Guizot épistolier

François Guizot épistolier :
Les correspondances académiques, politiques et diplomatiques d’un acteur du XIXe siècle


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Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/MF-G-L012_00213.jpg
Richmond Vendredi 5 octobre 1849

Hier point de lettre. D’où vient ? cela m'inquiète. Le Cabinet de Mardi a décidé à l’unanimité de soutenir la Turquie. La France marche avec l'Angleterre. On dresse en ce moment une pièce, en forme de remontrance, peut être de menace, à la Russie et à l’Autriche. Tout le monde est d’accord. On nous exaltait il y a huit jours. Aujourd’hui nous sommes honnis. Lord John arrive ici ce soir. Voici ce qu'il m'écrit de Woburne. " Your emperor after having showing so much prudence, so much power & so much modération has mode an mormons fault in threatening the Turk if he did not violate the law of hospitality so sacred among Mahometans. The Turkish anger is [?] aud we can do no otherwise than support them in [?] a cause." J’ai diné hier avec Lord Carlisle chez Miss Berry. Il m’a raconté le conseil. De l’inquiétude de la façon dont Palmerston va mener cette affaire. Parlant mal de lui. Espérant cependant qui l’affaire s’arrangera. Brunnow a beaucoup demandé que la démarche auprès de nous ne soit pas collective, France & Angleterre probablement chacun écrira de son coté mais dans le même sens, si non le même ton. Je parie que le Français vaudra mieux. L'affaire en est donc là. Fuat Effendi parti pour Pétersbourg pour fléchir l’Empereur. L'Angleterre & la France écrivant, intervenant et décidée à soutenir la Turquie, ainsi la guerre générale si l’Empereur persiste. Dans 20 jours la décision. Brunnow est venu me voir hier. A wonder ! Essayant de traiter ni de bagatelle au fond inquiet, blâmant notre conduite à Constantinople. Plus en soupçons contre la France que contre l'Angleterre, persiflant cependant lord Palmerston, n’ayant pas. l'air de croire que l'Angleterre est décidé pour la Turquie. A propos de la France disant, elle a 30 m hommes en Italie, elle en a 60 m en Algérie elle peut les faire marcher contre nous. Quelle bêtise, peut-elle dégarnir l’Afrique ? Je vous redis tout. Vous voyez que je vis in hot water. Jamais il n'y eut un moment plus critique. Drôle de situation. Evidemment, il y a, il y aura plus de laisser-aller vis-à-vis de moi que de Brunnow. et mes relations avec lui ne sont pas telles que je puisse lui rendre des services. Aujourd’hui nouveau conseil de cabinet. Demain tout le Cabinet à Osborne chez la Reine, enfin c’est une grosse crise. Si vous étiez là que de choses à nous dire. Ecrivez je vous prie au Directeur de la douane pour qu'on me traite bien à Boulogne ou à Calais ; Je suis à la veille de me décider & ce n'est pas bien éloigné, ce pourrait être au milieu de la semaine prochaine. Le temps est mauvais, orageux, j’attends encore.

1 heure. Pas de lettres encore aujourd’hui il est vrai que les journaux aussi ne sont pas venus mais hier je les ai eus. Enfin Voilà deux jours, c’est affreux. Adieu, adieu. Je ne puis pas croire à la guerre. Ce serait trop épouvantable. Adieu

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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186 Paris le 1er mars, vendredi 1839

J’ai passé une nuit affreuse. de l’insomnie, & des rêves l'un plus hideux que l’autre. Des meurtres et rien que des morts autour de moi. Des morts chéris, d'autres indifférents, mais enfin je n'étais pas de ce monde. Et je me suis tout-à-fait brisée ce matin. Votre lettre m’a remise un peu, je vous en remercie. Je vous vois content et je le suis.
Les journaux disent que M. Duvergier de Hauranne n’est pas aussi content que vous et qu'il va perdre son élection, ah cela par exemple fera un grand plaisir dans le camp ministériel. M. Appony m'a fait une longue visite hier matin. Il n’est pas tranquille. L'avènement possible de M. Thiers le trouble à un degré un peu excessif. Il y a là quelque mystère, quelque personnalité dont je n’ai pas la clé. La discussion à Bruxelles est remise à la semaine prochaine. Les troupes prussiennes sont en force sur la frontière. Partout on s’émeut fort de la situation des affaires en France. Vous êtes de grands perturbateurs.
J'ai vu longtemps hier matin Lady Granville et son mari. J'ai fait une longue promenade au bois de Boulogne par un temps. charmant. Le soir j’ai reçu mon ambassadeur, la Sardaigne, Naples, la Suisse, et le Duc de Richelieu. Le faubourg St Germain a une grande admiration pour le duc de Joinville. Messieurs ses frères sont partis hier pour aller à sa rencontre. Ils le ramènent aujourd’hui à Paris. Voilà toutes mes nouvelles.
J'écris aujourd’hui à mes deux fils, et à la Duchesse de Sutherland. Elle prolongera son séjour en Italie, ce dont je suis fâchée. M. Ellice sera ici le 20, il est dans une fort grande admiration de la coalition ! Adieu vous ne concevez pas comme je me sens souffrante. C’est peut être le temps. Je n’en sais rien, mais je ne vaux rien. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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183. Paris, samedi le 3 Novembre 1838

Vous n'avez pas eu de lettre hier ? J'en suis désolée. J’ai bien questionné mon valet de chambre. Il dit que la lettre est partie, mais qu'il avait été trop tard pour l’affranchir. Vous en aurez eu deux ce matin. Mais je suis fâchée d’un petit mouvement de chagrin ; votre lettre était si joyeuse, si bonne jusqu'à ce dernier mot. Soyez sûr que moi aussi j'ai bien de la joie. Il vaut la peine de se réjouir quand on a huit mois devant soi, plus même n'est-ce pas ? Je voudrais me bien porter ou du moins en avoir l'air. Mais que faire !
J’ai fait visite hier à la Duchesse de Talleyrand. Cela ne m’amuse guère elle ne me parle que de ses affaires : il faut aimer beaucoup les gens pour s’intéresser à cela. Je crois que M. de Castellane a du charme. Lady Burghersh m'a fait une longue visite hier matin. Je vous prie de m’en demander des détails, car cela vous intéressera. Elle est full of valuable informations. Vous avez vos paquets à faire ; je ne vous les écris pas.
Le dîner des Granville était complètement anglais, ce qui me plaît. Mais quand le soir j’ai vu venir tous les natifs de Birmingham et de Manchester j’ai fui. J’ai été passer une demi-heure chez Mad. de Castellane et puis to my bed. Je ne rencontre jamais M. Molé chez elle, parce qu’il n’y vient que tard. Lady Granville a dîné avant-hier avec la Reine qui était en larmes en parlant de sa fille. Certainement elle est bien mal. Cette séparation à Fontainebleau sera bien triste !
La conférence ne marche pas. Je crois que les difficultés viennent principalement du côté de Léopold. Les troubles à Cologne lui semblent bons pour soutenir ses prétentions. Le Lenchtemberg a passé à Varsovie où il a été logé dans l’un des palais du Roi. Un aide de camps de l'Empereur l’attendait à la frontière. Cela ne peut se faire que pour un gendre quand on est aussi peu de chose que Lenchtemberg.
M. de Montalivet a causé l’autre jour avec Lord Granville qui l’a trouvé inquiet de la session. Adieu. L’avant dernier adieu. C’est charmant. Adieu.
Voilà les Débats, et voici ce que j’admire par dessus tout. " Et avec les points fixes.... Dieu s'est voilé." Et puis ce dernier paragraphe. " Regardez donc plus haut & &. " Tout cela est superbe. Je veux vous l’avoir dit tout de suite. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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452. Paris, Mercredi 14 octobre 1840
10 heures

Je n’ai vu hier que l’Angleterre. L’Angleterre agitée, curieuse, mais assez en espérance. Lord Granville à vu M. Thiers hier au soir à Auteuil. Je l’ai vu à son retour, il ne m’a dit que des généralités, mais l’impression que j’en ai est bonne. J’attends votre lettre avec des battements de cœur. Je préparé une réponse à mon frère, mais je ne ferai rien sans votre avis. On est agité extrêmement dans le public. M. de Lamenais est épouvantable dans les provinces il y a beaucoup d’exaltation. Le gouvernement aura une rude besogne, car j’espère bien qu’il s’appliquera à apaiser. Je suis inquiète. Les Anglais désertent, ils ont parfaitement peur.

Midi
Point de lettres ? C’est toujours le Mercredi qu’elles m’arrivent le plus tard et c’est précisément. Le jour où elles sont le plus ardemment désirées. Il faudra attendre la soirée. C’est bien long ! 2 heures. Le petit est venu aussi impatient, aussi pauvre que moi. Que faire ? Et par dessus le marché je n’ai rien à vous dire. je m’en vais un mettre à lire ce long memorandum. Je n’ai pas vu mon ambassadeur depuis deux jours, il écrit je crois.

2 1/2
Tous les alliés chez moi grand bavardage dont je n’ai plus le temps de vous dire un mot. Adieu. Adieu. On dit seulement que jamais on ne s’est trouvé plus près du dénouement absolu. Paix ou guerre. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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451. Paris, mardi 13 octobre 1840
9 heures

J’ai à peine dormi trois heures cette nuit, je ne sais pas pourquoi, si ce n’est que je n’ai pas été au bois de Boulogne hier. Ma belle sœur m’a retenue chez moi et puis des visites à faire. J’ai vu le soir les Appony et les Granville, chez eux respectivement lord Granville avait vu M. Thiers le matin, il avait de ses nouvelles après votre entretien avec lord Palmerston samedi, mais il lui a dit que vous ne lui mandez rien d’ici pourtant ; de sorte que Granville n’osait rien. Les fonds ont monté beaucoup hier, il faut que ce soit sur des nouvelles. de Londres, mais la diplomatie les ignore tout-à-fait. Le roi a reçu Brignoles dimanche au soir et lui a fait subir le même accueil qu’à Fleishmann c’est-à-dire des tirades violentes contre le traité, violentes de paroles et violentent de gestes de façon à épouvanter l’Italien comme l’avait été l’Allemand.
J’ai vu Brignoles hier qui n’en revenait pas. Le roi lui avait semblé très belliqueux, très irrité, très inquiet et il relevait de son discours que c’était une guerre agressive qu’il se voyait à la veille. d’entreprendre. Montrond est venu chez moi le matin, un peu le contraire, ton à la paix, disant que le roi la croyait sûre. Qu’il était très contente de Thiers. Thiers est très peu accessible depuis une huitaine de jours toujours à Auteuil, il cherche à s’effacer pour le moment.
Mes ambassadeurs n’y ont pas été et par conséquent ils l’ont point vu depuis plus de huit jours. Montrond me disait : " Voilà M. Guizot collé à Londres et collé à Thiers n’est-ce pas ? Je n’ai pas répondu à n’est-ce pas, je ne réponds jamais que de moi-même.

1 heure.
Le journal des Débats est très inquiétant ce matin, et le National très épouvantable. Tout le monde dit : s’il y a guerre, il y a par dessus le marché trouble à l’intérieur. S’il n’y a pas guerre, il y a surement trouble à l’intérieur. Quand ce serait vrai, il vaut mieux le mal simple par le mal double. Mais est-il possible qu’on soit condamné à voir cela ? Je suis mal disposée ce matin, j’ai peur, c’est sans doute parce que Mardi je n’ai rien pour me soutenir. J’attends demain avec grande impatience une grande curiosité. Mon fils est parti pour Londres, ce matin, je ne lui ai pas nommé son frère.
Adieu. Adieu que verrons-nous arriver dans le monde ? Je vois bien noir. On laisse trop aller le mal, pourra-t-on le maîtriser ?
Adieu, toujours le même adieu, à travers la guerre les émeutes. Ah mon Dieu ! Marion est animée, elle est venu me voir ce matin, bien gentille et bonne comme de coutume. Mon fils la trouve charmante mais voilà tout. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/MF-G-L012_00238.jpg
Richmond Mercredi 10 octobre 1849

Vos lettres sont charmantes. Je ne vous le dis pas assez, je ne vous le dis jamais. Il y a des pages sublimes. Il y en a une sur les peines & plaisirs de la vie, qui est remplie d'un sentiment religieux bien pénétrant bien profond. Je le copie dans ma lettre à l’Impératrice. Hier vos réflexions sur l’affaire Turque m'ont bien frappées. Je ne sais si elles sont vraies mais elles pourraient bien l’être. Nous allons voir se débrouiller cela bientôt. Je n’ai pas vu lord John hier. J’ai dit Adieu hier à cette bonne Duchesse de Glocester. Elle était vraiment touchée. Demain Cambridge, et puis j’ai fini la province. Quel ennui, les départs, les paquets, & le but si fragile. Qu’est-ce que sera Paris pour moi ? Mon projet est d’aller coucher Mardi à Folkstone. Je passe Mercredi de bonne heure à Boulogne. Je ne puis pas sûre du tout de M. de Mussy. J’ai la promesse de Mad de Caraman, mais ce n’est pas un homme. Et je ne crois pas qu’elle vaille mieux que moi en voyage.
1 heure Voici votre lettre. J'en ai de la campagne, très bonne. Lord Palmerston a écrit à Pétersbourg, Constantinople, Vienne et amiral Parker dans le meilleur esprit. Très conciliant et doux. Collaredo, lui ayant dit : " Vous voulez donc intercéder en faveur du Sultan. " Palmerston a répondu " oui exactement intercéder, c’est cela. " Voilà qui va mieux. Votre journal des Débats est détestable. Et Metternich a raison sur son compte. Adieu. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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93. Paris lundi 16 juillet 1838

Que je vous remercie de la douce musique qui m’attendait à mon réveil. J’ai lu et relu ces paroles si sérieuses ; si tendres, si intimes, si vraies. Je vous dois une grande jouissance. Vous avez remis. bien du calme dans mon âme. Non sûrement mon humeur ne s’adressait pas à vous. Elle ne s’adressera jamais à vous. Mon Dieu que je serais coupable si je me permettais jamais une injustice, une impatience envers vous. Mais je suis triste, je resterai triste jusqu’à ce que je revoie l’éternité dans huit mois. Car c’est bien comme cela qu’ils m’étaient apparus le 1er novembre 1837. Lady Granville est venue me prendre hier pour aller au bois de Boulogne il faisait un temps charmant.
Après le dîner, j’ai recommencé, jusqu’à l’heure où j’ai ouvert ma porte. J’ai eu toute la diplomatie. Angleterre, Autriche, Prusse, Hanôvre, Naples, avec une quantité de jeunes Anglais qui vous sont inconnus. La Duchesse de Poix & sa mère. M. Berryer. La chaleur l’a fait maigrir ; il était presque joli, car il faut vous dire que je ne trouve un homme joli qu’à la condition d’être maigre. C’est juste l’inverse pour une femme. Berryer ne veut voir que des souvenirs d’Empire dans le ovations au Maréchal Soult. Savez- vous que cela devient vraiment absurde, et que je comprends que cela ne plaise pas du tout ici. Le duc de Nemours fait là une triste figure.
Les conférences à Londres vont s’ouvrir. Elles ne serviront qu’à attester qu’on ne peut pas s’entendre, ici on veut des modifications au traité, du moins quant au partage de la dette, nous n’en voulons pas, et on s’arrêtera Léopold a causé avec tout court. nos représentants ici. Ils l’ont trouvé assez modéré et assez embarrassé. Il n’est point venu me voir. Je suppose que nous avons fini notre connaissance.
Le prince Paul de Wurtemberg m’a fait une longue visite hier matin. Il est plus que jamais monté contre le château. M. Ellice arrive aujourd’hui à Paris. Voilà pour moi une petite distraction au chagrin que me cause le départ des Ganville. Ils restent encore aujourd’hui pour causer avec Ellice. Le Duc de Noailles me demande de Dieppe de lui faire la charité, mais il a bien de la prétention. Il veut l’Egypte, la Belgique, le cœur de mon empereur. Il veut tout savoir. Je lui dirai quelques unes des choses que je ne sais pas. Les cours d’Allemagne sont fort contrariées de la maladie du grand Duc. Partout où l’a annoncé à jour fixe. On a fait des préparatifs, rassemblé des troupes cela coûte de l’argent on reste en suspens. Je pense que si cet état se prolonge il faudra qu’il renonce a son programme. Comme l’Empereur va être furieux. Il ne peut pas souffrir qu’on soit malade. Il ne le promet pas. Ce n’est pas dans le code militaire. Je suis sûre que le pauvre grand Duc est aussi malade de peur que de la maladie.
La petite princesse est malade d’une fluxion à la tête. Son mari s’amuse au Havre, il y est depuis 3 semaines. Adieu, cet adieu que j’ai trouvé au bout de la lettre de Dimanche à 8. h. du matin. Je vous le rends lundi à midi 1/2. Quand le dirons-nous ensemble ? Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/MF-G-L012_00224.jpg
Richmond Dimanche le 7 octobre

