’a, quant à présent, point de pensionnaires, et je suis tout-à-fait de votre avis, il faut des camarades. M. Meyer, dont il parle est un excellent homme, pasteur luthérien, collègue de M. Morny. Je sais qu’il a en effet plusieurs fils jeunes peut-être à défaut de M. Monod cela conviendrait-il ?
Il est très bon que le Roi Léopold aille en Angleterre. La Reine Marie Amélie s’est arrêtée à Genève assez malade d’un rhume violent. En arrivant, elle avait fait dire à Mad. de Staël, qui est à Coppet de venir la voir, et quand Mad. de Staël est venue, elle n’a pas pu la recevoir. Elle restera à Genève jusqu'à ce que son rhume soit tout-à-fait passé. On n’avait cependant point d'inquiétude sur son compte.
Je suis bien aise que vous ayez retrouvé Dumon, et que du monde vous arrive. Je crois que vous en aurez beaucoup cet hiver. On sera agité sans vrai malheur, ni même vraie inquiétude. On court alors, on voyage.
Je trouve excessif que Kisseleff et Hübner ne soient pas invités à Compiègne. Il n’y a pas de raison pour cela. C'est trop d'empressement à couper l'Europe en deux, sans compter qu’on ne la coupe pas réellement en deux. Tant qu'Aberdeen sera au pouvoir, il ménagera l’Autriche, et la Prusse fera toujours plus que vous ménager. Adieu.
J’irai samedi prochain 22 au Val Richer dire adieu à ma fille Pauline qui part le lundi 24 pour Hières, je reviendrai ici Mardi 25 pour toute la semaine prochaine. Adieu, Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Au château de Broglie, Samedi 22 oct. 1853

Voici la réponse de M. Monod. On fera maintenant ce qu'on préférera. Dites le moi seulement dès que vous le saurez pour que j'en informe, M. Monod.
Je reçois à l’instant des nouvelles de la Reine du 19 à 10 heures du matin, un peu meilleures. On me dit que les mauvais symptômes ont cessé et qu'on est rassuré. J’ai pour que ce ne soit là que les oscillations d’une maladie bien grave. Elle avait été mieux le lundi 17 ; elle est retombée le mardi 18 ; un des poumons s’engorgeait ; il paraît qu’elle était mieux le Mercredi 19. On a fait venir de Paris, une soeur de la Charité qu'elle aime particulièrement.
C'est dommage que G. ne vous écrive plus. Je lui croyais l’âme trop exercée aux pertes ou aux gains de Newmarket pour que ses correspondances en fussent dérangées. Si l'Europe ressemble à la France, M. de Persigny aura raison.
Avez-vous lu l’article des Débats d’hier sur la race Slave, et le théâtre en Russie, et savez-vous qui est M. Pierre Douhaina l’article m’a intéressé, quoique bien long. Les Russes et les Turcs vont remplir les journaux. Je trouve le dernier langage du Times très sensé. On fera évidemment partout tout ce qu’on pourra pour rétablir la paix, et probablement on y réussira. Mais, on a en même temps partout le sentiment qu’il y a beaucoup d'inconnu, dans cette situation, et on se prépare à n'être pas surpris, ni pris au dépourvu par l'inconnu.
Voilà, toutes mes nouvelles. Je pars dans deux heures pour aller passer deux jours au Val Richer. J’ai eu ici un temps affreux. Il fait un peu moins laid aujourd’hui. Adieu. Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton Dimanche Le 4 février 1849

Lady P. m'écrit une lettre triomphante. Greville une lettre longue. Aboutissant à dire qu’il n’y aura rien. Stanley devait faire trembler le gouvernement Pal. fait trembler ses collègues, personne ne le fera jamais trembler lui même. Enfin, un fiasco. J’ai lu Palmerston. Effronté, spirituel. Ce que vous dites des autres est bien vrai ; il ne vaut pas la peine de s'occuper de Londres.
8h. Je vous envoie Lady Palmerston et une nouvelle lettre d’Ellice. Il doit être à Londres dans ce moment Metternich est évidemment trés mécontent de ce qui s’est passé au parlement. Je ne sais pas de nouvelles. Quelle attrape pour Bulwer que l'Amérique. Au fond P. à raison. Mais cette pauvre Georgine ! Quel mari et quel poste ! Adieu et adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton Dimanche 21 Janvier 1849

