Guizot épistolier

François Guizot épistolier :
Les correspondances académiques, politiques et diplomatiques d’un acteur du XIXe siècle


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Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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93. Ems le 5 juillet 1854

On demandait à un cosaque chargé d'amener à Pétersbourg douze anglais, faits prisonniers en Finlande, ce qu'il pensait d'eux." Pas grand chose. Ce sont de bonnes gens, mais c’est un peuple bien que civilisé ces anglais."
J'ai eu une lettre très aimable de Fould. Mais il ne m’envoie pas la paix. L’Emp. & l’Imp. vont à Biarritz pour quelques semaines. Fould reste à Paris avec ses maçons. La place Louis XV sera achevée dans 6 semaines pour la fête du 15 août. Le Louvre sera achevé inauguré, le 1er mai 1855 à Bruxelles on ne connaissait pas encore exactement notre réponse à l’Autriche, mais il n'y a pas de doute sur ce qu’elle sera. La Prusse, dit-on là, restera expectante. Elle sera entraînée, il le faudra bien. Avez-vous lu les discours très belliqueux du roi de Suède à ses troupes ? Enfin ce sera toute l'Europe.
Le Maréchal Pasking va dans son château en Pologne. Bouderie ou disgrace on ne sait pas. Le public de Pétersbourg accuse ses lenteurs. On ne lui pardonne pas de n’avoir pas pris Silistrie. Vous n'avez pas idée comme mes soirées sont brillantes. Cercle extrêmement choisi, trop exclusif peut-être pour une popularité, mais je n'y vise pas. De la musique charmante. On s’attroupe sous les fenêtres pour l'écouter. Olga serait la prima donna de l'Europe si elle montait sur la scène. Quelle puissance de voix. Cerini chante très bien. Le prince George accompagne toujours, cela le rend heureux. La duchesse d'Ayen est là comme une poupée. Son mari est très bien, et très agréable. Melas chante pas mal, sa femme ne sait pas si on pleure ou si on rit. Vous savez qu'il lui arrive à dîner de prendre le grand os d'un poulet pour son éventail, et de s’étonner qu’elle s’évente sans se rafraîchir. Les Brignoles vont arriver. Richelieu nous quitte. Le 20 Schlangenbad pour moi, mais hélas Hélène à Schwalbach, c'est à une très petite distance, mais il n'y a pas de quoi se voir deux fois le jour. Toujours de la pluie et l’air froid. Summer postpond on account of the war, comme on dit à Londres. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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91. Ems le 1er juillet 1854

Plus je pense à tout ceci, plus je suis humiliée de la façon dont nous conduisons nos affaires. à ce train là, il vaudrait mieux faire la paix tout de suite. Dieu sait tout ce qui nous est réservé encore si nous continuons cette triste guerre.
Le dernier petit mot de votre lettre du 28 me prouve que vous êtes en pleine espérance. C'est comme vous étiez à la dernière heure à Bruxelles. Hélas, en sera- t-il autrement.
J'ai un besoin énorme de parler de tout ceci, et je n’ai avec qui. Hélène n’est plus praticable. Elle veut pour pendre les Autrichiens elle n’a plus que cela en tête, elle donnerait toute sa fortune pour les anéantir. Richelieu est sensé et nous jasons & rabachons quelque fois. Je suis fâchée que mon fils ne soit pas ici. Avec lui cela irait mieux. Le Times fait un grand éloge de la dépêche d'Aberdeen de l'année 1829 en effet elle est bien faite. Je n'ai de lettre de personne aujourd’hui, je relis la lettre de Constantin. évidement notre retraite n’est pas de la bonne grâce pour l’Autriche, d’après cela c’est seule ment un ennemi de plus. Je suis frappée des soupçons de l'Angleterre contre l'Autriche. En France la nouvelle n’est pas non plus accueillie avec plaisir. Tout me paraît plus confus que jamais. Débrouillez cela. J'aurai demain je crois quelque chose. Ma lettre aujourd’hui est bien bête. Adieu. Adieu.

Dimanche le 2. Elle était si bête, qu’elle n’est pas partie ; elle attend son camarade aujourd’hui. Rien, rien, que mes réflexions qui sont tristes, décidément ce sera une longue guerre. Comment me tirer de là.
Je viens de lire les journaux. Nous ne cédons pas à l’Autriche, Nous cédons à la nécessité de nous mettre en garde contre C'est bien différent, et il est clair que nous nous battrons. Nous n’avons pas battu les terres, que ferons nous des autres ? Vous comprenez que je ne partage aucune de vos espérances. Je n’ai pas ni de lettre de vous, ni de personne, et la seconde porte est arrivée.
Le temps est bien laid, et mon humeur plus laide encore que le temps. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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90. Ems le 30 juin 1854

Voici ce que je trouve dans mes vieux papiers.
" Lord Chatham disait en 1760 que quand il entendait quelqu’un soutenir que la question ottoman n'était pas pour l'Angleterre une question de vie et de mort, il ne parlait plus à cette personne."
Je tourne et retourne dans mon esprit, les nouvelles perspectives que nous ouvre notre reculade. Elle est si étonnante pour un homme du caractère de l’[Empereur] Nicolas, et pour l'orgueil & le fanatisme russe. Je prends Hélène pour type. On ne peut plus lui parler. Son caractère en est changé tout à fait. D’abord elle ne croit pas. Je regrette que Paul ne soit pas ici. Il saurait la mettre à la raison. Elle soutient que nous allons faire la guerre à l’Autriche ; son point de départ est une lettre de la Grande Duchesse Marie qui est parfaitement dans ce sens. Les journaux Allemands disent que notre armée manque de vivres. Quand on ne mange pas, on ne se bat pas. Cela pourrait bien expliquer ce que vous dites des pertes que nous éprouvons dans nos officiers supérieurs. Quelle opinion nous donnons de nous en Europe ! Quelle tappe sur la fatuité Russe. Je serai bien aise de ne pas ressembler beaucoup à mes compatriotes, je me sentirais bien humiliée. Vous figurez-vous le contentement de Hubner.

Midi. Voici une lettre de Constantin de Peterhof le 21 juin. " Au Danube notre position militaire change en présence de l'absence de sécurité que présente l’Autriche. Notre droite se trouvant exposée par la concentration de troupes en Transylvanie Silistrie n’a plus aucun prix pour nous, aussi allons nous, aussi allons nous en abandon ner le siège et nous concentrer sur le Sereth. C'est là qu'on est invité à nous parler pour le moment quitte à mieux sauter plus tard. La conclusion qui a atteint le Maréchal le met hors de combat pour quelques semaines. Il se rendra à Passy." Le reste de la lettre est du fanatisme superlatif. J’ai peine à tenir pour ne pas répondre par quelque sottise à tant d'exagération, d’adulation. Il reste encore. là heureux, si heureux qu'il dit qu’il en oublie sa femme et ses enfants. Voilà ce qu’on devient, voilà ce qu'était devenu mon mari. Que de réflexions à faire. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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74 Bruxelles le 4 juin 1854

Je me suis trouvée entraînée hier à une soirée chez moi. On a voulu me faire entendre un chanteur italien de premier ordre. Cela ne m’a pas beaucoup amusé. J’avais tous mes habitués. Ce qui fait que de tous les Russes Kisseleff seul est resté à la maison. J’avais prié les autres.
Aujourd’hui je vais à l’église, & je ferai mes visites d’Adieu. Le temps est possiblement froid. On parle beaucoup du Prince Gortchakoff envoyé à Vienne dit-on. Je le connais fort, il est resté 8 ans premier secrétaire à Londres. Mon mari l'a chassé. Pareille aventure lui était arrivée sous d’autres chefs. Très intelligent. Capable, excellent rédacteur. Insolent, insupportable. Il vaut peut être mieux, je n’en sais rien. Je l’ai revu à Schlangenbad. Là aussi il a fait une impertinence au Roi de Prusse. Le pauvre. Meyendorff ne m'écrit plus du tout. D’abord, malade et bien triste. On me dit ici que dès l'origine de l’affaire on a trouvé à Pétersbourg qu'il faisait fausse route. Il n'était pas assez russe, il voulait qu’on s’arrange. comme cette guerre marche drôlement.
C’est le 1er juin seulement que l’Autriche nous a envoyé une invitation polie de sortir le plus tôt possible des Principautés. La Prusse l’aura fait de son côté. La prise de Silistrie n’est pas cas de guerre. Même le passage des Balkans s’il pouvait avoir lieu, demanderait encore des éclaircissements. Il n'y a donc rien d'imminent du côté de l’Autriche. On dit que l’Impératrice est grosse, Wallisky doit l’avoir annoncé.
Rothschild m’autorise aujourd’hui à ajouter au bail la promesse de ne pas me mettre de club sur la tête. Il n’a pas voulu du 3. 6. 9. Cela m'est égal. J’accepte l’autre forme quoique ce soit drôle. J'envoie le tout à Génie avec l'espoir que je recevrai mon titre Mardi. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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62. Bruxelles le 20 Mai 1854

Vous aurez eu mon N°60 plus tard car je n’ai pas manqué un jour de vous écrire. Je remets ceci à votre petit ami. Je l’attends car hier je n’ai pas pu causer avec lui.
Ici on croit tout-à-fait que l’Autriche passera à l’action. Le roi Léopold répète que la guerre ne peut pas durer. Je voudrais bien savoir comment elle peut finir ?
Evidemment même d’après la lettre de la Grande Duchesse, l'Empereur est abattu mais autour de lui c’est toujours de l'encens, de l’exaltation, et il a vraiment tellement échauffé les têtes qu’une pauvre paix pourrait lui coûter cher. Greville m'écrit encore charmé de l’Autriche et sur d’elle, très mécontent de la Prusse mais trouvant sa fidélité à nous très naturelle. L'armée prussienne est tout à fait dans le sens Russe. Je suis curieuse de la Suède. Je flaire la défection.
Je vois beaucoup Brunnow. et je lui trouve beaucoup d’esprit. Son grand régal est quand je lui montre une de vos lettres. Il dévore Cromwell. Pour Kisseleff c’est comme s’il était en Chine. Fini tout-à-fait. Cela devait être, je l’avais trop bien traité pour qu'une désertion tion peut être supportée par lui.
En Angleterre on voudrait toujours chasser ces deux messieurs de Bruxelles. à Paris leur présence ici n'incommode pas du tout. Je suppose qu'on la trouve évidente ce qu’elle est en effet. Cela ne pourra pas durer. Le corps diplomatique ici est fâché de leur présence. La cour ne veut pas donner de dîners craignant autant de les inviter que de les exclure. Depuis février personne n’a vu le roi. Van Praet ici est toujours bien fidèle et bien agréable. Infaillible, tous les soirs. C’est lundi matin que Brockhausen quitte Paris si vous savez quelque chose vous savez où le trouver Hotel de Londres rue Castiglione. Adieu. Adieu.
Voterez vous pour Fortoul ? J'ai été charmée de l’Evêque d’Orléans & de M. de Sacy. Génie porte ma lettre à Rothschild Il la trouve très bien, mais il se concertera d’abord avec vous. Si vous ne trouvez pas l’intermédiaire bien laissez cela, mais envoyez simplement ma lettre.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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71 Paris, Vendredi 19 mai 1854