Metternich ne peut pas croire que cela devienne la guerre. Il croit que la Turquie aura cédé moi, j’ai peur que non, et comme je ne puis concevoir que l'Empereur se rétracte s’il est vrai qu'il a dit, extradition ou guerre, il y aura la guerre. L’incertitude durera encore près de 3 semaines de Pétersbourg doit venir tout. Je n’ai pas vu encore John Russell, il n’est revenu d' Osborne que cette nuit. Je le verrai aujourd’hui. Sa femme est venue chez-moi, très vive. Le Globe est d'une insolence sans égale. Il appelle l'Empereur insane. je ne me fais au fond pas une idée bien claire de toute cette affaire. On la fait bien grosse ici. L’est-elle vraiment autant ? Tout est énigme. D'un côté Sturnier et Titoff agissent comme un seul homme. D’un autre côté comment. admettre que l’Autriche s'associe à nous pour aboutir peut être à la destruction de l'Empire Ottoman ? A Vienne personne n’est inquiet, on ne parle pas même de l'incident. Les l’étourderie ave laquelle on a engagé l’affaire de Rome c’est Toqueville qui rit. Les Palmerston restent à [?] chez L. Baauvale. On m'écit en confidence qu’ils ne peuvent pas rentrer chez eux. Ils seraient pour suivis, saisis pour dettes. Quelle situation ! Le 8 Longue conversation avec Lord John. Toute l’histoire telle que vous la connaissez. La porte ne refuse ni n'accorde. Elle attend les suites de l’envoi de Fuat Effendi. (mais lui permettra-t-on de passer la frontière ). Strattford Canning se vante de n’avoir pas voulu voir nos ministres, il regarde cela comme son devoir. Plaisant médiateur, et il appelle cela faire son devoir. Lord John est convenu que c’était singulier. Peut être ancienne rancune Et vous acceptez les conséquence de cette rancune ? Il a ri. La dépêche pour [Pétersbourg] n'est pas encore partie. Elle a été revue par tout le cabinet. Aucun ordre n’a encore été donné a L'amiral Parker. Mais à propos. On ordonne à Parker d’aller s’emparer de 2 petites îles voisines de 7 îles, en possession du Gouvernement grec. Mais on croit que le gouvernement n’a pas le droit de les posséder. On va donc les lui prendre. C’est impayable. fonds à Paris et à Londres ne se sont guère émus. Et cependant le langage ici dans tous les partis, dans tous les journaux est aussi menaçant que possible. Je suis curieuse de la conversation de Lord John. Voici un bout de lettre de Beauvale qui vous regarde. Il a bien de l’esprit. J'ai eu hier à dîner Lady Allice qui est venue passer quelques jours avec moi. Mad. de Caraman, lord Chelsea & Bulwer. Je n’avais pas vu celui-ci depuis 4 mois, il est près de son départ pour l'Amérique, pas très pressé pour son compte. Il revient de Paris, il a beaucoup causé avec M. de Toqueville. Il me le donne pour un homme de beaucoup d’esprit. Il rit de l’étourderie ave laquelle on a engagé l’affaire de Rome. C’est Toqueville qui rit. Les Palmerston restent à [?] chez L. Baauvale. On m'écit en confidence qu’ils ne peuvent pas rentrer chez eux. Ils seraient pour suivis, saisis pour dettes. Quelle situation ! Le 8 Longue conversation avec Lord John. Toute l’histoire telle que vous la connaissez. La porte ne refuse ni n'accorde. Elle attend les suites de l’envoi de Fuat Effendi. (mais lui pemettra-t-on de passer la frontière ). Strattford Canning se vante de n’avoir pas voulu voir nos ministres, il regarde cela comme son devoir. Plaisant médiateur, et il appelle cela faire son devoir. Lord John est convenu que c’était singulier. Peut être ancienne rancune Et vous acceptez les conséquence de cette rancune ? Il a ri. La dépêche pour [Pétersbourg] n'est pas encore partie. Elle a été revue par tout le cabinet. Aucun ordre n’a encore été donné à l'amiral Parker. Mais à propos. On ordonne à Parker d’aller s’emparer de 2 petites îles voisines de 7 îles, en possession du Gouvernement grec. Mais on croit que le gouvernement n’a pas le droit de les posséder. On va donc les lui prendre. C’est impayable. Mes pauvres yeux m'empêchent de vous donner le [?] de cette curieuse conversation. Au total j’ai trouvé l'humeur plus douce qu’elle n'était dans le billet, des plaisanteries sur Palmerston, mêlé de défiance. De l'espoir que l’affaire s'arrangera. Un peu de peur cependant. Enfin mélange. Pas le langage d'un premier ministre. Voici votre lettre de Vendredi. Celle de samedi viendra plus tard. Vous voyez que vous faites bien d'écrire tous les jours. Adieu. Adieu.
Nous n'avons par dit livrez-les ou la guerre. Au contraire les termes sont très convenables. [?]

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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450. Paris, lundi 12 octobre 1840
9 heures

C’est à présent que j’ai de la joie à voir s’écouler les jours ! Regardez dans votre cœur et voyez tout ce qui se passe dans le mien. C’est cela ; tout cela, et peut être plus que cela. La journée hier a été très à là paix. Toutes les nouvelles, tous les symptômes étaient à cela. M. de Werther, Granville surtout et même les petites gens, Flahaut & &. J’ai fait ma promenade vers Boulogne. J’ai été rendre visite à Mad. Rothschild qui est dans une angoisse inexprimable sur les affaires. Son mari était à Ferrières. J’ai dîné avec mon fils. Le soir j’ai été un moment chez les Granville, un autre moment chez Mad. de Flahaut et à 10h 1/2 dans mon lit.
Je suis de plus en plus mécontente de S.. Il voudrait tout arranger pour la plus grande commodité de M. Il ne s’embarrasse guère dans cet intérêt d’aplatir le bouleau. Tous les propos de F. sont dans ce sens, et si forts qu’on m’a dit que la violette hier était sur le point de se fâcher. D’un autre côté 62 fait tout au monde pour retarder l’arrivée du peuplier.

11 heures
Voici votre lettre. Je suis bien contente de vous voir bien augurer du résultat de la note. Que Dieu vous accorde le bonheur de voir tout ceci s’arranger pacifiquement. Je suis charmée de tout ce que vous me dites sur votre propre compte.
Moi, je n’ai qu’un avis, un avis grave à donner c’est celui-ci. Si vous n’êtes pas à Paris dès le 28, vous ne pouvez être ce jour-là qu’à Londres. J’avais écrit deux longues pages de développement sur cela, j’aime mieux abréger, ceci vous suffit. J’ai vu le petit ce matin, et puis je viens de me rafraîchir sur la place.
Que de choses à dire, à demander, à commenter. Que les heures de bavardage seront charmantes. Elles se présentent tellement comme cela à mon imagination que je me ravis déjà aujourd’hui que vous dire sur ce pauvre papier. Mais dites-moi bien que vous croyez à la paix, qu’elle est sûre.
Depuis hier je commence à y croire, sans oser presque me l’avouer Mardi demain, c’est affreux ; j’ai si besoin de savoir tous les jours un mot consolant.
Je n’ai pas de nouvelles, je ne sais rien, on attend des dépêches télégraphiques sur l’Orient. Elles tardent bien. Le ton des journaux ministériels est bien doux presque timide. Le journal des Débats fait des articles très habiles, c’est qu’il est libre. An fond c’est la condition de pouvoir, de ne pas l’être.
Selon moi il n’y a de Val Richer possible qu’avant le jour de la convocation, pendant ce jour-là impossible. Voilà une et deux interruptions. Pardonnez, pardonnez. Adieu. Adieu. Ecrivez moi. aimez moi (quelle bêtise !) et arrivez. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris Vendredi le 9 novembre

Je n'ai reçu vie d'important hier. Mais je sais par Montebello qu’il ne s’est rien passé de mémorable. Vous ne voulez pas que je vous parle de l'enseignement, cela m'ennuie trop. Berryer était bien fâché de cela avant hier et je vois tout le monde dans le même train de regret. On dit que Changarnier est bien frondeur et mécontent de l’Elysée encore plus que Thiers. Flahaut est parti le cœur très pris par le procès, mais très décidé à rester en dehors et à Londres. Je sais par lui, qu'avant de donner l’ordre du rappel de la flotte on en a prévenu le gouvernement anglais je trouve cela convenable, puisque la mesure avait été prise d’accord. Mais j'ignore toujours si l'Angleterre a fait de même. Il me restera d’éternels doutes sur la fin de l’affaire tant qui Stratford Canning sera là pour agir. Lord Lansdowne vient d’arriver, je le verrai tantôt. Il m’envoie une lettre de John. Très motu proprio, quant à Rome. Il conseille à la France de s'en aller, et de respecter la volonté du pape. Quant à l’Elysée il dit que tout cela est provenu du rapport de Thiers si dédaigneux pour le président. Celui-ci ne pouvant frapper sur Thiers a frappé sur ses ministres ; cependant il trouve le procédé un peu brusque. Voici votre lettre. Mes observations pour ce qui vous regarde sont ceci. On ne me parle pas de vous. Dans le corps diplomatique personne ne vous nomme. Vous n'avez pas existé, et bien cela me blesse, cela me laisse un doute désagréable sur l’accueil que vous rencontrerez si vous reparaissez. Votre situation est tendue, difficile, la mienne pourrait le devenir, il faudra de l'habileté & du good sense. Nous verrons. La fin de votre lettre me plait, je vous crois décidé à revenir pour la fin de la semaine prochaine, quel plaisir ! Rien dans ce que j'ai appris hier ne me donne lieu d' y voir obstacle. Je suis dans les grosses écritures. Un courrier pour Pétersbourg ce soir, j’écris à l’Impératrice longuement Adieu. Adieu. Adieu.
Dans mes soirées vacantes Je vais quelques fois le soir chez Mad. Swetchine & chez la vicomtesse.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond Mardi 2 octobre 1849

Plus je pense à Constantinople & plus je suis épouvantée. Si l'affaire ne s’arrange pas tout de suite, c’est la guerre générale. Que vais-je devenir alors ? Je pourrai rester ni en Angleterre ni en France. J’irai à Naples, mais quelle saison ! Ah, quand comment, nous reverrons-nous ? Quelle destinée ! J’ai vu Metternich hier. Je voulais avoir l’avis d’un esprit sensé. Il ne croyait pas. D'abord pas aux faits tels que les donnent les journaux, et puis, fussent-ils vrais, il croyait que la porte reculerait. Moi j’ai peur que non. J’ai vu aussi Morny & Flahaut revenant de Londres où la nouvelle avait produit un effet immense. Morny dit : si cela est et si l'Angleterre s'en mêle, tenez pour certain que nous en sommes aussi. Le parti est près de faire comme l'Angleterre. Flahaut ajoute. & soyez sûre que dans ce cas là la Prusse soutient la France & l'Angleterre contre l’Autriche et la Russie. Il peut avoir raison. Les journaux Anglais ce matin sont à la guerre, ils poussent l'Angleterre à soutenir la Porte. Nous sommes honnis. En vérité je n'ai jamais été si troublée pour mon compte et je ne puis penser à autre chose. Tout ce que vous me dites sur Paris, tout en me donnant du souci, ne m’empêcherait pas de m’y rendre. Mais en tous cas, & surtout vu la grave complication qui menace le monde, j’attendrai encore huit ou dix jours avant de me décider. La saison avance cependant, le temps devient laid. Même pour le court voyage à Paris c’est une petite difficulté, que serait-ce s'il s’agit d'un autre voyage ?
Décidément il y a du froid entre Lord John & Palmerston. Celui-ci est venu le chercher le jour même où l’autre était parti pour Woburn, en sorte qu’ils ne se sont pas vus, & Palmerston est retourné chez Beauvale où il est établi avec sa femme. à ma connaissance ces deux messieurs ne se sont point rencontrés depuis plus de 6 semaines mais je crois vous avoir déjà dit cela Van de Weyer est venu chez moi hier. Il va passer deux mois à Brighton. Aussi peu amoureux de Lord Palmerston que tout autre. A propos Collaredo veut quitter. Il ne peut pas supporter les rapports avec lord Palmerston. Avez- vous lu un décente note de celui-ci à Naples ? & la réponse de Naples, excellente. Et à propos encore, avez-vous lu ce que M de Chateaubriand dit de moi dans son Outre tombe. Et encore,la Révolution du 24 février par M. Dunoyer. Van de Weyer vient de me la donner et me fait de cela un grand éloge. Voici votre lettre. Adieu, Adieu. Je ne pense qu'à vous & à Constantinople Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond dimanche le 23 sept. 1849

Voici le résumé du langage tenu à Berlin par M. de Persigny et évidement celui qu'il est chargé de tenir partout. La monarchie est la seule forme de gouvernement qui convienne à la France. Il y a maintenant deux partis, républicain & monarchique. Le premier se compose des plus mauvais éléments de la société. Il est en minorité. L’autre est puissant et considérable, grande majorité. Ce parti : 3 sections. Légitimistes, Orléanistes & Napoléoniens Les légitimistes comptent un grand parti religieux qui est plus catholique que Henri quinquiste, et la portion rurale de la France, [?] dans la noblesse est plus napoléonienne que Bourbonne. grand abime sépare la branche ainée, de la nation. C'est la révolution de 89 et la restauration par les baïonnettes étrangères. La branche cadette compte très peu d'adhérents. On déteste Louis Philippe, il n’avait de force que dans la bourgeoisie & celle-ci a passé en grande partie dans le camp napoléonien grande magie dans ce nom, et le prince peut à l'ombre de ce nom faire plus que tout autre pour la restauration de lord & d'un bon gouvernement. Sa bonne conduite lui a déjà rallié la majorité de la nation. Si Henry V venait à manquer, les légitimistes se rallieraient certainement autour du Prince plutôt que du comte de Paris. L'armée lui est entièrement dévouée. La noblesse sait très bien qu’il n'y a que lui qui puisse rétablir l'hérédité de la pairie , en même temps que les classes inférieures ont confiance en lui pour conserver une forme libérale de gouvernement. Ce qui a rendu le grand Napoléon impopulaire c’était la conscription. M. de Persigny [?] expose the parallel between the Ceasar & the Napoléon. Louis Napoléon would receive his uncle line as Julien. Ceasar was ultimatly replaned by Augustus. Copié textuellement. Deux fois déjà le Prince pouvait être proclamé Empereur, il a trouvé qu’il ne perdait rien à attendre. L’état actuel ne peut cependant pas durer. Un appel au peuple. établissait l’Empire, cela se serait fait maintenant, sans la circulaire de M. Dufaure ! Il a tout gâté. M. de Persigny a vu le roi & le Ministre des Affaires étrangères. L’un et l’autre se sont bornés à faire l’éloge de la bonne conduite du Prince. La conduite de la Prusse vis-à-vis de la France se règlera sur celle des autres puissances. Le but de M. de Persigny était de s’assurer de la reconnaissance de l’Empire. Je vous ai redit bien exactement ce qui vient de source. Le roi de Hollande reprend son naturel, il est violent, absurde, une espèce d'enragé. Cela pourra finir mal. L’Empereur Nicolas ne veut pas entendre parler de rivalité entre ses généraux & les Autrichiens. Nous avons à nous plaindre, et quand on se plaint, l’Empereur fait taire. Le Maréchal lui a écrit, pas de réponse, & lorsque le Maréchal a voulu lui en parler à son arrivée à Varsovie, l’Empereur lui a fermé la bouche. C'est de la bien bonne conduite. L'Empereur d’Autriche a envoyé à Petersbourg l’archiduc Léopold son cousin, pour remercier solennelle ment de l’assistance. On ne dira pas ceci à Vienne. Ils sont là pro fondement humiliés de notre secours. Que c'est petit !
J'ai eu hier pendant deux heures M. Kondratsky secrétaire d’ambassade ici, arrivé en courrier de la veille. Ses récits sont très curieux sur l'empereur, sur l’excès de la joie, et puis l’excès de la douleur. Douleur énorme, qui inquiète. Le voyage l’aura réuni, mais je suis impatiente des premières lettres de Pétersbourg.

Lundi le 24 sept. Hier dimanche, petite pluie fine tout le jour j'ai été déjeuner chez La duchesse de Glocester, et puis rendre enfin visite à Mad. Van de Meyer. J’y trouve une petite personne bien tournée, comme dans les boutiques élégantes de Paris, visage tartare, large & rond, très Russe, jolie. On me l’a présentée, c'était Mad Drouyn de Lhuys. Son mari est à la chasse en province. Elle dit qu’on dit autour d’elle qu’il y aura du bruit à Paris. Vous ai-je dit que Mad. Lamoricière est retournée à Paris. Son mari est allé à Pétersbourg. Les voyageurs de Varsovie disent que sa tournure n’est pas grand chose. Un peu français à cheval, et pas distingué à pied. Mais on est content de lui chez nous. Kisselef sera nommé ministre très prochainement. Hier John Russell. Il y a toujours quelque petit cous pi quant et utile dans le dialogue. Hier, réflexions sur la facilité dans le travail. Très bon quand On a connu [?]Lord John l’esprit simple et droit ; dangereux quand on a trop de goût a faire des affaires. Lord Palmerston a beaucoup de facilité. Incontestablement c'est fâcheux entre un ministre qui ferait trop peu, & un qui ferait trop, le premier is the safest. - I think you are right. It reminds me of Lord Grey who always said. Let a thing alone ; in dropping it, it minds sooner by itself.- - Trés vrai, en travaillant toute chose on ne fait quelque chose, et quelques fois une très mauvaise affaire. Voilà notre train de conversation. avez-vous lu la lettre de l’Empereur au comte Nesselrode ? Et le passage où il parle du conquérant ambitieux d'il y a 36 ans ? Cela ne promet pas beaucoup de faveur pour la [?] Je vous ai dit je crois que l’Empereur a donné à la fois son portrait à Nesselrode & Orloff. Faveur très rare et l’altesse à (Sernicheff, très rare aussi. Avec lui en voilà 6 dans l'Empire. Que de choses diverses je vous écris, & que de choses encore j'aurais à vous dire. Lord Normanby a déjeuné l'autre jour avec le président qui lui a raconté M. de Falloux. Il con naissait la lettre mais on a commis la faute de ne point le prévenir de sa publication. On est curieux de voir comment se prononcera la majorité de l’Assemblée sur l’affaire de Rome. Si elle reste unie pour soutenir le gouvernement. It is all safe, & je puis retourner à Paris, si elle se fractionne, il y aura du bruit et il vaudra mieux attendre qu’il soit passé. Je vous envoie une toute fraîche lettre de Lord Melbourne, si sensible (anglais) que je crois vraiment qu'elle vous frappera vous et le duc de Broglie. Lisez-la avec attention. Moi elle me paraît concluante. Lisez bien.

