Guizot épistolier

François Guizot épistolier :
Les correspondances académiques, politiques et diplomatiques d’un acteur du XIXe siècle


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Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 12 octobre 1851 Dimanche

Je n'ai absolument rien à vous dire sur la crise. Je n’ai vu personne hier qui put m'en donner des nouvelles en me rappelant ma dernière conversation avec [Fould]. Je suis portée à croire qu’il y aura modification à la loi, & modification dans le Ministère. Je ne crois pas à [?] tranchée.
J’ai passé 10 heures bien inutilement dans mon lit. Je n’ai pas dormi du tout. Ces insomnies accusent un bien mauvais état de nerfs. Je suis accablée aujourd’hui. J’essayerai de dormir en calèche. Je ne vaux rien pour ce soir, et cependant, il faudra ouvrir ma porte. Montebello est à Passy. Je ne l’ai pas vu encore. Il parait que sa femme n'était pas encore partie pour Tours. Adressez lui donc votre lettre à Paris 73 rue de Varennes. Je serai curieuse de causer avec lui.
Le pauvre Constantin a perdu son second fils âgé de 12 jours seulement. Il répète qu'Alexandre ne peut pas subir un pareil qu arrêt et que l’Empereur ne peut pas l’avoir ordonné. C’est le mot d’ordre, nous verrons. Si vous vous attendiez à des nouvelles, ma lettre va vous désappointer. Cela n’est pas ma faute. Adieu. Adieu

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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8. Paris le 3 juin 1853

Heckern vient chez moi tous les soirs. Hier il était tout gros de nouvelles de Londres, selon les quelles, Clarendon va se trouver dans la nécessité de convenir qu'il a été trouvé par l’Emp. Nicolas. Le ministère sera culbuté. Palmerston en prendra la direction. On regarde cela comme infaillible aux affaires étrangères. Selon la lettre de Greville & le dire de Hubner on est en grand travail d’accomodement. Tout le monde s’y met. Mais mon Emp. ne peut pas reculer. C’est impossible le ton du Times du 1er juin est remarquable. On ne peut pas faire d’affaires avec la France. Après tout, il n’y a pas d'intérêt direct anglais. Les bouches du Danube cela regarde les allemands qu’ils s’en tirent. Il conclut à l'abstention. Point de nouvelles hier. [Drouin] de [Lhuys] fait un secret de la dépêche télégraphique dont je vous ai parlé hier. Elle est vraie cependant, c'est Cowley qui me l’a dit. J'ai remis mon départ à la semaine prochaine. Il fait trop laid. Lord Cowley m’a interrompue. Je n’ai plus un moment à moi. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris Samedi le 14 septembre 1850

Je croyais vous avoir parlé du Piémont. Changarnier m’en a parlé dans le même sens que vous dites. Palmerston voulant recommencer la révolution en Italie. La guerre avec l’Autriche, & le Président entraîné à secourir le Piémont. Il me dit qu'il fallait y regarder. Je vous prie écrivez-moi sur Fleischmann une lettre que je pense lui envoyer. Il ne faut pas nous être enfilés là dedans pour rebrousser chemin sans grandes raisons. Moi, je l'épouserais. mon rhume me paraît descendre la montagne mais je ne suis pas sûre encore. J'ai marché dans le bois. Temps perfide. Le vent froid & le soleil ardent. J’ai vu le prince Paul, & les Holland le matin. Le soir le duc de Noailles & Dumon. Nous sommes très frappés d’un article du Times d’avant hier sur Salvandy, très exact. Aucun journal français ne le reproduit. Je n’ai pas de nouvelles de ce qui se passe ici. Je n’ai vu personne qui eût pu m'en donner.

Midi. Un courrier de Berlin qui m'apporte un de Constantin. " L’Empereur a pris connaissance avec beaucoup d'intérêt de votre note du 1/13 août, et me charge de vous remercier pour cette nouvelle preuve du zèle avec lequel vous avez toujours rempli vos devoirs" signé Czernicheff. Constantin ajoute que de pareils remerciements n’arrivent pas deux fois dans l'année. Il est fort content, & il est content que sa note a fait un grand plaisir. A propos de la Hesse, il me dit qu'on va voir là renouveler Charles X & Polignac, & que c’est déplorable. L’électeur un très vilain homme, & qui est tout à fait dans son tort. On le chassera. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 25 oct. lundi

Les Jerômes toujours très inquiets. Point de nouvelles. J’ai vu hier soir Chasseloup Laubat. Il a causé avec Mad. de La Redorte, et s’est montré très doux. Il ne donnera pas sa démission. Il en fera aucune opposition. Il a l'air résigné et triste. Appony l’Ambassadeur est mort d’apoplexie. Voilà ce qu’on annonçait hier soir. Ce que vous me dites sur [Palmerston] m’a été dit hier aussi par les Holland. J'ai à propos de mon fils Paul des correspondances qui me fatiguent, je ne sais ni comment ni quand cela aboutira. L’essentiel est de le revoir ici. c.a.d. de Londres. le reste on s’en passe. Alexandre n’a pas encore. son passeport. On me dit que ma faveur est toujours bien grande à la cour. Mais si cela n’a d’autre résultat que d'aimer mes lettres je suis peu avancée. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 7 novembre 1852

Le suffrage universel Dimanche le 21. J’ai vu hier Castellane et Caumont sortant du Sénat et Morny. La commission s’est mis d’accord avec le gouvernement, & le rapport de M. trop long conclut à la suppression de l’article 4 qui donnait l’hérédité à Jérôme. Il rentre dans l'ensemble de la famille. Il n’y a plus que descendance directe et adoption. Ce dénoncement cause la plus grande satisfaction à tout le monde moins Jérôme qui du Luxembourg où il était depuis 3 semaines est allé hier coucher aux Invalides. Aujourd’hui le Sénat se réunit pour voter, de là il se rend tout entier à St Cloud pour présenter le Sénatus consulte au Prince. Et voilà le premier épisode fini et très bien fini. Persigny seul y était très opposé. Ces deux jours derniers ont été fort amusants. Les péripéties dramatiques. Kisseleff a été reçu admirablement par l’Empereur. Il est comblé. Il reviendra, je ne sais pas le jour. Hatzfeld & Hubner sont chez moi tous les jours, et Kourakin aussi. Le Marquis Antonini est revenu. Lord Granville est ici pour deux jours. On ne sait à qui sera donné la présidence du Sénat, naturellement Jérôme la quitte. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris Dimanche le 29 mai

Le Moniteur vous annonce le départ du Prince Menchikoff. Il a longtemps attendu quatre délais successifs. C’est fini. [Kisseleff] croit aux coups de canons immédiats.
En dépit des réflexions du Moniteur, il n'y a que cela de convenable après le fracas, les lenteurs et tout ce que nous avons vu depuis trois mois. Je ne crois pas que l'Angleterre nous fasse la guerre, & la France ne fera rien & ne peut rien faire seule. L’Alarme est grande ici. Voici la lettre d’Ellice d'hier vous y verrez que le ton de Brunnow est devenu un peu arrogant.
Enfin toute cette affaire est une affaire, et les conséquences peuvent être grandes. Ce qui m'effraie c’est la colère où va entrer mon Emp. Si on s'avisait de dire qu'il a manqué à sa parole. Il n'y a pas manqué. Nous n’avons élevé aucune prétention nouvelle. Nous demandons la consécration du rien, & nous les demandons sous une forme plus obligatoire que les firmans, parce que nous avons fait l’expérience de peu de valeur des firmans, témoin Lavalette.
Que de choses curieuses j'aurais déjà eu à vous dire depuis 2 jours ! Je n’ai pas vu Fould. Flahaut est toujours très bien. Noailles a la tête perdue. Que sera ce quand le canon aura tiré ? J'ai eu hier des données détestables sur le professeur Allemand que je voulais prendre. Il faut que j’y renonce et je n’ai personne, et cela à la dernière heure ! Vous me voyez m’agitant ? Comment n'ai-je encore rien eu de vous depuis votre départ. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Schlangenbad le 26 août 6 h. du soir.

Je reçois de Fleichmann de si mauvais renseignements sur les chemins de fer, que je renonce à Bade, & je pars demain pour Paris. C’est donc là que vous continuerez à m’adresser vos lettres. La paix est à peu près faite entre Vienne & Berlin, mon Empereur a arrangé cela. L'Autriche a fait des concessions. C'est Constantin qui me mande cela. Adieu. Adieu. Je porterai ceci à Cologne.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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4. Paris lundi 30 mai 1853

Je suis votre exemple. Voici ma quatrième lettre. J’ai reçu à la fois ce matin le 1 & 2. L’article du Times du 28 fait beaucoup de bruit. Flahaut en est trés frappé. Tout le monde maintenant est contre nous. On dit que le moins épouffé et peut être seul même le réjoui de la situation, c’est votre Empereur. " il a eu raison, en ne se fiant pas à nous, et le voilà sorti de l'isolement. Il a pour allié l’Angleterre, il n’aura d’autres. " Il est bien plus occupé de Bruxelles que de Constantinople. Le mariage lui déplait beaucoup, ainsi que tous les succès de Léopold. J'ai eu beaucoup de monde hier, mon dernier dimanche. Du bavardage infini sur l’Orient. Toujours le duc de Noailles le plus enragé de tous. Molé bien fâché aussi. Le dernier paragraphe du Moniteur lui paraît très sensé. Au fond je le trouve un peu aussi. Castelbajac ne cesse de rapporter un langage très différent de celui du P. Menchikoff. Tout cela a besoin d'un éclaircissement. Kisseleff a l’air très dégagé et content. Hubner dit : cela s’arrangera. Je ne conçois pas comment ?
Quel dommage que vous ne m'aidiez pas à avoir une opinion. Tous les jours, toutes les heures, j’aurais des choses nouvelles et curieuses à vous conter. Donnez-moi toujours vos réflexions. Votre tableau de la campagne me donne bien envie de cette vie là. Comme elle me conviendrait avec mon salon de Paris le soir.
Cowley a une affaire avec Le duc de Gènes & Villamarina et on dit qu'à Londres on est mécontent de l’ambassadeur. comme je ne connais pas bien l'affaire je n’ai pas d’opinion mais je parierais pour quelque gaucheries de Cowley. On donne un grand bal au duc de Gènes à St Cloud ce soir, demain il part pour Londres. J’attends mon fils aîné aujour d’hui. La grande duchesse Marie ne va plus en Angleterre. La grande Duchesse Hélène ne vient plus à Vichy je crois vous avoir dit cela. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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6 Paris le 1er juin 1853

