Guizot épistolier

François Guizot épistolier :
Les correspondances académiques, politiques et diplomatiques d’un acteur du XIXe siècle


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Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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14 St Germain Mardi onze heures
Le 22 août 1843

Je n’ai pas vu une âme hier et je m'en suis très bien passée. Une seule me suffit, c’est drôle quand cela s’applique à la jeune comtesse, qu'on dise après cela que je suis difficile à vivre ! Le temps s’est un peu gâté cependant nous avons fait comme de coutume nos trois ou quatre promenades. Chacun de nous a ses chevaux et sa calèche, et ses jambes et rien à faire. Cela fait aller !
Je vois par les journaux ce matin qu'à Barcelone, cela s'embrouille. encore, et à Saragosse un peu aussi. C’est dommage, car vraiment les gouvernants à Madrid se conduisent très bien. Je suis curieuse des détails que vous devez avoir reçus de Glüsberg. Voici donc ma dernière lettre Dieu merci, je l'envoie toujours à Génie. Peut-être a-t-il encore une occasion de vous la faire parvenir : je dînerai vraisemblablement seule aujourd’hui. La jeune comtesse veut se divertir à sa manière qui n’est pas la mienne. Elle ira dîner à l’auberge avec une société qu’elle a invitée. Le soir il y a le concert Murad [?] dans le jardin. Celui-là j'en jouirai très bien de notre salon jusqu’ici c'est moi qui ai donné la musique car la jeune comtesse m’avait fait la galanterie d'un piano.

1 heure. Je reçois votre lettre au moment où je suis forcée de fermer ceci. Quel plaisir demain. J'ai eu une longue lettre de Bulwer. Il s'embarquait à Boulogne ; il m'écrira de Londres aussitôt après avoir vu Aberdeen. Mon même Constantin m'annonce sa prochaine arrivée à Paris ! J'en suise fort aise. Adieu. Adieu. Voilà mad. Schitchein, il faut que je vous quitte. Adieu mille fois. Vous ne me dites pas l’heure de votre arrivée ! Ni quand vous viendrez me voir. Je serai à Beauséjour entre midi et 1 heure. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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302 Paris le 11 octobre 1839,

Prenez patience encore et lisez ce que je vous envoie. Il faut que vous me disiez maintenant ce que j'ai à faire. J'ai reçu hier une lettre d'Alexandre de Berlin. Il arrive aujourdui à Londres. Il ne veut y faire ce séjour strictement nécessaire pour régler ses intérêts là-bas ce qui veut dire recevoir sa part du capital ensuite il viendra ici. Après un petit séjour ici il va en Italie, pour revenir au printemps à Paris et puis Londres encore, et s'embarque de là avec son frère pour un second voyage en Russie. Vous voyez bien qu'il sera pressé et que moi n’ayant écrit ce que je vous envoyé que le 26 Je ne pourrai avoir de réponse que tout au plus le 20 novembre. Cela leur semblera bien long et pourra vexer ce pauvre Alexandre. Cependant puis-je après ce que j’ai écrit à mon frère, & dans mon propre intérêt, leur donner le Capital avant ses réponses ? Dois-je informer Alexandre de tout ceci ? Je crains à présent qu'il est auprès de Paul, quelques réponses impertinentes. Dois-je en charger une tierce personne & qui ? C’est au duc de Sutherland que je donnerai mes pleins pouvoirs. Mais comme il ne sera pas à Londres il les déléguera à quelqu'un, un banquier sans doute. Je ne veux répondre à la lettre d’Alexandre que quand vous m’aurez donné votre avis. Il m’écrit très tendrement et se réjouit beaucoup de me revoir. Ma lettre à mon frère est-elle bien ?
On dit dans le monde diplomatique, que le Roi est fort mécontent de tous les ministes moins le maréchal. Il s’agit de Don Carlos. On menace même de dissoudre le cabinet si ces messieurs s'obstinent à contrarier la volonté du roi sur ce point. C’est Montrond qui m’a dit cela. Lord Granville pousse à garder Don Carlos. On dit que le Roi parle très mal et très vivement sur mon Empereur. Je tremble que Pahlen ne revienne pas ce serait un vrai chagrin pour moi. Il fait un temps abominable Il n’y a plus de belle campagne possible. Adieu. Adieu, Adieu.

14/26 octobre 1839 à mon frère
J’ai reçu il y a huit jours seulement le paquet contenant votre lettre du 20 août et l’acte passé avec mes fils, et avant-hier votre lettre des 22 7bre avec le compte de Bruxner. Je commence mon cher frère par vous remercier bien tendrement de toute là peine que vous avez prise pour arranger mes affaires, et de toute l’amitié, la bonté que vous m'avez prouvées par là. Je vois que j’avais raison ne vous contestant cet été les chiffres de mon revenu que vous portiez à 9400 roubles argent et 400 milles francs de capitaux de la succession de mon mari. Mes propositions sont devenues plus modestes, selon ce que vous me mandez aujourd’hui. L’ensemble de cette succession tel que je le relus de l’acte que vous avez conclu et des autres papiers que vous m’avez envoyés forme pour moi un revenu de 36 395 roubles papiers. Mon propre avoir monte à 20 152 roubles papier. Total général 56 544. Vous en verrez le détail dans le tableau ci-joint. Vous ne trouverez peut-être plus que je suis trop riche comme vous me l'écriviez alors, car il y a loin delà à 80 mille francs de rente que vous m’annoncez. Je vais faire selon la loi russe le partage du capital anglais aussi tôt que je saurai que tout est terminé à Petersboug. Je désire pour cet effet obtenir des réponses aux observations consignés dans la note ci-jointe. En lisant avec attention l’acte et en le confrontant avec les observations que je vous avais soumises dans le temps j'ai trouvé tout parfaitement en règle et toute les questions répondues, sauf le seul point du mobilier de Courlande dont je vous avais déjà entretenu deux fois. J’appelle votre attention sur ce point. S'il a été oublié dans la discussion, c'est à vous à juger si je dois regarder la somme qui aurait dû me revenir de cet état comme perdue à tout jamais ; ou si, dans le cas que l’objet en vaille la peine, vous voudrez le porter à la connaissance de mes fils.

Note
1. La loi de Courlande dit § 194
Toute la partie mobilière de la terre, bétail, magasin, maison, effets, & & sera partagée entre la veuve & les enfants en parts égales.

Comme il m’en revient par conséquent le tiers,. que ce doit être un objet considérable, vu la qualité de la terre et que cependant je ne trouve pas cet objet spécifié dans les papiers qui m'ont été envoyés, je désire savoir quels sont les arrangements qui ont été pris à cet égard, ou l’indemnité qui m'a été assignée pour l’abandon que j’aurais fait de ce droit car on ne peut pas l'inclure dans le 15 829 roubles papier une fois payés. Cette somme formait exactement le revenu de l’année que la loi accordé à la veuve.

2°. Je ne trouve ici dans le tableau du banquier Bruxner, ni autre part mention des coupons qui se trouvaient dans le portefeuille de mon mari pour la valeur de 1350 £ sur la maison Hammersby à Londres.

3°. On aura certainement dressé un inventaire des meubles et un procès verbal de la vente qui en aura été faite à l’encan. Je désire que copie m’en soit envoyée. 4°. Je désire spécialement avoir un état de la vaisselle, & savoir si après la vente à l'encan ma part a pu être rachetée, comme je l'avais demandé. Dans le cas contraire je désire connaître le produit de cette vente.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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12 St Germain Mercredi 22 juillet 1846 Onze heures

Thom est venu dîner avec moi hier. Il n'a rien de vieux du tout. Il présume que le ministère Whig ne plait pas beaucoup au P. M. Il parle très sérieusement de la Galicie et de toutes ces affaires-là. Il prévoit de gros embarras en Allemagne, et convient de la décroissance de l’Autriche. Enfin très raisonnable et beaucoup plus d’Esprit que son Chef. Sur l’Espagne il est fort entêté. L'enfant de Bourges se perdrait à tout jamais s’il épousait la reine en la reconnaissant. Il faut qu'il maintienne ses droits, et qu'il garde son avenir. En Espagne tout est fragile, son temps viendra. si on s’épousait sans préambule. Le roi épouse la Reine à la bonne heure. Confondre les droits mais maintenir le droit. Si non, non. Thom regarde le mariage Don Enrique s’il pouvait se faire comme un mariage anglais et fait en dépit de la France, je l’ai très fort combattu sur ce point, et me suis étonnée de son ignorance. Enrique est comme tous les Bourbons votre candidat, il a même toujours été regardé par vous comme le plus désirable et possible après Trapanny, si celui-là n’avait pas été antipathique à l’Espagne. Vous accepteriez Enrique avec plaisir. Il prétend savoir que Cadiz ne veut pas de la reine, enfin il est très mal renseigné. Il est très lié avec Villa Franca & sur Bourges. Je crois que son dire est la vérité quant aux idées & résolution de parti, & du prince Metternich. Thom est votre grand admirateur.. Il dit que Metternich l’est aussi. Il parle mal d'Armin. Il me parait qu’Armin est peu aimable dans le corps diplomatique. Voilà tout mon paquet d’hier je n'ai que cela. Aujourd’hui Lord Bathurst et sa sœur se sont annoncés chez moi pour déjeuner. Je ne sais encore qui j'aurai à dîner. Je ne me sens pas bien. Mon estomac en désordre, & mes jambes me manquent. L'air ici est très vif peut-être trop pour moi. Je verrai encore quelques jours.
Midi. Voici votre lettre. Je vous renvoie les incluses. L'Angleterre curieuse & compliquée. La France en bonne voie if true. Vous savez ma méfiance française ! Il y a eu une confusion de mon courrier à Paris (car j’en ai trois par jour) qui fait que je n'ai pas mes lettres d’abord, s'il y en a. Je n’ai donc rien à ajouter. Madame Danicau va toujours bien. Soigneuse pour moi, intelligente dans ses soucis, mais décidément elle ne sait ni lire ni écrire, triste découverte. Adieu. Adieu. Le temps est au froid cela ne me va pas dans le moment. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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9. Beauséjour Mercredi le 6 septembre 1843

Me revoilà dans mon home et j'en suis bien aise. J’ai encore dîné hier à Versailles et j’étais ici à 8 heures, & dans mon lit à 9. J'ai bien dormi jusqu'à 6 heures. à 7 heures j’étais sur les fortifications, je viens de faire ma toilette et me voici à vous. J’attends votre lettre. Le Galignani et les journaux ont devancé votre récit. Je sais que Lundi s’est bien passé. Belle promenade & concert. Je voudrais que tout fut fini. Dieu merci c'est le dernier jour.
Kisseleff est venu me trouver à Versailles hier sur les 3 heures, nous ne nous sommes vus seuls que dix minutes. Le Duc de Noailles est arrivé. Dans les 10 minutes il m’a dit qu'il avait écrit à Brünnow ceci : " On dit que le corps diplomatique (de Paris) montre quelque dépit de l’entrevue royale, quant à moi je me tiens dans un juste milieu. Je dis que c'est un événement très favorable au Roi et à son gouvernement et voilà tout. Si les autres disent plus ou autrement je trouve que c’est de la gaucherie. " Je l'ai encore loué. Il me dit qu'Appony avait changé de langage. Je le savais moi-même de la veille. Il est évident que c’est le rapportage de Molé et La confidence que je lui en ai faite qui ont amené ce changement. C'est donc un service que je lui ai rendu. Mais il n'en sort pas sans quelque petits blessure.
J’ai régalé le duc de Noailles de tout ce récit qui l’a fort diverti. Il a jugé l'homme comme vous et moi. Je lui ai dit qu’on savait que son langage à lui était très convenable. Cela lui a fait un petit plaisir de vanité. Il est évident que tous les jours ajoutent à son éducation politique, et qu’il meurt d’envie de la compléter. Je lui ai lu ainsi qu'à Kisseleff les parties descriptives de vos lettres. Cela les a enchantés surtout le duc de Noailles. Il trouve tout cela charmant, curieux, historique, important. Non seulement il n’y avait en lui nul dépit mais un plaisir visible comme s’il y prenait part. Je lui ai lu aussi un petit paragraphe, où vous me parlez du bon effet du camp de Plélan. Il m’a prié de le lui relire deux fois. Il est évident qu'il voudrait bien qu'on se ralliât. Il suivrait, il ne sait pas devancer. Il m’a parlé avec de grandes éloges du Roi, et de vous, de votre fermeté de votre courage, de votre habileté, de votre patience sur l’affaire d’Espagne. Il est très Don Carlos il a raison, c’est la meilleure combinaison parce qu'elle finit tout et convient à tous. Mais se peut-elle ? Il regrette que la Reine ne soit pas venue à Paris. " Un jour pour Paris, un jour pour Versailles. Elle aurait été reçue parfaitement. Le mouvement du public est pour elle aujourd’hui tout à fait. Une seconde visite sera du réchauffé. Aujourd’hui tout y était, la surprise, l’éclat. " C’est égal j’aime mieux qu’elle n'y soit pas venue. Kisselef m’avait quittée à 4 1/2 pour s’en retourner par la rive droite. Comme le Duc de Noailles partait par la gauche nous avons eu notre tête-à-tête jusqu'à cinq. Kisseleff partait triste, il avait peu recueilli. Tous les deux avaient dû dîner en ville et n'ont pas pu rester. J’ai dîné ave Pogenpohl que j’ai ramené jusqu’ici. J’ai remarqué qu'il en avait assez de Versailles. Un peu le rôle de Chambellan. La promenade et le dîner, et encore par la promenade quand j'en avais un autre. Mais c’est juste sa place.

Onze heures. Voici le N°8 merci, merci. Que vous avez été charmant de m'écrire autant ! Enfin vendredi je vous verrai c’est bien sûr n’est-ce pas ? Passez-vous devant Beauséjour ou bien y viendrez-vous après avoir été à Auteuil ? Vous me direz tout cela. Que de choses à me dire ; nous en avons pour longtemps. Et puis, l’Europe a-t-elle donc dormi pendant Eu ? Comme nous allons nous divertir tous les jours des rapports de partout sur l'effet de la visite ! J’irai ce matin en ville mais tard. Je passerai à la porte de Génie pour causer avec lui. Et puis commander ma robe de noce pour lundi. Ensuite en Appony pour voir le trousseau. J’y resterai pour dîner. Voici donc ma dernière lettre. Adieu. Adieu. Adieu. Apportez-moi moi la jarretière, je m’inquiète que vous ne m'en parlez pas. Ce que vous dites de la princesse de Joinville est charmant ! Adieu encore je ne sais pas finir. Adieu. Prenez soin de vous demain. J’ai si peur de la mer. Et puis j’ai peur de tout. Revenez bien portant, revenez. Adieu. Je me sens mieux aujourd'hui.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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14. Paris vendredi 24 juillet 1846

