Guizot épistolier

François Guizot épistolier :
Les correspondances académiques, politiques et diplomatiques d’un acteur du XIXe siècle


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Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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59 Paris, Vendredi 5 Mai 1854

Croyez-vous que, lorsque l'Empereur Napoléon mourait, à pareil jour, il y a 33 ans à Ste Hélène, il prévoyait son neveu Empereur aujourd’hui à sa place. Nous ne sommes pas assez frappés de la grandeur des spectacles que nous avons vus et de leur sens. Il me prend par moments l’envie de dire, sans réserve, à mon temps ce que je pense de lui. Mais cela ne se peut pas.
J’ai eu beaucoup de monde hier soir. Pour derniers Anglais, senior et sir John Boileau. Je regrette d'avoir manqué le matin Lord Napier qui a passé chez moi en traversant Paris pour se rendre à son poste, à Constantinople. Tenez pour certain que les Anglais sont modifiés, et que la perspective de la paix faite l'hiver prochain, par l’entremise des Allemands, les préoccupe et leur convient beaucoup. Ici, tout le monde dit que le gouvernement désire aussi la paix et tout le monde l’y pousse. Pourtant on parlait hier d’une levée nouvelle de 120 000 hommes, par anticipation sur le recrutement de l’armée 1854 qui ne doit légalement avoir lieu qu’en 1855. Voilà la garde impériale au Moniteur. Adieu.
Je vous quitte pour faire mes paquets de papiers. Je pars ce soir. Je reviendrai le 17 jusqu'au 27. Le beau temps revient aujourd' hui, le soleil doux. Il y a eu, depuis trois semaines, assez de cas de choléra à Paris, et graves. Ils diminuent beaucoup. Adieu, Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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58 Paris Jeudi 4 Mai 1854

Dîner hier chez Delessert avec des banquiers et des académiciens, Hottingen et Villemain. Point de nouvelles. Les banquiers doutent de la prolongation de la guerre. Ils disent que les affaires vont mal à Londres, plus mal qu'à Paris. Des mécomptes sur l’Australie en sont la cause, bien plus que la guerre.
On regrette la destruction du palais du Prince Woronzoff qui est connu et estimé. Odessa est toujours incompris. On voit seulement que de Londres, ou envoie dans la mer noire de nouveaux vaisseaux.
Le nouveau manifeste de votre Empereur semble indiquer qu’il a besoin d'échauffer son peuple.
Le décret qui crée une garde impériale est signé, assure-t-on. 12 000 hommes ; tous anciens soldats, avec cinq sous par jour de surplus de solde. En outre deux ou trois cents hommes de gardes pour l'intérieur du Palais, sous le nom de gardes de l'Impératrice, tous sous officiers, et ayant déjà la croix d'honneur.
On s'occupe assez de l'insurrection grecque. Quel qu’en soit le résultat, c’est une grave complication de plus ; ou un grand coup à l'Empire Ottoman, ou la chute du royaume grec lui-même. J’ai trouvé la circulaire du comte Nesselrode bien ouvertement provocante. Ici, dans le public, il y a quelque humeur de voir nos vaisseaux et moi soldats employés contre les Grecs, mais une humeur froide.
La lettre de la Duchesse de Parme au Pape, pour lui demander sa bénédiction et un Évêque est bien tournée, à la fois pieuse et ferme de ton. Jusqu'ici cette Princesse réussit.
Adieu. Je pars toujours demain soir pour revenir ici le 18, pour huit ou dix jours. Je ne vous envoie guère de nouvelles. J’en aurai bien moins encore au Val Richer. Adieu. Adieu. J’ai un peu plus de sécurité depuis que je suis sur de la Princesse Kotschoubey à Ems. Soyez assez bonne pour lui parler quelque fois de moi. Vous me direz si Mlle de Chériny vous a plu. Adieu. Mad. de Boigne est malade.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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82 Val Richer, Jeudi 1er Juin 1854

