Guizot épistolier

François Guizot épistolier :
Les correspondances académiques, politiques et diplomatiques d’un acteur du XIXe siècle


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Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton, Vendredi 26 8 h. du soir

Toute une journée prise sans aucun moyen de vous dire un mot. Au reste nous allons vous voir. C'est bien littéralement à quoi nous allons être réduits. Vous voyez que nous nous verrons et que nous ne causerons pas. Metternich s'est déjà tenu en haleine aujourd'hui. Il m'est resté trois heures. Je ne sais rien. Je serai charmée qu’Emile Girardin fut ministre. Il verra ce que c’est, et on en aura fini de lui.
Outre mes yeux j'ai à vous annoncer un pied malade. De sorte que me voilà bien arrangée. Marion a eu une lettre de son oncle. Je trouve tout bien mêlé. On ne s’entend pas. Je ne crois pas au succès des Monarchistes des deux couleurs. Je croirait bientôt plutôt à l’Empire. Au reste vous verrez sa lettre. Mme Roger écrit tristement. Elle ne croit pas trop à la sincérité du Président et malgré des protestations. aux modérés, elle le croit très coupable de s'en aller à la gauche et même à la rouge. Adieu. Adieu. Je suis triste de penser à ces deux jours ce sera un supplice donnez-moi un bonjour. En attendant bonsoir Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton Lundi 29 Janv. 1849
3 heures

Je ne trouve rien en arrivant. que Duchâtel qui n’avait pas même vu le Morning Chronicle et à qui j’en ai appris les nouvelles. Il avait des lettres de vendredi soir, fort noires ; craignant la défection, sinon la trahison du Président. Il a déjà mangé son revenu de l'armée. Il a déjà des dettes. Les Montagnards lui promettent de l'argent. Parmi les modérés, quelques uns paraissaient intimidés. Paris ne demande pas la dissolution de l’assemblée, aussi ardemment que les Provinces. Cependant l'opposition au président fait des progrès rapides. Même le salon de Mad. Lehon est un salon d'opposition. Morny approuve. Il a écrit Vendredi à Flahault, Trés noir aussi. Voilà les journaux. Rien que le détail des faits que nous savons. Je ne les ai pas encore lus. Vous les aurez dans une heure. Aucune lettre directe ne m'arrive. J'en aurai probablement d’indirectes dans la matinée.
Béhier n'est pas arrivé. Point de lettres de lui. Evidemment Paris est, ou s'attend à être sans dessus-dessous. Je crains la pusillanimité. Adieu. Adieu.
Une journée charmante hier si quelque chose m’arrive, et que je sais encore à temps, vous l’aurez. Adieu, adieu dearest. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond Lundi le 23 Juillet 1849 onze heures

J'attends l'heure de la poste avec une vive impatience. Je commence en attendant ma relation d’hier. J’ai vu Flahaut, Cetto, Kielmansegge. Tous les trois fort occupés et révoltés de la séance de Samedi à la Chambre basse. Lord John Russell faisant amende honorable à la Chambre pour avoir osé qualifier (dans une précédente séance) la révolution de Hongrie, d’insurrection. Palmerston appelant Lord Aberdeen an antiquated imbecility. Voilà les aménités qui se sont dites. Lord Palmerston a eu un complet triomphe comme de coutume, & il lui sera loisible de faire jusqu’au mois de février comme il l’entendra : il était en pleine gloire à son Dieu.
Le soir quelques personnes seulement car Lady Palmerston ne sachant pas si son mari serait encore ministre ce jour- là n’avait prié que quelques intimes. C’est ce qu’elle a dit elle-même à Cetto. Votre ambassadeur a fait la connaissance avec quelques diplomates. On ne trouve pas sa femme jolie. De lui, on dit qu'il est assez bien rappelant un peu M. G. de Beaumont. La princesse Metternich et Mad. de Flahaut ont eu hier une vive dispute à propos de la Hongrie. Mad. de Metternich est sortie de son salon et à dit à Flahaut qu’elle n’y rentrerait pas tant que Mad de [?]. y serait. Des témoins de cela ont été fort amusés & sont venus me raconter la scène. Cela a dû être drôle.
J’ai fait ma promenade en calèche avec Kielmansegge. J’ai été dîner chez Mad. Delmas. Madame de Caraman, Richard Metternich & & de la musique après le dîner. Mad. de Caraman joue du piano avec goût. Richard avec force. Le vieux aveugle grogne et voudrait renverser toute les constitutions du monde. Mad. Delmas occupée de mes yeux, de mon poulet. Enfin pleine de bonne grâce. Bonne femme. Voilà hier, et un ciel couvert l’air doux.

4 heures Lady Alice m’a interrompue et voici votre lettre de Lisieux. Vendredi & Samedi. Merci merci de tous les détails. Je n'ai fait encore que parcourir, je vais lire & relire. Paul Tolstoy m'écrit aussi deux mots pour me parler de vous. Comme il vous aime ! Excellent homme, je vais bien le remercier. Votre lettre, vos lettres vont faire mon seul, mon unique plaisir. Je vous en conjure point d’accidents dans notre correspondance. Dieu sait ce que je ne croirais pas si j’en manquais un seul jour. Adieu. Adieu dearest. Adieu. Il pleut, il fait laid mais j’ai votre lettre. Adieu encore, encore.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond Samedi le 18 août 1849

J’aime bien la lettre de M. Cousin. C'est un brave homme Piscatory est un peu noir. Savez-vous que vos affaires me déplaisent. Metternich me disait hier qu'il a la pleine conviction d’une nouvelle catastrophe à Paris. Ah mon Dieu, cela serait-il possible ! Car, si cela était possible, tout serait fini pour les honnêtes gens. Mais cependant les éléments de résistance sont là. Je ne sais que penser mais je suis inquiète. Dans un mois je songe aller à Paris, mais j'y veux de la sécurité. Qui me répond que j’en aurai ?
J’ai vu hier matin Lady Palmerston, Sabine, Beauvale, les Metternich. Sabine est amusante. Elle a vu tout le monde à Paris, dîner chez le président et passé beaucoup de soirées chez lui. Elle en parle très bien. Elle gémit de la désunion dans le parti modéré, elle aime les vieux légitimistes, elle parle bien des jeunes. Elle vante Changarnier, sans savoir à qui il appartient. C’est égal tout le monde l’adore. Elle croit Molé tout-à-fait au Président. Beauvale va hélas quitter Richmond bientôt, ce sera pour moi une grande perte. Je le vois tous les jours et ordinaire ment deux fois. Je crois que lui me regrettera aussi. Metternich est fâché de l’exécution du prêtre à Bologne, Il appelle cela du mauvais zèle. Il se plaint que son gouvernement au lieu d’adoucir, envenime la querelle avec la Prusse. J’ai dîné hier chez lord John Russell. Il y avait lord Lansdown racontant vraiment des merveilles de cette Irlande. Je remarque que ce qui fait le plus de plaisir n’est pas tant l’enthousiasme irlandais pour la Reine, que la découverte, que la reine est susceptible d’en ressentir de son côté. Elle passe pour froide & fière. Elle a oublié tout cela en Irlande. Il y avait à ce dîner trois Anglais inconnus à moi de nom & de visage. L'un grand ami de Mackaulay & bavard comme lui, je serais curieuse de savoir lequel des deux se tait quand ils sont ensemble. Je n’ai rien à vous raconter de mon dîner, la conversation a toujours été générale. Je me suis un peu ennuyée, car on n’a parlé que royaumes unis. Attendu que j’ai dîné tard je me sens un peu incommodée aujourd’hui. Misérable santé. Prenez-vous encore les eaux de Vichy.
L’autre jour en parlant du sentiment public Hongrois ici, je dis " malheureusement, le Ministre des affaires étrangères donne l’exemple." à quoi Brunnow dit que je me trompe et qu'il sait que malgré de mauvaises apparences le fond de la pensée est bon. Je reporte " êtes-vous donc le bon dieu pour lire au fond des cœurs ? " Le duc de Lenchtemberg écoutait. en riant. Et bien tout ceci a été redit à lord Palmerston par Brünnow en ajoutant que j’avais voulu donner au prince une idée défavorable du ministre. Je me dispense des commentaires. Adieu. Adieu, mille fois adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond dimanche le 19 août. 1849

J’ai dîné hier chez lord Beauvale avec les Palmerston. Nous faisons très bon ménage. Tout-à-fait de l’intimité sans beaucoup de sincérité, mais cela en a presque l'air.
Il n’avait pas de nouvelles hier seulement il croit savoir que le voyage de Schwarzenberg à Varsovie avait pour objet de se plaindre des lenteurs du Maréchal Paskowitz. Celui-ci se plaint à son tour que le gouvernement autrichien ne donne pas à manger à notre armée. Ce qu’il y a de vrai c’est que selon les lettres de Constantin on est mécontent chez nous du Maréchal, on dit que cela traîne, que nous laissons échapper l’ennemi quand tout ne va pas bien il y a toujours quelqu’un qu'on en amuse. En Transylvanie cela va mieux. [Bem] a été parfaite ment battu, c’est littéralement vrai, car outre que nous avons détruit un corps de 6000 hommes. Voici ce qui est arrivé. La calèche de [Bem] tombe en notre pouvoir on y trouve deux hommes. Le plus grand on le tue, l’autre était petit et si laid, qu'on se met à le fouetter, et lui, si agile qu'il parvient à s’évader au milieu des coups. C'était [Bem]. Constantin a lu avec Schwarzenberg les papiers trouvés dans cette calèche. C’était la correspondance de [Bem] avec Kossuth, très curieuse, & bonne à connaître. Constantin me dit que Lamoricière a été bien reçu mais il me dit cela froidement on l’a fait assister à un exercice de cavalerie, et il a dit qu’il n’avait jamais rêvé à une pareille merveille. Bon courtisan. Lord P. m’a dit que l’Autriche et la Russie seraient très empressées et très charmés de reconnaître l’Empire français. Il faut d'abord le faire.

4 heures
Longue visite de Lady Palmerston et curieuse conversation. Elle est venue pour me démontrer combien son mari avait raison en toutes choses, en dépit de ce que, public européen, public anglais, la presse toute entière, les collègues. même, la cour, étaient contre lui Curieux aveu. Alors sont venus les détails il est très autrichien & & très conservateur partout & & - C'est donc un homme bien calomnieux. - C’est cela. Horriblement calomnieux. Mais enfin après tout ce que je vous ai expliqué n’est-ce pas que j’ai fait quelque impression sur vous ? - Certainement vous m'avez convaincue que vous croyez très sincèrement à tout ce que vous me dites. - Mais ce que je vous dis est la vérité. - Je veux bien le croire, mais prenez de la peine pour détruire tout ce qu’on croit de contraire. Votre mari est puissant, puissant en actions, en paroles, en écriture. Et bien que tout ce qui vient de lui action, parole tout porte le cachet de ce que vous dites. On ne demande pas mieux que de voir lord Palmerston dans la bonne voie mais il faut le voir pour le croire, & aujourd’hui je vous déclare qu’on ne le croit pas & Voilà pour l'ensemble ; dans le détail ; - On accuse mon mari d'être personnel ? Personne n’est moins cela que lui. Il aime tout le monde, Il aimait beaucoup M. Guizot. (Comment voulez-vous ne pas rire ?) Enfin j’ai ri, j'ai écouté, je n’ai voulu ni disputer, ni discuter. Je me suis amusée, et je vous amuse. Au milieu de tous les bons principes, elle est convenue avec beaucoup de plaisir même que lord Palmerston était le roi des radicaux. Enfin c'était très drôle, et cela a duré une heure & demi.
Je rentre d'un luncheon chez la duchesse de Cambridge où j’ai trouvé Madame Rossy (?) La duchesse a rencontré avant hier la duchesse d’Orléans chez la reine douairière. Elle ne lui a pas plu du tout, Elle a surtout éte désappointée dans sa tournure. Elle ne lui trouve pas l’air grande dame, & elle lui a paru très laide. Elle a dit deux choses désobligeantes à sa fille la grande duchesse de Meklembourg. Manque de tout plutôt qu’intention, je suppose. Car alors ce serait grossier. La Reine douairière n’a pas longtemps à vivre.
Lundi 11 heures
Hier encore dîner chez Lord Beauvale avec les Palmerston point de nouvelle de la causerie rétrospective. Toujours énorme désir de voir en France une autre forme de gouvernement, et ferme conviction que cela doit arriver. J’ai vu hier matin lord John Russell un moment très occupé, il est parti ce matin pour rejoindre la reine en Ecosse. Mad de Caraman est [?] installée au Star & Garter. Elle veut absolument faire mon portrait, c’est bon s'il pleut, et une séance plus, pas possible. Van de Weyer est revenu hier de Bruxelles, il est mon voisin aussi à la porte du parc. Cela sera une ressource j'en ai beaucoup cet été. Encore interrompue par lady Palmerston. Mais c’est fini. Ils retournent à Londres aujourd’hui pour dîner chez C. Fox avec l’ambassadeur de France. Grande satisfaction de n'être mêlé en rien dans l’affaire de de Rome, en rien dans l’affaire de La Hongrie toutes les deux détestables et dont on ne peut pas comprendre le dénouement. Van de Weyer rapporte de Bruxelles la conviction que la France aura l’Empire Léopold, glorieux, heureux, fort aimé. On va lui offrir une couronne civique. Voici la poste. Votre lettre, une de Duchâtel, intéressante avec rien de nouveau cependant grande tranquillité. De la division et beaucoup dans le camps modéré. Thiers en grand discrédit. Molé un peu aussi. Il n'y a qu'un seul homme dont on attende quelque chose c'est Changarnier lui-même Duchâtel a été parfaitement traité à la douane. Du respect, de l’empressement Adieu, Adieu voici l'heure de fermer ma lettre et puis ma promenade. Vous avez là une grosse lettre. Adieu. Adieu. Je répondrai à la vôtre tantôt. God bless you dearest.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond vendredi 24 août 1849