Midi. La poste de France n'arrivera que plus tard pas de lettres. Adieu. Adieu. Adieu

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond jeudi le 20 septembre 1849

On mande de Paris à Lord Palmerston qu'en effet Thiers dit qu'il était sur le point d’accepter le Ministère mais la publication de la lettre à Ney lui a servi de prétexte pour reculer. Il donnera son appui à Louis Napoléon où à tout autre qui lui offre l'espoir de pouvoir dire jusqu'à son dernier jour qu’il n’a jamais servi une république. On va proposer de doubler le salaire du président. Si les légitimistes ne votent pas, on sera battu. Je vous redis ce qu'on sait ou ce que l’on croit le savoir ici. Je vous ai dit que Palmerston croit tout. à fait à l'Empire.

Vendredi 21 sept. J’ai vu hier matin van de Weyer, & Nicolay le soir. Le premier fort spirituel et charmé de l’article du Times avant hier qui donne sur les doigts à Lord. Palmerston à propos de la grande [?] de l’Empereur Nicolas. Du reste peu orienté, puisqu'il n’y a pas un ministre et pas une âme à Londres faisant un grand éloge du président, et pas indisposé pour l’Empire. Nicolay racontant un courrier de Varsovie arrivé hier matin, mais rien de plus que ce que je vous ai dit sur les derniers moments du grand duc. Le désespoir de l'Empereur. Nous faisons rentrer jusqu'au dernier soldat. L’Empereur d'Autriche voulait venir à Varsovie, la catastrophe du grand duc Michel l’a empêché. Peut être n'a-t- on pas été fâché à Vienne de l'empêchement et nous cela nous était fort égal. Le ton à Varsovie est de traiter tout cela dédaigneuse ment. Nous sommes venus nous avons montré notre force, & bonjour. Je médite ce matin une course à Claremont, le temps est fort laid, mais il faut avoir fait cela. C'est bien ennuyeux. Rabâchage pour rabâchage, celui du Roi est cependant plus gai et surtout moins long que celui de Metternich. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond le 19 septembre 1849

Ah si j’avais des yeux ou si j’avais Marion. Il n’y a pas moyen. Je vous envoie la lettre de Beauvale, elle vous donnera une idée plus exacte que ce je vous ai dit ce matin de l’affaire de Malte. Quant à la lettre de Berlin, elle traite longuement la question allemande. On cherche à s’entendre avec l'Autriche. Il est probable qu'il y aura deux Allemagnes nord & midi. J'en ai causé ce matin avec Metternich. Il dit que ce serait la guerre. entre elles. & que le feu au centre de l’Europe c’est le feu partout. Selon lui Il n’y a de possible & de sensé que 1815. Il ne sort pas de là. M. de Persigny a fait bien des efforts à Berlin pour faire comprendre la nécessité de donner de la force au Président démontrant qu’il n’y avait possible que Louis B. en France. Il faut donc le soutenir. Le correspondant de Berlin ajoute : la question de dynastie en France embrouillera tout l’avenir de l'Europe. Moi, je ne vois pas cela. C'est une question de ménage. jeudi le 20 septembre. Longue conversation hier avec lord John. Certainement il soutiendra le gouverneur de Malte, & approuve complétement son refus de recevoir les réfugiés, Nous allons voir qui l’emportera de lui ou de Palmerston sur ce point. Le gouverneur [?] est en Angleterre dans ce moment un protégé de lord Minto. Quant au Cap, quoique les habitants ne veulent pas recevoir les Convites, le gouvernement cédera, et fera revenir ceux qui sont déjà partis. Longue discussion commençant par un : " Quel beau rôle vous avez fait à mon empereur ! Vous pouviez le partager avec lui, vous n'aviez qu’à rester tranquille, & & &. Vous voyez tout ce que j’ai dit à la suite. J’ai été très belle vous auriez eu plaisir à m’entendre. Les busy body poussant les révolutions, & puis abandonnant. S’aliénant les gouvernement et les peuples. battus partout. Nous tranquilles d’abord, et puis le reste, finissant par dire. Il y a plus d’honneur aujourd’hui à être Russe qu’Anglais. " Il a voulu expliquer les motifs les nécessités d’intervention partout. Les répliques n'ont pas été difficiles. De tout cela il résulte qu’il est bien bon enfant, qu’on peut tout lui dire, mais je doute qu'il entend souvent tant de vérités. C’est très sain pour un Ministre et puis réflexions générales. Par quoi finira tout ceci. Le bouleversement est si profond qu’il ne peut rien ressortir de raisonnable, de tempéré. Ce sera l'un on l’autre extrême partout. absolutisme, ou démocratie. tous avons trouvé cela spontané ment & simultanément et nous nous sommes quittés sur cette belle perspective. Vous comprenez que j'aime mieux la première & lui aussi. En parlant des nouvelles inventions, il dit : là où il n'y a qu’une chambre, il n'y a plu de gouvernement, il ne vaut pas la peine d'en avoir. Adieu.
Il fait froid, cela ne me plait pas. Je reçois dans ce moment une lettre de Bro[ ?]. Palmerston y est. " Il a grande. envie de l'empire. Il y croit, il déteste les 2 branches de Bourbon, et ne croit pas du tout que l’état actuel puisse durer. Christine & Narvaez cherchent à faire abdiquer la Reine en faveur de sa sœur, et profitant pour cela de l'absence d'un représentant d'Angleterre ! " Est-ce que cela ne voudrait pas dire que Palmerston a envie d’en envoyer. un ? Voilà tout & je finis. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond le 19 septembre 1849

Journée froide hier, & pas de visites. Je n’ai vu que les Metternich & Mad. de Caraman. Je ne devrais pas dire qu’elle m’ennuie par ce qu’enfin elle vient rompre ma solitude et qu’elle le fait avec ma nièce de dévouement et de plaisir. Mais à vrai dire si je n’étais pas rude ce ne serait guère endurable. Si peu naturelle, & si peu de fond ! Mais elle chante ; un peu faux c’est vrai mais très bien. Son talent pour le dessin est merveilleux & ses ressemblances frappantes. Seulement je n’ai Aucune patience, et je ne veux pas poser. Ah l'ennui mon ennemi !
Lord Aberdeen m'écrit souvent Il me dit : "The letter of the President, was an act of great imprudence, and a a piece of insolence offered to the whole word. His own ministere has also good cause to be offended." Quant aux conseils donnés au Pape dans cette même lettre il les trouve de nature à être parfaitement acceptés ; et dit d'eux comme Lord John qu’ils sont élastiques. Le Times de ce matin a un article admirable sur la conduite de la Russie, comparée à celle de l'Angleterre.

1 heures. Votre lettre, et Constantin, & Beauvale. Constantin décrit le désespoir de l'Empereur, énorme, déchirant. Il a dit à Constantin. "Allez chez mes sœurs, & ma fille. Dites leur mon malheur, je ne puis pas écrire." Constantin m'écrit de Weymar, et va de là à Stuftgard, & La Haye. Beauvale curieux. On a donné une constitution à Malte. Le conseil législatif composé de Jésuites intolérant. Refusant refuge même aux malades & blessés. Palmerston choqué, furieux. John Russell & Lord Grey soutenant le gouvernement que Palmerston veut faire chasser. Que va-t-il se passer Beauvale conclut. Garderons-nous Grey ou les colonies les deux ne peuvent pas exister. Le Cap & le Canada en pleine insurrection. Il me semble que je vous ai parlé hier de Malte. Vous aurez vu que John Russel approuve la conduite du gouverneur. Adieu. Adieu. Je n’ai pas lu mes lettres encore. Une longue de Berlin adressée à Beauvale & qu’il m’envoie. S'il y a quelque chose, je vous le manderai. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond dimanche 16 septembre 1849

J'ai oublié de vous dire que Lord John parle beaucoup & fort mal de Radoviz. Il parait que c'est l'homme puissant au jourd’hui. Collaredo qui était chez moi hier le défend en disant qu'il fait son devoir de prussien, et qu’à ce point de vue sa conduite est habile et fera aboutir. Personne ne se fait une idée exacte de ce qui ressortira de ce travail en Allemagne, mais évidemment on s’arrange. Les deux grandes puissances s'entendront et la Prusse aura la part d’influence prépondérante qui lui revient. Je crois à deux portions nord & midi unies pas un lien fédéral. Le grand duc Michel était à l’agonie il y a huit jours. Le comte Nesselrode me l'écrit. Son désespoir pour sa femme, & le désespoir de l'Empereur pour son frère sont extrêmes. Cela jette un voile bien lugubre sur ce que devrait être les jours de Varsovie. L'Empereur ne quitte pas le lit de son frère.
Lundi 17. Sept Le journal m'annonce la mort du grand duc je suis sûre que sa femme a trouvé le moyen de se conduire très sottement à cette occasion. C'est une femme de beaucoup d’esprit avec pas l'ombre de tact et une absence de cœur complète. Lord John est malade, mais je le vois. Hier il me faisait l’éloge de Lord Aberdeen. Beaucoup pour moi. Développant tout son mérite politique, grandes vues. Vues générales. Homme plein de sens, de tenue & & & Vous entendez cela. Il approuvait seulement, dit-il, une bévue, le mariage espagnol. Comment bévue ? Mais s’il était resté le mariage ne se faisait pas. Et alors, les preuves. Il a tout écouté sans contester. ces conversations m’amusent & je crois lui aussi. Mais je pense que nous ne faisons pas grande impression l'un sur l’autre. La vieille princesse [Crasalcoviz] est partie ce matin, elle passe une semaine à Londres et puis Paris. Je regrette de voir disparaître une pièce d'une si petite réunion. A propos hier Lord John me faisait un grand éloge du Duc de Broglie, décidemment il l’aime, outre qu'il le respecte.
1 heure. Voici vos deux lettres de Broglie. Merci merci, & adieu bien vite, car lady Allice est là qui me prend mon temps ; elle part for good. Adieu. adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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181. Paris, le 1er Novembre Jeudi

Ce vilain mois sera donc un joli mois ! Voyons. Je viens encore de recevoir une longue lettre du Roi de Hanovre. Une bonne lettre pleine de sens ; c’est dommage qu'il n'y ait que moi qui lui en trouve. On commence à dire et à croire que Lord Durham restera au Canada. L’affection pour lui s’y manifeste d’une manière si éclatante, que sa vanité sera prise. Ce sera drôle.
J’ai eu mon monde habituel hier au soir. Humbold est fort amusant pour moi, il nous déteste (la Russie) et il dit cela au quatrième mot. Or il m’a dit bien des mots ! Le Roi de Prusse serait blessé au vif. du mariage Lenchtemberg. En général, le beau-père et le gendre sont parfaite ment mal ensemble comme politique.
Je commence à m’inquiéter de ce que je n’ai pas de réponse de mon banquier à Pétersbourg. Le silence complet de mon frère est étrange aussi. Me prépare-t-on une nouvelle surprise ? Quelles gens !
Il pleut, il fait le temps le plus triste du monde, & je suis bien triste. Les troubles à Cologne sont quelque chose. Quelque chose de plus que ce qu’en disent les journaux. Je n'ai rien, rien du tout à vous mander. Je vous dis donc adieu de tout mon cœur.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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410. Stafford house samedi 8 août 1840
8 heure du matin

Je ne puis pas dormir, je me lève et j’ai été au jardin. Il y a un brouillard épais et froid un temps anglais bien triste, triste comme moi. J’ai vu hier lord Harry Vane longtemps. Homme sensé voyant les choses comme elles sont sans passion. Il regrette la querelle de personnes et trouve que les journaux français ont été maladroits sur ce rapport. Le discours de lord Palmerston avant-hier a eu du succès à la chambre du commerce. On l’a trouvé clair et satisfaisant. Lady Clauricarde prétend que M. de. Brünnow n’en est pas content quant à la partie qui nous regarde. J’ai vu Munchhausen, des bêtises. Lady Palmerston, très sereine, très contente. Les Russes ne disant et ne sachant rien. J’ai dîné trois avec lord & lady Clauricarde. Le soir la promenade en calèche avec elle, et je me suis couchée à 10 1/2. J’ai pu dormir. J’ai oublié hier, la duchesse de Bedford (régnante) et lady William Russell. La première était évidemment venue pour me sonder et apprendre si je connaissais la Reine des Belges. Ils arrivent ce matin, Il y a une soirée pour eux lundi, et mercredi la cour s’établit à Windsor. Lady William Russell dit qu’on est de bien mauvaise humeur à Holland house. Depuis que je sais Louis Bonaparte arrêté je suis plus tranquille.
Personne ici ne croit à votre retour. Moi je ne crois à rien dans le monde qu’à une seule chose.
Midi. Je me sens bien nervous aujourd’hui, plus que de coutume. Le brouillard est dissipé la chaleur est venue, elle ne me réchauffe pas.

1 heure
Je viens de recevoir votre petit mot de Calais. Je serais bien curieuse, bien anxieuse de celui que vous m’écrirez d’Eu. J’ai eu une longue visite de Benckhausen. Mes fils sont en règle. C’est la loi. Je suis charmée, Benckhausen affirme qu’à la cité personne ne croit à la guerre et qu’on pense que le Général français a fait toutes ces démonstrations pour pouvoir en jouir plus dignement. S’il en était autrement nous avons 28 vaisseaux de ligne à Cronstadt qui peuvent être ici dans 8 jours, et 14 à Sébastopol qui peuvent aller rejoindre la flotte anglaise dans le Levant, voilà les dires de la cité, et on est parfaitement tranquille. Je voudrais être calme et me bien porter, mais cela ne va pas M. de Bourqueney n’est pas venu me voir, je le regrette. Je suis assez seule et cela ne me vaut rien. Adieu. Adieu. J’ai une horreur d’écriture. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond Vendredi le 22 juin
6 heures

Je me sens toute malade aujourd’hui. Accidents d'entrailles. J’ai été cependant en ville. J’ai vu lady Palmerston plus anti autrichien que jamais et anti russe aussi à ce qu'il me semble. Sur la France des doutes, un répit voilà tout, enfin ce que nous disons. La duchesse de Sutherland a perdu hier une petite fille charmante, cela aura sans doute dérangé votre matinée. Le temps est ravissant, mais je ne suis pas en train d'en profiter. Voici un mot de Lady Holland Personne n'est venu me voir aujourd’hui, et je ne compte pas sortir ce soir. Hier j’ai trouvé un Cambridge chez Metternich. On dansait. Grand Dieu quel tapage ! Je n’y ai pas tenu plus de 20 minutes. Adieu. J'ai besoin de repos. J'ai des maux de reins assez forts. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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396. Paris, Samedi le 6 juin 1840

J’avais bien raison de détester vos courses. Je n’ai eu que de pauvres petites lettres. Je suis charmée que vous ayez trouvé peu de plaisir à Epsom, aussi charmée que vous l’ayez été sans doute lorsque je vous ai donné l’assurance que je n’irais jamais voir Melle Dejazet. C’est Ellice aussi qui voulait m’y entraîner, lui Lady Granville, la loge était prise, tout leur petit plan fait pour m’enlever par surprise, mais moi, je sais dire non tout de suite. Enfin Epsom c’est fini je n’y veux plus penser.
Je veux penser au mois de juin. Je pense à tous les détails. Décidément vous aurez vos heures où je serai out pour tous les autres. Nous déciderons cela tout de suite, et nos heures seront réglées selon vos convenances. Mais que Londres va me paraître étouffé, étouffant. Certainement, je ne tiendrai pas longtemps à Londres même quand j’y pense bien, assurément, si ce n’était vous je ne ferais pas ce voyage. J’y vois un peu plus de tracas que de plaisir.
J’ai dîné hier chez les Granville Ils étaient seuls. Le soir, j’ai vu chez moi M. Molé, les ambassadeurs, Armin,& & Les nouvelles de Berlin, sont meilleures vous le savez sans doute/ Ainsi mon programme est faux. M. Molé me dit que la gauche est furieuse contre Barrot. 40 des siens le quittent. Il n’apporte dans le camp ministériel tout au plus que 20 adhérents. Il faudra que Thiers le poste à la présidence et les Conservateurs joints aux extrémités le refuseront. Il nie qu’il puisse y avoir de meilleures relations entre Thiers et Le Roi. On me dit qu’il n’est pas vrai que M. de la Redorte aille à Madrid ; cela s’était établi dans le monde. Je ne sais ce qu’on pense ici du discours de Lord Palmerston. Mais la croyance générale est qu’on est assez près de la guerre. M. Molé a été frappé des paroles dites par Thiers à la chambre des Pairs sur la question de la banque. Il a fait entrevoir la guerre comme probable.
Je suis fatiguée, mais je ne suis pas si malade que je l’étais après que vous m’aviez annoncé Epsom. Adieu. Je ne songe plus qu’à Londres, j’écarte les idées de tracas, je m’attends au bonheur. Oui, un grand bonheur. Ah, que de causeries charmantes, quel débordement, Adieu. Adieu, mille fois.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris jeudi le 3 octobre 1850

Vous avez lu cette abominable lettre. Vous avez vu l'agitation, le trouble où elle m’a jetée. Mais vous ne vous ne ferez jamais une idée exacte. J’ai passé une journée et une nuit affreuses. Ce matin j’ai envoyé chercher votre petit homme il n'était pas de retour. Je me suis décidée à prier Dumon de passer chez moi. Il va venir. Sans doute vous approuverez que je prenne & [?] son conseil. Quel sera-t-il ? Je ne pense pas à autre chose. Lord Beauval m'écrit : " Si la Prusse tient bon, la guerre paraît inévitable. Mais pour qu’elle tienne bon, ne faut-il pas des fous d’une autre espèce que ceux qui la dirigent. (& je ne comprends pas trop ceci).
On assure ici que Bunsen reste toujours en communication avec les [Halstiniori] pour les [?] La Prusse a apparemment pensé venir à ses fins par des intrigues, mais c'est l’épée qui décidera. Midi 1/2 Dumon trouve ceci très grand. Renvoyez-moi au plus vite la lettre, j'espère que vous l'avez fait. Le délai expire demain. Je n'ai reçu cela que hier. Y a- t-il intention ? Votre petit homme arrive. Il espère que vous venez demain et moi aussi je l’espère, mais je lance ceci à tout hasard. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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454. Paris, Vendredi 16 octobre 1840

Le temps hier était charmant. Je suis même restée assise au bois de Boulogne. J’avais vu le matin Bulwer, toujours inquiet comme tout le monde. J’ai vu plus tard Granville qui avait trouvé M. Thiers assez soucieux et de mauvaise humeur. J’ai été porter mes félicitations à Mad. Appony dont c’était la fête. A 6 heures j’étais couchée sur un canapé me reposant de ma promenade lorsque j’ai entendu une grosse explosion. J’ai cru le canon et que la duchesse d’Orléans accouchait quinze jours trop tôt. Comme le coup n’avait pas de camarade, je n’y ai plus pensé et le soir j’apprends qu’on a encore tiré sur le roi. Mon ambassadeur, M. de Bignole et l’internonce sont venus me voir. J’avais enfin ouvert ma porte, mais comme je n’en avais prévenu personne. Je n’ai eu que cela. Nous sommes curieux du parti. que le gouvernement va tirer de ce nouvel attentat.