L’Académie a occupé hier ma journée. Nous avons fait ce que nous voulions. Je croyais à 20 voix pour l'évêque d'Orléans et à 22 pour M. de Sacy. Ils en ont eu chacun une de moins. Ce sont deux choix très dignes, à la place de MM. Tissot et Jay.
Je repartirais pour la Val Richer, si je n'avais encore Vendredi prochain une élection à l'Académie des Inscriptions. Celle-ci sera plus disputée. Le Ministre de l’instruction publique, M. Fortoul, se met sur les rangs. et il a des chances. Quoiqu’il ait contre lui, dit-on, la princesse Mathilde. M. de Nieuwkerke soutient vivement le concurrent de M. Fortoul, qui est son second dans l'administration du Musée.
Les fureurs du Times contre le Roi de Prusse sont de bien mauvais exemples. Les purs révolutionnaires ne diraient pas mieux. C'est aussi absurde que choquant la convention Austro Prussienne est bien plus occidentale que Russe, et ce n’est pas au moment où elle vient de la signer que la Prusse s'éloignerait de cette politique. Je trouve cette convention très sensée. Les deux puissances s'y engagent dans la mesure qui convient à chacune d'elles, et il y a là des moyens de négociation et des chances de paix. Pourvu que la vigueur de l’exécution réponde à la sagesse de l’intention. C'est par l’exécution surtout que la politique pêche aujourd’hui, on fait ce qu’on ne voulait pas faire ; on va où l’on ne voulait pas aller. Par imprévoyance et par faiblesse quotidienne, à chaque moment où il faut passer de l’intention, à l'action.
Ici, on se dit content de la Convention, et je crois qu’on l'est. Il y a de la confiance et du mouvement ascendant dans la situation plutôt que de l’inquiétude, et du déclin. Toujours quelque agitation autour de M. de Persigny ; il était en querelle dernièrement avec ses chefs de service, surtout avec le principal, M. Frémy. Il a, comme de raison, gagné cette petite bataille et congédié, M. Frémy. On répète aussi que M. Drouyn de Lhuys est fort ébranlé. Je ne crois à aucun de ces bruits. Lord Cowley n’est pas encore revenu de Londres. J’ai vu hier tout notre monde à l'Académie, Molé, Noailles, Montalembert, Barante & quand je suis arrivé, j’ai trouvé Thiers assis à côté de ma place : " On dit que je vous ai pris votre place, m'a-t-il dit. - Non, mais vous me l’avez fait prendre par M. de Barante à qui vous avez pris la sienne. " Il s'est reculé d’une chaise, et je me suis assis entre Barante et lui. Nous avons causé aussi amicalement qu'insignifiamment et nous avons voté ensemble.
Montalembert est tranquille et de bonne humeur. Tout le monde dit qu'après le départ du Corps législatif, son procès tombera dans l’eau. Noailles me demandait d'aller dîner dimanche chez lui, mais j’ai promis à Mad. Mollien. Hier chez Mad. Lenormant, aujourd’hui chez Mad. de Staël et lundi chez Duchâtel qui part mardi.

Une heure
Je n'ai pas de lettre aujourd’hui. Adieu, Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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70 (je ne me souviens pas bien) Paris, Jeudi 18 mai 1854

J’ai vu assez de monde hier, Broglie, Duchâtel, Sacy, Mallac, Mornay, & Je trouve tout, les faits et les esprits, exactement dans le même état. Le gouvernement redouble ses efforts pour la guerre, les envois de troupes, de matériel, les préparatifs des camps de St Omer et de Marseille. On croit qu’il va demander au Corps législatif une sorte de pouvoir discrétionnaire en fait d'emprunts dans l’intervalle des sessions. Il l'aura et il en usera. Un nouvel emprunt est indispensable, et assez prochain. C'est dans cette vue qu’on prend tant de peine pour soutenir la Bourse ; on m’a très bien expliqué les moyens ; je ne vous les répèterai pas ; ils sont efficaces en ce moment et le seront quelque temps, pas bien longtemps, mais assez probablement pour que le nouvel emprunt se fasse passablement, sauf à avoir plus tard une baisse générale dont les badauds payeront les frais. Le public se préoccupe peu de la guerre et il en souffre peu.
Morny dit vrai ; les affaires reprennent assez. Il se trouve, à l'épreuve que le commerce avec la Russie est peu important pour la France et pour l'Angleterre. Les progrès de la consommation à l’intérieur et du commerce général rendent ce vide spécial peu sensible.
Quant à la politique de la guerre, personne n'y pense ; personne ne s'inquiète de savoir si Baraguey d'Hilliers sera ou non remplacé. L'Empereur est parfaitement le maître de prendre Lord Stratford pour ambassadeur, et s'il est content de ses services, le public sera content aussi. Les journaux Anglais ont publié de grands détails (et piquants) sur la querelle de Baraguey d'Hilliers avec Reschid et Redcliffe. Il y a eu défense absolue aux journaux Français d'en traduire un seul mot. Baraguey a eu tous ses défauts et quelque fierté. Pour Redcliffe, tous les défauts sont aujourd’hui des qualités.
Je suppose que vous savez tous les détails sur M. Lazareff et la visite de sa femme à M. de Persigny pour le remercier. " Mon mari était assez mal en cour ; vous lui avez rendu un grand service, en le mettant à Mazas ; il aura enfin un trône qu’il désire depuis longtemps sans pouvoir l'obtenir. " J’ai demandé si ce serait [?] André.
Je ne vous ai pas parlé du général Osten Sacken et de la lettre qui lui a été adressée par ménagement pour votre goût du pouvoir absolu. Car on a tort de s'en prendre à votre Empereur en personne pour ces bévues hautaines ; c’est de sa situation qu'elles viennent. La pouvoir absolu y est condamné, et tôt ou tard, les plus grands génies y tombent. Quand on est très puissant, il faut être, à chaque instant, averti et contenu pour ne pas devenir fou à lier, ou à faire rire.
Vous savez probablement que Mad. de Bauffremont est retrouvée ! Elle s’est rendue d'elle-même au couvent des Augustines pour y réfléchir, dit-elle, sur sa situation. Elle a tout bonnement erré dans les environs de Paris, presque sans se cacher. On se moque un peu de la police.
Thouvenel avait et aurait encore envie d'aller à Constantinople. Son chef ne veut pas. Ils sont de plus en plus mal ensemble. Le chef a besoin de l'intérieur, et craint que, si l'inférieur devenait ambassadeur, il ne devint bientôt ministre. Je ne vois pas pourquoi, si l'Empereur voulait faire Thouvenel ministre, il prendrait la peine de le faire passer par Constantinople. Je ne verrai probablement pas Mlle de Cerini.
Si j’ai un moment, je ferai une visite à Mad. Sebach que je prierai de lui redire ce que vous me dites. Je vais m'occuper de Rothschild. Il est bien juif ; mais la chose est très claire. Il vous demande 12 000 fr. de loyer, et une somme de 12 000 fr pour faire remettre l’appartement tout-à-fait en état, comme quand on change de locataire. Il y a à redire sur ceci. Par malheur Génie ne sera ici que dans quatre jours. Adieu, Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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45. Bruxelles Lundi le 1er mai 1854

Je vous écris une lettre ostensible pour être lue par Andral. Hélène est tout aussi intéressée à cela que moi, car elle est sûre pour son compte qu’Ems is the thing. Seulement l’esprit de la malade est troublée, et la sentence nette d’Andral décidera tout. Je vous prie je vous prie, Hélène vous supplie, ne perdez pas de temps. J'ai eu une bonne lettre de Morny mais rien de lui. Seulement il a retrouvé le langage plus accoutumé à la guerre. Il n’avait pas encore vu l’Empereur il allait le voir hier. Il me parle des bombardements d’Odessa comme de quelque chose de sauvage. J’ai peine à y croire. Ici on ne sait pas encore d'une manière précise. Vaudrait et Brockhausen sont toujours mes plus fidèles.
Mad. Salvoy m’a écrit de Vienne tout bonnement une lettre spirituelle. Au milieu des récits de toilettes et de fêtes, il y a des observations. Hubner petit rôle, rien du tout. Bual embarrassé. Le public enthousiaste pour la France. Dans la rue hourah pour l'équipage de Bourguenay. Tous les généraux autrichiens, russes. Il pleut, je ne me promène plus. Adieu. Adieu.
Si Andral faisait encore des façons, il me semble qu’il pourrait pour le moins formuler son opinion comme voici, sur l’autre nuance de vert. Vous voyez comme cela m'occupe, mais Hélène est bien mon compère aussi je vous en réponds. Adieu. Vous dites de belles paroles dans votre discours !

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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41 Bruxelles jeudi 27 avril

Morny est réparti pour Paris ce matin. Hier j’ai envoyé le duc de Noailles dîner chez un grand ennuyeux le duc de Beaufort son neveu et toute la journée j’ai possédé Morny hors le moment où il a été à Lacken chez le roi. Il a rencontré chez moi tout le monde. Lord Howard, Brunnow, l'Autrichien, Chreptovitch Brockhausen, Les Belges Brockers, Van Praet, Lebeau, tous hors Kisseleff qu’on dit très embarrassé. J'ai été extrêmement content du langage de Morny, et de tout ce qu’il m’a dit de son Empereur. D’abord je me vante qu'il m’a fait porter des paroles gracieuses de sa part. Toujours désireux de la paix, et si elle s'offre convenable bien décidé à poser sur l'[Angleterre] au reste si elle n'était trop obstinée on n’est engagé à rien, c’est très remarquable. Dans la convention d’alliance très content des allemands dans tout les cas on ne s’attend à aucun concours actif, mais dans tous les cas le concours moral donne une grande force à la France pour accepter la paix quand elle sera possible.
Andral a répondu pour se récuser. Il faut encore les avis du Médecin qui traite ; il n’a pas le droit de juger de loin. C’est donc fini, elle va à Spa. Vous concevez comme cela me désole ! Ma nièce Demidoff écrit d'Odessa en date du 17. Quelques bateaux à vapeur croisaient devant le port. Mais il ne s’était rien passé. Voilà qui détruit la destruction d'Odessa le 14.
J'ai eu de curieuses lettres de Londres. Lord Palmerston très bien très tendre, et pacifique. Agréable. toujours la guerre populaire sachant qu’elle ne l’est pas en France.
C. [Greville] me dit ici d'Aberdeen : charmé de notre déclaration, modéré et pacifique. Et si l’Empereur faisait des propositions tant soit peu acceptables " They might send me to the Tower but nothing on earth would prevent me from accepting peace. " On sait fort bien en Angleterre que les Français détestent la guerre & que l’Empereur serait enchanté de la voir finir. Marion a eu une longue conversation avec Persigny. Excellent langage. La France ne veut rien, ne prendra rien, elle veut l’estime de l’Europe. Elle y a déjà fait beaucoup de chemin, elle en fera encore et forcera tout le monde à la respecter et l'honorer. Marion a proposé la Savoie et le Rhin, il l’a envoyé promener en répétant rien rien rien que l’estime des honnêtes gens. Toutes ces lettres vous plairaient fort. J’emploie ce matin le duc de Noailles, M. Grote & Hélène a me faire des copies. Tout cela établi dans mes deux petites chambres. C’est comme une scène de Comédie et moi vous écrivant au milieu de cela. Morny a été charmant et vraiment sa visite ici a fait un extrême plaisir.
Il n'y a pas un mot de vrai à la nouvelle de son mariage. Il n’y a pas moyen de continuer Adieu. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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35. Bruxelles le 20 avril 1854

