145. Paris, le 26 Septembre 1838
J’ai reçu votre triste lettre de Broglie comment, pas de prêtre ? pourquoi ? Pourquoi n’avez-vous pas dit quelques paroles sur cette tombe ? Elles eussent été se belles, mais encore une fois, comment M. de Broglie n'a-t-il pas fait venir de Paris quelqu'un ? J’ai peine à lui pardonner cela, et je me sens cependant le cœur si attendri pour son malheur. Mad. de Broglie est placée comme j’ai demandé à l’être un jour. à leurs pieds. Informez vous bien alors si on a fait comme je le demande. Et d’avance voici mon adresse. Au Château du Prince Jean de Lieven, Mesotten près de Mitten en Courlande. N'oubliez pas cela.
Je disais hier à Lady Granville que dans un an Madame de Stael aura épousé le Duc de Broglie. Cela me semble une continuation si naturelle du passé. Ne le croyez-vous pas aussi ? Le Duc de Palmella est venu hier matin m’inviter beaucoup à venir à Versailles ; je le lui ai promis, & ce matin je viens de me dédire ; c’est trop loin, cela me fatiguerait, & il ne faut pas que je me fatigue. J’ai été à Auteuil avant le dîner ; & chez Lady Granville après. Il n'y avait que des Anglais. Lady Holland était en train de dire à chaque personne ce qui pouvait la blesser, ou la chagriner le plus. C’est sa manière. Aussi Lady Granville mourait-elle d'envie de prendre toutes ses roses & de les lui jeter à la figure. Elle déteste les roses et on les avait emportés par égard pour cette aversion.
Lord Holland parlait beaucoup du jugement porté contre les témoins d’un duel qui vient d'avoir lieu près de Londres. Les témoins sont condamnés à mort ! Il croit que le gouvernement éprouvera de l'embarras dans la commutation de la peine. La nation anglaise à une horreur invincible des duels. Aussi un Anglais supporte- t-il beaucoup avant d'arriver à cette extrémité. Marie est charmée de Rochecotte. Elle me témoigne un peu d'inquiétude dans sa lettre de ce que j’apprendrai à me passer d'elle. Nous avons tout concerté avec Lady Granville. Il y aura de sa part un changement total, ou bien nous nous séparerons.
Je n’ai rien à vous annoncer, pas de lettres d'Allemagne, que me conseillez- vous ? Dois-je écrire à mon mari à tout événement dans le nord de l'Italie, car je puis toujours adresser mes lettres à nos ministres. Ou bien dois-je attendre qu'il me dise où les lui adresser ? Vous avez copie de ce qu' il m’a écrit de Weymar. Regardez y, & dites-moi ce que je dois faire. Adieu. Adieu, très tendrement aussi comme vous me disiez adieu dans votre dernière lettre ?