Menchikoff est parti d’Odessa le 24 pour Peters[bourg]. Il n’y aura donc rien d'immédiat. J’ai vu hier Fould & Heckman. Voulez-vous savoir mon impression ? On n’a pas envie de se lier à l'Angleterre. Elle vous a planté là dans l’affaire de la flotte. Maintenant la France est dégagé de tout ce qui lui était personnel ; elle ne suivra pas aveuglément les passions de Stratford. Elle restera à distance. Votre Empereur n’est pas inquiet du tout. Il est mécontent du mariage Belge et c’est là où se concentre sa préoccupation. J’ai vu longtemps Lord Cowley il a failli être rappellé pour n’avoir pas fait visite au duc de Gènes. Très longue histoire et drôle, trop longue à conter. Il a fini par faire la visite. Le bruit du rappel de Brunnow se renouvelle à Londres, est-ce personnel ou politique ? Je ne sais. Ce que je sais c’est que dans une entrevue avec Clarendon il a pris le ton haut. L'Anglais lui a dit qu’il n'était pas habitué à cela. Cowley dit que B est très embarrassé. Quel drôle de salon le mien hier soir. Hubner aigre & poltron. Heckern très amusant et très sensé. Molé charmé de tout ce qu’il disait, car cela promettait la paix. Il voit tous les jours D. de L. et on remarque à son langage qu'il sait tout. Votre Emp. a dit à un diplomate : la Belgique épouse l’Autriche, moi j'épouserai la Suisse. Mon allemand a été mis sous jugement, dégradé, on m'a noté la croix. Voilà. Je n’ai pas demandé le pourquoi, il me suffit de savoir les faits. Je ne prends personne. Je vous écris à tort & à travers. J'ai beaucoup à écrire pour un courrier, & beaucoup à ranger & arranger pour mon départ mais je ne fixe pas encore le jours. Adieu. Adieu.
Le journal des Débats est très curieux ce matin. Que dire après cela, c’est si clair.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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7. Paris le 2 Juin 1853

J’ai vu hier matin 18 personnes une dizaine ce soir. La tête me tourne de tout le bavardage que j'entends. Je passe au gros fait. Hier à à Berlin 6 du soir on recevait de Pétersbourg le propos souvent de Nesselrode. " Nous aurons le protectorat des Grecs coute que coute. " M. de Budberg avait avec M. de Manteuffel le ton très haut. Tout cela arrive par télégraphe.
Cowley est venu le soir me conter cela. Greville dans une longue lettre finit par ces mots-ci. The flut will not sail until we give order et puis. “The emperor has promised that he will in no case have recourse to ulterior measures without giving us ample notice of his intention. " Il me mande que Brunnow est dans le dernier embarras. Les Allemands ici parlent de désavouer Menchikoff, (vous voyez que le télégraphe de Berlin dément cela) et disent que l’Emp. n’a pas bien compris la portée de ce qu’il exige de la porte. Tout ceci prouve seulement que nous n’avons l’appui de personne. "
Nous amusons L. Radcliffe de tout le mal. Cowley me le dit aussi à l’oreille. Mais Greville maintient qu'il s’est parfaitement conduit & son cabinet l’approuve. Je suis inquiète de cette situation. Nous ferons la guerre sans le moindre doute à moins que la porte ne cède.
Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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9 Paris le 4 juin 1853 Samedi

On savait à Pétersbourg le départ de [Menchikoff]. La lettre qui l'annonce est venue ici 5 jours. Prodige de vitesse. Un courrier est annoncé pour demain. Nous trouvons que Menchikoff a été bien mou !
En Angleterre grande alarme et embarras pour le gouvernement quant aux détails voici la lettre d’Ellice, mais de son côté Cowley me dit que si nous entrons dans les principautés c'est la guerre entre l'Angleterre & la Russie. Je ne crois pas. Heeckeren disait hier soir sur des nouvelles de télégraphe de Vienne que nous avions occupé les principautés. Le petit Nesselrode arrive ici demain de Constantinople par Vienne. Mon salon est impayable. Tous les [diplomates] y sont, & Hubner aussi tous les soirs. Tout le monde agité.
J’ai vu hier Fould, pacifique, triste, & pas amoureux de l'Angleterre.
On repart de [S.] pour le mois de 7bre.
Midi Voilà ma lettre d’Ellice partie pour Chantilly, où L. Cowley passe la journée. Vous ne l'aurez que demain. Ce qu'il me dit de plus curieux c’est que sur une étourderie de Lord John 3 Cabinet ministers allaient quitter à propos d‘une querelle catholique protestante je ne sais quoi. Mais cela pouvait s’arranger encore.
Il dit aussi que Palmerston déblatère contre la Russie & pousse à la guerre tandis que les autres procrastinent. C'est bien là ce qui fait qu’ici on est pour Palmerston contre Aberdeen.
L'agitation diplomatique et bien grande partout. Moi je suis ici la confidente de tout le monde. Entre eux ces messieurs ne se parlent plus, ou très peu. Les Allemands sont dans les perplexités, les plus grandes. Andral ne veut pas que je parte par le mauvais temps. J’attendrai quelques jours, je ne fixe rien encore.
2 heures. Une lettre de Londres. Clarendon est au pied du mur il ne peut plus nous défendre. L’ordre sera parti pour le départ de la flotte. L’Autriche nous fait des remontrances. Si Schwarzenberg vivait il ferait marcher des troupes pour nous empêcher. Voilà ce que dit Londres. Vous voyez que tout est est bien noir. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris Mardi le 1er octobre 1850
Midi.

J'ai eu hier par courrier deux longues lettres de Constantin & de Meyendorff. La nomination de Radovitz Un grand & déplorable événement. Mais il ne pourra pas se soutenir. Détesté en Prusse, réprouvé par nous, par l’Autriche. Pas Prussien, Catholique, & quand il a porté les armes c’était contre la Prusse. Enfin c’est détestable, mais Viel Castel me disait hier soir qu'il fait qu'on l’ait pris pour quelque chose et que nous allons voir. En attendant il est impossible. qu'on s’arrange. Il n’est pas vraisemblable qu’on se batte, & cependant on n'en a jamais été si près qu’aujourd’hui. Meyendorff regrette que nous soyons si peu bien avec la France, mais les tendances affichées de l’Elysée pour Lord Palmerston nous ôtent toute envie d'être mieux, c’est très naturel, j'ai vu hier au soir les Ligne, les Kontouzof, jolie & aimable femme, Dumon, Antonini, Viel Castel. Un aimable homme celui-ci, commence très doux. La lettre de Piscatory est curieuse, bonne, il y a de l’étoffe !
Je déteste votre journal des Débats. Au reste il faut que je vous dise que tous les journaux m'ennuient à présent. Ils ne disent rien, ou bien ils disent des mensonges. Qui est- ce qui dit un mot sincère aujourd’hui ? Adieu. Adieu.
Ellice père m'écrit avec des excuses de ce que Marion n’est pas venue me voir. Ils ont à réparer ; je me tiendrai sur ce pied-là.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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16 Bruxelles Lundi le 13 juin 1853

Adressez vos lettres à Ems ayez soin de mettre par la, Belgique en haut et près de Coblence. Quelle fatigue, mais je vais me reposer un jour. Je suis venu commodément avec Paul et Marion. Je trouve ici Hélène K. Chreptoviz part demain pour la reine. Nous allons ensemble à Cologne. Paul est un charmant compagnon de voyage. Ma dernière journée de Paris a encore été bien occupée & bien employée. Tout ira bien. Nous entrerons. Vous n’entrez pars. On négociera. On aboutira car c'est de vous & le besoin de tous. Nous sommes très contents de vous. Contents d'Aberdeen. Bien contents du roi Léopold.
Menchikoff a été maladroit & Stratford Canning détestable. Mais les cours respectives soutiennent leurs agents. La diplomatie à Paris est dans un [?] énorme, je vais bien leur manquer. Je vous ai dit que j'étais charmée de ma dernière conversation avec Fould. La France se fait & se fera un grand honneur dans cette affaire tant mieux pour elle et pour tout le monde. On a fait beaucoup d'arrestations à Paris des rouges.
Adieu, car je suis prise de tous les côtés. Hier j'étais bien malade, je me sens mieux aujourd’hui. Adieu. Adieu. L’Autriche, nous appuiera.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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17 Bruxelles Mercredi 15 juin 1853

Je suis restée hier encore pour Hélène. Et me voilà ici. Cologne jeudi le 16. Je ne sais plus quand je vous ai écrit & quoi. Je rabâcherais peut-être. Le roi restait inquiet sur l’Orient, très occupé & utilement en Angleterre.
Excellent pour nous. Excellent pour la France. Pleine de sagesse, d’équité. Vraiment un homme remarquable.
Vous ai-je dit que Menchikoff a le commandement en chef de l’armée de terre & de mer dans le Sud que l’Empereur a été vif contre Nesselrode dans le premier moment. L’accusant d'avoir emmené tout cela par sa politique molle depuis longtemps. Que [?] n’a pas l'ordre de mission. Je l’ai vu à Paris, il est venu chercher sa femme dont il est séparé depuis 2 années. Homme d'esprit. J’espère le voir à Ems.
Adieu. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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19. Ems le 20 Juin Lundi 1853

Mon fils m’a quitté avant hier soir. Me voilà vraiment sans une âme. Je n’ai pas voulu le retenir. Il a été bien & charmant. Plus longtemps j'aurais trop vu l'ennui, je n’ai pas voulu abuser. Je n’attends personne. Quelle jolie perspective ! Je commence à m'alarmer vraiment. Les chances de la guerre sont grandes, car rien ne peut satisfaire mon empereur qu’une satisfaction directe, écla tante ; et le firman pour tous les cultes n'est pas cela.
Je me suis un peu orientée sur ce qui s’est passé chez nous. Au fond Nesselrode n'était pas d'opinion d'envoyer le Prince Menchikoff. C'est l'Empereur qui l’a voulu. Cet ambassadeur a été cassant, hautain. Redcliffe est venu brochant sur la mauvaise humeur des Turcs. Des querelles de visites ont aigri l’un contre l’autre les deux ambassadeurs. Menchikoff a été maladroit en toutes choses et lorsque enfin la place n’a plu été tenable, il a mis sur le compte des faiblesses de Nesselrode la décadence de notre influence auprès de la porte, ce qui avait préparé sa défaite. L’[Empereur] a reproché à Nesselrode tout le passé des dernières années. Et la scène a été vive dit-on. M. Le ministre a voulu racheter cela par une rédaction très insolent de sa note à Rechid Pacha. Nous allons en apprendre le résultat après-demain. Sans doute la porte nous répondra par un refus, nous entrerons dans les principautés. Je crois savoir que ce ne sera pas cas de guerre aux yeux de l'[Angleterre]. & de la France, à moins que cela n’ait changé depuis mon départ de Paris.
Voici une lettre de Greville qui vous intéressera. Nous sommes dans une position très embarrassée. Dans tous les cas notre bonne situation en Europe restera bien endommagée ; mais je le répète je crains plus que cela.
La mort du Nonce m’a vraiment beaucoup affligé. Marion en pleurs. C'était un brave homme. si tolérant, si doux, si facile & fin. Il pleut à verse aujourd’hui. Pas de promenade, pas une visite. J'ai commencé les bains. Nous verrons dans quelques jours comment ceci me convient. Adieu. Adieu.
Nous sommes bien loin. Vos lettres m'arrivent en quatre jours. Comment vont les miennes ? Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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21 Ems le 23 juin 1853

Quoique l’avis soit inutile j’espère, puisque je l'ai négligé hier. Je veux vous le dire aujourd’hui : que la copie que je vous ai envoyée hier reste bien pour vous seul ! Je n’ai rien de plus. Je suis curieuse de ce que vous me direz de notre dépêche.
Ma nièce arrive après-demain. Son mari n'ose pas quitter Berlin. Je crois & je crains alternativement : la paix, la guerre. Comment deviner ? C’est triste de ne bavarder qu’avec moi-même. Il pleut à verse. Voilà le cinquième jour, et pas une âme. Adieu. Adieu.

