Guizot épistolier

François Guizot épistolier :
Les correspondances académiques, politiques et diplomatiques d’un acteur du XIXe siècle


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Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 7 Novembre 1849

C’est cela. Attendre un peu. Si cela ne se fait pas tout de suite ; vous venez. Sainte-Aulaire & le duc de Noailles ont dîné chez moi hier . Tous d'eux d’avis que vous veniez. Etonnés, que vos amis vous donnent un avis contraire ; cependant je dis ainsi attendez un peu. L’empire stationne. Il n’avance que lentement. Il faut s’assurer de bien des choses avant de le tenter. A la salle des conférences on ne s’entretient que de cela les rouges disent qu’ils reste ront armés de la Constitution et monteront sur les barricades pour la défendre. Les légitimistes préfèrent l'Em pire à la présidence décénale. Ils croient que l'Empire n'aura aucune durée. Ce que vous me dites aujourd’hui sur la situation et la conduite quoique sans conclusion est plein de raison et d'esprit. J’ai passé hier soir un moment chez Mad. de Rothschild qui part ce matin pour la Silèsie. J'y ai rencontré le gouvernement Changarnier. J'ai demandé à faire la connaissance. Je puis bien faire des avances à l'homme qui me fait dormir tranquille. Son extérieur est doux et peut être fin. Tout le monde. l'adore & l’accuse. Longue entrevue hier matin avec Kisselef 1 heure 1/2 entière confiance. Nous faisons une distinction marquée entre Paris & Londres, en pleine défiance de Londres. Très bienveillant pour ici. Content de Thiers, & le lui laissant savoir. Nous remarquons que la France s’est laissé un moment dupé par l'Angleterre, qui voyant poindre de l’intimité entre Pétersbourg & Paris a voulu la détruire en mettant en avant la flotte française. Je vous ai dit qu’elle est rappelée, mais ni Kisselef ni moi ne savons encore si c’est d'avoir avec l'Angleterre. J’espère que non. Il est très possible encore que Stratford Canning empêche à Constantinople ce que nous avons réglé à Pétersbourg nous avons explicitement dit à l'Angleterre comme ici que nous ne permettons à personne de se mêler de cette affaire. Je suis fort contente de tout ce que j’ai vu. L’Empereur est exaspéré des exécution en Hongrie. Ceci me revient par Londres. Aberdeen m'écrit que la presse anglaise revient à Palmerston, Morning Chronicle, même le Times. C'est bien dommage. Sainte-Aulaire m’a dit hier que les nouvelles d'Espagne étaient mauvaises. Narvaez succombera La petite reine joue son jeu, contre son mari, contre sa mère, contre son Ministre. Une perfidie sans exemple. Il me semble que je vous ai tout dit, les Normanby en grandes recherches pour moi. Mon quotidien est toujours Montebello. Excellent honneur et fort intelligent. J’ai vu Jaubert, qui est plein de dévouement, de respect pour vous. Et ce bon Thom à Paris pour quelques jours, qui veut que je vous dise son profond souvenir de vos bontés. Mad. de la Redorte me demande ainsi de vos nouvelles & Flavigny beau coup que j’ai rencontré chez Mad. Rothschild hier. Adieu. Adieu. Adieu.
Le duc de Noailles est pressé, pressant pour la fusion. sans elle on périt ; avec elle on est sauvé. Je vous redis. Il est fort éloquent sur ce point. M. de Saint Aignan est revenu de Clarmont porteur d'un blâme sévère du Roi de l’abstention. Il fallait voter pour la proposition. Le chagrin là est extrême. Ils voulaient tous revenir.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond Dimanche 20 août 1848

Je crois vraiment que j'ai fait une bêtise en envoyant à l’Impératrice votre lettre du 16. Ce que vous dites d’elle est charmant, mais vous mettez les révolutionnaires et les autocrates sur un même plan, vous parlez de timidité, d’excuses. Comment n’ai je pas été frappée de la pensée que cela ne devait pas être envoyé ! Tout cela m’est revenu depuis la lettre partie. Si l’Empereur est tout-à-fait heureux d’esprits, il trouvera que vous avez raison. Mais comme avant tout il a beaucoup d'orgueil et il est possible que cela ne fasse pas fortune du tout. Il faut songer à réparer & voici ce que je vous propose. Ecrivez très naturellement dans une lettre, où vous me parleriez de l’attitude des grands cabinets, deux mots sur le nôtre. Dites ce qui est vrai, que quand on est si grand on a quelque mérite à être si sage, si modéré. Enfin vous savez bien ce que vous pourriez dire qui serait dans la vérité & qui ferait plaisir. Je vous prie faites cela tout de suite afin que je l'aie ici au plus tard lundi, car j'ai ce soir là une occasion.
J'ai été hier soir chez Lord John, j’y ai trouvé M. de Beaumont. Lord Palmerston, qui était là aussi me l’a présenté. Je l’ai trouvé comme on me l’avait dit. Sa conversation m’a paru un peu lourde. Il dit les choses longuement. Il ne me fait pas l’effet d’un homme de beaucoup d'esprit, il est un peu naïf. Je lui ai fait un accueil poli. Sans empressement. Lui avait l’air charmé de causer. Le dialogue a duré plus d’une demi-heure. Moi en interrogations. Difficultés immenses. L'édifice fragile. Cavaignac très républicain. " Lamoricière républicain comme moi. " ! - Je vais donc supposer, Monsieur que vous ne l’êtes pas beaucoup ? Il a éludé en disant qu’avant tout & pour le moment il fallait soutenir sincèrement ce qui donnait de l’ordre.
Eloge encore de Lamoricière. Si on s’avise de bouger, il mitraillera tout, on veut en finir avec les tapages de la rue. Il croit beaucoup à cela tout de suite. Très pacifique, charmé des dispositions qu'il rencontre ici, fâché qu’on ait si brusquement renvoyé Tallenay. Il s'en est expliqué avec Cavaignac qui lui a dit qu'on ferait des contes absurdes sur une rencontre avec vous. D’abord qu'elle n’était pas vraie, & puis le fût-elle, Tallenay n’aurait fait que son devoir en vous montrant des égards. Lui Beaumont si le hasard le met sur votre chemin, ira non seulement à vous, mais vous vous tendrez la main si vous voulez la prendre, quoiqu’il ait été toujours votre adversaire politique. Tallenay aura Francfort. Je lui ai demandé des nouvelles [?]. Je l’ai vu à l'Assemblée. Voilà tout ce qu’il m'en a dit, & puis, que Thiers était particulièrement décidé, exécré, par les factions et les partis que certainement on en voulait à sa vie. Que celle de Cavaignac était sans cesse menacée. Il est retourné au passé pour déplorer, pleurer, l’aveuglement respectif, dit-il, eux, avoir ignoré qu'ils faisaient les affaires de la république, vous que le mal avait de si profondes racines. Je crois vous avoir dit tout Beaumont au total il n’a pas l'air d'un mauvais homme, au contraire. Et on aurait pu moins bien choisir.
Il y avait là Minto, que, je n'avais jamais vu. Bien pressé de causer avec moi de me raconter l’Italie comment il n’avait cessé d'y prêcher le bon accord des peuples avec les Princes disant beaucoup de mal du roi de Naples, un menteur. Je n’ai pas trouvé la mine des trois ministres très radieuse. La session ira jusqu'à la première dizaine de septembre. Montebello a eu hier une lettre de Paris de vendredi, dans laquelle on lui dit que le télégraphe venait d'annoncer une insurrection à Nîmes & à Montpellier aux cris de Henry V. Ce serait trop tôt.
C’est ennuyeux de penser que tout ce que je vous écris là ne peut partir que demain soir.

Lundi 21, midi
Bulwer et G. Greville sont venus me voir hier matin. Le premier ne m'a rien dit de bien nouveau il n’a vu littéralement personne à Paris que Normanby un moment, qui lui a dit beaucoup de mal de Lamartine maintenant après lui en avoir dit le plus grand bien au mois de Mai. Rien sur Paris. Seulement une observation : c'est que le peuple est poli, respectueux, dans les rien pour tout ce qui est au-dessus de lui, & que le bourgeois s'empresse de donner les titres ne parlant aux personnes qui en ont. Ainsi on n’avait jamais appelé Guiche autrement que Monsieur. Maintenant Monsieur le duc. Les classes se dessinent & y ont goût. Serait-il possible que le goût de l’égalité passât en France ? Cela me paraitrait la plus grande des révolutions. On parle beaucoup d’intrigues légitimistes. On craint qu’ils n’agissent trop tôt. Bulwer d'assez mauvaise humeur. Il voudrait Rome. Je lui ai ri au nez [?] mais enfin il me semble évident que si on ne lui donne pas quelque chose et du bon, il fera du mischief contre ceux qui lui refusent. Greville pas grand chose, d’ailleurs nous n'étions pas seuls. Il y avait Montebello qui est charmant mais qui ne remarque pas qu'on causerait plus à son aise sans lui. Comme le tact est une chose rare ! J'ai été à Holland house. Toute sortie de monde. Syracuse, Petrullo. Les Flahaut. Les Jersey. Dumon. Aubland. Beaucoup d’autres. On ne parle que d’Italie. De la médiation. Quel bon article dans la spectateur de Londres de Samedi ! Syracuse prétend que l’expédition est partie de Naples. Reste à voir si les Anglais se seront opposés au débarquement en Sicile. On dit que oui indubitablement Flahaut croit à propos de la médiation que Palmerston n’aura pas songé à prévoir le cas où l’Autriche se refuse rait à ce qu'on va lui demander. D’abord personne ne sait ce qu’on va lui demander. Et puis com ment s'engager sans être d’accord France & Angleterre sur ce qu'on fera au cas de refus ? Cela me paraitrait par trop étourdi. Tout le monde attend un événement à Paris, personne ne croit à du trop gros dans la rue, mais l'Assemblée qu'est-ce qui s’y passera ?

Morny est revenu, il ne dit rien que ce que dit tout le monde. L’Empereur a été reçu avec le plus vif enthousiasme à Vienne. Je répète 40 fois 50 fois par jour, pourquoi n’êtes-vous pas là pour causer de tout. Il y a tant et tant ! On parle de Beaumont. On trouve qu'il manque de mesure, & qu’il est de mauvais goût de montrer du dédain pour la République. Du reste ses manières ne déplaisent pas. Il a fort l’envie d'être poli.

2 heures. Merci de la bonne nouvelle. Le 2 ou 3 Septembre ! Comme je vais attendre cela, & compter les jours, les heures ! Voici une lettre intéressante renvoyez-la moi, je vous prie. Car je n’ai fait que la parcourir. Brignoles proteste officiellement contre l’armistice. Qu’est-ce que cela veut dire ? Le temps va de mal en pire. Aujourd’hui effroyable tempête & des torrents de plus. Hier un froid de Sibérie. Quel climat ! Adieu. Adieu. Je ne sais si je vous ai tout dit. Probablement non. Car il y a trop. Mais pour finir merci, merci de votre retour, n’allez pas changer ! Adieu, adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Schlangenbad le 14 août 1851 jeudi

Je viens d'écrire une lettre à L. Aberdeen qui ne lui plaira pas, car je lui dis de bonnes vérités sur sa faiblesse d'avoir permis à Gladstone de lui adresser ces détestables lettres. Vous voyez la joie de L. Palmerston. 8 heures. Voici un mot de vous de Paris, lundi, mais si petit, si court, trop court. J’espère que vous vous serez donné de meilleures proportions le lendemain. Je rentre d'une longue promenade avec la duchesse de Hamilton, personne très digne, très convenable, parlant le Français à merveille, et voilà tout. Les journaux m'apprennent que vous & la Marseillaise avez été très honorés à la distribution des prix. Quel singulier accouplement ! Je suis charmé des succès de Guillaume.

Vendredi 15. Je relis votre billet. Vous trouvez les choses en meillleur train que vous ne croyez. Je suis interrompue par l’arrivée de vos deux lettres perdues 31 & 2. Elles avaient été envoyées à une Princesse de Lieven. Ma nièce à Kreuznach. L'une, elle l’a ouverte. C'est bien égal, c’est une brave femme qui n'y aura pas compris un mot. Je suis ravie d’avoir retrouvé mon bien.
Je me repose ici de Francfort, les deux jours que j’y ai passés m'a vaient vraiment fatiguée, déjà l’idée que je ne m’appartenais pas, que je faisais un peu la volonté d'une autre. Cette idée me chiffonnait. Vous comprenez cela pour moi ? Adieu. Adieu.
Je crois que Constantin sera ici demain ou après- demain. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Francfort lundi le 11 août 1851

Je reste ici encore tout le jour la grande Duchesse me le demande. Hier soir elle est venue prendre son thé chez moi, elle m’a trouvée en tête-à-tête avec le Prince de Prusse qui venait d’arriver & qui est réparti ce matin pour Cologne à la rencontre du Roi. La conversation devenait intéressante. Il me racontait la duchesse d’Orléans qu'il a beaucoup vue à Londres. J'ai regretté de n’avoir pas pu reprendre sérieusement ce sujet. La grande duchesse est vive, animée. Nous somme restés à 3 à nous amuser & rire. Elle est vraiment charmante. Elle plairait bien à mon salon. Elle est allé dîner à Biberich aujourd’hui. Nous passerons la soirée ensemble, & demain nous partons en même temps elle pour Bade, moi pour Schlangenbad.
Je suis un peu fatiguée et la tête va toujours mal. Le Prince Gortchakoff a bien de l’esprit. Il passe son temps chez moi & m'apprend bien des choses. Comme il a envie de Paris ! Qui n’en a pas envie ? Vos lettres m’arrivent ici bien régulièrement à mon réveil. Je serai curieuse de celles que vous m'écrirez de Paris. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Francfort Dimanche 10 août 1851

Avant de quitter Schlangenbad. J’ai reçu votre lettre du 5, et ce matin ici, celle du 6. Voilà qui est bien, mais les perdues restent perdues. Je suis arrivée ici à 8 h. La grande Duchesse un quart d’heure après moi, et une minutes après j’étais dans ses bras, car c’est ainsi qu'elle m’a reçue. Aussi tendre, plus tendre qu'il y a 16 ans à Pétersbourg. J’ai eu un grand grand plaisir à la voir & la contempler. Elle est charmante. Une heure de conversation intime, toutes choses. Je n’ai retrouvé mon lit qu'à dix et demie. Ce qui est hors de mes habitudes. J'ai dormi un peu. Je passe la journée ici. Demain, je ne sais pas. Ma tête va toujours mal.
Brunnow a été appellé en toute hâte à Petersbourg. On me mande cela de Londres. Il est radieux. J’ignore tout-à-fait pourquoi on l’a fait venir. Mon ministre ici le Prince Gortchakoff qui a été huit ans secrétaire chez mon mari à Londres est un homme d'esprit et fort au courant. Il est content de l’Allemagne, les deux grandes puissances laissent de côté les questions politiques & ne songent dans ce moment qu'à la question sociale. Premier intérêt pour tous, & sur cela on s’entend à merveille, & on agit avec une merveilleuse activité. Je suis interrompue par des visites, & de peur d'accident je fermerai ma lettre. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Richmond Samedi le 19 août 1848
1 heure