Vous avez réparé l'erreur des numéros. All right. Je n’ai vu hier que Brockhausen, et Van Praet. Le premier très préoccupé des nouvelles propositions envoyées par son roi à Pétersbourg. Fixer une date pour l’évacuation des principautés ; sortie simultanée des flottes ; congrès, suspension des hostilités en attendant. D’abord mon Empereur acceptera- t-il ? Et puis l'Angleterre voudra-t-elle ? On dit que dans ce moment elle ne veut entendre parler de rien que de coups de Canons. Il n'y a donc aucune vraisemblance. à ce que ceci aboutisse. C’est tout à fait l'avis ici. On ne croit à rien de possible. à présent.
Pardon de la demie feuille. Vous dînez chez Duchatel aujourd’hui. Je voudrais y être. J’aurais accepté s'il m’avait priée. Je me sens capable de tout si j’étais à Paris. Incapable de rien. Un découragement, une tristesse ! Ah mon Dieu ! Vous ne m'avez pas vu dans mon état naturel à Bruxelles. J’étais si heureuse pendant ces cinq jours ! Mais à présent, mais pour longtemps, sans savoir fixer une date ! C'est là ce qu'il y a d’affreux. Voilà l’Autriche bien affichée par la présence du duc de Cambridge à Vienne. Il y a un an Lord Westmorland n'osait pas se montrer dans les rues. Haynau oublié. Que de changements, partout, en tout. Hier Rotensky, Van Straten, et Van Praet le soir. Pas autre chose. Hélène attend avec anxiété la réponse d'Andral, et moi donc ! Il ne manquerait plus que cela. L’isolement à Ems. Mais je crois que ma veine de malheurs n'est pas épuisée. Adieu. Adieu.
Vos lettres font ma seule joie.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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34 Bruxelles le 19 avril 1854

Vous vous trompez de N° ou bien j’aurai encore une lettre. Vous mettez 41. Lundi 17 et 43. Mardi 18. puis je n’ai absolument rien à vous dire. Vous savez sans doute que Richer a été appelé subitement à Vienne. Je ne sais s'il passe ou a passé par Bruxelles ou Strasbourg. Le beau temps s’obstine, et il fait si chaud dans mon salon que je serai obligée de décamper. J’espère trouver un coin au nord à Bellevue mais moins élégant que ceci qui ne l’est guère. C'est bien de l'ennui, petit ennui à côté du gros chagrin. Je ne sais ce qui fait dire de tous côtés que toute cette aventure sera courte. Ah si c'était possible.
Je suis très bien avec Brunnow. Je n’ai plus revu Kisseleff depuis les deux jours de suite qui étaient une commission dont on l’avait chargé. Je suis convaincue que je ne le reverrai plus du tout. Vous savez que le duc de Cambridge est parti hier pour Vienne, sans doute pour assister au mariage, politesse que mon Empereur aurait peut-être faite en personne. Si, j’ignore si la France y envoie quelqu’un de Berlin. Ce sera le Prince de Prusse. Je n’ai plus rien à vous dire. Tous les soirs Van Praet & Brockhausen, quelques fois Lebeau, souvent les autres diplomates qui ne sont pas très amusants. Tous les jours le bois de la Cambre. Ah que j’y pense à vous. Quand est-ce que je n'y pense pas ! Je sais bien que vous me plaignez. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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32 Bruxelles lundi le 17 avril 1854

Merci des efforts infructueux au près de Marion. Certes il n’y aura pas ici de votre faute. Cette manière de voir est bien étroite, je dirai bien bourgeoise. J'espère que vous réussirez auprès d'Andral, car je me figure que le changement est une fantaisie des médecins d'ici.
Brunnow a rencontré hier Lord Howard chez moi. Celui-ci a dit entre autres choses qu'il ne à aucune impression. se fierait jamais ou opinion de Seymour. Voilà qui est Drôle. La conversation avait commencé très banale & froide. J'ai chauffé cela et c’est demain piquant & bon du côté anglais. Seymour va venir passer quelque jours ici. le soir Van Praet & Lebeau. [Brackhausen] cela va sans dire. Pas l'ombre d'une nouvelle aujourd’hui. On dit ici que l'accueil du public pour le duc de Cambridge a été froid, et que les Anglais se plaignent des lenteurs des Français. Ah si tout cela pouvait n'être pas nécessaire. Adieu. Adieu.
Mes yeux ont la fièvre intermittente, aujourd’hui le mauvais jour. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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27 Bruxelles le 11 avril 1854

Oui, tout est bien triste, ce que vous me dites de la lettre de l'[Empereur] d’Autriche c’est le protocole. Approbation de la guerre. Entente pour la paix, si elle est possible. Aucun engagement actuel de la part des Allemands. Ce qui est sûr c’est qu'ils se mettront du côté du plus fort si on les force à se prononcer. On dit couramment que la Prusse nous a déserté. On travaille la Suède maintenant. Il sera facile de l'entraîner, elle aura cédé à la force, cela ne gâtera pas son avenir. Et voilà comment nous aurons tout le monde sur les bras.
Marcellus aspire à l’Académie et m'écrit une lettre fort bien tournée pour obtenir vos bonnes grâces. Pourquoi pas lui, si l'Evêque d’Orléans n'en veut pas ? Que dois-je lui répondre ? Hier M. Barrot, Labensky, Mad. Pourtalis revenant de Paris, qui m’a conté toute la partie frivole. Mad. Chreptovitch a fait avec moi le bois de la Cambre. Le soir le beau (on dit que je lui plais beaucoup. Je m'étonne, il m’endort.) Van Praet et voilà tout. Vous allez être bien content au jourd'hui du retour de votre fille et de vos petits-enfants. Vous êtes bien heureux. Si j’avais cela et la campagne comme vous ! Mais je n'ai rien. Brunnow vient aussi se loger à Bellevue. Adieu, le beau temps continue pour narguer ma tristesse. Adieu. Adieu.
Barrot m’a dit sur vous d’excellentes paroles, & cité de très bonnes choses que vous lui avez dites, et à d’autres aussi. Le [gouvernement] français aurait à se féliciter de vos bons propos.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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26 Bruxelles le 10 mars 1854

Bual en apprenant nos propositions a dit, il est trop tard. L’Autriche ne se prononce pas encore hostilement mais elle aime à nous laisser dans l’inquiétude. Meyendorff est dans son lit de colère et de vexation. Brouillé tout-à-fait avec son beau frère. Tout a très mauvaise apparence. Ce que vous me dites de votre anglais ne présente pas une perspective passable prochaine. Ah mon Dieu que notre joie aura été courte ! A point seulement pour m'empêcher de pleurer quand je me suis séparée de vous. Mais que de soupires je pousse depuis.
Hier un arrivant russe de Vienne. Mad. Barrot, [Chrepto vitch] [Brockhausen] Van Stratten, je n’ai pas vu autre chose. J'oublie Kisseleff cinq minutes pour une commission indirecte. Même froideur de mon côté. Brunnow m’a parlé de lui, du repentir. Et bien qu'il le montre. La commission c’était Mercier lui écrivant de Dresde à propos d'une dame de compagnie, un écho de Mad. Bilinska. Grand commérage déjà. Seebach passera par ici demain se rendant à Dresde. Ah mon Dieu que les jours sont longs.
Vous ne me dites pas si vous avez reçu tous mes N° avez-vous eu le 23 ? Sans importance mais for regularity's sake.
Le Maréchal Paskevitch a des pleins pouvoirs prodigieux militaires et diplomatiques. Il commande tout depuis la Crimée jusqu’à la Baltique et prendra une résidence centrale d'où il dirigera tous les mouvements. Pétersbourg est trop loin. Nous nous replions sur nous-même abandonnant tous les postes exposés. Je crois vous avoir déjà dit cela. Je me souviens d'avoir l'année 34 proposé à l’Empereur de faire cadeau à quelqu’un des îles d'Ossil et Dago. Habitées par des sauvages, car j'en avais vu à bord du bâtiment où j’étais sur la Baltique. Nous avions pensé échoué là sur des rochers, et ces animaux étaient venus nous porter secours. Une honte d’avoir de pareils sujets si près de la capitale. Adieu. Adieu.
Que deviendrai- je sans vos lettres ! Pas un moment de soulagement pour mon esprit dans toute une longue journée. Et Paris, si beau si charmant, si vert, si animé, l'air si doux, et la causerie ! et vous deux fois le jour, quel paradis. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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25. Bruxelles dimanche le 9 mars 1854

Le protocole signé à quatre a une grande valeur en ceci, qu'il témoigne l’accord avec les Allemands après là déclaration de guerre. Voilà l'importance de cet acte, car du reste je crois qu'il ne fait que confirmer les précédentes. Nous avons en effet proposé tout ce que vous savez et que disaient les journaux. " Si l'émancipation des Chrétiens est garantie par traité " & & Mais cela ne peut être qu’un acte de Sultan, ainsi pas de traité. Les affaires intérieures ne peuvent pas être réglées par des étrangers, il y aura des firmans, pas de traité. De cette façon notre proposition n’est pas acceptée. Repoussée à Londres, elle le sera à Paris. Reste l’idée d’un congrès tenu à Berlin. On en prend acte pour l’avenir, & c'est un progrès, car nous n’avions jamais voulu entendre parler de cela. Ce serait pour la question religieuse seulement. Voilà où en sont mes nouvelles.
Brunnow, Labensby, Kisseleff le matin. Celui-ci exactement embarrassé, et moi très froide, il n’est pas resté longtemps. Brunnow m’a vu dîner. Le soir Van [Praet], & [Brockhausen] ma promenade au bois, et toujours le beau temps. Il commence ainsi à m'ennuyer. Adieu. Adieu. Avez-vous entendu parler du Pce de Ligne. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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24 Bruxelles le 8 avril 1854

