361. Londres, Jeudi 7 mai 1840
11 heures
Alexandre va bien. J’y ai passé moi-même hier, à 7 heures et demie. On m’en a donné de bonnes nouvelles. Je viens d’y envoyer, et on me fait dire qu’il dort, qu’il a passé une bonne nuit, que tout est au mieux. J’espère que vous serez tranquille. Mais cela retardera certainement son retour vers vous. Quelle fièvre que la vie! Je répète toujours la même chose et il me semble que je l’apprends tous les jours. C’est en descendant l’escalier de S. James, après le lever de la Reine, que j’ai appris l’accident de votre fils, et je me suis senti, pour votre compte, comme je l’étais pour le mien propre, il y a trois semaines. Quand nous reposerons-nous ? Un des amis du grand Janséniste Antoine Arnauld l’engageait à ne pas tant travailler, à se reposer : « Non. Non, n’aurons-nous pas l’étermité pour nous reposer ? " Je l’espère bien. Ellice n’était pas arrivé hier soir. J’en suis très impatient. Mais j’entrevois, par une convenable, pote phrase du 363 ce dont il s’agit. Cela se rapporte à quelques insinuations que m’a faites, l’autre jour Lady Palmerston. Ils ont donc bien peur de vous voir ici. Cela me parait pitoyable. Faites comme vous dîtes.
Je vous quitte pour aller déjeuner chez un chanoine de Westminster Abbey, avec Lord Mahon, Lord Littleton et M. Macaulay. Ils prennent plaisir à me montrer les tombeaux de leurs grands hommes et à m’en parler.
3 heures
Ellice sort d’ici, arrivé tout à l’heure. J’avais deviné juste. Il paraît qu’un grand Empire et trois royaumes ont peur que nous n’ayons, à nous deux, plus d’esprit qu’il ne leur faut. Je ne peux pas imaginer une autre raison.
Vous deviez venir ici bien avant qu’il fût question que j’y vinsse. Vous aviez amorcé votre voyage pour les premiers jours de juin. Vous ne l’avez pas avancé parce que je suis venu ; au contraire, vous le retardez plutôt de quelques jours. Je suis ici depuis trois mois. Ma position est prise avec tout le monde. Elle est aujourd’hui avec M. de Brünnow, ce qu’elle restera, parfaitement convenable, polie, régulière. Quelle différence y aura-t-il entre le mois de Juin et le mois de Juillet ? C’est puérile, si ce n’est pas fin. Et si c’est fin, ce n’est pas assez fin. Je dis donc comme vous, et j’espère que vous ferez comme vous dites. En vérité, les grandes entraves de la vie sont déja bien lourdes ; si on se charge encore des petites, il n’y a pas moyen.
Je viens de causer un moment avec Ellice ; bien court. Bülow est entré. Nous ous reprendrons. Certainement, il est très bon homme et très spirituel ; un peu affairé, un peu important, un peu remuant, comme les oisifs actifs. Mais on n’a qu’à ne pas se laisser faire par lui. J’admire toujours les gens qui ne veulent pas qu’on sente les mérites, et qu’on en profite, et qu’on en jouisse, parce qu’il y a quelques inconvénients dont il faut prendre la peine de se garder.
4 heures 1/4
Encore une interruption de M. Murray pour la cuisine de la Reine. On me porte une grande confiance, en ce genre. J’ai encore deux lettres à écrire. Adieu. Comme dans le 363 ; toute la page. Je suis charmé que vous approuviez ce que vous avez vu. J’y comptais. Mais j’ai bien peur que ma situation ne devienne pressante. Et je n’ai pas envie d’être pressé. Adieu. La page n’est pas pleine.