Hélas, voilà mon fils parti ! J’en ai le cœur bien gros. Il l’a vu, et je crois qu'il en est touché. Il va à Bade, de là à Castelamane, & il veut revenir à Brighton à la fin de Novembre. Je n'ose y compter. Le temps est affeux. Tempête et pluie. Comme c’est triste quand on est triste et seule ! Pierre d’Aremberg m’est resté sur les bras hier pendant cinq heures, c’était long. Ce qu'il m’a dit de plus intéressant est la ferme croyance de son parti que dans trois mois Henri V sera en France, Roi. Nul doute dans son esprit et il est entré dans des détails qui m'ont assez frappée. Ce qui a donné de la valeur à ses propos, c'est que une heure après, j’ai vu Lady Palmerston à Kew, qui me dit avec étonnement qu'ils venaient de recevoir de Paris la confirmation de ce que leur disaient depuis quelques temps les lettres particulières que le parti légitimiste avait gagné énormément de terrain, et qu’il était presque hors de doute que le duc de Bordeaux serait roi, & sous peu. Après l’étonnement venait le plaisir. Evidemment le premier intérêt là est que la France redevienne une Monarchie. Enfin je vous redis Lady Palmerston, me donnant cela comme une nouvelle officielle du moins venant de source officielle. Son mari n’a pas paru du tout au dîner donné à G. de Beaumont. Il était retenu à la Chambre. Beaumont a été fort causant, cherchant à faire deviner qu’il n’était pas républicain du tout, et disant très haut qu'on l’était très peu en France. ça et là, quelques propos très monarchistes. On ne lui a pas trouvé la tournure d'un homme du grand monde. Mais convenable, l’air honnête. Tournure de littérateur. Il a bien mal parlé de Lamartine, Ledru Rollin & & D’Aremberg affirme positivement que la Duchesse d’Orléans a pris l’initiative à Frohedorff et qu’elle a écrit une lettre de sympathie, se référant à ce qu’elle avait toujours éprouvé pour eux, & demandant que dans une infortune commune ou confondue les douleurs, & les espérances, & la conduite. Il affirme.
Lady Palmerston très autrichienne disant que l’affaire est entre les mains de l’Autriche, qu'ils sont les maîtres. Espérant qu’ils se sépareront du milanais mais ne se reconnaissant aucun droit pour ce disposer contre le gré de l’Autriche. Impatiente de recevoir les réponses de Vienne. Inquiète de Naples. Mauvaise affaire pour Gouvernement anglais. Le Danemark, espoir, mais aucune certitude de l’arrangement. Toujours occupée du manifeste [?] qu'on trouve plus bête à [?] qu'on y pense. Voilà je crois tout. Je reçois ce matin une lettre de Lord Aberdeen pleure de chagrin de ce que vous ne venez plus. & puis beaucoup d’humeur des articles dans le Globe où Palmerston lui reproche son intimité avec vous. Comme je n’ai pas ce journal je n’ai pas lu.
J'oubliais que G. de Beaumont annonce une nouvelle bataille le dans les rues de Paris comme certaine. J'oublie aussi qu’il tient beaucoup au petit de avant son nom. Le prince Lichnovsky, (celui de Mad. de Talleyrand) est arrivé à Londres, on y arrive comme pendant à Lord Cowley à Francfort. Nothing more to tell you, excepté, que je trouve le temps bien long, bien triste, et qu’il me semble que vous devriez songer à me marquer le jour de votre retour. Depuis le 31 juillet déjà. C’est bien long ! Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Schlangenbad Dimanche 3 août 1851

Le temps est superbe, mais ma tête ne va pas bien. C’est long. Voilà huit ou dix jours que je suis comme cela. Savez-vous que c'est cette maudite question d’argent qui m'a mis dans cet état. Cette fameuse lettre de [Coutte]. niant le dépôt m’a été remise au moment où je sortais de mon bain. L'émotion a été grande. Très honteuse je le répète ; mais que faire. Je ne suis pas sublime. Au reste Ellice m'envoie une lettre de [Coutte] bien humble. Mauvaise affaire pour lui, mais sa tête ne lui fait pas mal comme la mienne. La poste n’arrive ici que dans l’après-midi à 4 heures je crois, et quel retard dans ces montagnes. Le facteur vient à pied.
Il y a ici un Ministre du Roi de Prusse M. de Westphalen. Je crois ministre de l’intérieur. Je ferais bien quelqu’avance mais je crois me souvenir qu'il a été question de lui tout dernière ment dans une complication ministérielle, et je ne veux pas me bruler les doigts. Le roi de Prusse sera à Stolzenfels le 16. Je n’espère ici personne, absolument. Cela me serait peut-être égal si je me portais bien.

Lundi 4 août. Un seul mot car je me lève tard j’ai pris médecin, je suis assez misérable. Hier Marion m’est revenue de bonne heure, elle était escorté de Richard Metternich & son cousin, radieuse, heureuse, adorée au Johannisberg, surtout pas le vieux prince. Il vit là une grande gloire. Toutes les puissances se courbent devant lui. Je suis bien aise qu'il ait ces jouissances-là. Adieu, adieu.
Vos lettres seront ma seule société ici. Adieu

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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308 Paris le 6 Novembre 1839, J’ai dîné hier chez les Appony, plus tard j’ai été chez Madame de Boigne. Elle est maintenant fixée ici. Rien ne m’a paru plus ridicule que la demi-heure que j’y ai passé. Il y avait M. de Sainte Beuve (dis-je bien ?). Les premières deux minutes il causait à voix basse avec M. Rossi, lorsque le chancelier est entré. Madame de Boigne sans lui dire bonjour ni bonsoir lui montre M. de Sainte- Beuve, et lui dit qu'il soutient les Jansénistes, depuis cet instant je n’ai plus entendu que Pascal Arnaud, Nicole, avec un flux de phrases, de sentences d'un côté et de l’autre à tel point qu’il a été impossible de dire un mot ou d’avoir une idée. Un fond, j'avais bien envie de rire. C'était une véritable exhibition je crois que c’est comme cela que l’entendaient ces messieurs. M. Rossi m’a plu, il n’a pas ouvert la bouche. Je l'aimerais tout-à-fait s'il pouvait savoir qu'il a trouvé cela aussi ridicule que moi, mais j’en doute. Quant aux enterlocuteurs je n'ai jamais vu des airs plus satisfaits, et lorsque je suis partie, car je suis partie au beau milieu d’une discussion superbe, je suis persuadée qu'ils se seront dit que j’étais confondue, c'est bien voir cela, mais pas tout-à-fait comme ils l’entendent. Savez-vous que c'est bien français ! Ne vous fâchez pas, d’autant plus que vous n’auriez pas fait cela. Dieu me garde du salon de Madame de Boigne, franchement je ne le trouve pas poli. Je voudrais avoir à vous dire mieux, mais il me semble qu’il n’y a rien. Montrond est venu hier matin, il m’a dit qu’il n'était pas content du roi ; que le roi lui paraissait trop faible ; qu’après avoir tant dit qu’il donnerait à Don Carlos ses passeports, il lui avait dit hier qu’il fallait attendre ; qu’il n’avait pas l'air de savoir ce que les ministres font mettre dans le Moniteur, que pour lui Montrond il était outré de l’im pertinence de leur masfeste en réponse aux Débats. Enfin Montrond hier était non seulemet opposition au ministère, mais opponsition au Roi. Molé a vu avec le Roi un long entretien

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Ems Dimanche le 27 juillet 1851

Une nuit blanche. Les nerfs de la tête agacés, courbatures générales, un feu de fièvre hier. Voilà les bénéfices de la lettre de [Coutte]. C'est bien ignoble d'être agitée & malade comme cela pour une question d'argent. I cannot help it. 10 000 £ de moins dans ma fortune je ne m'y accoutume pas. Ellice écrit à [Coutte] pour expliquer. J'affirme que le dépôt est chez lui, c’est ainsi sûr qu'il est sûr que je suis à Ems. Je l'ai remis cacheté, signé chez lui. Il m’en a donné reçu, ce reçu est mentionné dans mon testament. C'est sûr, parfaitement sûr. Sa réponse est laconique : il m’a rendu ce paquet avec tous les autres titres. Je dis que j’ai repris tous les autres titres moins celui-là. Et ma raison était simple. Un très gros paquet, inutile jusqu’en1858, et moi rentrant dans un pays de révolution. Enfin, je vous ennuie, j’ennuie tout le monde, et je suis honteuse. Si l’affaire ne s'éclaircit pas. (ce à quoi je ne vois pas de chance depuis la lettre de Coutts) je déclare que j’ai été volée dans la première maison d'Angleterre. Comment ai-je pu égarer le reçu ? C'est là où ma raison est en défaut. Moi si exacte, soigneuse de mes affaires.
La soirée s’est bien ressentie du départ de Marion, & de Duchâtel & de mes soucis. Nous proclamons tous Duchâtel le plus agréable homme du monde. Si gai, si en train, toujours en bonne humeur, & tant d'esprit tout prêt & tout naturel. Je le crois bien parfaitement égoïste, qu'est-ce que cela me fait ? Je ne suis pas de votre avis sur la fête à l’hôtel de ville. Comment voulez-vous qu'on reconnaisse autrement les politesses faites à vos commissaires industriels & & en Angleterre ? Et vos fêtes à vous sont cossues, magnifiques, et bien supérieures à celles d'Angleterre. Non, M. Berryer a raison. Je saurai à Francfort sans doute des nouvelles des affaires d'Allemagne. Ici je n’ai aucun moyen d’être bien renseignée.
J'ai une petite nièce ici bien gentille et jolie, une Princesse de Lieven mi ditto. Son mari a l'air bourru. Elle dit qu’il la fait rire, & elle l'aime beaucoup. 28 ans de plus qu’elle. Midi dans ce moment une nouvelle lettre de Coutte, m’informant qu’il a en sa possession mes titres. Ouf ! Mais voilà un banquier bien léger. Adieu. Adieu

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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301 Paris le 30 octobre 1839,

Je suis charmée qu'il fasse froid chez vous, que vous souffriez du froid dans votre maison, il me parait que je suis charmée de tous les petits maux qui peuvent vous arriver loin de moi. Voilà pour mon désintéressement.
M. Jaubert a demandé à me voir, je l'ai reçu. Il m’a plu. Il a d'abord une qualité à laquelle je suis particulièrement sensible, il est poli. Après cela il a parlé de toute chose avec mesure et convenance et esprit. Enfin il me semble qu'il me plaira chez moi presque autant qu'à la tribune, mais... pas souvent. Les boutiques le matin, la Princesse Saltykoff, plus tard. Lady Granville chez Lady Granville le soir. Voilà ma journée. Et je ne sais rien. M. Molé rentre en ville demain. J'ai encore des affaires ce matin, et probablement, pour le reste de la semaine, & puis il faut que je me repose. Miss Clarke me plaît toujours. Adieu, Adieu. On me dit que l’Impératrice va mieux. Adieu. Adieu. Bulwer n’est point venu hier je ne sais donc rien de plus.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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[?] and [?] La pauvre et chère reine m’est plus que jamais respectable & admirable à Claremont par la manière dont elle porte son malheur. Voilà la vraie chrétienne selon Dieu. De tous temps je me disais que si nous nous étions connues nous nous serions calmées et convenues ; envisageant la vie de famille et la vie sur cette terre de la même manière, nos cœurs, se seraient compris. La Duchesse d’Orléans est elle bien ou mal avec elle. Voilà par contre un caractère qui ne m’aurait jamais convenu." J'ai fait parvenir à Claremont par Montebello ce qu’elle me dit sur la Reine et que je trouve charmant.
Longue lettre de Constantin. Francfort défère à la Prusse, l’arrangement avec le Danemark mais il le fait avec des restrictions et des détails qui rendent l’œuvre difficile. Le Roi et l’archiduc se rencontrent aujourd’hui à Cologne. Le Roi étant chez lui cèdera le pas à l’archiduc. On ne se promet à Berlin rien de bon de l’entrevue. Le Comte Ernest Stakelberg que vous avez souvent vu chez moi est à Paris & a été chez Cavaignac. Très bien accueillie par lui. Qu’est-ce que cela veut dire je n'en sais rien. Mais évidemment nous nous rapprochons. Il est clair que si la France pense comme nous et l'Angleterre : sur le Danemark nous devons être être bien avec elle pour agir moralement avec elle. Que veut dire le paragraphe dans le National ou il est question du dernier ministre de la monarchie. Comment seriez-vous dans l’enquête ? Cette enquête va être une bien grosse affaire. Le parti de la rue de Poitiers semble bien déterminée à tout savoir. La Montagne se joint à ce parti là, car Louis Blanc & Caussidière aiment mieux avoir des camarades que rester seuls. Deux heures. Votre lettre d’hier m’arrive à l'instant ; Pas de réponse car elle ne me fournit rien. Votre rhume passe, j'en suis bien aise. N’allez pas imaginer de vous baigner dans la mer ; à nos âges cela est mauvais. Je vous prie ne faites rien de nouveau. Le Tolstoy de Paris est arrivé à Londres & me l’annonce. Je le verrai ici. Il sera assez mieux à entendre. Adieu. Adieu.
Voilà que le National m’est enlevé. Je découperai demain l’article dont je vous parle. Adieu. J’ai aussi une longue lettre de Hugel de Houzard vous l’aurez demain, je l'ai à peine lue. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Lundi 14 août.
Midi

J’ai vu hier Lord Palmerston à Holland House. Il ne savait pas si l’armistice était ou non une conséquence de la médiation commune. Les courriers n’étant partis de Paris que Mardi dernier. Il me parait que ce n’est pas eux qui ont pu décider. On bavardait beaucoup là hier. La Lombardie à la Toscane. Voilà l’idée générale, dans tout cela voyons le dernier mot de l'Autriche. L’article du Moniteur est fort important. Évidemment chez vous on veut la paix, et on compte encore sur notre bon vouloir pour la république. L'Allemagne fait le plus gros, des embarras. Kielmannsegge me disait encore hier que les têtes y sont tout-à-fait renversées. Vous voyez que la France aussi se mêle d’arranger l'affaire des Duchés. L’entente entre Paris et Londres embrasse sans doute toutes les questions en litige. Le Manifeste du Prince de Linange serait bien plus critiqué s’il ne serait pas du frère de la Reine. Mais avec cela même, on en parle avec grande désapprobation. Je n’ai rien lu de plus fou & de plus bête. On dit que Strockmer la croit, c’est impossible. Il a plus d'esprit que cela.
Voilà de la pluie à verse. Quel climat, quelle tristesse. Comment iront les bains de mer avec cette pluie ? Et puis vous viendrez me dire qu'on n’a pas pu prendre les bains, qu'il faut donc prolonger. Je n’accepterai pas cela. Voilà votre lettre. Seul plaisir, seule ressource. Mais quand viendra le temps où nous ne songerons plus aux ressources ?
J'ai rencontré hier Dumon aussi à Holland house. Il songe beaucoup à s’établir à Brighton le mois prochain pour la mauvaise saison. Aggy va un peu mieux. Elle m’a écrit elle même. Je ne donne pas encore de rendez-vous à Pierre d’Aremberg car je n'ai rien décidé sur Tunbridge. J'attends toujours pour un appartement. Adieu, adieu. Comme c’est long.
Voici mes réponses de Tunbridge Wells. Pas d'appartement du tout. Tout est pris. Je reste donc ici. Cela va faire plaisir à Montebello, il est bien accoutumé à mon bavardage. 