Midi
Les journaux s’expriment très bien, et si le gouvernement a du courage cet événement peut tourner à bien.

1 1/2
J’ai été interrompue par le petit. J’espère qu’il vous écrit beaucoup, beaucoup. 3 heures. Voici seulement à présent votre lettre. J’en suis très très contente ainsi que d’une autre que j’ai lu aussi. Je n’ai que le temps de vous dire ceci. A demain et comme toujours toujours adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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238 Baden le 10 août Samedi 1 heure

Qu'il y a longtemps que nous ne nous sommes vus ! Savez-vous bien que c'est là ce qui m’empêche de me bien porter. Il me semble que si vous étiez auprès de moi je serais bien, tout à fait bien. Que de fois je m'en suis saisie de ce besoin, ce désir d’aller où vous êtes, de causer avec vous, de vous dire tout. Ce n’est qu’avec vous que je sais parler, ce n’est que vous que j'aime à entendre. Je n'ai que tristesse, et ennui là où vous n'êtes pas. Vous me manquez bien plus que moi je ne puis vous manquer. Soyez bien sûr de cela. Les Anglais disent ici que Lady Cowper sera à Wisbade demain. Elle ne m'en a pas dit un mot. Si elle venait en effet cela changerait un peu mes plaies. Je ne retournerai pas à Paris avant de l'avoir vue. Et puis ensuite l'Angleterre ne m'irait plus du tout, car sans elle il y aurait bien de l’isolement pour moi.

5 heures Voici votre lettre. Je suis bien aise de voir que nous admirons Méhémet Ali ensemble et pour la même chose, je crois vous avoir parlé de sa note aux consuls. Aujourd’hui on dit ici que les flottes anglo-françaises ont demandé l’entrée dans les Dardanelles et que le Divan la leur a refusé. Dans tous les cas l’Orient devient une très grosse affaire et qui a un aspect imposant dans son ensemble et dans ses détails. On dirait que l’Europe a disparu ; tout est aujourd’hui à Alexandrie et Constantinople. Le temps est un peu beau aujourd'hui. Nous avons eu froid tous ces jours passés. Je me promène également par le beau et par le mauvais temps, parce que je m'ennuie. Ah, que je m’ennuie. Vous ai-je dit que je lis la Révolution par Thiers ? Je suis au 6ème volume. Et bien, cela m’enchante. Ai-je le goût mauvais ? Adieu, je n'ai pas de nouvelle à vous dire ? Je me lève toujours à 6 heures. Je reste dehors jusqu'à 8. J'y retourne de 10 à 11. J'y retourne encore de 2 à 4. (dans l’intervalle j'ai déjeuné et dormi. J'ai fait ma toilette, & &) Je dîne à 4 heures. Je ressors à 5 1/2. Et je ne rentre que pour me coucher à 9 heures. Je mène toujours quelqu'un avec moi en calèche. Marie et la petite Ellice. ma nièce. Mad Welesley. Aujourd'hui Madame de la Redorte. A 9 1/2 je suis dans mon lit. Mais je ne dors pas.
Adieu. Adieu. Avez-vous bien envie aussi de me revoir ? Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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394. Paris Mercredi 3 de juin 1840
4h 1/2

Que votre parole est puissante ! Et quand je pense qu’outre cette parole puissante, Il y aura bientôt cette voix, ce regard, qui agissent sur moi si fortement, je me sens bien petite de me laisser aller jamais à des moments de tristesse, de doute, où vous me voyez si souvent. Je rentre et l’on me remet votre 384. Il y a vos inquiétudes. Ah ne les regrettez pas, ne regrettez pas de me les avoir exprimées. Elles m’ont fait tant de plaisir. Je me sens le cœur plus large, plus libre. Le retard de ma lettre vous avait donnée du chagrin, presque l’angoisse. Je suis si contente ! Voyez cet atroce égoïsme. Haïssez-moi bien, car je jouis vivement de vos peines quand c’est à moi qu’elles s’adressent. Nous nous sommes souvent dit que nous ne savions pas rendre tout ce qu’il y a dans notre âme. Jamais je n’ai tant senti l’insuffisance de mes paroles. Mais vous verrez quand vous m’entendrez ! De près, il me semble que je serai bien éloquente Jeudi le 4 de juin.
Voici le 385, et des volumes que j’aurais à répondre, que de choses à vous dire, bien tendres, des reproches, de la reconnaissance. Vous deviez me dire un mot sur le gros Monsieur tout de suite. vous me les dites à présent. Mon cœur allait au devant des paroles de 385. si je les avais trouvées plutôt vous m’auriez épargné quelques jours de peine. Vous avez raison. Il y a bien de la susceptibilité dans l’absence. On remarque tout, cela veut bien dire que nous nous aimons, mais pour cela même il faut que nous nous épargnions mutuellement tous les petites images, car il n’y a rien de petit quand on ne peut que se dire adieu tout de suite après. N’est-ce pas ? Ne faites rien pour Génie si vous y voyiez le moindre inconvénient. Gardez-moi une place à dîner le 26. Cela vous plait, et à moi aussi.
Mes matinées sont très coupées par mon fils et mille bêtises. J’ai à peine le temps d’écrire trois lignes de suite. J’ai dîné hier chez Rothschild à Boulogne. Nous avons beaucoup causé Thiers et moi. Il m’a dit beaucoup de choses qui méritent que je m’en souvienne. Il est très sage, très contenu. La guerre à la toute dernière extrémité, il la reculera plus que ne la reculerait tout autre ! Mais si un jour elle éclate s’il la faut absolument oh alors, par tous les moyens et ravoir ce que la nature indique. Il y a deux forts arguments. L’un pour l’autre contre la guerre. Contre, parce que personne ne la veut. Pour, parce qu’il y a 25 ans qu’on ne l’a faite. Sur l’Orient, sait-on bien, sait-on assez en Europe, que la France sur ce point est in-fle-xible ? Prononçant comme cela et répétant. En Angleterre, il n’y a que Lord Palmerston qui soit de l’avis contraire à tout le monde. La session finit, dans 10 jours tout sera terminé. Odillon Barrot s’est conduit parfaitement. Sa lettre est excellente. On s’est tiré habilement du mauvais pas de la souscription. Les funérailles, qui sait ! Il est vrai que l’épreuve sera forte, car l’émotion sera dans tous les cœurs. Le million de Joseph ? Il na pas voulu me répondre du tout sur cela, il m’a dit simplement : " C’est un vieux fou. C’était une veille créance." Cela confirme sans expliquer ce qu’il veut faire. Je suppose que cela l’embarrasse.
La Prusse. La mort du Roi c’est là révolution. Je suis parfaitement de son avis et vous verrez. Au bout d’une bien longue conversation il me dit que si je ne vais pas en Angleterre, il me jure qu’il viendra deux fois par semaine causer avec moi.
There is a bribe ! I go to England.
Je vois que l’affaire Rémilly est noyée par conséquent rien de grave ou d’immédiat. Il me semble que les rapports de Thiers avec le roi doivent être meilleurs, presque vous. Cela perce dans le paroles respectives. Il me semble que je vous ai tout rapporté. Ah encore, tous les deux lui et moi nous sommes pour une République aristocratique, franchement de tout notre cœur. Je vous assure que nous avons fort bien parlé sur cela, et je crois que vous aurez fait le troisième. Nous nous sommes bien promis de nous garder le secret. Ainsi gardez-le.
Je fais mes préparatifs, et j’ai mille embarras petits et grands, parce que vous savez que je n’ai personne pour me les épargner. Simon m’a dit ce matin qu’il a vu partir toute votre famille en très bonne santé. Il se plaint que la poste lui apporte maintenant les lettres plus tard que de coutume. Je vous en préviens, moi je me plains bien plus que lui. Je suis charmée de ce que vous me dites sur meeting du Slave trade. Vous faites bien de me dire toutes les petites vanités. Cela cela devient bien grand pour moi. de tous côtés j’entends parler de vous, parfaitement J’irez voir. Adieu Adieu, et jamais assez.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Ems le 26 juillet 1850

Puisque votre dernière lettre ne me parle plus de venir, j’espère que vous y aurez renoncé pour le moment. J'ai eu beaucoup de lettres aujourd’hui lord Aberdeen il partait le même jour pour l’Ecosse. Le dîner pour Palmerston a été une pauvre affaire. Pas un ministre n’a voulu en être. Leur absence a semblé très significative. J’attends ce que Ellice m'en dira. Brunnow va en août à Pétersbourg. Il a beaucoup parlé et raconté à Aberdeen, très triste, voyant très en noir notre avenir avec l'Angleterre & désirerait connaître exactement la volonté de l’empereur, doutant de son propre retour à Londres. La guerre en Danemark tout de suite après s’être vanté du succès de la médiation pour la paix, fait à Londres un effet singulier.
Duchâtel & Montebello me disent tous deux que le Bonapartisme fait de grands progrès, même celui qui devait former notre partie carrée avec Marion à dîner, est dans cette opinion. On veut rappeler d'exil les princes. Lamoricière est à la tête de tout ce qui peut vexer l’Elysée. Il me semble que la commission est mal arrangée pour y plaire dans ce quartier. Enfin il peut encore survenir d’étranges complications. J’ai lu l’article de M. de Lavergne dans la revue des deux mondes et j'en ai été charmée. On me parle tout à l'heure d'un article du Moniteur du soir qui serait la guerre déclarée, par l’Elysée à l’assemblée. Cela a l’air vif, ce ne sera probablement rien. J'ai passé une nuit détestable des crampes, oppression de poitrine, j’ai suspendu aujourd'hui les verres d'eau, & le bain. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Ems Vendredi le 12 Juillet 1850

Le froid continue, les averses aussi. On me fait prendre les l'eau cependant, & boire de l'eau. Cela ne me fait ni bien ni mal. Je me lève à 6 heures. Je me couche à 9. Je voudrais bien me coucher plutôt, car je meure d'ennui. Rothschild. Ma seule ressource ! Une demie heure tous les jours.
J'ai eu une lettre de Beauvale. Il me dit que John Russell a beaucoup baissé & Palmerston grandi. Aujourd’hui le Roi des radicaux, fausse position, car à l’intérieur il est bien moins radical que John. Les choses ne resteront pas comme elles sont mais personne ne devine quelle tournure elles vont prendre. Londres se disperse, & le parlement va se proroger. Montebello me tient un peu au courant de l'Assemblée. Il m'écrit de son banc et me divertit beaucoup.
Vos extraits de Londres & de Paris sont curieux. Tout cela tend à devenir de la grande politique ou plutôt de grandes affaires sérieuses. Nous verrons.

3 heures. Il y a eu des petits Princillons que j'ai connus jadis. Mari & femme, Prince régnant de Lippe, de Hambourg, Bukebourg. C’est bien long. Plus long que leurs états. Ils sont venus me relancer et comme je suis polie j’ai été leur rendre leur visite. Un Chambellan au bas de l’escalier. Le Prince en haut, la Princesse devant le vestibule. Des questions sur Paris. le général Changarnier a dit-on fait un superbe discours. J’espère que la comtesse de Chambord n’est pas grosse. Charles X se porte mieux à ce qu’on dit. Voilà exactement ma Princesse régnante. Ah quel lieu que cet Ems ! S'il y avait ici seulement la moitié du plus insignifiant de mes visiteurs du Dimanche ! Voyons, la moitié de M. de Flamarens ou de M. de Mézy. Adieu, Adieu. La pluie a cessé depuis un instant. C'est une nouvelle. Adieu encore.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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397. Paris, dimanche le 7 juin 1840

Mon fils vient de me quitter. Il revient à Paris au commencement de Septembre pour y passer alors deux ou trois mois. Il est mieux mais sourd et paralysé du bras gauche.
Je n’ai rien à vous dire d’hier les ambassadeurs et le Duc de Noailles hier au soir ne m’ont pas beaucoup avancée. Thiers d’où on venait est en bonne humeur, et mon monde. le regarde comme établi pour longtemps. Il me semble. qu’Appony commence à en prendre son parti. Moi je trouve que tout prend une mine guerrière, ces messieurs le contentent ; mais infin il faut bien qu’on décide quelque chose à Londres, et quelque chose sera tout. Quoi ? C’est de vous qu’on l’attend.
Je vous remercie de quelques bonnes paroles dans votre lettre ce matin. Les bonnes paroles, c’est comme une caresse à un enfant. Je suis un vrai baby ; si facile à la peine, si facile à la joie. Encore facile à la joie ! Je retombe dans les recherches et les embarras pour trouver quelqu’un qui m’accompagne. Quelle bêtise d’être si poltronne, je le suis devenue. Car jadis je traversais toute l’Europe seule sans un moment de crainte. de Londres à Pétersbourg par terre. Et aujourd’hui Boulogne me parait un tour de force et d’extrême danger.
Adieu. Adieu. Je ne sais pas une nouvelle. On parle même de la sante du Roi de Prusse. Armin croit qu’il s’en tirera. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris Samedi 1er Juin 1850

Hier matin le duc de Nesselrode, Duchâtel, Dumon. [?] Montebello, Kisseleff. Le soir Nesselrode & Montebello. La Prusse, l’Autriche & Naples. La loi votée à une très grande majorité comme vous voyez. On s’attend aujourd’hui à du scandale à propos des pétitions contre la loi. Il m’a semblé que je pouvais rendre un compte succint à vos amis de votre dernière matinée. Ils en étaient curieux & ont été charmés. Ils étaient ici successivement, pas ensemble. Antonini a eu une audience. du Président dans laquelle celui-ci lui a dit que Palmerston avait promis de ne pas employer la force à Naples mais qu'on ne pouvait pas se fier aux promesses de Palmerston. “ Le président a dit encore à Antonioni qui lui faisait compliment sur l'appui éclatant que lui donne la France dans sa conduite ferme envers l'Angleterre" cela prouve bien à quel point l’entente cordiale avec ce pays-là est antipathique à la France. Tout cela est bon, mais je crains que les faiblesses ne reviennent. La négociation en est toujours là. Mais on sait ici à quel point Palmerston désire aboutir avant la discussion du 7. Cela donne ici une grande force, j’espère qu'on en profite.
La duchesse d’Orléans est allé rejoindre la famille royale et St Léonard. On dit qu’elle était restée en arrière dans l’attente d’un événement à Paris. Quelles illusions ! Des avertissements sont partis de Londres il y a 3 semaines sur des tentatives d’assassinat des 3 souverains, roi de Prusse & les deux Empereurs. Cela m’a été dit par Molé & par Hatzfeld. 2 heures. Une longue lettre de d'Ellice assez importante pour que je l'envoie à Aberdeen. Ellice doute qu'Aberdeen & Stanley soient in earnest. S’ils l’étaient le vote de mesure renverrait indubitablement. Immense effect est le terme dont il se sert. Je suis entourée, La Redorte est venu, bien ennemi de Changarnier. Voici votre lettre merci.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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453. Paris Jeudi 15 octobre 1840

J’ai reçu hier après 3 heures les deux lettres de dimanche et lundi votre bonne intention de dimanche n’a été remplie que tard comme vous voyez. Mais mon cœur la compte, je vous en remercie beaucoup beaucoup. Eh bien je vois qu’on a été content de la note, et je vois cependant que cela va encore traîner. Toujours traîner. Ah mon Dieu ! Il est évident qu’on attend vos réponses.
J’ai beaucoup causé avec ma belle sœur, elle est bien peu de chose, mais enfin elle sait et elle se souvient elle se souvient donc qu’il n’y a pas quelque jours aujourd’hui, on ne rêvait pas à la guerre on ne la voulait pas ; elle est très surprise de tout ce qu’elle entend ici. Le mémorandum de Thiers est fait avec un grand talent. Cela se lit et se comprend parfaitement, et je conçois qu’ici il fasse un excellent effet pour le gouvernement et qu’au delà de la manche il a porte également la conviction dans beaucoup d’esprits. Mais nous autres ses visiteurs d’hier matin nous n’en sommes pas contents. Appony dit que tout ce qu’il dit de l’Autriche est faux. M. de Pahlen dit qu’on est bien près de se battre quand on parle ainsi de la Russie. Et il s’attend a quelque contre coup fâcheux de chez nous. En effet voilà des aveux difficiles. Il y a une forte différence entre penser les choses, et les dire ! Nous savons bien que tout le monde pense cela de nous mais aucun gouvernement n’a encore proclamé cette pensée. La France le fait.
Pensez un peu à cela, ne trouvez-vous pas que M. de Pahlen a raison. J’ai eu un long entretien hier avec ma belle sœur. Elle est d’avis d’une forte démarche de ma part contre M. de Brünnow. Elle est d’avis que je raconte tout en détail ma lettre est faite, j’attends votre conseil. J’insisterai sur une réparation. Elle m’a dit de drôles de chose.
L’empereur a toujours de la colère quand il est obligé de reconnaître que j’ai un peu d’esprit. Cela le dépite. J’ai été à une soirée chez Mad. Appony hier. La diplomatie est triste et inquiète. A propos Appony n’a plus été chez M. Thiers depuis 10 jours, et ne compte y aller que lorsqu’il aura eu un Courrier de Vienne. Mon ambassadeur n’y a pas été non plus depuis tout ce temps. Si bientôt les choses ne prennent pas une bonne tournure, elles ne prendront une bien mauvaise. Appony trouve que la question a fait un progrès sensible en ce qu’elle est très simplifiée mais aussi c’est bien plus grave, et la guerre ou la paix est à la porte, il n’y a plus de faux fuyants possibles. il y a des gens qui disent que s’il faut la guerre au bout de tout cela, il vaut mieux l’accepter tout de suite. Quand la France sera bien en mesure de la faire les alliés pourraient bien n’être plus aussi unis. Aujourd’hui ils tiennent ensemble et la France n’est pas suffisamment préparée.
Cependant il me parait clair aussi que nous (alliés) nous ne la commencerons pas, et que ni d’une part, ni de l’autre il n’y a de véritable bonne raison pour la commencer. Quelle mauvaise bagarre que tout ceci ! Que le ciel nous en tire, car les hommes ne paraissent pas devoir nous en tirer. Quand viendrez-vous quand me pourrez-vous venir ? On dit que tous vos amis sont d’opinion que vos devoirs à Londres sont un prétexte et même une raison suffisante pour vous dispenser de vous trouver ici à l’élection du président.
J’attends avec impatience ce que vous déciderez. Je n’ai point d’opinion là dessus. Je désire que rien n’aggrave l’embarras de la situation que rien ne gâte la vôtre. Je fais des vœux pour l’ensemble, je fais de bons vœux pour vous. Voilà où j’en suis. bien incertaine sur les moyens de concilier tout.

