74. Dimanche 29 octobre
9. heures
Ah ma dernière lettre ! Quel plaisir car tout ce que cela annonce !Je viens de recevoir la vôtre, et enfin enfin,j’ai reçu hier à 6 heures celle que M. de Grouchy m’avait apportée. Je vais la relire encore et encore elle est bonne, elle est charmante, mais elle n’efface pas la première. Je vivrais cent ans que je ne pourrais pas oublier la sensation que m’a causée la première. Et cette émotion se renouvelle chaque fois que je relis, & je le fais tous les jours. Mais après vous avoir vu. Je n’y reviendrai plus. Cela devient votre affaire vous vous chargerez de remplacer les lettres. Il vient de me prendre un remords. J’ai reçu la seconde lettre. Elle m’a fait un autre plaisir, un plaisir plus doux, plus tranquille, pas si vif, pas si animé que la première, il l’était trop. Je viendrai me calmer auprès de la seconde, et cependant il y a bien des ressemblances, avec la première, mais il y a quelque chose, je ne sais quoi, qui me fait y jouir de vos paroles avec plus de liberté d’esprit & de conscience. Je me brûle à la première, je me chauffe à l’autre. Que de bêtise je voudrais ! Je voudrais me passer le temps. Il y a encore presque 60 heures d’attente, elles me paraîtront plus longues que les trois semaines ensemble.
Hier on m’a conseillé la calèche et au pas. Je me suis donc fait traîner un peu, très peu, cela ne m’a pas fait de mal, mais il a fallu me faire porter pour remonter mon escalier.
Rubini a reparu hier à l’opéra tout le monde y était, moins mon Ambassadeur, Lady Granville & M. Sneyd qui ont passé la soirée chez moi. Elle ne m’a quittée que très tard. Avez-vous lu dans le National du 21 un portrait de M. Thiers ? Il y a des choses très spirituelles.
A propos j’allais oublier de vous remercier de Monk, que M. Génie m’a apporté hier. Je vais le lire La dernière lettre de M. O’Connel à lord Cloncerry va, je crois, décider le divorce des Ministres avec le grand agitateur. Je suis fort disposer à croire qu’on acceptera le soutien des Torries modérés. Peel va venir passer quelques jours à Paris à ce qu’on me dit
Midi. Je me sens mieux aujourd’hui décidément mieux. Mais je ne serai pas encore tout-à-fait bien mardi & vous me trouverez faible. Au fond depuis quatre mois, il ne m’est pas arrivé de passer huit jours entiers tranquilles, ou bien portante. Lorsque ma santé commence à se remettre il m’arrive une bombe qui m’abat. Entre les lettres qui m’arrivaient de l’Occident et celles quelques fois qui ne m’arrivaient pas de l’Occident, j’ai eu toujours du chagrin, de l’inquiétude, et je ne compte décidément m’arranger avec ma santé que depuis le 31 octobre. Il a l’air d’être bien près, mais qu’il me semble loin !
Adieu. Que voulez-vous que je vous dise , Je ne sais pas plus parler que vous. Je retrouverai la parole le 1er novembre peut-être. La vieille sûrement pas. Adieu. Adieu. Toute notre vie, n’est-ce pas ? Adieu !