D’abord, je vais mieux ; je sais que je suis pour vous la première personne. Et puis voici ma révolte. Des instructions pour Bulwer ont traversé Paris Mardi dernier le 21. Elles portent ceci. Aucune puissance n'a le droit de se mêler du mariage de la Reine. L’Espagne est libre, & ce serait une attitude portée à son indépendance. L'Angleterre ne s’en mêle donc pas, mais elle ne saurait voir avec indifférence un mariage qui donnerait à une puissance quelle conque une influence prépondérante en Espagne. Elle s’y oppose donc, & Bulwer le déclarerait. Trappany & Montémalin sont aux yeux de Lord Palmerston hors de cause. Reste les deux enfants espagnols & Coburg. Celui des trois qui conviendra le mieux à la reine semblera très bon à l'Angleterre. Mais elle reste en dehors de toute intervention là-dedans ! Observations générales sur l’Espagne. Elle a une constitution qui n’existe que de nom. En fait il n'y en a pas. Quand les Cortez incommodent le pouvoir on les chasse. La presse on la suspend. L'Angleterre n’intervient pas pour faire à cet égard des remontrances. Mais Bulwer est invité à donner cours à l’opinion que porte son Cabinet sur cet état de choses. Tel est le sommaire des instructions. Des avis particuliers disent que la reine penche beaucoup pour un Coburg. Palmerston est assez d’avis de Enrique. Il n’est pas sûr encore qu’il aille à Londres. Il y a des embarras pour sa réception. La reine ne veut pas le voir. Elle a trouvé très impertinent qu'il lui ait écrit de Bayonne une lettre de félicitations sur ses couches. (la lettre de Palmerston au roi !!) Dans tout cela elle marque la préférence pour la candidature Coburg.
Voilà votre lettre. Suis-je furieuse ! Je vous dirai ce que vous faites pour faire plaisir à Henriette vous la menez promener le soir, & voilà votre rhume. Prenez garde, je n'aimerai pas du tout votre fille, & je trouve vos faiblesses très ridicules. Est-ce que moi je vous prendrais cinq minutes pour le soupçon du plus léger risque d'un seul éternuement ? Ecoutez je vous défends formellement de vous promener le soir, et si vous le faites je vous promets que je serai malade de façon à vous inquiéter. Je savais l’indisposition du duc d'Aumale avec tous les détails. Les gens de cour sont très bavards ici, Thom m’avait conté cela. J’ai vu hier Génie et lord W. Je me suis tenue fort tranquille pour me soigner, & je suis mieux. Je ne sais encore si je reste ou si je retourne à St Germain. Je penche pour retourner ou pour aller à Lisieux et vous barrer la promenade dès 7 heures du soir. Comme c’est ridicule ce que vous faites. Je suis en grande colère. Je vous en prie mariez votre fille & que son mari la mène promener. votre éternuement m'a dérouté de l’Espagne, je reviens car il y a encore quelque chose. Miraflores est chargé de demander formellement le duc de Montpensier & si on le refuse, de déclarer qu'on prendra le Coburg. Le roi a répondu qu’il ne donnerait pas son fils & qu’il ne souffrirait pas le Coburg. Si la reine est si pressée qu’elle prenne un infant Espagnol ou si son aversion pour eux est plus fort que sa hâte d’un mari, qu’elle attende. Il ne l’a pas dit si fortement que cela mais voilà cependant dans le fond. Miraflores a conté tout cela à Cowley. Cowley a reçu une réponse de Palmerston. Il remercie l'ambassade de sa very handsome letter (probablement il insinuait qu'il se rendrait si on le pressait.) Il eut été charmé de lui voir continuer ce qu'il faisait à bien mais des partis considerations le forcent à soumettre à la Reine la demande du nouveau lord Normanby. Voilà Cowley furieux & qui ne comprend pas ce que veulent dire des partis considérations. Je ne les ai pas vus. On leur insinue que dans quinze jours Normamby pourra venir à Paris. Voilà une longue lettre, vous ne la méritiez pas du tout. Vraiment vous ne m’aimez pas. Vous aimez mieux une fantaisie de votre fille que ma tranquillité, mon bonheur. Je suis triste car tout cela me mène loin, et je prévoyais que je dégringolerais au Val Richer. 1 heure. Je vous envoie une lettre de Bulwer. On m’a dit en confidence qu'il avait demandé un congé. Sa lettre est bien aigre selon moi. Un homme irrité, blessé, dérouté et espérant de Mischiefs. Lord Willian trouve bien mauvais que vous soyez absent dans ce moment. Il dit qu'on aurait bien besoin de vous à présent pour ces tracasseries espagnoles. Moi Je trouve qu'il faut vous laisser votre repos, mais si vous comptez l'employer à éternuer je vous prie de revenir. Savez-vous qu’à tout prendre vous auriez mieux fait d’épouser don Enrique que tout de suite il y a un ou deux ans. Quel gâchis à présent. Adieu je ferme, je vous gronde au milieu de deux ou trois adieux.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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15. St Germain samedi 25 juillet 1846

Hier soir quinze jours depuis notre séparation. Combien en faut-il encore ? Je suis revenue dîner, le médecin le permet. Si le mal me reprenait ce serait décidément causé par l'air. Alors il faudrait renoncer tout-à-fait Eternuez-vous encore ? Je suis tout aussi fâchée aujourd’hui que je l’étais hier. J'ai vu Hervey encore avant de quitter Paris. Toujours l’Espagne. Parfaite certitude que Palmerston n’entrera pas dans votre idée d’action commune ou simultanée pour un candidat quelconque, très sûr que le queen's favorite est Coburg. Et vraisemblance que c’est par là que les Whigs chercheront la faveur de la cour. J’ai dit un mot du tripotage pour l'Autrichien comme l’ayant appris à Paris, et j’ai ajouté, cela n’est pas possible même dans votre idée de prépondérance étrangère. C'est bien différent me dit Hervey, l'Autriche n’est pas voisine. Il ne croit pas qu’on accorde de congé à Bulwer. Il est trop nécessaire dans ce moment tout ce que je vous ai rapporté hier sur les instructions à Bulwer est au fond sensé, et serait reçu avec acclamation au parlement. On y trouverait la conduite d'Aberdeen trop subserviest to France. C'est un bon terrain pour Palmerston & c'est là ce qui m’inquiète. J’ai paru chez Lady Cowley en m'en allant. Je l’ai trouvée froide et aigrie. Hervey m'en avait un peu prévenue. Cela a été pour moi comme non avenue. D'après ce qu’elle m’a dit Cowley aurait vraiment presque demandé à rester, car la réponse de Peel était ceci. " Malgré le désir que j’aurais eu à vous contenter en vous conservant à votre poste" & & C'est un peu enfant à Cowley. A présent encore ils ne se pressent pas. Ils croient que le Ministère sera renversé sur le sucre. Mais leur aigreur pour moi ne vient pas de là. Ils sont très susceptibles à l’endroit de lord Winston et ses visites chez moi les offusquent. Me sachant en ville et malade, elles ne sont pas venus quoique je le leur ai mandé, et puis elles ont donné quelque mauvais prétexte à cela. Ils sont en marche pour l'appartement des [Heusbourg]. Hervey est furieux, il trouve que leur résidence à Paris serait de la dernière inconvenance, certainement incommode pour lui. Il ne croit pas qu'on le leur permette, & cite Stuart qui était resté, & qu'on a menacé du retrait de sa pension s'il persistait. Il a quitté. Le portrait du roi est superbe. Un cadeau très royal, et dont ils sont bien glorieux.
Madame Danicau va toujours bien sauf la lecture. Voici une lettre de Flahaut. Lisez la jusqu’au bout, si tant est qu’il ne vous parle pas lui-même de la séance de la chambre des pairs. Orloff m’a répondu avec beaucoup de politesse sur l'envoi de l’argent. Voici ma dernière lettre de Marion. Charmante fille. Que faut-il dire sur la demande de 3 mois en hiver ? Il me parait préférable que la femme reste à Rome qu'à Vienne. Midi. Voici le N°13. Merci, merci puisque votre rhume est passé, ma colère l’est aussi, mais ne retouchez pas, je vous en prie. Ne sortez jamais après 7 heures promettez-moi cela. Lady Allen me mande que Peel is likely to support the sugar bill et qu’il vaut mieux que les Whigs ne touchent pas sur cette question qui est très populaire. Elle ajoute que personne eux y compris ne croie qu'ils pensent durer au delà de la session. Adieu, bon courage et bonne voix pour votre banquet. Ne parlez pas trop longuement. Je ne sais tout ce que vous allez dire. J’espère all rights and to the point. Adieu. Adieu. dearest. Vous ne me parlez plus de votre visite projetée à Paris pour le 30 ? Dites m'en un mot. Adieu. Adieu encore god bless you, & pardonnez-moi mes colères. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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7. Versailles Mardi 5 Septembre 1843 8 heures du matin.

Merci de deux bonnes lettres hier. La seconde avec l'incluse de lady Cowley m'est arrivée tandis que j’étais à dîner avec Appony et Armin. Comme elle était fort innocente. Je leur ai donné le plaisir de la lire. C'était pour eux un treat. Ils sont venus de bonne heure, j’étais dans les bois en calèches avec Pogenpohl qui me tient fidèle compagnie pour la promenade et pour le dîner. Nous avons eu encore de la causerie avant le dîner à nous trois.
Vraiment Appony est impayable. Il me dit maintenant on ne pourra plus dire que c'est un caprice d'une petite fille curieuse puisqu’elle ne vient pas à Paris. On était tout juste lui il y a 3 jours. C'est de moi qu'ils ont su qu’elle n’y venait pas. car en ville on l’attend encore. Tous les deux m'ont dit avec bonne grâce " c’est plus flatteur puisque c’est personnel. " Enfin le ton était tout-à-fait changé. Mais j’arrive à l’essentiel. Tous deux m'ont parlé du mariage Espagnol. Vous ne serez pas sorti de votre voiture en arrivant à Paris qu’ils seront là pour vous presser au sujet du mariage Don Carlos. Armin en a reçu l’ordre formel de sa cour. Appony s’est longuement étendu sur le fait. Bon pour tout le monde. Bon pour l’Espagne puisque cela confond et réunit les droits et écarte les dangers d’une guerre civile que ferait naître un prétendant. Bon pour l'Angleterre pour la France (qui veut un Bourbon) pour toutes les puissances puisqu’elles sont d’accord sur la convenance et l’utilité de ce mariage. Bon encore pour l'Espagne puisque c’est la seule combinaison qui lui assure la reconnaissance immédiate de la reine par les 3 cours. Enfin rien de plus correct, de plus irréprochable, de plus désirable. J’ai dit amen. Mais deux choses, l’Espagne voudra-t-elle ? & Don Carlos voudra-t-il ? pour l'Espagne nous en sommes presque sûrs pour Don Carlos c’est difficile, mais si l'Angleterre & la France voulaient seulement concourir, l’Espagne serait sûre & on pourrait l’emporter à Bourges. Au reste ajoute Appony je vous dirai que Lord Aberdeen est excellent et qu'il a dit à Neumann qu’il était tout-à-fait pour le mariage Don Carlos, en êtes-vous bien sur ? Parfaitement sûr.
Nous sommes revenus à la visite de la Reine, à l’effet que cela ferait en Europe. Ils en sont tous deux curieux, au fond ils conviennent que cela ne plaira pas, que c’est comme une consécration de la diplomatie et que certainement pour ce pays-ci c’est un grand événement ; nous avons parlé de la Prusse, et moi j’ai parlé. du peu de courtoisie des puissances envers ceci. Appony s’est révolté ; comment ? Au fond la France nous doit bien de la reconnaissance si nous ne lui avons pas fait des visites au moins l’avons- nous toujours soutenue, toujours aidée. Le solide elle l’a trouvé en nous. C’est vrai mais les procédés n’ont pas été d’accord. Les princes français ont été à Berlin, à Vienne, d’ici on a toujours fait des politesses. On n’en a reçu aucun en retour, et depuis quelques temps vous devez vous apercevoir que le Roi est devenu un peu raide sur ce point. Alors Armin est parti. Le Roi a été très impoli pour nous. C'est une grande impolitesse de n’avoir envoyé personne complimenter mon roi quand il s’est trouvé l’année dernière sur la frontière. Nous avons trouvé cela fort grossier & M. de Bulow l’a même dit à M. Mortier (quelque part en Suisse) mais votre Roi n’avait pas été gracieux six mois auparavant. Il a passé deux fois à côté de la France sans venir ou sans accepter une entrevue. Oh cela, c'est Bresson qui a gâté l’affaire. Il a agi comme un sot. Il a voulu forcer la chose et l’a fait échouer par là. Je vous répète tout. Ensuite rabâchant encore sur Eu, Appony me dit au moins la Reine ne donnera certainement pas la jarretière au Roi. C’est cela qui ferait bien dresser l’oreille dans nos cours ! Pourquoi ne la donnerait-elle pas ? Vous verrez que non.
Ils ont ensuite parlé de la légion d’honneur au prince Albert comme d’un matter of course Je crois que j’ai expédié mes visiteurs dans ce qu’ils m’ont dit de plus immédiat. Faites donner la jarretière au Roi. Vous avez tous les moyens pour faire comprendre que cela ferait plaisir ici. Commencez par donner le cordon rouge au Prince. Mandez-moi que vous n'oubliez pas cette affaire. Car c’est une affaire.
Direz-vous quelque chose à Aberdeen de vos dernières relations avec ma cour ? Il ne faut pas vous montrer irrité, mais un peu dédaigneux ce qu'il faut pour qu'il sache que vous voulez votre droit partout. Cela ne peut faire qu'on bon effet sur un esprit droit et fier comme le sien. J'espère que vous êtes sur un bon pied d’intimité et de confiance et qu'il emportera l’idée qu'il peut compter en toutes choses sur votre parole. Faites quelque chose sur le droit de visite. N'oubliez pas de dire du bien de Bulwer. C'est bon pour lui en tout cas qu’Aberdeen sache que vous lui trouvez de l'esprit et que vous vous louez de son esprit conciliant.
Après le dîner que je fais toujours ici à cinq heures, j’ai été avec mes deux puissances faire une promenade charmante mais un peu fraîche en calèche. Ils m'ont quitté à 8 1/2 et comme je n’ai plus retrouvé Pogenpohl je suis allée finir ma soirée chez Madame Locke. J’ai passé une très mauvaise nuit. Mes attaques de bile. Décidément les dîners d'Auberge ne me vont pas et j’ai envie de m’en retourner aujourd'hui à Beauséjour.
10 heures. Génie, notre bon génie m’envoie dans ce moment votre n°4 excellent je vous en remercie extrêmement. Je suis bien contente de penser que tout va bien. Quelle bonne chose qu'Aberdeen ait vu le Roi, vous. Quel beau moment pour vous en effet. Je me presse, je remets ceci à ce messager, sauf à vous écrire plus tard par le mien. Adieu. Adieu. Adieu.
N’allez pas dire un mot à Aberdeen des vanteries d'Appony. C'est-à-dire ne dites pas que c'est moi qui vous le dis. Ne prononcez pas mon nom quand vous parlez affaires. Pardon vous savez tout cela, mais j’aime mieux tout vous dire, tout ce qui me traverse l'esprit. Adieu. Adieu à tantôt.
Pourquoi ne faites-vous pas donner la part du Diable ? C'est décidément charmant. Opéra comique.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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4. Versailles, Dimanche 9 heures 3 Septembre 1843

Le télégraphe annonce le passage devant Cherbourg hier à 6 h. du matin, elle sera donc arrivée hier à Eu. Et que vous ayez été en mer à sa rencontre ou non, Dieu merci le temps est et a été beau, je suis donc un peu tranquille et j’attends la nouvelle et vos nouvelles.
Hier Pogenpohl est arrivé, pendant que je dinais, je suis bien aise. Il dinera et promènera avec moi, that is a great help. A 8 heures Génie est venu. Nous nous sommes réciproquement communiqué au fond, c’étaient les même choses. Il ne voit pas pourquoi je me dérangerais. Si elle vient à Paris c’est autre chose, c'est-à-dire si on apprend qu’elle doit y venir. Vous voyez que tant qu’elle reste à Eu, je peux bien rester à Versailles, car ou on a rien à faire ou à décider à Paris, aucun conseil ou idée possible à donner parce qu'on n'en a pas besoin. J'ai bien envie qu’elle n’y vienne pas. Un accident, serait quelque chose d'épouvantable quand on s'engouffre dans cette idée cela fait maigrir sur place de terreur. La demeure aux Tuileries est mauvaise pour cela, car elle sort le matin de bonne heure à pied. Elle voudra sortir dans le jardin. La retenir prisonnière est si gauche. L'exposer est si terrible. Au fait l’Elysée Bourbon si elle veut Paris, c'est-ce qu’il y a de mieux. Mais j'aime mieux qu’elle ne veuille pas. Elle devrait traverser Paris incognito, voiture ordinaire, coucher à St Cloud. Voir Versailles and go home that would be the good thing. Vous allez me dire tout cela. Que vous devez être content ! Savez-vous que plus on y pense plus on trouve qu’il y a de quoi. C'est superbe et excellent. Pogenpohl me dit qu'à Paris l’effet est immense. Dans les rues partout, on ne parle que de cela. C'est une époque dans un règne. Quel joli petit paragraphe cela fera dans le discours d'ouverture des Chambres. Je voudrais bien être à Vienne, Berlin & Pétersbourg pour une demi-heure. Certainement, le soufflet est gros. Génie croit savoir qu’Armin en est le plus non pas dépité, mais chagriné par le mauvais air que cela donne à la maussaderie de son Roi il y a 1 an 1/2. Il dit savoir aussi que le langage d'Appony s'est amendé. Je verrai cela. Je suppose qu’ils viendront demain ne pouvant pas venir aujourd'hui.