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Ems le 21 Juillet 1850

Le Prince Paul est revenu hier de Francfort. Il y a vu la duchesse de Kent qui lui a dit positive ment : "le ministère ne durera pas, c’est impossible, la reine me l'écrit." Je vous livre texte et auteur. Le Prince Emile me disait avant hier que pour le moment tout est rompu entre l’Autriche et la Prusse, mais cela n'inquiète personne. L’affaire du Danemark est assez embrouillée. C'est pour nous obéir et nous plaire que la Prusse a conclu la paix avec le Danemark au nom de l’Allemagne, maintenant il faut que les états allemands ratifient. Or, c’est une affaire très nationale & qui pique l'honneur allemand. L’Autriche est charmée que la Prusse ne soit un peu dépopulaire par là, et elle refuse de son côté de ratifier, pour se populariser à son tour. Nous allons nous fâcher contre l’Autriche. Voyez quelle confusion ! Notre flotte est là, mais il n’y a pas de troupes à bord.
Le mauvais temps continue. Je fais cependant mes promenades en voiture. A présent avec Constantin. Il a des récits curieux à me faire impossible de les écrire. On commence à Ems à être un peu trop curieux de me voir. Comme je ne vais jamais ni dans la promenade, ni dans le salon, on se fait présenter chez moi, & je commence à être très ennuyée de cela. Hier j’ai été d'une impolitesse remarquable même pour moi. Aujourd’hui je fais dire non aux gens qui demandent à venir. Ce que je vois habituellement c’est les petites princesses de Beauvale et la Duchesse d'Istrie. Le duc de Saxe Meneingen & Rothschild. A présent Paul de Wurtemberg for ever. Mais il ne m'ennuie pas. J'oublie ma princesse régnante, mais celle-là me fait rire à force de modestie & d'ignorance, et de bonne volonté !
Adieu, je suis fâchée de vous faire de si pauvres lettres. Je ne pêche rien dans le salon. Pensez-vous encore à votre projet de visite au Rhin ? Ou bien l'avez-vous abandonnée ? Répondez-moi, & si vous disiez oui, dites en un mot à Lord Aberdeen, en lui disant vos dates. Moi je reste ici jusqu'au 7. Le 8 je pars. Adieu. Adieu.

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Paris le 9 juin dimanche. 1850

La commission détestable. De grands doutes que la dotation soit accordée. Quoi alors ? Le chaos. J’ai dîné hier avec Thiers (chez Mad. Kalergi) il part demain pour St Léonard, il y a passera deux ou trois jours. Il a ouvertement proclamé à dîner son orléanisme. Il a dit et soutenu des thèses très extravagantes. Molé est venu après le dîner. Tous les deux prévoyant le rejet de la loi. Tout le monde frappé de l'ordre du jour de Changarnier. Remis complètement à sa place vis-à-vis du Président et la dernière phrase très bonne à propos de la garde municipale. Longue visite de Morny, bien content de ce que vous m'avez mandé à propos du projet. Quelques avances vers nous, j’ai expliqué comment il fallait les adresser autrement, et que vraiment ceci n’avait pas encore l'air d’un gouvernement. Très ferme résolution de rester ferme vis-à-vis de l'Angleterre. Il n'y a rien de conclu. Molé & Thiers ont laissé pour la possibilité que ce ne soit pas encore fait avant la discussion de Lundi 17.
Montebello part ce soir mais ils sont convenus lui & Thiers qu’ils ne se trouveraient pas à St Léonard ensemble. Thiers très attendri en parlant de l’état où il va trouver le Roi. Broglie a dit à Molé que d’Haussonville revenu de là dit qu'il y a des hauts et des bas dans la santé. Voilà tout ce que je sais. Les Ministres ont déclaré dans les bureaux, qu'ils voulaient la loi telle qu'elle a été présente, et que si on la rejette ou l’amende, ils se retirent. Je suis très pressée, tant de gens à voir ce matin. Et beaucoup à écrire. Je voudrais bien donner à K[isselef] & Chreptovitz quelque chose de mon activité & surtout de ma haine, je me reposerais. Adieu, adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris Dimanche 4 Novembre 1849
La situation s'est beaucoup modifiée. Le temps a été à l’avantage du président. La majorité est matée. C'est clair. Tout le monde dit aujourd’hui qu'on va à l’empire et que c’est inévitable dans peu de semaines. Broglie, (qui est enfin venu hier) m'a dit qu’on avait proposé au Prince la prolongation de la présidence, une bonne liste civile, que c'eut été difficile à faire, mais enfin que la majorité l’aurait entrepris. Il a refusé, cela ne lui suffit pas. Il lui faut l’empire. Comment cela se fera-t-il, Broglie ne sait pas. Sans doute on aura sous la main un certain nombre de représentants dévoués qui ratifieront le [?] de l’armée, si l'armée le pousse. Après cela, est- ce que la majorité de l’Assemblée qui déteste la République irait se battre pour elle ? C’est stupide d'y penser. Elle joue là un pauvre rôle. On fera sans elle, malgré elle, & il faudra. qu’elle se dise contente, ou au moins qu’elle se soumette. Après tout, le président aura habilement manœuvré. Mais au dire de Broglie, & d’autres, tout ceci pourrait bien être accompagné de gros mouvements dans la rue. Les rouges n’accepteront pas sans essayer autre chose. Les légitimistes pensent s'en mêler aussi. Enfin le bruit est probable. Dans cet état de choses à peu près inévitable, on me dit que vos amis poussent, qu’il vaudrait mieux que vous ne vinssiez pas tomber tout juste au milieu de la bagarre. Qu'il vaut mieux attendre la chose faite, sur tout comme cela ne peut par tarder. Je suis de cet avis aussi. Pour mon compte, selon que je serai avertie, je partirais ou j’irai passer ma journée chez Kisselef, si cela est fort menaçant le chemin de fer est le plus sûr. Mais pour vous songez à ce que je vous dis. Je crois qu’il vaut mieux s'abstenir. Ah, comme Broglie est noir et d'une amer ironie. Il déborde, il n’en peut plus. Au plus fort de sa harangue, Normanby est entré. Vous convenez quel éteignoir. Il venait de l'installation de la magistrature très frappé du spectacle. Le discours du président a été trouvé très bon, & suffisamment impérialiste. Kisselef a dîné avec moi. Il a eu deux courriers. L’un portant des paroles excellentes, sachant gré à la France de s’être conduit très différemment de l'Angleterre, car celle-ci avait eu une dépêche après l’audience de Fuat & Lamoricière point. L’autre un grand étonnement du départ de la flotte, accompagné de paroles. peu agréables. Si Kisseleff avait pu s’acquitter plutôt du premier message, & si on avait d’ici tout de suite rappelé la flotte désormais sans objet, il supprimait le second message. Mais aujourd’hui c’est trop tard. Point de Ministres, personne à qui parler, Molé & Thiers sans action directe pour le moment :et aujourd’hui Kisselef va faire sa petite déclaration à M. Hautpoul. Celui ci au reste est excellent pour nous. Sachez que tout le monde est russe ici. Et très peu anglais. La diplomatie toute entière, regarde l’Empire comme fait. Voilà. Quelle curieuse affaire. Adieu. Adieu. On ne parle on ne rêve qu’empire. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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24 Ems Jeudi 30 Juin 1853

Dans les grandes choses, votre esprit & votre jugement sont merveilleux. Vous voyez que je parle de la lettre où vous appréciez la dépêche Nesselrode. Je l’ai envoyée au correspondant que vous savez. Il en sera très frappé. Elle était trop grosse pour le quartier général, je crois cependant qu’elle y fera son chemin par ce détour. Évidemment on fait les derniers efforts pour négocier un arrangement, mais je ne comprends pas que mon Empereur puisse céder, car ce qu’il demande est après tout bien peu de chose. Je n’ai pas de lettre ici de Londres, ni de Vienne qui sont mes deux bonnes sources.
La pluie a cessé Dieu merci. J'ai pu recommencer les bains. Je vois chez moi le soir quelque fois le prince de Prusse, roi un jour. Il a 22 ans, agréable, et bon enfant. Voilà tout ce que j’ai pu attraper, il n'y a absolument personne. C'est à périr.
2 h. Une longue lettre de Greville, très noire pour nous. Il croit qu’on négociera entre Londres & Pétersbourg plutôt qu’à Constantinople. Mais là le sultan ne veut entendre à rien, c.a.d. que Redcliffe veut cela. Greville reconnaît que l’[Empereur] ne peut pas reculer. Quelle mauvaise affaire ! Je crois que si vous & mon correspondant de Vienne vous vous rencontrez, vous trouverez moyen de nous en faire sortir. Vous comprenez comme tout ici me tracasse.
M. de Budberg me mande de Berlin, que selon les lettres de Brunnow le Cabinet anglais a abdiqué ses pouvoirs entre les mains de Lord Redcliffe.
Adieu. Adieu, je ne pense et ne rêve qu'à ce maudit Orient, et à vous. Adieu

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris Samedi le 28 septembre 1850