Une longue lettre de Constantin du 20 de Berlin. Intéressante racontant Varsovie au moment où les bonnes nouvelles y sont arrivées. D’abord, rapport de Leeds, destruction & dispersion, du corps de Bem le 10. Une heure après courrier de Paskevitch annonçant la soumission de Georgy et la fin de la lutte L'Empereur était dans son cabinet avec quelques intimes il s’est jeté à genoux remerciant Dieu de sis faveurs. Et puis il envoie son fils aîné à l’Empereur d’Autriche pour le féliciter de la soumission de la Hongrie ne voulant confier cette mission délicate qu'à ce jeune prince qui certainement la remplira avec toute convenance ! Un autre Russe aurait laissé percer de la hauteur. Et puis courrier à Pétersbourg, à Moscou, annonçant la fin de la guerre. Constantin à Berlin mission de Convenance. Très bien reçu par le roi, grand dîner à la cour. Le roi portant au bruit des fanfares la santé des braves soldats russes leur souhaitant victoire toujours. Constantin ajoute mais modestement que le roi a porté sa santé à lui aussi. Il repartait le 22 pour Varsovie. Il restera auprès de l'Empereur jusqu’au départ de celui ci pour Pétersbourg. Dans 4 semaines toutes nos troupes seront sorties de Hongrie. J’espère que tout cela a bonne mine ! Les Hongrois se sont souciés absolument uniquement à mon Empereur. La nouvelle de ces grands événements est arrivée à Vienne le 18 anniversaire de la naissance du jeune Empereur et au moment du Te Deum à St Etienne pour cette solennité. Cela a fait une sensation immense. On y a vu un heureux augure pour son règne. Lui-même était allé à Ishel passer 8 jours auprès de sa mère. C'est là que mon grand duc sera allé le chercher. Van de Weyer est venu me voir hier. Tout-à-fait convaincu de l’Empire, ou du moins persuadé que le Président en est convaincu en grande gloire de son propre roi. Lady Palmerston a annoncé il y a quinze jours que tant qu’elle restera à Londres, elle recevra le corps diplomatique tous les Mercredi avant hier jour de l’arrivée de la grande nouvelle elle écrit à Koller pour le prier de prévenir l’ambassade d'Autriche que ce jour-là elle ne peut pas recevoir concevez-vous quelque chose de plus bête. Melbourne enrage Lord Westmorland est arrivé hier. Je le verrai. Ils viennent demain pour quelques jours au Star & Garter.

1 heure.
Pas de lettre ! Voici la première fois que cela m’arrive. J’en suis pétrifiée. Qu’est-ce que cela veut dire ? Je vous en prie, donnez-moi ma lettre aujourd'hui car je ne pourrai pas achever ma journée, si je ne l’ai pas reçue. Je ne puis rien vous dire de plus, car je ne pense qu’à votre lettre. Adieu. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond samedi le 15 septembre

Lord John est fort préoccupé de Paris et de Rome. Nous discutons longuement. Il désapprouve beaucoup la lettre du Président, et comprend tous les embarras auxquels cela entraine au dehors comme au dedans. Toute cette affaire atteste bien de l’inexpérience & de la légèreté de la part de tout le monde. Nous avons passé à la Hongrie. Lady John fait les vœux les plus ardents pour les Hongrois Kossuth & & Encore ? Oui encore. C’est vraiment trop bête. J’ai vu Metternich, il ne fait plus autre chose que rabâcher. Impossible de redire parce que ses paroles sont absolument vides ; il envoie un courrier à Vienne aujourd'hui avec un long mémoire sur les affaires. Je pense que Schwarzenberg en dira ce que je vous dis. J'évite Metternich à présent, parce que l'ennuie est sans compensation aucune. J'aime bien mieux sa femme. Elle était chez moi hier matin pâle de colère, et la bouche pleine d’invention contre Lord Palmerston. J'ai bien ri, surtout lorsque elle s'arrête tout court devant une expression sans doute trop énergique. Je lui demande quoi donc ? - " Non, je ne puis pas dire cela, c’est trop polisson." Lady Holland était chez moi. Elle ne me dit rien, absolument rien de nouveau sur Paris, elle a l’air malheureux & triste. Elle dit qu'elle n’a vu personne que Jérôme Bonaparte. Il est en meilleur termes avec son neveu. Les Holland retournent à Paris. Lord John attend les prochaines nouvelles de Céphalonie sans inquiétude. Il dit que le mal est provenu de ce qu'après le premier mouvement insurrectionnel en mai dernier le gouverneur général, Lord Seaton qui est un Tory a proclamé une amnistie entière, ce qui est une bêtise, que le gouvernement de Céphalonie. M. Ward, un Whig, ne sera pas si bête, il fera pendre et ce sera fini. C’est impayables ! Les Palmerston sont en Hertfordshire chez Cowper. Il me semble que le corps diplomatique est parfaitement délaissé à Londres. Voici votre lettre avec extrait de Piscatory. C’est un esprit [?] & qui est resté doctrinaire. Je vous en prie ne le redevenez pas. Adieu. Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Broglie. Lundi 17 sept 1849 8 heures
Vous êtes devenue d’une grande intimité avec Lord John. Vous le voyez tous les jours. C’est très bien fait malgré son attachement à Kossuth. Lady John mérite que vous causiez avec elle. Elle a assez d’esprit pour se plaire avec ceux qui en ont plus qu'elle. Et son mari is very uxorious. Je me figure que si j’avais été là Madame de Metternich n'aurait pas. retenu cette expression de sa colère contre Lord Palmerston qu’elle vous a soustraite. Vous voyez ce que j'en pense. Je regrette que son mari devienne si ennuyeux. Les décadences me déplaisent toujours. Soyez tranquille ; je ne redeviendrai pas doctrinaire. Fatuité à part, je ne voudrais pas redevenir rien de ce que j’ai été. Je crois que ce serait déchoir. Redevenir jeune en restant ce que je suis à la bonne heure. Et si je ne me trompe, vous en diriez autant. J’ai écrit hier une longue lettre à Lord Aberdeen. Et aussi à Claremont.
M. Dufaure fait en ce moment une chose qui fera plaisir au Roi. Il a demandé au duc de Broglie de présider une commission chargée d'examiner et de trier tous les papiers enlevés aux Tuileries après Février et déposés aux archives générales. " Il est temps, dit-il de trier ces papiers, et de rendre à la famille royale, ce qui lui appartient. Le Duc de Broglie a accepté, comme de raison. Les journaux légitimistes qui m’arrivent ce matin me frappent assez. Ils détournent leur parti de l'attaque contre le Cabinet au retour de l'Assemblée. C'est M. de Falloux qui fait cela. Il n’espère pas refaire à son gré le Cabinet nouveau, et il aime mieux maintenir celui-ci, où il est plus gros qu’il ne serait avec Molé et Thiers. En tout les légitimistes travaillent plus encore que tout autre parti, à ajourner les grosses questions. Il ne se sentent pas en état de profiter des solutions. Ils veulent pénétrer plus avant dans le pouvoir sous le manteau de la République. Sans compter qu'ils sont comme des affamés qui depuis longtemps n'approchaient pas de la table, et qui ne veulent pas risquer la part qu’ils sont en train de reprendre du gâteau. J'ai lieu de croire qu'il y a eu entre les deux branches de la famille royale quelques paroles même quelque démarche réelle de réconciliation, pour arriver du moins aux apparences de la réconciliation. Les légitimistes se vantent de quelque chose parti de Claremont. Pouvez- vous sonder un peu ce qui en est ? Par la Duchesse de Glocester, ou la Duchesse de Cambridge, ou les aboutissants légitimistes ?
Est-il vrai que vous laissez en Hongrie 40 ou 50 000 hommes ? Je ne puis pas mettre la moindre importance à Céphalonie. J’en suis fâché pour ces pauvres grecs, qui certainement seront rudement punis. Les Anglais sont d'admirables égaux et de terribles maîtres. Avez-vous remarqué deux grands articles des Débats, l’un sur l’Autriche l’autre sur la Prusse ? Je serais assez curieux de savoir ce qu'en pense M. de Metternich s'il pouvait ne pas vous le dire si longuement.
Adieu, Adieu. Je ne sais rien de précis. Mais je suis sûr que le Cabinet est plus content de ses nouvelles de Rome. Adieu. Je ramasse toutes les petites choses que j'ai à vous dire ; mais je ne vous dis pas les grandes, c’est-à-dire la grande. Adieu. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Broglie jeudi 20 Sept 1849 Sept heures

J’ai tout le jour sous les yeux une preuve frappante qu’il n’y a aujourd’hui pour la France, dans la pensée de tout le monde, point de politique extérieure. Personne n'en parle. Personne ne songe à en rien demander ni à en rien dire. Il vient ici assez de visites ; on ne parle que des affaires publiques ; point des Affaires étrangères ; un mot, en passant, sur Rome, qui tombe aussitôt et qui est dit plutôt pour parler du Président. qu'on est curieux de bien connaître, que de Rome dont on ne se soucie pas. La France n’est préoccupée que d'elle-même. Le Duc de Broglie me dit qu’il répète sans cesse aux Ministres : " La paix à tout prix, et point d'affaires ; la République ne peut pas avoir une autre politique. " Il a raison, et le public, est de son avis. Les journaux seuls sont en dehors de cette disposition du public, et raisonnent à perte de vue sur l'Europe. Et leurs lecteurs se plaisent assez à cela. Mais comment on se plaît à un moment de badauderie et d'oisiveté. Personne ne prend les journaux au sérieux. Ce qui n'empêche pas qu'à la longue ils n'agissent. Un jour viendra où le pays sortira de cette insouciance forcée sur sa politique et sa position au dehors, et s’en vengera sur le gouvernement qui lui en fait une nécessité. Etrange chaos que l'état des esprits et ce qu'ils ont à la fois d'activité et d’apathie de passion et d’indifférence de bon sens et d’inintelligence. Plus j'y regarde, plus je me persuade que c’est bien un état de transition, non une chute définitive. C'est ma seule consolation, et je crois que c’est la vérité.
Transition à quoi. Je n’en sais pas plus que je n’en savais quand nous avions le bonheur de causer ensemble de tout cela. Pourtant je suis plutôt confirmé qu’ébranlé dans l’idée à laquelle j'aboutissais en définitive quand nous voulions absolument voir à ceci une issue.

