Description
432. Paris, Jeudi 24 Septembre 1840
9 heures
Avant toute chose il faut que je
vous prie de ne plus vous servir de Génie
pour vos lettres. Vous la seconde
fois que pas son entremise je ne
les réçois qu’après 6 heures.
Ce n’est pas sa faute il passe
sa matinée dehors. Il ne rentre
qu’à 5 heures, et c’est alors qu’il
trouve la porte. Il est venu
me porter la lettre avant mon
dîner. Nous avons causé du
sujet dont je vous ai entretenu
hier, il dit qu’il y a longtemps
qu’il le sait et qu’il vous le dit,
il dit aussi que vous écrivez.
trop à M. Dillon. Par là arrivent
des commérages, qui se glissent
dans les journaux. Je vous redis tout.
Votre lettre de jeudi est bien
desponding. Dans un mois
dites-vous la crise doit être
résolu. Mon Dieu qu’arrivera-t-il ?
Ne vous flattez pas
qu’il y ait aucun moyen de
me faire rester à Paris ou en
France. C’est impossible, je
ne puis pas être le seul Russe
qui reste en pays ennemi.
Jugez donc quelle horreur si
la guerre éclate ! Et je la
crois plus probable que le
contraire. Elle est dans la
marche des événements créés
par le 15 juillet et dans l’attitude
que la France a prise en
conséquence.
Elle est surtout dans l’intérêt de Thiers
il est impossible qu’il vive
s’il ne remporte pas un triomphe
moral en faisant modifier
le traité, ou s’il ne fait
pas la guerre. Il n’y point
d’autre alternative. Comment
espérer qu’on lui fournisse
la première ?
Je n’y crois
plus. On est trop engagé
et vous avez trop menacé
et les puissances se diront
qu’il y a bien plus d’avantages
pour elles à commencer
de suite qu’à attendre ;
car aujourd’hui vous n’êtes
pas encore prêts. Dans
6 mois vous le serez trop
tout cela a été horriblement
mal mené. Il y a des torts
de tous les côtés. Mais il ne
s’agit plus de cela.
Cependant est-il possible
de faire la guerre pour quelque
Pachaliks !! Vraiment
c’est fou, mais le monde
est fou.
Ce que je regarde comme
certain, c’est que tout doit
être décidé avant les chambres.
J’ai vu hier matin Bulwer
et Mad. de Flahaut chez
moi.
Je suis sortie pour
aller au bois de Boulogne.
Je fais tristement et tranquillement
et solitairement ma
promenade tous les jours à
moins de pluie. Le médecin
me l’ordonne, mais il m’ordonne
aussi de me coucher à 10
heures, de ne voir que deux
personnes à la fois, de dîner
seule une perdrix ou un
poulet, rien que cela. Enfin,
je suis encore malade. J’ai
été un peu rudement menée
à Londres. Le voyage m’a
beaucoup fatiguée. Je n’ai
jamais été maigre de ma
vie comme je le suis maintenant.
Je tâche de me
calmer, de me reposer, mais
si vous nous donnez la guerre
dites que vais-je devenir ? J’ai vu les Granville hier au
soir. Nous sommes plus
intimes que jamais, car nos
opinions se renontrent parfaitement.
11 heures Voici votre lettre. Les
gros et les vieux sont les meilleures
voies.
Je commence par répondre
à votre question sur ma
question. Tout franchement
j’étais triste d’entendre parler
de séjour chez une tulipe.
Je n’osais pas me l’avouer
à moi même, j’osais encore
moins le dire, et voilà que
Je vous le dis. " Envoyez-moi
un bon adieu pour réponse
car je ne veux pas que vous perdiez votre temps à me dire
ce que je sais, vous avez mieux
à faire que cela. Je suis une
sotte ; vous ne me le direz jamais
aussi énergiquement que je
me le dis à moi-même. Faites
toujours ce que vous croyez
qui est convenable. Moi aujourd’hui
j’aurais cru convenable
de ne pas vous absenter. Si
le moment s’y prète et si
vous ne pouvez pas éviter à
moins d’impolitesse, faites
comme vous l’entendez ; n’en
parlons plus et ne me
parlez pas de ceci, je vous
prie, répondez par un adieu,
un adieu spécial sur ceci, et
dites-moi, dites-moi qu’il n’y aura pas de guerre. Vraiment
chacune de vos lettres est triste
et ce sont des généralités. Vous
ne me dites pas comment vous
êtes avec Lord P.
Dois-je prendre
le Morning chronicle pour la pensée
du gouvernement ? Le Times vous échappe
à ce que je vois. Enfin, enfin
il y a bien de dégringolade.
Le roi de Hollande a fait
venir Fagel, il est parti hier
matin ton subitement.
Dites à Dedel mille souvenirs
de ma part.
le Constitutionnel de ce matin.
vous embarque fort et ferme
dans la galère.
Je vous prie de ne pas tout manquer.
Votre sommeil de l’après dîner vous
vient de là. C’est détestable, je
serais encore plus fâchée de vous
voir engraisser que vous ne pourriez
l’être de me voir maigrir.
Je trouve affreux pour un homme
d’avoir de l’embonpoint. Si jamais
vous deveniez comme lord
Holland. Je ne sais mais il
me semble...
Allons, adieu. Ecrivez-moi davantage
Vous me dites peu, vous
m’écrivez courtement. Je ne vis
que pour vos lettres. Adieu. Adieu.
Droits
Marie Dupond & Association François Guizot, projet EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0.
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