[Brockausen] n’a pas reçu son courrier encore. Cela prouve qu'on veut lui envoyer les choses faites. Ces choses sont un nouveau protocole à 4 plus obligatoire pour les Allemands que les précédents, mais sans aller encore jusqu'à l’action. On commence à douter tout-à-fait des propositions pacifique de mon Empereur. Hélas, que nous avons été enfants de nous réjouir !
Voici votre lettre, bonne longue, intéressante. Constantin m'écrit. Pas un mot des nouvelles propositions. Nous irons jusqu'au rempart de Trajan, pas au-delà. Nous démantelons ou détruisons toutes les places que nous ne pouvons défendre. Nous avons fait cela en Circassie. Nous le faisons dans la Baltique. Alaud ne sera pas défendu, les ouvrages ont été détruits. Que de sacrifices déjà !
Hier le bois de la Cambre. Le soir Brokham, [Chreptovitch], le fidèle Van [Praet], Dalabier. Une journée comme toutes les journées, pesant bien lourdement sur le coeur et sur l'esprit. Ce beau temps m'agace. Paris doit être si beau ! Je voudrais me figurer qu'il y pleut. Mettez donc comme je fais un petit morceau de papier dans l'enveloppe, entre le cachet & la lettre. La vôtre est toujours collée au cachet. Voilà une des choses intéressantes que j’ai oubliée de vous dire ici. Il y en a d’autres meilleures. Si l'on vous parle de Kisseleff et de moi, je vous prie de ne pas vous gêner et de dire la vérité. J’espère bien que vous n'avez pas parlé de ce qui m’a tant occupé les derniers jours. Tout devient clabaudage aujourd’hui. J’aime bien votre forme de gouvernement, le silence. Croyez-vous franchement qu’un français puisse s'empêcher d’être indiscret. Je n’ai presque pas vu mon fils depuis votre départ. Je ne sais ce qu’il devient. Constantin croit à la neutralité arrivée de toute l’Allemagne mais rien n'était signé encore. Adieu. Adieu. Et Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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22 Bruxelles jeudi le 6 avril 1854

J'ai eu du courage tout le jour. La nuit, non, mon chagrin est aussi grand que ma joie avait été grande. Je me retrouve plus seule que jamais, et triste, triste. J’ai vu Brunnow longtemps. Il doute de la nouvelle. On a dit me dit que Kisseleff : " Qu’est-ce que nous font les Chrétiens." C'est à Van Praet qu'il a dit cela. C’est un sot. Brunnow convient que si elle est vraie elle peut & doit mener à tout. Le public de ce pays-ci était hier en extase. Le soir Van Praet & Lebeau, un doctrinaire. Certainement de l'esprit et hier en grande coquetterie. Ils sont drôles ici, ils me prennent pour un bel esprit.
Dites-moi je vous prie vos idées sur la nouvelle de Berlin. Brockhausen m'envoie le journal semi officiel qui la contient. Cela a l’air bien vrai, il me semble impossible que cette avance ne soit pas accueillie avec joie mais que de chemin à faire encore avant que cela aboutisse. J’ai écrit à Ellice ; ignorant. qu’il vienne à Paris, je dis quelques paroles qui pourraient toucher Marion. J’attends quelque chose de votre entrevue avec elle. Au fait vous pourriez bien lui rappeler qu’elle a lutté avec ses parents quand il s’est agi de venir chez moi, pour leur plaisir à elles, qu’elle pourrait bien lutter aussi quand cela devient une charité pour moi, et que je ne mérite pas cet abandon. Enfin, je suis sûre que vous direz ce qu'il faudra. Me voilà à cette même. table où nous étions il y a 24 heures. Mais votre place est vide. Cela me serre le cœur, et je suis prête à pleurer. Ah que votre visite m’a fait de joie et laissé de peine. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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20. Bruxelles Mardi le 28 Mars 1854

Voilà donc la guerre déclarée ; et bien qu'on se batte, mais qu’on fasse vite, et que cela finisse. Hélas c’est cela qui sera difficile. L’Empereur retire toutes les promesses d’Olmentz, il ne se gouvernera plus que selon les circonstances. Nous sommes intoxicated. J'ai eu 4 heures de tête-à-tête avec Brunnow. Il a beaucoup d’esprit. Et il est fort triste. Kisseleff rit tout le jour avec tout le monde excepté moi avec qui il ne rit ni ne pense car je ne le vois jamais. Tous les autres Russes sont très soigneux de moi. L’Autriche ne se déclarera que si nous passons le Danube. Je crois que nous ne le passerons pas.
Je suis charmée que vous preniez le convoi de 7 heures du matin. Mais envoyez encore à Paris prendre des informations précises. Je pense avec tant de joie aux bonnes causeries que nous allons avoir ! Je vous écrirai encore un mot demain. Adieu. Adieu. 

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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27 Paris, lundi 27 mars 1854

Il y avait du monde hier soir chez Mad. de Boigne, le nonce, Viel Castel, Flavigny, Mérode, Henri de Mortemart, Lebrun, M. d'Osmond, les duchesses de Maillé, Mesdames de Chastenay, de Flavigny, Mortier, de Fizensac, & C'était plein.
On y était fort occupé de l'affaire et Montalembert. Tout le monde me paraît avoir envie qu’elle s’arrange ; quelque chose qui soit une réparation pour l'Empereur sans être une faiblesse pour Montalembert. Quand on a vraiment envie de s’arranger, il faut être bien maladroit pour n'y pas réussir. Il est vrai qu’il y a de grands exemples, car je persiste à croire que votre Empereur a toujours eu envie de s’arranger. Le nonce est en blâme ouvert de l’Autriche ; elle aurait dû prendre son parti et se mettre en parfaite sûreté en Italie en s'alliant avec l'occident. Il est évidemment très inquiet pour son propre pays.
De chez Mad. de Boigne chez le Duc de Broglie. Rien que le petit cercle intime, et plus occupé de Cromwell que de Montalembert. George d'Harcourt arrive de Londres, très frappé de l'animation de tout le pays. Les dernières publications ont fait un très grand effet. On approuve pleinement Lord John. On trouve que Clarendon sous sa dépêche du 23 mars 1853 vous a fait trop de concessions en acceptant, toutes vos idées négatives sur l'avenir de Constantinople. Certainement votre Empereur a fait là, une provocation qui lui a mal tourné. Que dira-t-il de l'article du Moniteur, et du commentaire du Times sur les ouvertures de Kisseleff aux Tuileries ? Il est vrai que des conversations laissent moins de traces que les dépêches.

2 heures
Adieu, adieu. J’ai eu du monde toute la matinée. Merci des sécurités que vous me donnez. Je m’arrangerai pour n'avoir pas froid, et je prendrai très probablement le convoi de 7 h. du matin. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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26 Paris, Dimanche 26 mars 1854

Hier soir, Mad. Mollien et Mad. Lenormant. Assez de monde dans l’une et l'autre maison. La tribu des Ste Aulaire, Mad. de Montesquiou, le duc de Noailles, M. Villemain, M. Mérimé &
La guerre et Montalembert se partagent les coeurs. Personne ne croit à la nouvelle d’une rencontre dans la Mer Noire. Personne n'en a entendu parler ici. Il est à peu près impossible qu’il ne nous en fût rien revenu par Marseille et par Vienne. On présume que c’est un bruit répandu à Pétersbourg pour exciter vos marins de la Baltique.
L'effet des papiers publics, à Londres, est bien mauvais pour vous. Et d’une façon très générale. On ne comprend pas que votre Empereur ait ainsi provoqué sans prévoir. Les puristes en diplomatie trouvent que le gouvernement anglais n'aurait dû publier que les deux Memorandum de M. de Nesselrode, avec les dépêches de Lord John et de Lord Clarendon, mais non par les lettres confidentielles de Seymour rendant compte de ses entretiens avec l'Empereur. Mais quand on leur répond que le Journal de St Pétersbourg a lui-même parlé de ces entretiens, et que les Memorandum de Nesselrode, et les dépêches de Lord John et de Clarendon s'y réfèrent à chaque mot, ils ne savent plus que dire.
La commission Montalembert l'a appelé et entendu hier. Il a répondu brièvement et simplement ne connaissant la lettre, mais disant qu’il n'en avait, ni fait, ni autorisé la publication. La commission nommera son rapporteur demain lundi ; il lira son rapport mercredi à la commission, et Jeudi au corps législatif qui prononcera vendredi au samedi. On croit que les poursuites seront autorisées avec une minorité de 50 ou 60 voix. Voilà ce qu’on dit.
La Reine Marie-Amélie quitte décidément Séville après Pâques, et retourne directement en Angleterre, par l'Océan. Séville lui a pleinement rendu la santé. La Reine d’Espagne, a mis à sa disposition un beau bateau à vapeur.
L'emprunt est comblé par les souscription et au delà. Adieu, Adieu.
J’irai ce soir chez Mad. de Boigne et chez Broglie. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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19 Bruxelles le 26 mars 1854

Evidemment la nouvelle donnée à Hélène est fausse mais c’est étrange. Brunnow est venu chez moi à son débotté avant d’avoir vu aucun de ses collègues. Il se disait ignorant de l'objet de sa venue. Chreptovitch qui était à la chasse tenait les dépêches enfermées chez lui. Il sera plus édifié aujourd’hui. Le ministre d'Angleterre n’est pas inquiet. Il ne peut voir dans tout cela qu'une pensée de paix. Mais comment la concevoir aujourd’hui ? Lord Howard. a rencontré chez moi Brunnow, très bien ensemble. L'Anglais est très aimable pour moi. Je suis le dernier fil, car on ne va plus les uns chez les autres.
Vous trouverez votre chambre à Bellevue. C’est rempli mais je me suis assuré de ce qu’il vous faut. Que je serai aise de causer, d'entendre. du bon français d’abord ! N’allez pas vous ennuyer ici, cela n’est pas bouffon. Tout ce que vous me dites sur nos affaires & notre conduite. est admirable de vérité. Je vois bien que même les Russes. pensent comme vous là dessus, mais il n'osent pas se le dire. En attendant l'exaltation est énorme en Russie. L’Empereur en visitant Cronstadt a fait faire en sa présence l’essai d'un nouvelle invention épouvantable comme destruc tion. Cela a parfaitement réussi. Il a ôté son casque ici en disant : " Venez messieurs les Anglais, nous sommes prêts. " Voyez-vous tout cela je le trouve abominable. Décidément je ne suis plus bonne qu'au peace society.
Le temps est fort laid, froid ; mettez-vous chaudement. Au reste les voitures sont chauffées sur le chemin de fer. Vous me direz par quel convoi vous comptez partir. 7 du matin vous amène ici à 2. C’est le plus accéléré. Celui de 11 1/2 n’arrive qu'à 10 1/2. Ne prenez pas celui du soir vous seriez trop fatigué le lendemain. Vous l’étiez tant en venant du Val Richer. Adieu, quel plaisir de m’occuper du bout de la semaine.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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18 Bruxelles le 24 mars 1854