Onze heures
Je vous reviens après être allé entendre une homélie de l'évêque d'Evreux dans l’Eglise de Broglie. Hélas oui, il y a deux grands mois que nous nous sommes quittés ! Je n'essaie pas de vous dire combien vous me manquez. Vous me manquez non seulement pour les choses que je ne dis qu'à vous et que je n’entends que de vous, là où le vide est complet quand vous n’y êtes pas. Vous me manquez même dans les moments où il n’y a pas de vide, ou ce que j’entends et dis me plait et m'intéresse. Je suis toujours sur le point de me retourner pour voir si vous êtes là et pour vous mettre de part dans tout. Que de choses je ne dis pas que je vous dirais, et que de choses je vous dirais que je ne vous ai jamais dîtes ! Et la vie s’écoule dans cette impatience d’une affection qui ne donne et ne reçoit pas, tout ce qu'elle pourrait recevoir et donner dans le sentiment d’un grand bonheur possible et manqué.
Paris sera tranquille. Et si les rouges essayaient de le troubler la tranquillité serait pleinement rétablie en quelques heures comme au 13 Juin. La force et la volonté de faire cela y sont également. Certainement le choléra diminue. Pourtant il y en a encore, et presque toujours grave. Ne vous ai-je pas déjà dit hier qu'à cause du Choléra, on retardait de quinze jours la rentrée des écoliers aux collèges ?
La lettre de Marion est charmante et très originale, si cette aimable fille était heureuse, elle aurait tout le bon sens hors duquel elle se jette quelquefois pour répandre et animer son âme. Elle a naturellement beaucoup de bon sens. Mais il faut aux femmes même aux plus distinguées, du bonheur personnel, et de cœur, pour être dans cet équilibre intérieur qui met en état de voir les choses du dehors comme elles sont réellement, parce qu'on n'a rien à leur demander. Je parlais un jour à la Duchesse de Broglie d’une jeune femme de sa connaissance, et de la mienne qui avant son mariage avait un amour propre assez agité et exigeant, et qui depuis son mariage, était devenue parfaitement calme et modeste : " Je le crois bien, me dit-elle, elle a ce qui apaise et satisfait le plus grand amour propre possible d’une femme : elle est aimée et heureuse. " J'ai bien souvent reconnu la vérité de cela. J’ai peur que notre bonne Marion reste toujours républicaine, tantôt pour Cavaignac, tantôt pour Manin, faute d'avoir son roi à elle, un mari qu'elle adore, et qui l'adore. Adieu. Adieu.
Je ne vois rien dans mes journaux de ce matin. Je pars toujours le 28 pour retourner au Val Richer le Duc de Broglie, le 29 pour Paris. Il veut être au premier jour de l’assemblée aussi à la réunion du Conseil d'Etat qui aura probablement, lieu la veille. Adieu, Adieu, Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond Mercredi 26 septembre 1849

Vous voilà donc écrivant toujours vous fatigant la tête. Pourquoi ? [Vain est] bien la peine de parler raison à des gens qui ne savent pas la comprendre. Dire des vérités mais de quoi cela sert il ? Si non à augmenter le paquet assez gros d’ennemi que vous avez déjà. Moi je vous voudrais tranquille, reprenant tranquillement une douce vie à Paris. Ceci ne vous la rendra pas plus facile qui sait si cela ne vous empêchera pas d'y venir ? Vous aurez fait de la belle. besogne. Dormez. Mangez, pas trop, menez une vie paisible, ne vous tracassez pas. Laissez aller le monde comme il lui plait d’aller. Vous ne le reformerez pas. Il y aurait trop de vanité à croire que vous le pouvez. Les Français sont incorrigibles, vous ne les corrigerez pas. Mais je veux que vous vous portiez bien, et que nous causions tranquillement des misères de ce monde, de ses drôleries aussi, car il est drôle. N'êtes-vous pas un peu philosophe aussi ? On le porte mieux à ce métier. ces deux pages sont le produit de votre lettre. Je parlerai [?] cela bien mieux que je ne puis vous écrire. I do my best.
Jeudi 27 septembre Voici une lettre. Assez curieuse, vous me la renverrez. Flahaut est venu jaser hier. Trois heures de séance, très bonne conversation. Beaucoup de good sense. Deux idées favorites absolues : l’Empire, et l'abolition de la liberté de la presse. Sans elle on ne sortira jamais des Révolutions. De quoi servent des lois restrictives ? On publie journellement des horreurs. Si cela continue, le monde croulera, la société s’entend pour cela je le crois. Flahaut a parlé à lord John un langage bien France sur lord Palmerston. Il est impossible de dire plus & plus fort. Il écoute, il sourit el va à Woburne pour 10 jours. Je le reverrai encore à son retour. Evidement les Metternich tout bien de quitter l'Angleterre. Elle ne se possède plus. Son langage est si violent qu'elle pourrait bien s’attirer des désagréments ici. On peut bien haïr & nuire mais avec plus de convenance M. Guenau de Mussy vient me voir quelques fois. Hélas il est prié par le roi. Il reste attaché à sa maison. 20 m. Francs par an, & les pratiques qu’il pourra se procurer à Londres. Je regrette fort qu’il ne vienne pas à Paris. J'aurais en lui pleine confiance. Imagines que lord John Russell & M. Drouyn de Lhuys ne se connaissaient pas. Ils se sont vus une fois à la chambre des communes. Voilà tout. John a porté sa carte, l’Ambassadeur l'a rendue, & c’est fini. C’est incroyable. Certainement le tort est à l’Ambassadeur. C'est à lui à rechercher le premier ministre. Adieu, car je n’espère pas votre lettre. Je vais me plaindre à lord Clauricarde. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond le 28 septembre 1849

Je croyais lord John parti hier matin, au lieu de cela je l’ai trouvé m'attentant chez moi à mon retour de ma première promenade. Il m’a dit qu'il avait des nouvelles des îles.
On a pendu pas mal de gens. On en pendra encore. La tranquillité est rétablie. Ce qui l’a surtout compromise est la presse, de détestables journaux prêchant le vol & l’assassinat. Et bien suspendez, ou abolissez. Quel grand & salutaire exemple vous donneriez là !
Sourire.

Le soir je suis allée chez eux. Et bien, j’ai relu tous les rapports, & j’ai eu une lettre de Lord Grey sur toute cette affaire. C’est des horreurs. On forçait les gens à souscrire pour ces journaux, sous peine d'assassinat. Nous allons suspendre toute publication de journaux dans les îles. (J'ai poussé un cri de joie.) Attendez, attendez, mais nous voulons le faire légalement et nous soumettons cette question aux gens de loi à Londres. Qu’est-ce que vous croyez qu'il diront ? Je crois qu'ils nous donneront raison. Que vous êtes de brave gens vous et lord Grey ; ayez soin surtout de ne pas consulter lord Palmerston. Toujours sourire.
Nous avons brodé & broché sur ce sujet longtemps, & je vous assure que je lui ai dit d'excellentes choses. I heure. Voici votre lettre. Je suis très frappée que la mienne de Lundi ne vous soit pas parvenue Mercredi comme elle devait. Je crois me souvenir qu’elle était curieuse et qu’elle renfermait une lettre de Beauvale curieuse aussi. Elle aura trouvé des curieux peut-être. Donnez moi des nouvelles de cette lettres je suis un peu accablée d’écritures. J’ai trop de correspondances. Est-ce que des lettres peuvent se perdre ? Ma lettre de Lundi m'inquiète. Celle de Mardi y faisait suite, le même sujet. Adieu. Adieu Je reçois une longue lettre de Lord Aberdeen, pas lue encore. Constantin de la Haye, très tendre, la Reine en pleurs. Sa Sœur de Weymar arrivait pour pleurer aussi. Un château dans une forêt qui a l'air d’un cercueil,, & Constantin retournant là pour pleurer avec les deux sœurs. Que de lettres pleureuses. J'ai été obligée d'écrire. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond Vendredi 5 octobre 1849

Hier point de lettre. D’où vient ? cela m'inquiète. Le Cabinet de Mardi a décidé à l’unanimité de soutenir la Turquie. La France marche avec l'Angleterre. On dresse en ce moment une pièce, en forme de remontrance, peut être de menace, à la Russie et à l’Autriche. Tout le monde est d’accord. On nous exaltait il y a huit jours. Aujourd’hui nous sommes honnis. Lord John arrive ici ce soir. Voici ce qu'il m'écrit de Woburne. " Your emperor after having showing so much prudence, so much power & so much modération has mode an mormons fault in threatening the Turk if he did not violate the law of hospitality so sacred among Mahometans. The Turkish anger is [?] aud we can do no otherwise than support them in [?] a cause." J’ai diné hier avec Lord Carlisle chez Miss Berry. Il m’a raconté le conseil. De l’inquiétude de la façon dont Palmerston va mener cette affaire. Parlant mal de lui. Espérant cependant qui l’affaire s’arrangera. Brunnow a beaucoup demandé que la démarche auprès de nous ne soit pas collective, France & Angleterre probablement chacun écrira de son coté mais dans le même sens, si non le même ton. Je parie que le Français vaudra mieux. L'affaire en est donc là. Fuat Effendi parti pour Pétersbourg pour fléchir l’Empereur. L'Angleterre & la France écrivant, intervenant et décidée à soutenir la Turquie, ainsi la guerre générale si l’Empereur persiste. Dans 20 jours la décision. Brunnow est venu me voir hier. A wonder ! Essayant de traiter ni de bagatelle au fond inquiet, blâmant notre conduite à Constantinople. Plus en soupçons contre la France que contre l'Angleterre, persiflant cependant lord Palmerston, n’ayant pas. l'air de croire que l'Angleterre est décidé pour la Turquie. A propos de la France disant, elle a 30 m hommes en Italie, elle en a 60 m en Algérie elle peut les faire marcher contre nous. Quelle bêtise, peut-elle dégarnir l’Afrique ? Je vous redis tout. Vous voyez que je vis in hot water. Jamais il n'y eut un moment plus critique. Drôle de situation. Evidemment, il y a, il y aura plus de laisser-aller vis-à-vis de moi que de Brunnow. et mes relations avec lui ne sont pas telles que je puisse lui rendre des services. Aujourd’hui nouveau conseil de cabinet. Demain tout le Cabinet à Osborne chez la Reine, enfin c’est une grosse crise. Si vous étiez là que de choses à nous dire. Ecrivez je vous prie au Directeur de la douane pour qu'on me traite bien à Boulogne ou à Calais ; Je suis à la veille de me décider & ce n'est pas bien éloigné, ce pourrait être au milieu de la semaine prochaine. Le temps est mauvais, orageux, j’attends encore.

1 heure. Pas de lettres encore aujourd’hui il est vrai que les journaux aussi ne sont pas venus mais hier je les ai eus. Enfin Voilà deux jours, c’est affreux. Adieu, adieu. Je ne puis pas croire à la guerre. Ce serait trop épouvantable. Adieu

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond Dimanche le 7 octobre

Metternich ne peut pas croire que cela devienne la guerre. Il croit que la Turquie aura cédé moi, j’ai peur que non, et comme je ne puis concevoir que l'Empereur se rétracte s’il est vrai qu'il a dit, extradition ou guerre, il y aura la guerre. L’incertitude durera encore près de 3 semaines de Pétersbourg doit venir tout. Je n’ai pas vu encore John Russell, il n’est revenu d' Osborne que cette nuit. Je le verrai aujourd’hui. Sa femme est venue chez-moi, très vive. Le Globe est d'une insolence sans égale. Il appelle l'Empereur insane. je ne me fais au fond pas une idée bien claire de toute cette affaire. On la fait bien grosse ici. L’est-elle vraiment autant ? Tout est énigme. D'un côté Sturnier et Titoff agissent comme un seul homme. D’un autre côté comment. admettre que l’Autriche s'associe à nous pour aboutir peut être à la destruction de l'Empire Ottoman ? A Vienne personne n’est inquiet, on ne parle pas même de l'incident. Les l’étourderie ave laquelle on a engagé l’affaire de Rome c’est Toqueville qui rit. Les Palmerston restent à [?] chez L. Baauvale. On m'écit en confidence qu’ils ne peuvent pas rentrer chez eux. Ils seraient pour suivis, saisis pour dettes. Quelle situation ! Le 8 Longue conversation avec Lord John. Toute l’histoire telle que vous la connaissez. La porte ne refuse ni n'accorde. Elle attend les suites de l’envoi de Fuat Effendi. (mais lui permettra-t-on de passer la frontière ). Strattford Canning se vante de n’avoir pas voulu voir nos ministres, il regarde cela comme son devoir. Plaisant médiateur, et il appelle cela faire son devoir. Lord John est convenu que c’était singulier. Peut être ancienne rancune Et vous acceptez les conséquence de cette rancune ? Il a ri. La dépêche pour [Pétersbourg] n'est pas encore partie. Elle a été revue par tout le cabinet. Aucun ordre n’a encore été donné a L'amiral Parker. Mais à propos. On ordonne à Parker d’aller s’emparer de 2 petites îles voisines de 7 îles, en possession du Gouvernement grec. Mais on croit que le gouvernement n’a pas le droit de les posséder. On va donc les lui prendre. C’est impayable. fonds à Paris et à Londres ne se sont guère émus. Et cependant le langage ici dans tous les partis, dans tous les journaux est aussi menaçant que possible. Je suis curieuse de la conversation de Lord John. Voici un bout de lettre de Beauvale qui vous regarde. Il a bien de l’esprit. J'ai eu hier à dîner Lady Allice qui est venue passer quelques jours avec moi. Mad. de Caraman, lord Chelsea & Bulwer. Je n’avais pas vu celui-ci depuis 4 mois, il est près de son départ pour l'Amérique, pas très pressé pour son compte. Il revient de Paris, il a beaucoup causé avec M. de Toqueville. Il me le donne pour un homme de beaucoup d’esprit. Il rit de l’étourderie ave laquelle on a engagé l’affaire de Rome. C’est Toqueville qui rit. Les Palmerston restent à [?] chez L. Baauvale. On m'écit en confidence qu’ils ne peuvent pas rentrer chez eux. Ils seraient pour suivis, saisis pour dettes. Quelle situation ! Le 8 Longue conversation avec Lord John. Toute l’histoire telle que vous la connaissez. La porte ne refuse ni n'accorde. Elle attend les suites de l’envoi de Fuat Effendi. (mais lui pemettra-t-on de passer la frontière ). Strattford Canning se vante de n’avoir pas voulu voir nos ministres, il regarde cela comme son devoir. Plaisant médiateur, et il appelle cela faire son devoir. Lord John est convenu que c’était singulier. Peut être ancienne rancune Et vous acceptez les conséquence de cette rancune ? Il a ri. La dépêche pour [Pétersbourg] n'est pas encore partie. Elle a été revue par tout le cabinet. Aucun ordre n’a encore été donné à l'amiral Parker. Mais à propos. On ordonne à Parker d’aller s’emparer de 2 petites îles voisines de 7 îles, en possession du Gouvernement grec. Mais on croit que le gouvernement n’a pas le droit de les posséder. On va donc les lui prendre. C’est impayable. Mes pauvres yeux m'empêchent de vous donner le [?] de cette curieuse conversation. Au total j’ai trouvé l'humeur plus douce qu’elle n'était dans le billet, des plaisanteries sur Palmerston, mêlé de défiance. De l'espoir que l’affaire s'arrangera. Un peu de peur cependant. Enfin mélange. Pas le langage d'un premier ministre. Voici votre lettre de Vendredi. Celle de samedi viendra plus tard. Vous voyez que vous faites bien d'écrire tous les jours. Adieu. Adieu.
Nous n'avons par dit livrez-les ou la guerre. Au contraire les termes sont très convenables. [?]