1 heure
Le petit sort d’ici ; tout ce qu’il me dit est bien grand pour le Cèdre. Le cœur me bat bien fort. Qu’est-ce qui ressortira de tout ceci ? L’heure de la décision à prendre va sonner. Ah mon Dieu. Adieu. Adieu. Mon cœur est aussi inquiet qu’il est tendre, qu’il est fidèle, qu’il est passionné. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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179. Paris mardi le 30 octobre 1838

Rien de plus touchant que ce petit billet d’Henriette. Comme vous devez aimer cet enfant. Je vous renvoie le billet, vous le conserverez. Le temps a été charmant hier. J'ai marché un peu à différentes reprises mais je n’ai pas été au bois de Boulogne. C'est loin, & la voiture fermée m'ennuie horriblement.
J'ai dîné chez Lady Granville. Au milieu du dîner sont entrés quelques jeunes anglais qui se croyaient encore à Londres où il est élégant d'arriver trop tard. Vraiment leur tournure étaient incroyables, l’un surtout, Lord Castleragh qui a cependant beaucoup d'esprit mais il faut franchir des diamants, des turquoises des cheveux touchant sur ses épaules, des choses étonnantes, et un peu de folie dans ses propos. L’autre, Lord Jocelyn, je ne le connaissais pas du tout, mais comme je suis anglaise. Il s'est mis tout de suite à son aise avec moi et nous avons parlé bons principes, car toute cette jeunesse, est Tory.
Il parait qu'on ne se pressera pas à Londres de donner un successeur à Lord Durham. Je crois que Lord Glendy va quitter. Il sera sans doute remplacer par Lord Morpette ou M. Baring. On espère que le soutien si unanime que les états généraux accordent à leur roi disposera Léopold à modifier ses prétentions, car il comptait que les Hollandais se montreraient mécontents. Il serait donc possible encore que les chose s’arrangent. Les cinq puissances sont d’accord entre elles & n’attendent plus que les réponses de la Haye & de Bruxelles. Léopold va à Fontainebleau & delà il retournera chez lui. On ne pense pas cependant que la cession territoriale à la Hollande s'opère sans quelque petite tentative de combat.
Que vous êtes patient de relire mes lettres vous m’apprenez que je suis sagace, je ne savais plus du tout ce que je vous avais dit dans le temps sur Lord Durham. Pour moi c’est autre chose, je relis vos lettres comme plaisir, comme étude. Elles sont admirables. Vous serez vous fâchée de celle que je vous ai écrite hier. Je n'en sais rien, mais vous auriez tort, il faut absolument parler de ces choses-là, mais jamais les écrire, je ne devais pas le faire peut-être ; mais ce n’est pas moi qui ai fourni l'occasion Enfin c’est fini ou plutôt ce sera fini le 6.
Voici un beau soleil, il ne faut pas que je le manque. Je m’en vais marcher. 2 heures Je rentre très fatiguée, je ne me sens pas bien, j’ai dormi mal d'abord, et puis ensuite lourdement. Je suis ce qui disent les Anglais out of sorts. Je n'ai jamais su d'où venait cette expression. Je lis toujours Sully avec plaisir. Adieu. Adieu, pas de lettres, pas de nouvelles. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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401. Paris jeudi le 11 juin 1840
9 heures

Simon est charmant, il vient toujours de bonne heure. C’est un si doux réveil ! La mort du Roi de Prusse fait beaucoup de sensation. Lady Granville a été hier soir à Neuilly, elle dit qu’on est accablé. On dit : " C’était le seul souverain benveillant pour nous. " Et cela est vrai, j’ai éte chez elle en revenant de Boulogne où j’ai fait ma visite de députion. Il y avait tout le dîner de l’autre jour moins Thiers. (Rothschild est furieux contre Thiers pour cette affaire des juifs de Damas.) Les ambassadeurs en masse. A propos M. Molé et moi nous les trouvons bien bêtes tous. Vous verrez que le nouveau règne en Prusse sera en effet bien du nouveau et cela seul est un mal, car tout était bien sous me vieux roi. Pauvre esprit mais droit et juste. Celui-ci beaucoup d’esprit, l’esprit charmant, mais sans règle.
Je suis sûre que les Berry ont envie de vous faire épouser Miss Trotter, mais cela ne m’enquiète pas du tout. J’irai regarder ce qui m’inquiète, ou plutôt je n’y penserai pas du tout, n’est-ce pas ? Comment faire pour arriver sans partir ? J’ai horreur d’un départ, et quand cela est accompagné de mille tracas et désagréments qui sont pour moi seule je suis sûre, il y a de quoi se fâcher beaucoup contre... Voyons ? Contre celui-qui me fait partir, croyez-vous ? La Stafford house me fâche. Il est très vrai qu’ils ont écrit il y a trois semaines à Lady Granville qu’aussi tôt partis ils mettaient Stafford house à Westhill, leur villa à ma disposition. Mais il fallait me le dire à moi, ce qu’ils n’ont pas fait, et ce qui fait que cela ne veut rien dire du tout. En attendant on me dit que je suis très mal campée, il y a beaucoup d’étrangers arrivés ou arrivant cela me sera odieux. Et à Londres je trouverai cela très inconvenant pour moi.
Voilà pourquoi la fin du season m’eut bien mieux convenu à la veille des campagnes. Il me semble que je suis un peu cross, c’est vrai mais c’est par moment ; le fond est de la joie bien grande, bien intime, bien profonde ; de la joie comme la vôtre tout au moins. Le temps est charmant, j’espère qu’il se soutiendra. On continue à parler beaucoup des mutations prochaines dans la diplomatie. Bresson, Pontois, Latour Maubourg, Rumigny tout cela doit faire la seconde edition des préfets. Adieu. Adieu. Il y en aura encore quatre de Paris? Adieu.
Lady Palmerston m’annonce qu’Esterhazy arrive incessamment à Londres, et lors Beauvale. aussi et qu’on va faire les affaires à Londres. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris lundi le 10 Juin 1850

Montebello n’est point parti. L'affaire du tombeau de l'Empereur sera portée à l’assemblée après demain, Duchatel a désiré qui Mont[ebello] reste pour cette discussion. Thiers part aujourd’hui & avec toute ses femmes. Il sera demain à St Léonard. Il y restera deux ou trois jours, il ne touchera pas à Londres, & il veut être de retour ici samedi : je l'ai encore vu hier matin à Passy. très bien sur l’affaire anglaise. Delessert mande que le roi est très bien de tête, mais le corps s’en va. Il peut dîner un mois, il peut partir dans deux jours. Il n’y a pas de temps à perdre. Tous vos amis disent qu'il faut que vous vous pressiez et tout bien considéré nous croyons que vous devriez être ici samedi au plus tard pour aller en Angleterre lundi. Je suppose que d’autres que moi vous disent cela.
J'ai été bien contente du général de Lahitte hier. Bien ferme, bien décidé. Il ne faiblira pas, & il croit que P[almerston] se rendra. Dans ce moment votre lettre. Elle me frappe. Vos observations peuvent être justes. P[almerston] intrigant à Athènes. C’est possible. Mon espoir que nos agents à Athènes empêcheront cela. Brunnow a fait le 14 mai une prestation formelle à Londres contre le dénouement à Athènes. Le [cabinet] impérial vient de confirmer & ratifier cela, & de l’envoyer ici. On est content
Midi. Je viens de lire la protestation. Elle est très énergique, très forte. Brunnow ce jour là 14 mai demandait à Drouyn de Lhuys de la signer avec lui, il n’a pas voulu. Nesselrode l’a dit à Castelbajac en le plaignant un peu, à quoi Castel. Que venait de recevoir un courrier de Paris a répondu nous avons fait mieux que cela, nous avons rappelé notre Ambassadeur. Nesselrode s'est dit content. C. Greville me mande. Les puissances du continent renverseront P[almerston] si elles se décident à rester froidement polies, & à faire comprendre qu’elles ne feront aucune grande affaire avec l'Angleterre sous cette administration du Po. Ce sera une situation intolérable, & que nous ne voudrons pas endurer. Lady Allen me mande que Brunnow part le 20 après le Drawing room de la Reine, & que John Russell a dit à Disraeli que c’était un recall. J’en doute d’après l’approbation très méritée de sa protestation.
2 heures. Je suis chargée de vous dire qu'avant hier il y a eu un long entretien entre Molé, Thiers & Broglie. Les deux derniers parfaitement d’accord, tellement que Molé ne peut plus reprendre ce sujet avec votre ami. Il est bien important que vous veniez & que vous partiez. Je compte sur Samedi au plus tard. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Mardi 4 Juin 1850
Toute la journée. Je suis envahie. J’en ai trop, car je n’ai le temps d'écrire à personne pas même à vous comme je le voudrais. L’affaire de Changarnier peut être reportée elle n’est pas fini. Il sort de la fort amoindri. Il est évident que le Président a eu le dessus sur lui maintenant, car l'article du Moniteur était convenu. D'accord avec Chang[arnier] : d'un autre côté ses propensions orléanistes un peu trop dévoilées lui ont beaucoup nui auprès des Légitimistes. Supposez un éclat entre lui & l’Elysée, l’Assemblée ne soutiendrait pas Changarnier. Le voilà donc affaibli à droite et à gauche. C’est triste quand il était le seul homme. On dit que sur les bancs de l’Assemblée hier on faisait circuler le projet de demander de l’argent. Cela n’a pas pris, on le critiquait fort. On doutait du succès malgré beaucoup de bonne volonté de la part de beaucoup de monde. Ne croyez pas aux nouvelles de journaux. Nous ne nous engagerons pas du côté de la Prusse. Nous essaierons de tenir la balance, & peut-être dirons-nous à tous deux. " Celui qui sera l’agresseur nous aura pour ennemi."
On parle très diversement de l’état du Roi, du côté de Thiers on le croit plus mal que vous ne dites, & Thiers invoque le témoignage de Guéneau de Mussy. On croit le médecin dans l'intérêt régentiste. Lui et d’autres empêchent que les bons n’approchent du roi. Que pensez-vous de ceci ? Ces doutes se sont élevés dans l’esprit de Nesselrode. Il redoute le médecin. Delessert part pour Londres aujourd’hui. D’Haussonville est parti ce matin. Montebello qui avait voulu partir avant hier, reste pour la loi déportation qui sera reprise après demain. Demain réunion du 17 chez le duc de B[roglie] pour la conduite à suivre en général, les lois à porter & & Nous ne croyons pas ici que l'Empereur parle de Varsovie à la France. Il ne viendra rien aujourd’hui peut-être. Il arrive à Pétersbourg, c’est de là que son Chancelier vous dira le reste. Pourquoi vous parler ? C'est à vous à venir à nous, vous n'en donnez pas le moindre signe. Vous n'êtes pas un gouvernement. C'est pourquoi vous en prenez l'initiative de rien. Vous êtes isolé venez à nous, vous serez très bien accueillis, mais nous, nous n’avons pas besoin d'aller au devant. Voilà le résumé de réflexion de [Chroptovitch]. Il part dans peu de jours, pour un rendez-vous avec son beau-père. Certainement il est venu regarder ici. Il repart sans admiration. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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403 Paris, samedi le 13 juin 1840

Les Granville sont très bouleversés du coups de pistolet. Moi, je crains qu’on ne prononce en Angleterre le nom du roi de Hanovre. Quand il arrive une atrocité on pense à lui tout de suite. Je n’ai jamais vu d’homme soupçonné de tant de mal. Espagne occupe aussi ici. On ne comprend pas le voyage de la reine. Granville a l’air de croire à un mariage Cobourg. Le prince est parti d’ici il y a trois semaines sans qu’on sache pour où. M. Molé croit savoir que la Reine veut sortir du royaume et que cela est concerté avec l’Angleterre. Moi je ne sais rien.
Zéa est venue deux fois sans me trouver. Si j’ai le temps je la ferai encore venir avant mon départ.
Thiers a été chez Armin. Il lui a dit que Bresson quitterait Berlin sans lui dire qui serait le successeur mais on pense que ce sera M. Pontois et qu’ils changent de poste. Le duc d’Orléans est allé chez Armin aussi, très sévèrement affligé de la mort du roi. J’ai vu Armin. Il a l’air de craindre pour son compte. Le duc de Nemours est allé chez Granville hier au sujet du coup de pistolet. Granville a pris cela pour une visite de parenté Cobourg, et non de politesse française. Voilà le châpitre fashionable moves. Je n’ai rien fait hier que visites et préparatifs.
M. de Broglie va faire un voyage avec son fils, et puis ils passeront quelques mois en Suisse, il ne retournera à Paris que pour la session prochaine. C’est de Grainville que je tiens cela. Demain revue de la garde nationale. Il me semble que nous aurons beaucoup de choses à nous dire. Quel plaisir ! Votre lettre ce matin m’a donné deux plaisirs. Je ne puis vous les dire qu’à Londres. Mais soyez sûr que je suis heureuse, heureuse, et joyeuse. Je vous écrirai encore deux fois. J’ai vu Génie hier, je le recevrai Lundi. Adieu, adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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449. Paris, samedi 6 heure le 10 octobre 1840

Voici la copie d’une lettre que ma belle sœur vient de me remettre. Dites-m’en votre avis, je la trouve très mauvaise ; pour bête cela va sans dire, mais dites-moi ce que j’ai à répondre. Je suis fâchée de me fâcher ; ces gens-là n’en valent pas la peine. Je ne puis pas me résigner à me taire, et je ne sais sur quel ton le prendre, ni comment me faire comprendre par des sots. Éclairez-moi et décidez-moi.
D’un autre côté voici depuis cinq ans et demi le premier message de l’Empereur. Il a chargé expressément ma belle sœur de me dire " qu’il espère que je ne l’oublie pas lui non plus ancien ami. " Arrangez cela.
Ma belle-sœur est arrivée de Pétersbourg avec M. Mauguin, recommandée par mon frère aux soins de M. Mauguin depuis le Havre, elle a voyagé dans le coupé de la malle-poste avec M. Mauguin. M. Mauguin d’un signe à écarté les embarras de la douane, « il a fait comprendre qu’il fallait. des égards à Mad. de Benckendorff. M. Mauguin a promis sa protection à ma belle-sœur en car d’émeute ou de révolution, et M. Mauguin a assuré ma belle-sœur qu’il s’opposerait de toutes ses forces à la guerre et qu’il n’y aurait pas de guerre. Mon frère a eu de longs entretiens avec M. Mauguin, et lui a fait comprendre toute la politique de l’Empereur dont M. Mauguin est émerveillé et M. Mauguin est converti !
Je viens de vous raconter une demi-heure de ma matinée, après cela le bois de Boulogne, et puis lord Granville chez moi. Appony avant le promenade rien de nouveau une partie du Cabinet très disposée à la guerre. Je vous écris aux bougies c’est mauvais pour mes yeux, je vous quitte.

Dimanche 11 octobre. 9 heures
Je me suis levée avec quelques nouvelles idées. Si je ne prenais acte que du message de l’Empereur et que je traitasse mon frère de sot, qu’en pensez-vous ? Ce qui est bien certain, c’est que l’à propos de ce message n’est pas insignifiant. Dans ma réponse à mon frère je l’exalterai fort, et je rapetisserai, le valet de tout ce que je grandirai le maître. Approuvez-vous. ? Dans tous les cas mon frère aura le détail des vilainies de M. de Brünnow. Mais dois-je insister sur une satisfaction ? Voilà ce que je vous demande.
Je vous demande une autre chose ; dois-je écrire comme ci-devant Savez-vous que je le ferais avec infiniment de plaisir si j’écrivais droit à l’Empereur. C’est mon frère contre qui j’ai de la rancune. Enfin dites-moi, ce que j’ai à faire. Rien du tout, n’est pas possible.
J’ai dîné seule et puis j’ai été aux Italiens. J’avais dans ma loge Mad. de Flahaut, les Pahlen et Hennage. M. de Werther y est venu. Tout le monde hier était à l’espérance tout le monde croyait que dans les deux pays, on désire et on travaille sincèrement à un arrangement. Voilà le vent d’hier ne sera-t-il demain, aujourd’hui ? Certainement la situation de Thiers est pleine de difficultés, moins de périls ; on le pousse, pourra-t-il résister ?

