Guizot épistolier

François Guizot épistolier :
Les correspondances académiques, politiques et diplomatiques d’un acteur du XIXe siècle


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Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Samedi 30 oct. 1852

L'affaire Belge me paraît, pour le moment, bien près d'être arrangée ; le ministère Broucker va se former ; il avait été appelé comme le plus propre à terminer les négociations avec la France. Il s'acquittera de sa mission, et la question commerciale ne sera plus un prétexte aux querelles politiques. Resteront la presse et les réfugiés, nous verrons si les Chambres belges feront quelque chose à cet égard.
Albert de Broglie me disait hier que la Suisse était inondée du pamphlet de Victor Hugo ; on l’offre aux voyageurs sur les bateaux à vapeur, dans les auberges. Les radicaux sont toujours les maîtres là, et très malveillants pour le président.
Le Piémont en revanche se loue beaucoup du président. M. de Cavour dit qu’il a été presque étonné de l'accueil que lui a fait le gouvernement français et de la bienveillance, toute politique, qu’on lui a témoignée. Ils n'ont, disent-ils, absolument aucune inquiétude, pour la Savoie et ils comptent sur un appui diplomatique s’ils étaient tracassés d'ailleurs.
Il me paraît qu’il n’y a guère de doute sur la venue du Pape, si on le lui demande formellement. A part toute autre considération, son caractère l’y poussera ; il a le goût de la popularité ; il en trouvera plus en France que partout ailleurs, et comme Pape, et comme formateur libéral.
La Times est bien violent sur l'affaire de l'emprunt Turc. Il y a là quelque chose que je ne sais pas, et qui donne à Londres, et à Paris beaucoup d'humeur, peut être à des gens qui manquent là une bonne occasion de donner beaucoup d'argent.
La Duchesse d'Orléans était très souffrante. vraiment très souffrante avant son accident ; les entrailles en fort mauvais état ; le repos absolu qu’elle a dû garder lui a fait un bien réel. Elle est, à tout prendre, bien aise de retourner en Angleterre, dans sa famille ; elle commençait à la trouver fort seule, délaissée ; elle n’a, auprès d'elle, personne qui puisse lui donner un bon conseil et un utile appui. Elle passera l’hiver dans quelque bon coin du midi de l’Angleterre. Le climat de Claremont ne lui réussit pas.
Le comte de Paris a été très bien au moment de l'accident de voiture intelligent, courageux et affectueux. Je recueille des bribes de conversation, en attendant mieux.

4 heures et demie
Mon facteur vient tard. Abdel Kader ne déshonore pas votre appartement de la Terrasse. C'est un grand homme malheureux. Il y a des grands hommes dans le désert. Adieu, Adieu.
Je crois sans en savoir rien de plus que ce que vous m'en dites, que l'Empire commencera modestement. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Mercredi 12 oct. 1853

J’ai Barante ici depuis avant hier ; il ne m’a rien appris, mais nous causons beaucoup. Il est aimable, bon, et de mon avis presque sur toutes choses. Il ne croit pas plus que moi, et que M. de Meyendorff qu’on se batte sérieusement, ni que la France et l'Angleterre s'en mêlent réellement. L’attitude et l’unanimité du cabinet anglais disent aussi cela. Piscatory m'écrit que nous ne tenons pas assez de compte des Barbares, des Turcs eux-mêmes, et que leur ignorance et leurs passions déjoueront, toute la modération Européenne. Je ne le crois pas pourtant ce qui se passe depuis un mois lui donne quelque apparence de raison. Voyez-vous les Holland ? Barante dit qu’ils sont très animés, et que, ces jours derniers. Thiers, chez eux, était fort à la guerre. Il a eu là, à ce sujet, une dispute très vive avec Cousin, grand partisan de la paix. " Voilà comme vous êtes toujours, vous voulez recommencer 1840 & & " Cousin développe très bien un bon thème.
Avez-vous lu la lettre de Montalembert à Dupin qui lui avait envoyé son discours au comice agricole de Corbigny ? C'est vieux, mais c’est vif et bien tourné.
La correspondance d’Havas ferait mieux de ne pas trahir si clairement, dans son petit bulletin politique, son désir de la chute de Lord Aberdeen. J'y trouve aujourd’hui cette phrase : " Au jour où le gouvernement anglais se déciderait à entrer en lutte avec la Russie, il est possible que les précédents de l'illustre diplomate deviennent gênants et qu’il soit utile de remettre la conduite de la guerre en des mains plus vigoureuses et moins engagées ; mais tant qu’il reste quelque espoir de conserver la paix, tant qu’il y a des négociations à suivre, des concessions à solliciter, l'influence pacifique du nom de Lord Aberdeen est bonne, ce nom semble à conserver ? C’est une maladresse d'être à la fois timide et malveillant. On me dit que Naples est assez agité surtout la Sicile ; les correspondances de Malte recommencent. Le Roi de Naples est convaincu que, si la guerre éclatait, la Sicile serait la vraie indemnité anglaise. Les perspectives de cet avenir là commencent à agiter beaucoup aussi Rome et Turin.
Vous devriez lire les nouvelles lettres de la Palatine, Madame mère du Régent. M. de Sainte Beuve en donne dans le Moniteur, un extrait piquant. Je ne connais pas un exemple pareil de grossièreté unique dans le langage ; mais le fond est sensé, spirituel et honnête. Cela vous amuserait. Je ne connais pas du reste encore les nouvelles Lettres. Je n'en parle que d'après le Moniteur.
Onze heures
Adieu, adieu. Je n'ai rien de plus à vous dire. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, lundi 19 Sept 1853

Vous avez très bien pris votre position, en vous tenant en dehors des discussions avec la Porte, et on en renvoyant à la conférence de Vienne tout l'embarras. C'est la seule marche correcte et, c’est en même temps la plus pacifique. Quand on aura décidé la Porte à accepter ce que vous avez déjà accepté, on viendra vous le dire, et tout sera fini. On l’y décidera, je n'en doute pas, n'importe par quels moyens. On aurait dû commencer par là. La situation est fausse pour tout le monde ; tantôt on prend, tantôt on ne prend pas l'Empire Ottoman au sérieux, on le traite tour à tour comme un grand état et comme un cadavre. De là, les fautes. On oublie à chaque instant l'attitude qu’on avait et le langage qu’on tenait l’instant d'auparavant. On ne sait pas être aussi inconséquent et contradictoire qu’il le faudrait. Je m'amuserai à voir comment on s'y prendra pour se donner à soi-même. Tantôt dans un sens, tantôt dans l’autre, tant de démentis. J’ai beau faire ; je ne peux m'attendre à rien de plus grave dans cette question.
Votre Empereur devrait bien interdire au prince Gortschakoff les proclamations. Si Omer Pacha en faisait de son côté, la guerre serait difficile à éviter.
Je vois que Lord Palmerston a quitté Londres. D'autres aussi sans doute. On sera convenu de l'action commune. Je suis fort aise que Molé ait de l’espoir pour ses yeux ; s'il y a un commencement de mieux, c’est la preuve qu’il n’y a point de paralysie, du nerf optique. Si vous le revoyez, soyez assez bonne pour lui dire que je regrette aussi beaucoup de ne l’avoir pas vu avant mon départ. Je n’ai trouvé jeudi dernier à l’Académie que Vitet et Cousin avec qui causer, Ste Aulaire n’y était pas, ni aucun autre de mes amis. La Reine Christine abuse de la platitude. C'est un mal très commun, et qu’on pourrait s’épargner sans le moindre inconvénient. Elle aura eu de l'humeur de n'être pas reçue à Claremont. Le Duc de Montpensier s'en ressentira peut être. A la vérité, quand on a de l’esprit et de la bassesse, on n'a guère d'humeur. Adieu.
Je n'ai plus à vous parler que du beau temps. Vous en jouissez au bois de Boulogne. Mes bois sont plus jolis, mais vous n'y êtes pas. Adieu.
Mes amitiés à Marion. G. Lisez dans le dernier numéro de la Revue des deux Mondes, une bouffonnerie intitulée : la mission trop secrète. Trop longue, mais drôle.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, lundi 10 octobre 1853

Je n’ai encore sur le meeting ou la Taverne de Londres que l'énoncé des propositions qui ont de lui être soumises et qu’il aura sans doute adoptées. C'est bien mauvais. Absolument la politique du siècle en France et du Daily news en Angleterre ; la politique des révolutionnaires badauds et décla mateurs, en attendant celle des révolutionnaires hardis et acteurs. C'est la même situation que chez nous en 1840, seulement l'autocrate russe a remplacé le perfide Albion. Je ne puis croire que tout cela soit réellement populaire et fort en Angleterre. Mais tel est l'état des esprits en Europe que pour résister, même à une popularité uniquement superficielle et apparente, il faut beaucoup de fermeté d’esprit, et de courage, et aussi de talent pour arracher le masque et faire voir le dessous au public. Y en aurait-il assez dans le cabinet anglais ? Gladstone a le talent ; Aberdeen a le bon sens ; Palmerston a le courage. Cette trinité se fera-t-elle Une. Je suis un peu inquiet et encore plus curieux. En tout cas, nous avons du temps devant nous. Il ne faudrait plus croire à rien si, à la fin d'Octobre, les Turcs passaient le Danube et vous attaquaient dans les principautés de manière à vous obliger de le passer à votre tour et de pousser jusqu'à Constantinople. Le Times indique que même si cette guerre là éclatait l’Angleterre et la France ne se presseraient pas d’y entrer.
Le public de province commence à s'alarmer. Il est très préoccupé de la disette. On croit généralement la récolte plus mauvaise qu’en 1846. Il nous manquera près du quart de la nourriture de l'armée. Il faudra au moins 400 millions pour combler ce déficit. D'après les dernières nouvelles du Havre, il y avait déjà, dans les ports des Etats-Unis, 500 navires, en chargement de farine et de grain pour la France. Cela rendra la guerre bien difficile. On ne la fera pas sans faire un gros emprunt, et on empruntera très chèrement au moment, où les capitaux s'emploient à avoir du pain. Embarras énorme, probablement débâcle affreuse à la Bourse. Cela vaudrait bien la liberté de la presse. L'Empereur a raison de vouloir la paix. S’il la veut bien, il l'aura. L'Angle terre ne fera pas la guerre sans le concours de la France. Si l'Empereur ne maintient pas la paix, c’est qu’il ne s'en soucie pas beaucoup.

Onze heures
Je suis fâché que la guerre soit déclarée si elle l'est, et bien aise que le cabinet anglais reste entier. Pourvu que la guerre ne devienne pas générale, et que l’Angleterre et la France gardent le caractère de médiateurs, l'affaire s’arrangera tôt ou tard, et en attendant vous êtes en dehors de la question. Adieu, Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val-Richer, Dimanche 26 sept 1852

Je ne m'étonne pas qu’on attribue au Président quelques vues d’aggran dissement en Afrique ; c’est là qu’il peut tenter quelque chose de ce genre avec le moins de danger du côté, soit de Tunis, soit du Maroc. Je doute que l’Europe, et peut-être même l’Angleterre lui fissent, pour cela, une guerre immédiate ; mais il en résulterait, pour eux, au dehors, surtout à Londres, une situation très gâtée, et au dedans de graves embarras financiers, car, sur ce terrain-là les guerres ne rapportent rien et coûtent énormément. Et tout docile qu’il est, son Corps législatif ne serait guère disposé à lui donner beaucoup d'argent pour de telles conquêtes. A tout prendre, elle lui seraient, je crois plus nuisibles que profitables, et le Constitutionnel a raison de prêcher deux fois par semaine, comme il le fait, l'Empire pacifique et commerçant. Il ne faut pas pousser l’imitation au-delà du nom.
On vient de prendre un petite mesure que vous n'avez certainement pas remarquée, mais dont l'effet sera mauvais dans les départements, c’est la suppression de l'institut agronomique de Versailles. Pure économie, je crois ; on ne sait où en faire, et on en a besoin. Je n’ai pas la moindre opinion sur le fond de la question ; mais je sais, et je vois, autour de moi, que cet établissement plaisait aux propriétaires agriculteurs un peu aisés, et qui veulent que leurs enfants soient bien élevés en restant agriculteurs. Il était fondé ; il commençait à bien marcher. On trouvera cela léger [?] Sans compter qu’on met ainsi à la porte une douzaine de savants considérables qui crieront.
Cela vous est égal, et à moi aussi ; mais je vous dis ce qui me vient à l’esprit en lisant mes journaux.
Qu’est-ce que c’est que votre belle hongroise ? Sera-ce une remplaçante de Mad. Kalerdgis ?
Le discours de Lord John Russell à Stirling en l'honneur du duc de Wellington m’a plu ; la louange est vrai, et dit avec une simplicité ferme. Il n’y a rien de tel que de mourir pour n'avoir plus d'adversaires.

Onze heures
Pas de lettre du tout, ni de vous, ni d’Aggy. C’est trop peu. Donc adieu et adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val-Richer, Vendredi 28 juin 1850,
Cinq heures

Je viens de lire attentivement Lord Palmerston habile mensonge d’un bout à l'autre. Bien plus mensonge qu'habile pour qui s’y connait un peu. Il omet hardiment ce qui est. Il affirme hardiment ce qui n'est pas. Ce serait ridicule et périlleux, s’il n’était pas sûr de son public et s’il avait des contradicteurs bien décidés.
Grèce. Il oublie qu’en 1835 il a dénoncé le Duc de Broglie au Prince de Metternich comme trop favorable à une constitution à Athènes.
Portugal. Il ne songe plus à renverser Costa Cabral. Donc il n’y a jamais songé.
Espagne. Narvaez, ce reckless adventurer, dans sa dépêche du 19 Juillet 1846, est aujourd’hui l'observateur le plus fidèle de la constitution.
France. Lord Normanby n'a été lié parmi les opposants à M. Guizot, qu'avec M. Molé, aussi monarchique que M. Guizot.
Autriche. L’Autriche a été six mois sans se plaindre de la non-production d'une dépêche. Donc elle n’avait pas à se plaindre.
Russie. Pas un moment des dépêches de Mr. de Nesselrode, du moins dans ce que j'ai aujourd’hui.
Quand on est aussi effrontément résolu à mentir en se taisant ou en se contredisant. On n'a pas grand peine à se défendre. Il se défend bien quand il accable de compliments la nation française pour retourner, contre les adversaires anglais, le reproche qu'ils lui ont fait de m'avoir renversé par haine personnelle, et avec moi la Monarchie. C'est le meilleur morceau du discours. La péroraison, qui me paraît avoir ou grand succès est un lieu commun d'éloquence vulgaire bon pour des badauds. Mais il a bien fait de s'en servir puisqu’il avait là des badauds pour l'applaudir. Je comprends le succès ; mais c’est un succès qui ne fait honneur ni à l'orateur, ni à son public.
Samedi 29 - 9 heures
Le chaud est passé ici, après deux orages nous sommes entrés, dans une température fort modérée. J'espère qu’il en est de même pour vous. Si le soleil vous fait mal, je finirai par m'en dégoûter. Je ne suis plus curieux que de Peel. Je n’espère pas qu’il dise tout ce qu’il y a à dire. Mais il pourrait dire beaucoup sans dire tout. L’article des Débats sur Palmerston me convient. Je voudrais vous envoyer des nouvelles pour vous distraire un peu de vos paquets. Je n'en ai point. Adieu, adieu.
Avez-vous revu, ou reverrez-vous Chomel avant de partir ? Je vous écris encore à Paris, selon votre ordre. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Vendredi 22 Août 1851

Je puis répondre à votre question de poste. Vous êtes arriérée d'un jour parce qu'on a retenu ma lettre 24 heures à Francfort pour la lire et la copier à son aise. Précisément celle-là contenait, sur ce que j’avais vu à Paris, quelques détails qui pouvaient intéresser. On n’est, en Allemagne ni expéditif, ni soigneux de voiler ce qu’on fait.
Ma course en Angleterre ne me plait pas. Je n'ai personne à y voir qui me plaise. C’est un devoir que j'accomplis. On m'écrit que la Reine ne recevra personne le 25, la veille, je m’y attendais, personne non plus le lendemain le 27. Je ne pourrai donc la voir que le 28. Je compte bien m’arranger en tous cas, pour repartir le 29. Je saurai d’ici là le jour précis de votre retour à Paris.
C’est vraiment bien dommage qu'Ems ne vous ait pas aussi bien réussi, cette année que l’an dernier. Je me répète encore que peut-être le bien viendra plus tard.
Je vois que l’amiral Parker est arrivé devant Tunis avec son escadre et a signifié au Bey qu’il eût à publier la Hatti-Schériff du Sultan qui règle les relations avec la Porte. C'est précisément là ce que notre flotte est allée empêcher quatre fois de mon temps. Ce n'était pas parfaitement correct ; mais on verra quels embarras renaîtront en Algérie, quand la Porte aura repris l'ascendant à Tunis. J'ai reçu hier une nouvelle lettre d'Alexandrie, trés longue sur les progrès du travail anglais en Egypte. S'il continue sans plus d'obstacle, l'Angleterre sera bientôt établie solidement en Egypte. Lord Palmerston a raison de souhaiter ce maintien pur et simple de ce qui existe aujourd’hui.
Mon pauvre ami Rossi a enfin son monument dans l’Eglise de San Lorenzo. Voici un petit rapprochement assez frappant. C’est Tenerani qui a fait ce monument de Rossi. J’ai une lettre de Rossi qui me demandait que Tenerani près de venir à Paris, fit mon buste. Je vous quitte pour faire ma toilette.