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond Mardi 9 octobre

Vous aviez toute raison. J'adopte votre point de vue de la question. Occupation des principautés. L’affaire s’arrangera. Il serait trop absurde de penser que la guerre s'en suive. Les nouvelles de Vienne hier au soir étaient meilleures. Les Hongrois à Widdin, disent qu’ils aiment mieux être perdus en Autriche que de vive à Widdin, où l'on ne leur donne pas à manger. La porte leur a envoyé un prêtre. Bem et 3 généraux se sont fait musulmans avec 24 officiers. Kossuth & tout le reste a refusé ce moyen de salut terrestre. La porte à qui on conseille d'expulser les Polonais, dit qui non, par ce qui l’Empereur préfèrera qu’elle les retienne prisonniers. Cela va à votre opinion. Je vois lord John tous les jours, le soir. Le matin il le passe à Londres en conseil. Mes yeux me font souffrir. Et vous en souffrez. J'écris à Aberdeen, à Beauvale, assez à Pétersbourg, je les épuise. Mais ce moment est gros. Metternich & Wellington se sont dit Adieu avec beaucoup d'émotion. Mad. de Metternich. N’a pas voulu que je disse adieu à son mari. Ils sont allés à Londres avant hier & s'embarquent aujourd’hui. Les Flahaut ont quitté Richmond. Il me reste ici les précieuses les Delmas, & Lord John. J’ai le projet d'aller à Londres Samedi j'y passerai quelques jours. Depuis vendredi vos a refusé ce moyen de salut terrestre. La porte à qui on conseille d'expulser les Polonais, dit qui non, par ce qui l’Empereur préfèrera qu’elle les retienne prisonniers. Cela va à votre opinion. Je vois lord John tous les jours, le soir. Le matin il le passe à Londres en conseil. Mes yeux me font souffrir. Et vous en souffrez. J'écris à Aberdeen, à Beauvale, assez à Pétersbourg, je les épuise. Mais ce moment est gros. Metternich & Wellington se sont dit Adieu avec beaucoup d'émotion. Mad. de Metternich. N’a pas voulu que je disse adieu à son mari. Ils sont allés à Londres avant hier & s'embarquent aujourd’hui. Les Flahaut ont quitté Richmond. Il me reste ici les précieuses les Delmas, & Lord John. J’ai le projet d'aller à Londres Samedi j'y passerai quelques jours. Depuis vendredi vous m’adresserez vos lettres au Clarendon Hotel. Je vous dirai le reste quand je serai fixée. Que de choses perdues que nous nous serions dites ! Adieu. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond le 13 octobre 1849
11 heures

Mon dernier mot d'ici. Je pars pour Londres où je passerai trois jours. Mardi je pars, mais le temps est affreux. Mad. de Caraman dit qu’elle m'ac compagne. J’aurai peut-être Kolb. Pour Mussy, je n'y compte guères. Lord John est vraiment triste de me voir partir. Toujours de bonnes conversations avec lui. Je crois qu'à la longue je serais utile un peu. Mais bonjour ! Rien de nouveau. Je suis convaincue que Strattford Canning est l’auteur de tout ceci. Il pouvait empêcher l’éclat. Il me semble que John est de mon avis. Je suis très fatiguée d’arrangements, quel ennui de se déplacer quand on n’est pas une impératrice. Adieu. Adieu. d'ici. Peut-être j'ajouterai un mot de Londres.
Clarendon Hotel 4 heures Je reviens déjà de chez mon oculiste, & de chez mon banquier. Demain est inutile à Londres, il faut tout faire aujourd’hui, & j'ai beaucoup à faire. J’ai eu une bonne lettre d'Aberdeen bien sensée, je l'envoie à Lord John, c’est du bon commérage. Les deux hommes ont du gout l’un pour l’autre. Votre lettre ne me reviendra de Richmond que ce soir.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Clarendon Hôtel Dimanche Le 14 octobre 1849

Longue visite hier de Collaredo. Ils me soignent beaucoup. J'avais donné quelques hints à Lord John sur les dégouts que Collaredo ressentait ici. Hier il m’a dit qu'il a donné sa démission. Il ne veut pas rester exposé à être traité comme le fait Lord Palmerston. Il est très décidé. Il passera probablement par Paris en se rendant en Italie où il passera l'hiver. J’ai vu Flahaut aussi. Morny est toujours ici, & ne sait pas du tout quand il partira. J'avais envoyé la lettre de Lord Aberdeen à John Russell. Il me l’a renvoyé avec quelques explications. L’effet de la lettre a certainement Eté bon, car l’opinion d’Aberdeen était appuyée de celle de Peel qui se trouve chez lui. Tous deux trouvent qu'on a beaucoup trop grossi l’affaire ici, & qu'a Constantinople. Canning a été dans son tort. Il y a des nouvelles de Pétersbourg. On connaissait l’événement turc, & on attendait pour ne dire son avis que Fuat Effendi soit arrivé pour expliquer & excuses, car c'est comme excuse que nous prenons son envoi. Je commence à penser aussi que cela s'arrangera.

Lundi matin le 15 octobre envoi de votre lettre. Je n’ai que deux minutes à vous donner. Hier longtemps Brunnow, C. Greville, Flahaut, Morny, & la Marquise Douglas, qui me raconte beaucoup Paris, & le président, le comte de Chambord & sa femme, avec lesquels elle et aussi intime qu’avec son cousin Louis Napoléon. Brunnow croit que cela s'arrange. Il blâme un peu Titoff & beaucoup Canning. Tenez pour certain que c’est lui qui a fait tout le mal. Morny dit qu’à Paris on est très pacifique. & que le Président l’est surtout. Voilà tout en très gros. Quel dommage pour le détail ! Le départ de Collaredo fera sensation ici, contre Palmerston. Adieu. Adieu.
Il souffle très fort & Douvres & Calais & Folkestone & Boulogne sont encombrés de gens qui ne peuvent pas passer. J'attendrai comme eux, s'il faut attendre. Adieu. Adieu, vous aurez encore un mot d'ici demain.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Vendredi 19 oct. 1849
Sept heures

Vous avez toute raison ; arrangez votre vie ; faites y entrer comme il vous convient, les personnes qui sont à la fois indifférentes et importantes. Que chacun vienne et prenne place. Cela se fera plus aisément et plus surement moi n’y étant pas. Je viendrai quand ce sera fait et nous en jouirons ensemble. On ne sait pas combien on peut lever de difficultés et concilier d'avantages avec un peu d'esprit, et de bon sens, en se laissant mutuellement l’espace et le liberté nécessaires pour agir, et pour réussir. Chacun pour soi, et pour soi seul, c'est l’égoïsme, la solitude dans la glace ; chacun par soi-même et selon sa propre situation, c’est la dignité et le succès ce qui ne nuit en rien à l'affection. Je reviens à mon désir du moment. Je suis bien curieux de votre impression sur Paris et sur la situation actuelle. Si j'en crois ce qu’on m’écrit, il se prépare bien du nouveau quoique du nouveau très naturel. J’aime assez le nouveau ; mais le nouveau qui mène à l’inconnu, celui-là est sérieux. Vous ai-je dit, ou savez-vous que, lord Normanby est très assidu chez Madame Howard ; et que c’est surtout par elle qu’il agit sur le Président ? En Angleterre comme ailleurs et en haut comme en bas, il y a des gens pour tous les métiers. Je vois que Bulwer vient de faire nommer son neveu attaché à Washington. Il se dispose probablement à partir. Au fait, il n'y a pas grand mal, malgré votre intérêt pour lui, à ce que justice soit un peu faite de Bulwer. Un peu d'ennui est un châtiment convenable pour tant d’intrigue. Le mal, c’est que justice ne soit pas faite aussi du patron qui l'a jeté à l'eau. Viendra-t-elle un jour ? J'imaginais que, puisqu'elle vous invitait si tendrement à Brocket-hall, Lady Palmerston serait venue vous voir à Londres avant votre départ. Il paraît que la tendresse n'a pas été jusque là. Je compte bien apprendre tout-à-l'heure que vous avez passé. Vous m'aurez écrit quelques lignes de Boulogne. Il a fait si beau ! J’ai joui du soleil sur terre et sur mer.

Onze heures
Vous voilà en France. La mauvaise traversée me déplait beaucoup. Mais enfin c’est fait, et vous n’êtes pas malade, vous êtes arrivée hier à Paris. J’aurai demain de vos nouvelles de là. Adieu, adieu, adieu. Adieu. C'est de bien loin. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Samedi 20 octobre 1849
sept heures

Il y a un jour de moins entre vous et moi. J’aurai après-demain votre réponse à ceci. C’est charmant, en attendant mieux. Cela me plaît que vous soyez rentrée à Paris par un beau soleil. Dans l’arrangement de votre vie, indépendamment des anciennes connaissances qu’il faut reprendre, peut-être y en a-t-il aussi quelques nouvelles qu’il vous convient de faire, soit à cause de leur value personnelle, soit à cause de l’importance qu'elles ont prise dans ces derniers temps. Montalembert, Falloux (s’il vit), Bussierre, d’Haussonville, Piscatory. Je ne crois pas qu’il faille étendre votre cercle, et les étrangers en sont, et doivent en être, toujours le fond. Mais vous aurez des vides. Du reste, vous jugerez mieux de cela après- quelques jours de séjour que moi d’ici. J’avais pensé à M. de Tocqueville, s'il se recherchait comme de raison. Il est homme d’esprit, de bonne compagnie et sûr je crois. Mais il ne serait pas sans inconvénients. Je vous dis ce qui me passe par l’esprit.
Les inquiétudes de Brünnow me frappent un peu. Vous vous rassurerez à Paris. Evidemment, on n’y veut. pas, se mêler de l'affaire. Tous les Chefs de la majorité sont pour qu'on ne s'en mêle pas. L’assemblée est plus forte que le Président. A la vérité, il peut toujours faire un coup de tête, et au bout de son coup de tête peut venir un coup de canon de la flotte qui est partie. Pourtant je persiste à n'y pas croire. Je vois qu’on donne ordre à la flotte d'attendre à Naples. Il y aura encore des hauts et des bas ; les Turcs pourront se méprendre, l'Empereur pourra se fâcher. On finira par s’arranger. J'en reviens toujours à mon dire sur Lord Palmerston lui-même ; patron de tous les révolutionnaires, oui ; champion, non. On m’écrit : " Le Général Dumas et M. de Montalivet sont ici à quêter des voix pour obtenir le rappel de la loi de bannissement. Si ce rappel était prononcé, . nous verrions le Roi au château d'Eu de par la grâce de Louis Bonaparte, M. le Duc d’Aumale à Chantilly, et M. le Pince de Joinville aux ordres de Tracy." Je n’y veux pas croire, et je n'y crois pas. Mais c’est déplorable qu’on puisse le dire. Il n’y a évidemment pour cette proposition sur les bannis, que l’ajournement. Le rejet serait une indignité. L'adoption, le feu mis à la soute aux poudres. Je sais cette manière de voter et de motiver l’ajournement qui exciterait peut-être, au moment même un orage, mais qui ferait éviter le piège et faire un grand pas. Imaginez qu’on dit qu'il est question de Victor Hugo pour remplacer M. de Falloux. Mais on compte sur un discours qu’il doit prononcer, qu’il a peut-être prononcé hier à propos des Affaires Rome, pour rendre cela impossible. Comme de raison, nous avons beaucoup causé, Boislecomte et moi, de la Suisse et du Sonderbund. Il a bien à cœur de me persuader qu’il a dû se tromper sur la force du Sonderbund. Il est vrai que tout le monde s’y est trompé comme lui. Il m’a donné, sur M. de Radowitz, quelques renseignements assez intéressants, et qui me font penser que cet homme a de l’avenir. Il (Boislecomte) m’a parlé de M. de Krüdener comme d’un homme de beaucoup d’esprit, et d'encore plus de malice. Il assure que le peuple du Sonderbund était très bon et se serait très bien battu, que ce sont les chefs qui ont manqué. Bêtise et Mollesse. Maladies générales.

