Guizot épistolier

François Guizot épistolier :
Les correspondances académiques, politiques et diplomatiques d’un acteur du XIXe siècle


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Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Je ne puis attendre jusqu'à une heure pour savoir de vos nouvelles. J'écris un mot à Mlle Lacy pour lui en demander. Dites-lui je vous prie, de me donner quelques détails. Quel malheur de demeurer si loin ! Je me suis réveillé dix fois, en pensant à vous. Adieu. Adieu. si je pouvais apprendre que vous avez un peu dormi ! Adieu. Adieu

Lundi 5 mars-1849

Mots-clés :

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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Bruxelles Mercredi 2 juin 1852

Ma dernière nuit à Paris a été assez bonne. Je suis arrivée ici à 5 heures mon fils arrivait de Londres en même temps. Il reste avec moi aujourd’hui.
Trubert est très bien. Kalerdgi est arrivée cette nuit, je ne l'ai pas vue encore. Collaredo est dans le même hôtel que moi depuis hier aussi. Van Praet est venue me voir. Le tête-à-tête n’a pas réussi. [Kontornoff] & notre consul l’ont empêché. Je le reverrai ce matin. J'ai redormi cette nuit, et je suis moins fatiguée que vous ne m’avez laissée. Voilà tout ce que j’ai à vous dire et Adieu. Adieu.
Voici votre lettre merci, une aussi d’Aberdeen, très rude pour Lord Derby, & peu obligeant pour Paris. Adieu encore et le M. [?] raconte mon dîner. Evidemment il y avait un gentleman of the press dans mon salon vendredi soir. Je suis très vexée.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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2. Beauséjour Samedi 2 heures le 12 août 1843

Je reviens de ville, où je n’ai vu que Durroy & M. Galand, ce n'est donc pas des nouvelles que j’ai à vous conter mais je veux ajouter à ma lettre de ce matin que j’ai remise à Paris, parce que je crains qu’elle ne vous fâche. Je regrette votre départ, je trouve d’après tout ce que m’a dit Génie que cela n’est vraiment, pas raisonnable, que vous avez été faible, mais je ne vous reproche rien, et je veux avoir foi à votre promesse de 26 en dépit de ce qu'a dit votre mère. Répétez-moi le 26 dans chaque lettre. Vous tenez tant à avoir son respect pour votre parole, & vous me l'avez engagée. Et puis dites-moi, répétez-moi qu’il ne vous arrivera rien. Point d'accident, point de maladie. La semaine prochaine sera abominable et si longue, si longue ! Mais la suivante quel plaisir de me dire la commençant que je la finirai bien si bien auprès de toi dans mon petit salon. Que nous serons contents ! En attendant je me ferai tous les dragons du monde, et pour commencer il me semble que cette nuit, on viendra vous attaquer dans votre lit. Fermez-vous votre porte ? Comment ai-je pu oublier de vous demander cela ? Je relis, je trouve une familiarité extraordinaire sur cette page. C’est égal je n’effacerai pas. La P. Belontelly sort d'ici. Décidément elle croit que Mad. de Nesselrode va venir : si elle vient, je suis d’avis que vous ne soyez pas aussi poli que la dernière fois. Au fond Génie ne m'a dit sur la visite qui vous est venue ce matin que la circonstance qu'on n'appelle plus Bourges ni roi ni reine. Ce n'est pas grand choses. Le faisait-on avant ? Je ne me sens pas bien, je voudrais me distraire. J'ai froid aux jambes. Sur les nerfs. Ils iront mal jusqu'au 26. Voici une petite lettre d'Emilie reçue à l'instant. Je crois que c'est le prétexte pour vous écrire deux lettres. Mais la vraie raison est que je voudrais en écrire et en recevoir toutes les heures. Adieu une fois, mille fois. Le 26. Le 26 et avant s'il plait à Dieu de nous envoyer une révolution, et à Lopeze vous demander un ambassadeur. N'allez pas m'escamoter cela. Adieu. Je vous enverrai Emilie demain au fond je ne l'ai pas encore lue.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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2. Bruxelles Dimanche 26 février 1854

Merci du triste N°1. Quel brave homme que le duc de Broglie ! Je vois bien que mon chagrin ira en grandissant. Je suis très entourée mais qu’est-ce que c’est ? Et puis si mal arrangée en comparaison de ce que j’étais. Le temps n’est pas froid et cependant ma toux a augmenté beaucoup quoique je ne sois pas sortis du tout depuis mon arrivée. Tout le monde vient, connus et inconnus. Tout le corps diplomatique moins le Français. Lord Howard était en doutes sur l'accueil. Je l'ai fait rassuré. Il est venu avec sa femme, une fille du duc de Portland, très bien & spirituelle, et grande dame. Elle m’a apporté une lettre de Lady Palmerston à moi, très sympathique et bonne. Les Chreptowitch sont toujours là, trop. Le Prussien est excellent. L’Autrichien point d’esprit. Van Praet ma grande ressource. Il veut m'amener M. de Brouckere & le général Chazal. On veut m'amuser. Montalembert a eu l’air bien content de me voir, nous avons causé. Demain il retourne à Paris hélas. Le prince d'Aremberg aussi. Les heureuses gens !
Les nouvelles ici sont que mon Empereur a reçu avec une grande colère les remontrances de l’Autriche & de la Prusse. Qu'à Paris & Londres on presse l’Autriche de telle sorte qu’elle sera obligée de se prononcer & tout de suite, & qu’elle agira. L’enthousiasme en Russie est réel et énorme. Tout le monde veut faire des sacrifices. Un marchand de Moscou nommé Alexis à envoyé à l’Emp. 25 millions la moitié de sa fortune. Hélène va lui donner 300 hommes pour commencer. On dit que nos armées sont immenses. Le 1er avril nous ferons parler de nous. Je ne vois pas ici d’apparence du voyage du duc de Brabant, en tous cas on doute que sa femme l’accompagne. Voilà votre petit billet d’hier continuez, je vous prie. Ce sera mon seul plaisir, mon grand plaisir, ma joie. Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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2 Val Richer, Dimanche 29 mai 1853
8 heures

Je me lève après neuf heures de sommeil. Je sens la fatigue s'en aller. comme la soif quand on boit. Mais il ne fait pas beau ce matin. Vous ne connaissez pas le plaisir de voir pousser vos cerises, vos fraises, vos abricots et vos pêches. Marion vous dira si c’est un plaisir. Je reviens de mon verger à mes journaux à Paris, je les regarde ; ici, je les lis.
Le Moniteur met bien du soin à répéter le Morning Post qui dit que les Cabinets de Londres et de Paris, "ont agi, agissent et agiront à Constantinople avec l'accord le plus parfait et le plus cordial." On est très pressé de rentrer dans l’ornière. Il est vrai que cette fois, vous y avez poussé. Si votre Empereur avait, dés le premier moment, dit avec précision, à tout le monde, que pour se mettre à l'abri des firmants secrets et mobiles, il demanderait pour l'Eglise grecque, ce que la France possédait depuis deux siècles pour l'Eglise latine, c’est-à-dire des capitulations formelles, et que c’était là, pour lui, la question des Lieux Saints, il n’eût pas rencontré, j'en suis convaincu, les obstacles qu’il rencontre aujourd’hui ; car bien qu'énorme en fait et très différente par là de la prétention latine, la prétention grecque est, en soi et en droit, si naturelle et si raisonnable qu’on eût eu de la peine à la combattre. Mais elle ne s’est pas expliqué tout haut, toute entière et tout de suite ; elle a apparu au dernier moment comme une nouveauté par conséquent beaucoup plus grosse qu’elle n'eût paru au premier ; et vous avez créé, à la fin, une situation grave uniquement peut-être parce que vous avez voulu vous épargner, au commencement, quelques embarras de conversation. Je n'en persiste pas moins à penser que la situation grave sa dénouera sans événements graves.

Onze heures
Je persiste toujours, quand même la tentation de conciliation des quatre puissances n'aurait pas réussi. Le feu ne prendra pas à l'Europe pour cela. Vous avez raison, il fallait parler plutôt et plus haut pour vous. Vous voyez que je suis de votre avis, encore plus que vous, car je remonte plus haut. Adieu, Adieu.
Ne soyez pas trop fatigué en partant. Je remercie Marion. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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3 Beauséjour Lundi le 8 7bre 1845
Onze heures

Merci, merci de vos deux lettres 1 & 2. Je vous imite, celle-ci porte le N°3. Je crois la reine arrivée et vous dans le full time of conversation. J’espère que vous ressortirez de là aussi content que vous l'avez été il y a deux ans.
J’ai eu hier une très longue conversation avec Kisseleff. Le maître n’est pas changé. Caractère, opinion, tout est resté de même. Seulement de plus en plus inaccessible à tout conseil. Personne ne rêve plus à en donner. Vraisemblance qu’il ira de la mer noire en Sicile. Je pense qu'il verra le Sultan un moment. Evénement ! J’ai été chez les Appony le soir ; assez mauvaise humeur mais qu'on cache.

Paris 1 heure. Je suis ici pour un moment. Je viens de voir Vérity. Il me trouve mieux qu'à Londres. Mais ce sera tout. Pas la moindre nouvelle à vous donner. Le plus beau temps du monde. et moi adieu adieu. Voilà tout et toujours.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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3 Bruxelles lundi 27 février 1854

Vos lettres sont ma seule joie. Continuez-les je vous en prie. Je n’ai pas bougé depuis mon arrivée, ma toux est beaucoup augmentée, mes yeux aussi me font mal. J’ai beaucoup de courants d'air dans mon appartement. Je ne parviens pas à m'en garer. On vient assez me voir, beaucoup même mais cela ne me plait pas. Montalembert seul me plait & il part ce soir. Van Praet est toujours ma préférence et est vraiment très agréable.
Les nouvelles Allemandes nous sont très défavorable, nous aurons tout le monde contre nous. Je crains qu’au lieu d’intimider cela n’aggrave l’obstination. Clarendon a fait un remar quable discours.
Mardi 28 Le duc de Saxe Cobourg arrive aujourd’hui. Il se rend à Paris où sa visite annoncée fait plaisir. Khiva est décidément pris. Et mon Empereur décidement bien en colère contre les Allemands. Je vous remercie de me dire l'emploi de vos journées. Je veux pour vous de la distraction mais point d'habitude. Mes soirées éparpillées. Ah que je pense à tout cela ! & si on me regrette, jugez comme je regrette à mon tour ! Avant hier je me suis pris à pleurer. J'en ai encore mal aux yeux. aujourd’hui. Quelle chute !
Pourquoi le journal des Débats me fait-il faire des visites à Chreptovich & Kisseleff ? Imaginez, débarquant & courant tout de suite ? Le fait est que je n’ai pas encore bougé de ma chambre et quand je bougerai ce sera pour prendre l’air. S'il y en a jamais de prenable. à Bruxelles, mais certainement je ne ferai visite à personne. Il fait très froid et tout a l’air si triste ! Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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3. Paris lundi 13 juillet 1846 10 heures

Voici votre N°1. J’ai eu presque de la colère en voyant ce chiffre. C’est le commencement des mauvais jours, de tant de mauvais jours. Hier toute la diplomatie est venue chez moi le soir. Il n'y manquait personne, car même le Prince de Ligne y était. Je lui plais beaucoup car mes imprécations contre les chemin de fer sont encore d'un ton plus élevé que les siennes. Sa femme a vu de ses yeux 21 cadavres, et il y avait des carcasses entières qui n’étaient pas retirées de l’eau. Les journaux étouffent tout cela, & sont toujours des vilaines de bourse. Mais que dire de cette providence qui s’adresse à l’aristocratie d'une manière si frappante. 13 voitures culbutées. La 14ème celle où sont les enfants Ligne. La 15. La P. ? Crartoue? 16. Mad. Lauriston 17 La Princesse de Ligne, saines & sauves. Passons. Könneritz m’a dit qu’il n’y aura pas de Constitution en Prusse. Cela a été décidé à une dernière réunion du Conseil. Le Prince de Prusse est parti pour Pétersbourg laissant à tout événement une protestation formelle contre tout projet. Armin à qui j'en ai parlé doute. Mais il ne doute que parce que cela lui déplait. La Vicontesse est évidemment in distress, elle me prie de ne venir que Samedi. J’irai d'abord à Dieppe & si Dieppe me déplait j’irai chez elle, voilà qui est dit. Je crois que je ne partirai que mercredi. Je dine aujourd’hui chez les Cowley avec le vieux Adair. Je hais les paquets et les embarras, me voilà enfoncée là dedans. J'ai bien repensé à votre Espagne. Quel dommage que vous n’ayez pas bâclé un mariage quelconque. Vous avez eu 7 monthes Warning. Aujourd’hui ce même Enrique qui eût été de votre fait, ne passera plus pour cela. Palmerston s'en chargera. Et cependant il me semble encore que ce que vous avez de mieux à faire serait de l’épouser franchement. Qu’on puisse le dire appuyé, par vous comme par l'Angleterre. Car sans cela il y arrivera en dépit de vous. Cela me tracasse. Je n’ai pas encore causé du tout avec Génie. Je ne sais si aujourd’hui vaudra mieux que hier. La chaleur m’accable. Est-ce que j'arriverai à Dieppe ? 4 heures. Kisseleff vient de me montrer une très bonne dépêche en réponse aux légions d’honneur. Je suppose que Désages vous l'envoie. Adieu. Adieu. Adressez toujours vos lettres à Génie. Encore adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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3. Saverne Samedi 3 août 1844
6 h. du matin

Je veux encore vous dire adieu sur terre de France. Je serai triste en passant le Rhin ! Hier n’a pas été si bien que les autres journées. Un accident ; le postillon sous les chevaux... La voiture presque renversée. Mon Constantin a sauté dehors avec une prestesse de cosaque. Il a tout fait, coupé les traits, relevé le postillon. Enfin nous nous sommes remis de la frayeur et de l’accident. Cela a fait un délai d'une heure. Le pauvre postillon y perdra un doigt.
Je vais donc revoir mon frère aujourd’hui. Je commence à y penser. J’aurai un peu de plaisir, et quelques conversations curieuses. A propos, si l’envie de voir Strasbourg lui venait, s’il était curieux (ce qu'il sera) d’un exercice des chasseurs d’Orléans, Hennequin serait-il homme à l’orienter pour le jour où cela pourrait se rencontrer ? Ou bien pourriez-vous lui faire tenir quelque autorisation auprès du Chef militaire pour cela ? Cela serait de la bien bonne grâce. Je vous dis ceci en l'air, mais Constantin croit que son oncle serait le plus heureux du monde de voir pareille fête.
Les visiteurs de Bade arrivent à Strasbourg sans passeports. Au reste je vous reparlerai de cela encore quand je l’aurai vu. Je vais déjeuner et partir. Je soutiens bien le voyage. Constantin est tout étonné du peu d'embarras que je lui donne, mais cela vient de ce qu’il est là et que je ne m’inquiète pas de mille détails du voyage. Ma santé va assez bien. Adieu. Adieu. Ecrivez-moi, soignez-vous. God bless you dearest.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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3 Versailles, Samedi 2 Septembre 1843
6 heures du matin