Hélène Kotchoubey reçoit aujourd’hui de Pétersbourg la nouvelle qu'il y a eu une rencontre entre nos vaisseaux & les Turcs & Anglais sur la côte d’Asie, 3 frégates turques, 4 vapeurs anglais qui nous ont enjoint de nous retirer nous avons attaqué, & coulé bas les 3 frégates & 2 vapeurs anglais. Les 2 autres sont allés en porter la nouvelle à Constantinople notre amiral a été tué & 8 officiers. Voilà tout ce qu’on dit. Le courrier porteur des rapports officiels n’a fait que traverser Pétersbourg pour aller rejoindre l'Empereur en Finlande. Tout ceci est verbal, sans désignation de lieu ni de date, mais nous allons savoir tout cela officiellement. Voilà donc la guerre commencée ! Les publications anglaises sont inconcevables, et déplorables. Nous ne savions pas ce que nous allions chercher qu’allez-vous me dire de tout cela ? Je grille de ne pouvoir dire à personne tout ce que j'en pense. Je n’ai pas eu un mot de vous du Val Richer.
Vous me direz j’espère si tous mes N° sont en règle, et puis j’attends une réponse. Il n’est peut-être pas trop tard. Je ne vois pas que la nouvelle de Constantinople soit confir mée. Vraiment si les Turcs accordent tout ce qu'on leur demande ils sont bien plus annulés qu'ils ne l'eussent été en cédant à nos demandes. De toute façon je crois que c'est un pays perdu. Je reviens aux publications. Ne vous figurez-vous pas en les lisant que vous êtes la postérité. Dans 60 ans à la bonne heure, mais aujourd’hui. Rien de secret, rien de sacré. Enfin c’est incroyable, je ne sais pas encore l'effet que cela produit. à Paris. Dites le moi je vous en prie. Ici l’effet ne nous est pas favorable. Adieu. Adieu. Le temps est mauvais et mes yeux. vont mal. Dites moi un mot pour Barrot. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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17 Bruxelles le 22 mars 1854

Quel ennui que ce N°15 égaré ou retardé ! Je crois que j’y répondais à votre charmant projet de me me voir. J’accepte la date avec bonheur. Dites-moi quand vous aurez reçu cette lettre chanceuse. On est très vif ici à propos de la nouvelle de Constantinople. Certainement l'envoi des troupes dépendait des consentements de la porte à la demande d'émancipation des Chrétiens. Si cette émancipation est vraiment obtenue et on y croit, et si mon empereur à la bonne foi & le bon esprit de s'en tenir pour satisfait voilà la guerre évitée, mais c’est trop beau pour croire à ce facile dévouement.
Lord Holland & M. Barrot se sont rencontrés chez moi hier, bien contents & tous deux bien pacifiques. J’ai été très contente du langage de l'Anglais, un grand changement depuis huit jours. Le français avait toujours été convenable et bien. On annonce Brunnow pour aujourd’hui. Quelle curieuse correspondance que celle qu’on vient de produire au parlement. Pauvre dépêche que celle de lord John, mais quel entrain de mon empereur. Dites-moi je vous prie votre avis de tout cela. La publi cation ne me paraît pas une chose bien inventée, pourquoi avons-nous provoqué cela ? à tout instant je me sens le besoin de vous interroger, de vous entendre. Je n’ai pas encore lu cette correspondance jusqu'au bout. Mes yeux sont très capricieux. Je les croyais mieux, ils sont repris. Le temps est froid. Je serai charmée de vous savoir revenu à Paris.
Adieu. Adieu, je suis restée deux jours sans vous écrire à cause de votre absence. J'ai eu peut être tort, mais je croyais que mes lettres reposeraient à Paris. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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16. Bruxelles le 19 mars. 1854

Je pense que ma lettre vous trouvera encore avant votre départ. Cela m'ennuie que vous soyez plus loin de moi pendant 4 jours. Ah que les jours sont longs pour moi. Quel supplice que cet exil, et quand finira- t-il. Nesselrode écrit : " la lutte sera longue. Les préparatifs chez nous sont énormes, il n’y aura pas moyen de nous entamer." Qui se lassera le premier ? Je doute que ce soit nous. Entêtés, éloignés et barbares. Il ne me paraît plus qu'il puisse être question d’arrangement. L'Angleterre veut l'annulation des anciens traités. Jamais nous n'accorderons cela à moins que le nouveau nous vaille mieux et cela n’est pas possible. J'ai beaucoup de doutes sur les Allemands. La Prusse nous donne des bonnes paroles qui déplaisent beaucoup à Londres & à Paris. Elle ameute les états secondaires, la Saxe, la Bavière, le Wurtemberg, et voudrait qu'avec l’Autriche, l’Allemagne fédérale déclarât sa neutralité ; c’est bel et bon, mais si l'[Angleterre] va ravager les côtes de la Prusse, & la France fait avancer ses bataillons, je doute qu’on reste neutre. Tout cela est une énorme affaire, et qui se présente vraiment comme la fin du monde. Je suis bien triste.
Le soir j’ai toujours Van Praet, et quelques diplomates, le mien qui n’est pas brillant. Je suis très au courant de tout ce qu'on sait ici. Et mon rôle est comme à Paris la confidente de tout le monde. Mais la causerie où est elle ? Adieu. Adieu.
Je coupe Cromwell c’est encore tout ce que je puis faire, mais je tombe sur des sublimités toujours.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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15 Bruxelles le 18 mars 1854

Je vous ai écrit hier par une occasion. Au fond les occasions sont des bêtises c’est toujours plus incertain et plus lent que la poste, et comme je ne me compromets pas en disant ce que je pense, parce que je pense très bien, on me dit quelquefois trop bien, j'en resterai à l’ordinaire. Rien de nouveau. Mon neveu a reçu l’ordre de rester à Berlin, cela me fait plaisir. Il est évident que le rappel était de la bouderie pour la cour de Prusse, & que l’ordre contraire prouve que nous sommes content d’elle. L’Empereur est allé à Sveaborg. Je crois vous avoir dit cela. Une énorme activité dans nos préparatifs maritimes. Je crois qu'on se fait des illusions à l’Occident. Nous sommes & nous serons très forts et très persistants, et toujours plus forts à la longue. Ah mon Dieu qu’on fasse donc que cela soit court.
Pas de Brunnow encore ce qui est drôle. Votre empereur me disait " quelques coups de canons & tout sera fini." Que je voudrais qu’il eût dit vrai ! Van Praet tous les jours. Brouckère souvent. Tous les diplomates presque quotidiens, voilà mon régime. Pas de conversation comme était mon habitude, ah que je ferais des coquetteries à la moitié des derniers de ceux que je voyais tous les jours ! Je pense même à Chasseloup Laubat. Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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14 Paris, samedi 11 mars 1854

Je vais ce matin de bonne heure à l'Académie, et j’ai encore à corriger les dernières épreuves de mon Cromwell, qui paraît mercredi. De là le petit papier.
Je voudrais bien croire aux moindres chances de paix ; mais au point où l’on en est venu, cela me paraît impossible. Pour les uns ou pour les autres, ce serait trop ridicule. Et une trop grande reculade. Pourtant Kisseleff et Brunow en permanence à Bruxelles, cela signifie quelque chose. Je souhaite au Roi Léopold tout le succès possible, car je ne doute pas de son bon travail.
L’article du Journal de St Pétersbourg (2 mars) est curieux et bien rédigé. Mais pourquoi se plaindre “ qu’on cède, à l'opinion presque traditionnelle qu’on s'est faite de la politique russe en Orient ? " Pourquoi avoir l’air de nier la politique traditionnelle, de la Russie en Orient au lieu de la justifier en l'expliquant, et en la limitant ? On obtiendrait, par ce second procédé, beaucoup plus de créance que par le premier.
Voilà décidément le Maréchal St Arnaud général en chef. On dit qu’il part la semaine prochaine.
Hier soir chez Mad. de Staël, les Broglie, Rumpff Viel-Castel. On parlait surtout de l'emprunt. Le voilà, ce matin au Moniteur. Il sera promptement couvert. Le mode de souscription nationale est le seul qu’on ait pu trouver pour avoir à la fois le concours de Rothschild et du crédit mobilier, c’est à-dire Fould et Pereyre. Ils souscriront chacun de son côté, sans rien faire en commun. Les receveurs généraux et le public prendront leurs restes. Adieu, adieu.
Je vais déjeuner et je pars aussitôt après. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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13 Paris, Jeudi 9 Mars 1854

Hier soir Mad. de Boigne et Mad. de Ste Aulaire. Chez Mad. de Boigne le service ordinaire ; la petite Duchesse de Maillé y est presque tous les soirs depuis la mort de sa mère ; une jolie souris intelligente et raisonnable. Le Chancelier va toujours. M. Mérimée silencieux, excepté quand on a apporté un grand coffre sculpté en ivoire que Mad. de Menou a légué à M. de Boigne. Est-ce en ivoire ou en os du 15e ou du 13e siècle de Constantinople ou d’Italie ? La conversation s’est animée. Je n'ai point d'opinion ; mais le coffre est joli. Le général d’Arbouville, qui erre de salon en salon comme un soldat en peine, ennuyé et embarrassé de son oisiveté.
Chez Mad. de Ste Aulaire, la famille, qui suffit presque à remplir le salon ; Mad. de Gouchy, la petite Mad. de Barante. Son beau père arrive mercredi, pour deux mois. Il sera aussi de ceux à qui vous manquez.
On disait hier soir que le Maréchal St Arnauld avait définitivement renoncé à commander l’armée. Ce qui l’indique, c’est que ses officiers d’ordonnance qui avaient annoncé et fixé le jour de leur départ, l’ont ajourné. Je trouve la mesure financière propre par Gladstone, très sensée et son discours très honnête. C'est de la bonne administration politique.
M. de Castelbajac est très réservé. Son beau frère, que j'ai vu hier, dit qu’il ne dit rien, sinon que les préparatifs, et l’ardeur sont grands chez vous. Je ne sais rien d'ailleurs. Je ne fermerai ma lettre qu’en sortant pour aller à l'Académie. Je verrai probablement quelques personnes d’ici là ; mais elles ne sauront rien, non plus. Tout le monde devient réservé.