Midi. Voici Génie qui me fait la gracieuseté de m’envoyer un homme exprès pour m’annoncer l'arrivée de la Reine, et m’envoyer en même temps votre lettre N° 3. Dieu merci, et merci que je suis contente, et que j'ai été bête hier avec mes terreurs. Mais vous ne vous serez par fâché. Vous ne vous fâchez pas contre moi vous savez d’où viennent mes bêtises.
Ce que vous me dites de Metternich à propos du mariage de Don Carlos m'amuse. C’est bien lui ! Qu'il va se trouver nigaud avec son idée correcte ! Mais savez-vous ce qui arrivera ? C’est qu’entre ceci dont l’Espagne ne voudra pas, Naples que l’Autriche empêchera. Les autres retrouvés par d’autres motifs, quand il ne se trouvera plus de Bourbons, que personne ne peut vouloir un de vos fils, et que vous ne pouvez pas permettre un Autrichien, on finira par trouver le Cobourg le plus inoffensif, en même temps que le lien entre l'Angleterre et la France. Prenez garde à la possibilité que l’affaire prenne cette marche-là. Arrangez-vous pour Naples avec Angleterre. C'est la bonne affaire. Pogenpohl qui a des correspondances beaucoup à Florence où il a longtemps résidé dit que le Lucques est un charmant garçon. Pourquoi pas Lucques si Naples n’allait pas ? Adieu. Adieu.
Je rabâche. Je suis in the highest spirits de savoir la Reine en France, à Eu. C'est une perfection. J'oublie de vous dire que j’ai bien dormi, que je suis mieux. à 7 1/2 j’étais sur la terrasse du palais, pas une âme que la sentinelle. Un air pur excellent. Adieu. Adieu. Que je suis impatiente de votre prochaine lettre. Adieu ever adieu. Remettez ceci à Lady Cowley.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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12. St Germain dimanche midi
Le 20 août 1843

Hier un gros orage, point de visites de Paris. J’ai été voir madame [Svétehein] qui a une maison à St Germain. Elle est trop pédante, cela ne me va pas. Je crois l’avoir déroutée un peu, car pour le plaisir du contraste je suis plus que jamais restée simple. Cependant à tout prendre nous ne nous sommes pas ennuyée. Madame de Nesselrode ne vient pas. C'était un conte. Savez-vous qui ne m’ennuie pas et ne m’ennuiera jamais ? C'est la jeune comtesse. Sa bonté sur [?] tellement qu'on se sent le cœur tout réjoui avec elle, et mon esprit, je l'oublie.
Le N°8 m'arrive dans cet instant ; c'est donc à mercredi, pas plus tard je vous en prie. Je suis frappée de ce que vous me dites que les Espagnols pourraient vouloir un grand mari. Dans ce cas là, et s'il n’y avait pas d’autre alternative, il faudra bien que vous soyez le grand mari, better you would or not.
Nous attendrons Kisseleff à dîner aujourd’hui. L'air est fort rafraîchi mais il fait beau. Je griffonne mais la jeune comtesse entre et sort. Je ne sais pas ce que j'écris. Qu’est-ce que cette nouvelle aventure avec l'Angleterre ? Un français tué. On va vous donnez encore bien de l'ennui. Albert Esterhazy arrive après demain. Cela fait de grandes joies et de grands chagrins, car au fond les parents en pleurent. Toute la famille Kotchouby mère & tous les fils arrivent aujourd’hui au Havre. Hélène y arrive aujourd’hui aussi, de sorte que l’à propos est complet. La comtesse Strogonoff sera ici dans quinze jours. La mauvaise chair qu'on fait ici m’a un peu dérangé l’estomac. N’était cela je me porterais parfaitement bien, car certainement l’air me convient. Adieu. Adieu.
Je ne vois point de nouvelles dans les journaux ! L’arrivée d’Espartero n’est pas confirmée est- elle vraie ? Adieu. C'est long encore jusqu’à mercredi ! Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Brighton, Vendredi le 10 novembre 1848

Je n’ai eu que ce matin votre lettre d'hier 9 h. du matin. C’est ridicule. Hier je vous en ai écrit deux. Ce que vous me dites sur Paris est fort triste. Cela va dégénérer en guerre civile. Ce ne sera plus guerre sociale, mais les partis politiques aux prises. C'est mieux mais cela peut devenir plus gros. Avez-vous lu l'excellent article du Times de ce matin sur Palmerston à propos de l'Espagne ?
Vous me direz n'est-ce pas in time quel jour de la semaine prochaine je puis vous attendre ici. Il faut que je le sache pour m'assurer de votre chambre. Hier soir toujours ma vieille princesse anglaise. Aujourd’hui toujours beau temps, beau soleil, & la promenade. Je vous quitte pour elle, et parce que je n’ai rien à vous dire je n’ai rien reçu, & vu personne qui sache. 8 heures. J’ai vu les Holland, W Lamb Alvandy. Les Holland très agréable, mais point de nouvelles. Mes journaux français me manquent. Quelle stupidité ils adressent hôtel Brighton à Bedford, et voilà. Adieu, adieu. Demain je vous écrirai de bonne heure un mot avec l'espoir qu’il vous sera porté le soir, car dimanche, rien hélas. Adieu. Adieu.

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8. Versailles Mercredi onze heures
Le 16 août 1843

J’ai quitté Beauséjour à 4 heures. Je suis venue dîner seule ici, à 8 la jeune contesse est arrivée. Elle ne m’a pas ennuyée. Mais voici de son côté. Elle me dit tout à coup - Il doit être bien tard chère Princesse. - Quelle heure pensez-vous qu'il soit ? Près de onze heures. Il était huit heures 3/4. Vraiment j’ai peur qu’elle ne supporte pas longtemps le tête-à-tête.
Je me suis couchée à 10 h. J'ai très bien dormi. A 8 h, j'étais sur la Terrasse. Il faisait frais et beau. J’ai déjeuné, j’ai fait une toilette et me voici. La jeune comtesse est allée se promener dans les galeries, déjeuner chez Mad. de la Tour du Pin. J’y étais conviée aussi, mais je reste. Je vous écris et j’attends votre lettre.
Bulwer parle très sérieusement. Au fond il trouve le Cadiz ce qu’il y a de mieux et de plus pratique surtout. Le fils de Don Carlos impossible. Naples peu vraisemblable comme disposition espagnole. Dieu garde dit-il que qui que ce soit mette en avant un prince étranger quel qu'il soit. Car aussitôt la France serait forcée de lui opposer un Prince d’Orléans. Il ne faut pas à tout prix que la lutte de candidats s'engage. Il ne faut se mêler de rien. Il dit cependant que l'Angleterre doit agir pour empêcher que les Cortès ne nomment le duc d’Aumale, car malgré la résolution du Roi le cas pourrait devenir embarrassant. Si l'Angleterre veut en finir, je crois bien qu’elle arriverait au résultat contraire, mais enfin ce n’est que le dire de Bulwer. Il a beaucoup répété que son gouvernement était dans les meilleures dispositions d’entente avec la France. Il a insisté sur le bon effet qu’aurait la présence de Sébastiani, fort respecté à Londres. Cependant ne sera-t-il pas un peu trop Whig pour les gouvernements actuels ?
Tout ce que vous me dites dans votre N°3 me plaît. Vous avez pris si doucement mes reproches. De la manière dont vous me répondez, je trouve bon toutes vos faiblesses. Mais voici ce que je ne pourrais jamais trouver bon c’est que je fusse renvoyée au delà du 26. Vous pouvez être faible pour votre mère, mais vous ne serez pas injuste et dur pour moi. Je reste donc ferme dans ma foi pour le 26.
Midi et demie. Voici le N°4. Je comprends fort bien la première page, car Génie m’avait confié ce qui était venu de Londres. J’espère que vous aurez consenti à rétrancher le petit mot déplaisant. Il ne faut pas que vous ayez à vous reprocher un seul fait ou geste qui empêche de s’entrendre. Mais quel dommage que vous ne soyez pas ici. Je le répète : un jour de retard dans des affaires comme celle-ci c’est beaucoup risquer et vous dites mieux que moi. Je vous copie. " tout cela a besoin d'être conduit avec un grande précision et heure par heure." Et vous êtes à 46 lieues ! Mais au moins vous reconnaissez l’inconvénient, tout le monde le pensait, et moi aussi, par dessus toutes les autres choses. Revenez, revenez. Ceci est votre grand moment vous n'avez rien eu de si grave, de si important, et de si directement posé sur vos épaules depuis 3 ans bientôt que vous êtes ministre. Et c’est là le moment que vous avez choisi pour vos vacances. Pardonnez-moi si je reviens. Mais vraiment je voudrais impress upon your mind combien cela est sérieux pour vous. Je comprends toutes vos jouissances au Val-Richer, & j’essaie même de n'être pas jalouse ; mais je suis désolée de ce que votre sommeil soit toujours troublé. Enfin votre mère en vous voyant comme cela accablé de travail, vous laisserait bien partir, car elle reconnaîtrait que la politique est sa vraie rivale Adieu. Adieu.
Je renvoie Etienne avec ceci. Je regrette que mon N°7 soit arrivé à Génie trop tard pour vous être envoyé par la poste. Je l’avais donné à [?], à 4 pour le poster de suite. Il ne s’est présenté qu’après 6. Nouveau grief. Par dessus la glace & & Adieu. Adieu. Aujourd’hui variante avant le 26. Adieu.

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6. Beauséjour Mardi le 15 août 1843 à 10 heures

J'ai dîné hier chez Cowley. L'humeur n’était pas trop bonne, on demandait ironiquement à Bulwer si les voitures de voyage de la Reine Christine étaient dans sa cour, d’un autre côté on espérait que le régent n'irait pas en Angleterre. Bulwer part ce soir pour Dieppe et va décidément passer deux jours à Londres. Il sera de retour ici le 24.
Plus je pense à l’affaire d’Espagne plus je vois noir. Si l’on entre une fois dans la voie des paroles aigres cela ira bien mal. Il est très évident que l'Angleterre se trouvera dans la question du mariage à la tête de tout le reste de l'Europe. C'est là ce qui va lui donner et lui donne peut être déjà courage. Or, Aberdeen sait être brutal quand il n’a pas peur. Il faudrait lui ôter l'occasion. Que je voudrais vous parler !
La pieuse contesse est ven hier me dire son dernier mot. Je la précède aujourd’hui à Versailles. Elle veut aller demain coucher à St Germain. Je ne demande pas mieux. Je lis dans le journal de Pétersbourg que le bateau qui avait touché Copenhagen était arrivé à Cronstadt le 29 juillet. La lettre de d’André était du 31. Vraiment St Priest se sera trompé. Mais nous allons voir cela bientôt. Bulwer vient de m’interrompre. J'ai écouté, et j’ai parlé ! L'Angleterre prescrit à Acton la reconnaissance du Gouvernement à Madrid. Aberdeen est dans les idées les plus douces. J’ai accepté, et puis j’ai dit qu’il me revenait de tous côtés des inquètudes sur le mariage que les grandes puissances allaient se mettre en campaqne sur cela qu’il fallait faire bien attention à une chose. C’est que la seule, l'unique chance peut-être pour que le duc d’Aumale fut roi serait le cas où les puissances s'aviseraient de l’exclure d'avance. Cette parole prononcée d'une manière tant soit peu officielle serait comme un défi, et personne en France ne supporterait cela tandis que si on laisse les choses aller d’elles mêmes ; si on ne gâte pas en tripotant et en se méfiant, il est bien sûr que cela ne se fera jamais. Je vous dis en gros ce que j’ai donné comme mon opinion mais cela est entré pour rester dans la tête de Bulwer. Il va à Londres. A propos l'Ambassade anglaise croit savoir que Sébastiani va à Londres en mission. Bulwer ne m'en paraît pas fâché car il sait qu’il est bienveillant. Je remets ceci à Génie que je vais chercher. J’aurai, j'espère une bonne lettre aujourd’hui. Adieu. Adieu. Mille fois, parlez-moi du 26 ou de quelque chose avant. Adieu.

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4. Beauséjour lundi 11 heures
Le 14 août 1843
J’ai trouvé en ville hier votre petit mot d'Evreux. Cela m’a raffermi le coeur. J’ai été à l’église. J’ai prié avec ferveur. M. Cuvier nous a fait un bon sermon, simple, très bien.
En rentrant ici j’ai trouvé Bulwer qui m’attendait. Il part ce soir pour Dieppe d'où il veut revenir à la fin de la semaine pour se mettre à ma disposition. Je n’y crois pas du tout. Acton explique longuement qu'Espartero, avait eu raison dans son place de campagne, le bombardement de Séville était même très habile et très juste. Malheureusement Serano qui devait battre, a été battu. Petite différence qui a tout dérangé. Grande désunion parmi les chefs vainqueurs. Grande vraisemblance et même imminence de troubles à Madrid une réaction. Le parti français grossissant. Grande crainte que l'Espagne toute entière ne demande le duc d’Aumale. Voilà Acton, Bulwer a l’esprit préoccupé du duc d'Aumale aussi, et me demande beaucoup ce que j'en crois. Qu’est-ce que je puis croire ? Je ne crois rien, mais je m’amuse des inquiétudes anglaises, c’est ce que je lui ai dit. En ajoutant qu’ils étaient singulièrement crédules. Après, Bulwer j’ai vu Kisselef. Il n’a pas eu un mot par le dernier bateau, il ne savait donc rien et avait tout à apprendre. Grande éloge des discours du duc de Nemours vanté même par les légitimistes au Club.
A quatre heures je suis partie pour Versailles avec Pogenpohl. Jolie course, air excellent qui m’a donné des forces J'ai marché beaucoup sur la terrasse avent dîner, après dîner à huit heures je suis repartie, j’ai descendu à pied la montagne à St Cloud et j'étais rentrée à 9 1/2 et dans mon lit avant 10 heures. Voilà bien exactement hier. Aujourd’hui je vais en ville je passerai à la porte de Génie. Je dinerai chez les Cowley. Demain je compte m’établir à Versailles, mais je vais encore apprendre si la pieuse comtesse y vient décidément ; si elle ne venait pas j’irai à St Germain que je vois plus gai. Certainement je ne resterai pas ici j'y suis trop triste. Avant hier Appony, hier Bulwer ont fort exalté votre mérite. Grands, grands éloges. Voici du bien beau temps ; mais mon jardin me déplait. Je vous envoie la lettre d’Emilie. Il est clair qu’elle n’a pas grande envie de ce mariage. Je pense beaucoup à tout ce qui se prépare en Espagne, hors d’Espagne. Je crois beaucoup à une ligue européenne contre le mariage possible avec la branche d’Orléans. Je crois surtout que vous seriez mieux à Paris dans un moment pareil qu'au Val-Richer. Que de retard ; & que d'occasions où un jour de retard porte un dommage difficile à réparer. Je ne puis m’empêcher de répéter avec beaucoup d’autres que vous vous en allez tout juste au moment où vos embarras et votre action commencent, c’est singulier ! Je me sers du mot le plus poli. J’en ai de bien gros au bout des lèvres. Adieu. Adieu pourtant. Adieu. Le 26 et peut être avant. Pensez un peu si avant ne deviendrait pas nécessaire ? Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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307. Paris, mardi 5 Novembre 1839

Pas de lettres encore aujourd'hui ! Que faut-il que je pense et comment voulez-vous que je ne sois pas inquiète, très inquiète. Je voudrais m'imaginer que c’est la poste et ses négligences qui me vaut ce chagrin. Mais deux jours de suite c’est trop pour cette cause. Vous ne savez pas à quel point je m’inquiète.
M. Molé m’a fait une longue visite hier, il repart aujourd’hui pour quinze jours il va chez Madame de Castellane. Il allait hier soir aux Tuileries. Son dire est un peu méprisant pour le ministère, et sans spéculation pour l’avenir. Il voit des hommes, mais il les voit toujours isolés sans moyen aucune de faire un pluriel. Il ne comprend pas cependant que le ministère tel qu’il est puisse aller à la rencontre des hommes puissants siégeant sur leur banc. Il critique fort l’affaire de Don Carlos. Il ne fallait pas le retenir trois jours. Aujourd'hui et tous les jours il sera plus difficile de le relâcher. On vient de bannir de Bourges un ami de Don Carlos auquel on n’avait accordé que depuis huit jours la permission de résider auprès de lui.
J'ai mené hier au soir la Princesse Saltykoff chez Lady Granville. Il y avait fort peu de monde. Pahlen s'annonce pour le 10 décembre. Je persiste cependant à douter qu’il vienne. Personne n’a vu l’Empereur depuis Borodico. Il ne quitte pas sa femme. Elle allait mieux cependant. Le pauvre Bulwer a un gros chagrin. Lady Granville recevra sa belle-sœur, je n’y puis rien. Je trouve qu’elle a tort, mais elle ne m’a pas demandé mon opinion. Je calme Bulwer de mon mieux.