Onze heures
Il me revient, par une source pas très élevée, mais trés rapprochée, qu'on parle assez légèrement, autour de Madame la Duchesse d'Orléans de la candidature du Prince de Joinville. On ne croit pas au succès ; mais on se dit qu'il enlèvera, un million de voix, au Président qui ne sera pas nommé d'emblée et qui ne le sera pas non plus alors, par l'Assemblée. On joue toujours au hasard et pour amener une crise. La Duchesse d'Orléans ira, dit-on, en Allemagne, presque aussitôt après l'anniversaire.
Décidément donc vous serez à Paris le 28 ou le 29 au plus tard. Je hâterai mon départ de Londres, en dépit des amis, car il y a toujours des amis. Granville a certainement eu tort de ne faire visite à aucun Ministre. Quoi, pas même à M. Baroche, ni au Ministre du commerce avec qui il avait été en rapport à Londres ? C'est singulier. Adieu, Adieu.
Je voudrais bien que Paris vous guérit d'Ems. Adieu. Vous ai-je dit qu'à Londres, je serais chez Grillon ? Je crois que oui. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer. Vendredi 20 sept 1850

Je suis charmé que les Danois soient victorieux. Les premiers bruits m’avaient inquiété. Si j'étais à portée, je voudrais savoir le fond des causes de l'obstination des Holsteinois. D'ici elle paraît si absurde qu'on ne la comprend pas. Car ils ne se font certainement pas tuer pour le seul plaisir d’Arnds et de Grimm et de tous ces unitaires Allemands qui ne leur envoient que de très minces secours. Cet acharnement d'un petit pays à ne pas vouloir de la paix, que veulent pour lui tous les grands états, a quelque chose qui n’est pas de notre temps. Je sais assez de l'affaire pour savoir qu'européennement les Danois ont raison. Je voudrais être aussi sûr que localement et selon les traditions et les lois des duchés, ils ont aussi tout-à-fait raison. Quand on n’est que spectateur, on a besoin d'avoir tout-à-fait raison, quand on est acteur, la lutte entraîne. Je trouve ces pauvres paysans Holsteinois plus entraînés qu’ils ne devraient l'être s'ils n’étaient poussés que par les intrigues des Augustenbourg ou par les chimères germaniques. Vous ne lèverez pas pour moi ce doute là, vous n’avez pas assez de goût pour la science.
Si j'étais à Paris, je vous montrerais huit ou dix pages que je viens d'écrire comme préface à la réimpression de Monk. Pas l'ombre de science, mais un peu de politique actuelle, et assez nette. Vous verrez cela avant la publication.
C'est grand dommage que vous ne soyez pas à Bade, entre toutes ces Princesses et Thiers. Cela vaudrait la peine d'être vu et décrit par vous. A coup sûr comme amusement, et peut-être aussi comme utilité. Il a précisément la quantité et la qualité d’esprit qu’il faut pour plaire en quatre ou cinq endroits à la fois. Je doute qu’il fasse rien de bien important ; il est trop indécis pour cela ; mais je ne crois pas non plus qu’il se tienne tranquille. Il est en même temps mobile et obstiné, et il change sans cesse de chemin, mais pas beaucoup de but. Je parierais qu'on ne vous a pas dit vrai au pavillon Breteuil quand on vous a dit qu’il était venu et qu’on l’avait vu. On tient beaucoup là à faire croire que les menées contraires pour les deux branches sont très actives. On vit de la dissidence.

Onze heures
Je vois que j’ai raison de ne pas croire au dire du pavillon Breteuil. J’aurais été fort aise de voir Tolstoy au Val Richer ; mais j’aime bien mieux qu’il soit retourné plutôt à Paris. Il est affectueux pour vous, et il vous est commode. Je vous quitte pour deux visiteurs qui viennent me demander à déjeuner ; M. Elie de Beaumont et M. Emmanuel Dupaty, la géologie et le Vaudeville, l'Académie des sciences et l'Académie française. Ce sont deux hommes d’esprit et deux très honnêtes gens, qui m’aiment et que j’aime. Adieu, adieu, adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer. Vendredi 12 Sept. 1850
6 heures

Je me lève de bonne heure et le soleil est levé avant moi, brillant dans un ciel pur. Je veux absolument croire qu’il vous aidera à chasser votre rhume. Je commence à me sentir reposé. Je me mets au courant de ma correspondance. J'étais fort en arrière. Les lettres prennent bien de la place dans la vie. Mais ce n'est pas une place perdue. On agit beaucoup par lettres bien des gens se défient moins d’une lettre que d’une conversation. On croit plus volontiers un absent. On lui sait gré de la peine qu’il prend pour persuader et on met moins d'amour propre, à lui résister.
Je vais faire aujourd'hui une visite à huit lieues de chez moi. M. de Neuville le député de Lisieux et le gendre de M. de Villèle. Vous m'en avez je crois entendu parler. Il est venu me voir plusieurs fois et je ne lui ai pas encore rendu sa visite. C’est toute une journée. Je reviendrai dîner chez moi.
J’ai lu L'ère des Césars dont je vois que les journaux font quelque bruit ! C’est un livre ridicule d’un homme d’esprit impertinent. Le Président dit à Cherbourg : " Donnez-moi du pouvoir ". Ses écrivains lui disent à lui : " Prenez du pouvoir " Il ne prend pas et on ne lui donne pas. Sot contraste! Plus l’action est prudente et modeste, plus la parole est exigeante et superbe. On se dédommage par ce qu’on dit de ce qu’on ne fait pas, de ce qu’on n'ose et ne peut pas faire.
Entendez-vous un peu parler des affaires du Piémont ? On me disait à Paris. (Je ne me rappelle plus qui) qu’on s'en inquiétait aux Affaires étrangères, et que si la querelle se réchauffait entre Turin et Vienne, et si Turin demandait appui à Paris, on ne serait pas en état de le refuser ou plutôt d'empêcher le Président de le donner. On dit aussi que les agents anglais recommencent à se remuer beaucoup là. Dans la stérilité de la saison je ramasse tous les on dit. Vous n'avez plus même Antonini pour le questionner.

Midi
J’ai été pris par des gens de Lisieux et je n'ai que le temps de fermer ma lettre avant de partir pour ma visite lointaine. Je vous parlerai demain de Fleischmann. Mais chassez votre rhume. Adieu, adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer. Vendredi 5 Juillet 1850

Voilà enfin une lettre. Vous me le pardonnerez ; quoique vous me disiez que vous êtes très fatiguée et souffrante, je suis plus content aujourd’hui qu'hier. J’espère que vous aurez pu faire votre visite avant-hier et partir hier. Vous êtes donc à Ems. Les lettres arrivent-elles là, et de là, le second ou le troisième jour ? Dites-moi, si vous avez trouvé un bon logement. Le pays est-il joli aux environs ? Pouvez-vous vous promener en calèche ? Je veux les détails de votre établissement.
Je pense beaucoup à Sir Robert Peel. Certainement dans un jour de crise quand il faudra recueillir l’héritage de Ministres quasi-révolutionnaires, et ramener le gouvernement, sinon tout- à-fait, du moins un peu dans la politique conservatrice, il manquera beaucoup à l'Angleterre. Il avait la confiance du pays libéral sans être du parti libéral dans le Parlement. Personne n'hérite de cette opposition. La lutte des partis deviendra plus âpre. J’ai relu son dernier discours. Je doute qu’il ait beaucoup nui à Lord Palmerston. C’est un tour de force pour ne pas servir la motion pour laquelle il parlait et votait. Je viens d’écrire à Lord Aberdeen et à Lady Allice. A part les liens de famille, et les questions d'importance avait-elle de l’amitié pour Sir Rober ? La séance de la Chambre des Communes s'ajournant est belle et touchante. Lord John a eu tort de n'y pas être. Il fallait penser à y être.
L'anarchie est grande en effet à Paris dans l'Assemblée. Cependant voilà, Dupin renommé à la même majorité. Bedeau n’a eu que 35 voix. C’est le bataillon des légitimistes dissidents. Ils sont en grande humeur et méfiance de Berryer. La période de la prorogation sera critique. Mais je crois comme vous, qu’il n’y aura rien. Vous apprendrez bien à Ems les Affaires d'Allemagne si elles ne vous ennuient pas trop, avez vous déjà, ou aurez-vous la grande duchesse Hélène ? Avez-vous vu Antonini avant votre départ. Est-ce sûr que son Roi a reconnu en principe les réclamations anglaises pour les dégâts de Messine et de Catane ? Cela indemniserait un peu Lord Palmerston des dépêches russes et autrichiennes. Que les choses sont mêlées ! Adieu, Adieu.
La colonne qui est ce matin dans le Constitutionnel sur Peel, est de Thiers. C’est bien et juste, mais sec et pas grand. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer. Vendredi 2 Novembre 1849
8 heures

Mon impatience de savoir est extrême. Ce Cabinet s’est-il fait de concert entre le président, et la majorité, ou est-ce qu'un coup de tête du président ? Sera-t-il soutenu ou désavoué par la majorité et ses chefs ? Mon bon sens me porte à croire à la première chance. Deux ou trois billets que j'ai reçus hier m'indiquent plutôt l'autre. Cela importe infiniment pour la suite. si la majorité est consentante, si ce sont là des doublures mises en avant- pour faire ce que ne veulent pas faire les premiers acteurs, il n’y a rien de grave à craindre prochainement, la situation actuelle avancera sans se bouleverser. Dans le cas contraire, le chaos peut être imminent. Mon instinct me dit bien que même dans le chaos, il est impossible que les honnêtes gens avertis, et armés, et postés comme ils le sont se laissent battre et chasser. Mais j’ai appris à me défier de mon instinct. Vous me préoccupez avant tout par-dessus tout. Le monde s’arrange comme il pourra, quand il pourra. Il a de la force pour supporter et du temps pour attendre. Mais vous ! Je ne crois pas au danger. Je ne crois pas que votre seconde impression vous trompe, et que vous ayez tort d'avoir moins peur depuis que vous êtes dans la mêlée. Mais qu'importe ce que je crois ou ne crois pas ? Et j’attends et je ne puis faire qu'attendre. Je compte que le courrier, m'apportera tout à l'heure, le sens et la direction de l'incident. Vous avez toute raison ; si le gouvernement a le sens commun, il rappellera d'Orient sa flotte. Toute prolongation de démonstration serait parfaitement déplacée et sotte. Et l'Angleterre devrait en faire sur le champ autant. On vous doit, non seulement le fond, mais toutes les apparences possibles d'égards et de bons procédés. Les questions qui peuvent subsister encore entre vous et la Porte, l'expulsion effective des réfugiés, le lieu de leur retraite, les provinces du Danube, tout cela se réglera, d’autant mieux que l'occident s'en mêlera moins et surtout aura moins l’air de s'en mêler. Je ne puis croire que Sir Stratford Canning s'oppose formellement à ce que la Porte envoie les réfugiés vers tel point plutôt que vers tel autre. Qu'ils aillent en Angleterre ou en Amérique, rien n’est plus indifférent. Une fois sortis de Turquie, ils finiront toujours par aller à peu près où ils voudront en occident. Je ne comprends par Normanby poussant à l'Empire à tort et à travers, sans s’inquiéter de savoir si la majorité en veut, ou n'en veut pas, et uniquement pour maintenir son influence sur le président. Cela me paraît de la part de l'Angleterre, un jeu bien sot et bien inutile. Le joue-t-elle réellement ? Mad. Austin a traduit jusqu'ici, et traduit encore. Elle aura traduit demain tout ce qui est prêt, et elle part Lundi pour aller passer quinze jours à Paris où elle a affaire et d’où elle retournera à Londres. J’aurais ri de votre remarque si je pouvais rire. Je vais faire ma toilette. Vous connaissez cette impossibilité de tenir en place, ce besoin d'aller et de venir ; et de faire quelque chose, quand on ne fait rien et qu’on attend.

Onze heures et demie
C’est évidemment du bien nouveau qui commence. Plus curieux d'abord que menaçant. Il faut attendre pour penser. Adieu, adieu, Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
https://eman-archives.org/Guizot-Lieven/import/images/MF-G-L012_00284.jpg
Val Richer, Samedi 20 octobre 1849
sept heures

Il y a un jour de moins entre vous et moi. J’aurai après-demain votre réponse à ceci. C’est charmant, en attendant mieux. Cela me plaît que vous soyez rentrée à Paris par un beau soleil. Dans l’arrangement de votre vie, indépendamment des anciennes connaissances qu’il faut reprendre, peut-être y en a-t-il aussi quelques nouvelles qu’il vous convient de faire, soit à cause de leur value personnelle, soit à cause de l’importance qu'elles ont prise dans ces derniers temps. Montalembert, Falloux (s’il vit), Bussierre, d’Haussonville, Piscatory. Je ne crois pas qu’il faille étendre votre cercle, et les étrangers en sont, et doivent en être, toujours le fond. Mais vous aurez des vides. Du reste, vous jugerez mieux de cela après- quelques jours de séjour que moi d’ici. J’avais pensé à M. de Tocqueville, s'il se recherchait comme de raison. Il est homme d’esprit, de bonne compagnie et sûr je crois. Mais il ne serait pas sans inconvénients. Je vous dis ce qui me passe par l’esprit.
Les inquiétudes de Brünnow me frappent un peu. Vous vous rassurerez à Paris. Evidemment, on n’y veut. pas, se mêler de l'affaire. Tous les Chefs de la majorité sont pour qu'on ne s'en mêle pas. L’assemblée est plus forte que le Président. A la vérité, il peut toujours faire un coup de tête, et au bout de son coup de tête peut venir un coup de canon de la flotte qui est partie. Pourtant je persiste à n'y pas croire. Je vois qu’on donne ordre à la flotte d'attendre à Naples. Il y aura encore des hauts et des bas ; les Turcs pourront se méprendre, l'Empereur pourra se fâcher. On finira par s’arranger. J'en reviens toujours à mon dire sur Lord Palmerston lui-même ; patron de tous les révolutionnaires, oui ; champion, non. On m’écrit : " Le Général Dumas et M. de Montalivet sont ici à quêter des voix pour obtenir le rappel de la loi de bannissement. Si ce rappel était prononcé, . nous verrions le Roi au château d'Eu de par la grâce de Louis Bonaparte, M. le Duc d’Aumale à Chantilly, et M. le Pince de Joinville aux ordres de Tracy." Je n’y veux pas croire, et je n'y crois pas. Mais c’est déplorable qu’on puisse le dire. Il n’y a évidemment pour cette proposition sur les bannis, que l’ajournement. Le rejet serait une indignité. L'adoption, le feu mis à la soute aux poudres. Je sais cette manière de voter et de motiver l’ajournement qui exciterait peut-être, au moment même un orage, mais qui ferait éviter le piège et faire un grand pas. Imaginez qu’on dit qu'il est question de Victor Hugo pour remplacer M. de Falloux. Mais on compte sur un discours qu’il doit prononcer, qu’il a peut-être prononcé hier à propos des Affaires Rome, pour rendre cela impossible. Comme de raison, nous avons beaucoup causé, Boislecomte et moi, de la Suisse et du Sonderbund. Il a bien à cœur de me persuader qu’il a dû se tromper sur la force du Sonderbund. Il est vrai que tout le monde s’y est trompé comme lui. Il m’a donné, sur M. de Radowitz, quelques renseignements assez intéressants, et qui me font penser que cet homme a de l’avenir. Il (Boislecomte) m’a parlé de M. de Krüdener comme d’un homme de beaucoup d’esprit, et d'encore plus de malice. Il assure que le peuple du Sonderbund était très bon et se serait très bien battu, que ce sont les chefs qui ont manqué. Bêtise et Mollesse. Maladies générales.