Onze heures.
Voici votre lettre. Vous venez d’apprendre la convocation. Cela vous a écris comme moi. Que des choses réunies dans cette convocation ! Quel moment pour nous ! Vous avez raison, on ne peut pas parler. Il y a trop trop dans ce fait. Il est immense pour nous. Serez-vous content de ce que vous a porté M. de Lavalette ? le public ici est bien curieux de le connaître. Le petit fidèle croit savoir que c’est une platitude. vous prêteriez-vous a une platitude ? Je suis dans une grande anxiété.

Midi.
Je viens de voir le petit. Je l’engage à vous écrire sans cesse la nuit et le jour, il fait que vous soyez informé de tout car tout à de l’importance.
Adieu. Adieu, bientôt quel adieu !

Les diplomates disaient hier que la France veut quelque chose. de plus que le traité, quelque chose de plus grand comme la tête d’une épingle. Mais enfin quelque chose. Cela va peu avec ce que dit le petit mais on vit ici dans un cercle de confusion et de contradictions. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond Mardi le 19 juin

C’est cela. L'absence est cause de tout. Ensemble, toujours ensemble, et il n’y aurait jamais de nuage, et je suis condamnée aux accident de nuages ! Ma vie ne sera plus longue et je crains qu’elle ne soit triste ! Qu’allons nous devenir. Je ne vois rien de clair, rien de bon. Je passe mes nuits à penser à cela. Je vous renvoie la lettre de Beyier. Elle m’a intéressée. Vous voyez, lui aussi pour le président. Il m'est venu hier beaucoup de monde. La duchesse de Beaufort, lady Wilton, la princesse [Crasal?] les Delmare. Le soir j’ai passé un moment chez les Metternich. Il est bien tout-à-fait !

5 heures Je rentre de ville. Déjeuner manqué à droite et à gauche, j’ai fini par le prendre au Clarendon. La duchesse de Cambridge sombre pour l’Allemagne je ne sais pourquoi. Une longue lettre de Constantin du 8. Des forces immenses le 14 ou 15 au plus tard on attaquera sur toute la ligne. Lui-même venait de recevoir l’ordre de départ n'osant pas dire où. Paskevitch parti le 10. L'Empereur allait à Cracovie. Le 14. Lenchtenberg. Mouralt ainsi que la fille du G. D héritera. L'Empereur toujours en pleurs. Le temps est laid. Je ne suis pas sûre d'aller demain en ville. Il faut que je sois ici à 4 h. En tout cas je serais pressée. Si je ne viens pas vous m'écrirez, & puis lundi vous viendrez. Adieu. Adieu. Adieu.
Je vous envoie le relevé des forces.
205 bataillons
187 Escadrons
370 Pièces d’artillerie
Voilà Russes et Autrichiens
De plus Tellachich 45 000 hommes & les Services venaient d’offrir 50 000.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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169. Paris, samedi 20 octobre 1838

J’ai pris beaucoup de bois de Boulogne hier, je me suis fatiguée dans l’espoir que cela me profiterait pour la nuit. J'ai été faire visite à la Duchesse de Talleyrand. Je ne puis pas vous dire combien elle & tout son établissement me paraissent unconfortable and unsatisfactory. Je ne sais à quoi cela tient. Elle a un air flottant, indécis, elle flatte tout le monde à droite, à gauche. Et par dessus toute cette incertitude, elle veut se donner de l'aplomb, & répète à tout instant qu’elle est une grande dame. Assurément elle devrait l’être, mais en vérité je ne trouve pas qu’elle en ait l'air, elle n’a pas assez de calme pour cela.
Le soir j’ai été dire adieu à la duchesse de Sutherland chez Lady Granville. J'y ai laissé Marie et je suis revenue me coucher à 10 heures ; cela m’a fait dormir un peu, pas beaucoup. Très décidément on dit Potsdam & je croirais, que cela dérive d’un juron. Il faut le demander à Humbold. Je suis comme Thiers, j'aime la géographie. Le Duc de Noailles est ici, je ne l’ai pas vu encore. Son père était mourant, et il est mort en effet avant-hier. Ce sera pour lui un deuil et pas autre chose. M. de Barante est arrivé à Pétersbourg. Les affaires en Espagne sont au plus mal pour les Christinos, du moins c'est le ministre de Christine qui le dit !
Il fait doux et charmant aujourd’hui. je devrais me porter bien, & je me porte très mal. Il me semble que jamais mes nerfs n’ont été plus malades. Tout m’agite, tout m'irrite. Je sais bien qu’il n’y a pas de remède, car le mal me vient de gens incurables. Adieu. Adieu. Racontez-moi toujours que vous emballez, que vous envoyez. Il faudra bien finir par vous emballer vous même. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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294. Paris, le 23 octobre 1839

Toute la diplomatie a été fort divertie hier des révélations du Thiers au sujet d’un entretien qu’aurait eu mon Empereur avec un étranger. Votre gouvernement n'en est pas fâché ; nos bons alliés non plus. Cela fera quelque bruit au palais à Pétersbourg, car le public ne sera pas les journaux qui rapportent cela. J’ai eu un long entretien hier avec Médem sur mes Affaires, et puis sur les affaires. Il m’a donné quelques conseils sur les premiers & quelques soupirs sur les secondes. J’ai eu une lettre de mon Ambassadeur. Il l'annonce pour le 10 Décembre, s'il ne survient pas d'obstacle impérial. Il se réjouit fort de me trouver à l'hôtel Talleyrand. Je suis sûre qu’après vous c'est lui qui aura le plus de plaisir à m'y voir bien établie, vraiment j'y serai bien. Mon appartement. sera arrangé pour votre arrivée, mon ménage pas encore, car pour cela il faut que je sache si j’ai ou si je n’ai pas la vaisselle.
J'ai été hier au soir chez Mad. de Boigne. J’y ai vu le chancelier, il dit qu’il faut relâcher Don Carlos.
Il me semble qu’il n’y a des nouvelles de nulle part. Lord Lansdown a été voir le prince Méternich au Johanisberg. Médem parle de M. de Brunow avec beaucoup de dédain & trouve fort naturel et assez agréable qu'il ait échoué dans sa mission, car le naufrage est sûr. Paul est arrivé à Londres je ne le sais qu’indirectement. Bunkhausen ne m’a point envoyé encore les lettres of administration quoique j'aie accompli toutes les formalités requises pour les obtenir. Je n’ai pas encore répondu à mon frère. Je ne sais pas comment faire pour me plaindre un peu et ne pas le choquer. Car Médem aussi ne comprend pas qu'on ait mis ainsi un oubli mes droits en Courlande et il croit qui c’est une grosse affaire, parce que cette terre est très riche en toute chose. Le prince Metternich n'écrit rien encore au sujet du mariage de Rodolphe Appony. Ce qui fait que la chose est parfaitement en suspens ici ; tandis qu’elle est publique à Pétersbourg. Adieu. Adieu. Je suis bien contente d’apprendre que Pauline est remise, et je suis transportée de joie en vous voyant bien résolu à revenir bientôt. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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426. Paris, Vendredi le 18 septembre 1840
10 heures

Je suis un peu malade aujourd’hui, je me fâche contre le médecin, contre moi. Je ne pense qu’à me soigner, me bien porter et rien ne va, rien ne réussit. Vous savez comme le découragement me gagne vite. Hier j’ai fait une longue promenade au bois de Boulogne, le temps était charmant ; en revenant j’ai ramassé Fagel et nous avons recommencé. Fagel est de la bonne espèce droit, franc, sensé. Il a de veilles habitudes de confiance avec moi. En rentrant on m’apprend que ma nièce est malade Je suis allée chez elle ce n’est pas grand chose.
Appony m’a dit les nouvelles d’Egypte. Le Pacha proposant de se contenter de l’Egypte héréditaire et de la Syrie viagère, et ... Le soir j’ai laissé entrer chez moi les Durazzo, et les deux Pahlen. Tout le monde est à la paix ici depuis quatre ou cinq jours. J’espère que tout le monde a raison. Avant mon dîner Mad. de Flahaut est revenue. J’avais bonne envie de la refuser, et puis la curiosité l’a emporté, paix ou guerre, je ne savais pas. Je me croyais en guerre. elle est entrée, douce, caressante, la nuit avait porte conseil et elle s’est résignée à rester comme par le passé, avec soustraction de la politique. Je pense que vous allez voir le père et la fille à Holland. house. La fille est gentille, c’est-ce qu’il y a de mieux dans la famille. Le père est ce qu’il y a de pire.
Mon ambassadeur est vraiment un cher homme il me parait qu’il redouble encore pour moi depuis qu’il sait M. de Brünnow. Il fronde un peu mon cabinet et trouve étrange qu’on le laisse depuis quatre mois sans une ligne d’écriture. Rien Ces gens là ne savent plus écrire, car moi aussi je n’ai rien. Midi. Voici le joli médecin m’apportant un charmant remède. Merci, merci. Denay est arrivé et en fonctions depuis quelques jours. La nouvelle femme de chambre est plus bonne que belle. Eugénie part, et je ne sais comment m’en séparer, mais je le lui avais dit ; je ne puis pas me retarder. Personne ne m’a écrit d’Angleterre depuis mon départ. Il faut que j’écrive aujourd’hui à lady Palmerston pour lui envoyer une lettre de la reine d’Hanôvre qui demande explication. Mon Ambassadeur est excessivement occupé de Mad. Lafarge ; et comme je ne lis pas ce procès, il a le plaisir de me raconter tous les jours ce drame là, cela l’enchante.
Adieu, je comprends la sottise, et même je la partage c’est effroyable ce que je vous dis là. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris lundi le 14 octobre 1844, onze heures.

Vraiment vos lettres sont the most satisfactory imaginable. Tout est parfait. Il ne me reste plus qu’un bon passage, et une journée sans accident Mercredi, et je serai merveilleusement contente et heureuse. J’ai regardé déjà cent fois le ciel. Il y a des images, il y a des vents ! Je suis sortie hier quoiqu’un peu malade, j'ai eu tort. Je ne bougerai pas aujourd'hui. Outre mes crampes d'estomac je me suis enrhumée et je tousse beaucoup. Mais ce ne sera rien. Que les journaux sont charmants à lire. Comme cela fera enrager bien loin d'ici. Quel contraste. J’ai vu hier matin les Appony. Bacourt, Fleichman, Lady Cowley, le diplomates croient que le voyage fera un immense effet en Europe. Certainement il ne restera indifférent pour personne. Les meilleurs en resteront embarrassés. Pourquoi ont-ils peur, pourquoi en viennent ils pas rendre hommage ici ? Voilà le premier pays du monde comblant le roi de respect au delà de ce qu'on a jamais vu pour un monarque étranger. Quant aux malveillants imaginez ! Je ne sais pas vous parler d’autre chose d'ailleurs je ne sais rien. J’ai encore passé la soirée chez Annette. Elle se remet.
J’attends Génie. Il n’est pas si exact que vous. Hier il était bien content des nouvelles de Windsor. Il ne le va pas [l'être] moins aujourd’hui.

3 heures. Voilà Lady Cowley & Kisseleff dan ma chambre. Pas possible de continuer. Le temps est noir, du vent, ah mon Dieu, que je vais être inquiète. Adieu. Adieu. Adieu. Mille fois, ayez une bonne traversée. Revenez bien portant. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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427. Paris, Vendredi 18 septembre 1840
4 heures

J’ai été retenue chez moi d’abord par mon médecin et puis par le duc de Noailles, qui est venu en ville pour deux heures pour me voir. Vous concevez qu’il a questionné et comme il a questionné. Et puis il a parlé. Il dit que la France au fond veut la paix, que c’est le vœu général, si général, si profond, que même on avalerait une petite humiliation encore plutôt que de se livrer aux hasards de la guerre, que cela est certain ; mais qu’on n’avalerait pas tout. Décidément pas et qu’alors on ferait la guerre très franchement et avec une grande unanimité. C’est aussi l’opinion et le dire de Berryer que le duc de Noailles venait de voir. Berryer croit savoir que Thiers est moins pacifique qu’on ne semble le croire. Il veut bien se montrer pacifique encore parce qu’il n’est pas prêt. Mais le jour où il sera prêt il voudra employer ses moyens, et le moment dangereux sera celui-là. Le duc de Noailles se creuse la tête pour trouver ce que les alliés peuvent vouloir tenter ou plutôt ce qu’ils sont convenus de faire pour le cas où l’insurrection de Syrie ne couronnerait pas leurs espérances. Il croit que les Anglais prendraient Caudie par cette position ils tiendraient les Russes aussi en échec, car ils n’en sortiraient que le jour où les Russes sortiraient de Constantinople ; ce serait européennement parlant une bonne affaire, et une bonne affaire pour les anglais dans tous les cas.
Moi - Mais la France avalerait- elle cela ?
Le duc - Je le crois, presque. Voilà à peu près l’Orient expédié ! Venons à Louis Bonaparte. Il paye très cher à Berryer pour le défendre. Et Berryer accepte parce qu’il est bien payé, et puis parce que cette défense tourne pour lui un moyen d’attaque contre le gouvernement ainsi il justifiera Bonaparte sur ce que la France n’est plus qu’un pays de désordres. Un pays où l’on proclame des légitimités à la demi-douzaine. La branche d’Orléans légitime, Bonaparte légitime, le ministère le dit. On ne sait plus auquel entendre. Voyez la confusion, de là une tentative toute naturelle. Il brodera sur cela. Il brodera sur la situation que le gouvernement a faite à la France, répudiée, isolée; ses deux grandes bases d’alliance détruites l’Espagne, l’Angleterre. Belle situation en Europe ! Enfin, enfin Louis Bonaparte a profité de tout cela, il en avait le droit.
Vienne ensuite la Chambre. Oh à la Chambre ! Qu’un orateur habile se lève et toute pacifique que soit cette chambre, cet orateur peut lui faire voter la guerre dans une demi-heure. Si la situation n’est pas. éclaircie d’ici aux chambres. Il sera très difficile d’éviter un éclat. Le duc de Noailles ne sait pas s’il viendra on ne viendra pas au procès. Je l’ai fort engagé à venir. Il m’a dit que Berryer déciderait un peu cela.

Samedi 19 septembre. 9 heures
J’ai été vraiment malade hier très affaibli, très misérable. Je n’ai pas bougé de ma chaise longue. J’ai vu Appony avant dîner, mon ambassadeur le soir. Appony avait vu Thiers. On est comme de raison très très préoccupé de savoir ce que va devenir la proposition de Méhémet Ali. Nécessairement le sultan la référera à la conférence. Voulut-il même l’accepter, Ponsomby aura soin de l’en empêcher, d’abord ce seront des délais de deux mois au moins ; pendant ce temps l’exécution du traité ira toujours. Appony trouve que le conseil donné à Méhémet ali a été bon, très adroit de la part de la France ; il croit que la conférence pourrait accepter, mais si elle n’accepte pas, si on veut à toute outrance le traite ; alors la situation devient bien plus grave qu’avant cette proposition de l’Egypte, parce que la France est compromise, et qu’elle ne peut pas laisser passer cela. Il me semble que pourvu qu’on entre en voie de négociation cela doit s’arranger. Mais les amours propres anglais se soumettront-ils à cela ? Vous me le direz.
Sur le traité, Thiers a dit à Appony : " Vraiment il est pitoyable votre traité ; il est risible, je suis sûr que le prince Metternich doit en rire aussi. " Appony lui a promis de venir l’informer de suite que le prince Metternich en rit, s’il le lui mande. au reste Appony est très frondeur, excessivement frondeur. Il trouve l’oeuvre insensée ; il fait comme moi. Il cherche le prince Métternich. Savez-vous ce que disait Pozzo au mois de juin de l’année dernière, lorsqu’il était encore vivant, et avant la bataille de Nézib ? Il disait " La Russie doit changer sa politique en Orient, c’est avec Méhémet ali qu’elle doit s’allier. " Pozzo vivant, et Metternich pas mort, et tout aurait été autrement. Il n’y a pas un homme aujourd’hui qui sache juger et conduire une affaire. Aussi. voyez le décousu, l’incroyable confusion !
M. de Pahlen était assez noir hier aussi. Il ne fronde pas aussi haut qu’Appony. Mais il n’est pas content. Il ne comprend pas, et tout qu’on ne l’informe pas, il est décidé à ne pas comprendre. Il était inquiet hier de l’information qu’il a eu que votre gouvernement permet à Levewel de revenir à Paris. Il en parlera ce soir à Thier . Si cela était, il craint un gros orage à Pétersbourg Moi je ne crois pas trop à l’orage cependant, je ne sais pas.

Midi. Voici votre lettre. Je suis touchée de ce que vous me demandez 24 heures. Faites ce qui est convenable, mais pouvez-vous vous absenter ? Encore, une fois je suis touchée, et puis je sais bien aujourd’hui que toutes les plus belles tulipes ne valent pas pour vous la plus modeste fleur des champs. Je suis triste, je suis malade Je maigris encore. On ne sait jamais tout ce qu’on a à perdre je m’étonne tous les jours. Adieu. Adieu. Pourquoi suis-je si triste ?

