Transcription Transcription des fichiers de la notice - Je rentre toute humectée de ma jolie promenade Chastenay, Victorine de 1819-04-13 chargé d'édition/chercheur Tessier, Florence Projet Chastenay ; projet EMAN, Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1819-04-13
ADCO_ESUP 378-8 (82)
Français

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F 378 8

Ce 13. avril 1819

Je rentre toute humectée de ma jolie promenade. Il avait plu, mais la pluie avait cessé. Je voulais parcourir encore ce beau jardin que je quitte en y laissant tous les charmes du printemps. Je voulais faire ma prière, au pied de cette simple croix, plantée au bout de l'allée Turlot.
Cette pluye de la matinée avait rafraichi tout la nature et les feuiles etaient mieux ouvertes, après cette espèce de bain : et puis on entendait la musique des oiseaux, cette musique, qu'on peut mieux qu'une autre appeler la poesie du coeur. Que tout est joli, que tout m'enchante ! En cheminant je lisais un roman. Mais quoi ! les teintes en etaient effrayantes. Elles sont fausses, ces peintures, où les clairs-obscurs de la vie ne sont point du tout ménagés. La vérité offre de doux mélanges ; et il y a bien de la joye, et de la philosophie dans un beau jardin au printems !
Je considerais d'en haut l'aspect des arbres, a divers degrés d'epanouissement, et de verdure. Les buissons de chevrefeuille, les hayes de troene cependant semblent avoir reçu un coup de pinceau egal, et mais plus verdoyant depuis hier. [deux mots barrés illisibles]
Qu'il est doux de reconnoitre, au pied de quelques touffes, elles mêmes naissantes, des grouppes de violettes, des pervenches azurées, et sur l'herbe, les marguerites, les pissenlits dorés, les modestes primevères, le cresson des prés ; Lilas clair, et le [illisible] penché sur le cours du ruisseau.
Mais le grand enchantement, ce sont les corbeilles aeriennes des arbres fruitiers en fleurs en pleine fleur. Qui dirait comme un vieux poirier, en vue sur la hauteur, et en été utile parasol de verdure, en ce moment ressemble a un nuage, et de ceux qui amènent sur la terre, l'amour, et les plus doux plaisirs !
Les hayes de noires epines, sont floconnées de fleurs. Voilà la vie, la jeunesse, l'espérance ! Mais en effet ces fleurs donneront un jour des fruits. Les enfans, les oiseaux du ciel, en viendront gouter l'abondance ! Non il n'est point d'epine si noire qui n'ait ses fruits d'automne, ses bouquets printaniers et son feuillage durant les jours brulants !
Je regardais les bois ; leur ceinture est encore toute brune. Les cereales croissantes Le gazon de cereales qui croit jusqu'a leur base n'en a que plus d'eclat et des nuances d'emeraude plus vives.
J'ai salué un jeune merisier, empressé dernièrement de briller, et de vivre. Il est deja presque a maturité vieilli. Ses fleurs sont effacées, son feuillage est complet, ses fruits noués n'ont plus qu'à grossir. Sagesse trop précoce ! Mystère de la jeunesse ! Elle s'échappe comme les fleurs embrasse tous les tems, et n'a pour elle qu'un jour. Les bocages dans l'été n'ont plus que de la verdiure, car ils ont de l'ombre à fournir !