Guizot épistolier

François Guizot épistolier :
Les correspondances académiques, politiques et diplomatiques d’un acteur du XIXe siècle


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Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Lowestoft, Dimanche 13 août 1848
Une heure

Certainement, je suis triste. Je vous ai dit mille fois que, sans vous, j'étais seul. Et la solitude, c’est la tristesse. Je la supporte mais je n’en sors pas. Les Anglais n’y sont pour rien. Dans la belle Italie, je ne serais pas autrement. Peut-être l'Italie me dispenserait-elle d’un rhume de cerveau qui me prend, me quitte et me reprend sans cesse depuis quatre jours. Je me suis déjà interrompu deux fois en vous écrivant pour éternuer trente fois. J’espère que la mer, m'en guérira. La mer n’est pas humide. Décidément, en ceci, je ne suis pas comme vous. J’aime la mer devant moi. Elle ne m’attriste pas. Elle est très belle ici. Et cette petite ville est propre, comme un gentleman. Mes enfants commencent à se baigner demain. Aurez-vous quelqu’un à Tunbridge Wells ? Je ne vous veux pas la solitude, par dessus la tristesse. Il me semble qu’à Richmond lord John, Montebello et quelques visites de Londres ou à Londres sont des ressources que vous n'aurez pas ailleurs. Il est vrai que j’entends dire à tout le monde que Tunbridge est charmant. C’est quelque chose qu’un nouveau lieu charmant, pour quelques jours.
Il me revient de Paris qu'on n’y croit pas plus que vous au succès de la médiation. Ce n'est pas mon instinct. Si la situation actuelle pouvait se prolonger sans solution, je croirais volontiers que la médiation échouera. Elle vient, comme vous dîtes, plus qu'après dîner. Mais je ne me figure pas que l’Autriche se rétablisse purement et simplement en Lombardie et Charles Albert à Turin. Les Italiens conspireront, se soulèveront, la République sera proclamé quelque part. La République française sera forcée d’intervenir. C’est là surtout ce qu’on veut éviter par la médiation. Il faut donc que la médiation aboutisse à quelque chose, que la question paraisse résolue. Elle ne le sera pas. Mais à Paris et à Londres on a besoin de pouvoir dire qu'elle l’est. Pour sortir du mauvais pas où l'on s'est engagé. Tout cela tournera contre la République de Paris mais plus tard. On m'écrit que ces jours derniers le général Bedeau, dans des accès de délire criait sans cesse. "Je n’avais pas d’ordres! Je n'avais pas d’ordres." Vous vous rappelez que c’est lui qui devait protéger et qui n’a pas protégé la Chambre le 22 février.
Je suis bien aise que Pierre d'Aremberg soit allé à Claremont. Tout le travail en ce sens ne peut avoir que de vous effets soit qu'il réussisse ou ne réussisse pas. Quand on était à Paris, en avait assez d'humeur contre Pierre d’Aremberg qu'on ne voyait pas. Je suppose qu'on aura été bien aise de le voir à Claremont. A Claremont on est d’avis que la meilleure solution de la question Italienne, c'est de maintenir l’unité du royaume Lombardo-Vénitien en lui donnant pour roi indépendant un archiduc de Toscane. Idée simple et qui vient à tout le monde. Je la crois peu pratique. Un petit souverain de plus en Italie, et un petit souverain hors d’état de s'affranchir des Autrichiens, et de se défendre des Italiens. Ce serait un entracte, et non un dénouement. Je doute que personne veuille se contenter d’un entracte. Adieu. Adieu.
C’est bien vrai, les blank days sont détestables. Demain sera le mien. Votre lettre de Vendredi m'est arrivée hier, à 10 heures et demie du soir. Je venais de me coucher. Je m'endormais. On a eu l’esprit de me réveiller. Je me suis rendormi mieux. Je viens de recevoir celle d’hier samedi. Adieu. Adieu. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Mardi 17 oct. 1848
8 heures
Mon rhumatisme ne m’a pas tout-à-fait quitte. Cependant, il va mieux assez mieux pour que j'aille à Claremont. Il ne pleut pas, plutôt froid, ce que je préfère. Je me couvrirai bien. Je ne veux pas que le Roi m'attende pour rien, puisque je puis aller. Et vous comment êtes-vous ce matin ? Comment a été la nuit ? J'en veux à Emilie de ne vous avoir pas mieux soignée. Je lui en dirai un mot.
Le Lord Holland est venu me voir hier. Revenu samedi de Paris. Il l’a trouvé très gloumy. Dans les dix jours qu’il y a passés il n'a pas rencontré une seule personne, pas une qui ne maudit tout haut la République et ne prédit sa chute. Lord Ashburton et tous les Anglais qui sont à Paris lui ont dit qu'eux aussi n'en avaient pas rencontré une seule. Il a vu Arago qu’il connait, beaucoup abattu, noir mélancolique au-delà de toute expression. Arago lui a raconté le gouvernement provisoire avec une haine ardente, pour Lamartine, Ledru Rollin, Barrot, etc. Ils se haïssent ardemment les uns les autres et se racontent en conséquence. Arago lui a dit : " Il y aura encore des conflits sanglants dans Paris. J’irai au plus épais et je me ferai tuer. Je ne puis supporter le spectacle de cette misère et de cette dégradation de la France. Comment va M. Guizot ? Parlez-lui de moi, je vous prie. Je désire que vous lui parliez de moi. Je désire qu’il sache que je suis bien malheureux." Je vous répète le propre récit du Lord Holland.
Il a vu aussi Thiers. Uniquement occupé, à ce moment-là, de son discours contre le papier monnaie et de sa haine contre Lamartine dont les derniers succès oratoires l'ont blessé. Il en parlait avec passion à ceux qui l’entouraient, traitant les discours de Lamartine comme des assignats. Il a demandé au Lord Holland de mes nouvelles. Pour Emilie Holland, sa fille, qui n’avait jamais vu Paris, elle l’a trouvé charmant, gai, animé, quoique c'est une jolie, et intelligente personne. Dumon est venu dîner avec moi. Point d'autres nouvelles que les miennes. Pensant comme moi que Thiers accepte c’est-à-dire prend Louis Bonaparte se disant : "S’il réussit, je serai le maître, s’il ne réussit pas, je serai le Monk." Dumon est convaincu que Dufaure et Vivien vont se faire très républicains pour se faire pardonner l'ancienne Monarchie, et qu’ils n'en ont que pour très peu de semaines.
M. Gervais de Caen, que Dufaure vient de nommer préfet de Police à la place de M. Ducoux est un mauvais choix, un homme du National. La Réforme, en attaquant vivement les nouveaux ministres, ménage Cavaignac. J'essaye de remplacer la conversation que rien ne remplace. Adieu. J’attends Jean. J’irai donc dîner avec vous en revenant de Claremont.