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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428. Paris, dimanche 20 septembre 1840
10 heures

J’ai un peu dormi cette nuit. Je vais lire dans cette bible où nous vivions ensemble. J’ai le cœur triste et serré. J’ai eu hier une très longue visite de Bulwer, une très longue visite de Paul de Wurtemberg un peu de causerie avec Appony. Et ce soir j’ai revu les Granville qui viennent d’arrivés du Havre. Ceci a été un vrai plaisir pour moi. Eh bien, tout le monde est d’accord pour regarder la proposition égyptienne comme une nouvelle phase de la question, et comme une circonstance qui laisse aux bonnes volontés toute facilité de s’arranger avec convenance. Les Allemands sont d’opinion qu’il faut accepter tout le monde dit que la Turquie laissée à elle même accepterait des deux mains. Nous pensons. même que la Russie accepterait. Reste lord Palmerston ! Vous nous apprendrez s’il veut se servir de ce moyen pour faire sortir l’Europe des dangers qui la menacent où s’il veut à outrance braver ces dangers. Tout est là.
Les ministres anglais sont encore une fois appelés à examiner une grande question. Mais aujourd’hui ils l’examinent avec l’expérience de ce que leur a valu le 15 juillet. Il y a eu pour eux bien des surprises. En veulent-ils encore. 15 est hautement frondeur. Il n’a plus eu une ligne de 79 depuis deux mois. Le petit 29 écrit à 12 de fort bonnes choses, fort sensées. Il dit : " Il est temps encore aujourd’hui , mais ceci est le dernier moment, demain il sera trop tard. Jamais on ne répond à ces exhortations là. " Le Prince Paul a des dires fort étranges, et une vie toute particulière de la situation. Il a beaucoup couru, beaucoup vu ; et même fait. Il affirme que le mépris pour la France est le sentiment dominant partout, dans tous les cabinets. Que les platitudes passées doivent parfaite confiance dans les platitudes futures, et qu’on a beau faire on ne peut persuader à personne que la France fasse la guerre. Aucun cabinet ne veut le croire. Dirait-il vrai ?
On dit que le roi est très convaincu que tout ceci s’arrangera. Arrangez donc, et dites le moi. J’ai essayé de sortir hier mais il faisait laid, j’étais triste et faible. Je suis sortie pour voir lady Granville ; elle est grasse et rose, le mari ditto. Quand est-ce que je serai grasse et rose ?
2 heure. Point de lettres ? D’où vient ? Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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218 Baden Mardi le 16 juillet 1839, 10 heures

Je vous disais hier que le temps était à l’orage. Une heure après un gros nuage noir est descendu sur Bade mais plus particulièrement sur la salle de conversation qui touche à la maison que j'habite. La foudre est tombé dessus, le paratonnerre a écarté le danger mais tout le monde qui était à table dans ce moment a senti le choc électrique, deux dames sont tombées par terre de frayeur. J'étais à la fenêtre, relisant votre lettre. Le coup a été si fort qu'il m’a fait sauter & votre lettre m’est tombée de la main. Je n'ai jamais été si près de la foudre que hier. La nuit a été orageuse aussi & nous n’avons pas fini aujourd'hui.
Voilà donc le Sultan mort, je l’ai appris hier au soir. Le courrier venu de Constantinople traversait Bade le 15 ème jour. C'est vite. Tout peut arriver un bien comme un mal. C’est un moment curieux, mais ce qui m’étonnerait le plus serait que nous prissions part à une conférence à moins qu’elle ne se bornât à établir les nouveaux rapports entre les deux chefs barbares.

5 heures
Je viens de recevoir votre lettre, je viens aussi de recevoir un gros volume de mon frère, avec tout l’arrange ment de me fortune. Je vous manderai demain le détail. Il me parait qu’il n’est pas content de mes fils. La loi rien que la loi, comme elle m’accorde à peu près ce que j’ai à présent, je ne me plains pas, mais je ne suis pas bien orientée encore je vous dirai cela plus exactement demain. Adieu. Adieu. Adieu. J'étais mieux ce matin je ne me sens pas si bien dans ce moment. God bless you.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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429. Paris, dimanche 20 septembre 1840
3 heures

Ma lettre est partie, et la vôtre est venue. Quelle charmante page, il y a dans cette lettre. Il n’y a pas un sujet sur lequel on a plus dit depuis que le monde existe que le sujet que traite votre lettre. On n’a jamais dit comme cela, senti comme cela. C’est si beau, si parfait, si charmant que je me demande si je mérite tout cela ? comment il se fait que j’aie mérité tout cela. Je suis fière, je suis humble. Je suis ravie, je suis heureuse, et je suis triste! Je ne devrais pas être loin !
J’ai lu dans la bible, j’ai essayé d’entendre votre voix. J’ai été aux Tuileries, la pluie m’a ramenée plus vite que je ne voulais.
Voici Bulwer. Bulmer bien mélancolique et desponding hier presque joyeux aujourd’hui. Un mot dans le Globe de vendredi que lui semble de bon augure. Mais assez piqué que ce ne soit que jeudi que Thiers lui a parlé de la proposition du Pacha tandis que cette proposition se trouvait livrée à des journalistes anglais depuis la veille. Cela m’est bien égal. Je me sens en train de croire que tout va aller bien, est-ce que je ne crois pas trop vite ? Mais votre lettre m’y encourage un peu.

Lundi 8 heure
J’ai vu un moment mon ambassadeur hier matin ; avant de me rendre au bois de Boulogne j’ai passé chez vous ; je suis entrée sous prétexte de chercher des livres. Je ne les cherchais pas, je n’en ai point pris, j’ai regardé votre portrait, d’autres portraits. Votre fauteuil, votre bureau. Vous ne ne vous doutiez pas que j’étais chez vous. J’y étais avec des sentiments bien mêlés. Le bois de Boulogne un peu, une visite à Mad. Durazzo. Mon dîner qui ne ressemble pas à un dîner, une perdrix. et un gâteau de semouille, je ne sais pas manger encore et puis lady Granville jusqu’à 10 h 1/2.
Le protocole de jeudi est-il ce qui vous faisait me dire vendredi que vous croyiez à la paix ! Il me faudrait plus que cela. Il faut que lord Palmerston dise " Examinons la proposition de M. Ali. " Dès ce moment là je croirai à la paix, avant non. J’ai eu une lettre de lady Palmerston de vendredi, ce même jour je lui écrivais au sujet de la reine de Hanôvre. Une lettre insignifiante pas un mot de politique. elle me provoque à en parler, je verrai si je le ferai. Je vous envoie copie des passages importants de sa lettre.

Midi
Voici votre lettre, courte, et demain je n’aurai rien ! Dites-moi s’il y a espoir que les propositions du Pacha devienne quelque chose. Je suis très flottante. Hier j’espérais, aujourd’hui j’espère peu. Vous m’auriez dit quelque chose, si quelquechose pouvait ressortir du nouvel incident. Cependant vous êtes en pourparler avec lord Palmerston cela laisse du jour. Quand je pense à quel point ma vie, mon bonheur dépendent des paroles qui se disent aujourd’hui à Londres ; je n’ai pas assez de vœux et de soupirs pour tout ce qui agite et remue mon âme. Voici du Soleil ; ce beau soleil de Paris, si brillant, si gai, cet air si pur. Allons nous promener ensemble aux Tuileries. Ensemble ! Ah que ce serait charmant !
Adieu. Adieu bien des fois, et encore. mille fois adieu. Lord Granville verra Thiers ce matin.
A propos Thiers a dit à M. de Pahlen qu’il ignorait qu’on eut permis à Lelevel de revenir. Qu’il allait s’en enquérir auprès de M. de Rémusat. nous verrons. Pahlen redoute tout, s’il revenait prenez garde, Appony ce que je vous dis. Adieu. Lady Palmerston me dit : " Les affaires de ce moment sont trop importantes pour pouvoir espérer de les mener à la distante même de quelques heures. Ainsi, j’ai pris mon parti, et je reste. "

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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444. Paris, Mardi 6 octobre 1840
9 heures

Les trois 4 font une drôle de mine et ne font pas honneur à notre intelligence, pour des gens qui ont pas mal de goût à se trouver ensemble. C’est bien bête. J’ai vu hier matin chez moi à la fois l’Autriche, la Prusse, l’Angleterre. Une petite conférence en ressemblant pas du tout à celle de Londres quant aux opinions et aux vœux. Il parait que l’insurrection se ranime en Syrie. Il paraît aussi que les Anglais allaient à St Jean d’Acre. Voilà qui fera une bien autre émotion encore qui Beyrouth !
On dit donc qu’on travaille ici à une sorte de protestation dans laquelle on établirait le casus belli. Mais tout cela n’est-il pas un peu tard ? On est très révolté ici de voir que l’internonce a assisté à la dépossession du Pacha à Constantinople.
Quant à nous je n’ai rien vu de plus modeste, même de plus effacé. C’est très drôle. Tous les acteurs en scène, le premier amoureux seul, dans les coulisses. Je ne crois pas qu’il perd rien à attendre. Mais la comédie est complète. Le soir je voulais aller chez Lady Granville lorsque est venu encore M. Molé et puis mon ambassadeur et Bulwer. Nous sommes restés à quatre jasant toujours de la même chose, et riant même un peu. C’est toujours encore dans ma chambre à coucher que je reste ; et ma porte fermée à tout ce qui ne m’amuse pas tout-à-fait. M. Molé et très curieux de tout, mais au fond il me parait être au courant de tout.
Il disait et Bulwer disait aussi que M. Barrot entrerait au ministère, si les affaires tournent à la guerre. Mad. de Boigne est toujours à Chatenay. M. Molé me l’a répété. Il ne l’a point vu du tout. Molé repart aujourd’hui ou demain pour la campagne. Personne ne parle du procès de Louis Bonaparte. Jamais il n’y eut quelque chose de plus plat. Le petit Bulwer est d’une activité extraordinaire et une relation avec toute sorte de monde, très lié avec Barrot. Il faut que je vous dise que 10 jours après mon arrivée ici j’ai écrit à Paul une lettre assez indifférente lui parlant de ma santé, un peu des nouvelles du jour, rien du tout. J’ai fait cela pour renouer la correspondance sur le même pied qu’a été notre rencontre. Il ne m’a pas répondu. C’est bien fort je ne crois pas que j’aie à me repentir de cette avancée, c’était un procédé naturel mais son silence me semble prouver qu’il ne veut avec moi que les relations de plus strict décorum rien que ce qu’il faut pour pouvoir décemment habiter la même ville que sa mère. Qu’en pensez-vous ? Est-ce comme cela ? Il écrit à Pogenpohl qu’il viendra passer l’hiver ici, cela ne me promet pas le moindre. agrément. Je le recevrai un peu plus froidement qu’à Londres. Son frère est auprès de lui dans ce moment, je l’attends sous peu de jours. 1 heure. Le petit ami est venu me voir, il est presque convenu que ce sera quotidien. Nous devrions beaucoup sur un même sujet une seule personne. Quelle situation difficile et grave, en tout, en tout.
Le chêne n’écrit-il pas trop à 21 ? Il faut qu’il sache bien que ce 21 est plus l’ami des autres que le sien, et qu’au besoin il livrerait telle phrase imprudente on intime de ses lettres. On parle de la présidence de M. Barrot, s’il n’entre pas dans le ministère. Que pensez-vous de cela ? Dans mon opinion qui sera celle de tout le monde, au premier instant les personnalités doivent s’effacer devant une grande circonstance. En y pensant davantage je ne sais que dire. Je suis très perplexe ; et c’est cela qui me fait dire, que tout, tout sera difficile. Cependant les événements viendront au secours des embarras peut-être. Je finis par crainte d’interruptions.
Adieu. Adieu mille fois adieu, que je voudrais vous parler. Ah mon Dieu que je le voudrais ! Ce ne serait ni de l’Orient, ni de la Chambre, ni du ministère. Adieu, adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond, dimanche 2 septembre 1849


Voilà les susceptibilités impériales apostoliques qui s'éveillent. C'est non seulement la phrase malheureuse de Paskévitz, « La Hongrie est aux pieds de Votre Majesté » mais de plus un dîner donné par le général Rüdiger à Görgey et les autres officiers supérieurs de l'armée hongroise. Ils étaient souriants à table, hongrois & russes, lorsqu'arrive un officier d'ordonnance de Haynau porteur d'une dépêche pour Rüdiger. Celui-ci l'invite à s'asseoir, il refuse en apercevant les uniformes hongrois. Rüdiger réplique que là où dîne un général russe, un lieutenant autrichien peut bien dîner. Le lieutenant persiste à ne pas s'asseoir auprès des rebelles, et sort.

Cela fait beaucoup de bruit à Vienne. On dit que Rüdiger a été réprimandé pour avoir été trop courtois. Görgey et tout son monde a été remis aux autorités autrichiennes. Ils sont tous enfermés dans des forteresses & seront jugés. Moi je d[?] Gorgey un peu. Après tout, c'est un vaillant homme, et je ne crois pas que l'Empereur puisse le laisser sacrifier. Beauvale me mande que L'Empereur prêche la clémence, qu'il est sur ce point en correspondance directe avec le jeune Empereur, & qu'il conseille de retirer la constitution de Stadion. Il y a bien à faire encore là !

Comme les radicaux vont faire mousser les petites rixes d'amour propre ! Palmerston sera charmé. Je sais cependant qu'avant-hier, à dîner chez Beauvale il était d'une humeur de dogue. Je ne sais pourquoi.

J'ai vu hier Metternich, il travaille encore à vous répondre. Ah, qu'il m'a ennuyée hier ! Et après bien de ravaudage, il me dit : « Il y a longtemps que je vis, et bien, je me souviens de chaque mot que j'ai dit, ou que j'ai écrit, depuis que je parle & que j'écris. » Ah bon Dieu !

Lundi le 3 septembre.

Voilà votre pauvre hôtesse morte. Cela vous aura fait de la peine. Elle était bien ridicule, mais c'est égal. Je n'ai vu hier que M. de Berg à Londres. (1er secrétaire de notre mission) Il est parfaitement bête. Je n'ai rien pu tirer de lui, sinon qu'il se croit un grand homme parce que son frère est aide de camp de l'Empereur. Je le connais, celui-là a de l'esprit.

J'ai vu la duchesse de Gloucester et toutes mes voisines chez moi le matin. Le soir chez Delmas. C'est de l'exercice de musique. Ce pauvre aveugle n'a peu ce plaisir, & je lui fais de grands plaisirs. Je crois la nouvelle de la mort du G.D Michel fausse.

1.heure. Voici votre lettre. Longue, intéressante. Mauvaise sur le choléra de Paris. Mais il est bien plus fort à Londres. M. de Mussy que j'ai vu hier va à Paris à la fin de ce mois. Ce serait bien là ce qui me conviendrait. Nous verrons.

Montebello est tout aussi vif que Dalmatie sur la nécessité d'une modification. Son Ministère, il l'est extrêmement aussi pour une autre forme de gouvernement, & se promet de faire du tapage en octobre. Nous verrons.

Mad. de Nesselrode avait deux ou 3 ans de moins que moi.

Adieu, adieu, la porte me presse. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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à lady Palmerston, le 21 septembre 1840

Je ne voulais plus causer politique, mais vous m’en parlez je réponds, et je réponds pour faire votre écho. " Comme je voudrais voir arranger bien et vite cette affaire d’Orient ! " Vous ne le désirez sûrement pas plus que moi, Voilà notre ressemblance. Mais vous y pouvez quelque chose et moi je n’y peux rien ; voilà notre dissemblance. Eh bien ma chère, faites. Inspirez le désir ; saisissez les moyens. Les moyens y sont dit-on. Le traité a eu pour résultat excellent de faire énoncer des concessions auxquelles ni la France, ni le Pacha ne voulaient se prêter avant. C’est un triomphe très patent. Le jour où lord Palmerston dira : Examinons les propositions du Pacha. " Ce jour là, la paix est sûre. S’il dit : " Le traité doit être accompli." La guerre en ressortira. je dis ici que je n’ai vu ni Thiers, ni Molé pas un français excepté un moment le duc de Noailles, et je rapporte tout ce que je vous ai dit de l’opinion du duc. " Tenez pour certain que la France veut la paix, désire la paix. Mais tenez pour certain aussi qu’elle n’acceptera plus d’humiliation, et qu’elle fera la guerre très résolument, très unanimement, et que nous en serons tous. "
( Je fais un peu le portrait du duc de Noailles après cela je continue.)
Ma chère, vous êtes bien grands à vous tous seuls. Vous êtes immensément grands à quatre ! Les plus forts ne dérogent jamais dans quoi qu’ils fassent. Vous avez fait fléchir une inflexible volonté. Votre traité a beaucoup obtenu déjà. Et bien qu’il pacifie aujourd’hui, tout de suite ; ce sera une belle et bonne veuve. La joie sera partout dans la proposition qu’ont été et qui sont encore les alarmes.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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443. Paris, Lundi 5 octobre 1840
9 heures