Onze heures
Je n'admets pas, à aucun prix et en aucun cas les derniers mots de votre lettre. Mais nous n'en viendrons pas là. Je crains bien des choses, mais pas tout. Adieu, adieu, adieu. Reposez-vous et soignez votre rhume. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Samedi 11 Oct 1851
Sept heures

Cela me déplait bien de n'avoir pas eu de lettre hier. J'espère que ce n’est pas autre chose, qu'une méprise de domestique ou de la poste quand on s'écrit tous les jours, il est difficile que cela n’arrive jamais. Si vous étiez souffrante, je compte que Marion m'écrirait. Je le lui demande formellement quoique je ne crois pas avoir besoin de le lui demander.
On me mande de source certaine, que le général Changarnier a formellement déclaré qu’il s'abstiendrait dans la proposition Créton, et qu’une fois sa candidature acceptée par les légitimistes, il la maintiendrait envers et contre tous, y compris M. le Prince de Joinville lui demandât-il lui-même de la retirer. Que le Général ait dit cela, je n'en puis guère douter. Qu'est-ce que cela veut dire ? Est-ce de sa part, un acte indépendant et vraiment personnel, ou bien est-ce arrangé avec Thiers, de l'aveu de Claremont ? Est-ce une manière de retirer, sous main, la candidature du Prince de Joinville, et d’y substituer celle de Changarnier en la faisant accepter d’abord par les légitimistes ? Ceci serait très possible, s’il était possible que Changarnier se prêtât à une telle rouerie. On me mande d'ailleurs que Thiers travaille décidément à faire sa retraite sur la candidature Joinville. On ajoute que le gâchis va croissant. Quand il n'y a pas moyen d'empêcher le gâchis, il faut au moins y voir clair.
Je vois que le manifeste de Kossuth à Marseille commence à faire en Angleterre l'effet que j'ai prévu. Les indifférents, comme le Times, comprennent et attaquent. Les bienveillants comme le Globe essayent d'excuser. Palmerston trouve sûrement que Kossuth est un maladroit, qui lui gâte son jeu. Nos journaux à nous n'exploitent pas assez cet incident. Ils devraient commenter le manifeste, et l'admiration qu’en témoignent les révolutionnaires. Cela aiderait les Anglais à comprendre.
Dans la solitude où vous laisse votre diplomatie n’entendez-vous rien dire du tout de ce qui se prépare en Autriche ? Je suis curieux de savoir comment s'arrangeront ensemble les deux idées qui sont là en présence : fortifier l’unité de la Monarchie autrichienne, et laisser à chacun des Etats qui la comptent, une existence et des institutions locales. La conciliation est difficile. C'est cependant le problème. Je présume que c’est la Hongrie qui paiera tous les frais de la Révolution.
9 heures
Génie arrive et me remet votre lettre. Je vous pardonne et je ne vous pardonne pas. Il était bien aise de me faire écrire deux lignes par Marion. Votre lettre à l'Empereur est ce qu’elle doit être pour réussir. Si elle ne réussit pas, je n'en parlerai plus. La lettre à l'Impératrice devait suffire. Je ne suppose pas qu’elle ne la lui ait pas montrée, ou qu’il ait voulu que vous lui demandassiez cette grâce à lui-même. Adieu, adieu. La conversation qui m'arrive est curieuse. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, 8 Sept 1849 4 heures

La conversation de Morny est curieuse. Mais un seul fait est important : Molé et Thiers entrant au pouvoir. Pour le pays et pour moi-même, par les raisons patriotiques et par les raisons égoïstes, je le désire. Je suis sûr qu’ils feront beaucoup mieux qu’on ne fait et je doute qu’ils y grandissent beaucoup. M. d'Haussonville, qui vient de me quitter parce qu’il est obligé d'être demain matin, à Paris, croit le fait possible. Pourtant il en doute encore. La lettre du Président à Edgar Ney peut devenir un événement. Elle en est déjà un, car elle ne deviendra un dans toutes les hypothèses. Si le Pape cède, le Gouvernement français prend la responsabilité du gouvernement de Rome et doit rester là, longtemps du moins pour le soutenir, si le Pape ne cède pas, les Français finiront par quitter Rome, et les Autrichiens ou les Napolitains par les y remplacer. Grosse complication. La République française est condamnée à soulever des fardeaux qu’elle ne peut pas porter. Je penche à croire qu’au premier moment le Pape cèdera. Que dit le Prince de Metternich de ceci. J’en suis plus curieux que de sa feuille volante. sa petite lettre est spirituelle, et il a raison au fond. Si l’union devait rester dans les limbes là, elle ne serait que ridicule. Je serais bien trompé, si elle n’en sortait pas et ne devenait pas plus précise. Je reçois ce matin même des nouvelles de Piscatory ? " Rien ne se passe ici. Le Président a été vivement reçu dans son dernier voyage. Je ne crois pas cependant qu’il pense, ni qu’on pense pour lui à autre chose que ce qui est. Le pays refait un peu ses affaires; le pays de promène et chasse. Il ne faut pas qu’on le trouble dans cette illusion, et les Conseils généraux eussent été très mal venus à parler révision de la Constitution. Ils parlent impôts. C'est à peu près aussi grave, et peut-être plus dangereux. L[?] fait tout ce qu’il peut dans le Midi de la question des boissons. Il en peut sortir des orages. Vous allez à Broglie. Dites-moi quand. Je voudrais pouvoir m'échapper pour vous y joindre. J’ai beaucoup à vous dire, et bien plus encore à entendre. Il serait même possible que j'eusse un sérieux conseil à vous demander. " Les derniers mots sentent bien le cabinet. Je suis assez porté à croire que Morny a raison sur toutes les personnes. Je ne sais rien de Claremont. Je ne crois pas à l'Italie. Le Roi tiendra toujours à l'Angleterre. Rome n’est pas possible. On serait bien embarrassant à Naples. Il serait plaisant que Palerme fût le lieu de repos. La maison offerte ( je dis trop, n’est-ce pas ?) à l'Impératrice. La joie de la Reine d'Angleterre me plait. J’ai objection pourtant à ce ravisse ment du sans-gêne de la vie privée. C’est aujourd’hui la manie des Rois. Preuve qu’ils ne prennent pas leur métier assez au sérieux, ou qu’ils le trouvent trop lourd. à propos une hut, s'écrit une hutte.

Dimanche 9 - 7 heures
Quand vous reverrez Morny, si mes questions vous arrivent à temps faites-vous dire par lui je vous prie, 1° la statistique de l’Assemblée combien pour chaque parti à son avis ; 2° Quelle est, dans l’intérieur du parti légitimistes la force relative des [ ?] Berryer en tête et des pointus, MM. Nettement et du Fougerais en tête. Je suis curieux de contrôler, par Morny les renseignements qu'on me donne. J’irai à Broglie jeudi prochain 12. Ecrivez moi donc là, après-demain mardi, en réponse à cette lettre ci. Vos lettres m’arriveront le surlendemain comme ici. Au château de Broglie, par Broglie. Eure. Je serai de retour ici au plus tard, le 28 septembre. Adieu, adieu, en attendant la poste. Onze heures Merci de votre longue et intéressante lettre mais ménagez vos yeux. J'en reçois une de Montebello qui est à la campagne. Il vous a déjà dit; je suppose, ce qu’il me dit. Adieu. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Samedi 2 août 1851

Je jouis vraiment de votre délivrance. Je sais à quel point vous avez dû être agitée ; et votre agitation m'inquiète et me chagrine comme m'inquiéterait et me chagrinerait une maladie. J'en veux à Couth de vous avoir si étourdiment répondu.
Je crois que vous avez raison sur les fêtes de l’hôtel de ville. On ne pouvait guère ne pas rendre les politesses anglaises et on les rendra magnifiquement. Le Lord maire et les Aldermen viendront-ils en robes et en perruques ? Depuis que je suis ici, j'ai vu des industriels considérables et deux des commissaires Français à Londres. Il y a un peu d'humeur, parmi eux, de la décision qui a supprimé, les grandes médailles d’or qu’on devait donner, en petit nombre aux ouvrages d'élite. Les Français affirment que cette décision a été prise contre eux, par jalousie, et parce qu'en fait d'ouvrages d’élite et parfaits d'exécution ils auraient eu bien plus de grandes médailles que les Anglais cependant, à tout prendre, il restera plutôt de là, entre les deux pays, des impressions bienveillantes et de bonnes relations. Je ne sais si le gouvernement Anglais a fait de la bonne politique intérieure ; mais il a certainement fait de la bonne politique étrangère. On a vu sa puissance, et on lui sait gré de cette façon de la montrer.
Mad. de Ste Aulaire m'écrit que ses visiteurs du Dimanche (à Etiolles) sont très découragés et décourageants. Le Duc de Broglie, Viel Castel & Broglie, ne m’écrit guères ; il est vrai que je ne lui ai pas écrit du tout. Mais il a chargé ma fille de me dire qu’on ne faisait et qu’on ne préparait que des bêtises. L'impression générale est triste et morne, plus que sombre et agitée. Je ne vois pas dans le pays que j'habite, grande ardeur à recommencer, le pétitionnement pour la révision. Il est vrai que déjà ce département-ci a peu pétitionné.
Voilà un fauteuil vacant à l'Académie française. Je ne vois pas à qui nous le donnerons. Il sera très vivement et très petitement disputé. Je perds, dans M. Dupaty un ami très dévoué, très actif, et assez influent dans la sphère académique comme parfaitement étranger à l'arène politique. Galant homme d'ailleurs, d'un esprit aussi sensé dans la vie que léger dans la littérature, et d’un cœur très steady. On est très ému ..., à Alexandrie, du chemin de fer que le Pacha d’Egypte vient enfin de concéder aux Anglais. Je reçois de là une lettre, non signée mais dont je reconnais l'auteur, riche négociant Français établi depuis longtemps en Egypte. " C'est le 12 de ce mois que les signatures ont été échangées. C'est donc à partir de ce moment qu'Abba-Pacha est officiellement le gouverneur du pays pour le compte de l'Angleterre. Ainsi, à moins que l’Europe ne s'y oppose, MM les Anglais vont disposer librement de 90 mille hommes, de 80 à 100 millions, des mines de charbon nouvellement découvertes, des produits inépuisables de la vallée du Nil, de l’Abyssinie & Et cela entre Malte et Aden, au point le plus stratégique du Globe commercialement et militairement parlant ; au point par conséquent le plus favorable pour prélever une dîme sur tous les produits agricoles et industriels du globe & & Et il m'invoque comme si j’y pouvais quelque chose. C'est certainement un grand pas vers la possession du Nord-Est de l'Afrique et de la clef européenne de l'Orient.

Onze heures Vous voilà parfaitement calme. Cela me plaît beaucoup. Adieu, adieu, adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Mercredi 17 octobre 1849
9 heures

Je suppose que vous voguez déjà, vers la France. Le temps est superbe. Point de vent. Grand soleil. J’espère que vous l’avez comme moi. Vous trouverez une lettre en arrivant à Boulogne. Que je suis impatient de vous savoir débarquée, seulement après-demain. Je suis bien curieux de votre impression sur Paris. Tous les gens qui ont des impressions, un peu sérieuses et vraies me disent que c’est triste. Vous y arrivez dans un moment important. On dit le président de bien mauvaise humeur. Le rapport de Thiers l’a beaucoup blessé. Je ne trouve pas que le silence absolu sur sa lettre soit habile, dans aucune hypothèse. Cela, et la question des bannis, et son attitude dans l'affaire Turque, tout en ce moment le livre à M. Dufaure, et le fait pencher vers la gauche, vous en apprendrez à Paris bien plus que je ne puis vous en dire. On me dit que M. Dufaure a reçu ces jours-ci beaucoup de rapports d’agents intelligents, étrangers à son département, envoyés çà et là par le Ministre des finances pour des inspections financières mais qui ont bien observé, l'état des prêts, l’attitude des fonctionnaires, et ils disent tous au Ministre de l’intérieur que le socialisme est partout en progrès d'une multitude de fonctionnaires le servent, et qu’il y aurait le plus grand danger à tenter de nouvelles élections par le suffrage universel. M. Dufaure écoute, regarde à les pieds, et ne répond rien. Lord John a raison de regretter vos conversations. Elles lui étaient agréables, et certainement aussi un peu bonnes. Que de choses arrivent parce que ceux qui les font n’ont jamais entendu la bonne cloche ! Notre flotte est partie peur Smyrne. L’amiral Parseval, qui la commande, est un homme sensé tranquille et honnête. Il ne dépassera pas et n'échauffera pas des instructions. Herbet m'écrit de Madrid : « L’Espagne est complètement pacifiée. Il faut maintenant qu’elle soit administrée, et ce sera peut-être plus difficile. Il est bien à regretter que le Maréchal Narvaez, n'ait pas la santé qu’il lui faudrait pour accomplir cette grande œuvre. Il est le seul qui compte en Espagne. C’est un Cardinal de Richelieu en épaulettes. J’ai une longue lettre de Barante. Il travaille sérieusement, me dit-il, à une histoire de la Convention. Il espère qu’une affaire l’appellera à Paris vers la fin de Novembre, Sans quoi, il n’y viendrait que deux mois plus tard, par économie. Les Ste Aulaire sont à Etioles. Je m'obstine à vous donner des nouvelles de Paris. La première lettre qui me viendra de vous de là, me fera bien plaisir.
Onze heures et demie
Voilà votre lettre. Si vous avez à Folkstone le même temps que nous ici, vous passerez certainement aujourd’hui. Adieu, adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, mardi 16 octobre 1849
8 heures

Je ne pense pas que même en essuyant aucun retard, vous puissiez être demain soir à Paris. Vous ne partirez certainement pas de Boulogne aussitôt après votre arrivée. Vous y coucherez. Mais je ne veux pas courir la moindre chance qu'en arrivant à Paris vous n'y trouviez rien de moi. C'est bien assez de n’y pas être moi-même. Boislecomte est ici jusqu’à demain soir. Nous avons déjà beaucoup causé. Très noir, mais point démoralisé. Croyant à un avenir possible, mais lointain. Vous en saurez bientôt plus que je ne puis vous en dire. Il me paraît que pour le moment. Rome n’est plus rien. Constantinople pas grand chose ; c’est l'adoption, ou le rejet, ou l'ajournement de la proposition sur les rois bannis qui est la grosse affaire. La réunion du conseil d'Etat en a été bouleversée. Je doute que la majorité reste longtemps intacte et immobile. Il faudra qu'elle avance. Et si elle avance, elle se divise. Etrange pays, où tout le monde parle sans cesse de progrès, et où personne n'en fait aucun ! Cependant j’ai une lettre de Piscatory qui croit l'affaire de Constantinople grosse. Il en est très occupé, ou plutôt préoccupé. La majorité ne paraît avoir aucun goût à s'embarquer, dans la barque de Lord Palmerston. C'est le président qui porte tout son poids de ce côté. Adieu, adieu. Quand vous m'écrirez de Paris, vous m'enverrez les faits, je vous renverrai mes réflexions. En attendant que faits et réflexions nous soient communs. Adieu, adieu, adieu.
P.S. Voici, en résumé, les deux faits. qui me sont signalés comme nouveaux et importants. 1° La France est à la remorque et à la merci de l’Angleterre dans l'affaire de Constantinople. C'est le président qui l’y a mise. Son cabinet était divisé. Molé et Thiers lui conseillaient de n'en rien faire. 2°. La majorité s’est séparée, ou est près de se séparer du Président, sur Rome, sur Constantinople et sur le rappel des bannis. Pronostics d'immense confusion. Armand Bertin était attaché à l'Ambassade de M. de Châteaubriand. Un soir en rentrant M. de Châteaubriand lui dit : " Madame de Lieven me traite bien mal. Elle ne sait pas à qui elle a affaire ni quels sont mes moyens de me venger. Certainement je me vengerai ? " Votre article d’Outretombe a été écrit alors de verve de vengeance. Il y a ajoute depuis ce qui me regarde. Je vous dis ce qu’on vient de me dire. Je ne l’ai pas lu.
Onze heures
Merci de votre second mot de Londres. Adieu, adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Mardi 9 Sept.1851