2 heures
Je pourrais dire comme M. de Givré : Rien. rien, rien. Il ne me paraît pas qu’on ait fini avec l’Autriche. Quel article contre vous que celui du Times répété par le Galignani d'hier soir. On vous promet une guerre à mort. Adieu. Adieu.
Quand vous êtes bien, j’attends impatiemment vos lettres pour mon plaisir ; quand vous n'êtes pas bien, presque plus impatiemment. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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10 Paris, Lundi 6 mars 1854

Ste Aulaire vient de me prendre deux heures. Il m’avait donné à lire toute l'affaire d'Orient de 1840 dans son ambassade de Vienne. Lecture parfaitement amusante aujourd’hui. On voit naître 1854. J’avais quelques observations à lui faire quelques additions à lui indiquer. Longue conversation. Il m’a beaucoup remercié, et moi lui. Cela vous amuserait beaucoup. Comme vous étiez au bout de tout, vous me manquez partout.
On trouve en général la lettre de votre Empereur plus habile que fière à la fois pacifique et entêtée ; des désirs pacifiques avec des résolutions. qui rendent la guerre inévitable.
Je ne sais rien quoique j'ai vu hier assez de monde, Dumon, Molé Duchâtel, Vitet, Noailles, Broglie. L’Assemblée nationale, était pour beaucoup dans la conversation ; elle reparaîtra le 6 Mai, après ses deux mois de pénitence.
Je remarque ce matin que, de tous les journaux, le plus impérialiste, l'Univers, est le seul qui, en publiant l’arrêté de sus pension de l'Assemblée nationale, publie aussi l’apologie qu’elle y a jointe hier, en paraissant pour la dernière fois.
On disait beaucoup hier que deux régimes anglais traverseraient, la France ; on affirmait même que le chemin de fer du Nord avait reçu ordre de se mettre en mesure pour les transporter. Je n'y crois pas. Ici aussi, il fait froid, mais avec un soleil superbe. J’espère que vos yeux vont mieux. Adieu, Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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8 Paris, Samedi 4 mars 1854

Je n’ai encore rien de vous ce matin. Je ne m'en étonne pas ; vos lettres m’arrivent presque toujours fort tard ; mais j'en suis bien impatient. Si vous étiez trop souffrante, ou vos yeux trop malades, j'espère que la Princesse Kotchoubey aurait la bonté de me donner, en quatre lignes, de vos nouvelles. C'est elle qui fait, en ceci, ma sécurité, si sécurité, il y a.
Je vous ai dit sincèrement mon impression sur l’idée de votre retour immédiat. Je vous la devais, quelque amère qu'elle ne fût. Plus j’y pense, plus elle se confirme. Je ne regarde pas comme impossible qu’il se présente quelque expédient imprévu pour mettre fin tout à coup à cette déplorable guerre. Mais quant à présent, même en France, où elle déplait, elle est de plus en plus prise au sérieux, et la passion pourrait bien ne pas tarder à s'y mettre.
M. de Flavigny me disait hier qu'à la séance Impériale, en entendant le discours, le sénat et la magistrature avaient été froids, mais le corps législatif, les gens des provinces, approbateurs et assez animés. Ils ont pris leur parti de la guerre. Ils prennent au pied de la lettre les paroles de paix prochaine et point de conquêtes qui contient le discours. Ils soutiendront sans rien objecter.
Je reçois ce matin une lettre de Piscatory, qui m'écrit : " C'est maintenant le succès qu’il faut souhaiter, et en toute sincérité, je le souhaite ardemment ; le drapeau est engagé ; et puis honneur et intérêt du pays à part, la défaite n'est jamais bonne à rien, ni à personne. Avec de bonnes dispositions, et dans le monde du gouvernement et dans celui de l'opposition la Russie n'est pas populaire.
Je ne me représente pas agréablement vous au milieu de cette atmosphère là ; votre repos et votre dignité en souffriraient également. Restent les maisons de santé, les raisons impérieuses. Celles-là l'emportent surtout.

3 heures
Je rentre et je trouve votre lettre qui me fait grand plaisir parce qu'elle est bien moins abattue. Dieu veuille que vos yeux aillent mieux. Dans le public indifférent, le discours impérial a assez peu de succès. Je ferme ma lettre. J’ai là du monde. Adieu, Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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7. Paris, Vendredi 3 Mars 1854

Vos lettres m’arrivent, en général fort tard. Celle d’hier (N°4) m'est arrivée si tard qu’il n’y avait pas moyen de rien ajouter à ce que je vous avais écrit le matin (N°6).
Vos yeux me désolent. Je ne puis croire que ce soit une épidémie ophtalmique spéciale à Bruxelles. Je n’ai jamais entendu parler de rien de semblable dans le climat. Mais tout est possible. Je crois plutôt à l'effet du chagrin, de l’agitation et de la fatigue sur un organe délicat. Vous me mettez à une épreuve intolérable en me parlant, comme d’une chance possible de votre retour immédiat à Paris. Je n'ai rien à dire de l'effet à Pétersbourg, vous seule en êtes juge. Les mots : " êtes-vous encore à Paris ? " m'ont malheureusement trop démontré qu’on ne voulait pas que vous y fussiez ici. On serait certainement étonné, et comme on ne comprendrait pas, on chercherait, à ce retour, d’autres motifs que le véritable ; on ne croit guère en général aux motifs de santé, quoique ce soient les meilleurs. Trop de gens s'en servent pour me nier.
Quoiqu’on ne soit pas ici, plus en goût de la guerre qu’il y a deux mois, on y croit, et on en prend son parti, et on s'y prépare, et tout le monde règle, sur le fait, ses relations et ses plans. Je vous dis, malgré moi et tristement, mes premières idées ; je n'ai encore causé avec personne ; mais je doute que, parmi vos amis sensés et sincères, il y ait une autre impression que la mienne. Vient toujours, en première ligne votre santé, et dans ce fait là, j’ai tant de peine à voir clair, quand vous êtes ici, qu’il m’est impossible de l’apprécier de loin. Que tout cela est triste !
Demain, plus encore que tout autre jour, je voudrais être avec vous, et vous donner quelques douces distractions. Votre fidélité à de chers souvenirs m'a profondément touché dès le premier jour où je vous ai connue. C'est une vertu qui coûte cher, mais que j’aime et que j'honore infiniment. Les coeurs sont si légers, et tout passe si vite dans ces ombres chinoises de la vie !
Autre tristesse en pensant à vous. Vous avez de la religion, et elle ne vous sert pas à grand chose dans vos épreuves, vous n'y puissiez guère de consolation ni de force. En tout, le mal vous fait plus de mal que le bien ne vous fait du bien, et vous souffrez plus de vos défauts que vous ne profitez de vos qualités. Que de choses il aurait fallu pour mettre en vous l’équilibre et l'harmonie dont vous auriez besoin. Adieu, adieu.
Je ne vous dis rien du discours Impérial. Il ne faisait pas grand effet hier, ni le matin, ni le soir. Il aura le sort de presque tout ce que dit et fait son auteur ; il réussira plus dans les masses que dans les esprits difficiles. Si j'étais allemand, j'en serais mièvrement content. Adieu.
J’ai vu hier Montalembert qui m'a beaucoup parlé de vous, avec un intérêt dont je lui ai su gré.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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4 Paris. Lundi 27 Février 1854

On me remet votre N°2. J'accepte votre tristesse, mais non pas votre toux. Il fait doux et beau ici. Quand je sors, je m’applique à ne pas passer par votre bout de la rue de Rivoli. Cela m'est insup portable. Moi à part, vous manquez à tout le monde plus que vous ne croyez. Hier, Duchâtel et Noailles, ce matin Dumon m'ont fait des morceaux sur vous. Noailles restera un soir chez lui. Duchâtel aussi. Mais il n’y a plus même de monnaie de M. de Turenne. J’ai dîné hier chez Broglie avec mon fils. Fini la soirée chez ma fille. Ce soir, j’ai un comité Protestant, puis le chancelier et M. de Neuville.
Voilà le chaos Espagnol commencé. Rien absolument jusqu'ici contre la Reine Isabelle. Son gouvernement a battu l'insurrection. Il va dissoudre les Cortès et le Sénat, et convoquer des Cortès constituantes qui feront une constitution nouvelle, plus monarchique. A Saragosse, le colonel Horé, chefs des insurgés, a été tué à la tête de son régiment, le régiment de Cordoue. Le capitaine général, avec les Grenadiers de la Reine, l’a chassé de la ville. 150 hommes sont restés sur la place, parmi lesquels quelques bourgeois. A Madrid, beaucoup d'hommes considérables ont été arrêtés, Gonzales Bravo, le général Serrano &. On s'attend à une guerre civile où reparaîtront tous les partis, Carlistes, Espartéristes, Républicains & &. Une dépêche télégraphique courait hier soir disant que la République avait été proclamée à Madrid. On n'y croyait pas.
Le Prince Napoléon commandera un corps de réserve, à Constantinople. Duchâtel avait hier une lettre d’Ellice inquiet pour le cabinet anglais, à l'occasion du bill de réforme de Lord John. On croit qu’entre l'opposition, quelques radicaux mécontents et les députés des bourgs que son bill dépouille de leur privilège électoral, il pourrait bien se former une majorité qui lui infligeât un échec qu’il n'accepterait pas. L'échec serait au profit de Lord Palmerston. Je n'y crois pas. Le Parlement ne dérangera pas aujourd’hui le gouvernement. Lord John a du guignon. J’ai une lettre de Croker qui a fait réimprimer en une petite brochure, toute leur correspondance à propos de Moore avec des additions assez piquantes. Il me dit : All the world here of all parties, as Brougham writes to me, agree that I have had a complete victory.
Rothschild ne fait pas l'emprunt. On dit qu’on le mettra en adjudication quand le corps législatif sera réuni. Si vous ne savez pas bien ce que cela veut dire, demandez-le au premier venu qui vous l'expliquera. Le bœuf gras se promène très paisiblement. Il s’appelle M. d'Artagnan, et non plus le Prince Mentchikoff. Adieu, Adieu. G

La fin du discours de Clarendon est remarquable d’un ton plus élevé que de coutume et ouvrant, sur l'avenir, une longue perspective pleine de guerre et aussi de réserves. On prévoit beaucoup, et on ne veut. s’engager sur rien.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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3 Bruxelles lundi 27 février 1854

Vos lettres sont ma seule joie. Continuez-les je vous en prie. Je n’ai pas bougé depuis mon arrivée, ma toux est beaucoup augmentée, mes yeux aussi me font mal. J’ai beaucoup de courants d'air dans mon appartement. Je ne parviens pas à m'en garer. On vient assez me voir, beaucoup même mais cela ne me plait pas. Montalembert seul me plait & il part ce soir. Van Praet est toujours ma préférence et est vraiment très agréable.
Les nouvelles Allemandes nous sont très défavorable, nous aurons tout le monde contre nous. Je crains qu’au lieu d’intimider cela n’aggrave l’obstination. Clarendon a fait un remar quable discours.
Mardi 28 Le duc de Saxe Cobourg arrive aujourd’hui. Il se rend à Paris où sa visite annoncée fait plaisir. Khiva est décidément pris. Et mon Empereur décidement bien en colère contre les Allemands. Je vous remercie de me dire l'emploi de vos journées. Je veux pour vous de la distraction mais point d'habitude. Mes soirées éparpillées. Ah que je pense à tout cela ! & si on me regrette, jugez comme je regrette à mon tour ! Avant hier je me suis pris à pleurer. J'en ai encore mal aux yeux. aujourd’hui. Quelle chute !
Pourquoi le journal des Débats me fait-il faire des visites à Chreptovich & Kisseleff ? Imaginez, débarquant & courant tout de suite ? Le fait est que je n’ai pas encore bougé de ma chambre et quand je bougerai ce sera pour prendre l’air. S'il y en a jamais de prenable. à Bruxelles, mais certainement je ne ferai visite à personne. Il fait très froid et tout a l’air si triste ! Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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1. Paris, Vendredi 24 Février 1854

