Val Richer, Mercredi 16 0ct. 1850
9 heures
Je reçois votre lettre qui me préoccupe. Je m'étais arrangé pour être tranquille par la retraite du Ministre de la guerre. Au fond, je persiste. Il me faut des faits positifs pour troubler ma tranquillité. Avant les revues, et le vin de Champagne, et la commission permanente, j'étais bien plus inquiet pour le Général Changarnier. Depuis longtemps, il n’avait rien fait, rien ne lui était arrivé ; je le trouvais un peu affaibli. Le dernier incident l'a rajeuni. Le voilà de nouveau le représentant de la discipline, de la légalité, de l'Assemblée. Dès que la question se pose ainsi, je ne crois plus que personne y touche. Il n’y a personne aujourd’hui pour rien tenter de gros. Les revues et vive l'Empereur sont le thème du jour. Ce thème mettrait dans son tort quiconque toucherait à quelque chose. Le public est de l'avis de Beauvale. Le vin de champagne a effacé la circulaire. Le public veut le Président et le Général Changarnier. Pourvu qu’ils s’arrangent ensemble, peu importe le reste. Mais il faut qu’ils s’arrangent, et celui des deux qui dérangera l'autre sera le mal venu. Je serais bien surpris, si M. Fould n'était pas de cet avis.
Voyez le Constitutionnel lui-même ; c’est tout ce qu’il peut faire que d’excuser les Vive l'Empereur ! Et il les excuse assez gauchement. Je comprends qu'on fasse l'Empire si on peut ; mais le crier, sans le faire, est absurde.
Midi.
Je suis fort aise de ce que vous me dites de la résolution du général Lahitte quant à l'Allemagne. J’espère qu’elle ne sera pas mise à l'épreuve. Je trouve du reste cette politique déjà annoncée dans le Bulletin de Paris. Lahitte prend ses précautions, et il a raison.
Si vous écrivez un de ces jours à Lord Aberdeen, soyez assez bonne pour lui demander s'il a reçu une longue lettre de moi, celle que vous savez. Je voudrais être sûr qu'elle est arrivée. Ce serait charmant qu’il vînt nous voir à Noël. Pourquoi pas ? Rien ne le retient à Londres et il se plaît à Paris.
Je ne trouve pas que la réponse de M. de Montalivet à Napoléon Bonaparte, dans la Revue des deux mondes qui m’arrive, soit bonne. Elle est vague et timide. Il y avait bien plus à dire, et à dire plus sèchement.
Je vois que la Reine est encore à Lacken, et y restera peut-être plusieurs jours. Je lui ai écrit à Claremont, en envoyant ma lettre au Général Dumas. J'espère qu’il la lui aura envoyée. Madame la Duchesse d'Orléans, s’est hâtée de retourner, sans doute à cause de ses enfants. Adieu, Adieu.
Je vais me promener. Il fait un temps magnifique, doux et pur. Adieu. G.