Brompton, Dimanche 4 fév. 1849
Je crois qu’il y avait complot lundi. C’est à dire un peu plus de complot qu’il n’y en a tous les jours. Le Gouvernement a eu raison de faire ce qu’il a fait. Il en a fait seulement plus qu’il ne fallait, et aujourd’hui on se sert du trop contre lui. La lutte est bien vive ; les deux partis sont bien irrités, bien de même taille et bien corps à corps. J’ai peine à croire que cette situation puisse durer deux mois jusqu'aux élections, cependant je vois qu’on l'espère assez à Paris. Si le Président tient bon avec les modérés, et si les élections se font sous cette influence, il se donne je ne sais quel temps de vie de plus mais certainement assez de temps. La prochaine assemblée aurait, en ce cas, la constitution à refaire. Peut-être la referait-on meilleure sous le manteau de la République que sous tout autre. Ce sera long et obscur. C'est ce que j’y vois de plus clair.
Jour sans nouvelles. J’irai à l'Athenaeum. Mais les journaux français n’y arrivent que tard. D'ailleurs nous n’y aurons que ceux d’hier matin. C'est ceux de ce matin qu’il nous faut. Je vous écrirai demain matin avant de partir pour Claremont. Et puis demain soir, de chez Croker où je n’arriverai pas avant 3 où 4 heures. Mais je ne sais pas à quelle heure la poste part de chez lui. J'écrirai toujours. Si nous étions ensemble Nous parlerions toujours. Ce serait mieux.
Voici ma réponse à votre nouvelle attaque à propos de Béhier. C'est une lettre de lui que Pauline a reçue. Jeudi, et où il explique pourquoi il n’est pas arrivé dimanche. J’ai eu un moment envie de me fâcher. Mais j’aurais eu tort, quoique vous ayez tort. Je n’ai pas toujours été exact. Vous restez méfiante trop longtemps. C’est tout simple. Molière était très jaloux de sa femme qui était très coquette. Et la querellait un jour. Il s’arrêta tout à coup en disant : " Au fait, je n’ai pas le droit de m'étonner qu'elle ne puisse pas s'empêcher d'être coquette, moi qui ne peux pas m'empêcher d'être jaloux. " Je ne pourrais pas m'empêcher d'être jaloux. Mais, je peux fort bien m'empêcher d'être inexact. Et vous faites bien d’insister, même quand vous vous trompez. Vous finirez par n’y plus revenir Adieu. Adieu Votre écriture est bien bonne ce matin. Adieu. G.