Onze heures
Je n'admets pas, à aucun prix et en aucun cas les derniers mots de votre lettre. Mais nous n'en viendrons pas là. Je crains bien des choses, mais pas tout. Adieu, adieu, adieu. Reposez-vous et soignez votre rhume. Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris dimanche le 21 octobre 1849

Brignoles, [?Loringilen], [Dalabien], Holland, le Prince Paul, [Dyng] Sandwich, les Rothschild, j’oublie le reste. Durazzo & & et Montebello, voilà hier. Ce dernier est venu au sortir de la séance, pas très content de Barrot. Tout cela est bien petit, tout le monde se sent humilié, uneasy, triste, parce qu'on ne devine pas comment sortir d'une si pauvre situation. Mais enfin voilà le défilé de Rome passé. Tous inquiets, même sur la tranquillité de Paris, pas aujourd'hui, mais personne en répond d'une semaine. Comment habiter une ville où l’on est exposé sans cesse! Je regarde, je consulte, je ne me presserai pas, mais il est impossible de s’endormir, c’est trop grand. La Turquie est mon second souci. On n’a pas l'air ici de croire que cela puisse devenir sérieux. Moi je persiste à le craindre qu'il faudra d’habileté chez nous pour rester grand en évitant la guerre. On a tout fait à Londres & à Paris pour rendre cela très difficile. Et entre le grand et la guerre soyez certain, que nous voterons pour le premier. Voici votre lettre d’hier, j'accepte tous vos conseils. Mais je ne me presserai pour rien. Je ne vais au devant de personne. J'attends les vieux, à plus forte raison j’attendrai les nouveaux. Je n'en suis d’ailleurs pas curieuse. Il n’y a qu’un homme pour lequel je ferai même des bassesses, c’est M. de Montalembert. Je me suis proposé sa connaissance depuis son discours à la chambre des Pairs. Mais il s'agit bien de connaissance. Mes meubles restent couverts, empaquetés. Je déballe à peine ma personne. Il y a un air d'insécurité intolérable. En même temps, quel air charmant en France ! Doux, chaud, brillant. Quelle pitié d’avoir à la fois tant à aimer et tant à craindre ! Rien de nouveau, pas un fait, pas une nouvelle. Pétersbourg voilà la grande affaire. Paul de Wellington compte sur notre énorme habileté, et notre grand intérêt à combattre la révolution or, avec la guerre, on y souffle. Adieu. Adieu. Adieu. Je suis très fatiguée d'âme & de corps. Mais je ne suis pas malade.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris Lundi le 22 octobre 1849

J’ai vu bien du monde hier. Le plus important de tous Molé qui est resté une heure 1/2 racontant le passé & le présent. Les vacances de l'Assemblée ont été fatales au président. Pour agir sur son esprit il faut la présence continuelle. Tout le monde à la campagne. Falloux, l'espérance de tous, malade et éloigné aussi. Restait Normanby & un mauvais entourage. Molé a perdu son influence. Le président agit selon ses propres idées. En grandissime défiance de tout ce qui n’est pas son house hold. Il a été enchanté du discours de Mathieu de la Drôme ! Il est très décidé à un coup d’État ; il le fera certainement avant la fin de l'année. Il est encombré de dettes, il lui fait du pouvoir pour avoir de l’argent. Il prendra le pouvoir. Molé très sensé ; il faut avant tout rester unis pour conserver l'ordre. Il se plaint des légitimistes, immense obstacle à tout ce qu’on pourrait entreprendre. Thiers n’a aucun courage. Toutes les bonnes occasions sont perdues. Triste, sans désespoir, demandant (il a dit cela avant hier encore à un intime) ce que vous pensez. Il est bien difficile de penser dans cet épais brouillard, mais certainement avant toutes choses soutenir l’ordre pour tous. J’ai enterré de la curiosité sur votre compte, & je suis bien sûr qu'on vous recherchera quand vous viendrez. J'aurai long à écrire sur cette conversation. Ah comme il hait Palmerston ! Et quel mal cet homme fait ici dans ce moment. J'écrirai à John toute la vérité. Je reviens à Molé, la comparaison de la situation. Un grand fleuve à traverser. Il fait en passer la moitié avec le président il n'y a que lui qui puisse débarrasser de cette monstrueuse constitution suffrage universel, vote de l’armée & &. Il doit faire cela sous sa forme actuelle où une autre. C’est donc l'ouvrier qu'il faut soutenir. Kisselef est resté longtemps aussi. Pas de nouvelles de Pétersbourg. Nous ferons sans doute attendre un peu le Turc. Cependant dans quelques jours on saura quelque chose. Kisselef aussi dit que Normanby fait un mal énorme. A propos tout le monde dit qu’il paie la maitresse sur les secret service money. Il lui a déjà donné 160 m. francs il dîne chez elle à 3 avec le président. Midi voici votre lettre. Si vous étiez ici, vous ne seriez pas étonné de mes perplexités ou plutôt de mes terreurs. La courageuse lady Sandwich va louer son appartement & se prépare à partir. Elle était arrivée de Londres cinq jours avant moi. Plus d’Autriche dans la maison de sorte que je n’ai pas un voisin de connaissance. Car Jaubert est établi en Berry. Ah, que tout cela est triste ! Adieu. Adieu. J’ai bien à écrire et à faire. La journée est trop courte, & toute cette besogne si peu satisfaisante. J’arrange mon appartement de façon à le sous-louer. Adieu. adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 24 octobre 1849

La journée est trop courte à Paris, le bavardage les nouvelles se croisent, se confrontent. J’en suis étourdie. Hier encore j’ai vu beaucoup de monde. Sainte-Aulaire (Hélas il va je ne sais où, très loin, et ne s’établira à Paris qu'en janvier). Decazes. Montebello. La Redorte, les Holland. Dalabier, Kisselef, celui-ci le soir longtemps, un tête-à-tête. Larosière. Je lui ai fait lire à lui-même le passage de votre lettre sur son discours. Il a été comblée. Je voudrais bien voir M. de Montalembert ce que vous dites sur lui est si charmant ! La Redorte noir comme de l'encre, mais il m’a amusée. Tout le monde sans exception attend un coup d’état, c’est dans l'air, & vous voyez que les votes du président dans les faubourgs sont la préface. Décidément, il est en froid et en soupçon de la majorité ! Il cherche des amis autre part. On dit que Dufaure destituerait volontiers quelques fonctionnaires rouges, le Président les couvre & Dufaure est déjà débordé. Voilà ce qui se dit & redit avec un grand effroi. M. de Corcelles va remplacer M. de Falloux. On disait hier que le Président allait demander que son revenu fut doublé. Aujourd’hui le vote sur les princes [?] on dit que Joinville & Aumale promettent qu'ils ne reviendront pas. Louis Philippe serait très pressant pour que le bannissement cesse. Voilà ce qui m'a été dit hier de bonne source. Kisselef ne sait pas ce qui peut se passer à Pétersbourg. Tout est possible. Lamoricière mande qu'il n’a pas voulu voir Fuat Effendi. On a approuvé ici. Voilà qui est peu d’accord avec l'envoi de la flotte & toute la conduite. Je persiste à croire à la guerre avec la Turquie. Nous verrons. Je n’ai encore vu ici ni Autriche, ni Prusse. Cela m'étonne. L'Angleterre est piquée de ce que Je n’ai pas porté ma carte. Je ne lui dois aucun empressement. et le Mylord pensait bien venir. Le fait est qu'il croit que je veux le rest. On me l'a dit de leur part. J'ai demandé s’ils trouvaient que j'eusse des raisons pour cela ? Je crois que les Holland voient de la très mauvaise compagnie politique aussi bien que morale. Je me tiens en garde c'est-à-dire que je n’accepte pas leur invitation. Adieu. Adieu, j'aime rais assez que Piscatory vient chez moi. Adieu. Adieu.

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Paris le 24 octobre 1849

La journée est trop courte à Paris, le bavardage les nouvelles se croisent, se confrontent. J’en suis étourdie. Hier encore j’ai vu beaucoup de monde. Sainte-Aulaire (Hélas il va je ne sais où, très loin, et ne s’établira à Paris qu'en janvier). Decazes. Montebello. La Redorte, les Holland. Dalabier, Kisselef, celui-ci le soir longtemps, un tête-à-tête. Larosière. Je lui ai fait lire à lui-même le passage de votre lettre sur son discours. Il a été comblé. Je voudrais bien voir M. de Montalembert ce que vous dites sur lui est si charmant ! La Redorte noir comme de l'encre, mais il m’a amusée. Tout le monde sans exception attend un coup d’état, c’est dans l'air, & vous voyez que les votes du président dans les faubourgs sont la préface. Décidément, il est en froid et en soupçon de la majorité ! Il cherche des amis autre part. On dit que Dufaure destituerait volontiers quelques fonctionnaires rouges, le Président les couvre & Dufaure est déjà débordé. Voilà ce qui se dit & redit avec un grand effroi. M. de Corcelles va remplacer M. de Falloux. On disait hier que le Président allait demander que son revenu fut doublé. Aujourd’hui le vote sur les princes [?] on dit que Joinville & Aumale promettent qu'ils ne reviendront pas. Louis Philippe serait très pressant pour que le bannissement cesse. Voilà ce qui m'a été dit hier de bonne source. Kisselef ne sait pas ce qui peut se passer à Pétersbourg. Tout est possible. Lamoricière mande qu'il n’a pas voulu voir Fuat Effendi. On a approuvé ici. Voilà qui est peu d’accord avec l'envoi de la flotte & toute la conduite. Je persiste à croire à la guerre avec la Turquie. Nous verrons. Je n’ai encore vu ici ni Autriche, ni Prusse. Cela m'étonne. L'Angleterre est piquée de ce que Je n’ai pas porté ma carte. Je ne lui dois aucun empressement. et le Mylord pensait bien venir. Le fait est qu'il croit que je veux le reste. On me l'a dit de leur part. J'ai demandé s’ils trouvaient que j'eusse des raisons pour cela ? Je crois que les Holland voient de la très mauvaise compagnie politique aussi bien que morale. Je me tiens en garde c'est-à-dire que je n’accepte pas leur invitation. Adieu. Adieu, j'aimerais assez que Piscatory vient chez moi. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris jeudi le 25 octobre 1849

Montebello est venu me raconter la séance d’hier en sortant de l’Assemblée. Broglie & Thiers ont absolument voulu s'abstenir. Le parti Orléans n’a donc pas voté. Pourquoi ? Cela me parait mal jugé. Montebello qui a été obligé de faire comme Broglie, en était tout triste et mécontent. Ils disent que c’est parce que Berryer a été trop légitimiste ! Berryer a fait de la belle et et bonne monarchie, il fallait voter avec lui pour cela, et même au lieu de cela, on se divise. Molé a voté avec la majorité, il a eu raison. J’ai vu hier des diplomates Fagel, les petits. Inquiets de l’Orient. Tous les jours cela m’inquiète davantage. J’ai vu aussi Edwards 1er secrétaire de l'Ambassade anglaise. Gêné, cachant ce qu'il pense ; ainsi disant " on ne rêve pas à des coups d’état. " Et c'est Normanby qui y pousse ; Je vois que Manin est arrivé. A propos de lui, voici ce que m'écrivait Beauvale en réponse à une lettre où vous me parliez de Manin il y a longtemps. Gardez cela pour me le rendre. On dit que Narvaez est décidément sorti des Ministères le 23, avant hier. J’ai été hier soir chez Mad. Swetchine, femme d'esprit et de sens & très doux. Société française qui ne me plaît pas du tout. Des femmes qui crient, et qui déraisonnent. Beauvale m'écrit qu'il y a des articles de journaux menaçants comme nouvelles de Pétersbourg. Il croit que c’est fabriqué. Moi et les autres russes nous avons de l'inquiétude. Les Russes sont venues hier chez moi notre dernier ministre à Turin, la princesse Wittgenstein & A propos, Annette est nommé à Turin. Neumann désigné pour Bruxelles. Le beau temps se trouble, je vais cependant tous les jours passés une heure au bois de Boulogne. J'entendais hier, je ne sais qui, dire chez Mad. Swetchine, que la majorité finirait par se fâcher des visites du président au faubourg St Antoine. C'était un député. Adieu. Je ne sais rien de plus que les journaux du matin. Quand nous nous parlerons comme nous serons bavards ! Adieu. Adieu. Le petit Willonghby est ici. Je ne sais comment tout cela se passe.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 26 octobre 1849