Me voici bien véritablement à Versailles, mais cela ne me plait guère. L’appartement que j'occupe est au midi. J’étouffe. J’ai passé une nuit détestable. J’ai fait hier un mauvais dîner qui me dérange l’estomac. Enfin cela commence très mal. Je commence à me croire bête. Je ne sais pas les arranger. Kisseleff est venu hier à Beauséjour avant mon départ. Je voulais lui dire que le corps diplomatique se conduisait très sottement et lui insinuer par là la convenance de faire et dire autrement. Il s’est avoué coupable du pari, il les regrette extrêmement. Je l’ai rassuré, j’ai dit que quoiqu'on les sût on n’y ferait pas attention mais il faut qu'il règle son langage ou il a affirmé et je le crois qu’il dit à tout le monde en parlant du voyage " c’est un très grand événement ", & lorsqu'on lui jette à la face la petite fille. Il dit une petite fille qui est un roi, qui arrive flanquée de ses vaisseaux de ligne ; et accompagnée de son ministre, c'est le gouvernement, c'est l'Angleterre. Je l'ai loué et exhorté à continuer. Quand on a de l'esprit c’est comme cela, qu'il faut faire. Je voulais sérieusement rendre service à Kisseleff, et je suis sûre de mon fait en faisant ressortir que tous ses collègues sont des sots.
Ce pauvre Fluihman que j’attends qui est venu a été renvoyé brutalement par ce sot de Stryboss. Pauvre homme dans cette chaleur. Je lui ai écrit pour l’inviter ici aujourd’hui mais il ne me croira plus.
J’ai quitté Beauséjour à cinq heures, seule. J’ai dîné un peu tristement et mal. J'ai marché sur le pavé dans les ténèbres suivie d’Auguste. Comme c’est gai. Je suis entrée un moment chez Mad. Locke dont l'appartement touche au mien. Elle est très bête, sa fille a un ton de village, le mari ne dit plus un mot. Ce trio n’est pas soutenable si l'on ne vient pas me voir de Paris cette solitude sera intolérable.
J’attends votre lettre. Je voudrais bien savoir cette reine arrivée. Si elle tarde c’est autant de jours de pénitence de plus pour moi, et je les trouve déjà bien longs. Serra Capriela donne demain une soirée diplomatique au comte de Syracuse. Appony devait venir passer la journée chez moi, ceci l’en empêche.
Une heure. Voici votre lettre. Je vous en prie pas de galanterie en mer. Que le Roi n’aille pas au devant. La bonne grâce serait quand elle approchera et lorsque son bâtiment sera en rade. C'est-à-dire en parfaite sécurité, que le Roi monte en bateau ouvert pour la recevoir. Il est clair qu'il faut un bateau dans tous les cas. Je ne connais pas votre Tréport mais s’il est fait comme d'autres ports le bateau à vapeur n’arrivant pas jusqu’au bord il faut toujours se mettre en chaloupe pour aborder. C’est donc chaloupe que je voulais dire, et encore j'ai bien envie de m’en dédire. Je ne suis pas le moins du monde de votre avis sur ces sortes d’entreprises. " Là où il y a la plus petite chance d’un très grand malheur il faut s’abstenir ! " (traduction littérale d'un dicton Anglais.) Que le Roi reste chez lui. Et surtout pour Dieu que vous y restiez. Je n’aime pas toutes ces aventures. Ah que je voudrais qu’elle fut déjà là ! Votre lettre me fera trembler jusqu'à demain. Et puis je recommencerai. Vous me rendez très nervous par cette chance d’une promenade en mer si la Reine n’est pas arrivée demain quand vous lirez ceci, suivez-mon conseil. Je vous en conjure ; écoutez-moi.
Je vois que vous me voulez à Beauséjour. J’y retournerai puisque c’est votre volonté. Je coucherai encore ici aujourd’hui. Vous ne savez pas comme vous venez de m’inquiéter, et puis quand je me rappelle que nous nous sommes quittés si gais j'en reviens à un pressentiment triste. Je vous demande à genoux de ne pas vous embarquer, de ne pas embarquer le Roi. Adieu, adieu.
J'écris à Génie pour le prier de venir ici. Peut-être viendra t-il. Madame Narychkine revenue de Bade me rapporte la nouvelle que les trois filles du Grand Duc Michel se marient. L'ainée au Duc royal de Wurtemberg. La seconde au Duc régnant de Nassau. La troisième au Prince héréditaire de Bade. Tout cela d’excellents mariages. Et l’Empereur qui ne parvient pas à en faire de bons pour ses filles. Qu’est-ce que je vous dis là ! Je n’ai plus autre chose dans la tête que cette navigation du roi. Abominable idée jetez la par terre je vous en supplie. Adieu. Adieu. Adieu. Non pas gaiement du tout mais avec une horrible inquiétude. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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4. Beauséjour lundi 11 heures
Le 14 août 1843
J’ai trouvé en ville hier votre petit mot d'Evreux. Cela m’a raffermi le coeur. J’ai été à l’église. J’ai prié avec ferveur. M. Cuvier nous a fait un bon sermon, simple, très bien.
En rentrant ici j’ai trouvé Bulwer qui m’attendait. Il part ce soir pour Dieppe d'où il veut revenir à la fin de la semaine pour se mettre à ma disposition. Je n’y crois pas du tout. Acton explique longuement qu'Espartero, avait eu raison dans son place de campagne, le bombardement de Séville était même très habile et très juste. Malheureusement Serano qui devait battre, a été battu. Petite différence qui a tout dérangé. Grande désunion parmi les chefs vainqueurs. Grande vraisemblance et même imminence de troubles à Madrid une réaction. Le parti français grossissant. Grande crainte que l'Espagne toute entière ne demande le duc d’Aumale. Voilà Acton, Bulwer a l’esprit préoccupé du duc d'Aumale aussi, et me demande beaucoup ce que j'en crois. Qu’est-ce que je puis croire ? Je ne crois rien, mais je m’amuse des inquiétudes anglaises, c’est ce que je lui ai dit. En ajoutant qu’ils étaient singulièrement crédules. Après, Bulwer j’ai vu Kisselef. Il n’a pas eu un mot par le dernier bateau, il ne savait donc rien et avait tout à apprendre. Grande éloge des discours du duc de Nemours vanté même par les légitimistes au Club.
A quatre heures je suis partie pour Versailles avec Pogenpohl. Jolie course, air excellent qui m’a donné des forces J'ai marché beaucoup sur la terrasse avent dîner, après dîner à huit heures je suis repartie, j’ai descendu à pied la montagne à St Cloud et j'étais rentrée à 9 1/2 et dans mon lit avant 10 heures. Voilà bien exactement hier. Aujourd’hui je vais en ville je passerai à la porte de Génie. Je dinerai chez les Cowley. Demain je compte m’établir à Versailles, mais je vais encore apprendre si la pieuse comtesse y vient décidément ; si elle ne venait pas j’irai à St Germain que je vois plus gai. Certainement je ne resterai pas ici j'y suis trop triste. Avant hier Appony, hier Bulwer ont fort exalté votre mérite. Grands, grands éloges. Voici du bien beau temps ; mais mon jardin me déplait. Je vous envoie la lettre d’Emilie. Il est clair qu’elle n’a pas grande envie de ce mariage. Je pense beaucoup à tout ce qui se prépare en Espagne, hors d’Espagne. Je crois beaucoup à une ligue européenne contre le mariage possible avec la branche d’Orléans. Je crois surtout que vous seriez mieux à Paris dans un moment pareil qu'au Val-Richer. Que de retard ; & que d'occasions où un jour de retard porte un dommage difficile à réparer. Je ne puis m’empêcher de répéter avec beaucoup d’autres que vous vous en allez tout juste au moment où vos embarras et votre action commencent, c’est singulier ! Je me sers du mot le plus poli. J’en ai de bien gros au bout des lèvres. Adieu. Adieu pourtant. Adieu. Le 26 et peut être avant. Pensez un peu si avant ne deviendrait pas nécessaire ? Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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4 Bruxelles le 1er mars 1854

Ecrivez moi demain jeudi par Hatzfeld. Il envoie un courrier. Portez la lettre vous même avant cinq heures. Je suis bien plus malheureuse que je ne croyais l’être. Mes yeux sont en grande souffrance, & l’ophtalmie règne ici dans la troupe. Si cela augmente, mon mal s’entend, que faire ? Retourner ? Que devenir ? à Paris est ce possible ? Perdre mes yeux, bien obligé. Pensez un peu au ridicule de retour à la fâcherie chez nous. Mais d’un autre côté mes yeux ! Je suis dans une grande perplexité. Pensez, consultez. On me défend d'écrire, car j’ai déjà vu un médecin. Je suis plus malheureuse que je ne puis le dire. J'étais si bien à Paris. A mon dieu ! Dites à Duchatel ma connaissance de sa lettre et l'impossibilité où je suis d’y répondre. Je souffre. même en écrivant ce peu de mots. Vous allez bien me plaindre. Je suis triste, à mourir. Adieu. Adieu.. On me dit qu’à Vienne encore on ne veut pas croire à la guerre.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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4 Val Richer, Mercredi 15 Juillet 1846,

Vos yeux malades me déplaisent beaucoup. Presque autant que vos yeux bien portants me plaisent. Vos yeux bien portants ont, par moment, un caractère de profondeur de regard recueilli et intérieur, admirable. Je les vois tels dans ce moment-ci. Qu'ils ne soient pas malades. Mad. Danicau vous lit-elle beaucoup ? Vous ne me dites rien d'elle. Je suis presque bien aise que vous renonciez à Dieppe. Je n’y avais pas goût. C’est bien loin pour ce que vous alliez y chercher. Et en cas de grand ennuis, il faut deux jours pour revenir à Paris. J’aime mieux St Germain ou Versailles. Je pense que vous allez samedi à Mouchy. Moi, j’irai ce jour-là établir Pauline à Trouville. Je devais y aller demain. Quelques arrangements me font retarder de deux jours. Fleischmann tient-il sa parole ? Le temps est resté un peu gâté de l'orage. Je me suis moins promené hier. Pourtant une course d’une heure dans les bois. On m’annonce pour aujourd’hui beaucoup de visites. Si je savais m’ennuyer, l’occasion serait bonne. L’état des esprits est excellent, ici et dans les environs. Je ne crains que le trop de confiance. Tous les nôtres se croient sûrs du succès trop sûrs.
Rien aujourd’hui d’aucun point. Si ce n’est de Bruxelles où l’Infant D. Enrique s’est rendu en deux jours, à charge à tout le monde, en particulier à sa sœur qui parle mal de lui et dit qu’il faut bien le veiller. Il ne s’est entouré que des émigrés progressistes. Il a dîné le 14 à la Cour, et il part aujourd’hui même pour la Hollande, d’où il ira sans nul doute à Londres. Vous avez toute raison de parler toujours de lui, comme de notre candidat N° 2. J’attends la première lettre de Jarnac pour lui écrire en détails à ce sujet. A tout prendre, je serais bien aise que Bulwer quittât Madrid pour Constantinople. C'est aussi l’avis de Bresson. Palmerston a été à Tiverton, bien réservé sur les affaires étrangères, et bien aigre sur Peel. Il me paraît impossible que l’hostilité ne recommence pas bientôt entre eux. Les Whigs feront ressortir les fautes de Peel, et il ne se laissera pas faire, je suppose. Je reçois un mot de Flahaut qui trouve sa retraite (la retraite de Peel) magnifique. Mais M. de Metternich a été très choqué de l’éloge de Cobden.
J’avais tort tout à l'heure de vous dire que je n’avais rien de nulle part. J’oubliais ce mot de Flahault qui me demande de la part de Metternich, des renseignements très détaillés sur l'organisation et le service de la Gendarmerie en France. On veut établir un service semblable en Galicie. On vient, d’Autriche, nous emprunter de la police. Pas un mot sur le discours de Montalembert et sur mon silence. Flahaut a tort. Que M de Metternich ne lui en ait rien dit, je le comprends ; mais il devrait avoir lui des informations, des conjectures, sur ce que Metternich en a pensé, et me les dire. Il fait comme bien d’autres, plus en pouvoir que lui ; dès qu’il y a quelque embarras, il s'efface. Vous ai-je dit qu’il avait écrit à Morny ? Il y a peu de temps qu’on lui disait que je n'étais pas content de lui, que j’avais envie de donner son poste à un autre, &. pour peu que cela fût vrai, disait-il, il voudrait le savoir, car pour rien au monde, il ne voudrait rester à son poste contre mon gré ou seulement contre mon goût. J’ai pleinement rassuré Morny. Adieu.
Je reviens à vos yeux. J'en attends de meilleures nouvelles. Merci de vos excellents conseils pour Henriette. J'en ai fait usage d’autant que je les avais devancés. Elle est à l’œuvre. Vous avez mille fois raison. Vous êtes vous-même, un modèle d’ordre. Adieu. Adieu. Je viens d’écrire longuement au Roi sur l’Espagne. Adieu G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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5 Bruxelles le 3 mars 1854

Voilà votre N°6. Je la reçois au moment où il me faut envoyer celle-ci. Mes yeux allaient mieux hier, moins bien aujourd’hui. Le journal de St Pétersbourg. contient la réponse de mon empereur, vous allez la lire à Paris sans doute. Vous m'en direz votre avis. (sans prévention & vous savez bien que je n’en ai pas.) Moi, je la trouve très bien.
Van Praet m’a fait lecture hier soir du discours de l'Empereur Napoléon. J’ai toujours besoin de réflexion, et mes yeux m'ont empêché de le relire moi-même. Il me semble qu'il y a bien à éplucher. L’Allemagne bien engagée, l’intérêt français en relief. Le discours plaira aux masses. Le pain y joue un plus grand rôle que la guerre. Que ne suis-je à Paris pour vous entendre tous sur le discours, sur la lettre, sur toutes choses. Ah que le pluriel me manque ! Je vous laisse à penser si je regrette le singulier !
J’ai vu hier soir le prince de Ligne & M. de Brouckère m'ont empêché de le relire. Il a de l’esprit, et agréable. Van Praet est chez moi tous les soirs. Il me soigne et me plait bien. Le ministre de France est venu sans me trouver, j’ai pris l'air hier quoiqu'il fait bien froid. Lord Howard aime à venir causer avec moi, il est intime et facile. Le ministre de Prusse est ma meilleure pièce. Kisselef est celui de tous que je vois le moins. J'en reste très étonnée. Chreptovich très soigneux mais que d’heures de solitude et d'ennui & de soupirs. Adieu. Adieu. Ecrivez-moi je vous prie, je n’ai de plaisir que vos lettres vous le savez bien. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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5. Paris le 15 Juillet 1846

Rien qu’un mot aujourd’hui. Je suis reprise des yeux. J’ai fait venir Chermside. On va me mettre au bain. Ce soir médecine. J'ai une éruption sur la poitrine. Il dit que ce n'est rien, que tout cela provient de la chaleur. Hier j’ai été à St Germain. J’ai arrêté un appartenent pour huit jours, mais je ne pourrai probablement. pas y aller. Car dans cette inquiétude de mes yeux ce serait pire qu'une autre catastrophe. Ma femme de chambre m'a annoncé ce matin en pleurant qu’elle est atteinte du même mal que Mad. de Meulan. Concevez-vous plus de guignon à la fois ? Et me voilà livrée à moi- même, sans appui. Vous au Val Richer. Marion à Brighton. Verity c.a.d. mes yeux en Angleterre. Je suis très triste. Je vous renvoie [linche?] Merci, merci. Je n’ai pas bonne opinion de ce qui se passera au foreign office. Je n'ai rien d'Angleterre un mot de Brougham aujourd’hui. Toujours la même chose. Des bêtises. La lettre de Jarnac sur Peel est curieuse. Génie affirme que vous avez reçu dimanche une lettre particulière de Rayneval. Et vous me dites que non. 2 heures. Je viens de prendre un bain, nous verrons comment cela me réussira.
4 heures. W Hervey revient d'une visite chez Madame à Neuilly. Il a été frappé de lui entendre parler encore de Trapani, & il soupçonne Narvey d'envisager cette espérance. Or Palmerston serait certainement contre Trapani. J’ai dit que cela avait été du dû & du gré du gouvernement anglais. Le candidat soutenu par la France. Qu’elle n’insiste pas si l’Espagne n’en veut pas. Mais que s’il avait des chances il est bien clair qu’elle ne pourrait pas s’y opposer et qu’elle devrait même les soutenir. Il me parait que Hervey a déjà écrit dans le sens d'une marche commune pour l'un des fils de François de Paule, demain il attend des directions de Londres, ou au moins quelques indications. Voilà mon pauvre bulletin. Je n’ai rien de plus que ma tristesse. Adieu. Adieu. On ne me permet pas de sortir aujourd'hui.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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6. Paris Jeudi le 16 juillet 1846

En allant à Trouville voyez je vous prie dans le cas de ma venue là je pourrais avoir un pied à terre pour moi, Mad. Danicau. femme de chambre & domestiques. Il n'est pas impossible que je m'y porte. Je vais aujourd’hui à St Germain. Je ne sais comment cela va me convenir. Je suis fatiguée de mon emballage. Mais mes yeux sont un peu mieux qu'hier. J'ai vu du monde hier soir mais on ne m'a rien dit d’intéressant. Lady Cowley, les Gallière, Durazzo, & quelques diplomates. Pas Armin, il me voyait partie. Ce matin j'ai des lettres de Bacourt, Allen, Peel, Greville Je n'ai rien là j'emballe. Je lirai dans mon loisir de St Germain. Merci, merci de votre lettre. Le Prince Belousky est mort. La femme est arrivée 6 heures après.
3 heures Voici la lettre de Greville assez curieuse. Renvoyez la moi Hervey n’a pas un mot. Cowley non plus. Palmerston n’a pas répondu encore à la dimension offerte vendredi dernier. Il est évident que la reine n’est pas gracieuse pour les nouveaux. Elle ne les a pas eus à diner. Palmerston suit avec Ibrahim Pacha & pas même la France. Madame a mal parlé à Hervey de la reine Christine. Elle lui a parlé aussi avec un peu de souci des élections. Le roi ira à Eu le 30 juillet, pour en revenir le 14 août. Adieu. Adieu. Je pars pour St Germain. Tout est réglé avec Génie. J’aurai vos lettres, & vous les miennes exactement. Adieu. God bless you.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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6. Schlangenbad le 8 juin 1852
Onze heures

De 10 à 1 on se rassemble à l'ombre de superbes tilleuls à la porte de l’appartement de l’Impératrice. Là Meyendorff vient de faire lecture du testament du duc d’Orléans, (que j’avais apporté). Cette lecture a produit un effet prodigieux. Le Prince de Prusse qui partage beaucoup les idées de sa femme en est resté stupéfait. L’Impératrice vous concevez !
Vous ne me donnez aucune nouvelle. Je crois que le monde veut rester tranquille pendant mon éclipse. De ce côté rien ne se passe non plus. Les Princes et princesses se croisent ici sans ajouter à l’élément de la conversation. Meyendorff est un trèsor très abondant, et si naturel. L’Impératrice prend intérêt à tout sans se fixer à rien. Mais elle n'oublie rien non plus. Et je vois avec plaisir que mes lettres vertes lui restent dans la mémoire. La grande duchesse Olga est charmante et bien belle. La suite de l’Impératrice est bien composée hommes & femmes.