Hier longue séance de Metternich. Texte- question de non intervention. Je lui ai fait quelques compléments sur sa lucidité, Il m’a dit " je reprendrai cela avec M. Guizot." Il est très occupé de vous. Je lui ai envoyé ce matin ce que vous me dites de lui. Le commerce d'esprit va devenir très vif. Votre hôtesse a donc peu les impressions des femmes sont mobiles, ce n’est jamais elles qu'il faut écouter. Votre parti est pris et je crois que c’est le bon, quoique ce soit aussi mon opinion. Pourquoi n'écrivez-vous pas sur cela à Broglie ? Voici une lettre amusante de Bulwer. Copie car l'original est trop confus. Envoyez la de ma part à lord Aberdeen ; elle pourra l’amuser. Voici Metternich répondant à votre lettre. J’avais effacé dans celle-ci le nom de Génie. Pour tout le reste nul inconvénient. Adieu. Je profite encore du jour pour vous le dire, & je ne crois pas que la soirée ne vaille quoique ce soit à ajouter. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton le 1er février Jeudi, midi

Je vous renvoie toutes vos lettres. Mon premier mouvement a été de la colère, en y pensant un peu je ne suis pas si mécontente. L’argument qui me touche le plus est qu'hier dans le plus mauvais moment vous avez envoyé son livre. Après tout c'est de l'académie d’ailleurs, c'est fait, vous voyez que je vous imite. Voici un article du Globe d’hier 31. Vous savez que c’est L. P. qui l'écrit. Je vous renvoie tout ceci de bonne heure dans l'espoir que vous le recevrez encore ce soir. Je vous écrirai encore plus tard s'il y a de quoi. Mes yeux un peu mieux. Adieu. Adieu. J’ai lu moi-même Génie.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton jeudi le 9 novembre 1848

Voici la lettre, & merci beaucoup de me l’avoir envoyée. Relisez-la elle est pleine de sens pour les avis qu’elle vous donne et c’est bien là à quoi je vous ai exhorté. Pas un mot de vous à personne. J’espère qu’il n’y a rien dans les deux lettres que vous avez écrit à la Duchesse Galliera qui puisse vous embarrasser. Mais tenez pour certain que pour l’avenir ce que vous avez de mieux à faire est de ne plus lui écrire du tout. Et si vous m’en faisiez la promesse je serais plus tranquille. Elle n’est pas autre chose qu’une intrigante second rate.
Pour en revenir à la lettre. Quel coquin que [Thomine] ! (langage de Mad. de Metternich). Je crois qu'il faut un démenti très simple et court à ce qu’on débite sur vous et vos opinions. Vous n’êtes pas appelé à juger de choses & de situations que vous ne connaissez pas. Et ne nommez personne. Le Calvados vous n'en voulez pas. (Vous restez loin jusqu’après votre procès. Ceci est inutile.) Enfin bref & simple. Pourquoi votre travail si pressé ? Ce ne sera pas dans un moment de bouleversement qu'on le lira vous avez le temps de l'achever à votre aise. J’aime Bertin de tout mon cœur, et le narrateur aussi. Relisez la lettre. J’espère que vous aurez ceci dans la journée. Windisch Graetz se conduit à merveille, et de quatre ! Paris, Francfort, Milan, Vienne. Je crois que cela fera passer le goût d'insurrection dans les capitales. Vous verrez cependant qu’il y aura tout à l'heure quelque chose de très gros à Paris. Adieu. Adieu, et encore merci de m'avoir […]

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton le 9 Novembre 1848
7 heures