Hier beaucoup de femmes. La petite Hatzfeld, très spirituelle, agréable, en train. Mad. Danidoff très longtemps, très empressée très causante. Attachée à son cousin, disant de lui mille biens et entre autres " On se trompe bien si on le croit ambitieux. Il n’a point de famille, ce n'est pas pour celle qui existe qu’il peut travailler. Jamais il ne se mariera, il n’aura donc point d'enfant. Il pense à lui, à ce qu’il doit faire encore, et puis ce sera pour d’autres. " Elle me parait avoir gagné. Elle a du sens, de l’esprit & de bons sentiments. Je vous donne ce qui m’a semblé hier. Montebello qui vient tous les jours au sortir de l’assemblée me dit que dans la commission de l’assistance, où se discutent. les questions les plus brulantes, Thiers est impayable d’audace & d’impertinence et d’esprit. Il apostrophe Emmanuel Arago avec le dernier dédain. Belle République en vérité, merci du joli cadeau & & tout sur ce ton là. Montebello toujours au regret de l'abstention avant hier. A mon avis c’est stupide. On parle fusion, & voici une occasion, on se sépare. Broglie ne s’appartient plus à ce qu’on dit, bien effacée, & parfaitement mené par Piscatory. Celui-ci appartenant un peu à tout le monde, & n'inspirant pas une grande confiance. J’ai vu hier matin votre petit fidèle. Il me parait toujours fort au courant. Je n’ai pas vu de diplomate hier mais je crois qu’il n'y a rien de Pétersbourg. Brignole va certainement à Vienne. Il a tort, triste rôle à jouer. Le petit cousin Rodolphe Appony est parti, on dit qu'il n’a pu souffrir l'idée de servir vous [?]. Ainsi toute ma vieille Autriche a disparu. Et la nouvelle je ne la vois pas. La séance hier a été bien orageuse. Le prince de la Montagne se distingue ; Il va certainement devenir très incommode. Adieu. Adieu. Le temps est toujours charmant. Cela un bon matelas, & un bon dîner voilà mes félicités actuelles. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris Dimanche le 28 Octobre 1849

On me dit que M. Moulins est allé vous voir. Il vous racontera tout ce qui me dispense de le faire. Morny a été avant hier pendant trois heures en conférence avec le président. Il n’a pas assisté à la réunion du Conseil d’Etat Flahaut est revenu me voir hier. Il verra le président demain. Le prince Paul me dit que Pastoret est furieux des discours de Berryer. Il n’avait pas mission de repousser le rappel des princes honnis pour moi je persiste à trouver le discours de Berryer très beau. Je n’ai pas causé avec Kisselef, il y avait beaucoup de monde chez moi lorsqu’il est venu. Je le verrai ce matin. J'ai fait visite hier à Mad de Boigne long tête-à tête, de l'inquiétude. Du blâme pour tout le monde, passé & actuel. Elle m’a dit qu’elle aurait bien désiré vous aller voir au Val Richer, mais qu’elle était trop faible, Je n’ai pas répondu un mot. Elle ne me parait pas changée, mais elle se plaint beaucoup de la santé. Le chancelier est entré au moment où je me levais pour partir. Nous nous sommes dit deux mots de politesse en passant. Je suis très contente de tous les Russes qui sont ici. Il y en a peu, mais de la bonne compagnie. On attend Mad. Narichkine mais je n’ai pas appris son arrivée encore. Je suis très curieuse de savoir des nouvelles précises de Pétersbourg Il n'y a jusqu’ici que la dépêche laconique de Lamoricière. Cela ne peut pas être si simple. Hier pour la première fois j’ai été seule toute la soirée. Je n'ouvre pas encore mon salon ce soir, je veux avoir rendu toute mes visites avant. Ma visite quotidienne (l'habitant de Petersham) pousse bien à l'agitation monarchique. Il désire vivement le coup d’état, il trouve la situation actuelle humi liante et intolérable pour tout le monde. Il me dit que Piscatory se rend bien ridicule, il fait l'important. Il est peu aimé dans la réunion. Flahaut affirme que le Président ne veut pas de coup d’état. Ce qu'il y a de plus clair c'est que tout est bien confus. Adieu. Adieu. Adieu. On tient beaucoup à savoir votre opinion sur la ligne de conduite à tenir. C’est toujours mon Petersham qui me dit cela. Je n’en vois pas d'autre de ce côté-là, mais lui est plein de confiance en moi et me raconte tout. Adieu encore.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris 31 octobre 1849
4 heures

Morny sort d'ici. Le ministère est changé de fond en comble. Vous verrez les noms. Je ne me rappelle que de Flavigny aux aff. étrangères. On y aurait mis Casimir Perrier si on ne s’était souvenu de la Russie. 1er Novembre. Interruption et impossibilité de reprendre. L’un après l’autre jusqu'à 10 h. du soir. Et bien le message ! Grand étonnement. Il n'était connu de personne. Molé,Thiers, Changarnier, tout le monde pris au dépourvu. Le renvoi en masse des Ministres, la nomination des nouveaux ils ont tout ignoré. Montebello a parlé avec chacun d'eux. Tous surpris, & mécontents. On ne sait que dire. Moi j’aime toujours ce qui est ferme, & il y a dans le message des paroles très fermes. Ceci me parait la préface de l’Empire. Arrivera-t-il ? Puisque le Moniteur ne parle pas, les Ministres ne sont sans doute pas nommés. Il faut du courage pour se mettre à cet ouvrage. Morny hier était rayonnant. Flahaut moins, mais aussi un peu dans l'enchantement du président. Grande amitié de la part de celui-ci pour Flahaut. Il retourne à Londres lundi. Thom est arrivé hier de Vienne. Il me dit que l’affaire des réfugiés est complètement réglée. La Turquie s’oblige à les interner dans une ville de l'Asie mineure reculée, & là de la garder à vue. Cela s’applique à Kossuth Zamansky & & 15 en tout les principaux. Je ne sais pas pour Bem, à Vienne l'affaire est regardée comme finie. Et Pétersbourg a toujours agi d'accord avec Vienne sur ce point. Je suis curieuse de ce que j'apprendrai aujourd’hui, ce sera après le départ de ma lettre. Mes inquiétudes me reprennent. C'est une grosse aventure qui a commencé hier. Dieu sait où elle peut mener. Bulwer à Paris chez moi hier comme un spectre. Une heure après il repartait pour Londres. Il était depuis 5 jours très secrètement à Paris, il dit pour ses yeux. Le public dit, grosse intrigue politique. Moi, je crois, Donna Julia. Quoiqu’il en soit l’ambassade en grand émoi, car il n'y était pas allé. J’ai un une lettre fort intime de lord John qu'il avait recommandé à Brunnow de m’envoyer par courrier. Rien que les affaires de France. Très Président, & poussant au coup d’état. Blâmant Thiers, son rapport. Enfin une lettre assez intéressante. Pas un mot sur ce qui j’ai dit de Palmerston & Normanby. C'est beaucoup qu’il ne se soit pas fâché. Le silence me convient.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Mercredi 31 octobre 1849
8 heures

L'Empereur a eu raison de finir vite et avec le Turc seul. Mais je crois que Palmerston ne se console aisément d'être arrivé un peu tard. Vous connaissez sa fatuité ; il se dira : « mon oncle a suffi." Ceci ne changera point les situations à Constantinople ; votre influence à vous est là au fond, partout et de tous les jours ; celle de l'Angleterre n'est qu'à la surface et pour les grands jours ; on craint tous de vous; on espère quelque chose de l'Angleterre. La porte n'est pas égale. Non seulement les pas en avant, mais les pas de côté, mais même les pas en arrière tout en définitive, vous profite à vous tant votre position est forte et naturellement croissante. L'Empereur prouve un grand esprit en sentant cela, et en se montrant modéré et coulant quand il le faut. Il y risque fort peu, et probablement, un peu plus tard, il y gagnera au lieu d’y perdre. Mais ayez plus de confiance dans cette sagesse, et ne croyez pas si aisément à la guerre pour des boutades. Je suppose que Vienne restera quelque temps sans donner de successeur à Collaredo. Il faudra que Londres se contente de Keller. Vienne a raison. Montrer sa froideur sans se fâcher, c'est de bon goût d'abord, et aussi de bonne politique. L’Autriche n'en sera pas moins grande à Londres parce que son agent y sera petit. Mais le corps diplomatique de Londres descend bien. Méhémet Pacha et Drouyn de Lhuys en sont maintenant les plus gros personnages. Puisque M. Hübner est enfin venu vous voir, ce dont je suis bien aise, causez un peu à fond avec lui de la Hongrie. Ce pays- là est entré dans l’Europe. On regardera fort désormais à ses affaires. Est-ce sage la résolution qu'on vient de prendre à Vienne de maintenir, quant à la Hongrie, la Constitution centralisante de mars 1849, et de considérer son ancienne constitution comme abolie, au lieu de la modifier ? Je n’ai pas d'opinion; je ne sais pas assez bien les faits ; mais je suis curieux de m'en faire une. Puisque M. Hübner est un homme d’esprit il vous reviendra souvent. Je me promets de m'amuser de votre visite à Normanby. Que de choses à nous dire ! Précisément les choses amusantes. On ne rit pas de loin. Vous avez bien fait de faire cette visite. Au fond, c'était, je crois la règle. Et puis il n’y a que les petites gens qui comptent toujours par sols et deniers. Vous aurez ceux là bien plus empressés. L'accompagnement dans la rue est le commencement de l'attitude. Plus j’y pense, plus je crois que mon avis tel que je l'ai dit à M. Moulin est le bon. Il vous sera revenu par Petersham. Ne se prêter à aucune demi-mesure extralégale, et pousser à la formation du plus décidé, et du plus capable cabinet conservateur possible. Les répugnances de ceux qui ont sauté le fossé de la république sont ridicules ; c’est du calcul égoïste ou pusillanime, non de la fierté. Je suis en cela de l'avis du duc de Noailles. Le Gouvernement du tiers parti ne compromet et n'use pas les conservateurs, c’est vrai ; mais il ne leur profite pas ; aujourd’hui du moins il ne leur profite plus. Et bientôt, il les mettra tout-à-fait en danger, M. Dufaure couve maintenant M. Ledru Rollin. Etrange. situation ! Les conservateurs ont le pouvoir et ne le prennent pas. Cela a pu être sage d’abord ; mais ce qui est sage d’abord ne l'est pas toujours. J'en parle bien à mon aise moi qui suis en dehors. Mais pourquoi n’en parlerais-je pas à mon aise ? Onze heures Trouvez-vous étrange qu’en parlant à M. Moulin de mon plaisir à revenir à Paris, je n'aie parlé que de mon fils, et de mes livres ? Adieu, adieu, adieu.
Je ne vous gronde pas. Je ne me plains pas. Vos velléités d’injustice m'irritent et me plaisent. Quant à l’air gai, je vous ajourne à la rue St Florentin. Adieu Adieu, adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris Vendredi le 2 Novembre 1849