Beaucoup de monde hier soir et au début un court tête-à-tête avec M. Achille. Fould. Je lui ai lu un passage de votre dernière lettre sur la situation. Il y a extrêmement applaudi & m’a dit que c’est comme cela en effet qu’on est décidé à se conduire. On ne fera rien. Les Ministres tâcheront de faire aller leurs affaires le mieux possible, et on attendra, on verra. On avait songé un moment à poursuivre quelques journaux légitimistes, on y renonce. Cela ne vaut pas la peine. Le parti en charge lui-même de se perdre. La circulaire est toujours regardée comme une bonne fortune. Quelques doutes sur ce que sont les vrais sentiments de M. Molé. Grand éloge de lui, & flatté de votre bonne opinion. J'ai été fâchée d'être interrompue, la conversation était intéressante et l'homme spirituel. M. Molé m'écrit ce matin que Jules de Lasteyrie est allé le voir hier, & qu'on lui annonce le général Changarnier pour ce matin. M. Roger a été envoyé à Clarmont. Voilà bien du mouvement. Le Président a reçu hier l'ambassadeur d’Espagne qui lui a apporté la toison d'or, la même que portait le roi Louis- Philippe ! Avant hier encore revue à Versailles toujours banquet aux officiers, sous officiers & soldats. Une [bouteille] de Champagne pour 2 par officiers. Mardi prochain cela recommence. Le général Lahitte y est invité. M. Persigny a été envoyé en Angleterre, on dit pour négocier de l’argent. Il n’y en a plus. Beaucoup de gens disent que l'assemblée n’en donnera plus, parce qu'on le fait boire à l’armée.
J’ai revu hier le duc de Noailles, il est reparti pour Maintenon, assez remonté ! Deux faits importants. Ma cour a pris le deuil pour 15 jours pour le roi Louis-Philippe et nous avons nommé un consul général à Bruxelles M. de Bacharach, homme très comme il faut & distinguée. C'est un premier pas vers des relations diplomatiques. Je connais l'homme. Il est resté 20 ans à Hambourg menant là nos affaires. Est-ce que l’Académie ne vous oblige pas à revenir ici en octobre ? Adieu. Adieu.
Thiers a dit à M. Menier à Bade qu’il était plein de doutes. sur la vraie pensée du général Changarnier. M. Fould me disait hier que Thiers revient le 10 octobre. Il avait eu une lettre de lui.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 16 octobre 1850

Jamais je n’ai vu un visage plus renversé que celui de Kisseleff hier soir, à propos d’un article du Bulletin de Paris sur le départ de M. de Persigny pour Berlin. Je ne l'ai pas lu. Il dit que la France & l'Angleterre vont soutenir la Prusse. Je ne puis pas le croire. Le général Lahitte affirmait l’autre jour, en me parlant, que quoiqu'il arrive, la France restera neutre dans la querelle de la Prusse & de l’Autriche. Ses réponses à ce que vous me demandez au sujet de Morny Je vous envoie l’indépendance Belge. Je ne crois pas que ceci fasse plaisir à vos amis.
Je n’ai pas revu Morny depuis votre départ. S'il est besoin je demandais à l’ambassade d'Angleterre les armes de ce pays à l’époque que vous dites. Les fleurs de lys y étaient, car je les ai encore trouvées en Angleterre. Elles n'ont disparues que de mon temps. Mad. Rothschild est venu me voir hier. Contente & tranquille. On dit que M. d’Hautpoul sera renvoyé. moi je n'avais pas compris cela. Marion a remonté avant hier le général Changarnier & Thiers chez la princesse Grasalcovy. Le duc de Bauffremont qui était ici hier soir sortait de dîner chez le président. Il y avait le duc de Capone & le prince de Canino, deux jolis sujets ! Point de nouvelle de là ! Les conversations sont très animées à Paris & certainement à votre arrivée vous trouverez les têtes très échauffées. La mienne pas j’espère. Vous trouverez dans l'Indépendance l'article du Bulletin de Paris qui passe pour appartenir à l'Elysée. Dites-moi l’adresse de Broglie je suppose que lundi & mardi c'est là que j'aurai à vous écrire. Adieu. Adieu.
Si nous causions il y aurait bien à bavarder. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 24 octobre 1849

La journée est trop courte à Paris, le bavardage les nouvelles se croisent, se confrontent. J’en suis étourdie. Hier encore j’ai vu beaucoup de monde. Sainte-Aulaire (Hélas il va je ne sais où, très loin, et ne s’établira à Paris qu'en janvier). Decazes. Montebello. La Redorte, les Holland. Dalabier, Kisselef, celui-ci le soir longtemps, un tête-à-tête. Larosière. Je lui ai fait lire à lui-même le passage de votre lettre sur son discours. Il a été comblé. Je voudrais bien voir M. de Montalembert ce que vous dites sur lui est si charmant ! La Redorte noir comme de l'encre, mais il m’a amusée. Tout le monde sans exception attend un coup d’état, c’est dans l'air, & vous voyez que les votes du président dans les faubourgs sont la préface. Décidément, il est en froid et en soupçon de la majorité ! Il cherche des amis autre part. On dit que Dufaure destituerait volontiers quelques fonctionnaires rouges, le Président les couvre & Dufaure est déjà débordé. Voilà ce qui se dit & redit avec un grand effroi. M. de Corcelles va remplacer M. de Falloux. On disait hier que le Président allait demander que son revenu fut doublé. Aujourd’hui le vote sur les princes [?] on dit que Joinville & Aumale promettent qu'ils ne reviendront pas. Louis Philippe serait très pressant pour que le bannissement cesse. Voilà ce qui m'a été dit hier de bonne source. Kisselef ne sait pas ce qui peut se passer à Pétersbourg. Tout est possible. Lamoricière mande qu'il n’a pas voulu voir Fuat Effendi. On a approuvé ici. Voilà qui est peu d’accord avec l'envoi de la flotte & toute la conduite. Je persiste à croire à la guerre avec la Turquie. Nous verrons. Je n’ai encore vu ici ni Autriche, ni Prusse. Cela m'étonne. L'Angleterre est piquée de ce que Je n’ai pas porté ma carte. Je ne lui dois aucun empressement. et le Mylord pensait bien venir. Le fait est qu'il croit que je veux le reste. On me l'a dit de leur part. J'ai demandé s’ils trouvaient que j'eusse des raisons pour cela ? Je crois que les Holland voient de la très mauvaise compagnie politique aussi bien que morale. Je me tiens en garde c'est-à-dire que je n’accepte pas leur invitation. Adieu. Adieu, j'aimerais assez que Piscatory vient chez moi. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 27 octobre 1850

J'ai négligé de vous dire, qu'on dit qu'à Frohsdorff outre le service funèbre, & le deuil pris en apprenant la mort de la reine des Belges on a encore et de nouveau chargé Salvandy de porter à Clarmont le message de sympathie & de condoléance, & que Salvandy au lieu de s’en acquitter en personne a écrit à Clarmont les paroles mêmes du comte de Chambord. Les nouvelles d’Allemagne sont très contradictoires, cependant vous allez être bien étonné si je vous dis qu’on croit que c'est l’Autriche qui reculera. Voici : les Prussiens entreront ou traverseront en vertu du traité avec la Hesse. Les Bavarois qui doivent y être entrés déjà, se replieront aussitôt l'entrée des Prussiens, en protestant, & resteront l’arme au bras à la frontière. Comprenez moi, je ne comprends pas. On annonce toujours que l’Empereur & [Schwarzemberg] vont à Varsovie mais ils n’y sont pas. Hier Hubner avait l’air de trouver que c'est mon Empereur qui doit une visite au sien. Tout cela est drôle.
J'ai été hier soir chez les Normanby. Lahitte ne savait rien, Viel-Castel que j’avais laissé chez moi n’en savait pas davantage. Chaque heure peut porter une nouvelle curieuse. On soupçonne lord Palmerston de vouloir faire une malice à la France & à la Russie en laissant croire sur leur compte les bêtises qu’a dit le Times et qui ne dément pas absolument le Globe. Je crois qu’en réalité on voulait ici une démarche collective conservatoire & menaçante & que l'Angleterre a été d'avis de notes simultanées. Lady Jersey part Jeudi. Voulez-vous dîner avec elle ici Mercredi ? J’aurai Sainte-Aulaire, Montebello, quelques diplomates, Viel Castel. Si vous disiez non, il faut me le dire, afin que j’ai le temps de vous remplacer mais dites oui. Demain je lui donne à dîner aussi. Adieu. Adieu.
Je serai charmée de voir finir ces adieux là.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Francfort Dimanche 10 août 1851

Avant de quitter Schlangenbad. J’ai reçu votre lettre du 5, et ce matin ici, celle du 6. Voilà qui est bien, mais les perdues restent perdues. Je suis arrivée ici à 8 h. La grande Duchesse un quart d’heure après moi, et une minutes après j’étais dans ses bras, car c’est ainsi qu'elle m’a reçue. Aussi tendre, plus tendre qu'il y a 16 ans à Pétersbourg. J’ai eu un grand grand plaisir à la voir & la contempler. Elle est charmante. Une heure de conversation intime, toutes choses. Je n’ai retrouvé mon lit qu'à dix et demie. Ce qui est hors de mes habitudes. J'ai dormi un peu. Je passe la journée ici. Demain, je ne sais pas. Ma tête va toujours mal.
Brunnow a été appellé en toute hâte à Petersbourg. On me mande cela de Londres. Il est radieux. J’ignore tout-à-fait pourquoi on l’a fait venir. Mon ministre ici le Prince Gortchakoff qui a été huit ans secrétaire chez mon mari à Londres est un homme d'esprit et fort au courant. Il est content de l’Allemagne, les deux grandes puissances laissent de côté les questions politiques & ne songent dans ce moment qu'à la question sociale. Premier intérêt pour tous, & sur cela on s’entend à merveille, & on agit avec une merveilleuse activité. Je suis interrompue par des visites, & de peur d'accident je fermerai ma lettre. Adieu. Adieu.