Midi. Dieu merci, voici deux lettres ! J’étais excessivement agitée, je ne savais à qui demander, où envoyer. J’ai parcouru avidement les journaux cherchant votre nom. Cela n’avait pas le sens commun mais le cœur n’a pas beaucoup d'esprit. Je vous remercie de n’avoir pas eu d'accident. c’est donc le 13 que je serai contente. Demain en huit. Quel plaisir ! J'ai fait comme vous me dites, j’ai écrit au Duc de Sutherland, Bulwer a écrit à Cunning pour une interrogation simple, et l’affaire va finir. Pas de nouvelle d’Alexandre Il faut bien que je m’inquiète encore de ce côté.
Adieu. Adieu. Le journal des Débats et le moniteur me paraissent assez piquants. Adieu mille fois. Dites à votre poste de ne plus me donner de frayeurs. M. Bresson est arrivé de Berlin hier. On a trouvé fort mauvais à Berlin que le roi de Hollande ait reconnu Isabelle et on le lui a dit.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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305. Paris, dimanche le 3 novembre 1839

Vous avez mal interprété shabby. Je voulais dire et cela veut dire en Anglais, avarie, parcimonie et je l'appliquais aux quelques jours que vous me volez.
Je viens de recevoir une lettre de Bruxner qui m'annonce l’argent que m’avait déjà annoncé mon frère et me dit en même temps qu'on allait commencer sons peu la vente à l’encan, ainsi après le départ. de mes fils. Il n’y a plus à leur demander compte de cela. D'un autre côté Canning a parlé à Bulwer d’argent que Paul avait à me remettre qui doit être la part des coupons. De toutes les interrogations adressées à mon frère il ne reste donc plus à éclaircir que le premier point et il ne vaut vraiment pas la peine de suspendre pour cela. mention en sera faite pas l’entremise de Canning et mes fils feront ou ne feront pas à volonté. Ne trouvez- vous pas que cela vaut mieux ? Et puis dites-moi vite ; si pour éviter des embarras je ne ferais pas aussi bien de donner à Bulkhausen ma procuration pour lever le capital. Il est conseil général de Russie, sa probité je n'en sais rien, mais il est très employé par notre cour à toute chose. Il me parait qu'il n'y aurait pas de risque. Je donnerais avis à mes fils que je lui envoie mes pleins pouvoirs. C’est lui d’ailleurs qui a avancé 25 milles francs pour les legacy duty. Vite répondez-moi.
Il fait un brouillard de Londres épais comme du cream cheese, do you know what it is ? Il y avait hier toute l'Angleterre chez Granville. Toutes des connaissances arrivées la veille, repartant le lendemain pour l’Italie. Vous savez qu'on a renvoyé de Paris, Labrados, & Nobra deux assidus de Don Carlos. Granville approuve tout ce qui se fait dans ce genre et la détention de Don Carlos. Il espère que les ministres tiendront tête au roi et ne le relâcheront pas Du reste il n’y a aucune nouvelle. On commence à voir que la mission de Brünnow est de l’invention du Prince Metternich.
Adieu. Adieu, oui que de choses nous aurons à nous dire. Et que de choses nous aurons oubliées. C’est insupportable. Je ne me sens pas très bien aujourd’hui je crois qui je ne sortirai pas du tout. Ce brouillard est affreux. God bless you.
Autre proposition; mes pleins pouvoirs au banquier Harman chez lequel le Capital est déposé. N’est-ce pas encore plus simple ? C'est un quaker. Il est banquier de la cour de Russie depuis 50 ans.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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297 Paris, le 26 octobre 1839, Samedi.

Imaginez-vous que Brougham à forcé M. Shafto, un de ses amis résidant avec lui à le Campagne d'écrire à Londres le récit circonstancié de sa mort, pour voir l’effet que produirait cette nouvelle. Une pure plaisanterie. Concevez-vous pareille chose. Le prince Metternich a répondu. Appony épouse, et a la promesse d’un poste indépendant en attendant il sera attaché ici. Vous ai-je dit que mon frère me parle de ce mariage aussi, et se réjouit que sa fille sera auprès de moi? Cela veut dire qu'il sera ravi que je reste à Paris. Il n’a pas de termes d'improbation assez forte pour l’affaire secrète et surtout pour le cordon donné à Espartero ! Point de nouvelles de tout.
Le Roi a été enchanté de revoir Lord Granville. J’ai été encore courir les boutiques de vieux meubles hier, le soir chez Mad. Appony et puis Lady Granville. Je ne laisse entrer chez moi personne, j’ai un peu des coquetteries pour mon appartement et je ne veux pas le montrer qu’il ne soit prêt. Je ne reçois qui Bulwer & Lord Granville, & Thiers l’autre jour dans ma chambre à coucher.
On me dit que tout sera arrangé la semaine prochaine. Le tout me coûtera 30 mille francs & j'espère pas d'avantage. vous êtes fort heureux de ne pas vous trouver auprès de moi dans ce moment, je ne vous parlerais que tapissiers et ébénistes. Peut être cependant que je vous dirais autre chose aussi ! Adieu. Adieu mille fois.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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21 Boulogne lundi 18 août 1845
10 heures

Bulwer m’a parlé très sérieusement et très intimement de la question du mariage du duc de Montpensier avec l’infante. J’ai dit que j’ignorais tout à fait, et puis j’ai dit Pourquoi pas ? " Parce que ce serait mille foi pire que d'épouser la Reine elle-même. Il deviendrait plus puissant que le mari. Des tiraillements à l’intérieur, immense jalousie au dehors. D’ailleurs il est certain que la Reine n'aura jamais d'enfant. " En résumé Bulwer s'opposera de tout son pouvoir à ce mariage. Il en a l’ordre & d'Aberdeen & de Peel. l don't care. Et puis, il a répris. " La seule manière pour que cela puisse se faire serait que Cobourg épousât la Reine. " " Mais alors que Cobourg épouse l'infante et M. la Reine. " " Oui c’est égal." Savez-vous qu'il y a de quoi méditer sur cela. Je vous l'envoie tout cru. J'aurai à ajouter verbalement. Aberdeen ne m’a pas dit un mot d'Espagne, seulement en termes généraux s’attendant toujours à quelque événement là.

Midi. Voici votre lettre de Samedi. Nous sommes rapprochés d'un jour, Dieu merci. Vous ne me parlerez pas de votre santé ! Dites-moi que vous vous portez très bien. Merci mille fois des nouvelles, grandes & petites. Tout m'intéresse. J'ai dîné & passé ma soirée hier avec les Cowley. [Geor?] est fort bonne pour moi. Mon temps pourra se passer passablement pendant quelques jours. Je ne décide rien encore. L'Ambassadeur va pour quelques jours en Angleterre. On en fait peu de cas là. J’ai fort bien parlé de lui. Il me semble qu'il sera bien temps que vous reveniez à Paris, c-a-d. à Beauséjour pour toutes vos affaires et qu'il sera surtout fort bon que vous vous rencontriez avec Aberdeen. Il y a à parler sur tout. Mais ce que lui regarde toujours comme la plus grosse difficulté avec la France, la plus grande, c’est ce petit misérable Tahiti. Il me parait que l'entrevue avec Metternich aura été très courte si celui ce n’est allé qu'à Stolzenfels. Adieu. Adieu.
Imaginez que je n’apprends qu'aujourd’hui que le feu était à bord du bateau pendant que je passais dessus ! Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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85. Paris dimanche le 6 Novembre 1853

Je n'ai rien à vous raconter de nouveau. On parle d'une bataille gagnée ou perdue par nous. Si le gouvernement sait quelque chose, il le tient bien caché.
Meyendorff me mande que Lord Radcliffe est débordé. Aujourd’hui qu'il est sincère dans ses efforts pour le paix, il est impuissant. Nous ne passerons le Danube en aucune cas, sauf si vous envoyez des troupes. Alors nous soulèverions les populations grecques partout. Villeme est venu me faire une longue visite. Il me plaît beaucoup, malheureusement il part, il est nommée Président de Sénat. Il me fait un éloge très grand de la cour de Séville, vraie cour, brillante, digne, comme on n'en a jamais eu en Espagne. Énormes contraintes avec celle de Madrid. Grande popularité pour l'infante et son mari. La Reine n’est pas jalouse mais elle est en respect devant sa soeur quand elles sont ensemble ; la Reine Christine retourne à Madrid sous peu de jours. Narvaez doit y être, Villeneuve pense qu’il reprendra le gouvernement de l’état, pourvu qu’il n'aspire pas à celui du palais. Cela, la reine n'en veut pas. Grand dépouillement à cette cour de Madrid, moralement et matériellement.
Kisseleff & Hübner sont pris à Fontainebleau. Tous les diplomates qui n'ont pas été à Compiègne le sont également. La cour y va le 12. Il me semble que je n’ai plus rien à vous dire sa good bye & Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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294. Paris, le 23 octobre 1839

Toute la diplomatie a été fort divertie hier des révélations du Thiers au sujet d’un entretien qu’aurait eu mon Empereur avec un étranger. Votre gouvernement n'en est pas fâché ; nos bons alliés non plus. Cela fera quelque bruit au palais à Pétersbourg, car le public ne sera pas les journaux qui rapportent cela. J’ai eu un long entretien hier avec Médem sur mes Affaires, et puis sur les affaires. Il m’a donné quelques conseils sur les premiers & quelques soupirs sur les secondes. J’ai eu une lettre de mon Ambassadeur. Il l'annonce pour le 10 Décembre, s'il ne survient pas d'obstacle impérial. Il se réjouit fort de me trouver à l'hôtel Talleyrand. Je suis sûre qu’après vous c'est lui qui aura le plus de plaisir à m'y voir bien établie, vraiment j'y serai bien. Mon appartement. sera arrangé pour votre arrivée, mon ménage pas encore, car pour cela il faut que je sache si j’ai ou si je n’ai pas la vaisselle.
J'ai été hier au soir chez Mad. de Boigne. J’y ai vu le chancelier, il dit qu’il faut relâcher Don Carlos.
Il me semble qu’il n’y a des nouvelles de nulle part. Lord Lansdown a été voir le prince Méternich au Johanisberg. Médem parle de M. de Brunow avec beaucoup de dédain & trouve fort naturel et assez agréable qu'il ait échoué dans sa mission, car le naufrage est sûr. Paul est arrivé à Londres je ne le sais qu’indirectement. Bunkhausen ne m’a point envoyé encore les lettres of administration quoique j'aie accompli toutes les formalités requises pour les obtenir. Je n’ai pas encore répondu à mon frère. Je ne sais pas comment faire pour me plaindre un peu et ne pas le choquer. Car Médem aussi ne comprend pas qu'on ait mis ainsi un oubli mes droits en Courlande et il croit qui c’est une grosse affaire, parce que cette terre est très riche en toute chose. Le prince Metternich n'écrit rien encore au sujet du mariage de Rodolphe Appony. Ce qui fait que la chose est parfaitement en suspens ici ; tandis qu’elle est publique à Pétersbourg. Adieu. Adieu. Je suis bien contente d’apprendre que Pauline est remise, et je suis transportée de joie en vous voyant bien résolu à revenir bientôt. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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285. Paris, lundi le 14 octobre 1839

J’ai été voir hier la petite Princesse après ma promenade à pied au bois de Boulogne. J'avais eu avant la visite de Bulwer, & celle du Baron Krudner notre ministre en Suisse, homme d’infiniment d’esprit, de beaucoup d’instruction, et du plus aimable caractère. Il est sourd tout-à-fait. Il passe pour aller s'embarquer au Havre de là à Pétersbourg. Il s'est marié secrètement en Suisse, il y a 22 ans ! L'idée lui vint que puisqu'il a déjà un fils de 19 ans et d’autres enfants il pourrait bien faire quelque chose pour eux, et il va obtenir que son mariage soit reconnu. Il m’a fait toutes ces confidences comme on raconte qu’on vient de dîner.
Le Prince Paul de Wurtemberg m'a fait sa visite hebdomadaire il croit savoir que Don Carlos tout ne prescrivant officiellement à Cabrera & au Comte d'Espagne de cesser les hostilités leur a fait intimer l’ordre de les poursuivre. Il a envoyé des pleins pouvoirs à l'un des deux juntes qui s’est organisée en Catalogne, Je fus dîner chez M. de Brignoles. Le maréchal y vint après. Je le trouve bien maigri et changé. Les diplomates ont été faire leur tour avant-hier à St Cloud. Ils ont trouvé le Roi, très content, parfaite ment sûr de l’échec qu'aurait subit M. de Brunnow. Cela reste à être prouvé, et nous saurons cela dès l'arrivée de Lord Granville qui sera ici demain au plus tard. Je n’ai point de lettres aujourd'hui. Ce n'est qui demain que vous serez arrivé. pour moi au Val Richer. Adieu. Adieu.
A propos, j’ai trouvé un maître d’hôtel qui me parait bien par pur hasard. Voilà un souci de moins. La liste des autres est grande encore. Adieu mille fois. Je vous ai dit, n’est-ce pas, que M. de Médem ne va plus chez le Maréchal. Celui-ci a été très impoli dans la dernière entrevue.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
Guizot épistolier
280 Paris, le 2 octobre 1839,
9 heures

Ah ! si votre médecin pouvait re connaître en médecin comme moi. J’attends son arrêt avec une espèce d’angoisse. Que j'aimerais ce médecin s'il vous faisait revenir. Dites-moi Dites-moi que vous revenez. Quelle joie ! Bulwerr m'apportera, le lien vers Lord Chatham, mais il croit que vous savez déjà son histoire mieux que tout ce que vous en diraient les le livres. Je conclurai dans la bibliothèque c'est une jolie pièce. Nos habitudes seront probablement dans ce qui était le salon de M. de Talleyrand.
Je n'ai point encore commencé avec la petite lectrice, je suis parvenue à tuer mon temps en sortant après le dîner. Dès que je serai casée ne ne sortirai plus, & c’est alors que j'aurai besoin d’elle dans l’avant soirée. Aurai-je besoin d’elle ? Répondez- moi, demandez-le à votre médecin. Il me semble que moi aussi j’ai besoin de votre médecin. Votre irriitation au gozier a passé dans le mien. J’ai toussé toute la nuit. Le temps cependant est beau.
J'ai été deux heures hier au Marais dans de grandes manifactures de bronze. J'ai choisi de jolies choses. Cela n'a pas le sens commu, car je n’ai pas encore sur quoi coucher, manger & &
Vous êtes parfaitement instruit de nos propositions. Nous verrons. C’est vraiment un moment curieux. Ah, si nous pouvions nous parler ! M. Molé est à Fontainebleau.. La Duchesse de Talleyrand répart demain, et ne reviendra à Paris qu’à la nouvelle année. Midi Génie sort de chez moi, Il avait été très inquiet de vous. Votre médecin lui a écrit un mot dès son arrivée pour le rassurer mais disant que vous avez un rhume. obstiné. Si vous venez, je vous promets de vous laisser à votre travail toute le matin. Je ne vous prendrai rien de votre temps utile. Après le soleil couché vous penseriez à moi, n'est-ce pas ? On dit que la commission de la chambre à Madrid refuse de reconnaître les fueros. Cela serait mauvais. Génie me dit qu’il vous a envoyé hier une lettre de Fontainebleau. Est-ce une invitation ? Que je le voudrais. Je ne suis plus préoccupée que de cela. De façon ou d’autre il me semble que vous devez venir. Cela est si fort entré dans ma tête que le contraire me paraîtrait une horrible injustice. J’attends votre lettre de demain avec un grande impatience. Adieu, adieu. Venez. adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
Guizot épistolier
265 Paris le 18 septembre 1839, 10 heures

Vraiment ma vie est si triste, que mes nerfs ne pourront jamais se remettre. Et comme ce qui ne se remet pas s'empire, il en résulte à présent que j'ai peut être deux heures passables dans la journée sur les autres 22 où je souffre. Je n’ai encore pas dormi cette nuit je ne voulais pas vous écrire, mais vous voulez que je continue, c.a.d. que je mente, car je ne vous dirai pas tout ce que je pense, je pense trop de choses, et je suis trop malade.
Je suis étonnée de vous voir si arrière en fait de nouvelles. Bourges a été choisi dès samedi soir pour le lieu de la résidence de Don Carlos. Je le savais dimanche matin, mais je ne valais rien dimanche, ni lundi, ni depuis. La Diplomatie apostolique est fort déconcertée de ce dénouement des affaires espagnoles. La révolution triomphe partout. Cela ne peut pas plaire aux orthodoxes. Bulwer a eu un long entretien avec le roi dans lequel il me parait qu’ils ne se sont guère entendus sur les affaires de l'Orient. Elles ne vont pas, tout est en suspens, et il dépend toujours de Méhemet Ali d'embraser l’Europe. M. de Metternich doit être arrivé hier au Johannisberg. Tous les courriers lui sont adressés à lui et il désignera de là M. de Fiquelmont qui reste chargé à Vienne de remplir ses ordres.
Il fait le plus triste temps du monde. De la pluie, du vent beaucoup. Être seule vis à vis de cela, ah quelle vie ! Votre dernier paragraphe ce matin est bien tendre, il m’a fait du bien. Cela vaut mieux que les remèdes de Chermside. Voyez si votre petite lectrice voudrait de moi, je l'enverrais prendre dans ma voiture. Dites moi aussi ce qu'on donne, ce serait pour une heure dans l'avant soirée. Adieu, les crampes reviennent. J’ai peur de vous écrire. God bless you.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
Guizot épistolier
264. Paris Mardi le 17 Septembre 1839, 9 heures

Je me sens un peu mieux aujourd’hui ce qui fait que j’ai le courage de vous écrire. Hier encore a été une bien mauvaise journée. Mes crampes ont recommencé, mes nerfs ont été dans un état affreux. J’ai passé la journée seule. Si je n’avais pas eu quelque heures de sommeil vous n'auriez pas de lettres ; car décidément je ne risquerai plus de vous écrire lorsque mon cœur ressemble à mes nerfs. Vous avez raison dans tout ce que vous me dites ce matin et mon Dieu, mais ce n’est pas la raison qui est mon culte ; je n’aime pas par raison. Il n’y a rien de raisonnable à aimer. Et vous avez mille fois raison de ne pas aimer à ma façon. C'est une mauvaise façon. On m'a mis ce matin dans un bain d’Eau de Cologne. Je laisse faire sans avoir confiance en rien. Cela ne durera pas longtemps. Je ne m'occupe plus de chercher quelqu'un, je ne m'occupe plus de rien de ce qui me regarde. Je vous ai dit souvent que je craignais de la folie, je la crains plus que jamais parce que je la vois venir.
J'ai une mauvaise affaire sur les bras. Malgré les promesses que j'ai faites à Bulwer de la part de madame Appony il a rencontré sa belle-sœur chez elle hier au soir. Il me le mande dans un billet ce matin, et veut pour conseil. Il regarde ceci comme une insulte personnelle. Il a raison et cependant ce n’est sans doute qu'une bêtise de Madame Appony. Mon conseil sera qu’il n’y retourne pas. Moi, j’ai droit d'être blessée aussi car la promesse m’a été donnée à moi.