Je ne crois pas aux élections si prochaines qu'on vous l'a dit. Elles ne se feront certainement pas avant le mois de Janvier, car la seconde discussion sur la révision ne sera finie qu’en décembre ; et quand Janvier sera venu, on trouvera que le cœur de l’hiver ne convient pas pour faire voyager les électeurs. On attendra probablement jusqu'au mars sans inconvénient, ce me semble, tout ce qui importe, c’est que les deux élections ne soient pas simultanées, et que celle de l’assemblée précède l'autre.
J’ai eu hier la visite d’un des hommes les plus influents et les mieux informés de ce pays-ci. Il trouve que le progrès des idées et des sentiments sains est réel dans les masses, et que pour ces départements du moins il y a plus à espérer qu'à s'inquiéter de l'avenir. Il ajoute que pas un de ceux qui ont voté contre la révision ne sera réélu. Certainement la candidature du Prince de Joinville, qui n’avait pas fait grande fortune dans ce pays-ci, y est, quant à présent, en grand déclin.
Le Roi de Naples a raison de ne pas laisser tomber dans l'eau l’attaque brutale de Lord Palmerston, son annonce d'une réfutation officielle des Lettres de Gladstone n'est pas mal tournée, quoique trop longue et trop [ennuiellée] envers Palmerston lui-même. Trois résultats sortiront de cette affaire ; le Roi de Naples après s'être défendu, prendra quelques mesures, plus ou moins publiques et plus ou moins efficaces, pour que ses prisons et ses procès n'excitent plus de telles clameurs. Palmerston se sera mis de plus en plus dans les bonnes grâces des libéraux Italiens ; et Gladstone, en atteignant un peu son but philanthropique, aura fait grand tort à sa réputation de conduite et de bon sens. C'est l'honnête homme qui paiera les frais du service qu’il aura rendu. Par sa faute j'en conviens. J'ai commencé hier à lui écrire, et à Aberdeen aussi.
Je m'étonne que vous n'ayez pas revu Morny. On le dit bien préoccupé de ses propres affaires. Voilà le mouvement des Conseils Généraux complètement terminé. Il a dépassé l’attente des amis les plus sanguins de la révision. J’avais parié pour 70 consuls qui la voteraient ; il y en a 80.. Cela me touche surtout comme preuve de l'accord qui s'est maintenu entre les deux camps conservateurs. Je ne me préoccupe sérieusement que de cela. C'est cela qui fera le reste, puisque les Princes ne veulent pas le faire eux-mêmes.

10 heures
Adieu, Adieu. Vous ne me donnez rien à ajouter et je n'ai rien d'ailleurs. Je n'ai pas encore là mes journaux. J’ai plusieurs lettres à fermer. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, mardi 9 oct. 1849
6 heures du matin.

Votre perplexité me désole. Elle ne me gagne pas encore ; mais au fait elle est bien naturelle. Toutes les bonnes raisons sont contre la guerre. Je devrais savoir ce que valent les bonnes raisons. Je croyais impossible que la France fit, ou laissât faire une stupide folie comme la révolution de Février. L'Empereur aussi peut avoir sa folie. Et alors ! Ne vous y trompez pas ; ce que dit Morny et ce qu’il écrit au Président n’y fera rien. La France fera ce que fera l’Angleterre. Et la France poussera plutôt que de retenir. Et si cela arrivait, vous verriez Thiers et Molé, au moins le premier, entrer au pouvoir, et se mettre à la tête de cette grande affaire, espérant encore, par l'alliance intime de la France et de l'Angleterre ce que Napoléon espérait à lui tout seul, distraire et satisfaire l’esprit de révolution par la guerre, en le contenant. Chimère, mille fois chimère dans laquelle ils échoueraient bien plus vite et bien plus honteusement que n'a échoué Napoléon, mais chimère qui les tenterait (je les connais bien) et qui bouleverserait le monde. Car vous dîtes vrai; ce serait la guerre partout, et la révolution partout. Cela n’arrivera pas ; cela ne se peut pas. Il ne se peut pas que l'Empereur soit aussi fou et aussi aveugle que la garde nationale de Paris en Février. Personne ne peut prévoir, personne ne peut imaginer quels seraient, en définitive, les résultats d’un si épouvantable bouleversement, mais à coup sûr, ils ne seraient bons pour aucun des grands et réguliers gouvernements aujourd’hui debout. La fin du monde profiterait peut-être un jour à quelqu'un certainement pas à ceux qui y auraient mis le feu. Même conclusion de ma part et avec la même conviction. Mais je répète que votre perplexité me désole car enfin la chance existe, et quel serait notre sort, à nous deux, dans cette chance ! J'y pense sans relâche comme si j’y pouvais faire quelque chose. Cela ne sera pas.
Neuf heures
Je n’ai rien à espérer aujourd’hui. Je vous renvoie votre lettre allemande. Intéressante. C’est un homme d’esprit. Assez ressemblant à Klindworth. Je voudrais bien que l’Autriche et la Prusse parvinssent à s'entendre, pour quelque temps au moins, et à rétablir un peu d'ordre, en Allemagne. Si l'Empereur veut bien ou la guerre, il aura la guerre et pas Bem, et Bem bouleversera de nouveau l'Allemagne pour lui faire la guerre. Je ne fermerai ma lettre qu'après l’arrivée de la poste, pour voir si j’ai à vous dire quelque chose de Paris. Midi Le facteur arrive très tard. Je n’ai que le temps de fermer ma lettre. Adieu, Adieu, Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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[…] ce qu'il ne veut pas. C’est une double manière d’éviter la responsabilité. Je n'ai aucune nouvelle personnelle de Thiers. Je ne l’ai pas vu, depuis mon retour de Dieppe. J’entends dire que, dans la commission des Affaires de Rome, il fait des morceaux d’enthousiasme sur le motu proprio, sur les cardinaux et sur le Pape. La commission du budget ajourne, le plus qu'elle peut l'examen des questions, d'impôt, c'est le plus gros embarras de la session. Il est probable que les anciens impôts seront rétablis. Rien n’est plus nécessaire mais rien n'est plus dangereux."

Pas un mot des affaires de Constantinople ; ce qui me prouve qu’à tort ou à raison, on n'en est guère préoccupé. Mercredi 10, Huit heures Je me lève tard et je me suis couché hier de bonne heure. J'avais un peu mal à la gorge. Je vais mieux ce matin. J’espère que la pluie va cesser et le froid sec commencer. Je l’aime beaucoup mieux. Ma maison ferme mieux que je n'espérais. J’ai de bon bois et je ferai de grands feux, presqu'au moment où j'irai me chauffer dans ma petite maison rue Ville-l'Evêque et votre bonne chambre rue Florentin. Vous ne m’avez pas dit si vous aviez quelqu'un en vue pour vous accompagner. Quel plaisir (petit mot) si nous pouvions passer tranquillement notre hiver dans nos anciennes habitudes ! Je me charme moi-même à me les rappeler. Hélas connaissez-vous ces trois vers de Pétrarque : Ah ! Nostra vita, ch'e si bella in vista, Com' perde agevolmente, in un matino, Quel che'n molti anni a gran pena s'acquista ! « Ah, notre vue, qui est si belle en perspective, comme elle perd aisément, en une matinée ce qui s’acquiert à grand peine, ou beaucoup d’année ! " Je crois que je vous fais injure et que vous savez bien l'Italien. Onze heures Voilà votre lettre. Nous causerons demain. Je persiste toujours à n'avoir pas peur. Adieu Adieu, adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Mardi 9 Juillet 1850
5 heures

Je partirai demain de bonne heure pour Trouville. Pas avant la poste pourtant ; je veux avoir ma lettre. Mais je n'aurai guère le temps d’écrire. J'écris donc aujourd'hui. Je me suis beaucoup promené ce matin. Mon mal de tête est à peu près dissipé. Mais je n’ai pas plus de nouvelles à vous mander.
Avez-vous remarqué la lettre de Vienne dans le Journal des Débats d’hier lundi ? Je ne veux pas croire que l' ouvrage d’un port à l'embouchure du Danube puisse être entre vous et l’Autriche, une affaire sérieuse. Voulez-vous réellement que l’Allemagne se réorganise et se raffermisse ? Ou ne seriez-vous pas fâchés que son état d’anarchie et d'impuissance se prolongent ? Ce serait de là bien petite politique. Les plus grands s’y laissent quelquefois aller.
M. de Meyendorff va-t-il, ou non à Vienne ? Je le voudrais partout, tout son esprit me paraît bon. L'affaire danoise n'existe-t-elle vraiment plus qu'entre le Danemark et les Duchés ? Si la Prusse en est réellement sortie, il est impossible qu’elle ne finisse pas bientôt. Vous voyez qu'aux nouvelles je substitue les questions. Vous reviendrez d'Ems bien forte sur les affaires allemandes. Vous avez beau être Allemande et Russe ; ce ne sont pas ces affaires là qui vous intéressent le plus. Quand la France ou l’Angleterre ne sont pas en scène vous êtes bien tentée de vous endormir, soyez tranquille ; la France et l'Angleterre ne sont pas près de vous laisser dormir. Dalmatie, St Aignan et Mornay, qui reviennent de St. Léonard ont trouvé la Duchesse d'Orléans moins crispée, et plus abordable.

Mercredi 10, 8 heures
Pas de lettre encore aujourd’hui. C’est trop fort. Je m'en prends à la police allemande, nassauvienne, prussienne, n'importe laquelle. Je ne veux pas croire à quelque accident. Mais je suis très impatient, pour ne pas dire mieux. Adieu, Adieu. Je reviendrai ici ce soir attendre la poste de demain.
Adieu, Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, mardi 5 août 1851

Il me paraît que les fêtes de Paris se passent bien. Le discours de Lord Granville est très bon, le seul vraiment bon et qui ait un sens. Tous les autres sont un peu trop insignifiants. Cela m'amuse de voir les ouvriers républicains crier vive l'Angleterre, pendant que la République donne à dîner au Lord Maire. Le Roi ne faisait pas mieux pour la Reine Victoria, au château d’Eu, ni le peuple royaliste qui criait vive la Reine à son débarquement. Je ne savais pas à quel point j'avais raison. La République me l'apprend tous les jours. J'ai reçu avant-hier une invitation du Président de la République pour aller passer la journée ( de 3 à 7 heures) au Palais de St. Cloud, hier Lundi 4. Je suppose que c’est la fête qu’il donne lui à tous ces hôtes anglais. Comme je vais samedi soir à Paris pour deux jours, j'irai écrire mon nom à l'Elysée pour lui rendre sa politesse.
Autre visite qui m'amuse, c’est celle du Bey de Tunis à Vienne. Il va chercher là aujourd'hui contre la Porte soutenue par l'Angleterre la protection qu'en 1844, il venait chercher, et qu’il trouvait à Paris. Si on laisse Lord Palmerston s'établir à Tunis comme en Egypte, nous ne tarderons pas à avoir, pour l'Algérie, quelque gros embarras. Je doute que l’Autriche prenne efficacement le Bey de Tunis sous sa protection. Elle n'y a que bien peu d’intérêt et elle en a bien plus à être bien avec la Porte. Il y aurait, pour nous, si on savait s'y prendre quelque chose de bon à trier de cette situation, ce serait la reconnaissance, par la Porte de notre établissement en Algérie. Je ne doute pas que l’impertinence de Lord Palmerston au comte Buol ne soit préméditée. Il veut qu'on s'accoutume à le voir mettre sur le même rang les gouvernements et les insurrections, si cela convient à l'Angleterre. Pourquoi se le refuserait-il ? Les insurrections lui en savent gré et les gouvernements le lui passant. Vous savez que c’est dans la baie de Torquay qu'a débarqué Guillaume 3 arrivant en Angleterre. Je suppose que la baie est aussi bonne pour l'embarquement que pour le débarquement.
Le journal l'Ordre annonçait hier bien qu'avec un peu de réserve et d’embarras, la candidature de M. le Prince de Joinville. Pour le parti, cela me paraît une grosse faute ; si cette candidature est jetée dans le public et débattue longtemps d'avance, elle sera usée avant d’être sérieuse. Il me semble que la formation de la Commission permanente et la majorité qui l’a formée jettent un grand désarroi dans les coteries des impatients. Leurs journaux sont non seulement irrités, mais troublés.

10 heures
Je suis fâché qu'Ems ne vous réussisse pas aussi bien que l'an dernier. Le duc de Noailles aura vu qu’il avait tort de se plaindre. Je crois en effet que l’Elysée est content de la majorité ; mais je ne crois pas que la seconde discussion amène un résultat différent. Adieu et Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer Mardi 2 juillet 1850

Je vous écris encore à Paris puisque vous le voulez ; mais vous serez partie quand ma lettre arrivera, puisque vous partez aujourd'hui. Je suppose que vous laissez en arrière un de vos gens qui vous l’apportera. Demain à Ems. Oui, c'est bien loin. Que cela serve au moins à votre santé.
Si les grandes puissances sur le continent et l'opposition en Angleterre gardent envers Lord Palmerston l'attitude qu'elles ont prise, son succès ne lui servira de rien. Il n’y aura même pas de mal à ce que cette situation se prolonge un peu. On verra le radicalisme de Palmerston se développer ; et on sera en état de l'arrêter si le danger devient trop grand. Mais je crains les faiblesses, les désunions, les distractions.
J’ai eu hier la visite du gendre de M. de Villèle, M. de Neuville qui a quitté pour quelques jours l'Assemblée. Il se fait un travail de décomposition dans le parti légitimiste ; les modérés et les emporté ont bien envie de ne plus rester ensemble. Les emportés prennent pour texte l'influence de Thiers sur Berryer, ce qui les remplit de méfiance. Rien ne fait faire aux partis plus de sottises que la méfiance. Ils sont connaisseurs qu'après la prorogation, dès le mois de novembre prochain, on leur proposera la prolongation des pouvoirs du Président. Je ne crois pas que Berryer et les modérés s'y prêtent. Mais les emportés craignent des désertions. L’esprit politique a bien de la peine à pénétrer dans ce monde-là. Je vais écrire à deux ou trois de mes amis pour leur recommander de m'écrire régulièrement et de me dire les nouvelles. Rien autant pour vous les envoyer que pour les avoir. Il y aura, je crois, peu de nouvelles. Nous entrons dans une période de stagnation. Vous arrêterez-vous à Bruxelles ? Je le voudrais. Adieu, adieu.
Le temps d’aujourd’hui convient pour votre voyage. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Mardi 1er Nov. 1853

Tout est possible ; ma confiance n’est pas grande ; je reconnais avec vous que la raison est en déroute. Pourtant je ne crois pas à la guerre, à la vraie guerre. Je ne trouve pas que de la part de l'Angleterre du moins, rien en ait l’air. Vous oubliez un peu le prix qu’on met à vous inquiéter, pour que vos inquiétudes aillent à Pétersbourg et pèsent sur les impressions, et par là, sur les résolutions de votre Empereur. Je ne voudrais nuire en rien à cette petite manoeuvre, car moi aussi j’ai grande envie que votre Empereur se prête à ce qu’on lui demande. Il le peut sans perdre autre chose que le puéril plaisir de la taquinerie ou de la bravade ; la facilité qu’il montrera aujourd’hui ne changera rien à l'avenir de la Turquie ni aux destinés de la Russie. La question du fond est depuis longtemps décidée, et n'attend que son jour. Et comme votre Empereur n'est pas pressé, il peut attendre aussi, et en attendant maintenir la paix de l'Europe dans laquelle des questions bien plus grandes que la Turquie sont engagées. Si, pour le porter à cela vos inquiétudes sont bonnes à quelque chose, gardez-les. Mais quand je vous en vois réellement tourmentée, je laisse là ma diplomatie, et je les combats comme si elles ne servaient à rien.
Si j’en crois le Moniteur, vous n'êtes pas oisifs en Chine, et vous voir préparez à profiter là de la chute des Tartares. Encore un point sur lequel vous vous trouverez en présence des Anglais et des Américains. Dans un siècle d’ici, il ne restera plus sur ce globe un pays dont la race Européenne ne soit maîtresse. C'est juste.
J’ai bien fait de n'avoir pas à vous écrire hier ; vous m'auriez trouvé une bien mauvaise écriture ; j’avais les épaules tout-à-fait prises de rhumatismes. Les frictions ont fait leur effet. J’ai très bien dormi cette nuit, et je suis dégagé.
Avez-vous lu les Mémoires du comte Mollien et les extraits du Moniteur ne vous en donnent-ils pas quelque envie ? Vous passeriez les dissertations de finances ; il y aurait encore, dans les conversations avec l'Empereur, et les embarras intérieurs de son gouvernement, de quoi vous intéresser. Si vous vouliez les volumes, il sont dans ma bibliothèque à Paris ; mon fils, qui y retourne samedi, vous les ferait remettre.