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Schlangenbad le 13 août 1851

Je n'ai jamais entendu dire un mot de l’idée du Roi George IV de rendre la bibliothèque royale à l’Empereur, c'est un conte. Dites cela à M. Croker. À votre question maintenant. C'est l’Assemblée nationale qui a raison. Nous avons écrit à nos représentants en Italie exactement ce que le journal a cité. Je le sais par Bouteneff notre Ministre à Rome à qui j'ai fait lire le journal. À propos il s’abonne, à l’Assemblée nationale je l'ai recommandé à mes autres ministres aussi. Voici ce qui me reste du peu de mots que m’a dit le prince de Prusse de ses conversations à Londres. La Duchesse d’Orléans dit " Henry V doit être rappelé. Nous serions élus. Cela rentre dans le principe de ma maison." " Et voilà entre nous la différence. " Je vous ai dit que la grande Duchesse survenant au milieu de cela, il n’y a plus eu moyen de reprendre & quelques instants après Le Prince voguait sur Cologne.
Ma langue va un peu mieux, mais j’ai un grand échauffement à la tête. C’est ennuyeux de le sentir mal arrangée par ce bout là. J’ai vu la duchesse de Hamilton. Ce sera si non une ressource, du moins quelqu’un. Jeudi matin le 14. Rien à vous dire. J’ai passé une mauvaise nuit. Il y a intermittence. On me conseille la quinine. Je ne me soucie pas de ces conseils là. Dans 10 jours j’aurai fini ceci je suppose, mon voyage n’a pas bien été. Que faire ? Adieu. Adieu. Je suis avide de vos lettres de Paris. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Ems le 28 juillet 1851 Lundi

J'ai dormi, et je vais mieux. J’attends l’éclipse. Ellice qui devait partir reste pour la voir d'ici ca.d. que la Duchesse d'Istrie l’a complé tement ensorcelé. Il fond. C'est à mourir de rire. La grande duchesse me laisse le choix entre Bade le 4, ou Francfort le 10. Je prends Francfort. J’irai à Schlangenbad le 2, le 9 à Francfort, & je reviens à Schlangenbad le 11 ou même le 10 déjà si je puis m’en tirer à si bon marché. Je viens de rencontrer le comte de Beroldingen qui me dit qu’il vient de recevoir la nouvelle que sa belle mère est morte hier. Il allait commander une messe de mort, & vient ce soir chez moi jouer au 21 ! Bouteneff me fait une conversation agréable, intéressante aussi bien anti Palmerston, bien anti Brunnow celui-ci en décadence, mais restant parce qu'on ne sait où ne trouve un autre, et qu’en général nous n'aimons pas changer nos agents.
3 h. L’éclipse est passée, peu de chose. Pas plus merveilleux qu'en 1819. On a vu ce matin à la source une danse russe se promenant avec une lanterne sur la poitrine, qu’elle tenait préparée pour l’allumer quand on serait dans les ténèbres. Adieu. Adieu, je n'ai rien à vous dire. Ellice a une attaque de choléra, il part demain. Adieu.

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Schlangenbad le 20 août 1851

Mes journées sont si monotones qu’il n’y a vraiment pas de quoi remplir trois lignes. J'ai eu une lettre d’Alexandre aujourd’hui. Il a demandé son passeport. Il ne doute pas qu’on ne le lui accorde vu l’état de sa santé. S' il y a quelque anicroche il s’adressera au Comte Nesselrode. Si cela n’allait pas, je serais la dernière instance, mais je crois que nous n'aurons pas besoin de tout cela.
Le 21. Vous devez avoir reçu toutes mes lettres et entre autres celle où je vous redisais les quelques paroles de la D. d’Orléans au Prince de Prusse. C'est absolument tout ce qu’il a eu le temps de me dire. Constantin est arrivé à Francfort. Il a perdu sa malle sur les chemins de fer, cela le retarde, mais il viendra ce soir tard. Adieu. Adieu. Car il n’y a pas un mot à vous dire. Mon médecin a mis tout Schlangenbad hier en émoi. Il a donné un bal. On n'a jamais vu de bal dans ces montagnes. Il est pour mourir de rire. C’est notre seul amusement à Marion & moi. Adieu.

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Ems le 24 Juillet 1851, jeudi

Je suis un peu effrayée de ma décadence. Cette affaire du reçu égaré est étrange. Je l’ai tenu en main, je l’ai soigneusement serré avec mes papiers d’affaires, et il n’est par là ! C’est évidemment de ma faute, mais comment est-ce que je fais des fautes pareilles. J'oublie ; je ne sais plus ce que je fais des choses. Il y a du trouble dans ma mémoire. Est-ce que cela arrive vite, comme une maladie, la rougeole, ou autre chose ?
Voilà un oukase nouveau bien sévère. En cinq ans d'absence convertis en 2 années et cela encore avec des droits énormes. Je crois qu'on criera bien fort en Russie. Il faut que l’Empereur soit bien sûr de son fait pour aventure est oukaze. Mes fils vont être bien contrariés. Je le suis pour eux, surtout pour Alexandre. Car Paul, Courlande ou Londres cela revient un peu au même pour moi.
Ellice est arrivé. Bonne mine et en train de s’amuser. Je voudrais qu'il devint un peu amoureux de la duchesse d'Istrie comme l’était le prince George de Prusse. Cela le ferait rester un peu. Avant de l’avoir vue, il menace de repartir après demain, avec Marion & Duchâtel. Quel grand vide pour moi.
Gladstone vient de publier une lettre à Lord Aberdeen contenant des horreurs contre le Roi de Naples & donnant pleine raison à Lord Palmerston sur ce point. Ellice conseille à Lord John d'élever Lionel Rothschild à la Pairie, pour punir la Chambre haute de résister à la volonté des Ministres pour l'admission des Juifs. Je n'ai encore causé avec Ellice qu’en courant. Adieu. Adieu. Je pense que le Président gardera ses Ministres.

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Ems le 14 juillet 1851

Je vois par une lettre de Lady Allen que le vote by ballot emporté à la ch. des communes n’a pas fait le moindre effet. Cela ne veut rien dire du tout, personne n’a combattu car on sait bien que cela ne peut pas passer. Les ministres traitent toujours ces choses là avec dédain. Elle me dit que le Parlement va être très prochainement prorogée.
Le temps se relève un peu aujourd’hui. Hier soir rien que Duchâtel & le piquet. Il se trouve très at home chez moi. Moi je le trouve original. Au fond il n’y a personne qui ne le soit un peu. Plus nous rabâchons & plus nous sommes contents de Claremont. Mais je répète, la situation de Berryer vis-à-vis la proposition Creton va en devenir embarrassante. Notre situation à Copenhagen est très puissante. Celle de l’Angle terre bien faible. A Vienne nous commandons à Berlin on nous obéit et au delà (La réaction va trop vite.) Tout ceci de notre part avec les formes les plus modestes. Radowitz conserve sa correspondance privée avec le roi. Cela reste un sujet d'inquiétude pour l’avenir. Dans le moment tout va bien. Voilà ce que j’ai relevé de mon diplomate à Copenhagen. Je verrai celui de Rome sans doute aujourd’hui. La duchesse d’Istrie est arrivée aujourd’hui. J’en suis bien aise. Adieu.
Votre lettre de vendredi me fait adresser ceci au Val-Richer. Hier j’ai écrit à Paris. Marion vous dit mille souvenirs.

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27 Schlangenbad le 30 Juin 1852

Ma dernière lettre d'ici. Hier j’ai pu aller à la soirée de l’Impératrice, nous étions seules. Son frère, Meyendorff, Constantin et moi. Elle m’a raconté des choses curieuses, ménageant ma poitrine et ne me faisant pas parler. Elle est charmante dans l’intimité. Je suis fatiguée encore de ma toux & de mon estomac. Mauvaise campagne pour ma santé, très bonne pour tout le reste. Il faudra chercher à me refaire et je ne sais pas où ?

4 heures Les Londonderry sont arrivés ce matin & toutes les cours de Nassau pour prendre congé. Je n’ai vu rien de tout cela. Je reste couchée aujourd’hui pour me préparer à demain qui sera fatigant.
J'ai été interrompue par la Duchesse de Nassau qui est venu me relancer chez moi. L'Impératrice m’a grondé tous les jours pour ne pas lui avoir rendu ses visites. Je n’y ai pas été une fois vraiment Je suis trop vieille pour être polie ; et quand je me consacre à mon Impératrice, il ne me reste plus rien pour personne. Je ne sais si je trouverai un moment pour vous écrire demain et voici une pauvre lettre aujour d’hui. Lady Londonderry a été reçu dans le jardin, bonjour et adieu rien de plus. Elle était arrivée avec force toilettes & diamants, elle sera repartie mécontente et elle venait de Hambourg, un voyage de 8 heures. Adieu. Adieu
Comment pourrai-je survivre à ces trois jours de fatigues ! Je n’ai pas eu de lettre de vous aujourd’hui. Elle sera peut-être allée à Francfort déjà.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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4. Schlangenbad Dimanche le 6 juin 1852

J'ai trouvé à Biberich, les voitures de la cour qui m’attendaient. Il a bien fallu en profiter. Je suis arrivée tard ici.
L'Impératrice était allée au devant de la [Grande Duchesse] Olga. Meyendorff est accouru et m'a tenue jusque près de onze heures & si agréable, si curieux que je n'avais pas sommeil.
J’ai mal dormi. Je ne suis pas logée auprès de l’[Impératrice]. Les jeunes grands ducs sont venus à [Schlangenbad] & deux jeunes Princesses de Dessau nièces de l’Imp.. Il a fallu mettre dehors les autres je suis dans la maison vis-à-vis. Le duc de Leuchtenberg avec moi, à 9 h ce matin le G. D. Nicolas est venu me voir, je n’étais pas à moitié prête. Un quart d'heure après la G. D. Olga et son mari, puis l’Impératrice avec le G. D. Michel. Voilà toute la famille impériale dans mes bras. J’ai été très émue en voyant entrer l'Impératrice, elle a été charmante, gracieuse, affectueuse. J'ai été lui rendre sa visite tout à l'heure, elle m’a gardée longtemps questionnant avec intérêt, intelligence.
Le Prince de Prusse arrive ce soir. Le roi de Wurtemberg demande à venir faire sa cour. On n'a pas envie de le recevoir. On ne veut voir personne. Le roi de Prusse sera ici le 24.
Meyendorff m’adore, & je l’adore aussi, nous allons passer notre temps ensemble. Que de choses nous nous sommes dites déjà. Je lui ai montré votre lettre car il est très avide de vous, il me dit que vous êtes dans l'erreur. Nous n'isolons pas la France du tout. Au contraire nous avons besoin d’elle pour toute affaire européenne. Elle est et restera dans ce concert. Seulement sous une autre forme, elle n'y sera pas aussi agréablement. C’est très exact ce qu’il me dit là & que je vous redis. Il est notre Cabinet. C’est ce que K. a l'ordre de dire et c'est parfaitement notre pensée.
Je suis très lasse j’attrape un petit moment avant le dîner. Je dînerai chez moi tête-à-tête avec Meyendorff. L’Impératrice dîne seule. Le soir j’irai auprès d'elle. Je ne l'ai pas trouvée aussi changée qu'on me l’avait dit. Olga superbe. Mes jeunes G. D. charmants. Le duc de Leuchtenberg arrive mourant dit-on. On l’attend ce soir. Personne ne croit à la fusion. On l’a trop souvent annoncée. Adieu. Adieu.