1 heures
J'ai eu la visite de Génie. C'est un bon petit homme ; ce qui me prouve ma décadence et ma misère est le plaisir que me fait la visite d'un bon petit homme ! Après lui est venu Bulwer ; j’étais encore dans mon bonnet de nuit. Il n’avait pas fermé l'œil depuis hier, il voulait écrire à Lord Palmerston demander son rappel de Paris à cause de l'insulte des Appony, enfin il était dans un état violent. Au milieu de cela je reçois la réponse de Madame Appony à une petit billet d’interrogation un peu vif que je lui avais écrit, et j’éclate de rire. La belle sœur n’y avait pas été. Bulwer a eu une vision ... Il n'en revient pas. Il soutient qu'il la vue. Je l’ai assuré qu’il se trouvait obligé de croire qu’elle n'y était pas, car mensonge ou non, il est bien certain maintenant qu’elle ne s’y retrouvera plus.
Le billet de Madame Appony est long, plus de tendresses pour Bulwer, d’indignation de ce que nous soyons cru capable de manquer à ses promesses. Enfin c’est fort drôle, et c’est fini. Hier Bulwer causait avec Appony lorsqu'il a eu sa vision. Il a laissé court et est sorti brusquement de la maison.
A propos de maison, Démion est revenu. Je prends l’entresol à 12 mille francs. On dresse un inventaire des meubles. Je prendrai ce qui me conviendra.
Rothschild m’a mandé qu'il avait abdiqué ses droits entre les mains de Démion, il n'y peut donc rien. Et bien, j’ai cet entresol ! Cela ne me fait aucun plaisir, rien ne me fait plaisir. J’ai écrit hier à Benkhausen pour demander les lettres of admisnistration d’après ce que me dit mon frère lui ne le ferait pas. Si j’attends l'arrivée de Paul ce sera encore une complication une fois les lettres obtenues, l'affaire est plus courte & plus nette. Je crois que je m’épargne du temps et des embarras, & que je suis en règle. Le pensez-vous aussi ? Pourquoi attendre. Je chargerai Rothschild de lever le capital et de remettre leurs parts à mes fils voilà qui est simple.
L’affaire de Don Carlos est regardée ici comme un grand triomphe. En effet, c'est une bonne affaire. Si on est sage à Madrid cela peut devenir excellent. Palmerston, & Bulwer ont écrit à M. Lotherne pour qu'il presse le gouvernement de ratifier la convention de Maroto. Mais vu dit qu'il y a de mauvaises têtes dans les Cortes. Adieu, je suis mieux ce matin. Je ne sais comment je serai plus tard. Ne vous fâchez jamais avec moi avec toute votre raison, & laissez- moi vous aimer avec toute ma folie. Adieu

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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102. Ems vendredi 21 juillet 1854

Encore Ems. Tout était prêt ; mes gens à peu près partis & moi sur le point de monter en voiture hier, j’attendais seulement la poste & mes lettres. En voilà une d’Olliffe qui m'annonce que lui & Morny seront ici aujourd’hui. Je remets mon départ, je les attends. Hélène n’a pas pu attendre, elle est partie et mon fils aussi. Ce matin une lettre de Morny du même jour mais plus dubitative. Cela me vexe. Je n’attendrai pas au delà de demain, et je partirai. Par quoi finira ma tristesse ? Je ne me sens de courage à rien si vous étiez là ! Ah mon Dieu quelle bénédiction, quel bonheur ! Mais personne à qui dire ce que je pense, personne même avec qui causer de ce qui se passe et dans quel moment !
Je ne crois pas du tout à la soit-disant dépêche de Nesselrode à Budbery. C’est trop absurde et d'un ton qui n’est pas à notre usage. Les minoteries à droite et à gauche sont incroyables. Constantin est toujours à Peterhof. La mort du Comte Vorontsov a causé là un vif chagrin. Tout de suite après les couches malheureusement de la Grande Duchesse Catherine, femme du Duc George de Mecklembourg. Elle était très mal et l’enfant mort. On ne parle plus des flottes à Peterhof, ni de la guerre.
Évidemment l’Autriche hésite encore. Cela ne peut cependant pas se prolonger. La Prusse est toujours en grande tendresse pour nous. Les petits allemands attendent avec curiosité. Il me paraît que l’Espagne tout entière à fait son prononciamento. Ce n’est pas mauvais, mais cela peut nous donner du nouveau. L’Europe est bien arrangée ! Adieu & Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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187 Samedi 2 mars 1839

Mercredi seulement. Que c’est long ! je m'afflige, mais je ne me plains pas. Je ne suis pas inquiète comme vous le dites. Mais cela me fait beaucoup de peine. Cela vous ne vous en plaindrez pas ? Oui le 4 ! C’est horrible, mais je ne puis ni en parler ni en écrire.
J’ai eu une lettre de Paul hier. L’Empereur a envoyé de suite à Londres le comte Strogonnoff pour remplacer mon fils pendant le voyage qu'il va faire en Russie. Il lui enjoint de venir de suite attendu qu’'il désire le voir. Paul ne veut pas aller dans ce moment, sa santé ne va pas à un voyage rapide dans la rude saison. Il ira dans quatre semaines on trouvera cela étrange, il fallait courir ventre à terre dès le lendemain ! Voilà comme on est chez nous. J’ai eu ma lettre de mon frère ce matin ; il avait reçu mes deux lettres. Celle de reproche et l’autre écrite après la mort de mon mari. La sienne contient que des hélas et des reproches sur ce que je ne veux pas vivre en Russie. Voici le lieu de lui dire une fois pour toutes pourquoi je n’y veux pas vivre et que je n’y retournerai jamais. Je vous montrerai cette lettre, je ne l’enverrai qu'après vous l’avoir lue.
J’ai vu hier matin chez moi la comtesse Appony. J’ai fait le plus agréable dîner possible chez Lady William Bentinck, elle, son mari et Lord Harry Vane, voilà tout. Très anglais, très confortable, j’ai eu presque de la gaieté. Le soir chez moi, mon ambassadeur, celui d’Autriche, Fagel, M. de Stackelberg & le Prince Waisensky. Don Carlos a retiré sa proclamation contre Maroto. Après l’avoir déclaré traître, il approuve tous ses actes, lui rend le commandement. Enfin, c’est une confusion plus grande que jamais, et mes ambassadeurs disent que ce qu'il y a de mieux à faire est d’abandonner complètement Don Carlos et le principe. Les princes gâtent le principe.
Lord Everington vient d'être nommé vice roi d’Irlande, c'est un très grand radical, un homme d’esprit, membre distingué de la chambre basse, et très grand seigneur quand son père Lord Forteseme mourra. Je vous conterai comment un jour il est resté caché pendant deux heures dans les rideaux de mon lit ! J’ajoute, puisque vous êtes si loin ; que c’est mon mari qui l'y avait caché. Vous feriez d’étranges spéculations si je ne vous disais pas cela. Et ce n’était pas cache cache.
Le petit copiste est venu. Il a commencé aujourd’hui. Cela va très bien. Les ambassadeurs avaient vu M. Molé hier. Les nouvelles sur les élections sont d’heure en heure meilleures pour les ministres. Vous avez bien fait de n'être pas allé à Rouen, mais vous faites très mal d'avoir du rhumatisme. Je vous le disais lorsque vous êtes parti, j’étais sure que vous alliez prendre froid. Faites-vous bien frotter au moins Adieu. Adieu, il faut donc encore écrire demain et lundi. What a bore ! Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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104. Ems le 24 Juillet 1854

Me voilà encore. J’ai du plaisir à la société de Morny. Je ne trouve rien de si agréable à Schlangenbad. D’abord c’est que je n’y trouve rien du tout. La chaleur est excessive. Je recule devant ce voyage. Je reste emballée cependant, mais je lambine. Ici nous causons beaucoup, toute la journée. Morny est bien agréable. Il a de plus un talent de musique charmant. La plus belle voix. Il est bien à son aise, je n’ai plus personne, car le prince de Prusse est absent pour quelques jours.
L'Espagne devient une véritablement grosse affaire. Personne ne s’en mêlera. C’est convenu. B. d'Hilliers va avec ses troupes occuper l'île de Gothland, c. a. d. qu'on l’y reçoit. La Suède se serait donc compromise contre nous. Cela me parait exorbitant mais nous devons nous attendre à tout. Nous avons bien mené nos affaires !
Comme il y a à parler, à penser. Une grande révolution s’opère en Europe. Toutes les situations sont changées. & l'ancien état de choses ne peut plus revenir. J'ai beaucoup à dire, mais Je meurs de chaud, et j’écris un peu loin.
Morny est découragé. Il croit qu’Ems ne lui conviendra pas. Olliffe est d'un avis contraire. Ils vont décider ce soir s’il reste ou s’il va à Plombières. Il a eu aujourd’hui une reprise de ses audiences de Paris. Adieu. Adieu. Je n'ai aucune nouvelle de Russie, & je ne crois pas un mot aux nouvelles des journaux. J’attends les faits. Une bataille. Encore ! Personne n’aura été battu. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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185 Paris, le 28 février jeudi 1839

Votre lettre m’a réjoui le cœur ce matin, je vous en remercie. Vous saurez que le duc de Wellington a eu une paralysie à ma façon, un rhumatisme dans les épaules, pas autre chose. Il se porte bien. J’ai vu chez moi hier matin, mon ambassadeur, M. de Montrond, et Lady William Bentinck. La bonne femme ! Je pleurais. lorsqu'elle est entrée, car je pleure souvent. Cela l’a fort touchée. Elle m’a fait toutes les propositions imaginables. Elle voulait m’envoyer un espagnol un homme qu’elle aime beaucoup, un excellent homme à ce qu’elle dit qui viendrait chez moi tous les jours pour me distraire ! Et puis elle m’a demandé si elle pourrait m’envoyer des oiseaux, elle dit que les oiseaux distraient. Enfin elle m’a envoyé des gravures, et puis elle veut que j'aille dîner demain seule avec elle et son mari. Comprenez-vous qu’on puisse rire et s’attendrir tout à la fois ? Il y avait tant de bon cœur et tant de bêtise dans tout cela que je ne savais comment m'arranger entre mes larmes et un peu d’envie de me moquer d’elle la reconnaissance l’a emportée, et je range Lady Wlliam dans la catégorie des plus excellentes femmes, que j'aie jamais rencontrée.
Je n’ai trouvé chez Mad. de Talleyrand à dîner que M. de Montrond. Elle est inquiète de ce que le consentement de son mari au mariage de Pauline tarde tant. Palhen en est maigrie.
Le soir j'ai vu chez moi Messieurs d’Armin, de Pahlen, et de Noailles et M. Molé ; qui est fort bien touché. Il avait sa plus douce mine, et de la bonne humeur. Il attend, comme tout le monde attend. Mercredi si le temps est clair, il saura tout. Il m’a confirmé ce que je vous disais d’Espagne. Maroto est mis hors de la loi déclaré traître. Vous voyez dans les journaux à quel point on s'émeut en Angleterre pour l’affaire du pilote. Lisez la discussion à la Chambre basse. Adieu votre lettre est charmante et bonne. Mais je n’aime pas les lettres. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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184 Paris, Mercredi 21 février 1839

Je suis parfaitement triste et parfaitement ennuyée. La journée hier m’a paru bien longue. Comment ferai-je jusqu'à mardi. Thiers est venu chez moi ; il m’a moins divertie que de coutume. Je le trouve plus grave, c’est peut- être que je le suis. Cependant une heure et demie de causerie avec lui, c-à-d lui causant toujours, m'a fait une bonne distraction. J’ai vu dans la soirée Lord & Lady Granville et mon ambassadeur ; la nouvelle du jour est Marato fusillant tous les généraux sous ses ordres et Don Carlos déclarant Marato traître. Voilà donc la confusion et l’anarchie dans son camp. Cela pourrait bien le faire lever tout-à-fait. Granville avait l’air fort réjoui de ces nouvelles. Pahlen l’était moins. Il m’avait porté notre journal officiel renfermant un long article sur mon mari assez bien fait ! Ce qui y est le plus remarquable est ce qui n'y est pas. Ainsi pas mention de sa femme. Du reste une biographie très exacte, il est même question de ses enfants. Lady Jersey m’écrit une fort bonne lettre plus du grand dîner, mais rien de sa part qui me regarde. Il est excellent pour mon fils pour un fils, c’est tout ce qu'il me faut.
On traîne en Belgique, cela a l'air d'un parti pris ; on ne veut pas finir avant de connaître le résultat de vos élections. Voici du beau temps, j’ai été l’essayer aux Tuileries, plus tard J’irai au bois de Boulogne à 5 h. chez Lady Granville, je dîne chez Mad. de Talleyrand ; vous savez maintenant mes faits et gestes. Apprenez moi les vôtres. Adieu. Adieu. C’est bien dur de devoir se dire adieu de si loin en février. Nos beaux jours ne sont plus que les plus mauvais de l’année.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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105. Ems le 26 juillet 1854

Toujours ici encore. Vos lettres se promènent mais elles m'arrivent je n’ai pas fixé de jour, je lèverai le camps du soir au matin. Je suis restée emballée depuis 8 jours. Morny est bien malade, et découragé. Il ne veut pas rester ici, mais il ne se décide pas. La conversation me plaît et m’amuse, je m'ennuierais à Schlangenbad profondément. Hélène m'écrit pour m'exhorter à rester. Elle sait que l'ennui est ma plus grande maladie. Enfin je suis encore là, sans savoir si j’y serai demain. Nous avons des chaleurs excessives. On ne peut pas bouger le jour. On ne peut pas dormir la nuit.
Pas de nouvelles. D'Orient rien militairement & politiquement on élabore quelque nouveau protocole qui voudra dire que nos propositions ne sont pas acceptées. Je sais ce pendant qu'on les a trouvé pas sables et que sans y donner suite à présent, on les regarde comme des jalons pour l’avenir. L’Espagne. Que va-t-elle devenir ? Je crois que c'est Espartero qui va reparaître et régner.
Je ne sais sur la mort du général Aurep que ce qu’en disent les journaux. Sa femme avait passé ici il y a une dizaines de jours. Elle ne s’y est arrêté que quelques heures pour me voir. Les journaux sont si menteurs que je ne crois pas encore à cette mort. Si l'Espagne était arrivée dans la belle saison du bavardage de mon salon, que de choses à se dire, et Dumon comme il parlerait ! Adieu. Adieu, que se passera- t-il encore jusqu’au temps où nous nous retrouverons tous ? Ce temps viendra-t-il ? Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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443. Paris, Lundi 5 octobre 1840
9 heures