10 h. et demie
Voilà Jean qui me dit que vous êtes encore souffrante et dans votre lit. Et je ne vous verrai qu'à 5 heures. Il faut que je sois au railway à midi 1/4. Au moins ce n’est rien de plus que ce que vous aviez hier. Adieu Adieu.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton, mardi 12 Sept. 1848
Midi

Je n’ai rien de nouveau à vous dire sinon que je trouve tous les jours plus agréable d’être ensemble et plus désagréable de nous séparer. Mes journaux ne m'apprennent rien. Je ne sortirai pas du tout aujourd'hui. Je veux travailler. Si je faisais bien, je m'enfermerais absolument trois ou quatre semaines. Je ne verrais personne pas même vous. Et je ferais dans ce temps-là, tout ce que je veux faire. C'est ce que je ne ferai pas. Je viens de lire toute la brochure de M. de Cormenin sur la Constitution. C'est le petit fait le plus caractéristique du moment. L’ouvrier qui s’est chargé de faire l’idole, et qui l’a faite la brise et la traine dans la boue quand elle va être proclamé Dieu. Pas un homme d’esprit ne veut passer pour croire à ce qui se passe en France. Il n’y a que le Général Cavaignac qui y croie. Et c'est une des causes de sa puissance. Il faut de la foi.