Voici votre N°3 du 3 juin. Merci. Le duc de Leuchtenberg a l’air d'un mort qui tâche d'avoir l’air vivant.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris samedi le 11 octobre 1851

J’ai enfin dormi, et c'est là tout ce que j'ai à vous apprendre. Les journaux sont pleins du bruit d'un changement. Votre petit ami auquel j’ai confié ma lettre hier, a pu vous porter les dernières nouvelles. Moi, je les ignore, entièrement. Je n’ai vu personne qui pût m'en donner. Viel-Castel ne sait ou ne dit jamais rien, & c’est le plus capable de mes visiteurs d’hier. Lasteyrie a parlé avec humeur feinte ou réelle de la conduite des Princes qui font toujours des bêtises. Il a parlé aussi avec une colère très sincère quoique contenu de Changarnier et tout joute sincère parce qu’elle était coutume. Il croit à la réélection du Président. Me voilà au bout.
Mon fils Paul va venir. Je le crois très effrayé. S’il va en Russie, ce sera pour lui bien pire que pour son frère. Et s’il ne va pas dans 6 mois on met le séquestre sur ses biens. Ce qu'il fera probablement sera de vendre ses terres et très mal. Comme il a des capitaux cela ne le dérangera pas. Et pour ce qu'il dépense il restera toujours beaucoup trop riche. Nicolas Pahlen va venir passer l'hiver à Paris. Kossuth fait un véritable événement en Angleterre. Palmerston reculera certainement. Le Morning post l’indique. Le journal des Débats serait-il bien informé à propos de Gladstone Palmerston & la diète de Francfort ? Hubner revient aujourd’hui de Corse. Adieu. adieu
Francfort est vrai. Je viens de l’apprendre à l’instant.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 17 octobre 1850

Kisseleff que j’ai vu hier deux fois, était plus rassuré. Il a vu longtemps le général Lahitte dont il se loue extré mement. Honnête, loyal, plein de sens & sincère. Reste toujours le doute d'une double diplomatie. Les propos de M. de Persigny prêtent fort à ce soupçon. Nous verrons ce qu'il fera à Berlin. En attendant je crois comme vous, que cette affaire de la Hesse s'arrangera. Tout le monde est curieux, de Varsovie. L’Empereur y est depuis le 12. Hier tous les diplomates Schelenbourg & Hubner en observation. Deux aveugles mais qui se donnent la main. Je ne sais absolument rien de ce terrain ici. Montebello est en Champagne. Dumon en campagne, hier au moins.
A propos, bêtise anglaise. Louis Bonaparte au lieu de campagne donne à ses soldats du champagne et au lieu de battles, des bottles. Pardon. J’ai écrit aujourd’hui seulement au roi Léopold. hier Royer est venu me voir. Le sentiment est général en Belgique. J’espère voir aujourd’hui Sainte Aulaire & le duc de Noailles. Adieu car je n'ai que cela à vous dire.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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94. Ems le 6 juillet 1854

J’ai vu ce matin une lettre de Pétersbourg expliquant nos mouvements. 250 m dans les principautés 150 m en Podolie & Pologne, prêtes à marcher sur Cracovie et Vienne. On a abandonné Silistrie & partir de la Valachie à cause de l'attitude de l’Autriche. Mais l'Autriche est-elle de bonne foi ? Le correspondant émet cette idée comme un doute. On dit toujours que nous voulons la paix. Certainement l’Autriche la désire. Qu’est-ce qui ressortira de tout cela. Rien n'est éclairci. Constantin me mande que le prince Gortchakoff avait eu son audience de congé le 27, mais qu’il ne partait que dans quelques jours. Sa lettre est du 29 depuis l’approche des flottes toutes les promenades de la cour se dirigent vers les points d’où on peut les apercevoir. C’est l'élégance. L'[Empereur] & l’[Impératrice] sont toujours de ces promenades-là. Le temps superbe, la mer calme. Les Anglais ont tiré un coup, une bombe sur le Vladimir. Le ton est toujours à la gaieté. Quel étrange spectacle. On doute beaucoup qu'ils attaquent Cronstadt, mais ils sont là et au complet.
Greville me mande que vous allez embarquer sur des vaisseaux Anglais des troupes destinées à une descente dans la Baltique. Brignoles est arrivé hier, cela va me faire une bonne causerie.
Le 7 Vendredi. J’ai des nouvelles sûres de Peterhof de quelqu'un ici qui a causé une heure avec l'Empereur il y a 10 jours. La réponse à l’Autriche n’a dû arriver que hier 6, celle pour la Prusse sera portée par Constantin. C’est à peu près ce que disent les journaux. Toujours le tête-à-tête avec la Turquie pour la question religieuse. Négociations avec tout le monde pour les autres. (qu’est ce que c'est que les autres ?) position prise sur le Sereth et attente. "
L’Empereur très bien portant, très calme, prenant les choses de haut. Aucune irritation contre l’Autriche ni contre la Prusse. Il ne sait pas ce qui se passe en France et en Angleterre.” Constantin me dit qu’on demande mes lettres à grands cris. Si ce sont là leurs seules nouvelles, je les plains. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris Dimanche le 20 octobre 1850

All right. C'est moi qui avais mis le pain [?]. Paresse de sonner pour de la bougie, Hubner hier soir, très préoccupé, mais très décidé. On poussera jusqu’au bout Que fera la Prusse ? Cela ne peut plus traîner dans quelques jours le dévouement, c.a.d. qu’elle laissera faire, ou qu’elle s'en mêlera. Et alors belle mêlée ! [?] est fini, officiellement enterré. A présent la Prusse au lieu de l'Union, veut [?]. Hubner ne comprend pas la distinction. Dans tout cela Hubner dit que nous sommes coupables de n’avoir pas tranché la question alle mande dès le mois de mai à Varsovie. Nous le pouvions alors, nous avons été timides. Je crois qu'il a raison. Aujourd’hui c’est très ouvertement qu'on parle de 200 000 [?] prête à entrer en cam pagne d accord avec l'Autriche. M. de Heckern qui était ici hier soir, (Ah mon Dieu quelle façon ! Je ne crois pas que je le tolère) avait vu le ministre de la guerre furieux du Constitutionnel, il a couru à l’Elysée. Il en est revenu le visage long [?]. Mad. de Contades disputait cela et prétendait savoir qu’il resterait, elle venait de dîner chez lady Douglas. Thiers & Changarnier sont à Ferrières pour deux jours.
Voilà toutes mes nouvelles. Alexandre m'écrit de Naples ce qu'il n'a pas voulu m'écrire de Töpliz, qu’ayant vu le comte Nesselrode tous les jours, jamais il n’a prononcé mon nom, ni demandé de mes nouvelles ; très incommodé de ma correspondance avec l'Impératrice. Je ne puis pas lui épargner ce déplaisir. Mais je comprends que cela ne soit pas commode. J'ai écrit à Duchatel. Je regrette beaucoup. Dumon, je n'ai plus de discoureur agréable et confortable. Personne ne sait le moindre mot de Salvandy. Du moins je n'ai rien appris quoique j'ai demandé. Adieu. Adieu.

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Paris le 17 octobre 1851

Voici vos deux lettres à la fois. Pourquoi cela ? Je n’en sais rien. La journée d’hier paisible, on trouve que la commission de permanence se conduit très sagement. Le blâme est universel. On ne comprend pas que le Président aie pu faire pareille faute. Tout le monde était pour lui, aujourd’hui c'est le contraire. Le corps diplomatique ne se gène pas de le dire. On croit qu’il ne trouvera pas de Ministres, & on dit que cela lui est égal car il a un grand mépris de l'Assemblée. Elle a un peu donné lieu à cela jusqu'ici. Je sais que tout dernièrement il a appellé M. E. Girardin un misérable. Il n'y a donc pas de vraisemblance qu'il le prenne. Avant-hier M. Fould croyait savoir que M. Billault refusait.
Hier il y avait dîner de dames russes à St Cloud. Kisseleff n'en était pas. Je n’ai pas dormi encore cette nuit, c’est bien ennuyeux . Est-ce que c’est une infirmité naturelle de mon âge. Adieu. Adieu.
Je n’ai pas encore vu Génie. C'est drôle. Adieu

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Paris le 19 octobre 1850 Samedi

Le Constitutionnel confirme pleinement ce matin ce que me mandait Fleichmann de l’alliance signée à Breguez, Viel Castel qui était ici hier soir prétendait ne le savoir que comme moi par des lettres particulières. Il a ajouté que les propos de [Radony] étaient d'une violence. extrême, & que certaine ment la Prusse ne peut pas reculer, à moins que [Radony] Louise, et puis une agitation curieuse. Être si près de la France ! En Allemagne je suis mieux, plus tranquille. Voilà les paroles. La reine en mourant a dit en baisant la main du roi. Je veux baiser la main de mon roi. Cela a été fort remarqué le mère n’y jouait pas de rôle. Le prince de Joinville a l'air mourant, il sera le premier à suivre sa sœur. Voilà tout Mad. Molhin.
Kisseleff frère part aujourd’hui. Il a refusé toutes les occasions que je lui ai offerts de voir des personnes importantes, sauf Changarnier est-ce timidité ? égard pour son incognito ? Insuffisance dans la conversation ? Je ne sais. Ce que je sais c'est qu'il a beaucoup d'esprit, la finesse russe et une demi civilisation originale, agréable. Au fond, il pleure de quitter Paris et je ne serais pas étonnée s'il y revenait. Longue visite de Marion. Sa résolution reste bien arrêtée. Et j’y crois tout-à-fait. Adieu. Adieu. Je vous félicite du prospect de grande paternité.

