347/ Paris Samedi 18 avril 1840
6 heures
J’ai fait trois heures de bois de Boulogne avant cela j’ai été chez les Granville. Je confirme parfaitement mon conseil de ce matin pour les places à votre dîner, car j’ai consulté Granville. Si vous aviez un collègue ambassadeur, Esterhaz pas exemple vous en auriez fait la maîtresse de la maison. Cela n’étant pas, vous demandez cet office d’amitié à Lord Palmerston comme celui du ministres Anglais avec lequel vous êtes dans les rapports les plus intimes. Comme la hiérarchie anglaise ne permet pas qu’il soit votre voisin ; c’est lui qui doit être placé vis à vis. Et comme je vous l’ai dit le Chancelier à votre droite, le président du Conseil à votre gauche et aux deux côtés de Lord Palmerston, le Duc de Wellington et Lord Melbourne. N’oubliez pas tout ce petit arrangement. C’est Lord Palmerston qui portera la santé du Roi, à quoi vous répondrez un moment après par la sante de la Reine. Le Roi ici se dit très content de son entrevue avec Pahlen, elle a été longue. Ce qui a fait particulièrement plaisir au Roi est l’assurance qu’il lui a portée que le Duc de Bordaux ne viendra pas en Russie. Il a été informé qu’il ne serait pas reçu. Je crois vous avoir constamment donné cette assurance aussi, sans qu’on m’ait chargé de vous l’annoncer. Vous voyez que je sais deviner juste.
Granville et Ellice dinent aujourd’hui chez Thiers. Granville croit fermement que le Roi est bien disposé pour Thiers maintenant. Je crois que Thiers ferait bien de ne pas le croire aussi fermement que Granville.
Dimanche 11 heures
On va mieux chez vous. Je m’en rejouis beaucoup, beaucoup. J’y ai passé hier au soir, et je viens d’y envoyer ce matin. J’ai dîne seule hier. Mad. de Castellane m’a fait savoir que les Belligioso seraient chez elle. Je n’y ai pas résisté, et j’ai chassé le duc de Noailles et Ellice qui étaient même chez moi de bonne heure.
Ellice avait dîné chez Thiers ; de là il avait été chez le roi. Thiers se plaint du vote de la Chambre des Pairs c’est-à-dire de 53 boules noires. à quoi Ellice rit bien fort, et lui montre 9 voix de majorité aux communes et 100 voix de minorité à la Chambre des Pairs. Le tout très suffisant et satisfaisant pour les Ministres.
Voici votre N°344. Je prévoyais votre inquiétude. Vous exprimez si bien tout ce que je pense, sur ces sujets là. Vous entrez si avant dans ce que le cœur peut renfermer d’amour, d’angoisse ! Enfin ; rassurez-vous, il parait vraiment qu’ici, on n’est pas inquiet de Pauline du tout. Seulement il faut des soins, de grands ménagements. Je suis pour le Val-Richer. Du Bon air. Celui de Londres est décidement lourd et mauvais, vous le sentirez cet été et tout ce que cela donne de blue devils! Je vous envoye ceci quoiqu’une si pauvre lettre. Je n’étais pas bien hier. Je me suis presque trouvée mal chez Mad. de Castellane quoique je m’y plusse. (dit-on comme cela ?). Il n’y avait personne que les chanteurs, M. Molé, M. Rossi, et Médem. Mais tout à coup il m’a pris un abominable vertige, et j’ai eu de la peine entrer chez moi. Je suis mieux ce matin. Adieu. Adieu, mille fois adieu.
Je vous enverrai demain la lettre de lady Clanricarde par le bureau des Affaires étrangères. La grande dduchesse Marie est accouchée cinq jours avant les 9 mois écoulés depuis son mariage.