5 heures J’ai pris mon premier bain avec plaisir & frayeur. Je ne sais jamais si ce que j’entreprends me réussira. Je commence déjà à m'inquiéter de ce que je deviendrai après ceci, & puis avec qui m'en retourner, car plus que jamais j’ai vu qu'il me faut quelqu'un. A propos quand je vous reverrai j’aurai quelque chose de drôle à vous raconter. L’Allemagne se brouille. On ne parvient pas à l’arranger, la presse veut avant tout reconstruire le Zollverrein et cela ne va pas. Adieu. Adieu.
J’espère que votre fille va bien. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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6. Stafford house, Mardi le 11 juillet
9 h. du matin.

Je suis malade Monsieur, je m’en vais rester couchée au moins toute la matinée. Me voilà comme vous m’avez vue après la promenade au jardin des plantes. Je voudrais bien, comme alors, vous écrire pour vous prier de passer chez moi, et puis préparer un cahier rouge comme excuse à cette indiscrétion. Vous y avez peu regardé le premier jour, et plus du tout le second. Ah que c’étaient déjà de bons moments ! Mais j’attends jeudi jour de ma régénération. Voyez comme je suis faible tout à coup. Il est midi, rien & personne ne m’a empêchée de continuer ma lettre et je n’ai pas eu la force de rester à mon bureau. Je vous écris de mon lit. On me dit de rester tranquille, c’est bon de rester calme, c’est difficile. Comme il ne s’agit donc que du plus ou du moins, je me décide. Je ne le serai pas du tout. Je vais vous le prouver.
Voici ma journée hier. Lord Grey, lord Aberdeen, le prince de Hesse (cousin de la Reine) Pozzo, lady Jersey, lord Sefton, lord Carlisle, lord John Russell, lord Holland, quelques femmes à vous inconnues, mon fils avant tous les autres, voilà ce qui a garni quatre heures de l’avant dîner. Je ne suis seule qu’avec Paul & lord Aberdeen. Lord Grey est de bien mauvaise humeur de ce que je reçois tant de monde. Jadis il me voyait seule souvent, maintenant ces hasards sont rares. Hier je lui annonçai que je n’irai pas à Howick. Je lui fis bien de la peine. Il revint cependant le soir car il est sur le pieds de venir deux fois par jour. (ne vous inquiétez pas de mon écriture. On veut pour moi une position horizontale. Cela gêne ma main. Voilà tout.)
Nous eûmes un dîner ministériel. Lord Lansdown me parla beaucoup de vous. Tout ce qu’il me dit me plut. Mais je n’osai rien ajouter. J’eus peur de moi-même. Tous les jours j’entends prononcer votre nom. Le duc de Sutherland s’amuse toujours à dîner de penser aux voisins qu’il vous donnerait à sa table si vous étiez venu avec moi. Il choisit fort convenablement. Ainsi vous auriez eu la petite princesse et lord Harrowly avant hier. Hier John Russell & lady Holland. Il n’a pas encore songé à vous placer près de moi. Mais vous seriez vis-à-vis. Nous ne songerions pas à nous plaindre. Il croit que ceux-là vous amuseraient davantage.
Comme je vous conte des bêtises ! Monsieur, aujourd’hui acceptez tout, car je suis souffrante après le dîner il vient du monde à mon adresse. Je ne me sentais déjà pas bien à la chaleur de ces salons & de ces galeries, éclairés toujours comme pour des fêtes, c’est pour moi intolérable. J’allais ouvrir l’une des portes qui donne sur la terrasse; je sortis. Je me trouvai en face d’un commencement de lune bien belle, bien claire. Il était juste 10 heures. Les Lundi jour de départ, il me semble extrêmement paisible que d’autres que moi pensassent à la lune dans cet instant. Il n’y a rien de plus banal & de plus rabattu que toutes ces pensées là, & cependant, je m’y livrai comme à une découverte. J’entendis, je sentis cette musique que j’aime tant, & deux grosses larmes roulèrent dans mes yeux. Il parait que la trace n’en était pas bien effacée quand je rentrai dans le salon, car je vis quelques personnes qui me regardaient avec pitié & intérêt. Leurs regards m’apprirent qu’ils songeaient à ce que moi j’avais pu oublier un instant. Je joignis machinalement les mains je demandai pardon à ces êtres chéris de ce qu’un rayon de consolation a pu pénétrer dans mon cœur. Je sentis des remords, de la honte, une profonde tristesse. Monsieur tout cela fut l’affaire d’un moment. Quelques propos indifférents vinrent couvrir tout cela.
Votre cœur doit tout comprendre, je ne m’arrête pas un instant. Je vous dis tout. Je me couchai avec le cœur bien serré. Vous ai-je assez dit combien j’aime le N°4 et combien avant lui j’aimais le N°3 ? Je sens tellement mon insuffisance pour vous exprimer cela que je fais mieux peut être de ne pas m’en mêler. Je lis, je lis sans cesse. Monsieur il me semble que je traite la poste avec bien du dédain !

Mercredi 12 à 9 h.
Je vais mieux ce matin. Je commence par vous le dire avant de passer au récit de ma journée d’hier. Je restai sur mon lit jusqu’à huit heures. J’avais fermé ma porte, je ne vis que mon fils & mes hôtes. La duchesse de Sutherland me parait être déjà un peu accablée du rôle dont elle s’est chargée. La reine est infatigable pour grandes & petites choses. Elle est aussi absolue. Ainsi on lui avait représenté qu’elle ne pouvait pas entrer demain comme elle le voulait dans son nouveau palais, parce qu’il y avait encore beaucoup à faire. Pour toute réponse elle a dit : " J’y entrerai." et elle y entrera. J’aime cela assez. On ne veut pas qu’elle passe la revue des troupes à cheval, parce qu’on craint qu’elle ne soit pas assez bon cavalier. Elle a dit : " Je serai à cheval." Enfin la reine le veut est toujours là. Et il n’y a rien à faire. Nous allons dîner hier chez M. Ellice. Je n’avais pas pu lui refuser cette satisfaction. Il avait prié pour moi des gens qui ne se rencontrent guère. Lord Grey, lord Aberdeen, lord Durham. Je dînai dans un grand fauteuil. Je rentrai de bonne heure pour me coucher. Le dîner fut silencieux comme toujours en Angleterre et je n’eus pas la force de le rendre autrement. Lord Melbourne qui devait en être est dans son lit. Lord Palmerston dans le Devonshire pour son élection. On n’entend parler que des élections. C’est un peu ennuyeux mais je conçois que ce soit d’un grand intérêt. Il me parait que la nouvelle chambre ressemblera fort à celle-ci. Les ministres gagneront quelque voix en Irlande et en Écosse, et les Tories en Angleterre. Cela rendra toujours la marche du gouvernement difficile. Le duc de Wellington pense mal de l’avenir de ce pays. Peel ne partage pas son opinion sur ce point. Cette différence vient tout naturellement de la différence de leurs âges.
Le comte Orloff arrive ici lundi pour complimenter la Reine. C’est le même dont je vous ai parlé et auquel j’avais voulu écrire. La parole viendra mieux. Je serai curieuse des explications que nous aurons ensemble. Mon parti est arrêté au fond de mon cœur, mais je crains d’être trop sûre de mon fait. Il y va de ma vie, car ma vie sans bonheur, c’est la mort. L’idée de mourir m’est pénible aujourd’hui. Quel changement dans mon existence depuis si peu de temps ! Dieu a voulu tout ce qui est arrivé. Il m’a châtié avec sévérité. J’ai accepté avec résignation mes malheurs. J’accepte avec transport les joies qu’il m’ en voie. Je me fie à sa bonté. Il a écouté les prières de mes anges. Tous les jours je les ai envoyées. Je leur ai demandé de prier Dieu pour moi ; de lui demander d’adoucir mes peines ou de me rappeler à lui. Mes peines sont adoucies. Mon cœur connait encore la joie. Quel bienfait ! Il ne me le retirera pas si tôt après me l’avoir accordé ? Midi J’ai eu une lettre de Thiers de Florence. Il y restera deux mois. Il est mécontent du traité avec Abdel Kader. Il m’appelle Madame et cher amie. Concevez-vous rien de plus bourgeois que cela ?
Je vais fermer cette lettre, et vous l’envoyer tout droit. La prochaine vous parviendra par Paris ! La petite princesse veut vous être nommée. La duchesse aussi. La duchesse s’exalte à votre nom. Je l’en aime mieux. C’est une fort noble dame, & une fort noble âme. Adieu. Adieu Monsieur. J’espère une lettre demain.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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N°6. (J’ai oublié de numéroter le billet que je vous ai écrit de Paris Dimanche 9 juillet. C’était le n°5.)
Du Val-Richer, Jeudi 13.

Certainement vous êtes malade, Princesse, assez malade pour ne pouvoir écrire quatre lignes. Sans cela, je ne comprends pas, je ne puis comprendre comment je n’ai point de lettres. Quelle ressource pour me rassurer ! J’en ai une autre moins triste quoique l’effet en soit fort triste. Il y a quelque irrégularité dans le service de la poste au fond de mes bois. Mes journaux ne m’arrivent pas encore exactement. Deux lettres ne me sont revenues qu’après avoir été me chercher à Caen. Peut-être y en a-t-il une de vous qui court ainsi après moi. Je viens de régler avec le Directeur des postes de l’arrondissement le service du Val-Richer, voici, quand vous voudrez m’écrire directement, ma vraie et sure adresse. Au Val-Richer, Commune de St Ouen le Paing. par Lisieux. Calvados. Adressées ainsi mes lettres m’arrivent le lendemain de leur départ de Paris. Quand en aurai-je une de vous ?
Je ne veux pas vous dire tout ce qui me vient à l’esprit, quel espace parcourt mon imagination, quels ennemis, quel fantôme elle y rencontre. Je n’ai pas en général l’imagination inquiète et noire : mais quand une fois elle prend ce tour là, elle échappe tout à fait à l’empire de ma raison, tout devient possible, probable, réel. Il faut se taire alors, se taire absolument, ne pas se parler à soi-même. Je vous quitte donc Madame. Pourquoi êtes-vous devenue un si grand intérêt dans ma vie ?

Vendredi 14. Voilà une lettre, une longue, un excellente lettre. Et c’est bien celle que j’attendais. Il n’y en a point de perdue. Celle-ci est allée en effet me chercher à Caen, le service encore mal réglé de la poste a causé le retard. Un nom de village pour un autre, une négligence de commis, cinq minutes de sommeil d’un courrier qui passe, sans s’en apercevoir, devant une route de traverse, qu’il faut peu de chose pour faire beaucoup souffrir ! Enfin, la voilà. Et j’espère que les autres viendront plus régulièrement.
Vous n’êtes point malade. On vous trouve bonne mine. Ne permettez pas à tout ce monde de vous accabler de fatigue ; ils n’ont pas de quoi vous en dédommager. Ils vous aiment pourtant et ils ont raison ; et vous avez bien raison aussi d’accueillir toutes les amitiés, quels que soient leur nom et leur drapeau.
Entre nous, j’ai plus d’une fois regretter de ne pouvoir être avec mes adversaires politiques, aussi cordial aussi, bienveillant que je m’y serais senti enclin. J’en sais plus d’un en qui, politique à part, j’aurais trouvé peut-être un ami du moins une relation facile et douce. Mais le soin de la dignité personnelle, les devoirs envers la cause, les exigences et les méfiances de parti, tout cela jette entre les hommes, une froideur, une hostilité souvent sans motifs individuel et intimes. Il faut s’y résigner ; c’est la loi de cette guerre, car il y a là une guerre.
Mais vous, Madame, profitez, profitez toujours et sans hésiter de votre privilège de femme; soyez juste envers tous, bonne pour tous, amicale pour tous ceux qui le mériteront de vous. C’est quelque chose de si beau et de si rare que l’équité et l’amitié ! Je suis charmé que vous en jouissiez, et plus charmé encore que vous soyez si capable d’en jouir, que vous ayez l’esprit si libre et le cœur si affectueux. Je n’y mets qu’une condition Vous la devinez et elle est bien remplie, n’est-ce pas ? Pendant que vous retrouvez à Londres, vos douleurs, pendant que vous n’y pouvez faire un pas, regarder à rien sans avoir le cœur bouleversé au souvenir de vos fils, moi j’achève ici, dans ma maison, les arrangements que le mien y avait commencés. Je fais descendre dans ma chambre son fusil de chasse, je me promène suivi de son chien.
C’est un lien puissant entre nous, Madame, que cette triste ressemblance de nos destinées, et cette parfaite intelligence que nous avons l’un l’autre de nos peines. Il me semble que j’ai connu vos enfants ; je leur prête les traits, les qualités qui me charmaient dans le mien ; je les unis à lui dans mes regrets. Ne vous défendez pas, Madame, du sentiment qui vient émousser ce que les vôtres ont de plus poignant ; laissez-vous guérir autant que se peut guérir une vraie blessure. A mesure que nous avançons dans la vie, c’est la condition de notre âme d’éprouver et d’associer dans je ne sais qu’elle mystérieuse unité, les émotions les plus contraires, de souffrir et de jouir, de regretter, et de désirer à la fois, et avec la même vérité, la même énergie. Acceptons ces secrets de notre nature. Si vous étiez là, si nous causions en liberté, vous me parleriez de vos fils, je vous parlerais du mien. Nous nous raconterions toute leur vie, toute la nôtre, et un sentiment d’une douceur infinie et souveraine se répandrait sur notre entretien. Que mes lettres vous en apportent l’ombre ; les vôtres ont pour moi tant de charme !

Samedi 15, 9 h 1/2 du matin.
Que je dis vrai dans ces derniers mots, & bien plus vrai que je ne dis ! Voilà, le N° 5 qu’on m’apporte. Dearest Princess, je crains qu’à votre tour vous n’éprouviez quelque retard pour mes lettres, pour celle-ci du moins. Je m’en désole. Pardonnez le moi. J’aurais dû la faire partir avant-hier ; mais j’étais si impatienté de ne voir rien arriver que j’ai attendu. Je vous aurais écrit en trop mauvaise disposition. Aujourd’hui je ferais peut-être mieux d’attendre aussi. Ma disposition est trop bonne.
Tout à l’heure Madame j’irai me promener dans les bois qui m’entourent. Ils sont bien verts, bien frais, bien sombres, quoiqu’un beau soleil brille au dessus et les enveloppe de sa lumière. Ce lieu-ci est très solitaire, très sauvage. Autrefois quelques moines y venaient orner. Aujourd’hui quelques bûcherons y travaillent. J’y serai bien seul. Je n’y entendrai rien. Je n’y verrai personne. Je relirai vos lettres. Je serai charmé. Et pourtant, que le fond du jardin de la Duchesse de Sutherland me fera envie ! Et ma pensée tantôt m’y transportera, tantôt vous amènera vous-même dans les bois du Val-Richer. Et je me laisserai bercer à ces doux rêves jusqu’à ce que j’en sente le mensonge. Je rentrerai alors dans ma maison.
Je suis très préoccupé de ce que vous me dites des projets de M. de Lieven. Vous ne pouvez songer, ce me semble, à aller le rejoindre à Carlsbad. Vous voilà à peine en Angleterre. La saison des eaux serait passée avant que vous arrivassiez, en Bohème. Après les eaux, s’il y va M. de Lieven retournera sans doute auprès du grand duc. Non, Madame, il ne faut pas chercher le bonheur à tout prix ; mais il faut penser sans relâche aux moyens de lever les obstacles. Vous ne pouvez ni vous fier à Pétersbourg, ni errer sans cesse en Europe. Que ces deux points là soient bien arrêtés ; ils feront le reste.
Midi. C’est trop de bien en un jour. Je tremble pour les jours qui vont suivre. Je reçois à l’instant votre N°6. Mon pressentiment ne me trompait pas tout à fait quand je vous craignais malade. Reposez-vous, beaucoup, beaucoup. Je suis charmé que vous n’alliez pas à Howick.
Que je vous remercie d’avoir pensé à me rassurer sur votre mauvaise écriture ! Elle m’eût inquiété en effet. Je vais attendre bien impatiemment vos prochaines lettres. Je les crains pourtant un peu. Vous aurez attendu celle-ci. Vous vous serez, comme moi naguère, impatientée, tourmentée. Vous voyez que j’ai aussi ma fatuité. C’est un lieu commun que je dis là, Madame. Non, je n’ai avec vous, point de fatuité. Ce mot ne convient ni à vous, ni à moi. Mais j’ai confiance, je crois. Et vous aussi, n’est-ce pas ? Nous avons donc bien le droit de nous parler comme gens qui croient, c’est-à-dire tout simplement et en disant les choses comme elles sont, non pas comme on est convenu de les dire quand elles ne sont pas. Il faut pourtant que je finisse si je veux que ma lettre parte !
Il me semble que j’ai à peine commencé que je ne vous ai parlé de rien. Je vais au plus pressé à ce qui me touche vraiment ; et je laisse en arrière (comme je laissais le cahier rouge) la politique anglaise, la politique française, votre jeune Reine, la dissolution de son parlement, celle du nôtre, que sais-je ? Tout cela cependant m’intéresse beaucoup, et je lis très curieusement les détails que vous me donnez, et j’ai sur tout cela, des milliers de choses à vous dire. Et ma prochaine lettre, si dans celle-là encore, j’en trouve le temps. Adieu Madame.
Remerciez, je vous prie, la petite Princesse de son bon souvenir. J’y tiens beaucoup et j’en suis très touché. C’est à vous de lui demander pardon, pour moi d’un langage si familier. Je copie. Je suis bien heureux d’apprendre que Madame la Duchesse de Sutherland veut bien se rappeler mon nom. C’est du luxe en vérité d’être si bonne quand on est si belle. Mais le luxe qui vient de Dieu est charmant ; et il a comblé votre noble hôtesse de tant de dons qu’en effet elle nous doit peut-être à nous autres pauvres mortels de nous traiter avec un peu de bonté. Quelque place qu’elle me donnât à sa table, je serais ravi de m’y asseoir. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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6 Val Richer Vendredi 17 Juillet 1846