Une heure
J’ai été interrompu par Hèbert qui vient passer quelques jours à Londres. Certainement un des hommes les plus honnêtes et les plus courageux que j’ai rencontrés. De la capacité et du talent. Pas assez d’esprit, politique et autre. Charmé de me revoir. Très sensé sur la situation actuelle. L’idée de la fusion court et prévaut à Bruxelles, comme ailleurs. Bientôt elle aura passé dans le bon sens public. Le Roi Léopold sans s’en explique disait ces jours derniers : " Cela tourne à la monarchie, et à toutes les conditions de la monarchie. " Hébert vient de passer deux mois à Aix-la-Chapelle. Peu de monde, et beaucoup d'ennui. Sa ressource là a été La Rozière. Très fidèle. Il a quitté Aix la Chapelle pour aller à Eisenach. Tout ce qui revient de Paris à Hébert s'accorde avec ce qui me revient. Il va demain à Claremont où il tiendra un bon langage. Le Roi a confiance dans sa sincérité. Voilà toutes mes nouvelles. Je ne fermerai ma lettre qu'à 5 heures. Mais avec ce que je veux faire de ma matinée, je n'aurai rien à ajouter. 4 heures et demie Personne que l’évêque de Londres qui m'a apporté des pamphlets et des sermons de lui en national éducation. Cela vous intéresse-t-il ?
Je suis frappé de trouver Hébert, si disposé à accepter la fusion. Il était fort anti-légitimiste. Par habitude de lutte et par préjugé bourgeois. C'est une des meilleures preuves que le mouvement est général. Quand vous en trouverez l'occasion et avec les gens auprès de qui cela en vaut la peine, rendez à Hébert la justice et le service de dire quelle est sa disposition. Préjugés contre préjugés. Il y en a, à son sujet, qu'il est bon de dissiper. C’est un des hommes qui sont les plus utiles un jour de combat. Et il y aura beaucoup de ces jours-là, dans l’hypothèse du succès et après le succès. Adieu. Je vais faire une visite à Lady Cowley. Je suppose que vous voilà au repos pour quelque temps dans votre médiation. Adieu. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton. Mardi 3 oct. 1848
3 heures

Je reviens d'Albany où j'étais allé voir Macaulay. " Vous êtes, m’a-t-il dit la première personne que j’aie vue à Londres depuis huit jours." Il vit dans une complète solitude, imprimant son histoire de la Révolution de 1688 qu’il publiera en décembre. Il ne savait absolument rien.
La Rosière est venu ce matin. Amusant sur le passé, car il a quitté Paris il y a plus de six semaines. Des détails sur les premiers temps de la Révolution, Lamartine, Rémusat, Thiers. Croyant à Thiers une assez bonne position dans la Garde nationale de Paris. Attendant la fin prochaine, sans en savoir plus que nous. Il quitte Mad. la Duchesse d'Orléans dont il parle très bien. Situation matérielle déplorable, portée avec une parfaite simplicité et dignité. Plus disposée qu’on me dit à accueillir les combinaisons qui rendraient l'avenir de ses fils plus sûr. M. le comte de Paris avait le visage un peu meurtri d’une chute sans gravité. Très bien du reste, et le duc de Chartre très aimable. Décidé à rester en Allemagne, et à se conduire comme si elle était à Claremont. Point d’intelligence directe ni séparée avec Paris. La Rosière convaincu que la République rouge est plus forte en Allemagne qu'en France, et que, si elle prévalait un moment en France, l'explosion en Allemagne serait très forte. Je n'ai point d’autre nouvelle.
Vous me direz demain où je dois aller vous voir demain soir à quel numéro de Mivart, car il y en a quatre ou cinq. Passerez-vous là quelques jours ? Les jours passent si vite ! Adieu. Adieu.
Il fait bien beau. Le parc de Richmond est encore bon. Où vous promènerez-vous à Brighton ? Adieu. J’espère que vous ne vous êtes plus ressentie de votre estomac. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton, Mercredi 20 sept. 1848
une heure