Hier a été une journée bien active et bien bavarde. D’heure en heure quelque rapportage, et à 5 heures à Tortoni la nouvelle que Thiers avait donné sa démission. On disait qu’il avait résolu de convoquer les chambres, d’y apporter la guerre et d’ordonner en attendant la marche de 200 000 hommes vers le Rhin et l’envoi de votre flotte à Alexandrie pour l’apposer aux alliés. On disait que le roi n’avait point voulu accorder tout cela, ni rien de cela, et que par suite Thiers donnait sa démission. nous verrons aujourd’hui. Berryer est venu chez moi à deux heures. Il ne savait rien de ces bruits, ils n’ont circulé que plus tard mais il me dit qu’une crise ministérielle était arrivée : que Thiers ne pouvait point reculer, qu’évidemment il lui fallait la guerre et que la chambre accueillerait avec transport la guerre, parce que telle était la disposition des esprits maintenant qu’il fallait commencer cependant que Thiers avait fait bien des fautes, qu’il n’avait fait que des fautes mais que pour le moment il ne s’agissait pas de les examiner, qu’il fallait satisfaction à l’amour propre national, et que comme cette satisfaction ne se présentait pas pacifiquement, il fallait la prendre de l’autre manière que ces derniers deux ans avaient fait une grande révolution dans les esprits, qu’il ne pouvait plus y avoir dévouement ou confiance, que les existences avaient été troublées, tout remis en question, et que dès lors, tout pouvait ressortir de cette situation. Que l’Angleterre avait été bien habile, que lord Palmerston était le plus grand homme qui eut paru depuis M. Pitt. Paralyser à la fois la Russie, (je n’ai pas accepté la paralysie) remettre à la tête des grandes puissances, s’emparer de la direction des affaires en Espagne, et rendre ainsi la situation de la France périlleuse de tous les côtés, c’était là un chef d’oeuvre d’habilité, enlevé galamment avec une prestesse admirable. Enfin il grossirait cela de toutes ses forces pour enfler les comparaisons. Il parlait pitoyablement des notes diplomatiques. Il demandait la réponse au factum accablant de Lord Palmerston ? Et puis il a brodé sur les crédits extraordinaires, sur les fortifications de Paris surtout, et de quel droit, sans avoir consulté la Chambre ? Et le bois de Boulogne à qui appartient-il ? Il dit après : le roi a tiré de ce ministère tout ce qu’il lui fallait pour sa propre force. Ce que Thiers préparait pour dehors, le roi se promettait bien de l’employer au dedans et le jour où arrivera la la nécessité d’une révolution extrême, le roi ayant profité habilement de tout ce que la popularité de Thiers a pu lui fournir jusqu’à sa dernière limite, le Roi se passera de lui. Placé entre deux dangers une lutte extérieure, et une lutte intérieure, le roi choisira toujours cette dernière chance. Voilà le dire de Berryer sur la situation en gros ; il n’a point nommé les personnes. Il a seulement dit en passant que vous et Thiers étiez mal ensemble, j’ai dit que ce devait être nouveau parce qu’il me semblait tout le contraire lorsque j’étais à Londres.
Après Berryer, j’ai vu tout mon monde diplomatique les quatre puissances alliées agités, mais point inquiets. Ils ne croient pas sérieusement à la guerre. Sébastiani a dit hier encore à 4 heures de l’un de ces diplomates. Tenez pour certain que le roi n’y consentira pas. Le petit ami est revenu hier une seconde fois très animé, très troublé de tout ce qu’on dit, et de tout ce qu’on lui demande. Je lui ai dit de vous tout dire dans le plus grand détail. Hier soir à 10 heures, M. de Broglie était chez Granville, qui lui a appris tout le tripotage de la journée. M. de Broglie n’en savait pas un mot, et ne voulait pas y croire. Il ne voulait pas croire que le ministère eût pu arriver à ds résolutions aussi excessives. Mais M. de Broglie, me parait être quelque fois un enfant. moi, je suis très très préoccupé de tout ceci pour vous !
Lady Palmerston m’écrit. avec amitié. Sur les affaires elle me dit : " Lord Palmerston désire plus que personne la paix, et je ne puis croire qu’avec ce désir général il y ait crainte de guerre. La conduite de M. Thiers rend toute négociation à présent fort difficile, mais il est clair que l’on serait fort aise de s’accommoder avec la France autant qu’on peut le faire sans déshonneur, et sans abandonner ses alliés. Mon mari est fort raisonnable dans cette affaire et saisirait volontiers tout moyen d’accommodement qui ne porterait point atteinte à l’honneur de son pays, ainsi ne dites pas que c’est de lui que dépend la paix ou la guerre, parce que le résultat est bien plus entre les mains de M. Thiers. Si la France se comporte comme une écervelée ce ne serait point une excuse pour nous d’être lâches ou d’abandonner nos alliés." Elle me dit encore que le duc de Wellington et Peel sont bien plus déterminés encore que son mari, et que Peel a dit : " Si l’on fait des concessions à la France, il n’y aura pas de paix dans trois mois. "

Onze heures
Je reçois votre lettre c’est charmant d’être à Lundi, c’est charmant Mercredi. Mais que faire de l’intermédiaire ? Votre gravure est devant moi dès que je quitte mon lit, tous les jours je trouve la ressemblance admirable. Mais pourquoi ne me regardez-vous pas ? Est-ce le peintre ou vous qui avez voulu cela ? Je ne suis pas sûre que vous ayez eu raison ; c’est parfait comme cela, mais votre regard fixé sur moi, c’eût été mieux encore. Je me repens d’une petite querelle que je vous ai faite hier pour abstenir des nouvelles modernes plutôt que des souvenirs anciens d’Angleterre.
Je me repends de tout ce qui n’est pas des paroles douces tendres ; de loin il ne faut jamais un moment d’impatience même sur ce qu’il y a de plus puéril. compte sur vous. Vous me connaissez un peu pétillante, vive et puis c’est des bêtises.
Mad. 79 se plaint de ce que le bouleau a trop d’intimité avec les personnes qui ne sont pas de l’avis de R. Les journaux ce matin sont bien plats à côté du commérage de la journée d’hier. Le constitutionnel est en bride. L’incertitude ne peut pas durer.
Je ne me porte pas mal, mais je ne suis pas encore assez bien pour voir du monde. Le soir cela me fatiguerait. M. Molé est revenu hier mais je n’y étais pas. Je passe le dimanche à l’ambassade d’Angleterre. Je trouve lord Granville très soucieux. Sa femme est allée avant hier à St Cloud. Elle n’y avait pas été depuis plus de 3 mois. Jamais, elle n’a vu la reine dans l’état d’accablement et de tristesse où elle l’a trouvée.

Samedi 1 heure.
Je n’ai vu personne encore, je viens de marcher sur la place, je rentre pour fermer ni avant les interruptions. Je vous écris des volumes il me semble, mais il me semble aussi que vous les voudriez encore plus gros. Je vous crois insatiable comme moi. Je vous crois comme moi en toute chose, en tout ce qui nous regarde, un peu aussi en ce qui ne nous regarde pas. Enfin je trouve que nous nous sommes tellement eingelebt (Connaissez-vous la nature de ce mot ? ) que nous n’avons plus besoin de nous rien demande,r nous nous devinons. Devinons-nous ce que deviendra ce mois-ci ? Ah pour cela, non !!

Adieu. Adieu. La crise ne peut pas se prolonger. Il faut que la convocation des chambres ressorte de ceci. Adieu. Adieu toujours adieu quoique vous commenciez un peu à le mépriser, et moi peut être aussi. Mais nous sommes trop pauvres pour ne ps accepter les plus petites aumônes. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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431. Paris, Mercredi 23 septembre 1840
9 heures

J’ai vu hier matin, Bulwer, Appony, Granville chez moi. J’ai fait une courte visite à Lady Granville, une plus courte promenade encore en voiture. Il pleuvait à verse après mon dîner j’ai vu les deux Pahlen jusqu’à 10 heures.
Il y avait une soirée chez Lady Granville. Granville a vu longtemps Thiers à Auteuil lundi matin. Ils sont venus ensemble en ville. Granville est retourné dîner à Auteuil. Le soir il a été à St Cloud. Partout reçu et traité avec amitié et un grand empressement. Je crois. que Thiers a perdu tout le goût, qu’il avait pour Bulwer. Thiers est monté sur son cheval de bataille. Il aura neuf cent mille combattants ; il ne craint pas l’Europe réunie. Le protocole de jeudi est à ses yeux une mystification. Le Roi est soucieux depuis deux ou trois jours. Il se loue beaucoup de M. de Pahlen, (c’est de sa personne qu’il s’agit).
Je relève une erreur dans une de vos lettres. Ce n’est pas la grande duchesse Marie seule qui se trouve être maintenant cousine de M. Demidoff. La mère de Mad. Demidoff était sœurs du Roi de Wurtemberg, cousine germaine de l’Empereur Nicolas, par conséquent M. Demidoff devient neveu de l’Empereur à la mode de Bretagne. Voilà mon indiquation. Après cela, savez-vous qui était le le père de M. Demidoff celui que vous avez vu à Paris riche et perclus ? Il était sorti de je ne sais quel gentilhomme russe et potier, C’était son métier. Il a fait cette fortune par son industrie. Vous voilà bien résigné sur mon indication. Il y a beaucoup de symptômes ici qui indiquent que les préparatifs de guerre s’ils ne sont pas employés bientôt le seront plus tard. La France ne voudra pas avoir tant fait, pour ne faire rien ; et M. Thiers surtout voudra faire beaucoup ou au moins quelque chose.
Voilà ce qu’on se dit, et ce qui a beaucoup de vraisemblance. Alors il y a des personnes qui disent qu’il vaudrait mieux lui. adresser dès aujourd’hui, tout de suite, des questions sur ses armements sont-ils défensifs ? Mais personne ne songe à l’attaquer. Sont-ils offensifs, ou enfin destinés à soutenir les prétentions du Pacha ? On dit que plus douce aujourd’hui qu’elle ne le serait peut-être dans quelques mois. Et qu’en tout état de cause on ne peut pas rester longtemps dans cet état actuel de crise et d’incertitude. Je vous dis le bavardage. Les Anglais en déclament beaucoup contre la reine Christine, probablement aussi contre votre influence sur elle. Ce qu’il y a de sûr, c’est qu’elle est dans une pauvre situation.
Le petit F. m’a dit tenir de bonne source que 48 parle fort mal du Frêne, à ses confidents il ajoute qu’il ne fait plus de confidences véritables au peuplier. En savez-vous quelque chose ? On dit qu’au fond Thiers est mécontent de ce que Walesky est allé à Constantinople. Je crois moi que le choix de ce négociateur sera particulièrement désagréable à la Russie et ajoutera par là à l’aigreur à Constantinople.
Il faut que j’aie une lettre aujourd’hui, il m’en faut une et bonne et longue absolument. mon fils m’écrit de Bade qu’il va encore en Angleterre. Il ne sera donc ici que dans le mois d’octobre. Vous faites bien d’avoir vos soirées. Mais je vois d’ici que lady Palmerston sous forcera à recevoir des dames. J’ai trouvé le speech du roi de Prusse de son balcon à Konisberg passablement ridicule, bien Schärmevitch. La dernière phrase inintelligible.

2 heures
Pas de lettre ! C’est abominable après deux jours d’abstinence. Il faudra fermer ceci sans vous rendre un adieu, mais je le donne comme vous pouvez le désirer tout-à-fait ? Adieu. Avez-vous lu le National de ce matin ?

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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440. Paris, vendredi 2 octobre 1840,
à 10 heures

Le voilà expliqué le bis, au moment où je commençais une toilette de nuit hier, on m’annonce Byng, je le renvoie ; il me fait dire qu’il arrive de Londres à l’instant ; je le fais entrer rêvant à la paix ou à la guerre ; c’était bien autre chose. Cette charmante lettre en tendres paroles ! Elle a passé la nuit avec moi. Ah que je voudrais vous dire à mon tour tout ce que j’éprouve. J’en étouffe, et cela reste ici. J’ai eu un rêve que vous auriez aimé. Mais ce n’était qu’un rêve !
Hier matin j’ai vu les Appony, Montrond, Bulwer. J’ai fait par ordre du médecin une promenade en voiture fermée. J’ai fait dîner Pogenpohl avec moi pour le voir manger. Ensuite j’ai reçu Tshann, et mon ambassadeur. Mais toujours dans ma chambre à coucher. Le matin j’avais eu une bonne visite de votre plus fidèle. Si la question du dehors s’arrange, savez-vous que celle du dedans sera difficile à arranger. Cela me paraît bien embrouillé, bien compliqué. Le moment des chambres sera des plus curieux. Ma nièce a eu une lettre de son père, il s’annonce positivement pour le mois d’avril, et sa femme dans quinze jours, tout cela est bien pacifique. Il parait qu’on ne rêve pas à la guerre.
Que savez-vous de la disgrâce de Bülow ? Les petits diplomates allemands l’affirment. Vous ne m’étonnez pas par ce que vous me dites de Neumann c’est un gros sot, et fort impertinent ; donnez en de bonnes nouvelles à Paris pour le cas où il y viendrait. A propos les Clauricarde viennent-ils toujours ? Elle ne m’a pas écrit depuis mon départ. Il est vrai que je ne lui ai pas écrit non plus.
J’ai eu un retour de crampes cette nuit et un sot accident après. Je m’étais fait frotter rudement l’épaule et la voilà tout ensanglantée ce matin, et me faisant un mal horrible, comme si j’avais été blessée à la guerre, aussi. ai-je fait chercher le chirurgien du 10ème hussards ! (Chermside)

Midi.
Je viens de recevoir votre lettre d’avant-hier, il y a de l’espoir, il y a de l’inquiétude, un peu de tout. Un peu de gronderie à mon adresse, beaucoup d’autre chose qui n’est pas de la gronderie. J’accepte tout à tort et à travers, mais surtout la dernière partie, toujours désirée, toujours bien venue. Toujours nouvelle quoique si vieille. Voici donc Beyrouth pris. On va crier ici comme si c’était chose inattendue et inouïe. J’en suis effrayée; je suis effrayée de tout, parce qu’il faut si peu pour aller bien mal et bien loin. Vous ne sauriez concevoir le plaisir que j’ai eu à voir Byng. Il avait déjeuné avec vous Samedi. Il été fort pressé de me remettre la lettre. Il était encore en toilette de voyage. J’aime Byng. Adieu, que dois-je penser du conseil de cabinet d’hier ? Je tremble et j’espère. L’article du Times était bon, mais rien ne fait quelque chose à lord Palmerston. Je suis bien aise que vous soyez bien avec Flahaut, je ne sais encore rien de cela pour la femme, je ne l’ai point vue depuis mardi.
Adieu. Adieu, tendrement. Montrond vient souvent sans avoir rien à dire. Il est archi pacifique. Tout le monde l’est je crois, mais n’y a-t-il pas des existences politiques que la paix tuerait. Voilà ce qui m’inquiète. Adieu. Adieu.

2 heures
Dans ce moment, je m’aperçois du vendredi. Je suis enragée contre moi-même, il n’a a pas de remède, ceci ne partira que demain, je vous écris un pauvre mot mais il vous faut la vue de mon écriture, sans cela vous me croiriez morte.

Samedi 3 octobre, 11 heures.
Ma journée s’est passée à Beyrouth c-à-d. que tout le monde est venu chez moi parler de cela et rien que de cela. Le matin, les Granville, Werther, Appony, Pahlen. Le soir M. Molé. Je ne compte pas Adair et autres de cette espèce. Et bien on est bien agité, c’est à dire agité de l’agitation que cela va causé ici, comme si ce n’était pas un événement tout naturel, et très attendu. Thiers a dit hier matin à un diplomate à Auteuil : "Monsieur, c’est la guerre. " On ne le prend pas au mot, parce que vraiment il n’est pas possible qu’elle ressorte de ce fait. le conseil s’était réuni d’abord à Auteuil et puis aux Affaires étrangères. M. Molé me dit que la chambre des pairs était dans un trouble inexprimable. On ne parlait que de cela. On proposait de dresser une pétition à la couronne pour demander la convocation du chambre. M. Molé prétend s’y être opposé. Mais il parle très mal de la situation. Il dit que jamais on n’a si mal gouverné une affaire. Et puis une conduite si lâche à côté de tant de bruit, de si pitoyables réponses au général anglais.
Le dernier factum de lord Palmerston excellent, clair, une vraie pièce de cabinet. Et pas de réponse ? mais c’est incroyable. Enfin vous entendez tout ce qu’il dit. Il voudrait bien savoir bien des choses ; moi, je n’ai rien à lui apprendre. J’ai renvoyé M. Molé avant dix heures pour aller un moment chez Lady Granville. Là j’ai appris l’abdication du roi de Hollande. C’est grave aussi, parce que l’héritier est peu de chose. Tête très légère. Le monde va mal. Mais vous que faites-vous ? L’éclat de Beyrouth devrait faciliter les affaires ; on a meilleure grâce à céder quand ou a un succès. Cependant, je ne sais rien bâtir d’agréable sur ce qui peut venir de Londres. Je suis frappée ce matin du ton de Siècle et du Courrier français. Le Constitutionnel est plus prudent, il est évident qu’il attend vos nouvelles sur le conseil de jeudi. M. Molé prétendait savoir qu’on allait mobiliser la garde nationale, mesure révolutionnaire selon lui. Il croyait aussi que le ministère ne pouvait pas l’empêcher, de convoquer les chambres. Le cri public serait trop fort. Moi, je suis pour la convocation cela va sans dire ! Lord Granville était allé hier soit à St Cloud. L’ambassade anglaise est très agitée. Bulwer excessivement.

1 heure.
J’ai eu votre lettre et un long entretien, avec celui qui me l’a portée. Il vous écrit lui-même. Il voudrait que vous l’instruisiez mieux de votre volonté, de vos idées, pour qu’il puisse faire face aux entretiens qu’il a avec vos amis. Vraiment la situation devient très grave pour les choses comme pour les personnes politiques de toutes les couleurs. C’est bien difficile de deviner le dénouement de tout ceci. On dit qu’ici tout le monde est pacifique au fond, tout le monde, et je le crois mais comment arriver à cette parole décisive " la paix " au milieu de ce qui se passe et peut se passer tous les jours ?
J’approuve tout ce que vous me dites, et comme je comprends ces éclairs d’élan vers une vie tranquille, domestique ! Et moi, que de fois je l’ai souhaitée, et tout juste dans les moments les plus agitées. C’est alors que je rêvais les cottages, que j’enviais le sort des plus humbles de leurs habitants. Ah que je saurais aujourd’hui embellir cette vie là pour vous. Mais vous n’osez pas en vouloir, vous ne le pouvez pas. Je sens tout ; je suis en même temps une créature très passionnée et très sensée.
Je crois l’esprit de 20 très combattu dans ce moment, au fond il n’a pas de l’esprit tout-à-fait Il faut finir, je n’ai encore vu personne aujourd’hui. On dit, c’est votre petit ami qui me l’a dit que les ministres sont un conseil depuis huit heures ce matin. Je crois moi qu’il ne ressortira la convocation des chambres. Encore une fois, il m’est impossible de ne pas la désirer ardemment. J’ai vu chez moi Mad. de Flahaut hier, elle m’a parlé des lettres de son mari, mais elle ne vous a pas nommé. Au reste elle est très douce maintenant, et inquiète comme tout le monde.
Adieu. Adieu. Je ferme de crainte d’interruption et de retard, adieu.
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