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Ems le 23 Juillet 1851

J’ai été vraiment malade hier. J'ai laissé mon monde dans le salon & j’ai été me coucher ma nuit a été bonne & me revoilà sur jambes ce matin. Le temps est charmant. Les lettres de Paris disent que le rôle de Changarnier a révolté la chambre, se mettre avec Thiers & la Montagne contre ce qui est le voeu du pays & de la majorité ! Quelle conduite. Broglie en grande admiration du discours de Berryer et converti par son raisonnement. Les aînés valent mieux que les cadets. Vous dit-on cela aussi ?
Ellice va arriver. Marion part Samedi avec Duchatel. Les Metternich l'envoient chercher à Bingen. Ils l’attendent avec impatience. J'ai ici un neveu qui est bête et sa femme qu’on dit un peu jolie. Je verrai cela. demain. Je réponds au petit cousin. Je vous envoie la partie de sa lettre qui me plait tant. Je suis sure qu’elle vous plaira aussi. Vous me la renverrez. Adieu. Il fait très chaud aujourd’hui cela me convient. Adieu

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Ems le 21 Juillet 1851 Lundi

Voilà donc le vote ! Il me paraît d’après une analyse très succincte dans l’Indépendance que [Odilon] Barrot a fort bien parlé. Je n’ai pas encore vu Duchâtel ce matin je verrai ce qu'il dit. Le Prince George est venu nous dire adieu hier soir. Nous le regrettons tous. Il va à Trouville il y passera tout le mois d’août. Il espère vous y rencontrer. Je suppose que vous y irez comme de coutume au moins un moment. Ne manquez pas d'aller le chercher & soyez aimable pour lui. Il est très embarrassé, mais il est intelligent et fort désireux d’apprendre. Duchatel est vraiment très agréable. Toujours en train. Il fait un petit doigt de cour à la duchesse d'Istrie et cela va très bien.
Le duc de Richelieu hait à mort M. d’Haubersaert, il se tient donc à l'écart, mais comme celui-ci part il nous reviendra. Il ne vaut pas le partant. L'air est charmant aujourd'hui presque chaud ; enfin ! On m'écrit de Londres (Lady Allen) que Narvaez avait demandé à être présenté à la Reine en audience, elle a refusé, & on lui a proposé de rencontrer la reine à l’exposition ce qu'il a à son tour refusé indignantly, à la suite de quoi il a été prié au concert à la cour où il s’est montré triomphant. Voilà tout ce que je sais.
Le parlement va être prorogé. Je crois qu'il est très possible que nous voyons Ellice arriver ici demain ou après-demain. Mes Russes viennent peu chez moi. Ils ont une quantité de femmes et d'enfants. Adieu. Je dîne aujourd’hui avec toute ma société dans une maison je ne sais quelle. Adieu. Adieu.

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Paris Dimanche 11 Novembre 1849

Hier une longue visite du chancelier. Fort cajoleur pour moi ; mais ne vous nomment pas. Il a aimé & servi tout les régimes. Il n’aime et ne sert plus rien. Il ne croit à rien. Il est très dur pour le Roi & sa race. La chute a été trop honteuse. Au fond la tête du roi était en décadence depuis l'année 41. J'ai manqué Molé hier il est venu trop tôt. Je n'étais pas rentrée. Je le regrette, je lui aurais recommandé ce que je vous ai prié de dire à Broglie à propos de lord Lansdown, du langage à lui tenir. Toute ma soirée a été prise par Kisselef. Nous sommes mutuellement contents l’un de l’autre. Mais il n’est pas tout-à-fait content du reste. Le décousu & les contradictions sont insupportables. On me confirme ce que vous dites de la mauvaise humeur & même de la violence de langage de Thiers. Ni lui, ni Molé n'ont revu le président depuis le message. La femme de Normanby se soutient à l’Elysée On y est ou on redevient très Anglais. C’est mal connaître son intérêt. Hübner est venu le matin ainsi causer longtemps avec moi. Il est positive ment très spirituel. La proclamation de Carlier met en fureur le National. C'est la guerre civile une moitié de la société en lutte avec l’autre, & c’est le gouvernement qui proclame cela ! Voilà le langage. Il finit cependant en recommandant de se tenir tranquille. C’est tout ce qu'il me faut. [...] J’espère que vous avez conservé votre bonne mine anglaise.
Midi 1/2 Je rentre de l'église & j'ai trouvé de vos nouvelles verbales, dont je suis très contente. Adieu. Adieu. Adieu. Quel plaisir de penser au plaisir de cette semaine !

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Paris le 14 Novembre 1849

Voici votre lettre, & voici encore la mienne puisque vous m'ordonnez de vous écrire. Mais c’est bien la dernière. Que j'aurai de choses à vous dire. Hier tout le monde était charmé du verdict de Versailles, bon correctif à l'amnistie de la veille qui n’a pas fait grand plaisir dans le monde de la majorité. Le duc de Broglie m’a fait une longue visite hier. Je ne le trouve pas si désespéré, mais je lui en demande pardon c'est un suprême [?]. Il avait vu longtemps Lord Lansdowne, il ne m’a pas raconté ce qu'il lui avait dit mais il lui a parlé de Lord Palmerston comme il en pense. Broglie a chassé Kisselef qui était en train de me raconter sa matinée. Il avait été chez le président je crois que cela a été vif ; on n’aboutit à rien ici. J'ai été le soir passer une demi-heure chez Molé. Très curieux salon, pour moi, qui n'ai jamais été dans un salon politique à Paris. Rien que des députés, Molé resplendit. Il était très flatté de mon apparition. Cela a bon air chez lui, grand [?] et facile. Il m’a présenté M. de Montalembert l’extérieur n’est pas brillant. La conversation bonne, un peu tranchante, cassante, mais ses bons principes couvrent tout. Il y avait là aussi Larochejaquelin. J'ai causé un moment avec Changarnier, je ne l'ai pas bien compris quand il m’a dit qu’on entrevoyait quelque chose derrière le rideau. Broglie était là aussi, une foule d’hommes, en femme pas une, excepté Mad. de Hatzfeld. Il est vrai que je me retire de bonne heure.
A entre 7 et 8.
Adieu. Adieu.

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Ems le 18 juillet 1851 Vendredi

Grand émoi hier. Marion avait reçu un jeune Monsieur envoyé par le Prince Metternich pour l’escorter au Johannisberg. Il apportait une lettre de la fille du Prince. Sotte petite lettre. Le jeune homme veut qu’elle parte de suite la faire coucher à Coblence. Marion dit oui à tout, seulement elle attend que je rentre. J’étais chez les Belges. J’ai trouvé tout cela bien leste. Pas un mot du reste des parents, pas un mot à moi. Un inconnu, des cheveux blonds, très jeune. Cela ne va pas. J’ai refusé. J'ai fait comprendre à Marion qu’il fallait la traiter avec plus d'égards, et puis je ne sais pas quand on me la rendrait. Je trouverai moyen de lui faire faire une visite au Johannisberg quand je serai à Schlangenbad, cela n'est pas loin.
Aujourd’hui j’envoie Marion à Stolzenfels avec la duchesse d'Istrie, Duchâtel & d’Haubersaert. Tout cela était hier ici et le duc de Richelieu, [Bouteneff] et Beroldingen. Je garde un grave quelconque pour le piquet les autres jouent à ce qu’ils veulent, à 9 1/4 je les renvoie tous. Le prince George n’a pas où monter chez moi hier il avait un frac coupé en rond, il a eu peur de moi. C’est trop.
L'indépendance me donne bien vite les nouvelles de la Chambre. Je vois que Berryer a fait un superbe discours. Jusqu’ici tout cela va si tranquillement que je nous trouve très sots d’y avoir attaché. quelque importance. Je fais ici quelques connaissances. Des Prussiens & Prussiennes appartenant à la cour. Le roi sera probablement à Stolzenfels le 15 août. La Princesse de Prusse revient à Coblence dans huit jours.
Adieu votre solitude & mon éloignement ne nous donnent pas beaucoup de sujets à traiter. Vous me direz cependant votre opinion des discours & de l'ensemble de la discussion. J’ai écrit hier au duc de Noailles. Charles Greville me dit que le rising [?] est Lord Granville. Grande popularité & talent à la Chambre des Pairs. Le ministère est très solide. Adieu. Adieu.

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Schlangenbad le 19 août 1851 Mardi

La nouvelle de cet empire est la visite faite hier par le roi de Prusse au Johannisberg. Il s’y est arrêté une demi heure en se rendant de Stolzenfels à Mayence. Je suis charmée que le Prince Metternich ait eu cette petite satisfaction mais voilà le roi aussi compromis que possible vis-à-vis des libéraux. La journée a été bien froide & pluvieuse, je n’ai pu sortir qu’en voiture fermée.
Montebello me mande les couches de sa femme & ses inquiétudes. Vous ne m'en avez rien dit. Peut-être au reste cela s'est-il passé depuis votre départ de Paris. Il a l'air bien tracassé de la santé de sa femme. Le 20. Mauvaise nuit, ma tête, mon estomac, ma langue tout va mal. Triste, voyage.
Ce sera curieux de revoir en son temps les acteurs revenir à Paris, & Changarnier sur tout. Que de pitoyables. manœuvres. Quelle pauvre figure he cults. Je reviens à Aberdeen. Il faut absolument que vous lui fassiez sentir la lourde faute qu'il a commise en permettant à M. Gladstone de lui adresser de pareilles diatribes. C’est vraiment honteux. Il devrait faire quelque chose pour se relever de là. Mais Je me rabache. Adieu. Adieu.
La duchesse de Hamilton femme douce & sensée, connaît beaucoup le Président. Elle parle de lui très bien elle vante son esprit, son bon sens, son bon cœur, bon gout. Elle dit tout cela très simplement. Adieu encore adieu. Je vous écrirai encore demain à Paris. Donnez ordre là où vous envoyer ma lettre. à Londres.

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Paris le 3 septembre 1851

J’ai vu hier encore La Redorte, convaincu qu’il n’y aura pas de coup d'État. Il cause souvent avec le Président. Il le trouve perplexe, incertain. Le langage officiel est la pleine confiance. Montebello s’est rencontré chez moi avec La Redorte, il a dit que la seule conduite, bonne efficace était de se rapprocher des hommes conservateurs de s’aboucher avec eux. De convenir de ses faits chacun de son côté. Des promesses de Gentleman. & le Président peut jouer un rôle bien utile, bien grand. La Redorte a assenti, mais il dit que cela ne se traite ni ne s’entame même par intermédiaire. Pour son compte, il s’est refusé à rien dire. Le soir j’ai vu tous les diplomates. Hatzfeld, Kisseleff, Antonini, Hubner, revenu de la veille. Berryer revenu hier matin & repartant aujourd’hui. Il avait passé deux jours chez le duc de Lévis. Il croit qu’il ira pour quelques jours à Frohsdorff bientôt peut-être, il veut voir le comte de Chambord avant la réunion de l’Assemblée.
Le journal des Débats de hier fait beaucoup de bruit. On le trouve habile mais enfin il est Joinvilliste et il admet qu'il pourrait même être Président. Ceci ne s’accorde guère avec ce que vous me dites ce matin. Montebello a causé longtemps hier avec Changarnier. Celui-ci persiste à vouloir être porté. Il croit à son temps et tout au moins à la division des forces entre le président et Joinville. & si lui Changarnier obtenait relativement assez de vous pour être dans les cinq, et bien l’Assemblée le nomme. Il se fait dans ce moment ardent fusionniste plus qu’il ne l'a jamais été !
Voilà ! Je crois que je vais mieux hier soir ne m’a pas trop fatiguée quoiqu'on m’ait retenu jusqu'à 10 1/2. J'ai une lettre de 8 pages de Lord Aberdeen, pleine de pauvres raisons, je vous l'enverrai ou la copie. Je l’ai donnée à Antonini. Adieu. Adieu.

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Ems le 16 juillet 1851

Comme de raison je n'ai rien eu aujourd’hui. Vous vous éloigniez. Qu’est-ce qu’un Baron de Renduff qui dit qu’il était ministre du Portugal à Paris à l’époque de la Révolution ? Il tombe chez moi comme une bouche hier soir. Je dis que je ne le connais pas. Duchâtel lui dit la même chose. Il reste un peu, & puis il part et quand il a été parti, il nous est venu un souvenir vague de l’avoir vu.
Nous nous sommes amusés au piquet, au lansquenet à des bêtises, à 9 heures je renvoie tout le monde.
J’ai l’esprit un peu tourmenté sur Paris. Attendu que je n'ai point pris de robes, je crois qu'il arrivera là des choses qui m’empêcheront d’y retourner, excellente raison n'est-ce pas ? Parlez-moi raison je vous prie afin que je sois rassurée.
J’avais passé chez Mad. d’Ust. Elle vient de me rendre ma visite, c'est une aimable personne tout à fait. Elle était accompagnée d'un vieux général. J’irais voir la petite princesse. Je suis bien aise de faire des politesses au roi Léopold. M. van Praet a été parfaitement poli pour moi. Jamais je n'oublierai cette belle et bonne voiture qui m’a conduit à Cologne.
Je ne vous ai pas parlé de ma santé encore. Cela ne va pas si bien que l’année dernière, j’ai un an de plus. Le temps aussi est exécrable. Adieu. Adieu, vous êtes donc seul au Val-Richer ? Je ne vous conçois pas tout-à-fait seul. Adieu.