Onze heures
Le facteur m’arrive au milieu de la toilette. Je suis bien aise que les diplomates ne fassent des notes, et très fâché que vous passiez des nuits blanches. Vraiment, si la guerre devait sortir de tout ceci il y a longtemps qu'elle aurait commencé, tant on a mal conduit les affaires de la paix. Adieu, adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer. Lundi 7 Nov. 1853

Voici des nouvelles d’Angleterre. On vous les a peut-être données aussi. En tout cas, je vous les donne. Palmerston ne croit pas à l’arrangement de l'affaire Turque. Il dit qu’on ne se découragera pas, qu’on négociera jusqu'à la dernière extrémité ; mais les choses, selon lui, sont si mal emmanchées et votre Empereur a de telles répugnances (qu’est-ce que cela veut dire ?) qu’on n’arrivera probablement pas à la conclusion qu’on demande. Il se prépare pour cette chance ; il trouve sa position bonne ; il a toujours été fidèle à sa politique de liberté Européenne et d'émancipation des peuples ; le cabinet de Paris ne peut douter de sa loyauté. Bref, il est content, et il attend. J’espère qu’il se trompe. S'il ne se trompe pas, vous aurez la France et l'Angleterre unies pour la guerre libérale, au lieu de les avoir une comme de mon temps, pour la paix constitutionnelle. J’ai beau y penser ; je n'y crois pas. Pouvez-vous vérifier si ce qu’on me dit de Palmerston est vrai ?
En tout cas, les coups de canon qui le tirent en ce moment en Valachie amèneront, ou la paix prompte, ou une guerre de trente ans. On m'écrit que le marquis de Viluma quitte Paris pour aller être président du Sénat à Madrid. Si Narvaez ne devient pas bientôt président du Conseil il reviendra comme ambassadeur à Paris. La nomination du frère de M. de Viluma, du général Pezuela comme gouverneur de Cuba n'indique pas que l’Espagne soit près de s'entendre, à ce sujet, avec les Etats-Unis. C'est un militaire espagnol, très brave, très fier et très vif.
Encore une lettre d’Angleterre, de mon ami Hallam. En voici deux phrases, très sensés : - The worst that could now happen would be a decisive advantage in the fields obtained by the Turks. - There is an apparent spirit in this country very much opposed to the temporizing policy of our friend Lord Aberdeen ; but I do not believe, it lies deep, through the press is almost universally in that tone. A good deal of this swing to the refugee and revolutionary party throughout Europe, and I am most anxious for a pacific settlement, in order to defeat their objects.

Midi
Je ne suis plus curieux que des nouvelles de la bataille. Si vous ne passez pas le Danube, je suis tranquille. Adieu, Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer. Lundi 3 juin 1850
Sept heures

Certainement il vaudrait mieux que l'affaire Anglaise ne fût pas arrangée avant le débat du 7 et qu'un peu d’incertitude planât encore sur la situation. Cependant, même arrangée, quelle mauvaise affaire pour Lord Palmerston et comme il serait aisé de le lapider avec les pierres qu’il a amassées lui-même sur son chemin. Tant de fourberie perdue ! Tant de présomption humiliée ! Sa rouerie arrogante vaincue par la bonne foi inexpérimentée de Lahitte !
Les Anglais, quelquefois si brutaux dans leurs personnalités, ne savent pas tourner et retourner poliment le poignard dans les blessures de leurs adversaires ; ils ont des ménagements et des réserves qui contrastent singulièrement avec leur goût pour la grosse ironie et l’injure. Que l’arrangement soit conclu ou non, que Palmerston ait cédé, ou persisté, il ne devrait sortir du débat que mis en pièces ; il a fait là une de les choses dans lesquelles il faut absolument réussir pour pouvoir en parler.
Si vous étiez ici, si nous nous promenions ensemble, le beau soleil la fraîche verdure, le calme gai de ma vallée nous feraient oublier Palmerston et les débats de Londres. Mais vous n’y êtes pas, et j'oublie ma vallée, la verdure et le soleil pour vous parler de Palmerston.

10 heures
Vos dernières lignes me désolent sans m'étonner. Je suis parti craignant cette explosion. Ce sera bien mauvais. Se rejeter dans tous les hasards pour de si pitoyables motifs ! Nous sommes dans des mains d'enfants. Je veux croire encore qu’on s’arrangera. Et je le crois presque. Il y a un point de déraison qui me semble toujours impossible. Je m’y suis trompé souvent. Avais-je tort dans ce que je vous disais hier en vous parlant de La Redorte Je reçois de Londres une lettre curieuse. On me dit que la question grecque est à peu près morte " Tant qu'elle a été ouverte, personne n'a osé y toucher ; depuis qu’elle est fermée, l’intérêt n’y est plus. Il faudrait encore plus de talent que n'en a Lord Stanley pour la faire revivre. Il y a huit jours, on parlait avec conviction d’un vote hostile dans la chambre des Lords ; aujourd’hui, on n'y a pas renoncé, mais il en est moins question. On le disait aussi, parmi les whigs, que ce serait la dernière fois qu’on s’exposerait à subir de pareilles ignominies, et les vives remontrances de la Cour, ont été un peu mieux écoutées qu’auparavant. Mais [wows] made in pain. Il ne s’agit pas le moins du monde de mettre Lord Clarendon au foreign office ; mais il ne serait pas de toute impossibilité que Lord John s’en chargeât provisoirement lui-même. Faible lueur d’une faible intention.
On est d'accord ici pour soumettre la question des conventions rivales au Roi Othon lui-même. Palmerston s'est borné à exposer à ses collègues les deux voies qu’il y avait à suivre ; ils se sont décidés aux concessions.» Je vous envoie ce qui me vient. Paris me préoccupe bien plus que Londres. Que dites-vous du langage du Prince de Prusse ? Il a voulu se lier avant de partir et annuler d'avance l'influence de l'Empereur. Adieu, Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val-Richer, lundi 1 Juillet 1850

Voilà donc le vote. Il faut bien en prendre son parti. C’est certainement un très mauvais symptôme de l'état des esprits parmi les libéraux anglais. Les révolutions commencent par les badauds. En revanche, elles ne se font pas là où elles n'ont, au début. que 46 voix de majorité. Je suis donc fâché, mais pas inquiet pour l'Angleterre. C’est un bon résultat que l’union de toute l'opposition contre la politique étrangère de Palmerston. La Chambre des Lords et bien près de la moitié de la Chambre des communes, il n’y a pas là de quoi se vanter et si le Cabinet n’avait pas craint d'être tué, il ne se croirait pas sauvé. Profitera-t-il de la leçon ? J’en doute. Il n'en est pas moins bon qu'elle ait été donnée et j’espère que l'opposition du moins en profitera. Voilà mon résumé, après l’évènement.
Aberdeen a plus à se féliciter de ce débat que Palmerston. Je sais gré à Peel d'avoir saisi cette occasion de bien parler de moi. Son discours est très modéré envers le Cabinet, quoique très net sur la question même. Image vraie, par le bon côté de sa situation et de son caractère. Je n’écrirai point à Peel ; mais j'écrirai à Aberdeen, et je le chargerai de quelques mots obligeants pour Peel et Graham. Approuvez-vous ?
Vous partez donc demain. Il vous dîtes demain matin. J'espère que cette lettre vous arrivera avant. Vous ne me dites pas où il faut vous écrire. Sans doute à Ems, poste restante. Quel jour y arriverez-vous ? Vous me direz demain vos instructions. Adieu, adieu.
Je voudrais vous savoir, non pas partie mais arrivée. Le temps est bon aujourd’hui pour voyager. Ni pluie, ni chaleur. Adieu, Adieu G.
Vous reconnaissez donc là vérité de ce que je vous dirais de Flahaut. Vous m'en direz un jour autant d'Ellice. Et peut-être même de Beauvale.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer. Jeudi 9 Octobre 1851

Les deux visiteurs qui me sont arrivés hier au moment où je vous écrivais étaient MM. de Bourmont et d'Osseville. Si les bonnes intentions suffisaient pour bien faire les affaires d’une cause, les légitimistes pourraient réussir ; mais il faut encore autre chose ; il faut surtout comprendre la langue qu'on parle et l’air qu’on respire. J'en désespère souvent. La perplexité de ces hommes-là au milieu des querelles de leur parti est grande ; ils ne veulent pas se brouiller avec M. Berryer et Falloux ; ils soupçonnent même que ceux là ont raison ; mais leur cœur est avec MM. Nettement et La Rochejaquelein ; ils ne peuvent se résoudre à s'en séparer. Quant au Général Changarnier, ils ne demanderaient pas mieux que de l'adopter pour candidat ; ils feraient même, à cette chance, le sacrifice de beaucoup de doutes et de méfiances. Mais, s'il vote pour la proposition Creton, c’est trop fort ; ils l'abandonneront tous. En dernière analyse, pressés entre le Prince de Joinville et Louis Napoléon, ils ne s'abstiendront pas ; ils voteront pour le dernier. Ils le savent déjà, mais ils ne le disent pas encore tout haut, et ils souffrent quand on leur dit. Pardonnez moi l’insulte ; on dirait un parti de femmes ; ce qui leur plaît ou leur déplait, voilà la considération décisive.
Vous avez bien raison, l'article de l'Assemblée nationale à propos d'Abdel Kader ne vaut rien ; il fallait être beaucoup plus moqueur, sur Lord Londonderry et beaucoup plus solide et arrêté sur le fond de la question. Ni moi non plus, je ne sais où ils ont pris la mission de Lord Londonderry à St Pétersbourg ; il faut pourtant qu’il y ait quelque prétexte ; est-ce qu'il n’a pas été au sacre de l'Empereur Nicolas ? pour Kossuth me surprend un peu. Est-ce pure badauderie populaire ? Le gouvernement sans s'y mêler, n'y pousse-t-il pas, n'y connive-t-il pas du moins ? Palmerston en est bien capable, et l'hostilité contre l’Autriche est son grand moyen d'influence en Italie, à quoi il tient beaucoup dans ce moment-ci. Être puissant en Piémont et en Suisse, couper l'herbe sous le pied à la France pas ; ils voteront pour le dernier. Ils le savent révolutionnaire et à ses portes c'est une bonne fortune qu’il cultive avec soin. Je soupçonne et ils souffrent quand on leur dit. Pardonnez aussi qu’à Constantinople et dans la question d’Egypte il n’est pas content de l’Autriche, et qu’il s'en venge. Mais qu’est donc devenu l’ancien sentiment national anglais ? Raynaud et Kossuth, c’est beaucoup.
Cette question hongroise a fait dans le monde plus d'effet que nous n'avons supposé. Voyez les Etats-Unis. On a vu là des aristocrates et une ancienne constitution ; on n'a pas voulu y voir des révolutionnaires. Que viendra faire Lord John à Paris ?

Onze heures
Le refus à Alexandre me passe. Je ne croyais pas cela possible. Je n’avais pas besoin de cela pour être sûr que mes préférences ont raison. Adieu, adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Jeudi 4 oct 1849
2 heures

Je ne puis croire à cette guerre ; à moins que votre Empereur n'ait un parti pris de la vouloir, ce que je ne crois pas. Je ne pense qu'à cela et j’arrive toujours à la même conclusion. Ils s’évaderont. Je vois déjà dans un journal de ce matin, que Kossuth s'est évadé. Ce n’est probablement pas encore vrai. Cela deviendra vrai. Faire la guerre parce qu’ils se seront évadés, pour en punir la Porte comme un geôlier négligent ou vendu, est impossible. Certainement si l’Angleterre soutenait effectivement la Porte, la France en ferait autant. Peut-être même, ici, n'en serait-on pas fâché. Une occupation qui serait distraction. Ce pays-ci s’inquiète des francs jamais des millions. Il déteste de donner de l'argent ; mais il aime à le jeter par les fenêtres. Je ne peux me résoudre à examiner sérieusement l’hypothèse où vous ne pourriez habiter ni Londres, ni Paris. Naples, si une fois vous y étiez arrivée aurait, pour l’hiver le mérite du climat. Bruxelles serait froid, mais sûr. La Belgique resterait neutre. Et au moins aussi bonne compagnie à Bruxelles qu'à Naples. Et bien plus près. J’en parle parce que vous m'en parlez. Je répète encore que je n'y crois pas. Mais il résultera de cette affaire-ci une situation bien plus accentuée, comme on dit aujourd'hui, en Europe ; la Russie et l’Autriche d'un côté, la France et l’Angleterre de l'autre, la Prusse entre deux, penchant géographiquement du premier côté, moralement du second. C’est très mauvais. L’Europe coupée en deux c'est de l'encouragement et de la force pour les révolutionnaires de tous les pays. Il ne se peut pas que l'Empereur ne voie pas cela. Certainement si cette guerre éclatait l'Italie et la Hongrie recommenceraient. Et Dieu sait qui les imiterait. Il ne faut pas ouvrir de telles perspectives. Pour la troisième fois, je n'y crois pas. Vous viendrez bientôt à Paris. Mais il est clair, qu’il faut attendre un peu pour y voir plus clair. Avez-vous remarqué dans les débats d’hier 3, la lettre de [Bucha?] ? Assez piquante probablement du vrai. La réponse napolitaine à Lord Palmerston est très bonne. Peu lui importe. Il veut. s'afficher Protecteur de la Sicile. Par routine et par mauvais esprit. Le même partout et toujours. C’est un spectacle qui m'ennuie. Je ne lis pas les Mémoires d’Outre-tombe. C’est vous qui me faisiez lire ces frivolités-là, Outretombe, Raphael. Quand je ne vous ai pas, je ne me doute pas qu'elles paraissent. Je vais demander les passages où il est question de vous. J’ai eu la brochure de M. Dunoyer. Honnête homme, lourd et courageux. Plein de pauvres idées, et d’erreurs de fait sur les journées même de Février, mais beaucoup de sens et de bonne hardiesse sur la situation générale d’à présent. Je n'ai rien du tout de Paris. Ce silence absolu et la nullité des premières séances de l'Assemblée me font croire qu’il se brasse quelque chose. On se tâte, on se prépare, on doute, on projette tout bas ; et en attendant on se tient coi. Je ne crois toujours à rien de plus gros qu’à une modification du Cabinet.
Onze heures et demie
Voici votre lettre. Je persiste toujours à ne pas craindre ce que vous craignez. J’ai écrit à Paris pour être bien précisément tenu au courant des intentions et des dispositions du gouvernement et du public. Ce que j'en sais déjà ne me permets pas de douter que la France ne fasse tout ce que fera l'Angleterre et qu'elle ne pousse l'Angleterre plutôt que de la retenir. Adieu, adieu. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Dimanche 30 oct. 1853

Voilà donc des coups de canon. Je ne connais pas assez les localités pour savoir ce qu’ils valent comme opération militaire ; il paraît que vous avez pris l’initiative. Je serais étonné si vous ne laissiez pas aux Turcs l’embarras de passer le Danube, et de venir vous attaquer dans les Principautés. Militairement cela semble sensé, et politiquement, c’est beaucoup mieux pour vous. Les Turcs ne peuvent soutenir longtemps la guerre offensive. L’article du Moniteur est calmant et pacifique. Mais je ne m'explique pas la nomination du général Baraguey d’Hilliers, sinon par l'Empire des services personnels, abstraction faite de toute politique. Du reste la Bourse et Galignani disent que le Moniteur n’a pas fait sur tout le monde la même impression que sur vous et moi.
Je suis frappé de la froideur et de l’ennui des journaux Anglais sur cette affaire. C'est ce qui arrive des questions factices. Quand le bavardage a jeté son feu, et qu’il faut en venir à l'action sérieuse, il n’y a plus rien, et en voudrait bien n’y plus penser.
J’ai quelque peine à écrire ce matin. Je suis pris, dans l’épaule, d’une douleur rhumatismale assez vive quand je fais un mouvement. Je connais cela. J'en ai été atteint un jour où j’avais à parler à la Chambre des Paires, et j’ai parlé quand même, l’épaule et le cou de travers. Je n'ai plus besoin de si maltraiter mon mal. Cela passera avec quelques frictions et deux ou trois jours.