Voici pour vous divertir. Je me suis promenée. Le temps est charmant. Lady Holland, et Vandermeyer sont venus. Il a de l’esprit mais pas tant que je pensais. Je suis devenue difficile. Vous aurez eu ce soir ma lettre de ce matin avec son incluse. La Duchesse de Glocester vient d’offrir au roi sa maison dans le parc. Les Holland vont lui offrir Holland house. Vraiment ils seront trop mal au Star & Garter, quant à mon appartement on le ferme en hiver, parce qu’il est trop froid. Adieu. Adieu. Bugeaud dit de Cavaignac c'est une vache dans une peau de tigre.
Je vous prie ne citez à personne ce que je vous envoie là. Cela pourrait revenir à mon informateur, et il m'en demande fort le secret. Louis Bonaparte à d'Orsay. 29 octobre. " J’ai appris avec peine que le ministère Anglais avait écrit très défavorablement à mon égard. Il me semble que par ma conduite en Angleterre, et par les sentiments que j'ai manifestés, j’avais droit d’attendre plus de bienveillance. Dites-là où vous êtes que j’espère qu'on reviendra sur mon compte ? D'Orsay ajoute. Je ne crois pas que le gouvernement anglais aurait été si imprudent et s'inquiète. Car malgré qu'il se mêle si infructueusement partout, sa prudence l'empêcherait de n'avoir rien à faire avec le choix d’un président en France, et il serait trop juste pour n’avoir pas oublié que Napoléon a couru le risque de la popularité en se faisant dire spécial constable ici, par respect pour les lois de ce pays, qu'il vénère. (plus loin) mon ami sera le véritable Napoléon de la paix. Il ne compromettra pas l’entente cordiale pour des questions dynastiques & &&
J’ai copié textuellement. Je vous dirai quand je vous verrai à qui la lettre est écrite. J’ai l'original qu'il faut que je renvoie beau français !
Autre bout de lettres dont je ne connais pas l’auteur, mais qui me vient de la même source. " tu me fais sourire quand tu me parles des Orléanistes. Nous ne connaissons ici que la république simple, la rouge, démocratique et sociale. Les Légitimistes (parti formidable). Puis enfin les Bonapartistes. ce qu’il y a de certain c’est qu’en cas des mouvements je crois que la garde nationale resterait chez elle, que la ligue fort jalouse de la mobile ne s'unirait point à elle, et qu’il est presque impossible au milieu de ce chaos d'imaginer quels seraient les assaillis ou les assaillants ! Quant à l’artillerie de la garde nationale elle est d'un rouge effroyable ! Voilà ce que je sais, & je défie bien que de tout ceci on puisse tirer une conclusion quelconque.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/MF-G-L011_00066.jpg
Brighton Jeudi 11 Janvier, 1849

Voici une lettre qui vous plaira. Excellent homme moi je lui envoie aujourd’hui copie de votre dialogue avec le roi que je trouve charmante. Comme vous avez raison. Vous souvenez-vous les orages que vous souleviez quand vous faisiez l’éloge des Princes ? Comment ils sont venus tous trois un jour vous remercier de les avoir défendus ? Comment la reine pleurait en vous remerciant ? Je n’aime pas les rois tout ce que vous me dites de Paris est très curieux. Je suis bien aise que personne ne sache se conduire. Renvoyez-moi les deux lettres de Marion. Je vous écrirai encore le soir, s'il y a de quoi écrire. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/MF-G-L010_00471.jpg
Brighton 1 heure. Jeudi 16 Novembre

Voici la lettre, très curieuse. Vous verrez que ce sera Cavaignac c'est bien mauvais. J’ai encore espoir dans les 3 semaines qui restent. C’est si changeant chez vous ! Ce sera peut-être moi. On y va rondement à Berlin. J'en suis bien aise. C’est dommage que vous ne lisiez pas le Morning Chronicle tout est intéressant.
A Vienne on fusille un député de la diète de Francfort. Franchement, c’est fort, sans jeu de mots. Beau soleil, vent du midi, c’est bien joli, mais vous n’y êtes pas ! Adieu. Adieu.
On dit que Melbourne & Beauvale sont tous les deux bien mal. Cela m'expliquerait le silence.
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