Ne vous inquiétez pas de mes petites boutades. Elles passent. Il y a tant d’autres choses pour lesquelles il faut s’inquiéter vraiment. Thiers est venu hier. Il est resté plus de deux heures. Pas trop étonné, mais en grande critique. Le président veut le gouvernement personnel. Il veut faire. Impossible de voir au-delà de la journée. Il faut oublier complètement le jeu parlementaire les partis, les rivalités. Tout est puéril. Il n'y a de réel que le danger. On a déjà beaucoup fait contre, Il faut persévérer. Montebello entre, racontant que dans la salle des conférences, on voulait absolument que la majorité fit une déclaration en réponse au message. Appuyant le nouveau cabinet mais rappelant à l’élu du 10 Xbre les élus du 13 mai et on voulait que Broglie prit aujourd’hui la parole pour dire cela. Montebello y pousse. Thiers ne semblait pas être de cet avis. Il faut mieux se taire absolument. Il avait l’air d’ignorer qu’aujourd’hui à 10 h. le conseil des 10 est convoqué chez Molé, pour décider de la conduite dans la séance de ce jour. Je crois que Thiers voudra qu’on se taise. il parle bien du président, mais un coin de folie, il croit sa race la première du monde. Ce n’est pas le titre n'importe c’est le [?] La politique étrangère il est [?] & m'a raconté des séances [?] traité Normanby, de polisson. [président] il a dit : Vous apportez [?] la France les bonnes de l'Empereur Nicolas. N'oubliez [?]. N’allez pas risquer de [?] grande confiance. [?] Changarnier. Le seul. Naguère [?] lui, mais inférieur. [?] vous a pas nommé. [?]indra. Ste Aulaire aussi [?], j’avais fermé ma porte [?] les autres. Ste Aulaire avec moi. Sa femme est [?] après le dîner & Kisselef que je n’ai pas vu seul. [Ste Aulaire] est excellent, excellent [?] vous. Plein de bons avis très sincère. Attendez-vous à beaucoup d'ingratitude. Vous êtes le politique de la monarchie de juillet. Absurdité incrustée dans le gros du public. Il ne faut pas que vous disiez que vous n’avez jamais eu tort. Je lui ai répondu qu'il n'y a que les sots qui se croient infaillibles. Je vous répète que Ste Aulaire est excellent. Thiers m’a dit que le Prince est un peu penaud de l'accueil fait à son message. Le mécontentement l’étonnement sont universels. M. Rouher, & Parieu sont les hommes importants du Cabinet. (Relativement of course). Le premier a été donné par Morny. C’est celui-ci qui me l’a dit. Il lira aujourd’hui le programme du Cabinet. Il n’est pas question d'amnistie. Tocqueville est très blessé & le dit, tous les anciens ministres le sont. Lord John me dit : " Le président doit demander son pouvoir à vie, il doit demander que l'assemblée siège 6 ans. S'il ne trouve pas de Ministres qui veuillent demander cela. Il faut qu'il abdique and he would succeed. I warrant. N'êtes-vous pas étonnée de ce langage ? Adieu. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 3 Novembre 1849 Samedi

La situation est des plus tendues des plus extraordinaires. J’ai vu hier Berryer, après le dîner. Il se rendait à la réunion du soir où l’on devait décider de la conduite à tenir, il est sombre, il n’est pas désespéré, mais il n’entrevoit pas comment on pourra sortir de ce chaos au milieu de tant de prétentions vivantes. Voilà pour l’ensemble quant au moment actuel Dieu sait ce qu’on aura décidé hier. Les intrigues de la semaine ont été énormes. On se plaint beaucoup de Molé. Un très bon conservateur disait hier. " M. Molé est toujours, en toutes circonstances, avec tout le monde en trahison, on ne peut pas croire à lui un instant. " M. Molé est dans le dépit le plus grand contre le président qui l’a joué. Thiers n’est pas allé hier à la réunion des 10 chez Molé. Il y manquait aussi Berryer & Vatimeuil. Sur les 7, quatre ont voulu qu’on parle, et 3 qu'on se taise à la séance. On avait préparé quelque chose s'il y avait eu lieu. Mais le programme n’y a pas donné lieu. Accueilli avec le plus grand silence. Broglie est d’avis qu’on ne fasse aucune opposition, mais que personne en mette plus les Jeudi chez le président à ses réceptions. Marquer de la froideur & du mécontentement. Avant aucun accord même cela s’est déjà fait ainsi jeudi à la soirée. Il y avait la diplomatie, grand nombre de militaires, point de députés. Hier on a fait entrer de la troupe de plus à Paris. Tout le monde disait hier que dans le petit public, la masse, le message du président avait le plus grand succès. Je sais que hier devait se tenir une réunion des partisans personnels du président, Moskova, Victor Hugo & & qui cherchent à en attirer d’autres parmi les rangs des conservateurs. Le coup d’état est regardé comme infaillible. Les affidés disent : " Nous sommes en marche." Berryer en disait : dans les faubourgs il pourra se trouver 40 m. personnes. criant vive l’empereur. Alors il pourrait s’en trouver 60 m aussi qui crieraient vive la république socialiste. On verra alors. Il y aura lutte certainement. Que faire je parle de moi maintenant certainement à supposer même que l’armée reste très bonne. (Changarnier ne ferait pas comme au 13 juin. Il laisserait faire un peu pour pouvoir réprimer. Réprimer c'est batailler. Vous savez si j’aime les batailles. Tout le monde y compte & reste. On est aguerri ici. Mais moi qui n’ai aucun appui auprès de moi, comment me risquer dans la bagarre. Tout cela est bien triste. Je ne puis pas vous dire tout ce que je vois de monde. Depuis 3 1/2 jusqu'à 9 du soir jamais un moment seule, que l’intervalle très court des dîners. Kisselef vient sans cesse, impossible de causer. Je le ferai dîner avec moi. pour avoir enfin le tête-à tête. Il a reçu un courrier, il a des communications importantes à faire. Il ne sait à qui parler. Il est allé hier chez Hautpoul, pas reçu. Berryer est plein de sens. Au fond sa conversation est celle qui m’a le plus convenu d'entre toutes les autres, vous verrez, car vous le verrez. Il m’a parlé de vous, mais pas autrement que pour me dire que lui dans le temps, avait voté pour qu'on soutint votre élection. La princesse de Joinville est accouchée avant terme d'un enfant mort. Elle a été à la mort elle même. Selon les nouvelles d'hier elle allait mieux. Quelle tour de Babel que ce Paris. Je me trompe. Tout ce que je vois est d'un seul et même avis au fond, mais que faire, & quoi au bout ? Adieu. Adieu. Adieu.
Personne ne sait ce que veut Changarnier, au fond il est impénétrable. Flahaut est ahuri. Lui, approuve le message et s’étonne de la majorité Il dînera chez le Président mais il ne veut pas se montrer à ses soirées. Il repart jeudi pour Londres.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris Dimanche 4 Novembre 1849
La situation s'est beaucoup modifiée. Le temps a été à l’avantage du président. La majorité est matée. C'est clair. Tout le monde dit aujourd’hui qu'on va à l’empire et que c’est inévitable dans peu de semaines. Broglie, (qui est enfin venu hier) m'a dit qu’on avait proposé au Prince la prolongation de la présidence, une bonne liste civile, que c'eut été difficile à faire, mais enfin que la majorité l’aurait entrepris. Il a refusé, cela ne lui suffit pas. Il lui faut l’empire. Comment cela se fera-t-il, Broglie ne sait pas. Sans doute on aura sous la main un certain nombre de représentants dévoués qui ratifieront le [?] de l’armée, si l'armée le pousse. Après cela, est- ce que la majorité de l’Assemblée qui déteste la République irait se battre pour elle ? C’est stupide d'y penser. Elle joue là un pauvre rôle. On fera sans elle, malgré elle, & il faudra. qu’elle se dise contente, ou au moins qu’elle se soumette. Après tout, le président aura habilement manœuvré. Mais au dire de Broglie, & d’autres, tout ceci pourrait bien être accompagné de gros mouvements dans la rue. Les rouges n’accepteront pas sans essayer autre chose. Les légitimistes pensent s'en mêler aussi. Enfin le bruit est probable. Dans cet état de choses à peu près inévitable, on me dit que vos amis poussent, qu’il vaudrait mieux que vous ne vinssiez pas tomber tout juste au milieu de la bagarre. Qu'il vaut mieux attendre la chose faite, sur tout comme cela ne peut par tarder. Je suis de cet avis aussi. Pour mon compte, selon que je serai avertie, je partirais ou j’irai passer ma journée chez Kisselef, si cela est fort menaçant le chemin de fer est le plus sûr. Mais pour vous songez à ce que je vous dis. Je crois qu’il vaut mieux s'abstenir. Ah, comme Broglie est noir et d'une amer ironie. Il déborde, il n’en peut plus. Au plus fort de sa harangue, Normanby est entré. Vous convenez quel éteignoir. Il venait de l'installation de la magistrature très frappé du spectacle. Le discours du président a été trouvé très bon, & suffisamment impérialiste. Kisselef a dîné avec moi. Il a eu deux courriers. L’un portant des paroles excellentes, sachant gré à la France de s’être conduit très différemment de l'Angleterre, car celle-ci avait eu une dépêche après l’audience de Fuat & Lamoricière point. L’autre un grand étonnement du départ de la flotte, accompagné de paroles. peu agréables. Si Kisseleff avait pu s’acquitter plutôt du premier message, & si on avait d’ici tout de suite rappelé la flotte désormais sans objet, il supprimait le second message. Mais aujourd’hui c’est trop tard. Point de Ministres, personne à qui parler, Molé & Thiers sans action directe pour le moment :et aujourd’hui Kisselef va faire sa petite déclaration à M. Hautpoul. Celui ci au reste est excellent pour nous. Sachez que tout le monde est russe ici. Et très peu anglais. La diplomatie toute entière, regarde l’Empire comme fait. Voilà. Quelle curieuse affaire. Adieu. Adieu. On ne parle on ne rêve qu’empire. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris lundi le 5 Novembre 1849

L’Empire était moins florissant hier que la veille. On a l’air de le croire trop difficile pour qu'il arrive. Cependant comment rester stationnaire après le message. Il faudrait donc reculer ? Mon salon hier était comme il y a deux ans, excepté vous de moins, et M. Molé & Berryer de plus, & quelques légitimistes. La diplomatie au complet moins l'Angleterre. Molé le [?]. Voici le vrai de la situation. Les ministres changent, mais deux hommes restent immuables, importants, sont Molé et Thiers. La diplomatie se tient à eux. On leur parle comme à des Ministres & on leur montre souvent plus qu'aux ministres. C’est naturel, c'est bien jugé, et cela profite. A nous, beaucoup, tous les deux sont bienveillants pour la Russie, et fort impatientés du joug de l'Angleterre. Hier Kisselef a eu sa première entrevue avec Hautpoul, avant d'entamer, celui-ci lui a annoncé que l’ordre pour le retour de la flotte venait de partir. à la bonne heure. Je ne sais pas encore si cela s'est fait d’accord, ou non avec l'Angleterre. Hautpoul très Russe. Je vous dis que tout le monde est russe. Tout le monde entrait chez moi hier en riant, une sorte de plaisir de retrouver du vieux. Cela m’a plu, le commencement m’a plu ; à la fin de la soirée, j’ai dit à Montebello, avec amertume " personne n’a prononcé le nom de M. Guizot. " Cela m’a choquée. Voilà les hommes. Voilà le temps. Montebello m’a cité une exception, la Prince Wittgenstein. Je lui en saurai gré. J'ai eu des lettres d'Aberdeen de Beauvale de Clauricarde. Tout le monde me demande d'écrire, d'expliquer, d'inexplicable message. Montebello est prié à dîner aujourd’hui à l’Elysée. Votre ami B.[roglie] lui a dit de refuser. Moi je lui ai dit d’aller, et il ira. Quelle idée a votre ami. En pratique quel pauvre esprit ! Comme il doit avoir fait des fautes de convenances et de tact dans sa vie. En y pensent bien je crois que le tact est un ingrédient bien nécessaire aux choses de toute taille. 1 heure. Point de lettres ce matin. Qu’est-ce que cela veut dire ? Je ne suis pas bien depuis quelques jours. Du rhumatisme, pas d’appétit et peu de sommeil. cela reviendra peut-être. Adieu. Adieu. Adieu. Que vous écrit-on sur vous ? Adieu. deux choses à relever. Molé ne croit pas à l’Empire. Et en fait d'avenir, il ne croit plus qu'une Monarchie constitutionnelle soit possible autre part qu’en Angleterre.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris Mardi le 6 Novembre 1849

C’est le second Lundi que votre lettre un manque. Cela fait le dimanche de Londres, car je compte bien recevoir deux lettres aujourd’hui. Le bavardage se calme. Hier il y en avait peu. Flahaut est venu causer avant de se rendre au dîner du président. Il part aujourd’hui pour Londres. Il est très partisan du Prince. S’il n’avait pas été ambassadeur du roi, il se mettrait de toutes ses forces à servir celui-ci. Cela ne lui est pas possible. Il ne sait quand on fera le le coup, mais il se fera. C'est un parti arrêté. Vous savez qu'on a offert au Prince de lui donner la présidence décénale & 6 millions de rente. Il a dit " C’est trop peu pour un coup d’Etat. " On reproche au Prince de prendre des petits ministres, mais on lui criait de se défaire de Dufaure. Les grosses gens refusant de se mettre à l'ouvrage. Et bien il prend des petits, et il les prend dans les rangs de la majorité. Elle ne peut pas se plaindre. On lui reproche son entourage. Où en trouver un autre ? Tout le monde s'écarte. Ni légitimistes ni orléanistes ne viendraient à lui. Il lui faut cependant des amis. Voilà le duc de Flahant. Voici vos deux lettres. Oui en vérité c’est bien triste, attendre encore ! Mais je crois que l’avis est bon, c'est à vous d’abord qu'il faut songer. Laissez passer la bourrasque, seulement j’y pousserais [si je pouvais]. Hier, comme je vous dis, cela n’avançait pas. Mais je crois les entours plus pressés de jour en jour ils meurent de faim, et Persigny est infatigable. J'ai été hier soir chez Madame de Boigne, trois hommes que je ne connais pas, & très [?] le langage, hostile, dédaigneux pour l’Elysée. J’ai rencontré le Chancelier lorsque je sortais [?] moi encore froide. Mad. de Boigne très empressée, elle [était] venu quelques jours avant [?] voir le matin, et elle ne sort jamais, mais il y avait tant de monde chez moi que nous n’avions pas pu causer. Je ne vous nomme pas mes visites Il y en a trop. Cela ferait une page de noms. Ce que je remarque c'est beaucoup d'empressement et plus d’amitié. Ainsi Mme de la Redorte hier toute fraîche débarquée, toute douce & gracieuse. A propos Flahaut croit qu'il serait très utile que M. de Broglie en causant avec Lord Lansdowne (qui arrive demain), lui parle très franchement de tout ce qu'il pense sur le compte de Lord Palmerston, & sur la conduite de Normanby ici. Il dit que cela ferait plus d’effet que quoi que ce soit. Il désire beaucoup que je fasse parvenir cela à Broglie. Comme je ne le verrai pas je ne sais comment m’y prendre, mais je suis tout-à-fait d’avis que ce serait très bon. Dites le. Je me mets en tête que le président se fera Empereur le 2 Xbre. C'est le jour où Napoléon a pris ce titre. A Paris partout dans les boutiques, dans les cafés on demande l’empire. Je ne vous dis pas ma tristesse de notre séparation. A quoi bon ? Je cherche à me persuader que cele sera plus long. Mais je suis triste du terrain que vous trouverez ici pour votre compte. Triste et indignée. Adieu. Adieu. Adieu.