Voilà un nouveau mois qui commence ; le temps s'écoule et rien ne finit. Vous allez partir pour Ems. Nous nous éloignons l’un de l'autre. Quand nous retrouverons-nous ? Moi aussi, je suis triste.
Je comprends le parti que vont prendre les Anglais pour un ministre de la guerre. Ils ont raison. Mais Lord Palmerston me plaît encore moins là qu'ailleurs. Chargé de diriger la guerre, il aura probablement plus de moyens de l'étendre. Il est de ceux qui accepteront le remaniement de l’Europe, et les révolutions pour s’assurer dans la mer noire ou sur le Danube, un peu plus de succès.
Qu’y a-t-il de vrai dans ce qu’on dit de la mauvaise santé de Lord Stratford ? Cela aussi serait un événement. On s'en réjouirait certainement chez vous. Pour moi, je ne suis pas sûr que la paix y gagnât rien, et dans le peu le rapports que j'ai eus avec Lord Stratford, j’ai pris pour lui de l'estime et presque du goût. Je ne sais rien d'ailleurs.
Je n'ai point de lettres de Paris. Tous mes amis sont partis ou endormis. Il faudra pourtant bien que Génie me donne des nouvelles de votre appartement. Je l’ai sommé d'en finir de façon à mettre fin à toute combinerie. Midi Me voilà tranquille sur votre bail. Génie me dit qu’il vous l’a envoyé. Quand changera-t-on d'autres signatures. Point de nouvelles d'ailleurs. Adieu. Adieu. G.

Auteur : Mirbel, Lizinska Aimée Zoé de (1796-1849)
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Je ne puis vous envoyer la lettre à l'occasion de laquelle celle-ci a été copiée ou pour mieux dire composée. Mme de Damrémont (chose fort singulière) excepté la correspondance de son mari, n'a jamais gardé une seule lettre de qui que ce soit ; elle les brûle toutes presque immédiatement, et la revue rétrospective ne s'enrichira pas de ses dépouilles. Mme de Charnailles sa fille a l'habitude contraire et voilà comment elle possédait la lettre de son frère.
Mais la mère et la fille m'ont dit n'avoir jamis reçu une lettre pareille à celle-ci. Jamais il n'a fait de pareilles tartines politiques. Ce style n'est pas le sien. A cette époque M. Damrémont avait moins de 20 ans. Ce n'est pas la correspondance d'un homme de cet âge. Moi qui souvent entends lire ses lettres aucunes ne ressemeblent à celle-là et aujourd'hui ou les opinions d'opposition qui y sont exprimées pourraient lui être favorables, Mme de Damrémont la renie comme ayant été pensée par son fils. Il est évident que le mauvais vouloir qui se manifeste dans l'autre lettre où sa probité est attaquée l'aura poursuivie dans celle-ci ne lui prêtent un esprit d'opposition dont la connaissance devait entraver sa carrière. 
M. de Damrémont va quitter le Brésil. 

Auteur : Darcy, Hugues-Iéna (1807-1880)
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[...] J'ai lu votre 3e volume avec l'émotion passionnée que vous savez. Mais je ne suis pas sûr que M. Th. accepte ce que vous avez dit de ses traditions et de son milieu politique, du même de son initiative en matière de lois de répression. (p. 290 et 245). Je crains aussi que M. de Broglie ne soit pas franchement satisfait d'avoir été moins habile qu'il n'aurait pu l'être avec la chambre, le Roi, m. de Talleyrand et M. de Metternich. (p. 328, 333 &) mais il est vrai que si les mémoires contemporains n'étaient que des cassolettes de parfum, si la vérité, même voilée et discrète, n'y pouvait trouver place il n'y aurait pas de mémoires possibles. [...]

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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129 Val Richer. Lundi 31 Juillet 1854