Hier a été une journée bien active et bien bavarde. D’heure en heure quelque rapportage, et à 5 heures à Tortoni la nouvelle que Thiers avait donné sa démission. On disait qu’il avait résolu de convoquer les chambres, d’y apporter la guerre et d’ordonner en attendant la marche de 200 000 hommes vers le Rhin et l’envoi de votre flotte à Alexandrie pour l’apposer aux alliés. On disait que le roi n’avait point voulu accorder tout cela, ni rien de cela, et que par suite Thiers donnait sa démission. nous verrons aujourd’hui. Berryer est venu chez moi à deux heures. Il ne savait rien de ces bruits, ils n’ont circulé que plus tard mais il me dit qu’une crise ministérielle était arrivée : que Thiers ne pouvait point reculer, qu’évidemment il lui fallait la guerre et que la chambre accueillerait avec transport la guerre, parce que telle était la disposition des esprits maintenant qu’il fallait commencer cependant que Thiers avait fait bien des fautes, qu’il n’avait fait que des fautes mais que pour le moment il ne s’agissait pas de les examiner, qu’il fallait satisfaction à l’amour propre national, et que comme cette satisfaction ne se présentait pas pacifiquement, il fallait la prendre de l’autre manière que ces derniers deux ans avaient fait une grande révolution dans les esprits, qu’il ne pouvait plus y avoir dévouement ou confiance, que les existences avaient été troublées, tout remis en question, et que dès lors, tout pouvait ressortir de cette situation. Que l’Angleterre avait été bien habile, que lord Palmerston était le plus grand homme qui eut paru depuis M. Pitt. Paralyser à la fois la Russie, (je n’ai pas accepté la paralysie) remettre à la tête des grandes puissances, s’emparer de la direction des affaires en Espagne, et rendre ainsi la situation de la France périlleuse de tous les côtés, c’était là un chef d’oeuvre d’habilité, enlevé galamment avec une prestesse admirable. Enfin il grossirait cela de toutes ses forces pour enfler les comparaisons. Il parlait pitoyablement des notes diplomatiques. Il demandait la réponse au factum accablant de Lord Palmerston ? Et puis il a brodé sur les crédits extraordinaires, sur les fortifications de Paris surtout, et de quel droit, sans avoir consulté la Chambre ? Et le bois de Boulogne à qui appartient-il ? Il dit après : le roi a tiré de ce ministère tout ce qu’il lui fallait pour sa propre force. Ce que Thiers préparait pour dehors, le roi se promettait bien de l’employer au dedans et le jour où arrivera la la nécessité d’une révolution extrême, le roi ayant profité habilement de tout ce que la popularité de Thiers a pu lui fournir jusqu’à sa dernière limite, le Roi se passera de lui. Placé entre deux dangers une lutte extérieure, et une lutte intérieure, le roi choisira toujours cette dernière chance. Voilà le dire de Berryer sur la situation en gros ; il n’a point nommé les personnes. Il a seulement dit en passant que vous et Thiers étiez mal ensemble, j’ai dit que ce devait être nouveau parce qu’il me semblait tout le contraire lorsque j’étais à Londres.
Après Berryer, j’ai vu tout mon monde diplomatique les quatre puissances alliées agités, mais point inquiets. Ils ne croient pas sérieusement à la guerre. Sébastiani a dit hier encore à 4 heures de l’un de ces diplomates. Tenez pour certain que le roi n’y consentira pas. Le petit ami est revenu hier une seconde fois très animé, très troublé de tout ce qu’on dit, et de tout ce qu’on lui demande. Je lui ai dit de vous tout dire dans le plus grand détail. Hier soir à 10 heures, M. de Broglie était chez Granville, qui lui a appris tout le tripotage de la journée. M. de Broglie n’en savait pas un mot, et ne voulait pas y croire. Il ne voulait pas croire que le ministère eût pu arriver à ds résolutions aussi excessives. Mais M. de Broglie, me parait être quelque fois un enfant. moi, je suis très très préoccupé de tout ceci pour vous !
Lady Palmerston m’écrit. avec amitié. Sur les affaires elle me dit : " Lord Palmerston désire plus que personne la paix, et je ne puis croire qu’avec ce désir général il y ait crainte de guerre. La conduite de M. Thiers rend toute négociation à présent fort difficile, mais il est clair que l’on serait fort aise de s’accommoder avec la France autant qu’on peut le faire sans déshonneur, et sans abandonner ses alliés. Mon mari est fort raisonnable dans cette affaire et saisirait volontiers tout moyen d’accommodement qui ne porterait point atteinte à l’honneur de son pays, ainsi ne dites pas que c’est de lui que dépend la paix ou la guerre, parce que le résultat est bien plus entre les mains de M. Thiers. Si la France se comporte comme une écervelée ce ne serait point une excuse pour nous d’être lâches ou d’abandonner nos alliés." Elle me dit encore que le duc de Wellington et Peel sont bien plus déterminés encore que son mari, et que Peel a dit : " Si l’on fait des concessions à la France, il n’y aura pas de paix dans trois mois. "

Onze heures
Je reçois votre lettre c’est charmant d’être à Lundi, c’est charmant Mercredi. Mais que faire de l’intermédiaire ? Votre gravure est devant moi dès que je quitte mon lit, tous les jours je trouve la ressemblance admirable. Mais pourquoi ne me regardez-vous pas ? Est-ce le peintre ou vous qui avez voulu cela ? Je ne suis pas sûre que vous ayez eu raison ; c’est parfait comme cela, mais votre regard fixé sur moi, c’eût été mieux encore. Je me repens d’une petite querelle que je vous ai faite hier pour abstenir des nouvelles modernes plutôt que des souvenirs anciens d’Angleterre.
Je me repends de tout ce qui n’est pas des paroles douces tendres ; de loin il ne faut jamais un moment d’impatience même sur ce qu’il y a de plus puéril. compte sur vous. Vous me connaissez un peu pétillante, vive et puis c’est des bêtises.
Mad. 79 se plaint de ce que le bouleau a trop d’intimité avec les personnes qui ne sont pas de l’avis de R. Les journaux ce matin sont bien plats à côté du commérage de la journée d’hier. Le constitutionnel est en bride. L’incertitude ne peut pas durer.
Je ne me porte pas mal, mais je ne suis pas encore assez bien pour voir du monde. Le soir cela me fatiguerait. M. Molé est revenu hier mais je n’y étais pas. Je passe le dimanche à l’ambassade d’Angleterre. Je trouve lord Granville très soucieux. Sa femme est allée avant hier à St Cloud. Elle n’y avait pas été depuis plus de 3 mois. Jamais, elle n’a vu la reine dans l’état d’accablement et de tristesse où elle l’a trouvée.

Samedi 1 heure.
Je n’ai vu personne encore, je viens de marcher sur la place, je rentre pour fermer ni avant les interruptions. Je vous écris des volumes il me semble, mais il me semble aussi que vous les voudriez encore plus gros. Je vous crois insatiable comme moi. Je vous crois comme moi en toute chose, en tout ce qui nous regarde, un peu aussi en ce qui ne nous regarde pas. Enfin je trouve que nous nous sommes tellement eingelebt (Connaissez-vous la nature de ce mot ? ) que nous n’avons plus besoin de nous rien demande,r nous nous devinons. Devinons-nous ce que deviendra ce mois-ci ? Ah pour cela, non !!

Adieu. Adieu. La crise ne peut pas se prolonger. Il faut que la convocation des chambres ressorte de ceci. Adieu. Adieu toujours adieu quoique vous commenciez un peu à le mépriser, et moi peut être aussi. Mais nous sommes trop pauvres pour ne ps accepter les plus petites aumônes. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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422. Paris, dimanche 6 heures 13 septembre 1840

Je me suis sentie indisposée ce matin, j’ai fait venir Chermside, il croit que j’ai pris froid. Le temps a subitement passé au froid. J’ai vu Bulwer longtemps les Appony, mon ambassadeur j’ai renvoyé Flahaut, sa femme et d’autres.
Les ambassadeurs se sont disputés chez moi. L’Autrichien soutenant que sa cour lui mande qu’en cas de marche d’Ibrahim, les Russes n’occuperaient pas Constantinople. et le Russe soutenant que nous l’occuperions. Ce discrepancy m’a un peu étonné. Le 29 actuel a vu hier au soir Z et et a obtenu l’assurance positive qu’il ne méditait point de coup de théâtre au loin. Cette idée avait été fort accréditée hier. On dit que l’Angleterre devrait bien souffler au Turc à Londres une proposition d’accommodement avec la France, c’est-à-dire que le Turc offre bénévolement de meilleures conditions au Pacha plutôt que de voir de la désunion entre des puissances qu’elle (la Turquie) regarde comme également bienveillante pour elle, et dont la rupture pourrait avoir des résultats fâcheux pour son existence. Croyez-vous qu’on inspire cela ? Ou qu’on l’ordonne, car on peut ordonner. Ce serait a loop hole.
Les nouvelles d’Espagne sont bien critiquées. Il faudra que la Reine s’humilie ou s’enfuie. Que ferez-vous dans cette affaire ? Un gouvernent qui ne serait pas soutenu par la gauche irait peut-être au secours de la Reine. Mais il est difficile que vous le fassiez. Il y a des gens qui croient que vous le ferez quand même, pour faire aujourd’hui quelque chose. Cela me semble impossible.

Lundi 14. 9 heures
Mon ambassadeur est revenu hier au soir avant de se rendre à deux routs (Appony et Flahaut) il m’a répété qu’il n’a pas eu un mot de Petersbourg, pas un mot depuis le mois de juin. Il en est fort content. Les lettres particulières de là disent qu’on n’y croit pas à la guerre, que personne n’y songe. Lui, Pahlen, la croit très possible , et même très difficile à éviter. Il me demande ce que je ferai ? Je le demande aussi que devenir ? Ah mon Dieu ! J’ai assez bien dormi. Mad. de Talleyrand est à Rochecotte. Elle m’a attendu quelques jours à Paris, à ce qu’elle prétend elle m’engage à aller chez elle ce que je ne ferai pas.
Mad. Appony est moins éprise de sa belle-fille que ne l’est son mari. Elle la trouve bien frivole, et rien que frivole ; toute la journée se passe en toilettes. Elle tremble pour l’avenir lorsque le beau trousseau sera fané ! Lui Appony n’est pas si inquiet ; il est charmé d’une jolie femme dans se maison et me parait tout aussi amoureux que son fils. Midi. J’ai revu le gros Monsieur et quelque chose de mieux que lui. Merci, merci. Demain mardi sera un mauvais jour, je voudrais qu’il fût passé ! Ah je voudrais qu’ils fussent tous passés, tous les jours de séparation ! J’ai écrit à Thiers le lendemain de mon arrivé ; il n’est pas venu, et ne m’a pas répondu. je continue à me coucher à 9 1/2, j’ai bien besoin de repos.
Adieu, adieu. Je ne prévois pas que j’apprenne rien de nouveau d’ici au moment de la poste. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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10. St Germain lundi 20 juillet 1846
Lord William Hervey est venu dîner avec moi hier. Nous avons causé de bien des choses. Plus de guesses que de facts, car on ne leur écrit rien, rien du tout. Cowley n’a pas un mot de Palmerston, ni d'affaires, ni de réponses, à son offre de démission. Cela les étonne et donne bien quelques petites émotions aux dames. Hervey m’a montré quelques lettres dont j’ignore les auteurs. Toutes disant que l'air s'obscurcit, gloomy prospects. Jeudi dernier. M. Dennison très excellent Whig, que je connais depuis longtemps pour un homme d'esprit et très considéré a tenu & pris un langage d'opposition. Gendre du Duc de Portland, grand ami de Canning. John Russell est évidement embarrassé. La question du sucre est un gros embarras. On croit très probable qu'il la perde, il faudrait dissoudre, ou quitter la partie. Le mois d’octobre pourrait voir la chute de ministère, et l’avènement d’un ministère protectionniste qui n’aurait guère plus de durée. Cela confirme la lettre de la petite grande dame ! Nous reviendrons à pied avant un an.
Le roi a reçu samedi soir Miraflores & Cowley. Beaucoup beaucoup causé avec le premier dans un salon à part. Un peu causé avec Cowley dans le salon de la reine. Le vieux un peu susceptible. C’est cependant bien naturel. Il n’y aurait que du rabâchage au fait il n’est plus dans les affaires. Hervey revient toujours à l'Espagne & moi j’insiste plus que jamais sur votre idée de s’entendre pour l’un des fils. J'affirme que vous le voulez sincèrement comme la seule bonne solution, bonne pour la chose et pour la communauté de conduite. Trapani doute, non pas de vous, mais du Roi, qui viendra mettre son Trapani entre les jambes. Je me suis montrée très surprise des doutes. Il me parait que c'est vous qui menez les affaires. Il a dit ensuite qu’ avec Christine à Madrid on n’aboutira jamais. Cela c’est possible, & je crois que si vous l’invitiez à venir à Paris ce serait plutôt fait ! il regarde Montémolin comme a scourge for pain. On peut l’épouser mais après ce sera la guerre civile dans le palais dans le pays, partout. Il craint que Miraflores n’entretienne le roi dans l’idée de Montémolin. Metternich très mécontent de Rome, du Pape, de tout et travaillant de toutes ses forces contre ce qui s’y prépare. Hervey m’a rejeté Sébastiani. Cela est fort répandu dans le corps diplomatique. J’ai repoussé comme parfaitement ridicule. Il y a trois ans peut-être & par votre fait. Aujourd'hui on rirait de vous, & personne ne songe à une pareille absurdité !
Midi. Voici votre lettre. [Monted ?] après dîner, quant à Hervey, car c’est hier qu'il est venu. Mais je lui ai dit tout ce qu'il fallait ; il est très persuadé & moi aussi que Palmerston ne se prêtera jamais au Montémolin ce qu'il croit aussi c'est que Palmerston ne prendra jamais hautement le métier de patron d’un candidat quelconque. Ce n’est pas dans les principes anglais. On n'impose pas un roi ou un mari. C’est vrai cela. Ce serait une interférence very unconstitutional. Mais il marcherait à votre suite, c’est Hervey qui parle. Cela ne me semble pas dans la nature de Palmerston. Voici une lettre de sa femme, évidemment la situation est épineuse & fragile. Renvoyez-moi la lettre, pour que je l'aie après demain. Ce n’est pas une lettre glorieuse. Et puis je la trouve bien réservée, pas un mot de foreign politics. Ils ne sont pas à leur aise. Cela n’ira pas. Je trouve toujours que votre proposition d'entente & d’action en Espagne est excellente, si bonne manière de commencer un bon ménage s'il en veut. S'il ne peut ou ne veut pas entrer là dedans il est vraisemblable que vous obtiendrez au moins la neutralité. Mais le principe de non interférence ne s’applique-t-il pas à vous aussi ? Enfin je voudrais bien que cette grande fille fut mariée.
Merci merci des avis sur Trouville. C’est excellent, & il est plus que probable que j’irai faire ce petit voyage pour deux jours, sur lesquels un dîner au Val-Richer. Comme je vous ai dit après les élections le 4 le 5. Nous verrons. Adieu. Adieu. Je ne veux pas retenir le message. Je n’ai reçu de Londres que la Palmerston. Adieu. Adieu.

Auteur : Denys de Damrémont, Auguste (1819-1887)
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Copie conforme de la lettre originale de Monsieur de Damrémont existant entre les mains de Madame de Charnailles sa sœur. Cette pièce a été timbrée le 29 avril 1848

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
Guizot épistolier
280 Du Val Richer, samedi 28 sept 1839 5 heures

Je ne veux pas faire comme ces deux derniers jours, ne vous écrire que le matin quand je ne le puis plus. Je m'ennuie d'être si peu avec vous. Votre conversation me serait si agréable ! Je suis fatigué, mal à l'aise. Il faut que je me mette à la diète, car quand j’ai mangé, j’ai toujours plus de toux et d'oppression.
Pour une fois, Démion a raison. Quand on entre le 15, on paye à partir du 1er. Ayez en effet le moins d'affaires que vous pourrez. Vous n’y êtes. pas propre. J'attends toujours avec impatience que tout soit revenu de Pétersbourg, vraiment fini, signé. J’ai de tout votre monde, une défiance sans mesure. Les meilleurs sont si indifférents et si légers. C’est sitôt fait d'oublier. Ne trouvez-vous pas qu’il y a dans tous nos journaux un concert de modération pour l'Espagne. Ils semblent tous tremblants que les Cortes ne fassent quelque sottise. La Reine d’Espagne est bien puissante, en ce moment. Quelles vicissitudes !
Bolingbroke, qui venait de chasser du conseil de la Reine son rival le comte d'Oxford et d'être chassé lui même par les Whigs ses ennemis, écrivait à Swift : " Oxford a été renvoyé mardi ; la Reine est morte Dimanche. Quel monde est celui-ci, et comme la fortune se moque de nous ! " On l’oublie toujours.