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Paris le 24 octobre 1851 Vendredi

Je suis si malade, et si tourmentée que je ne sais pas vous écrire une lettre raisonnable. Pardonnez-moi et acceptez le peu que je vous donne. La crise n’a pas fait un pas. Le public est très insouciant. J’ai vu hier-soir Berryer et beaucoup de monde, trop pour mes nerfs. On est très monté sur tout ce qui se passe. Le parti légitimiste très résolu à tenir tête. Je ne sais pas les autres. On me dit qu'on est très content de Changarnier. La mort de la Duchesse d'Angoulême est un événement et pourrait mener à bien, si à Claremont on veut le bien.
En attendant vous avez vu les paroles du Prince de Joinville à Adiot. Je vous les envoie pour le cas où vous ne les aurez pas. Deux lettres l'une à M. Foucher de lui qu'on a vues sont en contradiction formelle avec cela. Il veut qu'on soit muet, comment [?] cela. Les paroles dites à Adiot sont du 17. Les lettres des 20, & 21. Le Chancelier était aussi chez moi hier soir, très vif sur ce qu’on doit faire par suite de la mort de La [Duchesse] d’Angoulême. Noailles reste encore aujourd’hui ici. Le comte Bual est à Bruxelles. On retient Brunnow à Pétersbourg. Je ne sais ce que fera Brunnow. Mais évident le monument Kossuth fait fiasco. Lord John a réuni le cabinet le 14, & ne lui a pas dit un mot encore sur la réforme. Les Ministres n’en savent pas le premier mot. C’est Bauvale qui me le dit.
Une nouvelle impertinence de Lord [Palmerston] a provoqué de le part de Fortunato une [?] très vive, dit Antonini. La légation napolitaine à Londres est rappelée toute entière. On désigne un autre ministre Carini mais qui n’ira pas encore Antonini est plus furieux que jamais. A propos il est le seul diplomate qui approuve ce que fait le président.
Je suis triste pour moi du retard de votre arrivée à Paris. Pour vous je ne le regrette pas. Je ne vois pas le bien que vous pourriez faire, & je vois, même dans ce qui se passe aujourd’hui l’avantage pour vous de votre absence. Si l'on cherche à peser sur Claremont il vaut mieux pour la chose, que vous y soyez tout à fait étranger. Qu’allez-vous dire à Falaise depuis certaines préfaces il me reste de l’inquiétude dès que vous parlez ou écrivez. Vous me pardonnez mon impertinence.
Je ne sais rien de Morny. Vitet est établi à Paris depuis hier. Je le questionnerai sur Duchatel. Adieu. Adieu.

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Paris le 18 octobre 1850

Fleischmann me mande que [Br ? ] a signé le 12 l'engagement d'occuper la Hesse par les troupes Bavaroises, & de réunir dans un mois une armée combinée Autriche. Wirtembourg & Bavaroise de 22 000 La Prusse, ajoute Fleischmann, ne peut pas reculer. La guerre va donc éclater. Je suis comme vous je n'y vois pas encore. Sainte-Aulaire croit savoir que le général Lamoricière aurait envoyé au Prince de Joinville l'offre de se laisser porter à la présidence. Bêtise. Le duc de Noailles hier soir fort triste et découragé. Il faut du temps, beaucoup de temps. Attendre ce qui arrivera dans 18 mois. Dumon part aujourd’hui pour ne revenir que le 25 9bre. J'en suis très fâchée. Il n’est pas couleur de rose non plus.
Je ne sais rien de la commission hier ! Mais je suis portée à croire que cela aura été sans couleur. Lady Jersey s'annonce pour demain pour huit jours. Je l'aurai sur les bras. On dit que le voyage de l'impératrice est une intrigue de son Médecin Maudt un prussien, qui a voulu ainsi tenter un rapprochement. C’est possible, mais cela ne réussit pas. Nous faisons un nouveau recrutement de 10 h. sur 1000. C’est énorme. Adieu, car je n'ai reçu de plus. Adieu.

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Paris lundi le 27 octobre 1851
Midi

Voilà le ministère. Vous saurez mieux que moi en décider la couleur. Je n’ai vu personne encore, rien que le Moniteur. A tout hasard je vous envoie les noms, car je ne sais pas si vous recevez les journaux du soir. Chasseloup était ici hier, ne sachant rien. La Redorte très curieux à entendre. Très mécontent. Le pays d'où il vient, ardent comme lui-même l’était, pas le Président ; aujourd’hui en blâme comme lui et très vivement. Faute énorme dont le Président [?] ne pourra pas se relever. L'Assemblée qui était très bas, est redevenue très respectée. Sa conduite tranquille a beaucoup plu. L'espoir et le conseil de La Redorte sont qu’elle continue comme cela mais qu’elle tienne bon et ferme. Jamais accorder l'abrogation. Selon ce qu'il avait recueilli dans 24 heures, grande consternation à l’Elysée du jugement si unanime de toutes les classes élevées. Heckern me disait hier que Morny & Persigny se disputent l'influence. Morny pour qu'on recule. Persigny pour qu'on avance. Je suppose que le ministère est dans l’opinion Morny.
J’ai rencontré hier le Président il avait l’air fort triste. Les diplomates curieux, inquiets de l’inquiétude de leurs gouvernements. Mad. de la Redorte a pris le deuil de la Dauphine. Mad. Roger aussi chez moi hier soir. Celle-ci blame & noir. L’autre tout noir. Les dames russes sont venues chez moi hier en deuil. Je les en ai louées. Est-ce loué ? ou louées ? La Redorte dit que ce qui cause le blâme universel c'est que la politique personnelle marche à front découvert. Adieu. Adieu.
Rien encore de Pétersbourg. Peut-être aurai-je pour toute réponse le silence. Est-il possible ! Je suis toujours misérable. Un artichaut & deux quenelles de volaille, les forces s'en vont. Adieu. Adieu.
Corbin Justice
Turgot. Aff. étrangères
Charles Giraud Instruction
Thorigny Intérieur
Casabianca agriculture
Lacrosse travaux publics
Saint-Arnaud la guerre
Fortoul marine
Blondel Finances
Maupas La police.

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38. Dieppe le 16 juillet 1852

Tout ce que l’Impératrice pourra faire pour moi, elle le fera. Cela elle me l’a dit & je crois tout ce qu’elle me dit. Je crois aussi qu'il y aura plus haut bienveillance pour moi. J'éprouve donc une certaine sécurité. Mais de promesse je n’ai pu en avoir aucune. Mais voici venir une autre aventure. L’Empereur a fait faire des avances à mon fils aîné, il désire le reprendre au service et lui donner un poste convenable. Voilà les premières paroles qu'il lui a fait dire après cela il faut se voir, s'entendre. Paul acceptera un poste diplomatique indépendant et je lui conseillerai de n'être pas difficile, mais il faut qu'on lui dise quoi, & Nesselrode cet absent, & Orloff aussi va l’être. Tout cela est remis à assez loin, en attendant j'aurai à soigner ces préliminaires et c'est assez difficile avec tous ces éparpillements.
La chaleur commence à devenir lourde ici aussi. Je vois les Delessert beaucoup. Lord Cowley tous les jours. Mais on ne se réunit pas et je ne suis pas bonne à cela maintenant car je vais me coucher à 9 heures vraiment avec les poules. Je n’ai pas la moindre nouvelle. Le comte de Chambord ne songe pas à venir à Wisbade, c'est ce que m’a dit le duc de Noailles. Pour Changarnier je crois bien qu'il va à Vienne, on le croyait à Bruxelles. Vous savez que M. Molé est à Trouville.
Adieu, nous n'aurons rien de bien intéressant à nous écrire. Moi je végèterai. Un ennuyeux été à traverser et sans profit pour ma santé. Adieu. Adieu.

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Paris lundi le 29 octobre 1849

Voici ce que m'écrit Constantin. 24 Berlin. " L'envoyé turc a été trouvé très content, une fois hors de l’influence de St Canning. Le jour où Bloomfield & Lamoricière ont présenté leurs notes, le comte Nesselrode a eu la satisfaction de pouvoir leur dire, que tout était terminé directement avec la Turquie Le pied de nez est complet. Vous vous en réjouirez surtout à l’endroit de Lord Palmerston, ce génie infernal ." Voici les dates. Le courrier Anglais est parti de Londres le 7 octobre. Il n’a pu arriver à Pétersbourg que Le 10e jour au plus tôt. Or nous avions fini avec le Turc le 14. Le 16 il a eu son audience de l'Empereur vous ne voyez le récit dans les Débats c’est que les hommes importants s'emparent du pouvoir de gré ou de force : Thiers, Molé, Berryer ministres. Tous les gens de cœur & d’honneur se mettant au service. Le duc de Noailles accepterait d’être sous préfet. Il s'agit de sauver la France il n'y a d’autre moyen que l'épuration des places. Il est très éloquent et très monté. J'ai été le soir un moment chez la vicomtesse. Le duc de Mouchy est un vrai paysan. Il me déplait parfaitement. Aujourd’hui qu'il est l'un des 150 rois de la France, il est insoutenable. Et puis il a été 10 fois impressionné dans la demie heure que j’ai passé là. Votre lettre ne vient pas, qu’est-ce que cela veut dire ? Adieu, Adieu.

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29 Ems samedi le 9 juillet 1853

Une lettre extra pour vous dire que selon mes dernières nouvelles nous allons publier une dépêche explicative de Manifeste, où il sera dit : qu’aussitôt que la porte nous aura offert des garanties acceptables et que les escadres des puissances maritimes auront quitté les eaux de la Turquie, nos troupes de leur côté évacueront la Moldavie et la Valachie. Qu'en dites-vous ?
A propos M. de [Damis] est enfoncé dans les lectures que je lui fournis quoique nous nous voyons deux fois le jour il m'écrit à tout instant. Voici sur votre lettre. Il m’en a reparlé le soir, avec des admirations sans fin sur le style de votre lettre. Vous me querellez sur la distinction que j’ai l’air de faire de votre Génie pour les grandes & petites choses. Certainement vous valez mieux pour les premières, mais je vous prie de ne pas m’abandonner dans les autres.
Je suis d'une grande curiosité du débat de hier au Parlement. On commence à dire que Palmerston reprendra les affaires parce que si dans ce poste il ne nous fait pas la guerre, les Anglais verront qu’il n’y a pas de quoi la faire. Enfin ce serait drôle, mais tout est drôle, pourvu que cela ne reste que drôle. La chaleur est étouffante. Adieu. Adieu.
J'attends ce que vous me direz du Manifeste. [Damis] prétend que de même que l'[Empereur]. excite l’enthousiasme religieux, il saura le calmer. Il est le maître très puissant chez lui.

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Ems le 1er août 1851, vendredi

Je pars demain et je suis très souffrante aujourd’hui. Toujours ce vilain point à la tête. Chreptovitz est arrivé hier. Il ne me dit rien de nouveau. Il demande, & moi, je ne sais rien. Je vois que Changarnier est sur toutes les listes de commission des permanences, et Molé & Broglie sur celle de la gauche. Seulement, c’est drôle.

2 h. J'ai revu tout à l'heure Chreptovitz et j’ai recueilli d'assez curieuses choses. L’Empereur a fort approuvé le Président pour avoir été le commandement à Changarnier. Il faut rester le maître. Nous trouvons que le Président se conduit sagement. Nous attendons de lui qu’il fera encore de bonnes choses à l’intérieur ; ses rapports avec l’étranger sont excellents, et pour le moment nous voyons tout profit à ce que le Président soit prorogé. J'ai si mal à la tête que je ne puis pas continuer. Adieu. Adieu.