J’ai écrit hier au Roi que s’il ne faisait pas dire le contraire j’irais à Claremont demain, jeudi de midi à 3 heures. Si vous persistez dans votre projet de venir me prendre, soyez, entre 3 h. et 3 h. et demie, à Esher, aux environs de l’ours. Nous retournerons ensemble à Richmond. Nous aurons ainsi la promenade et le dîner. Cinq bonnes heures. Je vous rapporterai la lettre de Paris. Intéressante. Je ne m'étonne pas qu’il n'eût pas encore reçu l'autre de vous. Mon révérend à qui je l'ai remise, m’avait prévenu qu’il passerait quelques jours à Boulogne où était sa famille. Il ne devait aller à Paris que du 16 au 18, et la lettre que vous venez de recevoir est du 17.
Je regrette que vous n'ayez pas trouvé la Princesse de Parme. J’ai confiance dans votre observation. Ce que dit la lettre de Paris n'explique rien. Comment ne sait-elle pas l'état des Affaires et la conduite de son parti ? Comment va-t-elle à Londres sans le savoir ? Ou sans que son parti sache qu'elle va à Londres et la mette au courant ? Tout cela ne s'explique que par la légèreté mutuelle qui explique tout, et ne rassure sur rien.
Me voilà bien pédant. Il faut bien l'être en pareille affaire. Je trouve en effet que c’est un grand symptôme de fusion, de la part des légitimistes que de porter le Maréchal Bugeaud. Ils ont bien raison et je voudrais bien qu’il passât. Pas la moindre nouvelle électorale dans mes journaux de ce matin. Je ne me rends pas bien compte de l'effet de l'élection de Louis Bonaparte, s'il est élu. En tous cas, et pour tout le monde ce sera une grosse complication. Il tombera inévitablement entre les mains des républicains rouges conspirateurs de profession, et les seuls qui puissent vouloir de lui comme Empereur. Cela peut amener un rapprochement, plus ou moins long, plus ou moins sincère, entre les républicains modérés, et l'ancienne gauche. Par conséquent entraver et retarder la fusion des monarchiques. Je vous ai déjà dit que les Débats m'étonnaient un peu. Nous en saurons davantage dans quelques jours. Evidemment nous touchons à une crise.
Qu’il fait beau ! J'en jouis pour vous à Richmond. Je reviens de Kensington Gardens. Il me faut une demi-heure pour y aller. Je m'y promène une demi-heure. C’est une heure et demie de marche en bon air. J’ai eu hier Lady Cowley. Voulant être spécialement caressante, et étant généralement grognon. Cela fait un drôle d’assemblage. Elle va passer quelques jours chez la Duchesse de Glocester. Comme de raison, elle ne savait rien. Où êtes-vous à présent ? Probablement à votre luncheon. Il va être 2 heures. Adieu. Adieu.

Je ne pense pas que le Roi me fasse être qu’il ne sera pas à Claremont, demain. Cependant, s’il me le faisait dire, je n'irais pas. Et comme je n'aurais sa lettre que demain matin, je n'aurais pas le temps de vous l'écrire. Si vous ne me voyez pas paraître à Esher, à 4 heures, retournez à Richmond. Vous aurez fait votre promenade du côté d'Esher et moi j’irai toujours dîner avec vous. Mais je compte bien aller à Claremont. Adieu. G.

P.S. Le rapport de l’Amiral Baudin, inséré dans les Débats d’aujourd’hui, prouve que la défense de Messine n'a pas été aussi désespérée qu'on le disait.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton Vendredi, 22 sept. 1848
Une heure