8 heures
Je voudrais en avoir fini de la journée de demain. Quand je suis en bonne disposition, je m’arrange avec l'ennui ; je m’y prête et cela va. Mais il faut avoir sa voix, ses jambes ; il faut parler et marcher tant qu'on veut.
Est-ce sincèrement ou par diplomatie que Lady Cooper trouve toujours que tout va bien ? Il faut une foi aussi robuste que la vôtre de la mienne dans la bonne constitution de l'Angleterre pour n'être pas inquiet de ce mouvement continue et accéléré sur la pente radicale. Au fond, je ne le suis pas. Je crois toujours qu’on se ravisera & se ralliera à temps. Ce sera un bien grand honneur pour les gouvernements libres, car l’épreuve est forte. Si elle finit bien, il n’y aura pas eu dans le monde, depuis qu’il y a un monde, une plus belle histoire que celle de l’Angleterre depuis cinquante ans. Mais il ne suffit pas qu'elle se tire de là sans révolution. Il faut qu’elle garde un grand gouvernement. C'est là le point le plus difficile du problème.

Dimanche, 9 heures
Je me lève ayant très bien dormi, selon ma coutume, mais toussant toujours et avec de l'oppression. Je vais voir mon médecin qui me dira que c’est un rhume, qu’il faut me tenir chaudement et attendre. Et j'attendrai. Voilà le 276.
Il y a un mois que j’ai écrit à M. Duchâtel d’y bien regarder, que nous finirions par nous trouver seule, et vous avec tous les autres notamment avec l'Angleterre. Encore une des moqueries de la fortune.
Moi aussi, je voudrais bien causer avec vous. Il y aurait bien un troisième parti à prendre. Mais on ne le prendra pas. Vous avez agi habilement. Vous vous êtes faits les plus fermes champions de l’intégrité de l'Empire Ottoman, non plus à vous seuls, mais en commun avec tous ceux qui la voudraient comme vous. N'allant pas à Constantinople, personne n’ira, et vous restez toujours avec le droit d’y aller quand la Porte vous le demandera ! Cette affaire-ci se règle en dehors de vos habitudes. Vous avez plié devant la nécessité, mais sans changer de position. Vous pouvez vous redresser quand le jour viendra.
Adieu. Adieu. J’attends vingt personnes, et j'ai ma toilette à faire. Adieu G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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121 Val Richer, 20 Juillet 1854

Je suis charmé que votre fils Paul vous ait rejointe ; avec lui de moins vous pouvez causer en liberté. Vous avez donc trouvé un logement à Schlangenbad. Si le ciel y est aussi pur et le soleil aussi chaud que nous l'avons ici depuis trois jours, ce doit être charmant.
Je ne prévois pas ce qui arrivera des affaires d’Espagne ; le bouleversement revient bien complet. Je penche à croire que la bombe éclatera encore cette fois sur la tête. de la Reine Christine, et non par sur celle de la Reine. Les insurgés, qui sont d'origine très diverse, auraient trop de peine à s'entendre sur quelque autre solution, si la Reine Isabelle disparaissait, la réunion au Portugal, la République, l'infante Montpensier tout cela est factice et combinaison du coterie ; il n’y a que deux partis sérieux. la Reine Isabelle et les Carlistes. Il ne me revient absolument rien de Narvaez ; je ne rencontre sans nom nulle part. Les chefs civils, et modérés du parti constitutionnel, Mon, Pidal, ont également disparu. Étrange pays dans un temps où tous les pays sont étranges.
Que fera le duc de Montpensier à Séville, si les insurgés y arrivent ? Je suis assez curieux de savoir qui sera, ou était à la tête de votre armée dans la grande bataille qui va être, ou qui a été, livrée entre Giurgiu, et Bucharest. Le Maréchal Paskevitch est-il réellement disgracié ? Il avait raison de ne pas se soucier de la guerre. Je m'étonne de plus en plus que pas un de vos grands Ducs ne soit à l’armée.
Ce n’est pas avec la Reine d'Angleterre, c'est avec le commodore Grey que l'Empereur Napoléon s'est rencontré à bord d’un vaisseau Anglais. Grand honneur pour le fils de votre ancien ami.

Midi
Adieu, adieu. Nous causerons demain, comme on cause de loin. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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111 Val Richer, Mercredi 5 Juillet 1854

Au pouvoir absolu, il faut absolument deux choses, un grand homme et du bonheur, toujours un grand homme et toujours du bonheur. Quelquefois, l’une de les deux conditions supplée quelque temps au défaut de l'autre ; pas bien longtemps. Et quand toutes les deux manquent à la fois tout s'en va. Quand je dis que tout s'en va, j’ai tort ; la grandeur certainement s'en va, la puissance au loin et par la seule voie d'influence. Mais il y a des temps et des lieux où le pouvoir absolu est si naturel et si nécessaire, si bien peut-être le seul gouvernement possible, que la grandeur peut lui manquer sans grand péril intérieur. Je crois que c’est votre cas. Votre pouvoir absolu peut déchoir en Europe, sans être compromis en Russie. Il peut rentrer chez lui triste ressource ; ressource réelle pourtant et qui est une force contre les plus puissants ennemis. Si les choses continuent dans leur cours actuel c'est la ressource dont vous serez réduite à user.
Vous n'aurez seulement pas très bonne grace à en user parce que vous avez beaucoup fait blanc de votre épée au dehors. L'Empereur Alexandre pouvait se retirer glorieusement, héroïquement devant l'Empereur Napoléon ; il avait toujours été modeste, en n'était point allé chercher, avec fracas, la guerre qu’on venait lui faire.
Vous ne pouvez faire maintenant aucune concession qui détache l’Autriche de l'alliance ; elle est tiré pour son propre compte ; il lui faut, comme aux deux autres des satisfactions sérieuses, non des palliatifs. A moins que vous ne battiez les armées Autrichiennes, mieux, beaucoup mieux, que vous n’avez battu les armées turques. Ceci serait un gros événement. Qui sait ? Depuis 1848, je ne prédis plus et je ne crois plus qu'à long terme, en prenant du temps, beaucoup de temps ; je ne vois clair que de loin ; de près, je vis dans les ténèbres ; du jour au lendemain, je suis très modeste. Je donne mes conjectures, mais sans y compter. Tout est possible. Vous repasserez peut-être bientôt le Danube. Mais la situation générale n'en serait pas changée. Sans grand homme, l’Angleterre persistera et fera persister les autres. Elle a un grand gouvernement. Je vois avec plaisir que le général Luders n'est pas mort. Je ne le connais pas du tout ; mais la mort prématuré d’un homme distingué me déplait toujours.
La nouvelle insurrection Espagnole ne paraît pas avoir plus de succès que les autres. Quand Mérimée est revenu de Madrid l'hiver dernier, il disait à qui voulait l’entendre que la Reine n'en avait pas six mois et que tout le monde n'en voulait plus qu’à elle. Voilà deux insurrections, depuis, toutes deux sans succès, et toutes deux criant : " Vive la Reine. "
J’attends le texte de votre réponse à la sommation Autrichienne ; je ne puis croire que vous ayez dit : " jusqu'à notre dernier homme et notre dernier rouble. " On ne dit pas cela, même quand on le fait. C’est un lieu commun populaire qui ne vous va pas.

Midi
Rien que des nouvelles d’Espagne, et l'attente de quelque coup dans la Baltique. Adieu, Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
Guizot épistolier
271 Du Val-Richer, Vendredi 20 sept. 1839 7 heures et demie

Ma petite lectrice a beaucoup d'accent gascon. Elle demeure à une lieue de chez vous. L'envoyer chercher, et la ramener prendrait la soirée de vos chevaux. On me propose en échange une Mademoiselle Mallet, fort recommandable de bonnes façons, assez instruite, qui a élevé une jeune fille dans une famille que je connais. Elle demeure près de chez vous rue Godot-Mauroy n°11. Elle a 45 ans. On dit qu’elle n’est pas jolie. On croit qu'en lui donnant 3 fr. par soirée de 60 à 100 fr, par mois, ce serait convenable, et qu’elle vous lirait bien ce que vous voudriez ; pendant, une heure, une heure et demie. Dites-moi si vous voulez que je vous la fasse envoyer, et à quelle heure vous la voudriez chaque soir.
Vous promenez-vous toujours après votre dîner malgré cette horrible pluie ? Ouvrez-vous votre porte, et à quelle heure ? C’est une vraie maladie que le besoin de savoir tous les détails d’une vie qu'on aime. Vous me dîtes tout bien exactement. Il me semble que j'ignore tout. J’ai raison ; on ignore tout quand on n'y est pas.
Je ne m'étonne pas que les apostoliques soient déconcertés du dénouement espagnol. C’est un gros échec pour eux ; un de ces échecs qui révèlent la faiblesse radicale d’un parti et le terrain qu'il a perdu sans retour. La chance était belle contre la révolution d’Espagne, car elle aussi, elle est faible et bien inhabile, et prêtant bien le flanc à ses ennemis. Ils échouent contre elle, bien plus par leur propre misère que par sa force. Au fond, c’est juste, c’est le parti apostolique ses maximes, ses hommes, son gouvernement qui depuis deux siècles ont laissé ou fait déchoir l’Espagne et le Portugal, déchoir comme puissance au dehors, comme prospéré et dedans, déchoir en esprit comme en richesse, en dignité comme en bien-être. Ils sont punis par où ils ont pêché ; ils se trouvent encore plus déchus eux-mêmes que le pays qu'ils ont fait déchoir. Que l’absolutisme autrichien, prussien, russe même se maintienne et batte chez lui les révolutions, je le comprends ; les peuples prospèrent et grandissent sous lui ; il a droit de durer et de vaincre. Les apostoliques, ne sont vraiment bons qu’à mourir.

9 h. 1/2
Essayez de la jeune fille de Génie. Si vous ne vous en servez pas plus de 12 ou 15 fois par mois, 60 francs me paraissent suffisants. Il faut compter entre 3 fr. et 5 fr. par soirée. Je suis toujours enrhumé. Le temps est détestable. Quand je pourrai prendre l’air à mon ordinaire, & un air un peu doux mon rhume s'en ira. Adieu. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
Guizot épistolier
274 Du Val Richer. Lundi 23 Sept 1839, 8 heures et demie

Je sors tard de mon lit quoique je me sois couché hier de très bonne heure. J'étais fatigué. Au rhume, qui dure encore un peu, s’était jointe la migraine. Le sommeil est ma ressource. Je ne sais si je la conserverai toujours ; mais je l'ai encore. J’ai beaucoup dormi. Je suis bien ce matin. Il fait beau. Le soleil brille. Je me sens en bonne et forte disposition. Quelles mobiles créatures nous sommes, et que les spectateurs qui nous entourent se doutent peu des agitations, des faiblesses, des innombrables vicissitudes, intérieures par lesquelles nous passons !
Si les propositions de D. Carlos sont telles qu’on le dit, elles me paraissent acceptables. Pourvu qu’il ne réserve que ses droits éventuels, en cas d’extinction de la lignée de la Reine Isabelle, masculine et féminine, et que sa renonciation à ses droits actuels, pour lui et les siens, soit bien claires, bien complète. Pourvu aussi que le gouvernement de Madrid y consente, et soit partie contractante dans l’arrangement. A ces conditions l'affaire me paraît finie, autant quelle peut l'être. Et si D. Carlos accepte tout cela, j'ai peine à voir à quel litre et par qu’elle raison on ne le laisserait pas vivre où il voudra même en Autriche, le Capharnaüm, des Prétendants. Nous sommes un grand exemple de l’état ou jettent les grands excès. Il y a cent ans, l’Europe aurait vécu au moins six mois sur un événement comme la chute de D. Carlos. Il y aurait eu là, pendant longtemps, de la pâture pour les esprits, les réflexions, les conversations, les correspondances. Figurez-vous tout ce que M. de St. Simon y aurait vu et fait voir. Aujourd’hui, nous avons tant vu, tant vu que nos yeux sont las et comme hébétés. Nous regardons à peine les plus grosses choses. Je suis sûr que, s’il ne survient point d’incident nouveau dans quinze jours, à Bourges même, D. Carlos vivra sans qu'on pense à lui.
Voilà mon ami, et le vôtre, d’Haubersaert conseiller d'’Etat. Il le désirait beaucoup et on me l’avait promis. Cette nomination de Conseillers d'Etat est une image fidèle du chaos général. On en a donné un à Thiers, un à moi, trois aux 221, trois aux 213. Et tout le monde sera content. Personne n'est difficile. Les troubles pour les grains, sans être sérieux peuvent devenir gaves et embarrassants. Décidément, les récoltes sont insuffisantes ; le pain est déjà cher et renchérira. La crise industrielle se prolonge. L’Angleterre en souffre encore plus que nous. L’hiver s’annonce mal. Si, par dessus le marché, il est froid, la détresse sera réelle.
Le parti radical, devenu parti Buonapartiste, s’agite beaucoup pour remuer le peuple. Il ne peut que cela, mais il peut cela.

9 heures 3/4
Si je commençais, je ne tarirais pas sur votre famille. Je n’ai jamais rien imaginé de pareil. Je vous renverrai demain la lettre de votre sœur. Il me faut bien la journée pour la lire. Je ne comprends pas grand chose, à la lettre de Benkhausen. Je suppose que lorsqu'il aura en main votre signature apposée aux letters of administration, vos plein pouvoirs à votre frère seront considérés comme suffisants, et que celui-ci fera alors toucher, en votre nom, par un délégué de lui, peut-être par Paul lui-même. Il vaudrait beaucoup mieux en effet ne pas faire ce tour du monde, et faire tout simplement toucher, en votre nom, par votre banquier qui remettra à vos fils leur part. Cela est bien plus simple. Vous pourriez, ce me semble, mander cela à Benkhausen. Je ne vois pas quelle objection il y pourrait faire. Vous êtes bien la maîtresse de donner vos pleins, pouvoirs à qui vous voulez, pour cette affaire spéciale ; et il est bien naturel que vous les donniez directement à votre banquier de Londres qui touchera, plutôt qu'à votre père de Pétersbourg qui sera obligé de les déléguer et de faire toucher, par un autre, vous ne savez pas qu' il est évident que vous ne sauriez prendre trop de précautions. Pourquoi, n'aurez-vous pas de vaisselle ? Dans le quart du mobilier qui vous revient de droit vous pouvez toujours prendre ce que vous voulez, au prix d'estimation. Adieu. Adieu. Vous dîtes bien, toutes ces horreurs. Adieu, dearest. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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4 Paris. Lundi 27 Février 1854

On me remet votre N°2. J'accepte votre tristesse, mais non pas votre toux. Il fait doux et beau ici. Quand je sors, je m’applique à ne pas passer par votre bout de la rue de Rivoli. Cela m'est insup portable. Moi à part, vous manquez à tout le monde plus que vous ne croyez. Hier, Duchâtel et Noailles, ce matin Dumon m'ont fait des morceaux sur vous. Noailles restera un soir chez lui. Duchâtel aussi. Mais il n’y a plus même de monnaie de M. de Turenne. J’ai dîné hier chez Broglie avec mon fils. Fini la soirée chez ma fille. Ce soir, j’ai un comité Protestant, puis le chancelier et M. de Neuville.
Voilà le chaos Espagnol commencé. Rien absolument jusqu'ici contre la Reine Isabelle. Son gouvernement a battu l'insurrection. Il va dissoudre les Cortès et le Sénat, et convoquer des Cortès constituantes qui feront une constitution nouvelle, plus monarchique. A Saragosse, le colonel Horé, chefs des insurgés, a été tué à la tête de son régiment, le régiment de Cordoue. Le capitaine général, avec les Grenadiers de la Reine, l’a chassé de la ville. 150 hommes sont restés sur la place, parmi lesquels quelques bourgeois. A Madrid, beaucoup d'hommes considérables ont été arrêtés, Gonzales Bravo, le général Serrano &. On s'attend à une guerre civile où reparaîtront tous les partis, Carlistes, Espartéristes, Républicains & &. Une dépêche télégraphique courait hier soir disant que la République avait été proclamée à Madrid. On n'y croyait pas.
Le Prince Napoléon commandera un corps de réserve, à Constantinople. Duchâtel avait hier une lettre d’Ellice inquiet pour le cabinet anglais, à l'occasion du bill de réforme de Lord John. On croit qu’entre l'opposition, quelques radicaux mécontents et les députés des bourgs que son bill dépouille de leur privilège électoral, il pourrait bien se former une majorité qui lui infligeât un échec qu’il n'accepterait pas. L'échec serait au profit de Lord Palmerston. Je n'y crois pas. Le Parlement ne dérangera pas aujourd’hui le gouvernement. Lord John a du guignon. J’ai une lettre de Croker qui a fait réimprimer en une petite brochure, toute leur correspondance à propos de Moore avec des additions assez piquantes. Il me dit : All the world here of all parties, as Brougham writes to me, agree that I have had a complete victory.
Rothschild ne fait pas l'emprunt. On dit qu’on le mettra en adjudication quand le corps législatif sera réuni. Si vous ne savez pas bien ce que cela veut dire, demandez-le au premier venu qui vous l'expliquera. Le bœuf gras se promène très paisiblement. Il s’appelle M. d'Artagnan, et non plus le Prince Mentchikoff. Adieu, Adieu. G