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Boulogne Mercredi 17 octobre 2 heures

Me voici débarquée depuis une heure. Affreuse traversée tout le monde malade, moi compris. Je suis trop fatiguée pour poursuivre. Je n’irai à Paris que demain. Madame de Caraman & le Duc Kolb m’accompagnent tous deux très utiles. Je trouve ici de singulières nouvelles. Rupture entre le président et la majorité. A propos de Rome ! Hier matin j’ai encore vu du monde à Londres. La grande duchesse Stéphanie entre autres arrivée la nuit d’Allemagne. Elle était descendue au Clarendon. Bonne femme pas beaucoup d’esprit, et pas beaucoup princesse. La fille l’est davantage. Flahaut, Morny. Il se peut que Flahaut vienne à Paris. G. Delassort arrivé la veille. Assez noir sur son pays. Mon fils m’a établie au chemin de fer. Le raisonnement inquiétant de Brunnow est celui-ci. Quand on saura à Constantinople l'explosion dans les journaux anglais à la protection du gouvernement. Les Turcs ne deviendront insolents. Nous rappellerons notre ministre. L'Angleterre sera cause de tout ce qui peut s'en suivre. L’Empereur ne peut pas céder, on aurait pu le fléchir, mais c'est aux Turcs seuls à s’adresser à lui. En compagnie ils n'obtiendront rien.
Adieu. Adieu, je suis encore trop malade de la traversée pour savoir ce que je pense en me retrouvant en France. Je suis bewildered. Adieu. Adieu. Adieu. Voici votre lettre. Les Holland sont à Paris.

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Richmond vendredi le 28 sept. 1849

M Achille Fould est venu me voir, je ne sais trop pourquoi. Sa conversation m’a intéressée. Il a de l'esprit, & il n'y a rien d’exagéré dans ses idées ni son langage. Espérant, désirant autre chose comme tout le monde. En voyant pas trop comment on pourrait s'y prendre pour y arriver. Le parti conservateur mais seulement tant qu'il a peur. Le jour où l’on n’aurait plus peur, chacun voudra tirer de son côté. Croyant aux charmes de Louis Napoléon plutôt qu’à tout autre. croyant aussi que la président pour 10 ans est une question sur la quelle tout le monde pourrait s’entendre. Mais même pour cela il faudrait un homme de courage pour le proposer. Il n’est amoureux ni de M. Dufaure, ni de M. de Falloux. Il dit de celle-ci, un doctrinaire et un jésuite. De l’autre, il travaille pour Cavaignac. Disant beaucoup de bien du prince. Approuvant toutes ses fautes, parce qu’en définitive elles lui profitent toutes. Il a passé deux heures hier avec le Roi. Pas l’idée de rapprochement entre les 2 Bourbons. Au contraire, le roi se plaignant que la branche aîné ne fait rien pour cela et répétant que l’initiative ne saurait être prise par la cadette. Les princes sont en Ecosse à la chasse. Les Nemours ne sont pas revenus d'Allemagne. M. Fould serait fâché que M. Molé entrât, il doit se réserver pour un meilleur moment. Mais il sait qu’il en a envie, quant à Thiers ce ne serait pas une acquisition. On n'a pas confiance en lui, ni aucune considération pour lui.
Il m’a parlé de vous, de ce que dans un an ou deux vous deviez nécessairement vous retrouver l’homme important, le seul. Qu’en attendant il valait bien mieux pour vous et pour cet avenir ne pas faire partie de l'assemblée. On a accusé le parti conservateur de n’avoir pas poussé à votre élection. C'était par amour pour vous. J’ai dit ici. On a repoussé. Et c'est là ce qui a étonné tout le monde. Il a équivoqué des interrogations sur ce que vous allez faire. Rien, il reste tranquille chez lui. Il écrit. Parce qu'il a besoin d'écrire. Une grande honte pour notre pays. Et puis si vous viendriez à Paris. Je ne sais pas, peut être. Il n’est pas prévu. Voilà à peu près tout.
Samedi le 29. Flahaut a été voir le roi hier. Il l'a trouvé bavard, mécontent de tout le monde. N’aimant que l'Angleterre. Et décidé à mourir ici ; même à Claremont, ce qui véritablement n’arrange pas la cour. Mais dit Flahaut "Le roi a raison de penser à lui même." Voilà donc le manifeste du Pape. Que ferez-vous ? 1 heure. Vous avez donc eu mes lettres, me voilà rassurée. Ce que vous me répondez est triste. Pauvre pays. Petits hommes ! Adieu. Adieu. Bien vite. Je suis en retard aujourd’hui, mauvaise nuit, levée tard. Adieu

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Ems le 21 Juillet 1850

Le Prince Paul est revenu hier de Francfort. Il y a vu la duchesse de Kent qui lui a dit positive ment : "le ministère ne durera pas, c’est impossible, la reine me l'écrit." Je vous livre texte et auteur. Le Prince Emile me disait avant hier que pour le moment tout est rompu entre l’Autriche et la Prusse, mais cela n'inquiète personne. L’affaire du Danemark est assez embrouillée. C'est pour nous obéir et nous plaire que la Prusse a conclu la paix avec le Danemark au nom de l’Allemagne, maintenant il faut que les états allemands ratifient. Or, c’est une affaire très nationale & qui pique l'honneur allemand. L’Autriche est charmée que la Prusse ne soit un peu dépopulaire par là, et elle refuse de son côté de ratifier, pour se populariser à son tour. Nous allons nous fâcher contre l’Autriche. Voyez quelle confusion ! Notre flotte est là, mais il n’y a pas de troupes à bord.
Le mauvais temps continue. Je fais cependant mes promenades en voiture. A présent avec Constantin. Il a des récits curieux à me faire impossible de les écrire. On commence à Ems à être un peu trop curieux de me voir. Comme je ne vais jamais ni dans la promenade, ni dans le salon, on se fait présenter chez moi, & je commence à être très ennuyée de cela. Hier j’ai été d'une impolitesse remarquable même pour moi. Aujourd’hui je fais dire non aux gens qui demandent à venir. Ce que je vois habituellement c’est les petites princesses de Beauvale et la Duchesse d'Istrie. Le duc de Saxe Meneingen & Rothschild. A présent Paul de Wurtemberg for ever. Mais il ne m'ennuie pas. J'oublie ma princesse régnante, mais celle-là me fait rire à force de modestie & d'ignorance, et de bonne volonté !
Adieu, je suis fâchée de vous faire de si pauvres lettres. Je ne pêche rien dans le salon. Pensez-vous encore à votre projet de visite au Rhin ? Ou bien l'avez-vous abandonnée ? Répondez-moi, & si vous disiez oui, dites en un mot à Lord Aberdeen, en lui disant vos dates. Moi je reste ici jusqu'au 7. Le 8 je pars. Adieu. Adieu.

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Paris Samedi le 25 octobre

Encore beaucoup de monde hier soir. Vitet, Noailles, le Chancelier, Albert de Broglie, Salvandy, Fould, et la diplomatie. Le chancelier est en grandes éloges de Fould. Il a raison. Sa conduite et son langage sont excellents. Le ministère ne se fait pas, il n’y a pas moyen à moins d'une transaction, peut-être le Président cèdera-t-il un peu. Mais dans ce cas il fallait vous céder à vous, et vous restiez. Mais peut-être le Président était-il bien aise d'un prétexte pour nous chasser. Fould croit à présent que le message sera porté le 4 novembre, seulement il faut que soit proposé un seul ministre comme l’a été le duc de Wellington pendant 3 semaines l’année 34. Fould a trouvé l’expédient bon, on cherchera un duc de Wellington ! Enfin, on a ri.
On parle beaucoup de ce que fera, ou de ce que devrait faire Claremont, vis-à-vis de Frohsdorf. Ils sont capables de se déshonorer. On avait pensé à faire aller, Montebello à Claremont pour rappeler les devoirs de convenance on y a renoncé. Il se croit sûr que tout se fera bien, & spontanément. & que son apparition y aurait [nui]. D’ailleurs depuis les lettres du Times, vos amis sont englobés dans l’extrême colère qu’il y a contre vous à Claremont.
Duchâtel est chez lui faisant ses vendanges. Il viendra probablement du 15 au 20 novembre. Marion a été chez les Thiers tard hier soir. Elle a trouvé le salon triste, Thiers inquiet de lui- même. Le gosier, la langue embarrassés. On dit là tout est bien mauvais mais on s’en tirera, et on finira bien on se moque un peu là de l’importance & de la satisfaction de Changarnier.
Je ne trouve pas le duc de Noailles radieux. Il est agité, occupé de temps à autre passioné. Tout cela restera stérile. Je crois au succès du Président malgré ses fautes. Le Président croit à la platitude de l’Assemblée. Mais il désire peut être qu’elle résiste cela avancerait son affaire. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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187 Samedi 2 mars 1839

Mercredi seulement. Que c’est long ! je m'afflige, mais je ne me plains pas. Je ne suis pas inquiète comme vous le dites. Mais cela me fait beaucoup de peine. Cela vous ne vous en plaindrez pas ? Oui le 4 ! C’est horrible, mais je ne puis ni en parler ni en écrire.
J’ai eu une lettre de Paul hier. L’Empereur a envoyé de suite à Londres le comte Strogonnoff pour remplacer mon fils pendant le voyage qu'il va faire en Russie. Il lui enjoint de venir de suite attendu qu’'il désire le voir. Paul ne veut pas aller dans ce moment, sa santé ne va pas à un voyage rapide dans la rude saison. Il ira dans quatre semaines on trouvera cela étrange, il fallait courir ventre à terre dès le lendemain ! Voilà comme on est chez nous. J’ai eu ma lettre de mon frère ce matin ; il avait reçu mes deux lettres. Celle de reproche et l’autre écrite après la mort de mon mari. La sienne contient que des hélas et des reproches sur ce que je ne veux pas vivre en Russie. Voici le lieu de lui dire une fois pour toutes pourquoi je n’y veux pas vivre et que je n’y retournerai jamais. Je vous montrerai cette lettre, je ne l’enverrai qu'après vous l’avoir lue.
J’ai vu hier matin chez moi la comtesse Appony. J’ai fait le plus agréable dîner possible chez Lady William Bentinck, elle, son mari et Lord Harry Vane, voilà tout. Très anglais, très confortable, j’ai eu presque de la gaieté. Le soir chez moi, mon ambassadeur, celui d’Autriche, Fagel, M. de Stackelberg & le Prince Waisensky. Don Carlos a retiré sa proclamation contre Maroto. Après l’avoir déclaré traître, il approuve tous ses actes, lui rend le commandement. Enfin, c’est une confusion plus grande que jamais, et mes ambassadeurs disent que ce qu'il y a de mieux à faire est d’abandonner complètement Don Carlos et le principe. Les princes gâtent le principe.
Lord Everington vient d'être nommé vice roi d’Irlande, c'est un très grand radical, un homme d’esprit, membre distingué de la chambre basse, et très grand seigneur quand son père Lord Forteseme mourra. Je vous conterai comment un jour il est resté caché pendant deux heures dans les rideaux de mon lit ! J’ajoute, puisque vous êtes si loin ; que c’est mon mari qui l'y avait caché. Vous feriez d’étranges spéculations si je ne vous disais pas cela. Et ce n’était pas cache cache.
Le petit copiste est venu. Il a commencé aujourd’hui. Cela va très bien. Les ambassadeurs avaient vu M. Molé hier. Les nouvelles sur les élections sont d’heure en heure meilleures pour les ministres. Vous avez bien fait de n'être pas allé à Rouen, mais vous faites très mal d'avoir du rhumatisme. Je vous le disais lorsque vous êtes parti, j’étais sure que vous alliez prendre froid. Faites-vous bien frotter au moins Adieu. Adieu, il faut donc encore écrire demain et lundi. What a bore ! Adieu. Adieu.

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Richmond Dimanche le 7 octobre

Metternich ne peut pas croire que cela devienne la guerre. Il croit que la Turquie aura cédé moi, j’ai peur que non, et comme je ne puis concevoir que l'Empereur se rétracte s’il est vrai qu'il a dit, extradition ou guerre, il y aura la guerre. L’incertitude durera encore près de 3 semaines de Pétersbourg doit venir tout. Je n’ai pas vu encore John Russell, il n’est revenu d' Osborne que cette nuit. Je le verrai aujourd’hui. Sa femme est venue chez-moi, très vive. Le Globe est d'une insolence sans égale. Il appelle l'Empereur insane. je ne me fais au fond pas une idée bien claire de toute cette affaire. On la fait bien grosse ici. L’est-elle vraiment autant ? Tout est énigme. D'un côté Sturnier et Titoff agissent comme un seul homme. D’un autre côté comment. admettre que l’Autriche s'associe à nous pour aboutir peut être à la destruction de l'Empire Ottoman ? A Vienne personne n’est inquiet, on ne parle pas même de l'incident. Les l’étourderie ave laquelle on a engagé l’affaire de Rome c’est Toqueville qui rit. Les Palmerston restent à [?] chez L. Baauvale. On m'écit en confidence qu’ils ne peuvent pas rentrer chez eux. Ils seraient pour suivis, saisis pour dettes. Quelle situation ! Le 8 Longue conversation avec Lord John. Toute l’histoire telle que vous la connaissez. La porte ne refuse ni n'accorde. Elle attend les suites de l’envoi de Fuat Effendi. (mais lui permettra-t-on de passer la frontière ). Strattford Canning se vante de n’avoir pas voulu voir nos ministres, il regarde cela comme son devoir. Plaisant médiateur, et il appelle cela faire son devoir. Lord John est convenu que c’était singulier. Peut être ancienne rancune Et vous acceptez les conséquence de cette rancune ? Il a ri. La dépêche pour [Pétersbourg] n'est pas encore partie. Elle a été revue par tout le cabinet. Aucun ordre n’a encore été donné a L'amiral Parker. Mais à propos. On ordonne à Parker d’aller s’emparer de 2 petites îles voisines de 7 îles, en possession du Gouvernement grec. Mais on croit que le gouvernement n’a pas le droit de les posséder. On va donc les lui prendre. C’est impayable. fonds à Paris et à Londres ne se sont guère émus. Et cependant le langage ici dans tous les partis, dans tous les journaux est aussi menaçant que possible. Je suis curieuse de la conversation de Lord John. Voici un bout de lettre de Beauvale qui vous regarde. Il a bien de l’esprit. J'ai eu hier à dîner Lady Allice qui est venue passer quelques jours avec moi. Mad. de Caraman, lord Chelsea & Bulwer. Je n’avais pas vu celui-ci depuis 4 mois, il est près de son départ pour l'Amérique, pas très pressé pour son compte. Il revient de Paris, il a beaucoup causé avec M. de Toqueville. Il me le donne pour un homme de beaucoup d’esprit. Il rit de l’étourderie ave laquelle on a engagé l’affaire de Rome. C’est Toqueville qui rit. Les Palmerston restent à [?] chez L. Baauvale. On m'écit en confidence qu’ils ne peuvent pas rentrer chez eux. Ils seraient pour suivis, saisis pour dettes. Quelle situation ! Le 8 Longue conversation avec Lord John. Toute l’histoire telle que vous la connaissez. La porte ne refuse ni n'accorde. Elle attend les suites de l’envoi de Fuat Effendi. (mais lui pemettra-t-on de passer la frontière ). Strattford Canning se vante de n’avoir pas voulu voir nos ministres, il regarde cela comme son devoir. Plaisant médiateur, et il appelle cela faire son devoir. Lord John est convenu que c’était singulier. Peut être ancienne rancune Et vous acceptez les conséquence de cette rancune ? Il a ri. La dépêche pour [Pétersbourg] n'est pas encore partie. Elle a été revue par tout le cabinet. Aucun ordre n’a encore été donné à l'amiral Parker. Mais à propos. On ordonne à Parker d’aller s’emparer de 2 petites îles voisines de 7 îles, en possession du Gouvernement grec. Mais on croit que le gouvernement n’a pas le droit de les posséder. On va donc les lui prendre. C’est impayable. Mes pauvres yeux m'empêchent de vous donner le [?] de cette curieuse conversation. Au total j’ai trouvé l'humeur plus douce qu’elle n'était dans le billet, des plaisanteries sur Palmerston, mêlé de défiance. De l'espoir que l’affaire s'arrangera. Un peu de peur cependant. Enfin mélange. Pas le langage d'un premier ministre. Voici votre lettre de Vendredi. Celle de samedi viendra plus tard. Vous voyez que vous faites bien d'écrire tous les jours. Adieu. Adieu.
Nous n'avons par dit livrez-les ou la guerre. Au contraire les termes sont très convenables. [?]