Je trouve le bulletin du Prince Gortchakoff sur la bataille de Giurgiu, très modéré et convenable, sans forfanterie insolente et vulgaire. Il parle des Turcs avec estime et en homme qui a éprouvé qu’il n'en fallait pas parler légèrement. Omer Pacha se fait certainement beaucoup d’honneur. Il serait plaisant que le résultat de tout ceci fût de relever réellement, sinon pour toujours, du moins pour cinquante ans l'Empire Turc. Tout est possible, surtout l'imprévu.
Les Anglais paient bien vivement de leur personne dans les débuts de cette guerre. Voilà quatre ou cinq officiers d’un nom commun tués à Sulina et à Silistrie, Parker, Butler & Ces morts sont racontées, dans les lettres des chefs avec une simplicité grave et émue qui fait honneur aux morts et aux vivants. Un pays Chrétien, aristocratique et libre, c’est ce que l’histoire du monde, jusqu'ici, a offert de plus beau.
Les affaires d’Espagne tournent selon mon attente. Espartero sera premier Ministre comme il a été régent, au nom de la Reine Isabelle, et il gouvernera l’Espagne jusqu'à ce qu'à force de mal gouverner, il ramène au pouvoir Narvaez où son pareil. La France et l'Angleterre feront très bien de ne point s'en mêler et je ne crois pas que rien les y oblige.
Je vois que le général Aurep est à la tête de trois corps à Frateschi. Nous aurons encore là, au premier jour, une grande bataille, où comme vous dites, personne ne sera battu.
Vous faites bien de rester à Ems tant que vous y avez quelqu’un dont la conversation vous plaît. Quelle est donc la maladie de Morny et comment fait Oliffe pour abandonner ses maisons, et ses baigneurs de Trouville, du reste, le monde commence seulement à y arriver. Le Prince Murat qui a acheté le château y donne des fêtes à la population, des spectacles, des bals. Cela console médiocrement les familles, dont les chefs et les enfants ont été pris pour les flottes. Dans ce seul bourg de Trouville, on a pris 175 marins.

Midi
Rien de nouveau. Adieu, adieu. Il fait moins chaud, quoique beau. En jouissez-vous ? Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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128 Val Richer, Dimanche 30 Juillet 1854

Je ne puis croire que l’amiral Berkeley soit assez sot pour avoir produit les lettres qu’il a produites à la Chambre des Communes sans que le Cabinet en ait été d’avis. On a probablement, voulu expliquer par là l’inaction d’une si grande flotte. Cela explique en effet l’inaction, mais non pas l'imprévoyance. On aurait dû savoir cela plutôt. Ce serait payer bien cher la découverte qu’une place est imprenable s’il fallait chaque fois équiper et envoyer sous ses murs l'armée nécessaire pour la prendre. En tout cas, ceci ne me donne aucune espérance pacifique. On vous bloquera jusqu'à ce qu’on aie trouvé par où vous êtes vulnérables. L'occupation de l'île de Gothland par nos troupes si elle est réelle est un fait bien grave. La Suède entre donc dans l'alliance. Cela donne aux alliés des ports dans la Baltique, où ils peuvent hiverner, et se trouver prêts dès que la mer sera libre. C'est la principale difficulté de la guerre dans le Nord supprimée pour eux. Je le pense comme vous, toute la politique de l’Europe est changée, toutes les situations, toutes les alliances. Le premier qui démêlera, les conséquences de cette révolution, et qui entrera hardiment dans les voies de l'avenir qu'elle prépare, sera pour un long temps, le maître de l’Europe. Nous n'épuiserions pas ce sujet en huit jours, si nous causions.
Avez-vous remarqué l'article sur les Finances russes qu'a répété le Moniteur d'avant hier vendredi. Je ne connais pas assez bien les faits pour apprécier la valeur de ses assertions ; mais soyez sûre qu’il fera de l'effet. On croira à votre banque route si la guerre se prolonge. Et on fera tout ce qu’il faudra pour vous empêcher de trouver de l'argent hors de chez vous, ce qui ne sera pas difficile si on croit vos finances embarrassés à ce point. Le discours de Lord Palmerston sur le bill de Lord Dudley Stuart, et la faveur avec laquelle il a été reçu, sont très significatifs.
Aberdeen a une joie de famille. Son dernier fils Arthur, qui voulait le faire Clergyman y renonce et entre dans la chambre des communes. Le père le désirait beaucoup. C’est un très honnête et spirituel jeune homme. Je l’ai vu un moment cet été à Paris, où il a passé en accompagnant à Bordeaux une vieille amie de son prre. Je l’ai trouvé très au courant de toutes choses, et très sensé sur toutes choses.
Que dites-vous du mariage de Lord Harry vane. Je n’avais pas remarqué la mort, très peu remarquable, de Lord Dalmeny. Je me rappelle, très bien Lady Dalmeny, vraie beauté de Keepsake. C'est la soeur de Lord Mahon, si je ne me trompe, Midi. J'adresse toujours mes lettres à Schlangenbad. Adieu, Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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106. Ems le 29 juillet 1854