Quel plaisir me fait ce N°6, si court ! J’étais tres inquiet de vos yeux de votre solitude sans yeux. Puisqu'ils allaient mieux hier, ce ne sera, je l’espère, qu’un incident. Je vous l’ai dit ; j’aime mieux St Germain que Dieppe. Quant à Trouville j’y vais demain, et j'aurais bien du malheur si je n’y trouvais pas pour vous un bon gite vraiment bon, le mieux possible là, car je ne veux pas que vous y veniez pour y être mal. Mais quel plaisir si vous y veniez ! Aussi vif que de vous voir de bons yeux. Vraiment, il y aurait pour vous dans cette course-là, pas plus de fatigue et plus d’agrément que dans toute autre. El Mouchy ? Y avez-vous renoncé ? Vous ne m'en dîtes rien. J’y aurais quelque regret. La vicomtesse aura remué ciel et terre pour vous préparer un peu de bonne compagnie. Je serais fâché qu'elle eût un mécompte. Je n'aime pas les mécomptes, ni donnés, ni reçus. Comme il vous conviendra du reste. Merci de la lettre de Greville. Intéressante. Je vous la renvoie avec une de Reeve que vous me renverrez. A peu près la même chose. Le parti Tory se réformera. Et un jour, il s’y formera un chef. Peel ne le redeviendra pas. A moins d’incidents bien imprévus. Et de l’autre côté les nuances se fondront dans un grand parlé libéral, qui n’en sera pas plus homogène. Et le jour qui ne sera pas très loin, ou l’esprit radical y prévaudra trop les Torys reprendront le pouvoir. Je doute que Gladstone, leur soit un chef dans les Communes. Je voudrais bien. Il est très honnête et d’un esprit doux et élevé. Nous verrons. Il y a bien à regarder là.
Le courrier d’aujourd’hui ne m'apporte rien du tout. Sinon le mouvement des élections qui s'anime un peu. Je suis charmé que Casimir Périer se porte candidat à Paris, et je désire beaucoup qu’il réussisse. Cela me convient électoralement et diplomatiquement. Adieu. Je serai court aussi aujourd’hui. J’ai un énorme paquet de signatures à donner. Je ne suis pas aussi oisif ici que l’an dernier. J’ai gardé les affaires. Je me promène pourtant beaucoup. En bien bon air. Point trop chaud. Hier il a beaucoup plu. Adieu. Adieu. Merci de vos yeux. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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7. Paris, Vendredi 3 Mars 1854

Vos lettres m’arrivent, en général fort tard. Celle d’hier (N°4) m'est arrivée si tard qu’il n’y avait pas moyen de rien ajouter à ce que je vous avais écrit le matin (N°6).
Vos yeux me désolent. Je ne puis croire que ce soit une épidémie ophtalmique spéciale à Bruxelles. Je n’ai jamais entendu parler de rien de semblable dans le climat. Mais tout est possible. Je crois plutôt à l'effet du chagrin, de l’agitation et de la fatigue sur un organe délicat. Vous me mettez à une épreuve intolérable en me parlant, comme d’une chance possible de votre retour immédiat à Paris. Je n'ai rien à dire de l'effet à Pétersbourg, vous seule en êtes juge. Les mots : " êtes-vous encore à Paris ? " m'ont malheureusement trop démontré qu’on ne voulait pas que vous y fussiez ici. On serait certainement étonné, et comme on ne comprendrait pas, on chercherait, à ce retour, d’autres motifs que le véritable ; on ne croit guère en général aux motifs de santé, quoique ce soient les meilleurs. Trop de gens s'en servent pour me nier.
Quoiqu’on ne soit pas ici, plus en goût de la guerre qu’il y a deux mois, on y croit, et on en prend son parti, et on s'y prépare, et tout le monde règle, sur le fait, ses relations et ses plans. Je vous dis, malgré moi et tristement, mes premières idées ; je n'ai encore causé avec personne ; mais je doute que, parmi vos amis sensés et sincères, il y ait une autre impression que la mienne. Vient toujours, en première ligne votre santé, et dans ce fait là, j’ai tant de peine à voir clair, quand vous êtes ici, qu’il m’est impossible de l’apprécier de loin. Que tout cela est triste !
Demain, plus encore que tout autre jour, je voudrais être avec vous, et vous donner quelques douces distractions. Votre fidélité à de chers souvenirs m'a profondément touché dès le premier jour où je vous ai connue. C'est une vertu qui coûte cher, mais que j’aime et que j'honore infiniment. Les coeurs sont si légers, et tout passe si vite dans ces ombres chinoises de la vie !
Autre tristesse en pensant à vous. Vous avez de la religion, et elle ne vous sert pas à grand chose dans vos épreuves, vous n'y puissiez guère de consolation ni de force. En tout, le mal vous fait plus de mal que le bien ne vous fait du bien, et vous souffrez plus de vos défauts que vous ne profitez de vos qualités. Que de choses il aurait fallu pour mettre en vous l’équilibre et l'harmonie dont vous auriez besoin. Adieu, adieu.
Je ne vous dis rien du discours Impérial. Il ne faisait pas grand effet hier, ni le matin, ni le soir. Il aura le sort de presque tout ce que dit et fait son auteur ; il réussira plus dans les masses que dans les esprits difficiles. Si j'étais allemand, j'en serais mièvrement content. Adieu.
J’ai vu hier Montalembert qui m'a beaucoup parlé de vous, avec un intérêt dont je lui ai su gré.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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7 St. Germain vendredi le 17 juillet 1846.

Me voici depuis hier assez bien casé, et assez bien de santé ! Il fait froid. Cela m’étonne, beaucoup et ne me déplait pas. Madame Danicau est une personne très utile, avec toutes les vertus qui me manquent. Cela me rendra ma vie ici plus confortable. Elle a de l’autorité du savoir faire, et elle est pleine de désir de me plaire sans m’incommoder. J'attends votre lettre. Je vous en prie ayez soin de vous. A Trouville il y a peut être quel qu'assassin, ou en route. Quand vous êtes loin j’ai peur de tout pour vous, quand vous êtes près j’ai peur aussi mais cela va mieux, il me semble que je suis là pour parer le coup. Voici votre lettre d’hier. Certainement faites dire à Palmerston par Jarnac exactement ce que vous m'écrivez. C'est de la franchise, de la loyauté, dans ma première affaire, & la plus grosse entre vous. Cela éclaire d'emblée votre position avec l'Angleterre sur ce point capital, & vous donne une bonne base. Tout le tort sera à lui s’il n’accepte pas cela. Fleichman vient dîner avec moi aujourd’hui. Hervey viendra diner dimanche. Dites moi si vous avez quelque chose à les faire insinuer ou dire. Il est très confiant, très bien, & moi aussi je suis bien pour lui, en m'observant toujours comme avec tout le monde. Il n’aime pas beaucoup Palmerston. Cowley lui a dit que ses amis à Londres n'aiment pas qu'il donne sa démission, et au fait il ne l’a pas donné d'une manière franche. Lettre particulière simplement et en demandant à Palmerston si cela lui convient. Adieu. Adieu. On demande ma lettre. Je vous prie, je vous prie, prenez soin de vous. Mes yeux vont mieux, mais je les ménage beaucoup. Adieu encore. Êtes-vous un peu surveillé ? Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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7. Du Val Richer. Vendredi 18 août 1843,
7 heures

Dans quatre jours, je serai en route vers vous. Dans cinq. je serai près de vous. Comment se quitte-t-on quand on a un tel plaisir à se retrouver ? Nous avons bien peu de sens et de volonté. Nous sommes à la merci de ce qui ne nous fait rien. Nous sacrifions sans cesse le fond à la surface. Dieu doit nous prendre en grande pitié. J'écris ce matin, au Président d’âge de mon Conseil général pour lui dire que je n'irai pas, et pourquoi. C’est une réunion qu’il faut traiter avec égard. J'écris aussi à quelques membres, pour leur recommander les affaires des cantons que je représente et qui pourraient bien être négligées en mon absence.
Vous ne comprenez rien à ce que je vous dis là, et cela ne vous fait rien. Vous êtes la personne la plus étrangère aux détails de toute situation, de toute vie qui n’a pas été la vôtre. Et pour la vôtre, personne ne comprend et ne soigne mieux que vous les détails, et la pratique de tous les moments. Vous resterez comme vous êtes, et c’est ce qui me plaît. J’ai renvoyé hier à Désages ma dépêche pour Chabot avec le changement désiré. J’avais voulu que le changement fût approuvé à Eu précisement parce que la dépêche n’avait été vue qu'après avoir été envoyée. Elle sera de retour, à Londres après demain, et j'espère qu’elle y sera le point de départ d’une politique un peu nouvelle. Je mets beaucoup de prix à changer, sur l’Espagne la vieille politique de l'Angleterre par intérêt public et par orgueil personnel.
Vos conversations avec Bulwer ont été excellentes. J’ai écrit à Flahault pour qu’il se gardât un peu du Prince de Metternich à qui évidemment notre succès ne plaît guères, et qui veut trop le mariage D. Carlos et pas du tout le mariage Aguilla. J'ai peur que Flahault ne soit aussi trop bien avec lui et n'évite trop d’avoir un autre avis que le sien. Espartero est donc décidément à Bayonne. S'il ne fait comme sa femme, que traverser la France pour aller en Angleterre, peu m'importe. Mais s’il entendait rester en France, il y aurait à y bien regarder D. Carlos, Christine et Espartero ! En attendant, j’ai écrit au Ministre de l’Intérieur qu'il ne fallait à aucun prix, le laisser séjourner près des Pyrénées. Au moins aussi loin de l’Espagne que Bourges. On m'écrit de presque tous les points de l’Espagne que sa fuite précipitée, quand la dernière bombe venait à peine de tomber sur Séville fait baisser la tête de honte à tous ses partisans.

10 heures et demie M. de Beauvoir, un jeune attaché fort intelligent m’arrive à l’instant de Londres. Chabot me dit de le faire causer et qu’il est fort au courant. Sa conversation est bonne. Lord Aberdeen ne demande pas mieux que de se concerter avec nous et de nous aider en fait, à réussir dans le mariage Philippe V. Tout ce qu’il désire, c’est que nous lui épargnions le calice du principe. J’en suis d'accord et ma dépêche est partie. M. de Beauvoir croit qu’elle sera acceptée avec joie et mise en pratique. Sur ce adieu, car il faut que je renvoie le jeune homme à Paris, et j’ai encore plusieurs lettres à écrire. Adieu. A mardi. Je serai à Auteuil avant 4 heures. Adieu. G.
Voilà votre n°9. N'ayez donc pas de point de côté. Ne vous levez pas sans vous couvrir. Il ne faut pas être si remuante quand on est si délicate. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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7. Versailles Mardi 5 Septembre 1843 8 heures du matin.

Merci de deux bonnes lettres hier. La seconde avec l'incluse de lady Cowley m'est arrivée tandis que j’étais à dîner avec Appony et Armin. Comme elle était fort innocente. Je leur ai donné le plaisir de la lire. C'était pour eux un treat. Ils sont venus de bonne heure, j’étais dans les bois en calèches avec Pogenpohl qui me tient fidèle compagnie pour la promenade et pour le dîner. Nous avons eu encore de la causerie avant le dîner à nous trois.
Vraiment Appony est impayable. Il me dit maintenant on ne pourra plus dire que c'est un caprice d'une petite fille curieuse puisqu’elle ne vient pas à Paris. On était tout juste lui il y a 3 jours. C'est de moi qu'ils ont su qu’elle n’y venait pas. car en ville on l’attend encore. Tous les deux m'ont dit avec bonne grâce " c’est plus flatteur puisque c’est personnel. " Enfin le ton était tout-à-fait changé. Mais j’arrive à l’essentiel. Tous deux m'ont parlé du mariage Espagnol. Vous ne serez pas sorti de votre voiture en arrivant à Paris qu’ils seront là pour vous presser au sujet du mariage Don Carlos. Armin en a reçu l’ordre formel de sa cour. Appony s’est longuement étendu sur le fait. Bon pour tout le monde. Bon pour l’Espagne puisque cela confond et réunit les droits et écarte les dangers d’une guerre civile que ferait naître un prétendant. Bon pour l'Angleterre pour la France (qui veut un Bourbon) pour toutes les puissances puisqu’elles sont d’accord sur la convenance et l’utilité de ce mariage. Bon encore pour l'Espagne puisque c’est la seule combinaison qui lui assure la reconnaissance immédiate de la reine par les 3 cours. Enfin rien de plus correct, de plus irréprochable, de plus désirable. J’ai dit amen. Mais deux choses, l’Espagne voudra-t-elle ? & Don Carlos voudra-t-il ? pour l'Espagne nous en sommes presque sûrs pour Don Carlos c’est difficile, mais si l'Angleterre & la France voulaient seulement concourir, l’Espagne serait sûre & on pourrait l’emporter à Bourges. Au reste ajoute Appony je vous dirai que Lord Aberdeen est excellent et qu'il a dit à Neumann qu’il était tout-à-fait pour le mariage Don Carlos, en êtes-vous bien sur ? Parfaitement sûr.
Nous sommes revenus à la visite de la Reine, à l’effet que cela ferait en Europe. Ils en sont tous deux curieux, au fond ils conviennent que cela ne plaira pas, que c’est comme une consécration de la diplomatie et que certainement pour ce pays-ci c’est un grand événement ; nous avons parlé de la Prusse, et moi j’ai parlé. du peu de courtoisie des puissances envers ceci. Appony s’est révolté ; comment ? Au fond la France nous doit bien de la reconnaissance si nous ne lui avons pas fait des visites au moins l’avons- nous toujours soutenue, toujours aidée. Le solide elle l’a trouvé en nous. C’est vrai mais les procédés n’ont pas été d’accord. Les princes français ont été à Berlin, à Vienne, d’ici on a toujours fait des politesses. On n’en a reçu aucun en retour, et depuis quelques temps vous devez vous apercevoir que le Roi est devenu un peu raide sur ce point. Alors Armin est parti. Le Roi a été très impoli pour nous. C'est une grande impolitesse de n’avoir envoyé personne complimenter mon roi quand il s’est trouvé l’année dernière sur la frontière. Nous avons trouvé cela fort grossier & M. de Bulow l’a même dit à M. Mortier (quelque part en Suisse) mais votre Roi n’avait pas été gracieux six mois auparavant. Il a passé deux fois à côté de la France sans venir ou sans accepter une entrevue. Oh cela, c'est Bresson qui a gâté l’affaire. Il a agi comme un sot. Il a voulu forcer la chose et l’a fait échouer par là. Je vous répète tout. Ensuite rabâchant encore sur Eu, Appony me dit au moins la Reine ne donnera certainement pas la jarretière au Roi. C’est cela qui ferait bien dresser l’oreille dans nos cours ! Pourquoi ne la donnerait-elle pas ? Vous verrez que non.
Ils ont ensuite parlé de la légion d’honneur au prince Albert comme d’un matter of course Je crois que j’ai expédié mes visiteurs dans ce qu’ils m’ont dit de plus immédiat. Faites donner la jarretière au Roi. Vous avez tous les moyens pour faire comprendre que cela ferait plaisir ici. Commencez par donner le cordon rouge au Prince. Mandez-moi que vous n'oubliez pas cette affaire. Car c’est une affaire.
Direz-vous quelque chose à Aberdeen de vos dernières relations avec ma cour ? Il ne faut pas vous montrer irrité, mais un peu dédaigneux ce qu'il faut pour qu'il sache que vous voulez votre droit partout. Cela ne peut faire qu'on bon effet sur un esprit droit et fier comme le sien. J'espère que vous êtes sur un bon pied d’intimité et de confiance et qu'il emportera l’idée qu'il peut compter en toutes choses sur votre parole. Faites quelque chose sur le droit de visite. N'oubliez pas de dire du bien de Bulwer. C'est bon pour lui en tout cas qu’Aberdeen sache que vous lui trouvez de l'esprit et que vous vous louez de son esprit conciliant.
Après le dîner que je fais toujours ici à cinq heures, j’ai été avec mes deux puissances faire une promenade charmante mais un peu fraîche en calèche. Ils m'ont quitté à 8 1/2 et comme je n’ai plus retrouvé Pogenpohl je suis allée finir ma soirée chez Madame Locke. J’ai passé une très mauvaise nuit. Mes attaques de bile. Décidément les dîners d'Auberge ne me vont pas et j’ai envie de m’en retourner aujourd'hui à Beauséjour.
10 heures. Génie, notre bon génie m’envoie dans ce moment votre n°4 excellent je vous en remercie extrêmement. Je suis bien contente de penser que tout va bien. Quelle bonne chose qu'Aberdeen ait vu le Roi, vous. Quel beau moment pour vous en effet. Je me presse, je remets ceci à ce messager, sauf à vous écrire plus tard par le mien. Adieu. Adieu. Adieu.
N’allez pas dire un mot à Aberdeen des vanteries d'Appony. C'est-à-dire ne dites pas que c'est moi qui vous le dis. Ne prononcez pas mon nom quand vous parlez affaires. Pardon vous savez tout cela, mais j’aime mieux tout vous dire, tout ce qui me traverse l'esprit. Adieu. Adieu à tantôt.
Pourquoi ne faites-vous pas donner la part du Diable ? C'est décidément charmant. Opéra comique.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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8 Bruxelles le 7 mars