Beauvale qui me tient bien en courant me dit que Nesselrode est très aimable & doux pour Lamoricière. Celui-ci n’a fait aucune communication. C’est Bloomfield qui est allé se brûler les doigts. Je crois que je verrai aujourd’hui la réponse. L’Empereur m’apprenant les exécutions en Hongrie s’est écrié publiquement. " C’est infâme." Nesselrode a dit à Lamoricière que le gouvernement russe les regrettait profondément & que le public en était indigné. Beauvale approuve le Président et regarde ceci comme une suite naturelle du langage légitimiste si hautement tenu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 7 Novembre 1849

C’est cela. Attendre un peu. Si cela ne se fait pas tout de suite ; vous venez. Sainte-Aulaire & le duc de Noailles ont dîné chez moi hier . Tous d'eux d’avis que vous veniez. Etonnés, que vos amis vous donnent un avis contraire ; cependant je dis ainsi attendez un peu. L’empire stationne. Il n’avance que lentement. Il faut s’assurer de bien des choses avant de le tenter. A la salle des conférences on ne s’entretient que de cela les rouges disent qu’ils reste ront armés de la Constitution et monteront sur les barricades pour la défendre. Les légitimistes préfèrent l'Em pire à la présidence décénale. Ils croient que l'Empire n'aura aucune durée. Ce que vous me dites aujourd’hui sur la situation et la conduite quoique sans conclusion est plein de raison et d'esprit. J’ai passé hier soir un moment chez Mad. de Rothschild qui part ce matin pour la Silèsie. J'y ai rencontré le gouvernement Changarnier. J'ai demandé à faire la connaissance. Je puis bien faire des avances à l'homme qui me fait dormir tranquille. Son extérieur est doux et peut être fin. Tout le monde. l'adore & l’accuse. Longue entrevue hier matin avec Kisselef 1 heure 1/2 entière confiance. Nous faisons une distinction marquée entre Paris & Londres, en pleine défiance de Londres. Très bienveillant pour ici. Content de Thiers, & le lui laissant savoir. Nous remarquons que la France s’est laissé un moment dupé par l'Angleterre, qui voyant poindre de l’intimité entre Pétersbourg & Paris a voulu la détruire en mettant en avant la flotte française. Je vous ai dit qu’elle est rappelée, mais ni Kisselef ni moi ne savons encore si c’est d'avoir avec l'Angleterre. J’espère que non. Il est très possible encore que Stratford Canning empêche à Constantinople ce que nous avons réglé à Pétersbourg nous avons explicitement dit à l'Angleterre comme ici que nous ne permettons à personne de se mêler de cette affaire. Je suis fort contente de tout ce que j’ai vu. L’Empereur est exaspéré des exécution en Hongrie. Ceci me revient par Londres. Aberdeen m'écrit que la presse anglaise revient à Palmerston, Morning Chronicle, même le Times. C'est bien dommage. Sainte-Aulaire m’a dit hier que les nouvelles d'Espagne étaient mauvaises. Narvaez succombera La petite reine joue son jeu, contre son mari, contre sa mère, contre son Ministre. Une perfidie sans exemple. Il me semble que je vous ai tout dit, les Normanby en grandes recherches pour moi. Mon quotidien est toujours Montebello. Excellent honneur et fort intelligent. J’ai vu Jaubert, qui est plein de dévouement, de respect pour vous. Et ce bon Thom à Paris pour quelques jours, qui veut que je vous dise son profond souvenir de vos bontés. Mad. de la Redorte me demande ainsi de vos nouvelles & Flavigny beau coup que j’ai rencontré chez Mad. Rothschild hier. Adieu. Adieu. Adieu.
Le duc de Noailles est pressé, pressant pour la fusion. sans elle on périt ; avec elle on est sauvé. Je vous redis. Il est fort éloquent sur ce point. M. de Saint Aignan est revenu de Clarmont porteur d'un blâme sévère du Roi de l’abstention. Il fallait voter pour la proposition. Le chagrin là est extrême. Ils voulaient tous revenir.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Mercredi 7 nov. 1849
7 heures

Vous êtes la plus excellente et fidèle glace (miroir est trop petit) qui se puisse voir. Vous me renvoyez toutes les hésitations, fluctuations alternatives du public qui vous entoure. Hier, l'Empire infaillible ; aujourd’hui, impossible. Les brusques revirements d'inquiétude et de confiance d’abattement et d’entrain, ces oublis frivoles et ces préventions entêtées, ce mouvement perpétuel qui avance si peu, ce je ne sais quoi d'immobile, je devrais dire d’incorrigible qui persiste sous ce besoin insatiable de changement et de nouveauté, tout cela, qui est la France, et surtout Paris dans la France, tout cela est dans vos lettres. Tantôt vous le peignez parce que vous l'avez observé ; tantôt vous le reproduisez sans vous en douter. Ce qui, pour vous, est spectacle devient à l’instant tableau dès que vous en parlez. Cela est rare et charmant. D’après ce que vous me dîtes et tout ce qu'on me dit, ma conjecture est qu’on va faire une halte dans la station où l'on s’est un peu brusquement transporté. Les plus étourdis ne sont pas bien hardis. Les plus fiers ne sont pas bien pressés d’avoir satisfaction. On se lance dans une fausse route. On s'en aperçoit. Ce n’est pas une raison pour rentrer dans la bonne. Mais on attend dans la mauvaise, sauf à recommencer. Quelque fois, il n’y a point de bonne route. Ce sont les pires temps. Je vous ai mandé ce qu'on me dit sur moi. Les plus craintifs me conseillent d’attendre jusqu'à ce que l'Empire soit proclamé, ou manqué, jusqu'après le 10 décembre, jour critique, dit-on. Les plus sensés me conseillent de ne point fixer de jour précis à mon retour et d'attendre au jour le jour, un bon moment. Je fais ceci. Je m’arrange pour pouvoir partir soudainement si cela me convient. Je ne dis pas, et je ne sais pas quand je partirai. Si on fait une halte-là, où l'on est aujourd'hui, je changerai très peu de chose à mon premier projet. Il m’est parfaitement indifférent, pour être à Paris, que ce soit M. Odilon, ou M. Ferdinand Barrot qui soit ministre. Je ne veux pas retourner étourdiment à Paris. Je ne veux pas tarder inutilement à y retourner. Ce qui est inutile en ce genre serait inconvenant pour moi. Je ne me fais pas la moindre illusion sur ce qui m'attend à Paris. L’ingratitude ne me touche point ; il n'y en aura jamais plus que je n'en attends. Les stupidités populaires, les perfidies infatigables, et infiniment détournées, des rivaux d’autant plus acharnés qu’il sont un peu honteux les froideurs embarrassées, des indifférents, les poltronneries, des amis, je compte sur tout cela. J'étais puissant avec grand combat. Je suis tombé avec grand bruit. Si j'étais mort, encore passe. Mais je reviens. La plupart s'étonnent quelques uns craignent que je ne sois pas mort. Ma présence est pour les uns un reproche, pour les autres, une inquiétude, pour d’autres simples spectateurs, quelque chose d'inconnu, et par conséquent d'incommode. Tout cela me fait une situation délicate, et qui aura des difficultés. Je ne puis pas la changer. Je ne veux pas l’éluder. S’il y a un bon avenir, je surmonterai ces difficultés. S'il n'y a pas un bon avenir, peu m'importe tout cela. Je ne me serais pas douté du souvenir de la Princesse Wittgenstein. Je le mérite un peu, car je l’ai toujours trouvée très belle, et d’une beauté qui ne ressemble à nulle autre. Je suis très touché d'obtenir ce que je mérite. Onze heures J'ai à peu près répondu d'avance à ce que vous me dites aujourd'hui. Je verrai sur place. Dieu veuille que ce soit bientôt. Plus j'y pense, moins je vois de raison à attendre indéfiniment. Adieu, adieu. Adieu. Il y en a de si bonnes pour ne pas attendre. Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris jeudi le 8 novembre 1849

Beaucoup de monde hier matin comme de coutume, et la diplomatie hier soir comme jadis ; en fait de français. Le duc de Noailles, Berryer et Dalmatie. Rien de nouveau. On commence à croire que cela peut trainer cependant on veut se tenir préparé, et c'est là où me semble régner une grande confusion. C’est naturel, il n'y a aucune union. C'est ce qui fait la force du Prince. Il est plus puissant que l'assemblée. Hubuer s’accoutume à venir. Il a beaucoup d'esprit. Je trouve la situation de Kisselef très grandie ici. Cela provient ainsi de la que toutes les petites gens sont devenus quelque chose. La Sardaigne nous envoie une ambassade spéciale pour demander la reprise des relations. Elle chasse de son service tous les Polonais qui s’y trouvaient. C'est notre condition sine qua non. Quel dommage que Léopold ne puisse pas en faire autant. Nous sommes pour lui très bien, moins cela. Je vous envoie un petit Appendix à une lettre de Beauvale. Clever comme tout ce qui vient de lui. Je suis bien de son avis aussi. Je copie au lieu de l'original que je veux garder. Je vous ai dit de Richmond N'est-ce pas ce que me disait John Russell ? " il ne peut ressortir de ce bouleversement si profond que deux choses. Ou l'anarchie ou l'absolutisme, partout, hors l'Angleterre." Pardon de l'horreur de copie. On dit aujourd’hui que le président veut attendre l’année 52 et qu'il a des moyens d’attendre. C'est des mauvaises langues qui disent cela. Flahaut doit être parti. Il a aidé dans l’affaire du rappel de la flotte. J’ignore toujours si l'Angleterre en ait. Je n’ai pas vu Montebello depuis deux jours. Que pensez-vous de Germain ? Je lui aurai peut-être une bonne place. Mais je voudrais savoir ses mérites & ses inconvénients. Le gros de la lettre de Beauvale est toute à l’Empire." Donnez-moi de bonnes nouvelles de lui je vous en supplie. Régime militaire en Prusse, en Autriche, en France, en Piémont et le monde est sauvé. Mais qu’on fasse vite." Voilà textuel. Adieu. Adieu. Adieu.
Hier on parlait de la Grèce, d’Eyragues de la Rosière comme destinés au portefeuille si Rayneval n’accepte pas. Voici Flahaut qui est venu me voir tout botté pour le chemin de fer. Il emmène Morny qui a des affaires en Belgique. Lui va à Londres. Le coup d’état n’est pas encore probable au moins pour cette semaine.

extrait de la lettre d'un allemand constitutionnel " on assure que M. Guizot n’espère le salut de la France que de sa chère constitution à [?] gentiment l'Angleterre sans le vouloir a rendu un bien mauvais service au continent par l’exemple de sa constitution, admirable pour elle, mais qui copiée par des institutions forcément différentes menace de précipiter le centre du continent dans des bouleversements. sans fin. " We English nous avions à attribuer notre impopularité. La démocratie nous a toujours détestés comme trop aristocrates que, les rois & les royalistes n'ont pas trop de motifs pour nous aimer, & voilà maintenant les libéraux constitutionnels faisant la découverte que nous avons joué le tour d'un feu follet les engageant dans un chemin d'où il n'y a d’autre issue que dans l'anarchie ou le règne du sabre. Nous voilà bien. Mais a-t-on trop tort !
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