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Paris le 8 octobre 1851

J’ai trouvé Molé très bien de santé & imperturbable dans son opinion : que si le Président ne fait rien, il est perdu. Et il est très parfaitement pour le Président. Les articles de l'Union, l’Opinion publique & le Messager édifient sur la candidature Changarnier. Il a refusé de voter contre la [proposition] Creton. On a négocié l’abstention, & je ne sais si l'union s’en contente. Je ne crois pas jusqu’à présent. J’ai vu hier soir beaucoup de monde. & Fould & le duc de Noailles entre autres. Celui-ci aussi grognon & muet qu'il sait l’être. Très insupportable. On fait mieux de rester chez soi. Nous nous sommes querellés sur la lettre du Duc de Nemours. Lui trouve pitoyable qu’un Prince écrive à un journaliste. C’est peut être vrai, mais le genre admis, je trouve la lettre excellente, moins l’hospitalité.
Fould avait comme toujours l'air confiant & gai. Nous sommes restés cinq minutes seuls il était tard. Voici les seules paroles : faire de l'ordre à outrance. Les rouges attendent et espèrent tout des divisions. L'assemblée ne sera pas écoutée, elle est mourante. Mais le Président, il a la puissance, la force. On lui conseille beaucoup d'agir Fould n’est pas de cet avis, cependant ceci ne m’a pas paru définitif.
Mad. de l’Aigle qui revient d'Angleterre a beaucoup vu la famille royale. La reine très fusionniste, mais sans aucune autorité, les princes mal entre eux. Les jeunes disant devant Nemours, si nous avions été à Paris la monarchie ne serait pas touchée. Mad. Joinville mal avec Mad. de Nemours. La première très ambitieuse & gouvernant beaucoup son mari. La reine veut finir dans un couvent.

2 heures le duc de Noailles sort d'ici très content de Carni, il voudrait bien qu’on le prit au journal [Assemblée] nationale. Très content de vos conseils, ce qu’était aussi extrêmement M. Molé à qui j’ai montré hier votre lettre. Soutenir le président. Rester gouvernemental en attendant qu'on puisse faire la Monarchie. L’air est au coup d’état, cela revient de plusieurs bons côtés. Je ne puis plus aller. Mon pauvre Alexandre on lui refuse le passeport et on l’invite à aller au Caucase ! De l’ironie par dessus le marché. Adieu. Adieu.

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225. Baden Vendredi 26 juillet 1839 9 heures

J’ai eu une fort mauvaise nuit au fond je ne crois pas qu’il m'arrive de jamais bien dormir ou bien manger à Baden. Je ne sais pas pourquoi j’y reste et j ne sais comment je ferai pour en partir si ma faiblesse augmente. Ensuite l'ennui, la crainte de voyager seule. Car c’est à présent que je vais être bien seule, pas même Marie. Je n’ai aucun projet quelconque ; j’attends. Je vois couler le temps. Je n'ai jamais été si indécise, si flottante qu'aujourd'hui. La seule chose fixe est Paris plutôt ou plus tard c.a. d. Septembre ou Novembre et plutôt le premier.
J’ai trouvé un mot dans votre avant dernière lettre qui m’a fait battre le cœur. Vous avez songé à venir à Baden ! Un seul instant cette idée ou ce désir vous est venu. Et moi je me suis dit. S'il venait, s'il pouvait venir, pourquoi ne pourrait-il pas venir ? Pendant quelques jours je revenais à cela sans cesse. C’est peut être dans le même temps que vous y rêviez aussi. Rêve, rêve, rien que rêve pour tout ce qui est bonheur !
Je suis fâchée de vous avoir remis vos lettres. Il y en a que j'aimerais tant à relire. Celles où vous me parlez de votre foi en Dieu ; de votre foi à l'éternité. Celles où vous me dites que je reverrai ce que j’ai tant aimé ! Ah comme j'y pense, quelle douceur de penser à cela d’y croire. Dites-moi bien d’y croire.
Il a plu hier tout le jour. Cela ne m’a pas empêchée de faire ma promenade. M. de Malzahn est encore venu trois fois prendre congé de moi, j’ai cru que cela irait jusqu'à l’année prochaine. Enfin il est bien parti. C’est dommage, je pouvais causer avec lui.

2 heures
Le médecin a voulu absolument que je recommençasse des bains ; je m’y prête encore plutôt par ennui que par conviction des bains presque froids, ils me plaisent comme sensation, mais nous verrons s'ils me conviennent.

5 heures
Merci de votre lettre 225. Je la reçois dans cet instant. Je viens d'en recevoir une aussi de Pahlen l’ambassadeur. Mon frère lui a dit que j’aurais 90 milles francs de rente avec ce que j'ai d'abord il ne sait pas ce que j’ai et je voudrais bien voir comment il arrivera à cette somme. Savez-vous ce qu’est mon frère, un peu hâbleur. Est-ce un mot dont on ne sert ? et puis c'est un homme qui se débarrasse des questions en brodant. C’est égal. Ce n'est pas ce qu’il a dit à Pahlen mais ce sera ce que moi je vous ai dit 75 mille. Adieu. Adieu.
Je vais à ma promenade du soir. Je vous remercie de vos lettres, elles me font tant de plaisir. Vous voyez que les nouvelles de l’Orient sont plus tôt sues à Baden que chez vous. On a tiré le canon, illuminé à Alexandrie. On dit que Méhémet Ali demande la régence.

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Paris le 11 septembre 1851 Jeudi

Je réponds à vos questions. Pas un de mes diplomates n'a encore vu Thiers, Marion seule l’a vu. Elle l'a trouvé engraissé de très bonne humeur. Ses femmes disent qu’elles veulent aller en Écosse. Lui a dit à Marion, qu’il ne s’en souciait pas, & il a joute, je ne veux pas que le Times raconte mes conversations. La vraisemblance est qu'il n’ira pas. Quant à Berryer je l’ai vu hier soir. Il arrivait de la campagne pour avoir aujourd’hui à midi une réunion avec ses ami Noailles & &. Après quoi il s’en retourne de suite à la campagne. Il doute de son voyage à Frohsdorf. Je crois qu’il ne le fera pas.
J'avais hier soir tous mes diplomates & Vieil Castel. Hubner avait eu la veille une audience d'une heure & demie chez le Président. Il en est sorti charmé. Il l’a trouvé plein de sens, & de convenance & d'esprit. Son impression est qu'il est en pleine confiance et sans aucun projet de coup d’état. Il a parlé de Joinville et ne croit pas à ses chances. Il faut l’une ou l’autre condition être légitime ou souverainement populaire. (C'est une autre expression dont il s’est servi, mais à peu près cela) il n’a pour lui ni l’un ni l’autre. Je retourne à Changarnier. Il s’est moqué selon sa coutume à peu près de tout le monde seulement en parlant de Molé il a dit, il ne faut pas que j'ai [?] car dans ce moment il est bien pour moi. Vous ai-je dit que je lui ai raconté la duchesse d'Orléans, se moquant des dîners fusionnistes, & disant Changarnier m’appartient ? Cela l’a piqué un peu et il m'a assez longuement raconté, qu’il ne devait rien aux Orléans.
Hatzfeld le matin. Il est malade et ne sort pas le soir. Il trouve insensé que je veuille me renouveler. Il croit à un hiver très agité mais tranquille dans la rue. Mais vers le premier de Mai si rien n’est décidé, il enverra sa femme en Angleterre, & il me conseille d’y aller alors. Croyez-vous cela vrai ? Voici mon affaire je crois. J’ai envie d’être propre, il n’y a pas assez de péril pour me refuser ce plaisir. Si je n’en avais pas envie, j’ai les meilleures raisons pour ajourner après la crise. Voyons décidez.
Vous aurez soin de me dire comment on adresse des lettres à Broglie. La Duchesse de Maillé est morte hier matin. On dit que c'est une perte. Elle était un centre, et une personne très utile. Montebello va s’établir demain avec sa femme à Beauséjour. Je suis très contente de votre lettre à Gladstone. Soyez tranquille, je n'en abuserai pas. Vous avez encore. été bien modéré. L’article dans l’Indépendance contre vous a fait de l’effet, ce n’est pas dans la correspondance de Paris mais le Leading article. Cela a l'air de venir de la cour. Je vous l’envoie pour le cas où vous ne l’ayez pas. et voici qui je découpe aussi une lettre de Paris sur ce même sujet qui est bien faite / & que je lis à l’instant. Adieu. Adieu

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240 Baden Lundi 12 août 1839

Je commence toujours ma matinée par un long tête à tête avec le Prince Guillaume. C’est des confidences de part et d’autre. Il me laisse toujours l’impression d'un homme qui a l’esprit très bien placé ; qui naturellement n'en a pas plus qu’il n’est convenable d'en avoir mais chez lequel la réflexion supplée à l'abondance ; qui ne ferait jamais de fautes, et qui aurait toujours le courage de continuer ce qu’il aurait une fois commencé. Je vous dis tout cela parce qu’il est destiné à devenir roi un jour. M. de Figuelmont ambassadeur d'Autriche à Pétersboug est arrivé très inopinément à Vienne. Dans ce moment c’est singulier. Et on en a été étonné, car quoiqu’il eut depuis quelques temps la permission de s’absenter de son poste l’idée n'était pas venu à M. de Metternich qu'il peut en profiter dans un moment si grave a envoyé quelqu’un à Constantinople pour seconder ou gouverner l’internonce dont on est très mécontent.
Vous avez mille fois raison, il me faut quelqu’un dans mon intérieur qui me donne des soins qui me débarrasse du détail de ma maison ; j’y ai beaucoup pensé,et savez-vous sur qui j’ai jeté les yeux ! Melle Henriette, qui était auprès de Pauline Périgord. C'est une excellente personne, et par mille considérations tout juste ce qu'il me faudrait. Je viens de lui faire proposer de venir vivre auprès de moi. Je la défraierai de tout. Je lui donnerai 1500 francs par an. Mad. deTalleyrand lui a écrit, mais je ne sais si elle mettra beaucoup de cœur à cette affaire Melle Henriette sait beaucoup ! Je viens donc de lui écrire moi-même je voudrais bien qu’elle acceptât. Quel confort ce serait pour moi ! Mais encore une fois malgré ce que Mad. de Talleyrand m'a promis, elle serait fort capable de tout faire pour l'en détourner.

2 heures. Dites-moi ce que vous pensez de cet Orient. A mes yeux la conduite du Cabinet de l’Occident est parfaitement embrouillée. Que voulez-vous ? Que veut l'Angleterre avec laquelle de ces deux cours M. de Metternich s'arrange-t-il ? Il est clair que nous ne nous arrangerons d'avance avec personne. Mais enfin qu’est-ce que tout ceci et qu’est-ce qui peut m'advenir ? Qu’est-ce que cet avis de mon fils, que mon séjour pourrait être dérangé pour l’hiver prochain ? Ah, cela par exemple, je ne vous le pardonnerais pas. Parlez-moi donc de tout cela. Tout ce qu'il y a de diplomates ici vient toujours me faire visite. Je suis un vieux diplomate aussi. En vérité je me trouve bien de l’exprimer pour toutes les choses qui ne me regardent pas, car pour celles qui me touchent je suis bien primitive n'est-ce pas ?

5 heures Je viens encore à vous pour vous remercier de votre 239. Je ne sais pas ce que je ferai. Probable ment quelque jours de Bade encore, et puis je crois Paris, mais tout cela dépendra de Lady Cowper, tout le monde me dit qu’elle arrive, il faudra bien qu'elle me le dise elle même, et puis nous nous arrangerons. Adieu. Adieu, Ah que l’automne sera long ! Vous ne me dites rien des affaires à propos Rotschild vient de m'écrire. Le premier est loué à un américain, & Jenisson ne pense pas encore à partir. Ainsi point de rue St Florentin. Demandez un peu ce que devient l’hôtel Crillon.

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Paris Lundi le 29 septembre 1851

J’ai vu toute l’Europe hier soir mais pas de France du tout. Pas un échantillon. Les Normanby sont revenus engraissés, joufflus & de très belle humeur. Il dit que dans tout le midi on ne connaît que le Président. Il a beaucoup vu là M. Royer, qui s’est dit parfaitement autorisé à tenir le langage de sa lettre. Normanby lui a montré le premier la fameuse lettre de Thiers, il en été abasourdi. [Noailles] n'a pas vu Thiers. Byng dit que Thiers se croit menacé d’être mis à Vincennes. Aujourd’hui le Président vient en ville pour un conseil de ministres. Il fait cela une fois la semaine, une autre fois c’est les Ministres qui vont à St Cloud. Il voit Normanby aujourd’hui.
La Princesse Menschikoff qui voit Thiers, beaucoup, me dit qu’il était, il y a quatre jours encore très inquiet d'un coup d’État. Personne n'y croit aujourd’hui. Je n'ai rien absolument à vous dire. Je suis bien aise que votre fille aille à Rome. C'est une idée heureuse. Elle y aura l’esprit bien agréablement occupé & quant à l'air, il n y a rien de mieux. Adieu.