J'avais résolu de ne pas vous dire un mot de mon chagrin et de mon vide. Cela ne se peut pas. Il y aurait trop de mensonge dans le silence. Mais je ne vous en dirais pas plus long qu'hier matin, en vous quittant. Que Dieu vous garde et vous ramène. Je reste à Paris et vous êtes à Bruxelles. Sans vous, Paris, pour moi, c’est Bruxelles pour vous.
Hier matin, l’Académie. Tout le monde y était, sauf le Duc de Noailles. Dupin m'a demandé si vous étiez partie, avec des paroles de regret et s'excusant de n'être pas allé vous voir ces derniers jours. Je le soupçonne, un peu de n'avoir pas voulu être classé parmi les complices de la Russie. Peu de conversation politique. L’Académie commence à s'occuper du jugement des prix qu’elle a à donner cette année. C'est son coup de feu. Cela la distrait des autres.
Le soir quelques personnes chez moi, entre autres, le Duc de Broglie et son fils. Broglie était venu me voir la veille, et m’avait touché. Après m'avoir parlé de toutes choses, il m'avait dit, d’un bon d’amitié aussi vraie qu’embarrassée " Vous allez vous trouver bien seul ; venez nous voir plus souvent ; nous sommes chez nous tous les jours, les dimanche et lundi chez moi, les mardi, jeudi et samedi chez Mad. d'Haussonville la mère, les mercredi et vendredi chez ma fille et chez Mad. de Stael ; vous aurez toujours là de quoi causer avec des amis. Et puis, venez dîner toutes les fois que vous voudrez, avec Guillaume." Je lui ai serré la main de bon cœur.
On ne parlait que de deux choses l’entrée de l’Autriche dans l'alliance et le soulèvement des Chrétiens de Turquie. Deux grosses choses. On ne sait précisément et certainement ni l’une ni l’autre ; mais on les accueille l’une et l’autre avec faveur, comme des espérances ou des moyens de retour à la paix qui est toujours l'idée fixe de ce pays-ci. Je me trompe ; on parlait un peu d’une deux jours. Moins nombreuses qu’on ne l’avait dit ; mais on en annonçait d'autres. On dit, aussi que quelques personnes seront engagées à aller à la campagne. " à quelle compagne ? - Oh,à leur propre campagne, chez elles, hors de Paris seulement. "
Je ne suppose elle serait bien superflue ; je n'attends que le retour de ma fille Pauline pour m'en aller au Val Richer.
A onze heures, je suis allé signer le contrat de la petite La Redorte. Une cohue immense ; 1700 personnes invitées ; l’ennui de la queue m’a pris ; il faisait sec et pas froid ; j'ai laissé là ma voiture et j’ai été à pied. En arrivant, sur l'escalier, 2 ou 300 personnes montant, 2 ou 300 descendant ; tout le monde de connaissance, étrangers et Français ; quelques rares légitimistes. J’ai vu la Maréchale et La Redorte qui donnait le bras à sa fille ; très jolie. Il m’avait rencontré dans le premier salon ; il est revenu sur ses pas avec sa fille : " Ma fille veut vous bien voir et vous remercier d'être venu."
J’ai mis dix minutes à redescendre l'escalier. Au bas, j’ai rencontré Thiers qui attendait : " N'est-ce pas, lui ai-je dit, que la patience est la plus difficile des vertus ? - Oui ; pourtant, on l’apprend avec l’âge. - Comme on apprend ce qu’on subit." J'étais dans mon lit à minuit. J'espère que vous étiez depuis longtemps dans le vôtre. J’ai joui pour vous du beau temps de la journée. Adieu, adieu. Pour combien de temps ? Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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84 Paris le 4 Novembre 1853

Vous voyez que voilà la guerre. C’est fini des notes dont je vous parlais, on va changer autre chose. N’est-ce pas ridicule toute la conduite de cette affaire ? L’action d'Omer Pacha est réputée très téméraire qui sait. On a tant dit. Il ne peut pas passer. Le voilà passé. Il occupe une portion de la Valachie où nous ne sommes pas entrés. Mauvais pays, malsain mais il peut se renforcer & avancer, & nous battre peut-être. Cela serait une bien mauvaise chance, il n’y aurait plus de terme. J'ai été avant hier à St Cloud faire visite à la [Grande Duchesse] Stéphanie qui m’en avait prié. Je l’ai trouvé changée. Une heure de conversation. Elle est très sensée, & bonne personne. En énorme terreur de la guerre. Toute charmée de l’Impératrice.
Mad. Kalerdgi, part vous Pétersbourg, je la regrette pour mon salon, quand salon, il y aura, car je suis encore à un pauvre régime. Les Mahon sont ici pour quelques jours. La cour va à Fontainebleau le 12. Kisseleff & Hübner y seront priés. Quel beau temps encore ! Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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77 Paris le 21 octobre 1833

Il n'y a rien de nouveau décidément Charles 3 ne m'écrit plus. C’est bien dommage, et comme je ne vois pas Cowley, il est pour tout le temps à Compiègne, il en résulte que je ne sais pas un mot de Londres. C’est cependant le point intéressant puisqu'il mène Paris.
Persigny dit : " Nous ferons le coup d’Etat Européen aussi facilement que celui de Paris. " J’ai vu hier Ste Aulaire, Noailles & Montebello. Ils ne m'ont rien appris. Si non qu'on a fait une descente chez Mad. [Banchy] et qu’en saisissant ses papiers on lui a fait compliment sur sa belle écriture. On disait ici que la reine Amélie était hors d’affaire. Votre lettre contredit cela. Hélène Kotchoubey est partie ce matin pour Gand où l’attend la grande Duchesse. Je saurais des nouvelles à son retour Lundi. Adieu. Adieu car Je n’ai vraiment plus rien.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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74. Paris le 15 octobre 1853

Je n’ai vu hier que Molé, Dumon, Vitet, Montebello, tout cela veut apprendre & je n'ai rien à dire, car depuis deux jours on ne sait rien. Molé n'était en ville que pour une heure et pour ses yeux pas même pour Kalerdgi. Je crois qu’on essaie une nouvelle note, qui, quoi je ne sais pas. On voudrait je crois un congrès, mais nous n’en voudrons pas. C’est surtout à Londres et à Paris qu’on y pense.
Hélène Kotchoubey vous écrit. Si vous regardez mes lettres, vous n’y trouverez pas que je vous ai donné le conseil de lui écrire comme vous me le dites. Je ne vous aurais pas infligé cet ennui. En tous cas elle vous est bien reconnaissante de vous être occupé d'elle. Comment adresse-t-on à Broglie ? On dit ici depuis quelque jours que le comte de Chambord & le duc de Nemours se sont vus. Est-ce vrai ? Le temps est beau ici aussi. Je doute que cela dure. Adieu. Adieu.
Je ne sais pas un mot.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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66. Paris jeudi 29 septembre 1853

Marion est malade, & moi trop fatiguée pour copier Greville. Voici le résumé grande agitation, impuissance de découvrir un nouveau moyen de négociation. Nous avons tout gâté par notre seconde dépêche explicative qui veut dire que nous entendons la note de Vienne dans le sens de l’Ultimatum Menchikoff. Il ne fallait pas dire, il fallait ne rien dire. Mais enfin c’est fait & on ne sait plus à quel Saint se vouer. Il paraît donc qu'il ne reste que la guerre. cependant la saison fait obstacle aux coups. Mais encore une fois comment renouer ? Voulez-vous bien le dire. Vous vous ferez difficilement une idée de la consternation de Hubner, Hatzfeld & &. Ils nous envoient à tous les D. C’est naturel. Mais nous n'y allons pas. Constantin me mande du 24 que l’Empereur est de très bonne humeur. J’ai vu hier chez moi le soir Molé, Berryer, Brougham, & Fould. Celui-ci très gai. Je n’ai pas pu causer avec lui. Il a dit à Marion que cela s’arrangerait comment ?
L’Empereur revient aujourd’hui. Lansdowne qu'on avait convoqué pour un Cabinet conseil reste pour faire sa cour. Le voyage n’a pas été favorisé par le temps. La reine Amélie renonce à tout. La tempête l’a rejetée à Plymouth, elle est revenue à Clarmont malade. On dit que la Pcesse de Joinville l’est très sérieusement depuis longtemps & qu’elle mourra si elle ne retrouve par le soleil. Le duc de Noailles est venu aussi hier. Il a longuement. vu Fould l’autre jour que lui avait tenu le même langage qu'à moi. Belliqueux & révo lutionnaire par nécessité, parce qu’il ne voyait pas d’autre ressource. Olmentz a dû finir avant hier. Bual y a été mandé. Voilà Hubner plus tranquille au moins sur ce point. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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60  Paris le 16 septembre 1853

Grand vide & regret, & reconnaissance. J’ai vu hier les Hatzfeld, Kisseleff, Hubner, Molé. Celui-ci désespéré d’avoir ignoré votre séjour à Paris, il aurait pu vous voir encore hier matin. Son oeil va mieux, il est plein d'espérance.
Kisseleff avec un courrier hier soir. Nous refusons simplement parce que nous n’avons pas affaire à Constantinople. Nous maintenons l’acceptation de la première note de Vienne. Vienne n’a qu’à négocier sur cela avec la Turquie. Cela regarde la conférence & pas nous. Il n’y a donc de notre fait aucun empêchement à ce que cela s’aplanisse encore. Je doute que les Turcs s’y prêtent. J'ai fait visite tout à l'heure à la princesse Mathilde à Breteuil. Elle m’a dit d'excellentes choses sur le ménage impérial. Le bonheur conjugal le plus serein, le plus charmant ; l’Impératrice très douce, très bonne, dévouée, mais une pauvre santé.
La Reine Christine est d'une platitude sans pareille à cela près qui fait rire, on lui trouve beaucoup d’esprit. Pas d’apparence qu’on épouse une de ses filles. Elle a passé 9 jours à Londres, où elle n'a vu ni l’une ni l’autre reine. Après le voyage du nord la cour passera à Compiègne la première quinzaine d'octobre la seconde à Fontainebleau & le 1er Novembre elle s’établit à Paris.
Samedi 1. J’ai eu un mot de Constantin de Berlin, c’est le Cte Nesselrode qui a insisté sur le refus et qui l’a importé. Cela vous prouve bien que la volonté impériale est à la paix. Molé est venu hier soir encore & San Giacomo. On disait au club que les flottes entreraient et iraient même à Constantinople pour rendre au sultan sa liberté d’action & de volonté qu’il n’a pas dans ce moment, & qu’il signerait de suite la note de Vienne. Voilà le tout qu'on donnerait à la promenade. C’est possible.
Je ne crois pas que j'aie rien à ajouter jusqu'au départ de la porte. Adieu donc. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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51 Schlangenbad le 22 août 1853