Onze heures
Voilà une lettre qui me déplait beaucoup. Mais vos impressions sont bien en contradiction avec cette suspension momentanée des hostilités dont les journaux m’apportent le bruit. Je ne crois pas à l'attaque dans la mer Noire. Que tout cela est fou et triste ! Adieu, adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val-Richer, Dimanche 14 oct. 1849
8 heures

Je vous écris encore à Londres. Vous en partirez si je ne me trompe après demain, à 1 heure où à 4 heures. Plutôt à 4 heures, qui est l'express-train. Je vous écrirai demain à Boulogne. Je suppose que vous n'en répartirez pas immédiatement pour Paris, vous vous reposerez là le 17. Que je voudrais une bonne traversée ! Il fait du vent ce matin. Impuissance des vœux ! C’est un des plus amers tourments de la vie. Et pourtant il est impossible de ne pas croire à l'efficacité de le prière. Ce serait. supprimer dieu. Nous y croyons invinciblement et je crois que nous avons raison d'y ardé Mais la prière, qui peut être efficace ne l'est pas, ne peut pas l'être infailliblement. Et nous ne savons jamais si elle l'a été, car le lien nous est parfaitement inconnu entre notre prière et l'événement. C’est là le tourment. J’attendais hier des nouvelles détaillées de Paris. Elles ne sont pas venues. Rien n’est venu hier ni les nouvelles, ni votre lettre. Je ne connais rien de plus insipide que les Débats de l'Assemblée. Tout-à-fait la physionomie d'un phtisique, pâle et se trainant. Être certain que ce qu'on fait me vaut rien, et ne savoir comment s’y prendre pour faire autre chose, c'est une triste condition. Je me félicite tous les jours plus de n'être pas là. Qu’avez-vous dit de la lettre de Kossuth à Palmerston ? Je l’ai trouvée pas remarquable et l’air sincère. Elle m'a donné l'idée d’un homme plutôt médiocre, et plutôt honnête. Ce n'est le ton ni d’un homme supérieur, ni d'un révolutionnaire. Elle sera bonne en Angleterre pour Palmerston. La lettre de Mazzini à M.M. de Tocqueville et Dufaure, bien autrement révolutionnaire que celle de Kossuth, est aussi bien supérieure d’idées, et de langage. Mazzini reste un home, et un homme redoutable.

Onze heures
Voilà une lettre, mais seulement celle de jeudi. Je devrais avoir aussi celle de Vendredi. Je n'y comprends rien. Peut-être le vent. S'il est aussi fort mercredi que ce matin, ne passez pas. Attendez, malgré l’ennui. Adieu Adieu. Adieu. J’ai continument au fond du cœur, la pensée de votre retour. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Val Richer, Dimanche 11 Nov. 1849
8 heures

Je suis de l’avis de Lord John sur la boutade du Président. Le rapport de Thiers sur les affaires de Rome en a été, sinon la cause, du moins l'occasion déterminante. C’était bien insultant de ne pas dire un mot du président et de sa lettre, comme s’ils n'eussent pas existé. Et c'était bien léger d'insulter ainsi l'homme qu'on a élevé et qu’on ne peut renverser. Cette faute a fait éclore la disposition du Président, disposition préexistante, mais jusque là contenue, et qui probablement fût restée encore à l'état latent, comme dirait le Ministre actuel du commerce. M Dumas, grand chimiste. Je vois d'après ce qui me revient que les hommes intelligents de la majorité ont le sentiment de cette faute, et la regrettent. Mais c’est fait. Et la boutade du président aussi, Tout cela suivra son cours. Puisque Flahaut n'en veut pas être, il a bien fait de s'en aller. Je crois que la faute du Rapport était facile à éviter. Il était facile de faire sur la lettre un paragraphe convenable qui dégageât complètement, l'assemblée de la politique du président en donnant au président lui-même satisfaction pour sa dignité et avertissement pour son gouvernement personnel.
Je suis charmé que Lord John prenne ainsi goût, non seulement à avoir des lettres de vous, mais à vous écrire. Il n'aurait pas vos lettres sans cela, et il a raison d'en vouloir. Vous excellez à rendre la vérité agréable.
Je dis comme vous pour ce qui touche ma situation personnelle en reparaissant. Nous verrons. Nous devons avoir ce qu’il faudra d'habileté et de bon sens. Le silence qui vous choque ne m’étonne pas. C'est de l’embarras et de la platitude, faute d’esprit et faute de cœur. Deux choses, si je ne me trompe, mettront à l'aise, autant qu’ils peuvent être à l'aise, les poltrons et les sots ; d'abord ma manière, et bientôt ma situation même.
Je ne vous écrierai pas de longues lettres ces jours-ci. J’ai beaucoup à faire ; dans mon Cabinet pour conduire mon travail au point où je veux qu’il soit en partant ; et hors de mon Cabinet pour les petites affaires du Val Richer. Il faut aux petites affaires autant d’attention de paroles, et de temps qu'aux grandes. Je suis seul avec mes filles. Mlle Chabaud est partie, pour aller passer quelques jours près de Rouen, chez une de ses amies.

Onze heures
Je ne vois absolument aucune raison d'hésiter, et je suis décidé. Il n’y a que deux espèces de personnes qui me conseillent de ne pas revenir ; celles qui s'en iraient volontiers elles-mêmes, et celles qui ont envie que je ne revienne pas du tout. Adieu, adieu, adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond Vendredi le 22 juin
6 heures

Je me sens toute malade aujourd’hui. Accidents d'entrailles. J’ai été cependant en ville. J’ai vu lady Palmerston plus anti autrichien que jamais et anti russe aussi à ce qu'il me semble. Sur la France des doutes, un répit voilà tout, enfin ce que nous disons. La duchesse de Sutherland a perdu hier une petite fille charmante, cela aura sans doute dérangé votre matinée. Le temps est ravissant, mais je ne suis pas en train d'en profiter. Voici un mot de Lady Holland Personne n'est venu me voir aujourd’hui, et je ne compte pas sortir ce soir. Hier j’ai trouvé un Cambridge chez Metternich. On dansait. Grand Dieu quel tapage ! Je n’y ai pas tenu plus de 20 minutes. Adieu. J'ai besoin de repos. J'ai des maux de reins assez forts. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond le 11 août 1848 Vendredi
Midi

Je viens de lire votre lettre. Voici donc une nouvelle adresse pour la mienne. Si tout ce qui me donne tant de chagrin vous donne à vous un gendre, j'en serai charmée. Les nouvelles d’Italie sont excellentes. Milan pris à ce qu'il parait. Qu’est-ce qui vient faire la médiation ? Je pense que Radetzki l’enverra promener. Il est rentré at home. Personne au monde n'a le droit de l’inviter à en sortir. Savez-vous ce que je crois. L'Autriche érigera la Lombardie en état indépendant, sous un prince autrichien. Une autre Toscane. Qui est-ce qui pourra trouver à redire à cela ? Elle gardera Venise comme de raison. Tallenay est parti avant-hier soir pour Paris, furieux ; on lui a donné congé pas trop brusquement on ne sait pas pourquoi ; moi au moins je ne le sais pas ; est-ce parce qu’il m’a rencontré à Holland house ? Beaumont est arrivé. La reine va venir le recevoir. On dit que Normanby a contribué à cette nomination. Il le voyait beaucoup qu’est-ce que vous pensez de lui ? On dit que le Roi de Hollande est très mal. La nouvelle en est venue hier. Je suis charmée que vous soyez sans inquiétude pour Pauline. Ma santé est comme vous l'avez laissée. La Prusse est très intéressante comme nouvelles. Elle est mieux renseignée qu'aucun journal de Paris. Elle dit le secret des négociations très exactement, à ce que je sais. Du reste elle est assez modérée. Opposition, mais contenue. Adieu. Adieu.
Il y a bien longtemps que nous sommes séparés. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond Vendredi 5 octobre 1849

Hier point de lettre. D’où vient ? cela m'inquiète. Le Cabinet de Mardi a décidé à l’unanimité de soutenir la Turquie. La France marche avec l'Angleterre. On dresse en ce moment une pièce, en forme de remontrance, peut être de menace, à la Russie et à l’Autriche. Tout le monde est d’accord. On nous exaltait il y a huit jours. Aujourd’hui nous sommes honnis. Lord John arrive ici ce soir. Voici ce qu'il m'écrit de Woburne. " Your emperor after having showing so much prudence, so much power & so much modération has mode an mormons fault in threatening the Turk if he did not violate the law of hospitality so sacred among Mahometans. The Turkish anger is [?] aud we can do no otherwise than support them in [?] a cause." J’ai diné hier avec Lord Carlisle chez Miss Berry. Il m’a raconté le conseil. De l’inquiétude de la façon dont Palmerston va mener cette affaire. Parlant mal de lui. Espérant cependant qui l’affaire s’arrangera. Brunnow a beaucoup demandé que la démarche auprès de nous ne soit pas collective, France & Angleterre probablement chacun écrira de son coté mais dans le même sens, si non le même ton. Je parie que le Français vaudra mieux. L'affaire en est donc là. Fuat Effendi parti pour Pétersbourg pour fléchir l’Empereur. L'Angleterre & la France écrivant, intervenant et décidée à soutenir la Turquie, ainsi la guerre générale si l’Empereur persiste. Dans 20 jours la décision. Brunnow est venu me voir hier. A wonder ! Essayant de traiter ni de bagatelle au fond inquiet, blâmant notre conduite à Constantinople. Plus en soupçons contre la France que contre l'Angleterre, persiflant cependant lord Palmerston, n’ayant pas. l'air de croire que l'Angleterre est décidé pour la Turquie. A propos de la France disant, elle a 30 m hommes en Italie, elle en a 60 m en Algérie elle peut les faire marcher contre nous. Quelle bêtise, peut-elle dégarnir l’Afrique ? Je vous redis tout. Vous voyez que je vis in hot water. Jamais il n'y eut un moment plus critique. Drôle de situation. Evidemment, il y a, il y aura plus de laisser-aller vis-à-vis de moi que de Brunnow. et mes relations avec lui ne sont pas telles que je puisse lui rendre des services. Aujourd’hui nouveau conseil de cabinet. Demain tout le Cabinet à Osborne chez la Reine, enfin c’est une grosse crise. Si vous étiez là que de choses à nous dire. Ecrivez je vous prie au Directeur de la douane pour qu'on me traite bien à Boulogne ou à Calais ; Je suis à la veille de me décider & ce n'est pas bien éloigné, ce pourrait être au milieu de la semaine prochaine. Le temps est mauvais, orageux, j’attends encore.

1 heure. Pas de lettres encore aujourd’hui il est vrai que les journaux aussi ne sont pas venus mais hier je les ai eus. Enfin Voilà deux jours, c’est affreux. Adieu, adieu. Je ne puis pas croire à la guerre. Ce serait trop épouvantable. Adieu

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond Samedi le 23 Septembre 1848
Onze heures

J’ai vu Koller hier soir. L’Autriche est bien décidé à garder Lombardie, Venise, enfin tout ce qui est à elle. On a accepté la médiation du bout des lèvres. On traitera peut-être du sort de Modène et Parme. On parlera d’institutions à donner aux Lombards voilà à quoi se bornera le congrès. Autriche, France Angleterre, Piémont. Palmerston reçoit tout les envoyés d’Istrie, de Venise de partout, il les écoute, il discute. Et puis il dit à Koller, qu'il pourrait voter à la main, prôner qu'on a le droit d’intervenir entre l’Autriche & tout ce monde-là. Blaguerie, car il ne songe pas à s’armer de votes pas plus que de canon.
Koller craint que nous verrons encore du pire en Allemagne. Francfort n’est pas fini. Quelle horreur que la mort de ce pauvre Lichnowsky ! à Berlin certainement il y aura une crise violente tout à l’heure. Et Paris, comment échapper à du très gros aussi. Je trouve que partout on est trop porté à dire et à laisser la révolution s'user. Si la troupe y passe, tout est perdu, et en temporisant ou s'expose à cette chance. à Berlin, à Paris le soldat commence à être ébranlé. Comment perdre du temps alors ? Voilà mes réflexions sagaces. Peel est délivré du plus ardent de ses ennemis. Adieu. Adieu, à demain, mais là, la causerie va mal. C’est égal, il faut y venir. Adieu.

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Richmond, samedi 1er septembre 1849

Un nouveau mois qui commence, nous sera-t-il bon ?

J'ai fait mon luncheon hier chez la duchesse de Gloucester. Je n'en ai pas rapporté des lumières. J'ai dîné chez les Delmas, avec la Colonie. Vieille princesse, & précieuse marquise.

J'ai vu avant-hier Lady John et son frère. Pour la première fois j'ai assez causé avec lui, ou plutôt je l'ai écouté. Il a l'air d'un honnête homme, mais sans esprit, il m'a dit des bêtises sur tout ce qu'il faut faire de libéral. Il n'attache de valeur aux victoires que s'il en ressort partout des constitutions. Au bout de tout cela il perçait cependant de grandes inquiétudes pour l'Angleterre elle-même. Je trouve que ce sentiment gagne.

Le Juius a une tirade aujourd'hui à propos de l'interférence de F.O. dans les affaires de la Hongrie. Cela commence à être su et cru. Assurément cette maladresse couronne toutes les autres.

Le bruit se répand que le G.D. Michel se meurt d'apoplexie. Je le regretterais comme un excellent homme, et qui m'a toujours montré de l'amitié. Cela fera une vraie peine à l'Empereur.

Voici votre lettre, & voici une longue lettre de Montebello, curieuse, animée, voulant absolument qu'on ait du courage dans la timidité même, L. N. promettant qu'on aura cela en se retrouvant à l'assemblée en octobre. Il dit à Lafui [?] dans sa lettre : « Je suis décidé à ne jamais en vouloir à M. Guizot, sans cela je lui en voudrais un peu d'avoir laissé trois & une lettres sans réponse. » Il ne vient par ici, il pense toujours à une course au Val Richer, malgré vos rigueurs.

Adieu, adieu. Et vite puisque l'heure est la bonne heure.

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Richmond le 23 août 1848

J’ai été hier prendre mon luncheon chez Lady Palmerston. Rien de nouveau. Toujours bienveillance pour l’Autriche. Désir d’aboutir, assez d'espérance, (j'espionne les bases) on jette des mots en l'air, et l’idée la mieux accueillie est la mienne : doubler la Toscane par la Lombardie. En grande moquerie de l’Allemagne. En éloges de Beaumont que de son côté est très courtisan pour Palmerston surtout. J’ai rencontré [?] en sortant on me l’a présenté. Je lui ai dit deux mots, il a beaucoup vanté l’accord du Prince & du peuple à Cologne & partout. Il parlait de son roi qu'il a accompagné là. Les Standrish ont dîné chez moi hier. Elle est un peu parente de Madame Beaumont. Elle avait appris que G. de Beaumont s’était beaucoup félicité d'avoir fait ma connaissance.