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Paris samedi 20 octobre 1849

Kisselef, Fagel, Rothschild, les Holland Montebello, d’autres insignifiants. Voilà pour hier. Je n’avais fait savoir mon arrivée qu’à Montebello. Celui-ci le plus curieux de tous. La crise est forte. Impossible de démêler ce qui en ressortira. Le président penche vers la gauche, il y tombera probablement. Montebello dit il n’y a plus d’hypocrisie républicain. On est monarchique & on s’en vante, tout le monde, moins les rouges & Dufaure, Cavaignac & & La séance d’hier, très importante. Victor Hugo l'homme de l’Elysée. Vous lirez. Montalembert. Superbe, sublime, courageux. La fin de la discussion amènera un changement de Ministre. Le président a été très mécontent du discours de Toqueville. Le public se passionnera peut être, c'est là ce qui me regarde, on me dit que je suis parvenue à temps. Qui peut m’en répondre ? Kisselef n'est occupé que de la Turquie. Moins noir que Brunnow, mais très troublé de ce que Brunnow le soit. Nous allons savoir la volonté de l'Empereur dans peu de jours. C’est la guerre générale probable ment. Normanby fait fleurir l’entente cordiale, très en train de pousser à la guerre. La situation du Président est toute changée depuis sa lettre à Ney. Elle lui a valu peut- être de la popularité dans le mauvais parti elle n’a pas augmenté son crédit dans le bon. Mais il parait qu'il est résolu à soutenir sa [?] Je trouve Montebello extrêmement monté, & perplexe. Son métier à lui est de faire de l'agitation monarchique (C'est lui qui parle) mais pour aboutir à quoi il ne sait quelle étrange situation pour tout le monde. Moi depuis que j’ai touché le sol de France je n'ai qu’une seule impression, un grand pays en déshabillé. Je ne trouve pas un autre mot. Voici votre lettre. Je suis fatiguée de tout. J’arrange c.a.d. pour être prête à répartir. Je ne songe pas le moins du monde à m’établir. Ce n’est pas le moment. Kisselef est bien de cet avis pour son compte aussi. Il ne sera ce que voudra Dieu, je suis triste. Adieu. Adieu.

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Paris le 23 septembre 1851 Mardi

Personne ne sait me donner des nouvelles de M. de Montalembert. En sortant tantôt je passerai moi-même à sa porte pour m'en enquérir. Je ne pourrai vous mandez que demain si j’ai fait quelque découverte. M. Carlier a dit hier matin à un diplomate. " Nous allons bien mal. Si nous avions de nouvelles élections nous serions perdus. " Textuel. l’inquiétude commence à devenir générale. Qu’est-ce que ce sera vers Novembre ?
Jai vu hier soir [Glucesberg] entre autre. Son père est convalescent ils ne sont plus inquiets. On me dit que Thiers est engraissé et de très bonne, humeur. Boutonné quant à la candidature Joinville. Pas d’opinion. Il a passé chez moi hier, sans en trouver. M. Pougoulat /je crois que je dis bien / votera pour la rentrée. des Princes. On dit qu’une grande partie des Légitimistes fera comme lui. Le sort de cette cette proposition est fort douteux et le temps qui coule est à l’avantage de Joinville. Peut-on courir ce risque-là ? Mais les grands hommes se proclament / il n'y a que le petit homme qui soit ici, & il ne perd pas son temps. Dumon était noir hier. Adieu. Adieu.

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285. Paris, lundi le 14 octobre 1839

J’ai été voir hier la petite Princesse après ma promenade à pied au bois de Boulogne. J'avais eu avant la visite de Bulwer, & celle du Baron Krudner notre ministre en Suisse, homme d’infiniment d’esprit, de beaucoup d’instruction, et du plus aimable caractère. Il est sourd tout-à-fait. Il passe pour aller s'embarquer au Havre de là à Pétersbourg. Il s'est marié secrètement en Suisse, il y a 22 ans ! L'idée lui vint que puisqu'il a déjà un fils de 19 ans et d’autres enfants il pourrait bien faire quelque chose pour eux, et il va obtenir que son mariage soit reconnu. Il m’a fait toutes ces confidences comme on raconte qu’on vient de dîner.
Le Prince Paul de Wurtemberg m'a fait sa visite hebdomadaire il croit savoir que Don Carlos tout ne prescrivant officiellement à Cabrera & au Comte d'Espagne de cesser les hostilités leur a fait intimer l’ordre de les poursuivre. Il a envoyé des pleins pouvoirs à l'un des deux juntes qui s’est organisée en Catalogne, Je fus dîner chez M. de Brignoles. Le maréchal y vint après. Je le trouve bien maigri et changé. Les diplomates ont été faire leur tour avant-hier à St Cloud. Ils ont trouvé le Roi, très content, parfaite ment sûr de l’échec qu'aurait subit M. de Brunnow. Cela reste à être prouvé, et nous saurons cela dès l'arrivée de Lord Granville qui sera ici demain au plus tard. Je n’ai point de lettres aujourd'hui. Ce n'est qui demain que vous serez arrivé. pour moi au Val Richer. Adieu. Adieu.
A propos, j’ai trouvé un maître d’hôtel qui me parait bien par pur hasard. Voilà un souci de moins. La liste des autres est grande encore. Adieu mille fois. Je vous ai dit, n’est-ce pas, que M. de Médem ne va plus chez le Maréchal. Celui-ci a été très impoli dans la dernière entrevue.

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Paris jeudi le 25 octobre 1849

Montebello est venu me raconter la séance d’hier en sortant de l’Assemblée. Broglie & Thiers ont absolument voulu s'abstenir. Le parti Orléans n’a donc pas voté. Pourquoi ? Cela me parait mal jugé. Montebello qui a été obligé de faire comme Broglie, en était tout triste et mécontent. Ils disent que c’est parce que Berryer a été trop légitimiste ! Berryer a fait de la belle et et bonne monarchie, il fallait voter avec lui pour cela, et même au lieu de cela, on se divise. Molé a voté avec la majorité, il a eu raison. J’ai vu hier des diplomates Fagel, les petits. Inquiets de l’Orient. Tous les jours cela m’inquiète davantage. J’ai vu aussi Edwards 1er secrétaire de l'Ambassade anglaise. Gêné, cachant ce qu'il pense ; ainsi disant " on ne rêve pas à des coups d’état. " Et c'est Normanby qui y pousse ; Je vois que Manin est arrivé. A propos de lui, voici ce que m'écrivait Beauvale en réponse à une lettre où vous me parliez de Manin il y a longtemps. Gardez cela pour me le rendre. On dit que Narvaez est décidément sorti des Ministères le 23, avant hier. J’ai été hier soir chez Mad. Swetchine, femme d'esprit et de sens & très doux. Société française qui ne me plaît pas du tout. Des femmes qui crient, et qui déraisonnent. Beauvale m'écrit qu'il y a des articles de journaux menaçants comme nouvelles de Pétersbourg. Il croit que c’est fabriqué. Moi et les autres russes nous avons de l'inquiétude. Les Russes sont venues hier chez moi notre dernier ministre à Turin, la princesse Wittgenstein & A propos, Annette est nommé à Turin. Neumann désigné pour Bruxelles. Le beau temps se trouble, je vais cependant tous les jours passés une heure au bois de Boulogne. J'entendais hier, je ne sais qui, dire chez Mad. Swetchine, que la majorité finirait par se fâcher des visites du président au faubourg St Antoine. C'était un député. Adieu. Je ne sais rien de plus que les journaux du matin. Quand nous nous parlerons comme nous serons bavards ! Adieu. Adieu. Le petit Willonghby est ici. Je ne sais comment tout cela se passe.

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Richmond Mardi le 29 août 1848

C'est charmant de penser que je ne vous écrirai plus que demain encore à Lowestoft, car n’est-ce pas que jeudi j’adresserai ma lettre à Brompton ? Le bruit s’est répandu hier à Londres que Louis Blanc et Caussidière y étaient arrivé. C’est très probable puisqu’on les a laissé s'évader. Quelle signe de faiblesse ! En général le dénouement de cette grosse affaire me parait pitoyable. J’ai eu quelques développements. de plus du dire de Montalivet. Cavaignac lui a dit qu’il était absolument décidé à main tenir la paix. Il lui a dit aussi. Je ne serai jamais un Monck, & je ne jeux pas le paraître. Montalivet tient qui à attendre. Très honnête homme, plein de bon sens. Que son bon sens lui montre qu'il faut une monarchie, mais que les habitudes, sa mine & ses amis le tiennent enchaîné à la République. Les membres de l'opposition sont très unis entre eux, mais ils cachent leur intimité. Je veux parler de Berryer, Thiers. Molé en est. Berryer est tout-à-fait le leader. Il a causé avec Monta livet. Excellent langage. Dans le faubourg St Antoine on dit : Ils nous ont trompé avec leur république, depuis que les riches ont disparu, nous en sommes plus pauvres. Cela ne peut pas aller. Il nous faut un Roi. Cavaignac est un brave, car il nous a bien battus. Pourquoi Cavaignac ne se ferait-il pas roi ? Montalivet trouve la fusion des deux branches très avancée à peu près complète parmi les partisans. Avec de la prudence il croit que cela doit aboutir. Il est pour le plus légitime. On me prie de tenir ceci très secret. Celui qui me le demande est pour aussi. Après tout, c’est raisonnable.
J’ai eu hier à dîner deux russes diplomates. Il est très vrai que Palmerston cherche à renoncer avec l'Espagne, mais il est très vrai aussi que, selon ces messieurs, et ils peuvent le savoir, jamais les chances de Montémolin n’ont été si bonnes. Je vous dis tous les commérages. 1 heure. On m’apporte votre lettre courte, mais c'est égal. J’abandonne toute prétention à présent que je me sens si proche du bon moment. J'ai une lettre de Barante. Elle ne mérite pas de vous être enroyée. Evidemment il vit dans la lune. Lumière douce, aimable, rien de plus. Il ne sait pas du tout ce que se passe. Le prince Albert a acheté le cottage qui appartenait à Sir B. Gordon, frère de Lord Aberdeen. C'est là qu'il va avec la Reine. Il est bien sûr qu’ils y verront votre ami. Adieu. Adieu. Le temps se relève enfin. Adieu.

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2. Beauséjour 5 heures jeudi 31 août 1843,

J’ai été en ville. J’ai remis à Génie ma lettre et une lettre de Lady Palmerston reçue après coup, et que vous me renverrez. J'ai fait visite aux Appony. Vraiment il est trop bête. "-Et bien, elle vient donc cette petite reine ? Caprice de petite-fille un Roi n’aurait par fait cela. - Pourquoi pas ? S'il en avait eu l’envie ? - Mais c’est que l’envie n’en serait pas venue. - C’est possible. Mais voilà toujours un grand événement et qui fera beaucoup d’effet partout. - Je ne crois pas. On dira que c’est une fantaisie de petite fille. - Fantaisie accepté par des Ministres qui ne sont pas des petites filles. - On sait qu'ils sont très plats et qu'ils tremblent devant elle. - En tous cas voilà parmi les souverains de l'Europe le plus considérable peut être, et celui qui ne se dérange jamais qui vient faire visite au Roi. C’est un grand précédent. (avec une mine et un geste très ricaneur) Il se trompe bien s'il croit pour cela que les autres feront autrement qu’ils n’ont fait jusqu'ici. Personne ne viendra. - Et bien on se passera mieux des autres visites depuis qu'on aura eu celle-ci. - Je suis bien sûr cependant que le roi eut été beaucoup plus flatté de la visite du roi de Prusse. - En vérité je ne sais pas pourquoi et certainement elle n’aurait pas fait autant d’effet que celle-ci. - à Vienne on n'y pensera pas. Je me mis à rire et je lui dis : - Savez-vous qu'il y a des rapportages en ville & que j'ai entendu moi-même dire à Molé que le corps diplomatique montrait beaucoup de dépit. Il est devenu rouge. Certainement pas moi. Nous sommes si bien avec l'Angleterre et si sûrs d’elle que nous serons même bien aises de cette visite. Je n’en avais pas assez et j'ai dit que Molé avait été assailli par des : " Avez-vous lu le National ? Décidément ceci l'a interdit. Il avait même l’air un peu colère, Armin est entré ; la conversation a fini. Il me semble que je vous envoie assez de commérages. Ce qui est bien sûr c’est que l'humeur de l’Europe sera grande et cela doit bien vous prouver que le continent sans exception est malveillant pour ici. Gardez l'Angleterre. C’est votre meilleure. pièce. Beauséjour vendredi 8 h dim. matin La journée a été bien mauvaise hier. Si vous n'aviez pas à recevoir une Reine je vous en conterais tous les incidents. Tout a été de travers, pas de fête, pas un coin et je me suis vu forcée de revenir coucher ici où j’ai failli ne pas retrouver mon lit. Je vous conterai tout cela à votre retour. Heureusement Pogenpohl était avec moi, ce qui a contenu ma colère, quoique pas trop. Il a un peu d'esprit et avant que j'eusse pris l’initiative il m’a parlé du voyage comme de quelque chose de très grand, très important et qui doit avoir un grand effet, ici et partout. Il a ajouté " à présent, les bouderies de l’Empereur n'ont plus la moindre portée. " Il ne fera peut-être pas autrement qu'il n'a fait mais cela ne veut plus rien dire. " Voilà qui est vrai. Le bon de ce voyage, c’est que tout le reste dévient égal. Ecrivez donc ou faites écrire à d’André de bien vous mander tout ce qu’il entendra dire. Vos autres après auront bien l'esprit de le faire sans attendre un ordre. J’ai fait prier Kisseleff de venir ce matin, je serai bien aise de lui parler. Fluhman viendra probablement aussi. 10 heures Que de choses utiles et bonnes à dire à Aberdeen. Vous n'oublierez surement pas de donner une bonne bais [?] à vos entretiens. Vous rappelez que le bon langage des Ministres anglais au parlement a bien puissamment contribué à calmer les folies françaises. Il me parait que vous devez, que vous pouvez vous établir sur un pied de si bonne amitié et franchise avec lui. Surement comme étranger vous lui cèderez le pas aux dîners, & & & Je vous dis des bêtises. Vous savez tout cela. Mais n’importe. Qu’est ce que l’affaire de votre consul et du drapeau français. à Jérusalem ? C’est mauvais. Sébastiani a eu je crois une affaire pareille à Vienne ou Constantinople. Ou bien n'était-ce pas Bernadotte ? Je reviens à Appony. Vraiment je suis un peu étonnée. Le meilleur !!! Metternich était bien tant qu’il croyait être seul à vous protéger car c’est bien là le sentiment. Sa vanité était en jeu et de là venait sa bonne conduite. Aujourd’hui il est débordé, son dépit sera grand, en attendant son ambassadeur est trop sot Voici votre N°1. Merci, merci. J’aime autant, et même mieux que la Reine ne vienne pas à Paris. On n’aura plus le droit de dire, petite-fille curieuse de s'amuser. Et puis. Vous serez libre plutôt. J'aurais aimé à causer avec Lord Aberdeen, mais vous n'oublierez rien, seulement j'aurais eu le contrôle. Je suis charmé que ce soit Andral j'espère qu'on choisira son meilleur rôle. Passé minuit est un peu trop leste pour la vue ; car il sort de son lit avec le stricte nécessaire. However I don't know. Les tapes sont une grande habitude en Angleterre ; peut-être par la chaleur aimera-t-elle la nouveauté d’un parquet. Si j’avais Lord Cowley sous la main je lui soufflerais la mauvaise humeur du corps diplomatique. Il se croyait si sûr de la probité autrichienne ! Nous en causions le dernier jour et il me disait : " pour ceux-là ils ne seront surement pas. jaloux. " Je regarde beaucoup le ciel. Quel bonheur s'il reste aussi beau ; ce sera superbe. Le danger qu’a couru le Roi et la famille fait faire d'étranges réflexions. Dans l’accident de l’an passé, il n’y avait pas de quoi se donner une entorse, et le Duc d'Orléans y a péri ! A présent ils devaient être tués tous, et il n'est rien arrivé qu'un bain à 3 chevaux ! Vraiment, vraiment la main du duc est bien visible. Elle protège toujours le Roi. jaloux. " Je regarde beaucoup le ciel. Quel bonheur s'il reste aussi beau ; ce sera superbe. Le danger qu’a couru le Roi et la famillie fait faire d'étranges réflexions. Dans l’accident de l’an passé, il n’y avait pas de quoi se donner une entorse, et le Duc d'Orléans y a péri ! A présent ils devaient être tués tous, et il n'est rien arrivé qu'un bain à 3 chevaux ! Vraiment, vraiment la main de duc est bien visible. Elle protège toujours le Roi. Je repense à ma conversation avec Molé. Certainement, il a retrouvé son esprit. C’est de très bon gout de dire son contentement du voyage, et il le fait avec un air très naturel, irréprochable. Le diable n’y perd rien peut-être, mais c’est égal.. Je vous écris des lettres énormes. Aurez-vous le temps de les lire ? On vient de me faire dire de Versailles qu'il y a un appartement. Je me décide donc à retourner. Si je puis entraîner Fluihman, je l’emmène si non j’irai seule. Adieu. Adieu mille fois adieu. l wish you success. Je serai bien contente d’apprendre que la Reine est actually arrived. Adieu. J'ai oublié encore à l’article Appony ceci : il me dit, j'espère que M. Guizot et ses collègues ne montreront pas trop d’orgueil de cette visite. Soyez tranquille. Ce sont des gens d’esprit. And now good bye for good. Mais encore adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Ems le 15 juillet 1851, Mardi