Mes yeux me condamnent à l’obscurité. On me défend d'écrire, de lire, de sortir. Quelle misère, quel désespoir. J'ai eu un homme de lettre de Pétersbourg. Evidemment on eût désiré que je restasse encore à Paris. Quel regret pour moi. On ne le dit pas, je devine, peut être je me trompe, c’est que je suis si malheureuse je perds la tête. Ecrivez-moi. Adieu. Adieu.
La Prusse se rapproche de nous.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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8 Paris, Samedi 4 mars 1854

Je n’ai encore rien de vous ce matin. Je ne m'en étonne pas ; vos lettres m’arrivent presque toujours fort tard ; mais j'en suis bien impatient. Si vous étiez trop souffrante, ou vos yeux trop malades, j'espère que la Princesse Kotchoubey aurait la bonté de me donner, en quatre lignes, de vos nouvelles. C'est elle qui fait, en ceci, ma sécurité, si sécurité, il y a.
Je vous ai dit sincèrement mon impression sur l’idée de votre retour immédiat. Je vous la devais, quelque amère qu'elle ne fût. Plus j’y pense, plus elle se confirme. Je ne regarde pas comme impossible qu’il se présente quelque expédient imprévu pour mettre fin tout à coup à cette déplorable guerre. Mais quant à présent, même en France, où elle déplait, elle est de plus en plus prise au sérieux, et la passion pourrait bien ne pas tarder à s'y mettre.
M. de Flavigny me disait hier qu'à la séance Impériale, en entendant le discours, le sénat et la magistrature avaient été froids, mais le corps législatif, les gens des provinces, approbateurs et assez animés. Ils ont pris leur parti de la guerre. Ils prennent au pied de la lettre les paroles de paix prochaine et point de conquêtes qui contient le discours. Ils soutiendront sans rien objecter.
Je reçois ce matin une lettre de Piscatory, qui m'écrit : " C'est maintenant le succès qu’il faut souhaiter, et en toute sincérité, je le souhaite ardemment ; le drapeau est engagé ; et puis honneur et intérêt du pays à part, la défaite n'est jamais bonne à rien, ni à personne. Avec de bonnes dispositions, et dans le monde du gouvernement et dans celui de l'opposition la Russie n'est pas populaire.
Je ne me représente pas agréablement vous au milieu de cette atmosphère là ; votre repos et votre dignité en souffriraient également. Restent les maisons de santé, les raisons impérieuses. Celles-là l'emportent surtout.

3 heures
Je rentre et je trouve votre lettre qui me fait grand plaisir parce qu'elle est bien moins abattue. Dieu veuille que vos yeux aillent mieux. Dans le public indifférent, le discours impérial a assez peu de succès. Je ferme ma lettre. J’ai là du monde. Adieu, Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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8 Schlangenbad le 10 juin 1852

Après une journée de repos j’ai pu finir ma soirée chez l’Impératrice. Au moment de se séparer le Prince de Prusse est arrivé, il avait fait une absence de deux jours. Aujourd'hui reviennent les jeunes grands Ducs qui ont fait une pointe aux petites cours du Midi, & qui repartent demain pour la Hollande, tout ce mouvement est fatigant à regarder.
Saztinsky est ici. L’Impératrice. est bien gardée. Elle vient de m'envoyer son médecin Maudt. Je ne sais s'il est bon médecin, mais je sais qu'il a bien de l’esprit, & que cela me fait une précieuse et utile connaissance. Vous savez que quand je parle d’utilité c’est de mes fils qu'il est question.

2 heures. Voici votre lettre. Tout m'arrive plus régulièrement cette année. Je reçois votre lettre du 8, le 10. Cela ne peut pas être mieux. Je suis bien fâchée de ne pas avoir les Débats. Je viens de lire votre discours dans le Galignani, en Anglais par conséquent. Quel dommage. Ce doit être si beau !
J’ai passé ma matinée couchée, beaucoup de visites, une longue du Prince de Prusse. J’ai été dîner chez l’Impératrice, rien que la famille. Elle me dispense de la soirée aujourd’hui, mes forces ne suffisent pas. Je suis bien plus faible qu’à Paris. Léopold arrive demain à Coblence. Il dîne et couche chez le Prince de Prusse. Mes jeunes grands ducs y seront aussi et passeront la nuit sous le même toit ; c'était une visite arrangée. Le roi Léopold s’est invité depuis. La rencontre est imprévue mais cela se passera bien. Tout est difficile dans ce genre. Je doute que l'Impératrice puisse recevoir sa visite. Elle pourra le rencontrer.
L'affaire du Constitutionnel est bien curieuse Adieu, je sens que je n’ai absolument pas une nouvelle à vous dire. Je voudrais vous en donner de meilleures sur ma santé. Je voudrais aussi avoir une meilleure mémoire. Je fais ici une grande confusion de princesses. Il y en a trop. Ma grande Duchesse Olga est vraiment charmante. Naturelle, fine, bonne & si belle. Son mari m’intéresse, car il est un peu délaissé par tout le monde. Le roi de Wurtemberg viendra la semaine prochaine, cela a couté de la peine de le faire admettre. Adieu, adieu, encore.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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8 Versailles Mardi le 5 Septembre 1843
Midi

Voici ma seconde lettre aujourd’hui en vous expédiant vite la première pour ne pas faire attendre l’homme de Génie. Je n’avais pas lu encore ce que vous m'avez envoyée. Je viens de le lire avec attention, c’est excellent et vous êtes vraiment très vertueux. La pièce jointe est parfaite à lire et même à donner. Il y a dans le compte-rendu des choses qu'il faudrait soustraire ce qui fait que je me bornerai au récit. Je ne sais pas encore, si je m'en chargerai moi-même où si le dirai à mon petit homme. Je vous rendrai votre papier " Si j'avais le temps, elle m'aimerait " vous me disiez cela hier en me parlant de Lady Cowley. C'est charmant et cela a fait éclater de rire l'Autriche et la Prusse.

Une heure.
Vraiment je me sens très souffrante, et je partirai. J’attendrai 5 heures parce que je crois que le duc de Noailles doit venir me voir. Adieu Je n'ai rien à ajouter. Je trouve tous les journaux aujourd’hui fort bons. Les fonds ont beaucoup haussé. Enfin ce voyage est ce qu’il devait être un grand et bon événement. God bless you et revenez. Je vous conjure de ne point vous embarquer du tout jeudi si le temps était gros ou seulement pas bon. C'est des bétises. Il ne faut rien rien risquer. Que je serai heureuse de vous revoir ! Vous ne me dites pas quand ? Je doute que vous reveniez avant jeudi minuit ainsi vendredi de bonne heure. Mais vous me ferez dire que vous êtes arrivé vendredi à mon reveil n’est-ce pas ? Ayez bien soin de vous je vous en conjure. Adieu. Adieu. Vous concevez que si vendredi à 8 h. du matin, je n’ai pas un billet de vous qui me dise que vous êtes à Auteuil j'irai me jeter dans la Seine. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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9. Beauséjour Mercredi le 6 septembre 1843

Me revoilà dans mon home et j'en suis bien aise. J’ai encore dîné hier à Versailles et j’étais ici à 8 heures, & dans mon lit à 9. J'ai bien dormi jusqu'à 6 heures. à 7 heures j’étais sur les fortifications, je viens de faire ma toilette et me voici à vous. J’attends votre lettre. Le Galignani et les journaux ont devancé votre récit. Je sais que Lundi s’est bien passé. Belle promenade & concert. Je voudrais que tout fut fini. Dieu merci c'est le dernier jour.
Kisseleff est venu me trouver à Versailles hier sur les 3 heures, nous ne nous sommes vus seuls que dix minutes. Le Duc de Noailles est arrivé. Dans les 10 minutes il m’a dit qu'il avait écrit à Brünnow ceci : " On dit que le corps diplomatique (de Paris) montre quelque dépit de l’entrevue royale, quant à moi je me tiens dans un juste milieu. Je dis que c'est un événement très favorable au Roi et à son gouvernement et voilà tout. Si les autres disent plus ou autrement je trouve que c’est de la gaucherie. " Je l'ai encore loué. Il me dit qu'Appony avait changé de langage. Je le savais moi-même de la veille. Il est évident que c’est le rapportage de Molé et La confidence que je lui en ai faite qui ont amené ce changement. C'est donc un service que je lui ai rendu. Mais il n'en sort pas sans quelque petits blessure.
J’ai régalé le duc de Noailles de tout ce récit qui l’a fort diverti. Il a jugé l'homme comme vous et moi. Je lui ai dit qu’on savait que son langage à lui était très convenable. Cela lui a fait un petit plaisir de vanité. Il est évident que tous les jours ajoutent à son éducation politique, et qu’il meurt d’envie de la compléter. Je lui ai lu ainsi qu'à Kisseleff les parties descriptives de vos lettres. Cela les a enchantés surtout le duc de Noailles. Il trouve tout cela charmant, curieux, historique, important. Non seulement il n’y avait en lui nul dépit mais un plaisir visible comme s’il y prenait part. Je lui ai lu aussi un petit paragraphe, où vous me parlez du bon effet du camp de Plélan. Il m’a prié de le lui relire deux fois. Il est évident qu'il voudrait bien qu'on se ralliât. Il suivrait, il ne sait pas devancer. Il m’a parlé avec de grandes éloges du Roi, et de vous, de votre fermeté de votre courage, de votre habileté, de votre patience sur l’affaire d’Espagne. Il est très Don Carlos il a raison, c’est la meilleure combinaison parce qu'elle finit tout et convient à tous. Mais se peut-elle ? Il regrette que la Reine ne soit pas venue à Paris. " Un jour pour Paris, un jour pour Versailles. Elle aurait été reçue parfaitement. Le mouvement du public est pour elle aujourd’hui tout à fait. Une seconde visite sera du réchauffé. Aujourd’hui tout y était, la surprise, l’éclat. " C’est égal j’aime mieux qu’elle n'y soit pas venue. Kisselef m’avait quittée à 4 1/2 pour s’en retourner par la rive droite. Comme le Duc de Noailles partait par la gauche nous avons eu notre tête-à-tête jusqu'à cinq. Kisseleff partait triste, il avait peu recueilli. Tous les deux avaient dû dîner en ville et n'ont pas pu rester. J’ai dîné ave Pogenpohl que j’ai ramené jusqu’ici. J’ai remarqué qu'il en avait assez de Versailles. Un peu le rôle de Chambellan. La promenade et le dîner, et encore par la promenade quand j'en avais un autre. Mais c’est juste sa place.

Onze heures. Voici le N°8 merci, merci. Que vous avez été charmant de m'écrire autant ! Enfin vendredi je vous verrai c’est bien sûr n’est-ce pas ? Passez-vous devant Beauséjour ou bien y viendrez-vous après avoir été à Auteuil ? Vous me direz tout cela. Que de choses à me dire ; nous en avons pour longtemps. Et puis, l’Europe a-t-elle donc dormi pendant Eu ? Comme nous allons nous divertir tous les jours des rapports de partout sur l'effet de la visite ! J’irai ce matin en ville mais tard. Je passerai à la porte de Génie pour causer avec lui. Et puis commander ma robe de noce pour lundi. Ensuite en Appony pour voir le trousseau. J’y resterai pour dîner. Voici donc ma dernière lettre. Adieu. Adieu. Adieu. Apportez-moi moi la jarretière, je m’inquiète que vous ne m'en parlez pas. Ce que vous dites de la princesse de Joinville est charmant ! Adieu encore je ne sais pas finir. Adieu. Prenez soin de vous demain. J’ai si peur de la mer. Et puis j’ai peur de tout. Revenez bien portant, revenez. Adieu. Je me sens mieux aujourd'hui.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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9 Bruxelles le 9 Mars 1854
Jeudi

Je vous prie écrivez-moi toujours où vous allez le soir. Je pense sans cesse à tout. Voici mes nouvelles. Nous avons envoyé à Vienne des propositions sur lesquelles on délibère là, & qui ont en attendant fait ajourner l’envoi de l’ultimatum anglais français. Vous savez que l’Autriche & la Prusse étaient invitées à s’y joindre. La Prusse ne le fera pas, l’Autriche, oui mais avec des modifications. On n’a donc pas envoyé cet ultimatum encore. Il est venu hier un courrier de [Pétersbourg] : nous désirons fort éviter la guerre. Comment cela sera-t-il possible après tout ce qui s’est fait et dit ?
Je fais mal à mes yeux en vous écrivant. Quel désespoir que mes yeux. Quel horrible climat que ceci, et quel ennui de toutes sortes. Kisseleff a l'ordre de rester indéfiniment ici, & Brunnow d'y venir pour y rester aussi. Nous ne voulons pas encore entendre parler de guerre. Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Château d'Eu. Mercredi 16 0ct. 1844,
9 heures

Je vous en conjure, ne soyez pas malade ; que je ne vous trouve pas malade. Vous ne savez pas à quel point j'ai besoin d'être tranquille sur vous, avec quel sentiment, chaque fois que je vous vois, j’interroge votre physionomie. Que sera-ce quand je vais vous revoir ? Vous le voyez ; je suis prudent je suis clever. J’ai ramené le Roi par Calais. Je reste un jour ici à me reposer. C’est vous qui êtes chargée de m’en récompenser. Portez-vous bien. Je suis bien, très bien. J’ai bien dormi de 5 à 10 heures. J’ai très bien déjeuné dans ma chambre. Quand ma toilette a été faite, l’heure du déjeuner du Roi était passé. Et puis, j'ai besoin et soif de solitude. J’ai donc préféré ma chambre. Une côtelette, une aile de poulet, des asperges, du raisin, et du thé. Est-ce bien ?
Cela vaut mieux que la cuisine de Windsor. Pas de légumes mangeables, excepté les pommes de terre. Pas un bon poulet. Et toutes les peines du monde à avoir du riz ou du vermicel, pour potage, au lieu de turtle. Vous auriez ri du luncheon que nous avons mangé à Portsmouth chez un bon M. Grant, Store keeper qui l’avait préparé pour ses amis de Londres venus pour assister à l'embarquement du Roi. Plus de 10 mille personnes étaient là dans cet espoir. L’amiral Cockburn, était au désespoir de notre changement de plan. Il a lutté obstinément pour le premier projet. Il regrettait. passionnément son spectacle sur mer. Puis, quand on lui a demandé d’envoyer un canot au Gomer, qui était en rade à Spithead il y en a envoyé deux successivement qui sont revenus, tous deux sans avoir pu franchir la barre. Il aurait fallu rester à Portsmouth à attendre que le temps changeât.
En débarquant en France à Calais, à Boulogne, à Montreuil, à Abbeville, partout sur la route, j’ai trouvé l’état d’esprit des populations excellent. Vive joie de revoir, de reprendre le Roi. Vif orgueil de l’accueil qu’il venait de recevoir en Angleterre. Vive satisfaction de la consolidation de la paix. Voilà les sentiments vrais, naturels, spontanés. Je les jetterai à la tête de ceux qui essaieront de les obscurcir, de les dénaturer, de mettre à la place les stupidités routinières et les animosités factices des journaux. Vous avez mille fois raison. Je prendrai ma position et les choses sur un ton très haut. J’en ai le droit, et c’est la bonne tactique. Adien. Adieu.
Dear, dear, infinitely dear. Encore une fois, ne soyez pas malade. Si vous m’aimez, c’est tout ce que je vous demande. Adieu. Je suis charmé que Marion soit là. Adieu. à demain. Charmante parole ! G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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9 Paris le 4 juin 1853 Samedi