2 heures
Bonne lettre et bonne nouvelle. Le 1er au lieu du 2. Vingt-quatre heures dégagées. C'est donc Samedi que je vous verrai quel plaisir ! Je suis bien aise de voir que vous attendez du décisif ressortant des pièces. Elles sont terribles. Un grand pays gouverné pendant 5 mois par un set of scoundrels quelle honte ! Et depuis un mois, je ne sais si c’est beaucoup mieux. Je trouve que Cavaignac est un peu compromis. Constantin est appelé à Pétersbourg. Il y est allé avec sa femme pour revenir bientôt à Berlin. Il me dit que Brunner est parti de Berlin l'oreille bien basse. L’affaire danoise s’arrange, Francfort n’est plus si arrogant avec Berlin. Les journaux français ne sont pas là encore. La tempête ces deux jours a été terrible, il y a retard. Il me semble bien difficile qu'il n'y ait pas un éclat à Paris. Adieu. Adieu. J’ai le cœur plus réjoui depuis que les jours sont réduits à mes dix doigts tous les jours j’en couperai un. Adieu. Adieu. Aggy va mieux quel miracle. Adieu. Voici un petit fragment de Marion. Drôle.

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Richmond le 19 septembre 1849

Ah si j’avais des yeux ou si j’avais Marion. Il n’y a pas moyen. Je vous envoie la lettre de Beauvale, elle vous donnera une idée plus exacte que ce je vous ai dit ce matin de l’affaire de Malte. Quant à la lettre de Berlin, elle traite longuement la question allemande. On cherche à s’entendre avec l'Autriche. Il est probable qu'il y aura deux Allemagnes nord & midi. J'en ai causé ce matin avec Metternich. Il dit que ce serait la guerre. entre elles. & que le feu au centre de l’Europe c’est le feu partout. Selon lui Il n’y a de possible & de sensé que 1815. Il ne sort pas de là. M. de Persigny a fait bien des efforts à Berlin pour faire comprendre la nécessité de donner de la force au Président démontrant qu’il n’y avait possible que Louis B. en France. Il faut donc le soutenir. Le correspondant de Berlin ajoute : la question de dynastie en France embrouillera tout l’avenir de l'Europe. Moi, je ne vois pas cela. C'est une question de ménage. jeudi le 20 septembre. Longue conversation hier avec lord John. Certainement il soutiendra le gouverneur de Malte, & approuve complétement son refus de recevoir les réfugiés, Nous allons voir qui l’emportera de lui ou de Palmerston sur ce point. Le gouverneur [?] est en Angleterre dans ce moment un protégé de lord Minto. Quant au Cap, quoique les habitants ne veulent pas recevoir les Convites, le gouvernement cédera, et fera revenir ceux qui sont déjà partis. Longue discussion commençant par un : " Quel beau rôle vous avez fait à mon empereur ! Vous pouviez le partager avec lui, vous n'aviez qu’à rester tranquille, & & &. Vous voyez tout ce que j’ai dit à la suite. J’ai été très belle vous auriez eu plaisir à m’entendre. Les busy body poussant les révolutions, & puis abandonnant. S’aliénant les gouvernement et les peuples. battus partout. Nous tranquilles d’abord, et puis le reste, finissant par dire. Il y a plus d’honneur aujourd’hui à être Russe qu’Anglais. " Il a voulu expliquer les motifs les nécessités d’intervention partout. Les répliques n'ont pas été difficiles. De tout cela il résulte qu’il est bien bon enfant, qu’on peut tout lui dire, mais je doute qu'il entend souvent tant de vérités. C’est très sain pour un Ministre et puis réflexions générales. Par quoi finira tout ceci. Le bouleversement est si profond qu’il ne peut rien ressortir de raisonnable, de tempéré. Ce sera l'un on l’autre extrême partout. absolutisme, ou démocratie. tous avons trouvé cela spontané ment & simultanément et nous nous sommes quittés sur cette belle perspective. Vous comprenez que j'aime mieux la première & lui aussi. En parlant des nouvelles inventions, il dit : là où il n'y a qu’une chambre, il n'y a plu de gouvernement, il ne vaut pas la peine d'en avoir. Adieu.
Il fait froid, cela ne me plait pas. Je reçois dans ce moment une lettre de Bro[ ?]. Palmerston y est. " Il a grande. envie de l'empire. Il y croit, il déteste les 2 branches de Bourbon, et ne croit pas du tout que l’état actuel puisse durer. Christine & Narvaez cherchent à faire abdiquer la Reine en faveur de sa sœur, et profitant pour cela de l'absence d'un représentant d'Angleterre ! " Est-ce que cela ne voudrait pas dire que Palmerston a envie d’en envoyer. un ? Voilà tout & je finis. Adieu. Adieu.

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Richmond le 19 septembre 1849

Journée froide hier, & pas de visites. Je n’ai vu que les Metternich & Mad. de Caraman. Je ne devrais pas dire qu’elle m’ennuie par ce qu’enfin elle vient rompre ma solitude et qu’elle le fait avec ma nièce de dévouement et de plaisir. Mais à vrai dire si je n’étais pas rude ce ne serait guère endurable. Si peu naturelle, & si peu de fond ! Mais elle chante ; un peu faux c’est vrai mais très bien. Son talent pour le dessin est merveilleux & ses ressemblances frappantes. Seulement je n’ai Aucune patience, et je ne veux pas poser. Ah l'ennui mon ennemi !
Lord Aberdeen m'écrit souvent Il me dit : "The letter of the President, was an act of great imprudence, and a a piece of insolence offered to the whole word. His own ministere has also good cause to be offended." Quant aux conseils donnés au Pape dans cette même lettre il les trouve de nature à être parfaitement acceptés ; et dit d'eux comme Lord John qu’ils sont élastiques. Le Times de ce matin a un article admirable sur la conduite de la Russie, comparée à celle de l'Angleterre.

1 heures. Votre lettre, et Constantin, & Beauvale. Constantin décrit le désespoir de l'Empereur, énorme, déchirant. Il a dit à Constantin. "Allez chez mes sœurs, & ma fille. Dites leur mon malheur, je ne puis pas écrire." Constantin m'écrit de Weymar, et va de là à Stuftgard, & La Haye. Beauvale curieux. On a donné une constitution à Malte. Le conseil législatif composé de Jésuites intolérant. Refusant refuge même aux malades & blessés. Palmerston choqué, furieux. John Russell & Lord Grey soutenant le gouvernement que Palmerston veut faire chasser. Que va-t-il se passer Beauvale conclut. Garderons-nous Grey ou les colonies les deux ne peuvent pas exister. Le Cap & le Canada en pleine insurrection. Il me semble que je vous ai parlé hier de Malte. Vous aurez vu que John Russel approuve la conduite du gouverneur. Adieu. Adieu. Je n’ai pas lu mes lettres encore. Une longue de Berlin adressée à Beauvale & qu’il m’envoie. S'il y a quelque chose, je vous le manderai. Adieu.

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Richmond Mercredi 10 octobre 1849

Vos lettres sont charmantes. Je ne vous le dis pas assez, je ne vous le dis jamais. Il y a des pages sublimes. Il y en a une sur les peines & plaisirs de la vie, qui est remplie d'un sentiment religieux bien pénétrant bien profond. Je le copie dans ma lettre à l’Impératrice. Hier vos réflexions sur l’affaire Turque m'ont bien frappées. Je ne sais si elles sont vraies mais elles pourraient bien l’être. Nous allons voir se débrouiller cela bientôt. Je n’ai pas vu lord John hier. J’ai dit Adieu hier à cette bonne Duchesse de Glocester. Elle était vraiment touchée. Demain Cambridge, et puis j’ai fini la province. Quel ennui, les départs, les paquets, & le but si fragile. Qu’est-ce que sera Paris pour moi ? Mon projet est d’aller coucher Mardi à Folkstone. Je passe Mercredi de bonne heure à Boulogne. Je ne puis pas sûre du tout de M. de Mussy. J’ai la promesse de Mad de Caraman, mais ce n’est pas un homme. Et je ne crois pas qu’elle vaille mieux que moi en voyage.
1 heure Voici votre lettre. J'en ai de la campagne, très bonne. Lord Palmerston a écrit à Pétersbourg, Constantinople, Vienne et amiral Parker dans le meilleur esprit. Très conciliant et doux. Collaredo, lui ayant dit : " Vous voulez donc intercéder en faveur du Sultan. " Palmerston a répondu " oui exactement intercéder, c’est cela. " Voilà qui va mieux. Votre journal des Débats est détestable. Et Metternich a raison sur son compte. Adieu. Adieu. Adieu.

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Richmond Mardi le 19 juin

C’est cela. L'absence est cause de tout. Ensemble, toujours ensemble, et il n’y aurait jamais de nuage, et je suis condamnée aux accident de nuages ! Ma vie ne sera plus longue et je crains qu’elle ne soit triste ! Qu’allons nous devenir. Je ne vois rien de clair, rien de bon. Je passe mes nuits à penser à cela. Je vous renvoie la lettre de Beyier. Elle m’a intéressée. Vous voyez, lui aussi pour le président. Il m'est venu hier beaucoup de monde. La duchesse de Beaufort, lady Wilton, la princesse [Crasal?] les Delmare. Le soir j’ai passé un moment chez les Metternich. Il est bien tout-à-fait !

5 heures Je rentre de ville. Déjeuner manqué à droite et à gauche, j’ai fini par le prendre au Clarendon. La duchesse de Cambridge sombre pour l’Allemagne je ne sais pourquoi. Une longue lettre de Constantin du 8. Des forces immenses le 14 ou 15 au plus tard on attaquera sur toute la ligne. Lui-même venait de recevoir l’ordre de départ n'osant pas dire où. Paskevitch parti le 10. L'Empereur allait à Cracovie. Le 14. Lenchtenberg. Mouralt ainsi que la fille du G. D héritera. L'Empereur toujours en pleurs. Le temps est laid. Je ne suis pas sûre d'aller demain en ville. Il faut que je sois ici à 4 h. En tout cas je serais pressée. Si je ne viens pas vous m'écrirez, & puis lundi vous viendrez. Adieu. Adieu. Adieu.
Je vous envoie le relevé des forces.
205 bataillons
187 Escadrons
370 Pièces d’artillerie
Voilà Russes et Autrichiens
De plus Tellachich 45 000 hommes & les Services venaient d’offrir 50 000.

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[?] and [?] La pauvre et chère reine m’est plus que jamais respectable & admirable à Claremont par la manière dont elle porte son malheur. Voilà la vraie chrétienne selon Dieu. De tous temps je me disais que si nous nous étions connues nous nous serions calmées et convenues ; envisageant la vie de famille et la vie sur cette terre de la même manière, nos cœurs, se seraient compris. La Duchesse d’Orléans est elle bien ou mal avec elle. Voilà par contre un caractère qui ne m’aurait jamais convenu." J'ai fait parvenir à Claremont par Montebello ce qu’elle me dit sur la Reine et que je trouve charmant.
Longue lettre de Constantin. Francfort défère à la Prusse, l’arrangement avec le Danemark mais il le fait avec des restrictions et des détails qui rendent l’œuvre difficile. Le Roi et l’archiduc se rencontrent aujourd’hui à Cologne. Le Roi étant chez lui cèdera le pas à l’archiduc. On ne se promet à Berlin rien de bon de l’entrevue. Le Comte Ernest Stakelberg que vous avez souvent vu chez moi est à Paris & a été chez Cavaignac. Très bien accueillie par lui. Qu’est-ce que cela veut dire je n'en sais rien. Mais évidemment nous nous rapprochons. Il est clair que si la France pense comme nous et l'Angleterre : sur le Danemark nous devons être être bien avec elle pour agir moralement avec elle. Que veut dire le paragraphe dans le National ou il est question du dernier ministre de la monarchie. Comment seriez-vous dans l’enquête ? Cette enquête va être une bien grosse affaire. Le parti de la rue de Poitiers semble bien déterminée à tout savoir. La Montagne se joint à ce parti là, car Louis Blanc & Caussidière aiment mieux avoir des camarades que rester seuls. Deux heures. Votre lettre d’hier m’arrive à l'instant ; Pas de réponse car elle ne me fournit rien. Votre rhume passe, j'en suis bien aise. N’allez pas imaginer de vous baigner dans la mer ; à nos âges cela est mauvais. Je vous prie ne faites rien de nouveau. Le Tolstoy de Paris est arrivé à Londres & me l’annonce. Je le verrai ici. Il sera assez mieux à entendre. Adieu. Adieu.
Voilà que le National m’est enlevé. Je découperai demain l’article dont je vous parle. Adieu. J’ai aussi une longue lettre de Hugel de Houzard vous l’aurez demain, je l'ai à peine lue. Adieu. Adieu.

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Richmond Mardi 2 octobre 1849

Plus je pense à Constantinople & plus je suis épouvantée. Si l'affaire ne s’arrange pas tout de suite, c’est la guerre générale. Que vais-je devenir alors ? Je pourrai rester ni en Angleterre ni en France. J’irai à Naples, mais quelle saison ! Ah, quand comment, nous reverrons-nous ? Quelle destinée ! J’ai vu Metternich hier. Je voulais avoir l’avis d’un esprit sensé. Il ne croyait pas. D'abord pas aux faits tels que les donnent les journaux, et puis, fussent-ils vrais, il croyait que la porte reculerait. Moi j’ai peur que non. J’ai vu aussi Morny & Flahaut revenant de Londres où la nouvelle avait produit un effet immense. Morny dit : si cela est et si l'Angleterre s'en mêle, tenez pour certain que nous en sommes aussi. Le parti est près de faire comme l'Angleterre. Flahaut ajoute. & soyez sûre que dans ce cas là la Prusse soutient la France & l'Angleterre contre l’Autriche et la Russie. Il peut avoir raison. Les journaux Anglais ce matin sont à la guerre, ils poussent l'Angleterre à soutenir la Porte. Nous sommes honnis. En vérité je n'ai jamais été si troublée pour mon compte et je ne puis penser à autre chose. Tout ce que vous me dites sur Paris, tout en me donnant du souci, ne m’empêcherait pas de m’y rendre. Mais en tous cas, & surtout vu la grave complication qui menace le monde, j’attendrai encore huit ou dix jours avant de me décider. La saison avance cependant, le temps devient laid. Même pour le court voyage à Paris c’est une petite difficulté, que serait-ce s'il s’agit d'un autre voyage ?
Décidément il y a du froid entre Lord John & Palmerston. Celui-ci est venu le chercher le jour même où l’autre était parti pour Woburn, en sorte qu’ils ne se sont pas vus, & Palmerston est retourné chez Beauvale où il est établi avec sa femme. à ma connaissance ces deux messieurs ne se sont point rencontrés depuis plus de 6 semaines mais je crois vous avoir déjà dit cela Van de Weyer est venu chez moi hier. Il va passer deux mois à Brighton. Aussi peu amoureux de Lord Palmerston que tout autre. A propos Collaredo veut quitter. Il ne peut pas supporter les rapports avec lord Palmerston. Avez- vous lu un décente note de celui-ci à Naples ? & la réponse de Naples, excellente. Et à propos encore, avez-vous lu ce que M de Chateaubriand dit de moi dans son Outre tombe. Et encore,la Révolution du 24 février par M. Dunoyer. Van de Weyer vient de me la donner et me fait de cela un grand éloge. Voici votre lettre. Adieu, Adieu. Je ne pense qu'à vous & à Constantinople Adieu.

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Lundi 14 août.
Midi

J’ai vu hier Lord Palmerston à Holland House. Il ne savait pas si l’armistice était ou non une conséquence de la médiation commune. Les courriers n’étant partis de Paris que Mardi dernier. Il me parait que ce n’est pas eux qui ont pu décider. On bavardait beaucoup là hier. La Lombardie à la Toscane. Voilà l’idée générale, dans tout cela voyons le dernier mot de l'Autriche. L’article du Moniteur est fort important. Évidemment chez vous on veut la paix, et on compte encore sur notre bon vouloir pour la république. L'Allemagne fait le plus gros, des embarras. Kielmannsegge me disait encore hier que les têtes y sont tout-à-fait renversées. Vous voyez que la France aussi se mêle d’arranger l'affaire des Duchés. L’entente entre Paris et Londres embrasse sans doute toutes les questions en litige. Le Manifeste du Prince de Linange serait bien plus critiqué s’il ne serait pas du frère de la Reine. Mais avec cela même, on en parle avec grande désapprobation. Je n’ai rien lu de plus fou & de plus bête. On dit que Strockmer la croit, c’est impossible. Il a plus d'esprit que cela.
Voilà de la pluie à verse. Quel climat, quelle tristesse. Comment iront les bains de mer avec cette pluie ? Et puis vous viendrez me dire qu'on n’a pas pu prendre les bains, qu'il faut donc prolonger. Je n’accepterai pas cela. Voilà votre lettre. Seul plaisir, seule ressource. Mais quand viendra le temps où nous ne songerons plus aux ressources ?
J'ai rencontré hier Dumon aussi à Holland house. Il songe beaucoup à s’établir à Brighton le mois prochain pour la mauvaise saison. Aggy va un peu mieux. Elle m’a écrit elle même. Je ne donne pas encore de rendez-vous à Pierre d’Aremberg car je n'ai rien décidé sur Tunbridge. J'attends toujours pour un appartement. Adieu, adieu. Comme c’est long.
Voici mes réponses de Tunbridge Wells. Pas d'appartement du tout. Tout est pris. Je reste donc ici. Cela va faire plaisir à Montebello, il est bien accoutumé à mon bavardage. 