J'ai été voir hier ma grande Duchesse Marie de Weimar, à Coblence où elle est en visite de quelques jours chez sa fille la princesse de Prusse. Grandes tendresses. Grande tristesse. Je l’ai trouvé très russe mais sensée. La princesse de Prusse fort modérée dans son langage. Un éloge de l’Empereur Napoléon. Ma course & la Conversation m'ont fatiguée. Ma Grande Duchesse est plus sourde que le Prince Metternich.
Morny va mieux et se décide à rester à Ems. Je voudrais bien amener à Ems Léon de Schlangenbad. J’y resterais bien volontiers mais il n’y a pas moyen comme j'aimerais continuer ces conversations deux fois. le jour. Morny est décidément très agréable, & suis tout à fait fâchée le quitter.
On s’attend à Paris à l'accession de l’Autriche au traité Franco anglo turc, dans 10 jours. St Arnaud, dit on, se prépare à une bataille. rangée sur le Danube. On ne parle plus de la Crimée. Je n’ai pas de nouvelles de Pétersbourg. Voilà bien de la confusion à Madrid. Je pense qu'Espartero gouvernera cette révolution. Greville s'inquiète à l’idée qu'on puisse s'en mêler. Il dit que l'Angleterre n'a plus un soldat, ni un vaisseau à fournir. Il espère que la France verra faire sans prendre la moindre part. Que dites-vous de l'Angleterre prenant à sa solde une armée Turque à laquelle elle fournira ses officiers ? C'est comme les pays. La voilà maîtresse en Turquie comme elle l’est aux Indes, nous avons fait de belles affaires ! Elle a bonne grâce à nous reprocher notre ambition envahissante. Mais sans compter la Turquie que cela fait disparaître, ça peut s' arranger la France & d'autres ? Quels événements !
Metternich n’a pas eu plus de part à la conduite de son gouvernement que vous et moi. Tout cela était inventé de même Aurep. Il écrit à sa femme qu'il se porte très bien. Jusqu’ici la Prusse résiste quand même l’Autriche marcherait. Mais on lui demandera très net de dire oui ou non. Je doute qu’elle ose l'un où l’autre. Alors quoi ? Adieu. Adieu.
J’apprends que l'ordre vient d’arriver de Berlin de mobiliser l’armée. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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105. Ems le 26 juillet 1854

Toujours ici encore. Vos lettres se promènent mais elles m'arrivent je n’ai pas fixé de jour, je lèverai le camps du soir au matin. Je suis restée emballée depuis 8 jours. Morny est bien malade, et découragé. Il ne veut pas rester ici, mais il ne se décide pas. La conversation me plaît et m’amuse, je m'ennuierais à Schlangenbad profondément. Hélène m'écrit pour m'exhorter à rester. Elle sait que l'ennui est ma plus grande maladie. Enfin je suis encore là, sans savoir si j’y serai demain. Nous avons des chaleurs excessives. On ne peut pas bouger le jour. On ne peut pas dormir la nuit.
Pas de nouvelles. D'Orient rien militairement & politiquement on élabore quelque nouveau protocole qui voudra dire que nos propositions ne sont pas acceptées. Je sais ce pendant qu'on les a trouvé pas sables et que sans y donner suite à présent, on les regarde comme des jalons pour l’avenir. L’Espagne. Que va-t-elle devenir ? Je crois que c'est Espartero qui va reparaître et régner.
Je ne sais sur la mort du général Aurep que ce qu’en disent les journaux. Sa femme avait passé ici il y a une dizaines de jours. Elle ne s’y est arrêté que quelques heures pour me voir. Les journaux sont si menteurs que je ne crois pas encore à cette mort. Si l'Espagne était arrivée dans la belle saison du bavardage de mon salon, que de choses à se dire, et Dumon comme il parlerait ! Adieu. Adieu, que se passera- t-il encore jusqu’au temps où nous nous retrouverons tous ? Ce temps viendra-t-il ? Adieu.
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