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Paris mercredi 9 octobre 1844
9 heures

A 6 heures hier au moment où je m’apprêtais à faire ma toilette pour dîner chez les Cowley, l'ambassadeur d’Autriche est venu m'annoncer la mort de mon pauvre frère. Je ne puis pas dire que j’en ai été saisie, il y a si longtemps que je suis préparée à cet évènement, mais j'en suis fort triste. Votre absence ajoute beaucoup à cette tristesse. Et quand Appony m’a eu quittée j’ai senti profondément mon isolement absolu. Je me suis regardé avec un vrai serrement de cœur, quelle solitude, quelle impuissance. Je suis restée comme cela une heure et puis il a fallu songer à mon dîner. Personne n'était à la maison, j’ai envoyé prendre quelque chose chez un restaurant, je n’ai pas que manger à huit heures je suis allé chez Annette. Pauvre fille elle sanglote sans pleurer. Elle se reproche d’avoir quitté son père. Et elle ne sait pas tout encore. On dit qu'il est mort dans la traversée, ainsi sans sa femme, sans ses enfants. Le bon Constantin tout seul auprès de lui. Toutes ces nouvelles sont venues par des correspondance russes. Personne ne nous a écrit encore ni à Annette ni à moi. Je suis restée auprès d'elle jusqu'à 10 heures. J’ai mal dormi encore. J’ai beaucoup rêvé de vous. Je me suis levée de bonne heure dans l’attente d'une lettre, d'une nouvelle. Il n'y a ni télégraphe ni lettre. Je sens qu’il n’y a pas de quoi m’inquiéter, et je m’inquiète. C’est votre santé qui me trouble l'imagination. Le temps est devenu très froid. Vous avez été fort exposé à l’air. Comment tout cela vous va-t-il ? Par pitié pour moi soignez vous extrêmement. Si vous avez dit vrai c’est d’aujourd'hui en huit que je vous reverrais. Ah que le ciel m’accorde ce bonheur. Et puis je jurerai que vous ne m'échapperez plus.
La pauvre Marie Tolstoy selon ces nouvelles russes aussi, est très près de sa fin. Ce pauvre excellent Constantin quel chagrin pour lui. Il ne lui reste plus rien. Je suis sûre qu'il se rappelle & cherche mon amitié. Il n’a plus que moi pour l’aimer. Je crains qu’il me demande à aller au Caucase cela me désolerait. Voilà encore qu'aujourd’hui ma lettre est demandée pour 11 heures vite je finis. Je vous prie je vous supplie portez-vous bien & ne me dites que cela. Adieu. Adieu.
Mille fois adieu dearest.

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Richmond le 17 août 1848

Une charmante lettre. Celle d'hier si charmante et élevée que je veux l'envoyer demain à l’Impératrice, telle quelle, par courrier. C'est le jeune Stakelberg qui est à Paris, & voici l’histoire. Il a été l’automne dernier à Alger. Il a fait un rapport qui a fort intéressé chez nous à la suite de cela on l’a nommé agent militaire à Paris, avant la révolution, ainsi auprès de vous. Quinze jours après, arrive la République, il n’a pas été révoqué, & réside maintenant à Paris dans cette capacité. Voici maintenant l’histoire de Kisseleff. Il a reçu l’ordre formel de quitter lui et toute l’ambassade. Il ne devait plus rester à Paris que Speis le consul général & Tolstoy qu’on attachait pour la forme au Consulat. Cet ordre de départ était signé par l’Empereur lui même il portait la date du 10 Mars. A l’époque où il parvient à Kisseleff, les révolutions de Vienne & de Berlin avaient eu lieu, & changeaient visiblement notre situation, puisqu'au lieu de nous tenir serrés avec nos alliés Autriche & Prusse comme nous le voulions & le désirions, nous restions absolument seuls. Kisseleff a représenté que, selon lui, cela modifiait tellement notre situation, qu'il regardait comme un devoir d’attendre, d’autant plus qu’entre les préparatifs de départ, les soucis à donner aux Russes, le bon effet que pourrait avoir encore sa première pour empêcher une trop vive explosion pour la Pologne. Il devait s’écouler peut- être 18 ou 20 jours. Que de nouveaux ordres pourraient lui arriver en conséquences de ces observations et qu’il attendrait jusqu'à une certaine date. Coup pour coup, il reçoit approbations de sa conduite & l’ordre de rester comme par le passé, mais en se dépouillant de son titre. Tout ceci m’a été conté hier par Tolstoy c’est fort bien expliqué et nous avons eu raison, & Kisseleff avait eu du courage. Tolstoy dit comme tout le monde qu'on veut la monarchie qu’on déteste la république. Mais voici la drôlerie, il y a une république et pas de républicains et on veut une monarchie seulement il manque un roi. Où le prendre ? Personne ne le dit.
Combien de choses nous aurions à nous dire ! J'ai un chagrin aujourd’hui. La Revue rétrospective nomme l’affaire de Mad. Danicau Philidor. Le nom y est. Evidemment on tient davantage car voici un renvoi.

Cette note si elle est étrangère à l’affaire, Petit ne l’est pas comme on le verra par son post-scriptum au trafic de places, et prouve que sous ce rapport il y avait résistance de la part de M. Lacave Laplagne à laisser faire de M. Guizot.

Adieu. Adieu.
Le temps ne s’arrange pas. Il est atroce, on a bien de la peine à ne pas être malade. Quand vous vous promenez prenez garde à la marée, ne vous laissez pas surprendre pas elle. J'ai peur de tout quand vous n'êtes pas sous mes yeux. Hier Lord Palmerston a donné à dîner à M. Beaumont. Les convives les Granville, les Shelburn, les Holland, les Janlyce, Henry Granville very well, mais dans tout cela le maitre de la maison aura manqué car à la longueur de la séance hier il est impossible qu'il ait dîné. Je n’ai pas lu encore la discussion. On la dit très curieuse. Je ne sais pas d’une manière positive si Naples a fait faire une déclaration. Mais ce que je sais pour sûr c’est qu’on a conseillé au roi de tenter l’expédition pour mettre la flotte Anglaise au défi de s'y opposer. A propos de Kisseleff, j'oubliais de vous dire que Normanby l'a mis en contact avec Cavaignac, & qu'il va quelques fois chez lui. Toujours très bien reçu ; mais privatly.

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[?] and [?] La pauvre et chère reine m’est plus que jamais respectable & admirable à Claremont par la manière dont elle porte son malheur. Voilà la vraie chrétienne selon Dieu. De tous temps je me disais que si nous nous étions connues nous nous serions calmées et convenues ; envisageant la vie de famille et la vie sur cette terre de la même manière, nos cœurs, se seraient compris. La Duchesse d’Orléans est elle bien ou mal avec elle. Voilà par contre un caractère qui ne m’aurait jamais convenu." J'ai fait parvenir à Claremont par Montebello ce qu’elle me dit sur la Reine et que je trouve charmant.
Longue lettre de Constantin. Francfort défère à la Prusse, l’arrangement avec le Danemark mais il le fait avec des restrictions et des détails qui rendent l’œuvre difficile. Le Roi et l’archiduc se rencontrent aujourd’hui à Cologne. Le Roi étant chez lui cèdera le pas à l’archiduc. On ne se promet à Berlin rien de bon de l’entrevue. Le Comte Ernest Stakelberg que vous avez souvent vu chez moi est à Paris & a été chez Cavaignac. Très bien accueillie par lui. Qu’est-ce que cela veut dire je n'en sais rien. Mais évidemment nous nous rapprochons. Il est clair que si la France pense comme nous et l'Angleterre : sur le Danemark nous devons être être bien avec elle pour agir moralement avec elle. Que veut dire le paragraphe dans le National ou il est question du dernier ministre de la monarchie. Comment seriez-vous dans l’enquête ? Cette enquête va être une bien grosse affaire. Le parti de la rue de Poitiers semble bien déterminée à tout savoir. La Montagne se joint à ce parti là, car Louis Blanc & Caussidière aiment mieux avoir des camarades que rester seuls. Deux heures. Votre lettre d’hier m’arrive à l'instant ; Pas de réponse car elle ne me fournit rien. Votre rhume passe, j'en suis bien aise. N’allez pas imaginer de vous baigner dans la mer ; à nos âges cela est mauvais. Je vous prie ne faites rien de nouveau. Le Tolstoy de Paris est arrivé à Londres & me l’annonce. Je le verrai ici. Il sera assez mieux à entendre. Adieu. Adieu.
Voilà que le National m’est enlevé. Je découperai demain l’article dont je vous parle. Adieu. J’ai aussi une longue lettre de Hugel de Houzard vous l’aurez demain, je l'ai à peine lue. Adieu. Adieu.

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Lundi 14 août.
Midi

J’ai vu hier Lord Palmerston à Holland House. Il ne savait pas si l’armistice était ou non une conséquence de la médiation commune. Les courriers n’étant partis de Paris que Mardi dernier. Il me parait que ce n’est pas eux qui ont pu décider. On bavardait beaucoup là hier. La Lombardie à la Toscane. Voilà l’idée générale, dans tout cela voyons le dernier mot de l'Autriche. L’article du Moniteur est fort important. Évidemment chez vous on veut la paix, et on compte encore sur notre bon vouloir pour la république. L'Allemagne fait le plus gros, des embarras. Kielmannsegge me disait encore hier que les têtes y sont tout-à-fait renversées. Vous voyez que la France aussi se mêle d’arranger l'affaire des Duchés. L’entente entre Paris et Londres embrasse sans doute toutes les questions en litige. Le Manifeste du Prince de Linange serait bien plus critiqué s’il ne serait pas du frère de la Reine. Mais avec cela même, on en parle avec grande désapprobation. Je n’ai rien lu de plus fou & de plus bête. On dit que Strockmer la croit, c’est impossible. Il a plus d'esprit que cela.
Voilà de la pluie à verse. Quel climat, quelle tristesse. Comment iront les bains de mer avec cette pluie ? Et puis vous viendrez me dire qu'on n’a pas pu prendre les bains, qu'il faut donc prolonger. Je n’accepterai pas cela. Voilà votre lettre. Seul plaisir, seule ressource. Mais quand viendra le temps où nous ne songerons plus aux ressources ?
J'ai rencontré hier Dumon aussi à Holland house. Il songe beaucoup à s’établir à Brighton le mois prochain pour la mauvaise saison. Aggy va un peu mieux. Elle m’a écrit elle même. Je ne donne pas encore de rendez-vous à Pierre d’Aremberg car je n'ai rien décidé sur Tunbridge. J'attends toujours pour un appartement. Adieu, adieu. Comme c’est long.
Voici mes réponses de Tunbridge Wells. Pas d'appartement du tout. Tout est pris. Je reste donc ici. Cela va faire plaisir à Montebello, il est bien accoutumé à mon bavardage. 
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