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Richmond jeudi le 20 septembre 1849

On mande de Paris à Lord Palmerston qu'en effet Thiers dit qu'il était sur le point d’accepter le Ministère mais la publication de la lettre à Ney lui a servi de prétexte pour reculer. Il donnera son appui à Louis Napoléon où à tout autre qui lui offre l'espoir de pouvoir dire jusqu'à son dernier jour qu’il n’a jamais servi une république. On va proposer de doubler le salaire du président. Si les légitimistes ne votent pas, on sera battu. Je vous redis ce qu'on sait ou ce que l’on croit le savoir ici. Je vous ai dit que Palmerston croit tout. à fait à l'Empire.

Vendredi 21 sept. J’ai vu hier matin van de Weyer, & Nicolay le soir. Le premier fort spirituel et charmé de l’article du Times avant hier qui donne sur les doigts à Lord. Palmerston à propos de la grande [?] de l’Empereur Nicolas. Du reste peu orienté, puisqu'il n’y a pas un ministre et pas une âme à Londres faisant un grand éloge du président, et pas indisposé pour l’Empire. Nicolay racontant un courrier de Varsovie arrivé hier matin, mais rien de plus que ce que je vous ai dit sur les derniers moments du grand duc. Le désespoir de l'Empereur. Nous faisons rentrer jusqu'au dernier soldat. L’Empereur d'Autriche voulait venir à Varsovie, la catastrophe du grand duc Michel l’a empêché. Peut être n'a-t- on pas été fâché à Vienne de l'empêchement et nous cela nous était fort égal. Le ton à Varsovie est de traiter tout cela dédaigneuse ment. Nous sommes venus nous avons montré notre force, & bonjour. Je médite ce matin une course à Claremont, le temps est fort laid, mais il faut avoir fait cela. C'est bien ennuyeux. Rabâchage pour rabâchage, celui du Roi est cependant plus gai et surtout moins long que celui de Metternich. Adieu. Adieu.

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Richmond dimanche le 23 sept. 1849

Voici le résumé du langage tenu à Berlin par M. de Persigny et évidement celui qu'il est chargé de tenir partout. La monarchie est la seule forme de gouvernement qui convienne à la France. Il y a maintenant deux partis, républicain & monarchique. Le premier se compose des plus mauvais éléments de la société. Il est en minorité. L’autre est puissant et considérable, grande majorité. Ce parti : 3 sections. Légitimistes, Orléanistes & Napoléoniens Les légitimistes comptent un grand parti religieux qui est plus catholique que Henri quinquiste, et la portion rurale de la France, [?] dans la noblesse est plus napoléonienne que Bourbonne. grand abime sépare la branche ainée, de la nation. C'est la révolution de 89 et la restauration par les baïonnettes étrangères. La branche cadette compte très peu d'adhérents. On déteste Louis Philippe, il n’avait de force que dans la bourgeoisie & celle-ci a passé en grande partie dans le camp napoléonien grande magie dans ce nom, et le prince peut à l'ombre de ce nom faire plus que tout autre pour la restauration de lord & d'un bon gouvernement. Sa bonne conduite lui a déjà rallié la majorité de la nation. Si Henry V venait à manquer, les légitimistes se rallieraient certainement autour du Prince plutôt que du comte de Paris. L'armée lui est entièrement dévouée. La noblesse sait très bien qu’il n'y a que lui qui puisse rétablir l'hérédité de la pairie , en même temps que les classes inférieures ont confiance en lui pour conserver une forme libérale de gouvernement. Ce qui a rendu le grand Napoléon impopulaire c’était la conscription. M. de Persigny [?] expose the parallel between the Ceasar & the Napoléon. Louis Napoléon would receive his uncle line as Julien. Ceasar was ultimatly replaned by Augustus. Copié textuellement. Deux fois déjà le Prince pouvait être proclamé Empereur, il a trouvé qu’il ne perdait rien à attendre. L’état actuel ne peut cependant pas durer. Un appel au peuple. établissait l’Empire, cela se serait fait maintenant, sans la circulaire de M. Dufaure ! Il a tout gâté. M. de Persigny a vu le roi & le Ministre des Affaires étrangères. L’un et l’autre se sont bornés à faire l’éloge de la bonne conduite du Prince. La conduite de la Prusse vis-à-vis de la France se règlera sur celle des autres puissances. Le but de M. de Persigny était de s’assurer de la reconnaissance de l’Empire. Je vous ai redit bien exactement ce qui vient de source. Le roi de Hollande reprend son naturel, il est violent, absurde, une espèce d'enragé. Cela pourra finir mal. L’Empereur Nicolas ne veut pas entendre parler de rivalité entre ses généraux & les Autrichiens. Nous avons à nous plaindre, et quand on se plaint, l’Empereur fait taire. Le Maréchal lui a écrit, pas de réponse, & lorsque le Maréchal a voulu lui en parler à son arrivée à Varsovie, l’Empereur lui a fermé la bouche. C'est de la bien bonne conduite. L'Empereur d’Autriche a envoyé à Petersbourg l’archiduc Léopold son cousin, pour remercier solennelle ment de l’assistance. On ne dira pas ceci à Vienne. Ils sont là pro fondement humiliés de notre secours. Que c'est petit !
J'ai eu hier pendant deux heures M. Kondratsky secrétaire d’ambassade ici, arrivé en courrier de la veille. Ses récits sont très curieux sur l'empereur, sur l’excès de la joie, et puis l’excès de la douleur. Douleur énorme, qui inquiète. Le voyage l’aura réuni, mais je suis impatiente des premières lettres de Pétersbourg.

Lundi le 24 sept. Hier dimanche, petite pluie fine tout le jour j'ai été déjeuner chez La duchesse de Glocester, et puis rendre enfin visite à Mad. Van de Meyer. J’y trouve une petite personne bien tournée, comme dans les boutiques élégantes de Paris, visage tartare, large & rond, très Russe, jolie. On me l’a présentée, c'était Mad Drouyn de Lhuys. Son mari est à la chasse en province. Elle dit qu’on dit autour d’elle qu’il y aura du bruit à Paris. Vous ai-je dit que Mad. Lamoricière est retournée à Paris. Son mari est allé à Pétersbourg. Les voyageurs de Varsovie disent que sa tournure n’est pas grand chose. Un peu français à cheval, et pas distingué à pied. Mais on est content de lui chez nous. Kisselef sera nommé ministre très prochainement. Hier John Russell. Il y a toujours quelque petit cous pi quant et utile dans le dialogue. Hier, réflexions sur la facilité dans le travail. Très bon quand On a connu [?]Lord John l’esprit simple et droit ; dangereux quand on a trop de goût a faire des affaires. Lord Palmerston a beaucoup de facilité. Incontestablement c'est fâcheux entre un ministre qui ferait trop peu, & un qui ferait trop, le premier is the safest. - I think you are right. It reminds me of Lord Grey who always said. Let a thing alone ; in dropping it, it minds sooner by itself.- - Trés vrai, en travaillant toute chose on ne fait quelque chose, et quelques fois une très mauvaise affaire. Voilà notre train de conversation. avez-vous lu la lettre de l’Empereur au comte Nesselrode ? Et le passage où il parle du conquérant ambitieux d'il y a 36 ans ? Cela ne promet pas beaucoup de faveur pour la [?] Je vous ai dit je crois que l’Empereur a donné à la fois son portrait à Nesselrode & Orloff. Faveur très rare et l’altesse à (Sernicheff, très rare aussi. Avec lui en voilà 6 dans l'Empire. Que de choses diverses je vous écris, & que de choses encore j'aurais à vous dire. Lord Normanby a déjeuné l'autre jour avec le président qui lui a raconté M. de Falloux. Il con naissait la lettre mais on a commis la faute de ne point le prévenir de sa publication. On est curieux de voir comment se prononcera la majorité de l’Assemblée sur l’affaire de Rome. Si elle reste unie pour soutenir le gouvernement. It is all safe, & je puis retourner à Paris, si elle se fractionne, il y aura du bruit et il vaudra mieux attendre qu’il soit passé. Je vous envoie une toute fraîche lettre de Lord Melbourne, si sensible (anglais) que je crois vraiment qu'elle vous frappera vous et le duc de Broglie. Lisez-la avec attention. Moi elle me paraît concluante. Lisez bien.

Midi. La poste de France n'arrivera que plus tard pas de lettres. Adieu. Adieu. Adieu

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond dimanche 16 septembre 1849

J'ai oublié de vous dire que Lord John parle beaucoup & fort mal de Radoviz. Il parait que c'est l'homme puissant au jourd’hui. Collaredo qui était chez moi hier le défend en disant qu'il fait son devoir de prussien, et qu’à ce point de vue sa conduite est habile et fera aboutir. Personne ne se fait une idée exacte de ce qui ressortira de ce travail en Allemagne, mais évidemment on s’arrange. Les deux grandes puissances s'entendront et la Prusse aura la part d’influence prépondérante qui lui revient. Je crois à deux portions nord & midi unies pas un lien fédéral. Le grand duc Michel était à l’agonie il y a huit jours. Le comte Nesselrode me l'écrit. Son désespoir pour sa femme, & le désespoir de l'Empereur pour son frère sont extrêmes. Cela jette un voile bien lugubre sur ce que devrait être les jours de Varsovie. L'Empereur ne quitte pas le lit de son frère.
Lundi 17. Sept Le journal m'annonce la mort du grand duc je suis sûre que sa femme a trouvé le moyen de se conduire très sottement à cette occasion. C'est une femme de beaucoup d’esprit avec pas l'ombre de tact et une absence de cœur complète. Lord John est malade, mais je le vois. Hier il me faisait l’éloge de Lord Aberdeen. Beaucoup pour moi. Développant tout son mérite politique, grandes vues. Vues générales. Homme plein de sens, de tenue & & & Vous entendez cela. Il approuvait seulement, dit-il, une bévue, le mariage espagnol. Comment bévue ? Mais s’il était resté le mariage ne se faisait pas. Et alors, les preuves. Il a tout écouté sans contester. ces conversations m’amusent & je crois lui aussi. Mais je pense que nous ne faisons pas grande impression l'un sur l’autre. La vieille princesse [Crasalcoviz] est partie ce matin, elle passe une semaine à Londres et puis Paris. Je regrette de voir disparaître une pièce d'une si petite réunion. A propos hier Lord John me faisait un grand éloge du Duc de Broglie, décidemment il l’aime, outre qu'il le respecte.
1 heure. Voici vos deux lettres de Broglie. Merci merci, & adieu bien vite, car lady Allice est là qui me prend mon temps ; elle part for good. Adieu. adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond Dimanche le 7 octobre

Metternich ne peut pas croire que cela devienne la guerre. Il croit que la Turquie aura cédé moi, j’ai peur que non, et comme je ne puis concevoir que l'Empereur se rétracte s’il est vrai qu'il a dit, extradition ou guerre, il y aura la guerre. L’incertitude durera encore près de 3 semaines de Pétersbourg doit venir tout. Je n’ai pas vu encore John Russell, il n’est revenu d' Osborne que cette nuit. Je le verrai aujourd’hui. Sa femme est venue chez-moi, très vive. Le Globe est d'une insolence sans égale. Il appelle l'Empereur insane. je ne me fais au fond pas une idée bien claire de toute cette affaire. On la fait bien grosse ici. L’est-elle vraiment autant ? Tout est énigme. D'un côté Sturnier et Titoff agissent comme un seul homme. D’un autre côté comment. admettre que l’Autriche s'associe à nous pour aboutir peut être à la destruction de l'Empire Ottoman ? A Vienne personne n’est inquiet, on ne parle pas même de l'incident. Les l’étourderie ave laquelle on a engagé l’affaire de Rome c’est Toqueville qui rit. Les Palmerston restent à [?] chez L. Baauvale. On m'écit en confidence qu’ils ne peuvent pas rentrer chez eux. Ils seraient pour suivis, saisis pour dettes. Quelle situation ! Le 8 Longue conversation avec Lord John. Toute l’histoire telle que vous la connaissez. La porte ne refuse ni n'accorde. Elle attend les suites de l’envoi de Fuat Effendi. (mais lui permettra-t-on de passer la frontière ). Strattford Canning se vante de n’avoir pas voulu voir nos ministres, il regarde cela comme son devoir. Plaisant médiateur, et il appelle cela faire son devoir. Lord John est convenu que c’était singulier. Peut être ancienne rancune Et vous acceptez les conséquence de cette rancune ? Il a ri. La dépêche pour [Pétersbourg] n'est pas encore partie. Elle a été revue par tout le cabinet. Aucun ordre n’a encore été donné a L'amiral Parker. Mais à propos. On ordonne à Parker d’aller s’emparer de 2 petites îles voisines de 7 îles, en possession du Gouvernement grec. Mais on croit que le gouvernement n’a pas le droit de les posséder. On va donc les lui prendre. C’est impayable. fonds à Paris et à Londres ne se sont guère émus. Et cependant le langage ici dans tous les partis, dans tous les journaux est aussi menaçant que possible. Je suis curieuse de la conversation de Lord John. Voici un bout de lettre de Beauvale qui vous regarde. Il a bien de l’esprit. J'ai eu hier à dîner Lady Allice qui est venue passer quelques jours avec moi. Mad. de Caraman, lord Chelsea & Bulwer. Je n’avais pas vu celui-ci depuis 4 mois, il est près de son départ pour l'Amérique, pas très pressé pour son compte. Il revient de Paris, il a beaucoup causé avec M. de Toqueville. Il me le donne pour un homme de beaucoup d’esprit. Il rit de l’étourderie ave laquelle on a engagé l’affaire de Rome. C’est Toqueville qui rit. Les Palmerston restent à [?] chez L. Baauvale. On m'écit en confidence qu’ils ne peuvent pas rentrer chez eux. Ils seraient pour suivis, saisis pour dettes. Quelle situation ! Le 8 Longue conversation avec Lord John. Toute l’histoire telle que vous la connaissez. La porte ne refuse ni n'accorde. Elle attend les suites de l’envoi de Fuat Effendi. (mais lui pemettra-t-on de passer la frontière ). Strattford Canning se vante de n’avoir pas voulu voir nos ministres, il regarde cela comme son devoir. Plaisant médiateur, et il appelle cela faire son devoir. Lord John est convenu que c’était singulier. Peut être ancienne rancune Et vous acceptez les conséquence de cette rancune ? Il a ri. La dépêche pour [Pétersbourg] n'est pas encore partie. Elle a été revue par tout le cabinet. Aucun ordre n’a encore été donné à l'amiral Parker. Mais à propos. On ordonne à Parker d’aller s’emparer de 2 petites îles voisines de 7 îles, en possession du Gouvernement grec. Mais on croit que le gouvernement n’a pas le droit de les posséder. On va donc les lui prendre. C’est impayable. Mes pauvres yeux m'empêchent de vous donner le [?] de cette curieuse conversation. Au total j’ai trouvé l'humeur plus douce qu’elle n'était dans le billet, des plaisanteries sur Palmerston, mêlé de défiance. De l'espoir que l’affaire s'arrangera. Un peu de peur cependant. Enfin mélange. Pas le langage d'un premier ministre. Voici votre lettre de Vendredi. Celle de samedi viendra plus tard. Vous voyez que vous faites bien d'écrire tous les jours. Adieu. Adieu.
Nous n'avons par dit livrez-les ou la guerre. Au contraire les termes sont très convenables. [?]
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