On savait à Pétersbourg le départ de [Menchikoff]. La lettre qui l'annonce est venue ici 5 jours. Prodige de vitesse. Un courrier est annoncé pour demain. Nous trouvons que Menchikoff a été bien mou !
En Angleterre grande alarme et embarras pour le gouvernement quant aux détails voici la lettre d’Ellice, mais de son côté Cowley me dit que si nous entrons dans les principautés c'est la guerre entre l'Angleterre & la Russie. Je ne crois pas. Heeckeren disait hier soir sur des nouvelles de télégraphe de Vienne que nous avions occupé les principautés. Le petit Nesselrode arrive ici demain de Constantinople par Vienne. Mon salon est impayable. Tous les [diplomates] y sont, & Hubner aussi tous les soirs. Tout le monde agité.
J’ai vu hier Fould, pacifique, triste, & pas amoureux de l'Angleterre.
On repart de [S.] pour le mois de 7bre.
Midi Voilà ma lettre d’Ellice partie pour Chantilly, où L. Cowley passe la journée. Vous ne l'aurez que demain. Ce qu'il me dit de plus curieux c’est que sur une étourderie de Lord John 3 Cabinet ministers allaient quitter à propos d‘une querelle catholique protestante je ne sais quoi. Mais cela pouvait s’arranger encore.
Il dit aussi que Palmerston déblatère contre la Russie & pousse à la guerre tandis que les autres procrastinent. C'est bien là ce qui fait qu’ici on est pour Palmerston contre Aberdeen.
L'agitation diplomatique et bien grande partout. Moi je suis ici la confidente de tout le monde. Entre eux ces messieurs ne se parlent plus, ou très peu. Les Allemands sont dans les perplexités, les plus grandes. Andral ne veut pas que je parte par le mauvais temps. J’attendrai quelques jours, je ne fixe rien encore.
2 heures. Une lettre de Londres. Clarendon est au pied du mur il ne peut plus nous défendre. L’ordre sera parti pour le départ de la flotte. L’Autriche nous fait des remontrances. Si Schwarzenberg vivait il ferait marcher des troupes pour nous empêcher. Voilà ce que dit Londres. Vous voyez que tout est est bien noir. Adieu. Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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9. Schlangenbad le 11 juin 1852

Je me suis couchée à 9 h. hier soir, et levée à 9 ce matin j’ai beaucoup dormi & je ne suis pas reposée. Il me faut du repos & des soins. Il est clair que si je dois rester seule je n’aurai ni l’un ni l’autre, & que dans ces conditions là les bains les plus efficaces seront sans efficacité pour moi. Si donc je n’ai la certitude ici de Marion, ni d'Aggy, Je finis l’Allemagne en même temps que l’Impératrice c’est-à-dire le 1er Juillet, & je retourne à Paris avec un blanc, un bleu, un rouge, tout m’est égal pourvu que ce soit un homme qui me protège en route. Je le cherche pourriez-vous écrire encore un mot à Marion. Clothal, Mad. Baldoux Herti. L’une d’elle pourrait elle venir ici avant cette date ? La soeur ne mourra pas, le médecin du lieu le dit. Elles ont pris l’alarme inutilement et m'ont fait à moi un mal bien grand. Elles pourraient réparer. Si elle vient je reste et je fais quelque chose pour cette pauvre santé. Si non, Paris et là Dieu sait quoi.
J’ai écrit à Beauvale aussi sur cela, mais vous pouvez davantage. Tous les soirs en m'envoyant coucher l’Impératrice crie Marion, Marion. Dites lui cela. Mad. Narichkin a passé quelques heures ici. Elle est partie. L’Empereur envoie tous les deux jours un courrier. Je voudrais bien que Constantin fut le prochain.

5 h. J'ai essayé mes jambes soutenue par Meyendorff. J’ai eu une longue visite du général Philosofof gouverneur des grands Ducs. Ceux-ci n'ont donné au Comte de Chambord que le Monseigneur. Le grand duc Constantin avait été plus loin, mais jamais devant un témoin étranger, ce qui explique que les autorités autrichiennes interrogées sur cela ont répondu néga tivement. L'Empereur en apprenant que le [grand duc Constantin] avait dit Majesté, a dit de son fils, il s’est émancipé. Meyendorff averti par moi en temps utile à empêcher les cadets d’imiter leur aîné.
Voici votre lettre d’avant hier. Je suis mieux traitée que vous ne l'êtes par les facteurs. Le temps est laid depuis deux jours froid et pluvieux. Je suis fâchée que vous ayez manqué Fould & Noailles. J’espère que vous me donnerez des nouvelles de l’un et de l'autre. Adieu, adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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9 Val Richer, Dimanche 5 Juin 1853

La colère des journaux impériaux contre l'impartialité du Journal des Débats envers vous m'amuse ; il me revient que l'Empereur en a jugé autrement et qu’il a bien parlé de l'article des Débats ; si bien que Flahaut, est venu le dire à Armand Bertin. L'Empereur a plus d’esprit que ses journaux. Probablement il trouve bon que ses journaux parlent d’une façon et lui d’une autre ; il faut des paroles à toutes les adresses. C’est une pratique utile au premier moment, et qui plus tard, crée des embarras. Je comprends les gouvernements fondés, sur le secret, et le silence, je ne veux pas dire le mensonge ; mais aujourd’hui le secret et le silence ne sont pas assez absolus ; il perce toujours assez de lumière pour que ce qui reste de ténèbres ne fasse pas grand profit.
Les embarras de langage de Lord Clarendon sur votre Empereur ne dissoudront pas plus le cabinet anglais que la brouillerie de l'Empereur avec le Sultan ne mettra le feu à l'Europe. Le bon sens Anglais, et le bon sens européen pourvoiront chacun au danger qui le regarde. Et quand Lord Palmerston serait ministre des affaires étrangères, je doute qu’il fit plus et autrement que Lord Clarendon. Le Times exprime le sentiment anglais aussi bien que celui de Clarendon ou d'Aberdeen. L’Angleterre ne croit l'Empire ottoman ni sauvable au fond, ni très menacé aujourd’hui. De là sa politique circonspecte et patiente. Elle s'y tiendrait, quel que fût le ministre.
Le Duc de Nemours part le 15 pour Vienne avec sa femme et ses enfants. Il ne fera que traverser Vienne ne voulant pas y séjourner. Il passera son temps en Hongrie.
La Reine Marie Amélie ira au mariage du Duc de Brabant. S’il se fait à Vienne, comme je le suppose, la réunion sera nombreuse et curieuse.
Un bon juge m'écrit : " En Angleterre, on se préoccupe peu de l'affaire d'Orient ; on semble certain que l’issue en sera pacifique. Le voyage du Roi des Belges est, aux yeux des Anglais, un événement bien autrement considérable que la mission du Prince Mentchikoff. "

Onze heures
Vous êtes bien noirs en effet. On l’est toujours au moment du coup de feu. Je n'en persiste pas moins, et j’ai bien de la marge, car quelques coups de canon de votre part ne me feraient pas changer d'avis. Toute l'Europe va peser sur vous pour vous rendre le plus modérés possible ; vous pèserez de votre mieux sur l'Europe pour lui faire accepter le plus possible de vos exigences et quand, de part et d'autre, on aura touché à la limite du possible, on s’arrangera. Adieu, adieu. Certainement non. Andral ne vous laissera pas partir. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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10 Val Richer. Lundi 6 Juin 1853

Si le résultat de votre opération sur Constantinople était de refaire l'alliance de l’Autriche, la France et l’Angleterre ; vous y perdriez plus que vous n'y pourriez gagner. Et l’Europe aussi. Mais je ne crois à aucune alliance sérieuse. Vous sortirez de ceci moins bien que vous n'étiez avec tout le monde, et n'ayant pas gagné sur la Porte tout ce que vous vouliez, mais ayant gagné pourtant, et sans guerre européenne. Tout bien considéré, je doute que vous ayez fait de la bonne politique, et même que vous ayez bien fait votre politique. On vous avait fait plus beau jeu que vous n'avez bien joué. Mais votre position est si forte que vous avancez même en bronchant. D'ailleurs, vous avez un but et vous y marchez. Toutes les autres puissances en Europe ne veulent que le Statu quo.
Le temps est redevenu doux et charmant. J’ai marché hier trois heures de suite, sans fatigue. C'est de l'appétit et du sommeil de plus. Je me plains seulement que la journée n'ait pas 36 heures. J’ai pris, une rage de travail et de promenade à la fois à laquelle les 24 heures ne suffisent pas.
Vous aussi les 24 heures ne vous suffisent pas. Au jour du jugement dernier, vous ne direz pas comme ce pauvre Valdegamas. " Mon dieu, j’ai fait des visites. " mais " Mon dieu, on m’a fait des visites ? Je m'amuse de votre amusement.
Andral a trop d’esprit pour vous faire partir de Paris tant que vous vous y amuserez si bien. Je vois que Bourqueney à Vienne et M. Gobineau à Berne se donnent bien de la peine pour raccommoder l’Autriche et la Suisse. Je ne comprends pas que ce soit difficile du moment que l’Autriche est décédée, comme elle le paraît, à ne pas employer la force pour obtenir ce qu'elle demande. Quand on ne veut pas se battre, à quoi bon se quereller ?
Le succès du voyage du Roi Léopold me revient aussi par Claremont où l’on s'en réjouit beaucoup. Il influera grandement pour remettre l’Autriche bien avec l’Angle terre. Evidemment, il s’y est déjà beaucoup employé ! La Reine d'Angleterre est mieux que jamais pour toute la famille d'Orléans. Le cardinal Wiseman a très éloquemment parlé pour la première communion du duc de Chartres. Peu de Français et beaucoup d’Anglais présents.

Onze heures et demie
Je n'ai que le temps de fermer ma lettre. A demain la conversation. Adieu, Adieu.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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11 Bruxelles Dimanche le 12 mars 1854

Je vous en prie ne m'écrivez pas sur du petit papier. Cela m’attriste. Voilà l’émancipation des Chrétiens consentie par les Turcs, c.a.d. plus que nous n’avions demandé pour les Grecs. Comment mon Empereur laissera-t-il échapper cette occasion de se déclarer content & de finir cette misérable querelle ? Vous devriez bien m'écrire ce que vous pensez de cela. Greville est très animé si le congrès russe de Bruxelles pouvait venir à la paix l'Angleterre seule n’en voudrait pas. Elle veut l'humiliation, l'abaissement de la Russie. Il y a eu une vive scène entre Clarendon & Brusen (ce n’est pas de Gréville que je le tiens) le prussien annonçait la neutralité résolue de la Prusse. On en est venu aux gros mots, il voulait chasser Brusen d'[Angleterre]. Walewski a apaisé l'orage. L’Autriche sans être aussi explicite que la Prusse, ne sera pas non plus féroce. Elle ne nous fera pas la guerre. Je crois, mais je prends cela de ma seule tête que la première opération navale sera une attaque sur l'île d'Aland. Cette position commande Stockholm. Nous y avons fait de grands travaux. Dans huit jours la flotte Anglaise sera dans la Baltique.
Je me sers de mes yeux comme vous voyez, mais j’ai tort. L'ultimatum anglo-français a dû arriver à Pétersbourg hier. Adieu. Adieu. Tâchez de savoir comment Castel bajac a été reçu et s'il a été reçu ? Le premier venu diplomate vous dira cela. J'oublie qu'ils ne se trouvent plus sur votre chemin.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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11. Schlangenbad le 13 juin 1852

La journée a fini hier presque seule avec l’Impératrice, il n'y avait chez elle que la grande duchesse Olga et son mari. C'était confortable et agréable. Cependant je n’ai pas dormi la nuit. Marion, mes fils. Voilà ce qui me tourmente l’esprit. Vous me connaissez, vous savez ce que ces préoccupations là me font, comme elles m'envahissent.
Ce matin le Prince Charles de Prusse & le prince Frédéric de Hesse sont arrivés. L’un pour moi, l'autre à côté de moi. Tout de suite chez moi. Le prince Charles a beaucoup d'esprit, l'esprit gai, très bien fait, très bien pensant. Pensant comme moi sur toute chose très bonné découverte. Quand je suis chez moi je reste couchée et je ne me gêne pas pour la qualité de mes visiteurs. Je ne me gêne que pour l’Impératrice. Je ne servirai pas à Schlangenbad si je faisais autrement.
La grande duchesse Stéphanie a demandé à venir faire sa cour, l’Impératrice décline, sa règle est absolue. Elle ne veut recevoir personne elle a besoin de repos & de ne se gêner pour rien et pour personne. Moi qui connais les douceurs de cela je trouve qu'elle a bien raison.
Maudt est encore revenu, nous ne parvenons pas à parler de ma santé, il m’entretient de choses bien plus curieuses, il a de l’esprit extrêmement, & doit gouverner là où il prend la peine de le faire.
Sa conversation vous plairait, et quoique très philosophique je marche avec lui, cela m'étonne.
Le roi Léopold vient de m'écrire pour me demander une entrevue. C’est fort embarrassant. Je ne vais pas à Wisbade. J’ai refusé de rendre visite à la duchesse de Nassau qui est venue exprès me voir. Je ne puis pas la recevoir chez moi, c’est trop près de l'Impératrice, & il y aurait de l'inconvenance pour lui d’être venue jusqu’ici sans la voir. Question à débattre. En attendant adieu. Il pleut Il fait très froid. Je fais du feu, je me couvre et je ne me chauffe pas. Adieu. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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10 Val Richer, Mardi 21 Juillet 1846 4 heures

J’ai expédié mon courrier et mes visites. Je me suis promené une heure. Je vous reviens. Vous vous promenez probablement aussi dans la forêt. Mes bois ne sont pas si bien percés, ni si grands. A quelle heure placez-vous vos deux promenades ? Vous ne devez plus souffrir de la chaleur. Il fait frais ici ; un peu de pluie tous les jours. En tout, une température agréable. Pas assez chaude pour mon goût. Surtout pas assez lumineuse. J'aime le ciel brillant et pur, qu’il n’y ait que de la lumière, de l’espace éclairé entre nous et les régions inconnues. Les nuages me déplaisent. C’est de la boue en l’air. Ce n'est pas là sa place. De mon origine méridionale, je n'ai conservé que certaines dispositions, certaines préférences matérielles celle-là surtout. Le caractère, le naturel moral des populations du midi ne me plaît guère. J’aime mieux les populations du Nord, du semi, nord s’entend. Elles ont plus de good sens, de mastliness, de consistency et de délicatesse. L'inconséquence toujours imprévue et la familiarité grossière des méridionaux me déplaisent souverainement bien que spirituelles et amusantes. Mais le ciel, le ciel ! Il n’y a de ciel que dans le midi.
Je repense à la lettre de Lady Palmerston. J’en suis frappé comme vous. Point de confiance ni d’en train. Que dites-vous de la quasi-nouvelle de Brougham. Palmerston leader des Protectionistes dans les Communes ? Je n'y crois pas. Brougham n’y croit pas. Surtout, il n'en veut pas. Mais il ne repousse pas cela absolument. Avec la confusion des Partis et l’inconsistency hardie de Lord Palmerston, tout est possible. Vous avez raison. Le prochain Parlement ramènera Peel. Et par conséquent Aberdeen, quoiqu’il en dise aujourd’hui. Pourquoi, ce humboy inutile ? Je lis nos journaux ici bien plus attentivement qu'à Paris. En avez-vous plusieurs à St Germain, et lesquels de l’opposition ? Je les trouve bien froids, et décolorés, et déroutés au fond, malgré la violence et la grossièreté de leurs injures. Evidemment le parti n'espère pas grand chose des élections. Je ne me fie point à son propre découragement, même sincère, au découragement du parti de Paris, des meneurs et des journalistes. Je suis convaincu que sur les lieux, dans chaque arrondissement parmi les hommes qui ont réellement la main à la pâte électorale, il y a beaucoup plus d’ardeur, et que rien ne manque à leur travail, et qu’ils trouvent dans les préjugés, dans les habitudes, dans les penchants critiques, et radicaux des masses beaucoup plus de moyens d'action et de chances de succès qu’on ne le croirait d'après les journaux du centre. Je n’ai donc pas une pleine confiance bien s'en faut. Cependant j’en ai. Ce sera un grand succès s’il arrive. Aussi grand que nouveau. Et la question bien personnelle, bien posée sur mon nom. Il n'y a que vous au monde avec qui je me laisse aller aux satisfactions orgueilleuses. Plus je vais plus mon orgueil devient intérieur et a moins besoin de paraître. Il est ridicule de le montrer avant, subalterne de le montrer après. Mais à vous, je montre tout.
Mercredi 22, 8 heures
Je me suis levé tard. J’ai éternué. L’humidité est, l’inconvénient de ce pays-ci. Pour peu que je me promène après dîner, mon cerveau s'en ressent. Ce n’est rien du tout, comme vous savez ; seulement un peu d'ennui. J’attends mon courrier. Adieu, en attendant. 9 heures Voilà votre lettre. Courte, mais tendre ; et pas de mal d'yeux et pas d’abattement ; les deux maux que je crains le plus. De quoi s'avise Mad. Danicau d'être malade ? Le courrier ne m’apporte rien d'ailleurs. Sinon beaucoup de signatures à donner. Toujours bonnes nouvelles électorales. Adieu. Adieu. Adieu G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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12. Bruxelles mardi le 14 mars 1854