Voici du renfort. La duchesse d'Istrie & d’Haubersaert sont tombées chez moi hier soir à ma grande joie. Comme je reçois bien les gens quand je m'ennuie. Le Prince George est venu un moment après, subitement touché de la beauté de Madame d'Istrie. Cela plaît à Duchâtel aussi. Il m’a envoyé ce matin toutes ses lettres de Paris parfaitement conformes aux vôtres. Nous allons être curieux ici comme vous au Val-Richer de la discussion de la semaine. Je ne crois pas qu’elle offre rien de très vif.
Marion me fait certainement une grande ressource. Elle me fait bien rire. Petite républicaine qui ne veut absolument pas dire Monseigneur au prince de Prusse, cela lui reste dans le gosier. Elle se moque de lui pas mal, elle lui trouve l'air d'une bête fauve innocente, mais qui a de l’esprit. Bouteneff est venu me voir. Esprit droit, sensé, & doux. Il vient de Pétersbourg. Il sera bon à l’usage. Grand ami d’Alexandre, qu'il me donne pour un bien bon fils. Cela me fait du bien à entendre. Duchâtel veut faire demain une partie à Stolzenfels avec la duchesse d’Istrie et Marion et d'Haubersaert. Ils vont s’amuser. Le temps est toujours à la pluie, au vent, au froid. C’est détestable. Je bois, & je baigne. Les princes Belges sont arrivés hier avec un grand train. Cela avait très bon air. J'ai beaucoup de goût à tout ce qui a l'air royal. Adieu voyez comme je vous écris des lettres intéressantes.
Adieu encore.

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129. Paris Samedi 8 Septembre 1838

J'ai relu votre lettre de ce matin cinq fois déjà, décidément je ne l’aime pas. Il y a une phrase surtout qui me déplaît parfaitement. Elle est d'une froideur qui me fait mal, c’est vers la fin de la lettre et il me semble que j'ai bien envie de pleurer.
Je vous ai laissé un moment je vous reprends, je ne veux plus vous parler de votre lettre. Savez-vous à quoi je pense maintenant ? Ma lettre, cette lettre de mercredi, il y avait de dures paroles peut-être mais un grand fond d’amour au dessous de cela, la vôtre, les paroles sont douces, mais il y a de la glace à la fin. Enfin je n'en veux plus parler et j'en parle et je pleure. & je crois que je deviens folle aussi comme Marie. Ah mon Dieu que j’ai de peines, et de tout genre ! Mon fils me quitte aujourd’hui, cela me chagrine.
La Duchesse de Talleyrand est venue me voir hier matin. Elle vient plaider contre son mari, et même commencer peut-être le procès. Elle se dit très calme mais elle avait de temps en temps l’air un peu féroce. Fort belle cependant, car la férocité va bien à ses traits. Elle m’a conté mille choses curieuses sur mon empereur & sa femme. On a pour lui, à ce qu’elle dit, et pour les Russes en général, la plus grande haine en Allemagne. On se courbe devant lui, mais on le déteste. En Bavière une peur effroyable qu’il ne veuille y marier sa fille. Enfin c’est curieux, et par dessus cela des bêtises ah !! Les Appony sont venus aussi hier matin. Il parait que vraiment l'Empereur veut du Prince Leuchtemberg pour l'un de ses gendres. Si cela est, on en rira bien ici. Décidément les hôtels d’ambassade respectifs cesseront entre Paris et Pétersbourg. Pahlen va en acheter un pour le compte de l'Empereur. Il voulait acheter à la couronne celui où il est, vous ne le voulez pas. Le Roi est mécontent de cette affaire. Il croit et il a raison de le croire, que ce sera regardé & commenté comme une mesure politique. J’ai dîné comme de coutume avec mon fils et Marie, le temps était affreux je n’ai pas pu sortir le matin. Le soir, j'ai été faire une courte visite à Mad. de Talleyrand, & à Mad. de Castellane que j’ai trouvée seule. Elle paraissait croire qui Louis Bonaparte sortira de Suisse & cette affaire ne donne plus de souci selon les apparences. Thiers a vu M. de Metternich très longuement. On les dit ravis l’un de l’autre. Cela devait être. Des gens d’esprit se séparent toujours satisfaits l'un de l’autre. M. de Metternich est coquet comme une femme. Il aura emporté Thiers, & l'esprit, la vivacité, la franchise, de celui-ci auront plu à M. de Metternich, beaucoup. L'entretien a duré trois heures. Metternich a été chez Thiers. Je suis au bout de mes commérages d’hier. J'ai eu une lettre de Lady Granville, charmante, sur tout parce qu’elle s’annonce pour Mercredi. Le grand Duc est à Weymar depuis hier. Il sera à Baden le 17, pour y rester quinze jours. Adieu, je suis extrêmement triste & par vous. Ah que nous allons mal quand nous somme séparés. Si je vous montrais cette mauvaise phrase, vous auriez froid aussi. Adieu.

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Ems le 19 juillet 1850

Vous me faites un tableau très frappant de la situation morale de votre pays, et tous les jours cela devient plus drôle. Ce qui est sûr c’est que tous les jours le Président avance. Il n'y a que lui qui soit quelque chose. J'ai eu des lettres de Londres aujourd’hui lady Allice, & Ellice. La première a été à Saint Léonard, elle trouve au Roi mauvaise mine. Il vient à Londres cependant pour la première communion du Comte de Paris demain. De là ils vont lui & la reine, à Claremont et plus tard à Richmond. La duchesse d’Orléans les y rejoindre après un petit séjour seule à St Léonard. Elle reste en Angleterre jusqu’en septembre. Elle montre une grande inquiétude qu'on ne prolonge les pouvoirs du Président. Elle dit que l’Assemblée sera certainement réunie au commencement d'octobre. Le reste de la lettre de Lady Allice traite de l’hésitation dans le parti Peel. Elle croit qu'il se décidera à rester parti séparé, portant son nom. Le [gouvernement] très faible, pas possible qu'il fasse une autre session. Ellice est assez noir aussi sur ses amis. Il dit que John a fait une grande faute de ne pas donner sa démission après le vote de la Chambre haute. Il serait rentré bientôt & plus fort. Aujourd'hui, il est très affaibli. Les comités lui sont tous contraires, & il n’y a plus Peel pour le soutenir. Le comité d’Économie a décidé que les seules ambassades existantes aujourd’hui Paris & Constantinople seront converties en mission avec 5000 £ de salaire. Le [gouvernement] résistera mais on ne sait pas s’il ne sera pas battu comme Ellice l’a été dans le comité. Un autre comité sur le gouverneur de Ceylan, Lord Torrington, s’est aussi prononcé contre lui. Lord John veut aussi le défendre, cela lui réussira t-il ? Voilà une lettre.
Constantin est arrivé hier. Curieux sur beaucoup de détails Je vous dirai demain ce que je pourrai vous dire, pour aujourd’hui je suis bien fatiguée et un peu malade. La femme de Constantin n’est pas jolie peut être que je découvrirai qu’elle l'est, la première vue n’est pas favorable. On me dit que le Prince Emile de Darnstadt est ici, mais pour quelques heures seulement. Je vous dis adieu. Adieu.

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22. St Germain Mardi 4 août 1846

Je suis revenue ici hier au soir avec un accroissement de 25 voix à votre majorité. Je suppose que vous en perdrez un peu aujourd’hui, mais en attendant ce début était bon. J’ai vu en ville lady Cowley W. Hervey, Fleichman. Rien de nouveau de Londres grande vraisemblance qu'on ne dissoudra pas le parlement, et qu’en le laissant faire son temps ou s'affermira dans l’intervalle car Peel n’est pas mur, & les protectionnistes impossibles. C’est bien ennuyeux d’avoir à s’accommoder ou s’incommoder. des Whigs pour longtemps peut-être. J’ai écrit hier à Lady Palmerston. La journée hier était fraîche charmante pour la course ; aujourd’hui la chaleur est revenue. Je suis triste, j’ai laissé en ville votre lettre, c’est la première fois qu’un accident pareil m’arrive. Aucune importance à cette lettre pour personne, Mais pour moi ! Pouvez-vous me dire si le roi ouvre les Chambres le 17 ? Ou si, comme plusieurs personnes me le répètent, il n’y aura de séance royale que pour les proroger. Lady Cowley est en bien mauvaise humeur. Le moi domine dans tout. Ce n’est pas une personne aimable. Je suis bien enracinée de ce que Jarnac vous rapportera de Londres par suite de votre lettre de jeudi.
Midi Voici votre N°20 charmant. Mais ne vous revenez pas tant, reposez-vous. Je m'agite et m'échauffe en pensant que vous n'êtes jamais tranquille. Je vous prie soignez-vous. Je suis bien fâchée de M. J. Lefebre non révélé. Et ces lois sur les patentes qui devaient faire un si bon changement dans les élections ? Vous voyez que je me souviens ce soir vous saurez sans doute à peu près tout, ou demain matin. En somme il me parait que vous aurez gagné. J’ai seulement peur comme vous que ce ne soit trop. Cependant il vaut mieux cet embarras que l’autre. Adieu dearest. Qu’est-ce que sont pour moi les élections ? et tout le reste ! Je veux seulement que vous vous portiez bien & vous revoir bientôt, bientôt. Je vois avec grande joie que les deux soirées vous restent bien dans le cœur. C'est juste. Adieu dearest.

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Paris le 18 septembre 1850

Changarnier a été fort en train de confidences. Je voudrais pouvoir tout redire mais je vous dirai l’essentiel. Bien avec le président, & cherchant à le rester. Fort soupçonné par lui mais cajolé. Mal avec le M. de Laguerre. L’assemblée le renverra. Le Président se défend tous les jours d’avoir connaissance du 10 Xbre. Il y est jusqu'au cou. Dans sa tournée recueillant d'assez bonnes paroles du clergé de la noblesse & des paysans. La classe moyenne lui est hostile, (c'est tout le contraire de ce que vous croyez) très décidé à ne pas prolonger les pouvoirs du Président, mais plutôt à les abréger, en complète dissidence avec Molé sur ce point. Mais Molé est un poltron. Le président devrait comprendre que son intérêt est de servir une restauration. Mais il ne comprend pas. Il veut le pouvoir, & il ne le veut que pour avoir quelques chevaux de plus. Plein d’ardeur pour qu'on s’entende avec les légitimistes pour qu’il n’y ait qu’un seul cadeau. Il faut poursuivre mettre tout le monde à l'ouvrage, vous y êtes nécessaire, indispensable. Furieux contre Piscatory, il faut que vous le [?]. La Reine Amélie admirable & puissante sur sa famille plus que n'était le roi. Bien content de tout le chemin qu'on a fait. En pleine, en grande espérance, tenant tous les fils. Thiers croit qu'il me mène. C'est moi qui le conduit où je veux. Une femme entre cela, Mad d'Osne. Mais il lui cache déjà certaines choses. Je l'amènerai à lui cacher tout. Chacun croit me tenir. C'est moi qui tiens tout ce monde. Des questions encore sur Chambord.
La France a vu la ligue, la fronde. Après cela elle a eu un grand règne. Elle aura cela encore. Voilà à peu près l’essentiel. Mad. Rothschild tout le contraire à propos du Président. Il faut le faire durer. Jamais le petit commerce n’a été aussi content, &. Changarnier lui avait raconté tout ce que je lui ai dit sur le comte de Chambord. Elle m’a prié de recommencer. Parce que lui en avait été très frappée. En récapitulant tout Changarnier s'est montré plus légitimiste que je ne l’avais jamais vu. Car que signifierait sans cela sa grandissime colère contre Piscatory qui est allé prêcher à Clarmont une croisade contre les légitimistes.
Le 19. M. Molé ardent pour la fusion au moins autant que vous. Son thème pour faire des conversions est celui-ci : il n'y à que Henri V qui puisse raviver le régime parlementaire. Il développe cela très bien. C’est trop long pour moi, mais il dit que cela entraîne bien des gens. En grandissime et constante méfiance de Changarnier. Carlier qu'il venait de voir, lui a laissé clairement voir qu'on va, dès la rentrée de l'Assemblée, procéder à la prolongation. Carlier dit que les sociétés secrètes sont aussi actives que jamais. En relation avec les autres sociétés européennes. L'Angleterre très malade de cette maladie là. Les Allemands les plus actifs la dedans. Normanby parlant mal de Palmerston & désirant sa chute. Il l’a dit à Molé. Je crois vous avoir tout dit. Molé trouve que Changarnier me mystifie un peu. Après tout c’est possible.
Le 22. Je me souviens exactement du propos suivant de Changarnier. " Thiers a dit à la grande duchesse Stéphanie. Votre neveu est un sot. Il n’y a d'homme important en France que Changarnier, & Changarnier C’est moi. "