Je n'ai de nouvelles que de M. Hallam et de Mad. Austin. Je me trompe ; j'ai trouvé hier en rentrant une bonne lettre de Lord Aberdeen. Je ne vous l'envoie pas pour ménager vos yeux. Je vous la lirai dimanche. Rien de nouveau. Très autrichien. Regardant toujours l'Angleterre comme possible parce que l’Autriche ne cédera pas et ne doit pas céder. Il ne parle de revenir que dans le cours de Novembre. Les journaux modérés sont abasourdis du résultat des élections. L'Assemblée nationale soutient énergiquement son parti. Evidemment tout le monde est inquiet et tâtonne. Vous aurez vu à quel point l'élection de M. Molé a été contestée. Encore n’est-elle pas positive ? Le Communisme est en progrès effrayant. Aura-t-on assez peur et pas trop peur ? Je m’attends à quelque explosion rouge qui donnera aux modérés, un coup de fouet. M. Ledru Rollin se met à la tête des Montagnards croyant à leur victoire. Je parie que, dans son esprit, il dispute déjà à Cavaignac la présidence de la République. Nous sommes tellement hors de ce qui est sensé que tout est possible.
Lisez attentivement le récit de la prise de Messine qui est dans les Débats. Curieux exemple de l'absurde manie révolutionnaire qui est dans les esprits. Il est clair que les Messinois sont insensés, et ont été les plus féroces. On assiste à leurs atrocités. On tient leur défaite pour certaine. On rend justice à la modération du général Napolitain. N'importe c’est pour les Messinois [?] la sympathie. Uniquement parce que c’est une insurrection et une dislocation. Et le Roi de Naples, qui a offert aux Siciliens dix fois plus qu’ils n'espéraient d'abord est un despote abominable parce qu'il ne cède pas tout à des fous qui sont hors d'état de résister. La raison humaine est encore plus malade que la société humaine. Adieu.
Je vais me remettre à travailler. C’est bien dommage que je ne puisse pas dire tout ce que je voudrais. Je supprimerai de grandes vérités, et peut-être de belles choses. Adieu. Adieu. A demain.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton lundi 13 nov. 1848
9 heures

Deux mots seulement. J’irai vous voir demain, partant à midi comme lundi dernier. Je n'ai rien reçu, ni rien su hier.
Je ne suis pas sorti et n'ai vu que gens insignifiants. Montebello m’a donné de meilleures nouvelles de Richmond. La Reine a pu écrire. Le Roi ne sait pas combien de temps il restera là. Montebello dit que c'est une affaire de bourse, mais que ce sera probablement quelques semaines. Ayant refusé la reine Douairière et sir Robert Peel, il ne peut pas accepter ailleurs. Adieu. Adieu. A demain. Charmant jour. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton. Lundi 25 Sept. 1848
Une heure

Je suis encore fort enrhumé. J’ai la gorge prise, et la poitrine chaude. Cela s'en ira en me tenant tranquille et en évitant les changements de température. Je doute que je puisse aller dîner demain à Richmond. Le retour le soir dans l'omnibus est toujours frais. Triste ennui. Mais je ne peux pas m'établir dans un rhume du commencement de l'automne. Je ne m'en débarrasserais plus au milieu de ce brouillard qui sera toujours là, plus ou moins épais.
Le Général Cavaignac a ajourné son choix entre les partis. Et tout le monde l’y a aidé Tout le monde ajournera tant qu’il y aura la moindre possibilité d'ajourner. Je plains les gens d’esprit qui vivent dans cette atmosphère là. Ils s’y atténueront et s’y amoindriront de jour en jour. Rien n’est pire que d'avoir une position d'acteur et de n'agir point. Voilà Rossi premier ministre à Rome. J’en suis curieux. Il a beaucoup d’esprit beaucoup de savoir-faire, et il prend très naturellement de l'influence sur les hommes. Mais l’énergie et la présence d’esprit lui manquent dans le danger. Tout ce qui se pourra faire par la conciliation, il le fera. Au-delà, je doute. Pour qu’il ait accepté il faut qu’il croie à des chances de succès. Il n'est pas homme à s'embarquer dans une trop mauvaise barque. L’amiral Baudin me paraît avoir assez bien saisi le joint pour avoir l’honneur de ce qui se serait fait sans lui, du retour de la Sicile sous la domination du Roi de Naples aux conditions que le Roi de Naples a, dès l'abord offertes. Encore une médiation de comédie, ou une comédie de médiation.
J'ai des nouvelles de Bretagne, sures. Là aussi l’idée de la fusion fait son chemin, quoique le chemin, soit plus difficile là qu'ailleurs. C’est le pays où les deux partis sont le plus aigres l’un contre l'autre. Pourtant, la nécessité se fait sentir. Rien de Paris. Adieu. Quel dommage que la conversation nous manque ! J’ai assez de gorge pour causer. J'ai quitté hier Holland-House, de bonne heure parce que je ne voulais pas attendre la fraîcheur du soir. Adieu, Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Mercredi 27 Sept 1848 Brompton
Une heure