La fin du discours de Clarendon est remarquable d’un ton plus élevé que de coutume et ouvrant, sur l'avenir, une longue perspective pleine de guerre et aussi de réserves. On prévoit beaucoup, et on ne veut. s’engager sur rien.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
Guizot épistolier
282 Du Val Richer, Lundi soir 30 sept. 1839 8 heures et demie

Il n’est bruit que de la nouvelle coalition, votre Empereur, Palmerston et les radicaux. Aurait-elle la majorité à Londres ? On en doute fort. Palmerston trouvant bon que vous entriez, vous dans le Bosphore et l'Asie mineure, tandis qu'il ira lui sans nous à Alexandrie, cela sera-t-il bien reçu du Parlement ? On croit que cela ne s’y présentera pas. Même avec le correctif d'un corps d’armée Autrichien pour faire le siège de St Jean d’Acre, où il n’ira pas. Tout cela a un peu l’air des mille et une nuits. Il n’y a guère, dans chaque affaire, qu’une ou deux grandes politiques. Quand on n'en veut pas, on tombe dans les politiques petites et arbitraires. De celles-là, il y en a mille.
En attendant, vous parait-il vrai, comme on me le dit, que le Cabinet anglais est plus sérieusement menacé que jamais ? On l'a dit si souvent que cela finira pas arriver sans que je le croie. Voilà Zéa décidément rentré en scène. Si les Cortes dont dissoutes comme tout l’annonce, un parti bien voisin de lui dominera dans les nouvelles. J’en suis bien aise, même politique à part. Je lui souhaite du contentement. Je ne sais pourquoi le bruit se répand dans notre Province que Don Carlos doit y venir habiter et qu’on y cherche un château pour lui. Ce qu’il y a de sûr c’est qu’on a fait visiter deux grands châteaux à peu près abandonnés, et très convenables pour un Prince abandonné.
N’allez pas vous ruiner en curiosités. Quand vous aurez vos affaires signées, vous ferez tout ce qui vous plaira. Je n’ai de ma vie été si méfiant.

Mardi, 8 heures 1/2
Avez-vous décidément adopté la bibliothèque de l'entresol pour votre chambre à coucher ? Je suis bien impatient de vous voir là. Où seront nos habitudes? Vous trouverez votre maison peuplée. Jaubert est arrivé ; fort peu préoccupé de la politique de l'Orient, à ce qu'on me dit ; il n'y a pas moyen d’en rien tirer à ce sujet. Ce n'est pas du tout un esprit de politique étrangère. Il a rapporté de Constantinople une grande préoccupation des conspirations de l’extrême gauche. Elles continuent de plus en plus basses, comme on dit les eaux sont basses. Singulière société qui ne veut ni du haut, ni du bas, ni du soleil, ni de la boue ! Comment viendra-t-elle à bout de s'organiser et de suffire à ses affaires ? Je ne pense pas à autre chose, en fait de choses, depuis deux mois que je vis en Amérique.

9 heures et demie
J’attends mon médecin aujourd'hui. Je voudrais bien qu’il fût de votre avis qu’il en fût positivement. Quoique ce qu’on appelle la raison me dise que j’ai tort de désirer cela. Je suis désolé du mariage de votre femme de chambre. Mad. de Mentzingen ne pourrait-elle vous envoyer sa pareille ? Vous avez confiance aux allemandes. Il vous faut une femme de chambre qui vous convienne beaucoup, et vous plaise un peu. La petite lectrice que Génie vous a donnée vous convient-elle, dans son état, et vous en servez-vous ? Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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5 Paris, Mardi 24 Février 1854
2 heures

Je prends le petit papier. Je n'ai rien aujourd’hui. J’ai passé. hier ma soirée au comité protestant. Ce matin, le beau temps et la mardi gras dispersent tout le monde. On est un peu incrédule ici sur vos immenses armées. On commence à vous croire très forts chez vous et pas très forts quand il faut en sortir ; bien efficaces quand il ne faut que peser beaucoup moins quand il faut agir. On dit qu’il est plus sûr d'emprunter 400 millions que d'attendre des présents, même de 25 millions.
Je suis frappé de deux choses, l’une que la question grandit, l'autre, que vous ne grandissez pas. On entreprend plus qu’on ne croyait ; on vous redoute moins qu’on ne faisait. Sur le premier point, on ne se trompe certainement pas ; l'avenir nous apprendra si on a raison sur le second.
Je viens de voir les lettres de Madrid. Quant à présent, l'insurrection a échoué ; mais, dans la voie où entre le gouvernement de la reine Isabelle, la guerre civile me paraît inévitable. Les partis Espagnols n'abdiquent pas en attendant que leur tour revienne de régner ; ils se battent, même quand ils ne sont pas les plus forts.
C'est le général Randon, dit-on, qui reviendra d'Algérie pour faire l'intérim de la guerre en l'absence du Maréchal St Arnaud. Le général Pélissier restera en Algérie pour y faire l'intérim de gouverneur général. Les généraux Canrobert, Bosquet, d'Allonville et Forest accompagneront le Maréchal St Arnaud. Adieu.
Je dîne demain, chez Duchâtel, samedi chez Mad. Mollien. J’irai ce soir chez Molé et à l'Ambassade d'Angleterre. Mon temps est le tonneau des Danaïdes ; ce que j’y mets ne le remplit pas, Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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293 Du Val-Richer, dimanche 20 oct. 1839
7 heures et demie

Il n’y a rien à dire sur tous ces arrangements puisque votre frère avait plein pouvoir pour transiger. Mais il a poussé l'esprit de transaction aussi loin qu’il se pouvait à vos dépends. Je suis surtout choqué que la rente de vos fils ne commence qu’en 1840, et qu'ainsi on vous enlève votre part dans la première année du revenu de la succession. On peut disputer sur les sommes. M. de Pahlen peut s'être trompé quand il a évalué une année de revenu de la terre de Courlande, à 60 milles francs au lieu de 36. On peut faire je ne sais quels calculs sur le revenu de l'arende. Mais sur ceci il n'y a point d’incertitude possible. Vos fils jouiront du revenu de la succession pendant l’année 1839 et vous, vous n'en aurez rien. Paul sait mieux les affaires que M. de Benkendorf, et s’en soucie davantage. Pourtant, je crois qu’il faut tout adopter et tenir tout pour terminé. Légalement, cela est puisque vous avez donné des pleins pouvoirs et en fait, vous ne gagneriez rien à contester. Vous ne me dîtes pas comment a été réglé le partage des meubles et si on a fini par faire ce que vous désiriez pour la vaisselle.
Médem est allé communiquer au Maréchal une dépêche de M. de Brünnow, sur le peu de succès de sa mission à Londres. Le Maréchal a répondu qu’il ne voyait pas pourquoi on lui communiquait cette pièce puisque les propositions de M. de Brünnow n’avaient pas été adressées à la France. Cela me paraît une manière de rentrer en relations sur le fond même de l'affaire et pour des propositions nouvelles. Je retire ma modeste rétractation. On ne vous a pas tout dit. Il y avait des nouvelles de Vienne non pas définitives, non pas complètes mais favorables à nos propositions.
La Maladie de Méhémet n’a rien de grave. Les affaires de la Reine d’Espagne vont bien. Le Roi de Hollande va la reconnaître. C'est le seul prince d’Europe qui ne tâtonne pas. Il tient cela de ses ancêtres les princes, à la fois les plus réservés et les plus résolus de l’histoire moderne. On va faire quelques Pairs.

10 heures
Le mobilier de Courlande n'a pas été oublié puisque Paul d’après votre lettre d’hier, en a fait insérer l'abandon complet dans l’arrangement, bétail, magasins, tout. Puisqu'il y a si exactement pensé, il se refusera à tout retour. Quand vous aurez fait l’épreuve certaine de votre revenu, s’il ne vous suffit pas, faites-vous dix ou douze mille rentes de plus avec vos diamants. A moins que vous n’aimiez mieux en vendre quelques uns, à mesure que vous en aurez besoin pour combler chaque année votre petit déficit. Vous êtes bien informée sur le courrier de Médem, et sur l'état actuel des relations des Cours. Soignez Palmerston. C’est votre point d'appui. Adieu. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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294 Du Val-Richer, dimanche soir 20 oct. 1839
9 heures

J’ai eu du monde sans relâche toute la matinée. Parce que je refuse tous les dîners, on se croit obligé de venir me voir deux fois, davantage. J’aimerais mieux discuter avec vos ouvriers. Je ne tousse plus du tout. J’y aurais regret si je n’arrangeais pas déjà mon retour à peu près pour l'époque que je vous ai dite. Il continue pourtant de faire beau.
Vous trouverai-je tout-à-fait arrangée ? Ne vous ruinez pas. Je crains vos goûts de perfection bien naturels et de bien bon goût, Limitez-vous pourtant dans votre perfection. L’appartement est déjà cher pour vous. N'aggravez pas trop le mal. Pippin, vous a-t-il quittée ? Comment Felix prend-il son petit changement de condition. Avez-vous eu le courage de l’en informer ? Je doute que vous eussiez été un bon ministre d’un gouvernement représentatif. Dire oui n’est que la moitié du talent. Non est l’autre moitié. Celle-ci vous eût manqué. Vous ne savez que plaire.
Don Carlos me paraît pressé d'avoir ses passeports. Et le Roi presse de les lui donner. Les Ministres veulent attendre l’issue de l'affaire de Cabrera. Ils ont raison. D’autant plus raison que Don Carlos a donné sous main, ordre à Cabrera de continuer la guerre. Entendez-vous dire quelque chose de Thiers ?

9 heures et demie
Vous avez tout-à-fait le droit, et vous aurez raison avant de faire la partage du capital de Londres, de demander à être informée de ce que vous aurez à toucher en argent et en effets à Pétersbourg. Je ne pense pas que vous puissiez désormais exercer aucun recours légal, ni que vous fissiez bien de le tenter, même indirectement. Mais ce qui se pourra pour embarrasser et pour arracher de la mauvaise honte quelques lumières, et quelques sommes de plus, il faut le faire. J’approuve donc tout-à-fait que vous adressiez à Londres votre question. Parlez aussi à votre frère de l'oubli de vos droits sur le mobilier de Courlande. Il ne faut pas qu’il ignore tout-à-fait sa propre légèreté, ni qu’il croie qu'elle a passé inaperçue. Je suis charmé que ce coup de pierre ne soit rien. J’ai la Reine à cœur. Après les assassins, les fous. Ceux-là aussi passeront.
Adieu. Adieu. J’ai ma petite Pauline un peu indisposée. Ce n’est rien. Adieu G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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296 Du Val-Richer, Mercredi 25 oct. 1839
7 heures

Ma journée a été prise hier par M. Hèbert, qui me reste encore aujourd’hui. C’est un homme de quelque importance dans la Chambre. Il a du sens, du courage et de la parole. Il m’a toujours été très fidèle. Mais c'est une terrible chose qu’un brouillard qui rend la promenade impossible, et la conversation permanente. Je ne connais plus que vous au monde avec qui en fait de présence et de conversation, je n’arrive jamais au bout de mon plaisir. Mon hôte ne sait rien. Il vit depuis deux mois à la campagne, en vacances. Sa disposition me paraît être celle des gens sensés du centre, le mécontentement expectant, peu de confiance et peu d’ambition.
Vous verrez que D. Carlos, pour avoir ses passeports, sera obligé de prier sérieusement Cabrera et le comte d’Espagne d'en finir, & qu’ils ne lui obéiront pas. Raison de plus pour ne pas les lui donner de sitôt ; il faut qu’il ait autant d'envie que la reine Christine de voir cesser la guerre civile, et qu’il emploie ce qu’il a d'influence pour nous comme il l'a employée contre nous. Bourges doit être bien ennuyeux, pas plus pourtant qu’Elisando, je pense. Je ne suppose pas que les visiteurs Carlistes suffisent pour charmer le séjour. Quel puérile parti !
Il me paraît que Berryer poursuit sa candidature à l’Académie française car on m'en écrit de nouveau. Parlerait-il du Roi comme il convient dans son discours de réception ? Demandez-le lui tout simplement si vous le voyez. Remarquez-vous, de votre côté un léger, bien léger mouvement pour nous adoucir un peu dans notre refus de faire comme l’Angleterre.
Plus j'y pense, et plus je répète, pour la politique ce que Mirabeau disait pour la morale : " la petite tue la grande. " Et je le répète contre tout le monde.
Pour rien au monde, je ne voudrais épouser la Reine d’Angleterre. Vous n'aviez pas bonne opinion de l'avenir conjugal de la Princesse Charlotte. Je parierais bien plus contre cet avenir-ci. Je ne sais pourquoi, car au fait je n'en sais rien. Mais j’ai cette impression. Peu importe du reste au résultat. Le Prince de Cobourg ne l'en poursuivra pas moins, et ne s'en félicitera pas moins, s’il l'obtient. Puis le temps s’écoulera ; les mécomptes viendront les ennuis, les colères, les regrets peut-être. C'est le train de la vie. Bien peu y échappent, même de ceux qui le prévoient.

9 heures et demie
Je m’attendais, en effet au dénouement de Félix. Vous faites bien de le garder. Moi aussi, j’attends le beau mois de Novembre. Adieu. Adieu. Je vous quitte bien brusquement. Mon hôte entre dans mon Cabinet. Si c'était vous !

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/23016_00400.jpg
Val Richer. Lundi 7 Nov. 1853

Voici des nouvelles d’Angleterre. On vous les a peut-être données aussi. En tout cas, je vous les donne. Palmerston ne croit pas à l’arrangement de l'affaire Turque. Il dit qu’on ne se découragera pas, qu’on négociera jusqu'à la dernière extrémité ; mais les choses, selon lui, sont si mal emmanchées et votre Empereur a de telles répugnances (qu’est-ce que cela veut dire ?) qu’on n’arrivera probablement pas à la conclusion qu’on demande. Il se prépare pour cette chance ; il trouve sa position bonne ; il a toujours été fidèle à sa politique de liberté Européenne et d'émancipation des peuples ; le cabinet de Paris ne peut douter de sa loyauté. Bref, il est content, et il attend. J’espère qu’il se trompe. S'il ne se trompe pas, vous aurez la France et l'Angleterre unies pour la guerre libérale, au lieu de les avoir une comme de mon temps, pour la paix constitutionnelle. J’ai beau y penser ; je n'y crois pas. Pouvez-vous vérifier si ce qu’on me dit de Palmerston est vrai ?
En tout cas, les coups de canon qui le tirent en ce moment en Valachie amèneront, ou la paix prompte, ou une guerre de trente ans. On m'écrit que le marquis de Viluma quitte Paris pour aller être président du Sénat à Madrid. Si Narvaez ne devient pas bientôt président du Conseil il reviendra comme ambassadeur à Paris. La nomination du frère de M. de Viluma, du général Pezuela comme gouverneur de Cuba n'indique pas que l’Espagne soit près de s'entendre, à ce sujet, avec les Etats-Unis. C'est un militaire espagnol, très brave, très fier et très vif.
Encore une lettre d’Angleterre, de mon ami Hallam. En voici deux phrases, très sensés : - The worst that could now happen would be a decisive advantage in the fields obtained by the Turks. - There is an apparent spirit in this country very much opposed to the temporizing policy of our friend Lord Aberdeen ; but I do not believe, it lies deep, through the press is almost universally in that tone. A good deal of this swing to the refugee and revolutionary party throughout Europe, and I am most anxious for a pacific settlement, in order to defeat their objects.

Midi
Je ne suis plus curieux que des nouvelles de la bataille. Si vous ne passez pas le Danube, je suis tranquille. Adieu, Adieu. G.
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