Le N°50 est allé à Paris, je vous en préviens, votre lettre du 19 m’apprend votre changement d’époque pour votre séjour-là. Meyendorff me mande l'acceptation de la Porte de l’ultimatum reste à coordonner l’évacuation des principautés avec la retraite des flottes. Il pense qu'il y aura quelques courses de courrier, et que cela se fera sans beaucoup de diffi cultée, mais plus ou moins de temps.
Au fond nous sortions de mauvaise affaire très bien. Les [?] seront de notre côté. Il ne seront pas du côté de Lord Redcliffe. La Russie n’a pas été effrayée de l’Europe. Je pars demain matin avec regret, mais mon fils s'ennuie, il n’y a plus personne que des royautés qui l'incom modent. Je répugne à un nouvel établissement à Bade, je n’ai de ressource qu’en m’en retournant à Paris, et là personne, ce n’est pas brillant. Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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50 Paris, Vendredi 19 Août 1853

La séance de l'Académie. Française a eu lieu huit jours plutôt que je ne pensais. Je suis arrivé hier matin pour y assister. Je repars demain. Il n’y a absolument personne ici. De mes amis ; Dumon seul.
Je trouve le public très rassuré ; et pourtant il court de mauvais bruits sur les Principautés ; on doute de la prompte évacuation. Je me soucie peu des bruits ; mais je suis frappé du débat du Parlement surtout, du discours de Palmerston. Il n’a jamais été si Turc, jamais si décidé à la guerre pour l'indépendance de la Turquie, jamais si confiant dans les moyens de résistance de la Porte et dans l'efficacité de l'alliance Anglo-française pour la soutenir. Ici, le langage et toutes les démonstrations du gouvernement sont archi pacifiques, et font regarder l'affaire comme terminée. Je sais qu’au ministère de la guerre, on n’a pas douté un moment de la paix et qu’on n’a fait aucun préparatif pour une autre chance. Mais je persiste à croire qu’on aurait accepté et qu’on accepterait volontiers cette autre chance, et que la sympathie est toujours grande pour Palmerston.
Mad. de Hatzfeld est la seule ressource du petit nombre d’âmes politiques en peine qui errent encore à Paris. Elle reçoit les jeudi et lundi. Je passerai à sa porte ce matin. Je ne la trouverai probablement pas. Il fait très beau. Tout le monde se promène. La fête du 15 a été très brillante. Paris était plein d'étrangers. Il se vide. J’ai vu Mad. de Boigne en passant à Trouville. La mort de sa belle-soeur a été pour elle un vrai chagrin, autant qu'elle peut avoir un chagrin. Mad. d'Osmond est morte tout à coup, par une pression du cœur sur les poumons ; elle a été asphyxiée. Sa fille, la Duchesse de Maillé, venait de la quitter ; on a couru après elle, sur le Boulevard. Elle est revenue en courant ; sa mère était morte. Mad. de Boigne attend ces jours-ci à Trouville toute sa famille.
On s'amuse beaucoup à la cour. La Reine Christine y est en grande faveur et fait ce qu’il faut pour être en faveur. On parle du mariage d’une de ses filles avec le Prince Napoléon. On reparle aussi du sacre et du Pape. En attendant l'Impératrice a de grands succès au jeu du ballon, en plein air. Adieu. Ce n’est pas la peine de venir à Paris pour n'y apprendre que cela. Aussi n’y suis-je pas venue pour rien apprendre. Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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48 Schlangenbad le 17 août 1853

J’ai vu hier lady Jersey arrivant de Londres. Très opposition, mais disant que le Ministère se soutiendra. Prévoyant la chute de l'Angleterre. Elle ne reste debout que pas l’amour et le respect qu’on a pour la Reine.
La G. D. Olga fait furrore. C'est une admiration extraordinaire. Voilà tout Lady Jersey. Mme Rothschild me mande de Paris que Lord Cowley se plaint du gouvernement français qu'il trouve trop russe, ou plutôt trop pressé de la paix. Il me semble que l'Angleterre ne l’est pas moins. On ne sait rien encore de sûr de Constantinople, et il y a encore bien des difficultés à vaincre. Il pleut ici, j'en suis bien fâchée, cela gâte mes derniers moments. C’est mardi le 23 que je quitterai ceci. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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37. Schlangenbad le 26 juillet Mardi 1853

Votre lettre n’est pas arrivée hier. Cela m'ennuie. Je n’ai rien ici de nulle part, je n’ai que les journaux. Il me paraît que la négociation sera longue nous resterons quelques temps dans les principautés, les Turcs auront leurs embarras intérieurs. On voudra les secourir, nous comme les autres peut être, et cela peut devenir une drôle d’affaire et grosse au bout. Au fond le gouvernement Anglais est dans l'embarras.
Je ne parle politique qu’avec vous et le Roi de Wurtemberg, mais il n’est pas tout-à-fait sincère avec moi. Il a bien de l’esprit. Il vous plairait beaucoup Il me parle beaucoup de vous. Je ne sais si votre petit ami est dans les environs. Vous devriez lui faire savoir que je suis ici au cas qu'il se trouve sur le Rhin. Constantin m’a quittée hier. Je ne suis pas tout à fait abandonnée, il y a quelques causeurs le soir, et deux ou trois femmes, pas grand chose. Ma journée est assez remplie par la promenade, le bain, le repos qu'il faut prendre après. Je végète. Je ne remarque pas du tout. que cela me fasse du bien, je suis comme j’étais. Voilà une misérable lettre Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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29 Ems samedi le 9 juillet 1853

Une lettre extra pour vous dire que selon mes dernières nouvelles nous allons publier une dépêche explicative de Manifeste, où il sera dit : qu’aussitôt que la porte nous aura offert des garanties acceptables et que les escadres des puissances maritimes auront quitté les eaux de la Turquie, nos troupes de leur côté évacueront la Moldavie et la Valachie. Qu'en dites-vous ?
A propos M. de [Damis] est enfoncé dans les lectures que je lui fournis quoique nous nous voyons deux fois le jour il m'écrit à tout instant. Voici sur votre lettre. Il m’en a reparlé le soir, avec des admirations sans fin sur le style de votre lettre. Vous me querellez sur la distinction que j’ai l’air de faire de votre Génie pour les grandes & petites choses. Certainement vous valez mieux pour les premières, mais je vous prie de ne pas m’abandonner dans les autres.
Je suis d'une grande curiosité du débat de hier au Parlement. On commence à dire que Palmerston reprendra les affaires parce que si dans ce poste il ne nous fait pas la guerre, les Anglais verront qu’il n’y a pas de quoi la faire. Enfin ce serait drôle, mais tout est drôle, pourvu que cela ne reste que drôle. La chaleur est étouffante. Adieu. Adieu.
J'attends ce que vous me direz du Manifeste. [Damis] prétend que de même que l'[Empereur]. excite l’enthousiasme religieux, il saura le calmer. Il est le maître très puissant chez lui.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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28. Ems le 8 juillet 1833

L'impératrice m'écrit en date du 2. " J’espère en Dieu qu'il bénira les intentions droites & simples de mon empereur, & que la guerre. sera évitée. " Bonnes paroles, les dernières.
Le manifeste va exalter le sentiment religieux, mais il laisse encore ouverture à la négociation. Nous allons savoir tout à l’heure si Constantinople regarde l’entrée dans les principautés comme cas de guerre.
Je suis inquiète de tous ces complots à Paris. Que Dieu nous préserve d'un malheur là. Le comte [?] est arrivé. De l’esprit, beaucoup de connaissances, pas trop versé dans la diplomatie. Fort disposé à causer. Cherchant à apprendre. Défendant notre cause très bien, mais ne me persuadant pas. Toujours en doute de l'Angleterre c.a.d. ne croyant pas qu’elle puisse en venir aux extrémités.
Quant à nous pas l'ombre d'un doute que nous aurons Constantinople, & que personne ne peut nous en empêcher. Des préparatifs sur la plus grande échelle et les Turcs impuissants & appauvris. Le temps est à la chaleur, mais excessive. Je suis fondue. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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24 Ems Jeudi 30 Juin 1853

Dans les grandes choses, votre esprit & votre jugement sont merveilleux. Vous voyez que je parle de la lettre où vous appréciez la dépêche Nesselrode. Je l’ai envoyée au correspondant que vous savez. Il en sera très frappé. Elle était trop grosse pour le quartier général, je crois cependant qu’elle y fera son chemin par ce détour. Évidemment on fait les derniers efforts pour négocier un arrangement, mais je ne comprends pas que mon Empereur puisse céder, car ce qu’il demande est après tout bien peu de chose. Je n’ai pas de lettre ici de Londres, ni de Vienne qui sont mes deux bonnes sources.
La pluie a cessé Dieu merci. J'ai pu recommencer les bains. Je vois chez moi le soir quelque fois le prince de Prusse, roi un jour. Il a 22 ans, agréable, et bon enfant. Voilà tout ce que j’ai pu attraper, il n'y a absolument personne. C'est à périr.
2 h. Une longue lettre de Greville, très noire pour nous. Il croit qu’on négociera entre Londres & Pétersbourg plutôt qu’à Constantinople. Mais là le sultan ne veut entendre à rien, c.a.d. que Redcliffe veut cela. Greville reconnaît que l’[Empereur] ne peut pas reculer. Quelle mauvaise affaire ! Je crois que si vous & mon correspondant de Vienne vous vous rencontrez, vous trouverez moyen de nous en faire sortir. Vous comprenez comme tout ici me tracasse.
M. de Budberg me mande de Berlin, que selon les lettres de Brunnow le Cabinet anglais a abdiqué ses pouvoirs entre les mains de Lord Redcliffe.
Adieu. Adieu, je ne pense et ne rêve qu'à ce maudit Orient, et à vous. Adieu

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 1er Novembre 1852

Beaucoup de monde hier soir. Fould très entouré. Discret, rêveur, plutôt triste, maigri. La fabrication de l'Empire n'engraisse pas les gens. La descendance directe, l’adoption, à défaut de cela Jérôme, voilà le fond du Sénatus consulte. Tout sera convenu jeudi. Rogier aussi était chez moi hier soir. Le ministère [?] est fait. La presse sera certainement mise à la raison en Belgique. Il faut des lois de 7bre. Toutes les puissances insistent. [Cavou] est à la tête du Ministère à Turin. C’est l'Angleterre qui l'a poussé là. Hatzfeld est arrivé hier soir Hubner l’avait vu un moment et en revenait triste. Tout est incertain. Attendons Pétersbourg. Abdel Kader fait fureur en haut, en bas partout. Il retourne la semaine prochaine à Amboise. Adieu. Adieu. Les forces s’en vont tous les jours.
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