Vous avez bien de l’esprit, et j'en ai aussi. Votre critique de nos deux dernières pièces est précisément ce que j'en ai pensé et dit. J’aime bien ces rencontres. J’enverrai votre lettre plus loin, il est bon qu’on entende chez nous la vérité. Ah que tout cela a été mal conçu et mal conduit.
Mes yeux vont un peu mieux, mais ma tête, mon cœur, et toute ma santé générale ! Avec quelle tristesse je me réveille et je m’endors. Dans une vie si avancée retrancher tant de mois de jouissance, de bonheur ! Meyendorff a dit à Vienne : " Si la porte accorde l'émanci pation des Chrétiens, il n'y a plus de question d’Orient. " That is sensible. Qu'ils accordent donc il paraît trop qu'on s’était pressé ici de croire que c'était fait, ils n'ont obtenu encore que l'égalité devant les tribunaux et encore cela n'est pas tout à fait complet. Morny me mande que St Arnaud va à Vienne. Le sait-on ? On prend à Paris très bien la nouvelle attitude de la Prusse. Elle nous est favorable en tant que tout-à-fait neutre. Le temps ici est magnifique, mais je ne jouis de rien. Comment jouir quand on pleure. Adieu, des lettres, des lettres. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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12 Paris, Mercredi 8 mars 1854

J’ai reçu votre N°6. Je ne vous ai pas écrit hier. Je n’avais rien à vous dire et j'étais dérangé par toutes sortes de visites. Moins on sait, plus on cherche.
On est toujours un peu perplexe sur l’Autriche. On croit pourtant, et je crois qu’elle signera la convention qui est sur le tapis et qu’on regarde comme suffisante. La Prusse, dit-on. refuse formellement de la signer ; mais elle engage l’Autriche à la signer, lui promettant appui si cela lui attire quelque gros embarras. Le bruit a couru hier que M. de Manteuffel s'était retiré comme trop peu Russe. On n'y croyait pas. Je vous donne le résumé de ce que j'ai entendu dire dans la journée, et le soir chez Molé. Il y avait assez de monde, entr'autres les Cowley. Vous devez du reste savoir les nouvelles Allemandes mieux que nous.
La demande de M. Gladstone pour le doublement de l'Income tax a été assez mal accueillie dans le Parlement. Personne n’aime à payer la guerre, même celle qui plaît. Le corps législatifs d’ici était plus en train. Il voulait voter l'emprunt de 250 millions le jour même où on le lui a présenté. C’est M. Billault qui, par respect pour les formes, a fait retarder d’un jour en disant : " A demain ; cela suffira." Montalembert voulait parler ; point du tout pour combattre l’emprunt, ni la guerre ; il en est tout à fait d’avis, très approbateur de l'alliance Anglo- française et de la résistance à vos prétentions en Orient. L’Assemblée était si pressée qu’il a renoncé. Flavigny, seul, a dit quelques mots convenables et écoutés.
Le Maréchal St Arnauld a eu une nouvelle crise de son mal. Il persiste cependant à vouloir partir. Il dit à l'Empereur : " Vous m'avez donné un bâton de Maréchal ; j’aime mieux mourir en m'en servant que dans mon lit ? " S'il ne peut pas partir, ou s’il meurt après être parti, les gens bien informés croient que le Général. Baraguey d'Hilliers le remplacera. Les badauds disaient hier qu'on avait fait faire des ouvertures au général Changarnier. Les nouvelles levées d'hommes se font sans difficulté et partent sans mauvaise humeur. La longue paix a fait oublier les maux de la guerre. Le goût du mouvement et des aventures s’est ranimé. Cela contrebalance un peu le goût du bien-être et le besoin de la prospérité matérielle.

2 heures
Voilà votre N°8. Que je déplore vos yeux ! On a été bien gauche à Pétersbourg si on avait envie que vous restassiez à Paris. C'était si aisé ! En admettant que vous ne vous trompez pas aujourd’hui, ce ne serait plus si aisé, car il serait plus grave. Il faut que vous sachiez la vérité dans le gouver nement, et aussi un peu dans le public, l’esprit de guerre s'échauffe ; on s'y prépare sérieusement, et pour longtemps. On parle sans sourciller, de ce qu’on fera dans deux ans, dans trois ans, si on ne réussit pas tout de suite, et de toutes les chances en pourraient s'ouvrir alors. Votre Empereur seul peut encore et pourra toujours faire tout finir promptement ; mais s'il ne le fait, les autres accepteront la longue lutte et le grand chaos. Adieu, adieu. Triste adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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N°12 Mercredi 26, 2 heures

Et moi aussi je respire. Quel horrible cauchemar ! et si long ! Depuis deux jours je n’y tenais plus. Dearest, every day dearer Princess, vous avez cependant trouvé le secret de mêler à une peine déchirante une joie ineffable. Ah ne regrettez pas l’abandon de vos sentiments, de vos paroles : j’en ai reçu un bonheur incompréhensible pour moi même au milieu de mon angoisse, et pourtant si réel, si puissant ! Ma raison, ma justice me le reprochaient, mais sans le détruire. Encore une fois, il faut me le pardonner. Vous le savez ; à un seul sentiment l’égoïsme est permis ; mais il lui est bien permis, car c’est le seul où le cœur, la personne, l’être tout entier se donnent vraiment et sans réserve, et avec plein droit par conséquent de tout accepter, de tout attendre. Oui, j’ai plein droit d’être égoïste avec vous. Je ne crains pas de trop recevoir. Je ne compte pas, je ne mesure pas. Donnez, donnez-moi; je m’acquitterai. Mais ce que je vous demande aujourd’hui, ce que je vous conjure de m’envoyer par tous les courriers, c’est la certitude que votre santé n’est pas trop atteinte, que le repos du corps vous revient avec celui du cœur. Là est la préoccupation, la cruelle préoccupation qui me reste.
Déjà, quand j’étais près de vous, j’ai si souvent tremblé en vous voyant, si aisément et si profondément ébranlée en voyant à la moindre émotion un peu vive, même douce, vos nobles traits, toute votre personne près de tomber dans ce frémissement qui fait mal, même quand la joie le cause et dont on ne sait même bientôt plus, quand il vous envahit, s’il vient de la joie ou de la douleur ! Vous ne savez pas quelles inquiétudes vous m’avez déjà causées, quels regards de minutieuse et infatigable inquisition j’ai cent fois porté sur votre physionomie, sur votre maintien, sur votre démarche, pour y découvrir la moindre trace de la moindre altération de la moindre souffrance. Et que faire de telles craintes dans l’absence, quand on ne peut s’assurer à chaque instant, de leur erreur, de leurs limites du moins ?
Vous me connaîtrez un jour, Madame ; vous savez un jour quelles agitations, quelles faiblesses infinies se cachent dans mon cœur, quand une affection vraie le possède, et emploient, à leur triste service dès que l’occasion s’en présente, tout ce que je puis avoir d’imagination, d’esprit d’énergie. Épargnez moi des troubles intérieurs qui atteint le bonheur le plus grand et lassant le plus ferme courage. Veillez sur vous, soignez-vous ; rapportez moi ce teint reposé, ces bras que vous m’avez promis ? Vous aurez des lettres, vous en aurez souvent, exactement. Il est impossible que la cruelle épreuve, par laquelle nous avons passé l’un et l’autre se renouvelle. Je suis enclin à croire qu’elle n’a eu que des causes matérielles, des méprises d’adresse, des ignorances de notre part quant aux arrangements de la poste ; peut-être des combinaisons trop variées et trop savantes. Certainement nous y pourvoirons. Vérifiez, je vous prie, ce que je vous ai dit ce matin sur les numéros de mes lettres. Vous avez eu le N°4. Le N°5 était le petit billet non numéroté, écrit le Dimanche 9. Et quant au retard du N°6, j’en entrevois la raison dans la route particulière qu’il a suivie, si je ne me trompe. Vote prochaine lettre me dira j’espère, qu’il vous est arrivé. Votre N°11 n’était que le n°10. Il commence le mardi 18 à midi, et votre N°9 finissait le mardi au moment de l’arrivée du postman. Votre N°12 que j’ai reçu ce matin, n’est donc que le N°11. J’entre dans ce détail pour qu’il n’y ait point d’erreur entre nous.
Jeudi 10 heure
Je n’ai pas de lettre ce matin. Je n’en espérais pas n’importe ; je suis désappointé. Quelle insatiable avidité que celle de notre âme ! Dès qu’elle entrevoit le bonheur elle s’y précipite, elle s’y attache ; elle le vous tout entier à tout moment. A demain mon âme. Je suis charmé de votre conversation avec le comte Orloff. Vous ferez ce que vous voulez. J’attends à présent. vos projets en raison des mouvements de M. de Lieven. Toujours attendre ! Je voudrais connaitre au moins tous les gens à qui vous parlez, de qui vous me parlez. Les noms qui m’arrivent par vous qui sont importants pour vous, et qui ne me représentent ni une figure, ni une voix, ni un caractère cela me déplaît. C’est du vague, de l’obscur, de l’étranger. Je n’en puis souffrir en ce qui vous touche. Ah, notre misère! Que de choses dont nous disons. Je ne puis les souffrir et qu’il faut souffrir pourtant, et que nous souffrons en effet.
2 heures
La proclamation du rois de Hanovre, fera du mal partout. Les conservateurs sont intéressés partout à la bonne conduite du pouvoir. Ceci est vraiment un acte de folie. Je serais bien fâché que les élections anglaises s’en ressentissent profondément. Quant à nous malgré les apparences je doute toujours que nous ayons des élections. Le mieux informé de mes amis m’écrit que jusqu’ici le Roi, qui en décidera seul, y a à peine songé, qu’on se traînera probablement jusqu’au mois de Novembre avec des velléités sans résultat, et qu’alors, quand le vent des Chambres commencera à souffler, s’il secoue un peu fort le roseau ministériel, le Roi préférera un remaniement du Cabinet à une dissolution.
Je ne pense guère à tout cela; d’abord, parce que je pense à autre chose, ensuite, parce que rien ne me déplaît tant que de penser à vide, et quand il n’y a rien à faire. La bavardage vain est la maladie de notre temps et de notre forme de gouvernement. L’esprit s’y hébète et la volonté s’y énerve. Vienne le moment d’agir ; je penserai alors. Jusque là, je veux jouir de ma liberté et n’appartenir qu’à moi-même, pour me donner à mon choix. Mais quand ce choix est fait on ne s’en dédit plus. C’est ce que dit Pompée à Sertorin dans les beaux vers, de Corneille. Je suis de l’avis de Pompée. Adieu dearest Princess. Pour la première fois depuis bien des jours, je vous ai écrit la cœur un peu à l’aise. Mais cette aise a encore besoin de confirmation. G.
Je ne sais ce qu’il y a de vrai dans les bruits de journaux sur l’état grave de M de Talleyrand. Je vais écrire à la duchesse de Dino. Vous pensez bien que je n’ai par remis votre lettre à Mad. de Meulan.)
Vendredi, 10 h. Je n’ai pas de lettre ce matin. J’en attendais pourtant. Jusqu’à ce que je sois pleinement rassuré sur votre santé, je n’aurai aucun repos.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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13 Paris, Jeudi 9 Mars 1854

Hier soir Mad. de Boigne et Mad. de Ste Aulaire. Chez Mad. de Boigne le service ordinaire ; la petite Duchesse de Maillé y est presque tous les soirs depuis la mort de sa mère ; une jolie souris intelligente et raisonnable. Le Chancelier va toujours. M. Mérimée silencieux, excepté quand on a apporté un grand coffre sculpté en ivoire que Mad. de Menou a légué à M. de Boigne. Est-ce en ivoire ou en os du 15e ou du 13e siècle de Constantinople ou d’Italie ? La conversation s’est animée. Je n'ai point d'opinion ; mais le coffre est joli. Le général d’Arbouville, qui erre de salon en salon comme un soldat en peine, ennuyé et embarrassé de son oisiveté.
Chez Mad. de Ste Aulaire, la famille, qui suffit presque à remplir le salon ; Mad. de Gouchy, la petite Mad. de Barante. Son beau père arrive mercredi, pour deux mois. Il sera aussi de ceux à qui vous manquez.
On disait hier soir que le Maréchal St Arnauld avait définitivement renoncé à commander l’armée. Ce qui l’indique, c’est que ses officiers d’ordonnance qui avaient annoncé et fixé le jour de leur départ, l’ont ajourné. Je trouve la mesure financière propre par Gladstone, très sensée et son discours très honnête. C'est de la bonne administration politique.
M. de Castelbajac est très réservé. Son beau frère, que j'ai vu hier, dit qu’il ne dit rien, sinon que les préparatifs, et l’ardeur sont grands chez vous. Je ne sais rien d'ailleurs. Je ne fermerai ma lettre qu’en sortant pour aller à l'Académie. Je verrai probablement quelques personnes d’ici là ; mais elles ne sauront rien, non plus. Tout le monde devient réservé.

2 heures
Je pourrais dire comme M. de Givré : Rien. rien, rien. Il ne me paraît pas qu’on ait fini avec l’Autriche. Quel article contre vous que celui du Times répété par le Galignani d'hier soir. On vous promet une guerre à mort. Adieu. Adieu.
Quand vous êtes bien, j’attends impatiemment vos lettres pour mon plaisir ; quand vous n'êtes pas bien, presque plus impatiemment. Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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13. Paris Jeudi le 23 juillet 1846

Et bien me voilà malade ; depuis St Germain, ou plutôt depuis un bain que j’ai pris ici la veille d'y aller. J’ai perdu tout appétit & je n'ai plus de jambes. L’estomac parfaitement déréglé. Enfin ce matin me sentant très mal je suis venu ici. Chermside sort de chez moi, il me garde ici, nous verrons demain. Il croit que c'est le sang en mouvement. J’ai vu Génie un moment il m’a porté votre lettre. Ne sortez donc pas après le dîner, vous voyez bien que vous y attrapez toujours un rhume. Le Val Richer est humide, cela est très sûr. Tout le monde me l’a toujours dit.
Hier je n’ai vu que les Batteurst. Rien de nouveau. Furner contre Peel, c'est comme tout le monde. Mais voici ce qu’ils m'ont dit et que nous ignorons. C’est que Sir G. Grey, & Ch. Wood disent hautement que si lord Grey se querelle avec ses collègues, ils n'en sont pas. Ainsi s'il sort, il sortira seul. Cela change un peu la situation. J'ai une lettre de Brougham semblable à la vôtre. Génie me dit que Palmerston vous invite par Jarnac à agir à [Touis?] pour l'armistice, Metternich faisant des efforts contre. Hier Thom me disait qu’il en fallait une mais qu'elle ne pouvait pas être générale, sans cela la révolution éclate demain ; n'y pensant bien même il me semble qu’il n’admettait aucune armistice. Ce qu’il admet c’est des réformes dans le gouvernement intérieur. Je n'ai fait dire mon arrivée ici à personne, je me sens trop bête & misérable. C’est aujourd’hui que je vais m'ennuyer. Adieu. Adieu. Votre banquet a donc lieu le jour anniversaire où vous avez commencé votre révolution il y a 16 ans. Adieu dearest adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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13 Val Richer Vendredi 24 Juillet 1846, 7 heures

Je n'ai point éternué, point pleuré cette nuit. J’ai bien dormi. Je suis beaucoup mieux ce matin. C’est vraiment curieux avec quelle vivacité ce mal-là me vient, avec quelle rapidité il s'en va. Hier, s'il avait fallu aller et parler à mon banquet, j’en aurais été incapable. J'en étais vraiment préoccupé, et attristé. Ce n’est qu'à vous que je dis mes satisfactions orgueilleuses, à vous seule aussi mes faiblesses. J'en ai bien plus qu’il n'en paraît. Les circonstances importantes, les nécessités absolues, prévues, annoncées, de paraître et d’agir, me mettent bien souvent, plusieurs jours à l'avance dans un état de malaise, de frémissement intérieur, de doute et d’inquiétude, que je ne laisse pas du tout percer, que je contiens et comprime fortement en moi, car j’ai beaucoup d'empire, sur moi-même mais qui n'en est pas moins, très réel et très désagréable. Tout le monde est convaincu que la tribune ne m'inquiète et ne me trouble jamais. Tout le monde se trompe. Je suis très souvent et très vivement troublé, pas quand une fois je suis à la tribune et dans l’action, mais auparavant, en pensant au succès nécessaire et toujours incertain.