Je vais mieux. Mon rhume passé de la poitrine dans le cerveau. J'éternue plus et je tousse moins. C’est la marche contraire à l'ordinaire ; mais n'importe ; c’est la marche vers la fin. Je n’ai pas très bien dormi. Puisque vous avez le projet de venir demain faire une visite à Holland house, je me donnerai encore demain d'immobilité et je vous attendrai à Brompton. Après demain je reprendrai ma liberté, mon habitude et mon plaisir.
Rien de plus à Paris. Cavaignac se tient droit pour avoir l'air grand, et raide pour avoir l’air fort. Les Monarchiques se font plats pour qu'on les croie républicains. Louis Bonaparte se fait petit. Chacun croit avoir le temps pour soi et veut en gagner le plus qu’il pourra. Quel dommage de ne pouvoir jeter un peu de vérité au milieu de toutes les hypocrisies ! Je vous répète ce que je vous disais hier ; nous devons désirer que Louis Bonaparte s’use contre et sous Cavaignac, l'Impérialisme contre le Républicanisme. Ces oscillations, ces trainasseries, me déplaisent beaucoup mais ne m'inquiètent pas. Pascal dit quelque part : " Il y a plaisir à être dans un vaisseau battu de l'orage quand on est assuré qu'il ne périra point." Je ne suis pas si sublime. J’aimerais mieux que le vaisseau fût dans le port. Mais je suis assuré qu'il ne périra point.
Apparemment votre ancien favori, Etienne le susceptible, croit aussi à mon vaisseau, car il vient de m'écrire pour me demander un emploi en Angleterre. Un petit établissement qu’il avait formé, à la campagne est tombé avec le trône. Il ajoute : « Je présente mes respects à la Princesse, et je la prie d'avoir l'obligeance de me recommander à ses nombreuses connaissances.» Il était bien grognon, mais plus honnête, je crois que son prédécesseur dans votre faveur, le Félix de Henri de Castellane.
Où serait Henri de Castellane s'il n’était pas mort ? Dans l'Assemblée nationale : ni républicain, ni légitimiste, ni orléaniste, nageant, dans la confusion, l’intrigue, la conspiration, la malveillance et la médisance, comme le poisson dans l'eau. Adieu. Adieu. Je n’ai point de nouvelles de nulle part. Voilà le soleil qui perce. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton, Mardi 7 Nov. 1848
2 heures et demie

J’arrive. Le train a marché lentement. J'arrive, le cœur encore joyeux de ces 21 heures, triste qu’elles soient passées, joyeux de l'espoir de les retrouver. C’était charmant.
Je trouve beaucoup de lettres curieuses. J’ai à peine eu le temps de les lire. Rien de nouveau dans la situation. Thiers essayant de jouer tout le monde, à son profit futur. A demain les détails. M. Lemoinne est arrivé et dîne aujourd’hui avec moi. Plus, une lettre de Sir Robert Peel. Trois pages d’instances pour que j'aille à Drayton. Il n'y a pas moyen de refuser. Il m'invite expressement pour le Vendredi 17 Novembre. Il voudrait me garder jusqu'au jeudi suivant. Ceci, je ne peux pas. Mais j’irai vendredi 17 après vous avoir revue. Nous verrons pour combien de jours. Adieu. Adieu. Adieu. Je vais faire un peu de luncheon. Ma lettre sera à la poste avant 4 heures. Adieu. G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Je viens de vous écrire à Brighton. Si au lieu d’y rester, vous arrivez ce matin, Albemarle street, faites-moi dire quand vous serez arrivée. Je vais le matin (à 10h. 1/2) à Claremont. J'en serai de retour, à 3 heures. Je passerai en revenant à Clarendon Hôtel. Mais si vous y arrivez, vous n’y arriverez probablement que plus tard. Adieu. Adieu. G.