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Ems le 17 Juillet 1850

Ah me voilà contente puisque vous l’êtes. Hier enfin j’ai eu ce qu'on appelle une lettre, je la méritais. Cette Assemblée me faisait d'ici le même effet qu’à vous. Je ne suis pas fâché de voir les assemblées devenir ridicules. Vous ne pensez pas comme moi à cet égard, et cependant vous devriez être guéri de votre passion.
J'ai eu une longue lettre de Marion. L'Angleterre est encore toute abandonnée à ses regrets et à son admiration pour Peel, les quelques paroles de Dupin, ont flatté, touché, charmé. La petite malice n’a pas été perdue non plus. Sir Robert a laissé à son fils aîné 22 000 L. de rentes of entailed property. 70 000 £ à chacun de ses autres fils, & 25 000 à chacune de ses filles. J’ignore le douaire de sa femme. Sûrement considérable. Le fils aîné se conduit à merveille. Marion fait une foule de réflexions spirituelles & sensées sur cette mort, et elle finit en me disant, qu'on ne sait pas bien encore si elle est, ou n’est pas un grand malheur. pour le pays.
La princesse régnante vient me voir à peu près tous les jours. Elle est dans une véritable angoisse, elle a peur de s'ennuyer, elle a raison. Hier elle me parlait de votre beau discours à l'assemblée l’autre jour. La Princesse de Prusse quitte Coblence pour aller résider à Bade où son mari commande l’armée. Je ne verrai donc rien de tout cela. Je vous réponds que je vous reviendrai aussi peu instruite sur l’Allemagne que j’étais partie. La politique des petits princes ne s'éclairera pas.
Marion me demande si vous avez lu " Sophisms on free trade by a Barrister " (Serjeent Byles) et comment vous le trouvez. On en est à la 8ème édition. On espère toujours renverser le ministère. Bêtise. J’ai commencé Albert de Broglie sur M. de Châteaubriand. Excellents sentiments, beaucoup d’esprit, la manière un peu lourde & quelque fois confuse. Je crois qu'il écrira mieux. En attendant ceci m’intéresse beaucoup. 2 heures. Le duc de Saxe Meiningen qui avait toujours été interrompu quand il commencent à me parler intimement des affaires allemandes m’a enfin trouvée seule aujourd'hui. Il est Prussien, il est pour un parlement allemand. Il dit que si on veut revenir à l’ancienne confédération il y aura une explosion générale. Il désire que l’Autriche reconnaisse cette vérité, & la Russie aussi. La paix avec le Danemark amènera indubitablement & tout de suite la guerre entre le Danemark & les Duchés. C'est une inextricable difficulté. Je vous ai dit tout Saxe Meiningen. J'ajoute que c'est un homme très sensé & parfaitement gentleman surtout. Je continue à me baigner & à boire. Je n'ai rien à dire de l’effet, cela me fatigue, voilà tout. Je suis toujours dans mon lit à 9 heures ce soir, & debout à 61/2 du matin. Adieu, Adieu.

J’espère que tous mes adieux vous arrivent. Je reprends une petite critique sur Albert de Broglie. Je viens d'achever. C’est charmant. Cherchez la 109ème page, et dites-moi, qui est l'homme aux Mémoires du 17ème siècle. Ce ne peut être St Simon qui écrivait encore sur la régence. Qui est-ce ? Je suis bête sans doute, mais je ne trouve pas.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Ems Jeudi 18 Juillet 1850

Hier une pluie battante, pas de promenade, misérable journée. Votre lettre est venue l’égayer, & deux autres de Montebello & Duchâtel. Ils me mandaient que tout tourne à l’Empire. Cela m’est égal, j’espère seulement que l'Empire me plaira autant que la République dont je m’accommode fort bien. Quel drôle de pays que le vôtre. On peut tout faire des Français. Ils sont charmants, ils ne sont pas grands. J’attends Constantin aujourd’hui. Il me dira quelques nouvelles. Je n’en sais pas une. 4 heures. Pas un mot à vous dire, point de lettre d'Angleterre. Des visites, pas de conversation. Le prince George de Prusse, neveu du roi est venu. Très timide jeune homme, mais quelque chose peut-être Adieu. Adieu. Vous trouvez qu’il ne vaut pas la peine de recevoir une si pauvre lettre. I cannot help it. La mésaventure de la reine d’Espagne n'aura pas déplu au Duc de Montpensier. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Schlangenbad le 23 août 1850

Vous me parlez aujourd’hui du discours du Président à Lyon à peu près comment j’en pense. Il est très frappant & original. L'union y a répondu assez habilement. Cela n'empêchera pas que ce discours ne produise beaucoup d'effet, & un effet qui durera. J’ai oublié de vous conter que lorsque le comte de Chambord est arrivé à Cologne, il y a trouvé M. de Larochejacquelin & une cinquantaine de Français. Ils l'ont reçu avec des fanfares de la musique. Le comte de Chambord a dit " vraiment Messieurs nous avons un peu l'air de marchande d’Eau de Cologne ", et il a fait cesser ce bruit, mais comme il a remarqué que cela blessait M. de Larochejaquelin l'impressario il a ajouté " pensons les demains sur le bâteau à vapeur, cela nous fera passer le temps ". Vous voyez là du bon gout & du bon cœur. La lettre de Larochejacquelin montre bien du dépit. Je vous ai dit que c’est Berryer qui gouverne.

Samedi 24 août Le temps est atroce & si froid, qu'il y a vraiment de quoi tomber malade. Aussi je pars, au plus tard Mardi. Le duc de Parme m’a quittée. Des adieux très tendres. Me voilà réduite à cette vieille princesse hargneuse, c’est vraiment trop peu. Je n’en puis plus, il est impossible de s'ennuyer plus complétement que je ne m'ennuie et la pluie et le brouillard et tout cela glacé, & ni cheminés, ni poêles. Ah mon Dieu ! Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Schlangenbad vendredi le 23 août 1850

Le bon Fleichmann m'a quittée hier soir. Excellent homme, mais très [unitaire] beaucoup de détails curieux, très sensé et amusant. Le duc de Noailles me mande que Salvandy arrive Dimanche. Madame de La Ferté aujourd’hui. Tous les jours, foule nouvelle. Hier 60 nouveaux arrivés. Le duc de Noailles retourne à Paris Mardi. Il est très vraisemblable que nous ferons route ensemble. Mais je suis encore un peu flottante pour Bade. Aujourd’hui que j'ai bien dormi le courage me reprend. Mon incertitude me déplait pour vos lettres. Ce qui me paraît le plus sûr et que vous les adressiez à la rue St Florentin. Je donnerai là des directions pour le cas où je ne revienne. pas tout de suite. Voici ce qui est l'alternative. Je pars le 27 avec le duc septembre de Noailles, ou 7 septembre avec Paul Tolstoy dans ce dernier cas j'aurais fait ma [?] sur Bade.
Le temps est affreux toujours, j’ai eu bien du guignon pour ceci. La princesse Grasalcovitz va être ma seule ressource car je crois que le duc de Parme part aujourd’hui. Je suis curieuse de votre opinion sur le discours du Président. Je persiste à le trouver habile. On ne m'en dit rien de Wiesbade. Au reste je n’ai vu personne de là depuis et je n'ai eu qu’un mot insignifiant du duc de Noailles sur ces mouvements. Adieu. Adieu.
je n'ai rien du tout à vous mander de ces montagnes. Adieu.

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Schlangenbad le 20 août 1850

À mon retour de Wiesbaden hier j’ai trouvé ici vos deux lettres du 15 & de 16. Je vois que Trouville est noyé comme Schlangenbad. Je vous plains moins que moi ; j'ai besoin de chacun pour les bains chauds, et je prévois que sous le rapport de la santé et de la beauté ce séjour ne m’aura été bon à rien. La grande Duchesse arrive demain à Bierich ou Wiesbaden. Je lui ai écrit, j’attends ce qu’elle m’indiquera mais comme elle ne reste en tout quinze jours, ce sera vite expédié. Et alors comme il ne me reste à prendre que cinq bains. Je ne sais ce que je deviendrai. Il est possible que je m'en retourne à Paris avec le duc de Noailles. Nous verrons encore, vous serez prévenu à temps pour la direction à donner à vos lettres.
J'ai été hier faire visite à la duchesse de Noailles. Il y avait un petit coup monté pour m’en traîner plus loin. Je n'ai pas compris. Il y a eu au moins cinq ou 6 lettres écrites. Imperturbable, j’attendais mon dîner. On s'agitait autour de moi, enfin à 4 heures le comte de Chambord est venu faire visite à la duchesse de Noailles. Il est resté une demi-heure. Eh bien, tandis que le duc de Noailles maudissait le prince, moi je fondais en larmes. Voilà ce qui m’est resté de la vue de ce Prince. Les détails c’est trop long. Envoyez-lui ses ennemis. Quelle expression, quel visage ! Quelle attrape si le bon dieu a fait cette tête là pour rien ! mon émotion m’a étonnée mais c’est comme je vous dis là. Son aplomb, sa grâce sont remarquables. Et si naturel et si gai, et fin, charmant. J’étais si lasse en rentrant que je me suis couchée à 8 heures. J’ai renvoyé le duc de Parme. Molé écrit à son gendre que Salvandy va venir ici. Il le mande aussi que les nouvelles du roi sont bien mauvaises. Wiesbaden finit dans huit jours je crois. Adieu. Adieu. Adieu.

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Paris Jeudi le 26 septembre 1850

Merci de vous inquiéter de mon fils ! Moi, il m’inquiète beaucoup. Dès avant Ems une ébullition sur la tête qu'a gagné la figure & plus tard tout le corps. Rouge écarlate. La fièvre est venue et revient tous les soirs. On lui prescrit un régime très sévère & un climat très chaud. Ses lettres me prouvent la contrariété qu’il en éprouve. J’ai chargé lady Holland qui est partie ce matin pour Naples de m’en donner des nouvelles bien souvent. Elle sera très bonne à cela. J’ai pris Kisseleff hier et je l’ai mené à Champlatreux. J’y ai trouvé la vicomtesse, le duc de Noailles, & le duc de Mouchy. Molé aussi consterné ou plus consterné que les autres. Noailles n'en revient pas. Le découragement le gagne, il est vrai qu'il y a là de quoi perdre toute envie de se mêler d’affaires qu'on gate à ce point là. Tout le profit de Wiesbade perdu & au-delà. Jamais on n’aurait inventé bêtise pareille. L’avis général et que c’est au profit de président s'il sait s'en servir. La bonne conduite serait de ne rien brusquer. L'alouette lui tombera toute rôtie dans la bouche. Le manifeste soit disant de l’église a fait beaucoup de bruit. Ce bruit est diminué par une sorte de rétractation. Mais on ne la trouve pas assez nette pour qu’il n'en reste encore beaucoup. Lahitte avait dit avant hier, que cela serait formellement démenti. On ne trouve pas que ce soit formel. Molé a mauvais visage. Il ne bougera pas de Champlatreux jusqu'à l’assemblée. Fort soucieux de l’avenir, très triste.
Ma course a été agréable ; je fais cela très vite en envoyant un relai, et j’étais dans mon lit à 10 1/2. Je verrai le duc de Noailles ce soir. Je crois qu'il retourne demain à Maintenon. Palmella a passé ici trois semaines dans son lit. J’ai voulu le voir, on a craint pour lui l’émotion, Il a dit à Païva. Un dernier plaisir pour un adieu éternel Il est mourant, et Andral l'envoie mourir à Lisbonne. Je suis très triste, sa lettre hier au moment de partir est fort touchante. Il n'y a plus de Portugais après lui. Esprit très rare, & homme charmant. Je vous envoie Fleichmann, brave allemand. Je n'ai pas encore lu le reste de la lettre qui est longue. Je vous l'enverrai. Adieu. Adieu.

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Schlangenbad Samedi 17 août 1850

J’ai eu hier la visite du duc de Noailles & de M. Berryer. Ils sont venus à 3 h. & m'ont quitté à 7. Le duc de Noailles. est dans le ravissement, du comte de Chambord, il ne le connaissait pas. C'est de l’enthousiasme qu'il inspire d'abord, par sa superbe figure, à la fois de la grandeur, de la vivacité marquée par le bonheur. Ensuite sa conversation excellente, pleine de sens, de tact, voyant les choses par les côtés vrais et pratiques. Le fond parfait, susceptible de développement, mais dés à présent de l’autorité, une autorité naturelle simple. Noailles en est enchanté. Berryer bien content aussi. Il avait fait venir celui-ci à Hanovre en même temps que le M. de la Ferté (gendre de Molé) & Fernand de La Ferronnays. Ces deux-ci font chez lui le service de chambellan. Tous les trois demeurent chez lui & font partie, de sa suite, à tel point que Berryer a dû demander hier au prince la permission de venir me faire visite. Il y avait avant hier trente représentants à la soirée du comte de Chambord. Sur ceux-là 9 sont de la commission, je ne me suis rappelé que les noms de Benoist d’Azy, [Watis], [?] & Renneville. M. de Neuville gendre de M. de Villèle est là aussi et partageant l'enthousiasme général.
Larochejaquelin est parti avant hier sans dire adieu, mécontent de ce que le comte de Chambord aie donné toute sa confiance à Berryer. Quand on a annoncé hier matin son départ, le comte de Chambord a dit " j'en suis plus fâché pour lui que pour moi." Ce même jour il s'apprêtait à lui faire une forte réprimande. Il lui déplait fort de voir la discussion dans le camps de ses fidèles, et il exprime à toute occasion sa ferme volonté qu’on se conduise autrement à l’avenir. L’esprit le plus conciliant le plus patient, & le plus confiant dans l’avenir. On dit qu'il est impossible en le voyant de ne pas s’en croire certain comme lui. Une heureuse physionomie. La plus grande aisance, tenant son salon comme s'il était Roi depuis dix ans. Sa journée commence à huit heures. Depuis ce moment jusqu’à 5 heures, une audience après l’autre. Sans un instant d'intervalle, à 5 dîners de 20 couverts. Il ne se promène qu’après 7 heures jusqu’à 8, en rentrant réunion chez lui jusqu'à 10. Les dames tous les deux jours. Voilà le récit.
Berryer retourne à Paris le 22 je crois. Le duc de Noailles. restera peut être un peu plus longtemps. Le comte de Chambord part à la fin du mois. Ces Messieurs avaient ouï dire que la Grand duchesse Hélène venait à Wiesbaden tout de suite. Je m'en vais m’en informer, si cela était je serais dispensée d d'Ems. et j’irais la trouver à Wiesbaden. Mais je doute que cela soit ainsi. Mon rhumatisme va mieux mais le temps reste mauvais. On dit qu’on ne voit que des Français à Wiesbaden c’est bien autre chose que Belgrave square. Mad. Alexandre Girardin y est aussi. Adieu. Adieu.
On tient à Wiesbaden les meilleurs propos sur la famille d’Orléans.
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