439. Paris, Jeudi 1er octobre 1840
9 heures
Vous m’avez promis que le mois serait beau. J’y compte. J’ai bien dormi, les douleurs sont presque passées. Enfin n’y pensez plus, mais comptez. que je suis docile que je me soigne. Votre lettre est venue hier au moment où la mienne partait, elle ne m’a guère éclairée sur la situation, vous ne dites pas un mot qui me guide.
J’ai appris hier soir que le conseil devait être remis à Jeudi, aujourd’hui. Je meurs d’impatience et d’inquiétude. j’ai vu hier mon ambassadeur celui d’Angleterre, trois fois Bulwer, quatre fois M de Pogenpohl. Ces deux là étaient inquiets de moi. Le soir M. Molé. J’étais levé c-à-d couchée sur ma chaise longue. Les ambassadeurs anxieux.
M. Molé est fort maigri. Vous jugez ce qu’a été son langage. S’il était aux affaires, s’il y était resté, tout était autrement? Jamais l’alliance anglaise ne se fût brisé entre ses mains ; on n’a fait que des fautes ; mais il faut que je convienne qu’il attaque le maréchal Soult un peu plus encore que M. Thiers quant à la conduite. Mais de l’affaire d’Orient, il est plus préoccupé de l’intérieur encore que du dehors. La situation des partis, le manque de chef au parti conservateur, l’éparpillement des doctrinaires. L’infatuation du roi pour M. Thiers. Car le roi coule des jours tranquilles, plus d’attentats, plus d’attaque dans les journaux. Son ministre le couvre, le garantit de tout cela. Mais voici l’étrangeté du roi, après avoir passé des années à montrer Thiers aux puissances étrangères comme un révolutionnaire, ennemi de sa personne, ennemi de son trône, de tous les trônes, il s’étonne que les puissances étrangères ne veulent pas. accepter M. Thiers comme un excellent ministre. Il se fâche, il s’importe.
Molé dit comme beaucoup de monde, " Mais si on ne s’arrange pas comment fera-t-on pour avoir la guerre ? Il n’y a ni sens, ni raison à la faire pour la Syrie. Par quel bout commencer ? où, quoi ? Tout ceci est insensé, absurde. Il n’y a plus un homme en Europe. ( Il y a quelques temps déjà que je me permets cette réflexion. ) De vous il dit qu’on a beaucoup répandu que vous avez été pris au dépourvu, mais qu’il n’en croyait rien, et que d’ailleurs, il y avait des preuves.
Je sais par 29 que 62 est très content de 6. 14 parle très bien du cèdre, de ses principes, il les croit inébranlables très dédaigneusement de beaucoup de petits arbrisseaux surtout de 77. Mais il en reste de bons. Il espère beaucoup que le hêtre sera ici quand la compagnie ce ressemble, et regarde même cela comme indispensable La violette a été très réservée malgré beaucoup de tentations, car on revenait toujours sur ce qui la préoccupe le plus. Midi. Voici la lettre de mardi encore pas un mot qui me fasse jusqu’ici vous avez la moindre espérance de transaction. Vous me traitez trop mal, et il y a vraiment trop d’exagération dans votre prudence.
Votre vue s’allonge parce que vous écrivez trop, pas à moi, à d’autres. M. Molé m’a dit que Berryer avait été pitoyable, très au dessus de lui-même. Je viens de lire son discours et je trouve des passages magnifiques, sublimes. Je suis sûr que vous le trouvez aussi, et aux mêmes endroits. Et je comprends un peu que Molé ne les loue pas. M. Molé pour me homme d’esprit dit quelques fois des pauvretés, et compte trop qu’il parle des sots. Hier encore cette réflexion m’a frappée. Il est désintéressé dans son jugement. Il serait très malheureux d’être appelé aux affaires. Il ne sait pas ce qui se passe, il ne cause avec personne." J’avais envie de lui dire : " mais employons donc mieux notre temps car je ne crois pas un mot de ce que vous me dites.
La partie du discours de Berryer que j’admire parfaitement est ce qui commence à : " Le pouvoir en France est aujourd’hui confié, à un ministère dont l’origine est récente" & & & et qui finit à " et quiconque devant dieu devant le pays me dira : "S’il eût réussi je l’aurais nié ce droit. " Celui-là, je l’accepte pour juge. " J’ai été fort contente du leading article des Débats hier. C’est Le langage d’un cabinet bien plutôt que d’un journaliste. Vous savez que j’attends toujours l’explication du bis. On dit dans le monde que vous allez faire partir l’amiral Duperré avec mission d’empêcher la jonction de la flotte russe avec la flotte anglaise. Mais vient elle cette flotte russe ? On dit aussi que vous embarquez des troupes sur vos vaisseaux.
2 heures
Je ne reviens à vous que pour vous dire adieu. Adieu mille fois adieu. Le meilleur, le plus tendre. Voici les Appony. Adieu.
3 h. Sébastiani aura le bâton de Maréchal. Il y a eu quelqu’embarras mais que le roi a surmonté. Montrond sort d’ici.