Brompton samedi matin 4. 8 heures

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Brompton, Samedi 4 Nov. 1848
8 heures

Je ne sais ce que vous faites aujourd’hui, serez-vous Albermarle Sretet ou encore à Brighton ? Je vous écris quelques lignes aux deux endroits. Je vais à Claremont de bonne heure. J’en serai de retour à 3 heures. En revenant je passerai à Clarendon Hotel. Si vous y arrivez plus tard faites-moi dire que vous y êtes. Si vous n’y écrivez pas, j’espère bien, aller vous voir lundi à Brighton. En partant à midi, comme vous dîtes, pour revenir mardi matin. Nous avons bien à causer.
Je suis revenu hier avec Van de Weyer et sa femme qui avaient été invités à Cambridge avec moi. Adieu. Adieu. Je vais faire ma toilette. Il faut que je parte d’ici pour Claremont à 9 heures et demie. Malgré les mauvais jours, vous vous portiez mieux à Londres qu'à Brighton. Adieu.
G.

Auteur : Guizot, François (1787-1874)
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Broglie, Jeudi 18 Sept. 1851

Voilà vos deux lettres. Celle d’hier me convient, puisque vous avez dormi. Ne vous couchez-vous pas trop régulièrement à une heure trop constamment la même ? Peut-être feriez-vous bien de ne vous coucher que lorsque vous avez envie de dormir, tôt ou tard selon que l’envie de dormir vous vient. L’irrégularité est difficile à pratiquer systématiquement. Pourtant vous êtes bien maîtresse de votre temps et de vous-même. Le pire, c'est d'être dans son lit sans envie de dormir ; elle ne vient pas là ; il faut l’y porter.
J'espère que votre lettre à l'Impératrice fera l'affaire de votre fils Alexandre. Mais je persiste ; un état de choses où il faut faire mouvoir tant de ressorts et avec tant d’incertitude, pour avoir un passeport n'est pas de mon goût. J'aime mieux plus d’orages, et être libre d’aller et venir comme il me plaît, quelque temps qu’il fasse. Autre dissidence entre nous. Quand j'étais jeune, je faisais comme vous faites ; je méprisais beaucoup, et j'exprimais très haut mes mépris. Aujourd’hui non seulement je méprise moins haut, mais je suis moins prompt et moins dur dans mes mépris. Si je m'y laissais aller, ils iraient trop loin.
Je serais étonné si le Prince de Metternich était de votre avis sur l'article des Débats malgré le fracas assez ridicule qu’on y a fait de ses courriers et de son regain de crédit. Montebello aura parfaitement raison d'aller à Claremont avant le 4 novembre, et d’y dire ce qu’il y veut dire. Il a l’esprit aussi droit et aussi courageux que le cœur. On paye cela assez cher ; mais en définitive, cela vaut plus que cela ne coûte.
Je trouve qu'on meurt bien vite dans ce moment-ci. Un de mes amis du Calvados, membre éclairé et influent du conseil général vient de mourir subitement d’un anévrisme. Le Duc de Noailles fait vraiment une perte. Est-il capable de beaucoup d'affection et de chagrin ? Je lui écrirai un mot de condoléance.
La vie se passe ici fort tranquillement, et on me sait évidemment beaucoup de gré du mouvement que j'y apporte. Ils sont à merveille entre eux mais peu animés et peu expansifs. Le château a été plein hier de visiteurs. Aujourd’hui grande chasse dans la forêt pour les jeunes gens. Ils sont montés à cheval sous mes fenêtres à six heures et demie, pour aller courir un chevreuil.
La jeune Princesse de Broglie est très fatiguée de sa grossesse, maigrie et abattue. Désirant bien vivement une fille. Elle a trois petits garçons qu'elle élève bien. Aussi bonne de caractère que d’air. M. et Mme d’Haussonville viendront ici au mois d'octobre.
Le Duc de Broglie est comme vous sinon en principe, du moins en résultat. Vous êtes très président ; il est, lui, très résigné au Président, ne voyant ni mieux, ni aussi bien, ni autre chose. Tout le reste est intrigue et aventure. En attendant un grand événement, s’il est jamais possible, il ne faut avoir que des événements naturels et tranquilles. Je ne suis pas pressé que Lopez soit tué.
Autant vaudrait qu'on fût assez, et assez longtemps inquiet de cette affaire de Cuba pour qu'on en parlât un peu sérieusement et de concert, aux Etats-Unis. Adieu, Adieu. Dormez donc.... Adieu. G.
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