149. Paris, dimanche 30 Septembre
Mon pauvre Ambassadeur est très préoccupé de l'ensemble de la situation ici. Je l’ai rencontré hier à Auteuil ; il m'a beaucoup entretenu de tous ses chagrins. La maison est le plus gros de tous. Il craint, (& il a raison car M. Molé me l’a confirmé hier à dîner) que M. de Barante n’ait l’ordre de quitter son hôtel à Pétersbourg aussi vite que possible ; dans ce cas, lui Pahlen sortirait immédiatement du sien, et comme il n'y en a aucun à trouver, il ira en hôtel garni, imaginez ! Il prétend que ce qu'il a de mieux à faire c'est de chercher à quitter son poste. J’en serai certainement très fâchée.
A dîner, j’ai eu M. Molé pour voisin comme de coutume. Je n'ai rien appris de nouveau. Il me semble que c’est pour le 20 décembre qu'est fixée l’ouverture des Chambres. Il n’a pas l'air soucieux. Il ne pense pas que la partie raisonnable de l'opposition puisse se montrer hostile, c'est vous sans doute, et en effet sur quoi le seriez-vous ? L'attitude que vous aviez l’année passée à l’époque de l'ouverture sera difficile à reprendre vu ce qui s’est dit à l'occasion des fonds secrets. Mais cependant ce qu'il y aurait de mieux à faire serait de se rapprocher de cette première position plutôt que de continuer dans la seconde. Thiers s'est assez bien tiré de la session, il a senti que la situation était mauvaise. Il s’est effacé ; après en avoir compromis d'autres. Voilà à peu près.
La dépêche télégraphique sur Genève a été démentie par une autre dépêche le lendemain. C’était un faux bruit de voyageur. Le dîner hier était pour Holland, toute l'Angleterre. Je suis restée la dernière jusqu'à 10 heures. Demain je dîne à Suresnes chez les Salomon Rotschild. Jeudi chez Lady Sandwich, vendredi chez Mad. de Castellane. & puis chez les petits Pozzo. Me voilà fort dissipée. Lady Granville est malade ; je ne l’ai pas vu depuis jeudi. Son mari a la goutte. C’est là ce qu’on rapporte des Eaux. Les Palmella me pressent fort d'aller à Versailles, les Holland y vont aussi. Mais je crains la fatigue de voyage ; car c’est une fatigue. Je vous vois triste dans vos lettres, est- ce que moi j'y ajoute ! Il me semble que oui.
Eh quand serons-nous ensemble ! J'ai eu un mot de M. de Broglie hier ; je lui avais écrit le lendemain de son malheur. Adieu. Adieu. Votre pauvre reine me fait bien de la peine ; mais elle a bien dû jouir sur cette terre cependant. Adieu, encore adieu.