8 heures Décidément les bains ne vous valent pas mieux que le serein à moi. Cela m'étonne. Nerveuse comme vous l’êtes il me semble que les bains devraient vous être bons, J’espère que votre estomac se remettra bientôt en ordre. Pour les petits soins contre les petits maux, j'ai assez de confiance dans Chermside. Il vous connait bien et me parait sensé. Pourvu qu’il n'abuse pas des blue pills. Je vais attendre tout le jour la lettre de demain. Que de temps dans la vie on passe à attendre ? Palmerston me fait demander, en effet ce que nous pensons des Affaires de Rome, [?] et autres, et ce qu’il doit dire et faire pour être comme il veut, d'accord avec nous. Cela sera facile à Rome où il n’est rien, et nous n'en tirerons pas grand profit. C’est à Madrid qu’il faudrait-se mettre d'accord, et j'en doute tous les jours d'avantage. J’ai fait ma démarche. Nous verrons le résultat. En tout cas elle est bonne, et si elle ne nous met pas d’accord ; elle me mettra, moi, à l'aise. Comme on peut être à l'aise dans une si grosse et si difficile affaire. Un grand point sera au moins obtenu. Il n’y aura, rien avant mes élections. Les nouvelles en sont toujours très bonnes. De plus en plus bonnes, si je m'en rapporte à ce qui m’arrive de tous côtés. Mais j’ai aussi ma méfiance. Le Roi d’Hanôvre a été assez malade pour qu’on ait été sérieusement inquiet pendant trois jours. C’est du moins ce que M. d’Houdetot m'écrit. Il est mieux. Il aura M. de Béarn le 4 août. L’ordonnance sera signée ce jour-là comme ministre définitif.
Les bains de mer réussissent parfaitement à ma fille Pauline. On lui jette sur les reins des seaux d’eau qui j’espère seront bons à sa taille. Le temps est charmant depuis trois jours. Revenu au chaud, trop peut-être à Paris, et pour vous. Pas ici. Adieu, dearest. Plus j'avance, moins l'adieu me suffit. Je pense sans cesse à vous. Je vous suis dans tous les détails, à toutes les heures de votre journée. Il me semble que si j'étais là, tout serait mieux. Adieu. Adieu. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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14. Paris vendredi 24 juillet 1846

D’abord, je vais mieux ; je sais que je suis pour vous la première personne. Et puis voici ma révolte. Des instructions pour Bulwer ont traversé Paris Mardi dernier le 21. Elles portent ceci. Aucune puissance n'a le droit de se mêler du mariage de la Reine. L’Espagne est libre, & ce serait une attitude portée à son indépendance. L'Angleterre ne s’en mêle donc pas, mais elle ne saurait voir avec indifférence un mariage qui donnerait à une puissance quelle conque une influence prépondérante en Espagne. Elle s’y oppose donc, & Bulwer le déclarerait. Trappany & Montémalin sont aux yeux de Lord Palmerston hors de cause. Reste les deux enfants espagnols & Coburg. Celui des trois qui conviendra le mieux à la reine semblera très bon à l'Angleterre. Mais elle reste en dehors de toute intervention là-dedans ! Observations générales sur l’Espagne. Elle a une constitution qui n’existe que de nom. En fait il n'y en a pas. Quand les Cortez incommodent le pouvoir on les chasse. La presse on la suspend. L'Angleterre n’intervient pas pour faire à cet égard des remontrances. Mais Bulwer est invité à donner cours à l’opinion que porte son Cabinet sur cet état de choses. Tel est le sommaire des instructions. Des avis particuliers disent que la reine penche beaucoup pour un Coburg. Palmerston est assez d’avis de Enrique. Il n’est pas sûr encore qu’il aille à Londres. Il y a des embarras pour sa réception. La reine ne veut pas le voir. Elle a trouvé très impertinent qu'il lui ait écrit de Bayonne une lettre de félicitations sur ses couches. (la lettre de Palmerston au roi !!) Dans tout cela elle marque la préférence pour la candidature Coburg.
Voilà votre lettre. Suis-je furieuse ! Je vous dirai ce que vous faites pour faire plaisir à Henriette vous la menez promener le soir, & voilà votre rhume. Prenez garde, je n'aimerai pas du tout votre fille, & je trouve vos faiblesses très ridicules. Est-ce que moi je vous prendrais cinq minutes pour le soupçon du plus léger risque d'un seul éternuement ? Ecoutez je vous défends formellement de vous promener le soir, et si vous le faites je vous promets que je serai malade de façon à vous inquiéter. Je savais l’indisposition du duc d'Aumale avec tous les détails. Les gens de cour sont très bavards ici, Thom m’avait conté cela. J’ai vu hier Génie et lord W. Je me suis tenue fort tranquille pour me soigner, & je suis mieux. Je ne sais encore si je reste ou si je retourne à St Germain. Je penche pour retourner ou pour aller à Lisieux et vous barrer la promenade dès 7 heures du soir. Comme c’est ridicule ce que vous faites. Je suis en grande colère. Je vous en prie mariez votre fille & que son mari la mène promener. votre éternuement m'a dérouté de l’Espagne, je reviens car il y a encore quelque chose. Miraflores est chargé de demander formellement le duc de Montpensier & si on le refuse, de déclarer qu'on prendra le Coburg. Le roi a répondu qu’il ne donnerait pas son fils & qu’il ne souffrirait pas le Coburg. Si la reine est si pressée qu’elle prenne un infant Espagnol ou si son aversion pour eux est plus fort que sa hâte d’un mari, qu’elle attende. Il ne l’a pas dit si fortement que cela mais voilà cependant dans le fond. Miraflores a conté tout cela à Cowley. Cowley a reçu une réponse de Palmerston. Il remercie l'ambassade de sa very handsome letter (probablement il insinuait qu'il se rendrait si on le pressait.) Il eut été charmé de lui voir continuer ce qu'il faisait à bien mais des partis considerations le forcent à soumettre à la Reine la demande du nouveau lord Normanby. Voilà Cowley furieux & qui ne comprend pas ce que veulent dire des partis considérations. Je ne les ai pas vus. On leur insinue que dans quinze jours Normamby pourra venir à Paris. Voilà une longue lettre, vous ne la méritiez pas du tout. Vraiment vous ne m’aimez pas. Vous aimez mieux une fantaisie de votre fille que ma tranquillité, mon bonheur. Je suis triste car tout cela me mène loin, et je prévoyais que je dégringolerais au Val Richer. 1 heure. Je vous envoie une lettre de Bulwer. On m’a dit en confidence qu'il avait demandé un congé. Sa lettre est bien aigre selon moi. Un homme irrité, blessé, dérouté et espérant de Mischiefs. Lord Willian trouve bien mauvais que vous soyez absent dans ce moment. Il dit qu'on aurait bien besoin de vous à présent pour ces tracasseries espagnoles. Moi Je trouve qu'il faut vous laisser votre repos, mais si vous comptez l'employer à éternuer je vous prie de revenir. Savez-vous qu’à tout prendre vous auriez mieux fait d’épouser don Enrique que tout de suite il y a un ou deux ans. Quel gâchis à présent. Adieu je ferme, je vous gronde au milieu de deux ou trois adieux.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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14. Schlangenbad le 17 juin jeudi 1852

Pardonnez-moi la lacune d'un jour. J’ai été vraiment malade et quand hier j’ai trouvé la force & le moment pour vous écrire la grande Duchesse Olga est entrée et il n'y a pas eu moyen de trouver 3 minutes de liberté.
Ce n’est que hier que j’ai vu la princesse de Prusse. Je lui trouve certainement de l’esprit mais pas le moindre naturel. Elle n’a pas beaucoup cherché à me plaire, mais cela c'est égal. Pour juger quelqu’un c’est même plus commode.
Quand elle a vu que je n’étais pas forte en littérature moderne elle n’a parlé que de cela. Son mépris pour moi a été énorme quand je lui ai dit que je n’avais pas entendu parler des Causeries du Lundi par Ste Beuve. Je lui ai promis que je demanderai raison à mes amis de Paris de l'ignorance où il m'ont laissée sur ce point, et très sérieusement je vous demande de me dire si vous connaissez cela, & si cela à quelque mérite. J'aurai votre réponse à temps pour en faire usage. Ne vous gênez pas, et si cela valait la peine d’être lu & dites que je ne valais pas la peine qu’on m’en parle. Ma place est fort bien prise déjà sur ce point.
Nous nous passons des billets, le roi Léopold et moi sans parvenir à nous voir. Il faudra bien pourtant que cela aboutisse. Je regrette les embarras qui se sont glissés là, il était mal renseigné et a employé des intermédiaires mal choisis, cela a gâté l’affaire. Mon petit favori le Prince. Nicolas de Nassau, vient me voir quelques fois. Il est vraiment bien gentil on l’invite quelque fois mais c’est rare. Quand il y est c’est avec la jeunesse. Il n'y a à la table de l’Impératrice que ses frères, la grande duchesse Olga, Meyendorff et moi, quelque fois un [comte Sch] de Paris qui a bien de l'esprit & dont je ne me doutais pas à Paris.
Il pleut à verse c’est un déluge depuis 3 jours. Je ne bouge, quand je puis bouger, que pour aller en chaise à porteur chez l’Impératrice. Les montagnes sont enveloppées dans un épais brouillard. Adieu. Adieu.
Dites moi ce que je deviendrai après ceci Je n’en sais pas le premier mot. Ah si Marion, Aggy avaient pitié de moi Adieu. Adieu, voici votre première lettre du Val Richer, mais au moment où je suis forcée de fermer la mienne. Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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14 Val Richer. Vendredi 10 Juin 1853

Je ne sais si ceci ira vous trouver à Paris, ou à Ems. J’écris toujours. J’ai une raison pour n'être pas fâché que vous partiez. L’agitation de ce moment-ci vous fatigue. A part l’agitation de l'amusement, vous avez celle de l’intérêt que vous prenez aux choses mêmes. Vous vous donnez quelquefois l’air de croire à la très fausse maxime de votre fils Paul : not to care : mais au fond, votre nature à cette insouciance prétendue philosophique, et qui n’est qu’un pauvre petit égoïsme. Les choses qui méritent de toucher les hommes vous touchent, réellement, et quand vous êtes dans le foyer où elles se traitent, vous vous y consumez.
Ems vous reposera, et j’espère que l'ennui n’y sera pas trop fort. Dites vous seulement que vous êtes décidé à tirer parti des gens que vous y trouverez et vous en trouverez.
Si je croyais aux apparences, et si j'avais goût aux parallélismes historiques je m'amuserais à comparer 1853 et 1840. Il y a un grand air de ressemblance. Le traité à quatre n’est pas encore fait, et ne se signera probablement pas ; mais c’est la même situation à propos de la même question. Et toujours l'Angleterre protectrice de l'Empire Ottoman, envers et contre tous ; France ou Russie. Elle doit vraiment avoir grand crédit à Constantinople. Je ne puis croire que vous engagiez la grande affaire, la conquête sur le terrain où vous êtes aujourd’hui. Quel que soit l'état de l’esprit public, en Russie, le prétexte est trop peu sérieux aux yeux de l'Europe. Tout le monde vous donnerait tort, encore plus qu'à nous en 1840 pour notre patronage de Méhémet Ali.
Duchâtel est-il encore à Paris ? Je le présume d'avoir une lettre de Mad. Lenormant. Je suppose qu’il partira pour Vichy en même temps que vous pour Ems.

Onze heures et demie
J'adresse donc encore ceci à Paris. Adieu. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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N°15 Caen 1er Août 1837

J’ai bien peur que vous ne m’ayez averti trop tard et que ma lettre ne vous trouve plus à Boulogne. J’ai bien peur ! Qu’est- ce que je dis là ? Si vous n’êtes plus à Boulogne, vous serez à Paris. Cela est vrai ; cependant je voudrais que vous me trouvassiez à Boulogne. Je voudrais être le premier à vous parler, en France. Mais dans le n°15, il y a sur votre santé, des paroles qui me font frémir. Je ne serai un peu tranquille que quand j’aurai vu, bien vu. J’irai voir dès que vous serez arrivée. En attendant, je vous écrirai demain à Paris. Je suis ici pour trois jours. J’étais ce matin au bord de la mer à Trouville. Mais l’autre, rive ne m’attirait presque plus. Que j’aurais voulu me promener avec vous sur la rive où j’étais ! Chaque fois que je revois la mer, c’est un monde nouveau que je découvre ; et je ne découvre plus un monde nouveau sans vous y chercher, ou vous y mettre. Mais je ne veux pas que vous soyez malade.
11 h 1/2 du soir J’ai été interrompu par je ne sais combien de visites, et je sors un moment du salon, qui en est encore plein, pour vous dire adieu et donner ma lettre qui partira de grand matin.
Adieu donc. Adieu sur la terre de France. Je vous l’ai déjà dit; il y a des moments en bien comme en mal, où il faut se taire, se taire absolument. L’insuffisance de la parole est trop évidente. G.

Auteur : Benckendorf, Dorothée de (1785?-1857)
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15. St Germain samedi 25 juillet 1846

Hier soir quinze jours depuis notre séparation. Combien en faut-il encore ? Je suis revenue dîner, le médecin le permet. Si le mal me reprenait ce serait décidément causé par l'air. Alors il faudrait renoncer tout-à-fait Eternuez-vous encore ? Je suis tout aussi fâchée aujourd’hui que je l’étais hier. J'ai vu Hervey encore avant de quitter Paris. Toujours l’Espagne. Parfaite certitude que Palmerston n’entrera pas dans votre idée d’action commune ou simultanée pour un candidat quelconque, très sûr que le queen's favorite est Coburg. Et vraisemblance que c’est par là que les Whigs chercheront la faveur de la cour. J’ai dit un mot du tripotage pour l'Autrichien comme l’ayant appris à Paris, et j’ai ajouté, cela n’est pas possible même dans votre idée de prépondérance étrangère. C'est bien différent me dit Hervey, l'Autriche n’est pas voisine. Il ne croit pas qu’on accorde de congé à Bulwer. Il est trop nécessaire dans ce moment tout ce que je vous ai rapporté hier sur les instructions à Bulwer est au fond sensé, et serait reçu avec acclamation au parlement. On y trouverait la conduite d'Aberdeen trop subserviest to France. C'est un bon terrain pour Palmerston & c'est là ce qui m’inquiète. J’ai paru chez Lady Cowley en m'en allant. Je l’ai trouvée froide et aigrie. Hervey m'en avait un peu prévenue. Cela a été pour moi comme non avenue. D'après ce qu’elle m’a dit Cowley aurait vraiment presque demandé à rester, car la réponse de Peel était ceci. " Malgré le désir que j’aurais eu à vous contenter en vous conservant à votre poste" & & C'est un peu enfant à Cowley. A présent encore ils ne se pressent pas. Ils croient que le Ministère sera renversé sur le sucre. Mais leur aigreur pour moi ne vient pas de là. Ils sont très susceptibles à l’endroit de lord Winston et ses visites chez moi les offusquent. Me sachant en ville et malade, elles ne sont pas venus quoique je le leur ai mandé, et puis elles ont donné quelque mauvais prétexte à cela. Ils sont en marche pour l'appartement des [Heusbourg]. Hervey est furieux, il trouve que leur résidence à Paris serait de la dernière inconvenance, certainement incommode pour lui. Il ne croit pas qu'on le leur permette, & cite Stuart qui était resté, & qu'on a menacé du retrait de sa pension s'il persistait. Il a quitté. Le portrait du roi est superbe. Un cadeau très royal, et dont ils sont bien glorieux.
Madame Danicau va toujours bien sauf la lecture. Voici une lettre de Flahaut. Lisez la jusqu’au bout, si tant est qu’il ne vous parle pas lui-même de la séance de la chambre des pairs. Orloff m’a répondu avec beaucoup de politesse sur l'envoi de l’argent. Voici ma dernière lettre de Marion. Charmante fille. Que faut-il dire sur la demande de 3 mois en hiver ? Il me parait préférable que la femme reste à Rome qu'à Vienne. Midi. Voici le N°13. Merci, merci puisque votre rhume est passé, ma colère l’est aussi, mais ne retouchez pas, je vous en prie. Ne sortez jamais après 7 heures promettez-moi cela. Lady Allen me mande que Peel is likely to support the sugar bill et qu’il vaut mieux que les Whigs ne touchent pas sur cette question qui est très populaire. Elle ajoute que personne eux y compris ne croie qu'ils pensent durer au delà de la session. Adieu, bon courage et bonne voix pour votre banquet. Ne parlez pas trop longuement. Je ne sais tout ce que vous allez dire. J’espère all rights and to the point. Adieu. Adieu. dearest. Vous ne me parlez plus de votre visite projetée à Paris pour le 30 ? Dites m'en un mot. Adieu. Adieu encore god bless you, & pardonnez-moi mes colères. Adieu.
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