Transcription Transcription des fichiers de la notice - Histoire générale et particulière de l'astronomie... par Pierre Estève Chastenay, Victorine de 1797-06-04 chargé d'édition/chercheur Beaubois, Francis Projet Chastenay ; projet EMAN, Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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1797-06-04
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Note de lecture de l'ouvrage de Pierre Estève (1755) "Histoire générale et particulière de l'astronomie", 1ère édition 1755 Français Note de lecture de l'ouvrage de Pierre Estève (1755) "Histoire générale et particulière de l'astronomie", 1ère édition 1755

16 Prairial l’an 5 [4 juin 1797]

Je viens de lire l’histoire de l’astronomie par Estève ; c’est un ouvrage qui peut mettre sur la voie de la sciences et en donner une première idée, quoique faible.

Si quelque chose doit surprendre c’est la lenteur des progrès et le peu de progrès de cette étude. Depuis le commencement du monde, on s’occupe d’astronomie, et l’on en est encore, pour ainsi dire, aux éléments. Les prêtres égyptiens, instruite d’abord pour les pasteurs de la Chaldée, étudiaient les mouvements de leur beau ciel, et cachèrent leurs découvertes sous leurs hiéroglyphes, et les secrets de l’initiation. Pithagore environ 600 avant notre ère, fut admis à leur école, et soupçonna le mouvement des globes autour du Soleil. La conquête de l’Égypte par Cambyse porte un coup mortel à la science en Égypte. La religion pure des mages éclipse les superstitions de Memphis, et en croyant n’écarter que des sottises, l’esprit humain se prive d’une foule de lumières, dont les initiations leur procuraient la découverte.

La Grèce avait cultivé l’astronomie, Alexandrie lui enleva presque tous ses savants. On vit fleurir Hipparque, Sosigène, Posidonius, et d’autres, Aratus fit un poème et ce fut à Alexandrie que Jules César chercha ??? Sosigène pour réformer le calendrier. Ptolomée, vers le second siècle de notre ère, publia l’Almageste, Hipathie donna ses leçons, Sextus Empiricus fit comprendre le néant de l’astrologie qui jusque là et que longtemps depuis, on ne séparait de la véritable science.

C’est une chose singulière que cette tendance universelle, à lire dans l’avenir. C’est une preuve nouvelle que le présent ne saurait nous suffire, de même qu’en voyage, on ne s’arrête point aux points de vue du chemin. Il est très surprenant qu’on ait crû le pouvoir et que des hommes aient été perturbés, que d’autres hommes en avaient le secret. Dès qu’on croit lire dans l’avenir, la conséquence naturelle

est de chercher à le conjurer, et de là naissent les prétentions de magie. Une nouvelle surprise me frappe, c’est que dans tous les siècles, et jusqu’à celui où nous sommes, l’on a crû à la magie, et on l’a regardée comme un crime, et on l’a punie comme un crime, et le peuple a déchiré les pauvres magiciens. Il me semble pourtant que si la magie est surnaturelle, les magiciens devraient être révérés en demi-dieux. Cette fureur astrologique a toujours été celle du monde et les hommes qui tour à tour interprètent les choses par des mots et les mots par des choses, ont attaché de l’influence aux lignes du zodiaque, et aux constellations.

Les arabes cultivèrent l’astronomie, et traduisirent l’Almageste. Vers le 13e siècle, cette traduction même fut traduite en latin, le goût des sciences se renouvelle, ou plutôt se transporta dans nos climats ; la boussole étendit la navigation, et vers le commencement du 16e siècle Copernic dans la Prusse, confondit le mouvement apparent, et donna son système ; Tycho Brahe, danois et fondateur d’Uraniborg, se contenta s’observer, et chercha quelque moyen terme. Kepler crut distinguer le mouvement elliptique, et vers l’an 1609, Galilée appliqua à l’étude de l’astronomie la découverte récente des lunettes. Huygens composa de vraies horloges.

Jusqu’à cette époque remarquable, les instruments astronomiques étaient en très petit nombre, on observait à Alexandrie l’ombre du Soleil sur des armilles, ou cercles de bronze, pour calculer les équinoxes. On comptait le temps avec des clepsydres. Cependant, on voyait les étoiles, et la vue simple dans les différents hémisphères en présente environ mille, dont on avait formé 47 constellations. La lunette a montré 8 ou 900 astres de plus. On en pourra découvrir davantage, à compter de Galilée, Descartes, Peiresc, Gassendi, Dominique Cassini, Picard, etc, etc, marchèrent à pas de géants dans la carrière des sciences. Isaac Newton appliqua la physique aux observations astronomiques en 1678, le père Mersenne, formé à Paris, la première académie, elle prit bientôt une nouvelle existence par la protection de Louis 14 et au commencement

de ce siècle, une 3e encore plus favorable aux sciences. L’Académie royale de Londres, formée par imitation, s’est faite une maxime du principe de l’attraction, elle a mal fait. Duhamel est le premier historien de notre académie.

Je suis frappée, moi ignorante, du peu de certitude que tant de travaux nous ont donnée. Le véritable astronome observe, et peu lui importe que le mouvement apparent, ou l’autre l’emporte soit reconnu le véritable et observé et ne conclut pas, mais encore ne saurait-il pas observer avec une précision mathématique. Aucun système, aucune hypothèse, jusqu’ici n’a pu tenir en entier, contre la rigueur du calcul. C’est une chose remarquable, que cette conviction morale, où nous sommes de la perfection de l’univers ; et dès qu’une apparence n’est toute inexactitude toute obscurité, nous en accusons notre travail, et nos yeux, mais nous sommes certains que la clef de l’univers est une, simple, bonne, et précise, et c’est encore une preuve que le rayon de la sublime perfection se réfléchit en nous, car nos sens ne nous présentent rien de parfait, et je doute qu’ils pussent jamais nous en faire concevoir l’idée.

Il est toujours curieux de recueillir des observations. Les degrés mesurés en France, sont plus long au midi qu’au nord ; ils s’allongent en Europe vers les pôles, Newton en a conclu l’aplatissement des pôles, et moi j’ose en conclure leur allongement. Un ch[evallier] de Louville a crû que l’écliptique au commencement des temps avait été le méridien de la Terre, s’était redressée d’une minute par siècle, perdrait toute inclinaison à une époque donnée, et la reprendrait peu à peu dans l’autre sens. Il se fondait sur la différence que donnaient sur l’inclinaison de l’écliptique les observations de quelques anciens. Il s’appuyait aussi sur la période immense que les Chaldéens comptaient, jusqu’à l’entrée d’Alexandre dans Babylone, et qui à 58 ans près était celle qu’exigeait son calcul. Le savant Lahire l’a combattu victorieusement. Et d’ailleurs peut-on s’en rapporter aux savants ? Pytheas qui plaça le gnomon de Marseille, prétendit que la voûte du ciel s’appuyait sur la Grande Bretagne, et l’avait obligé lui même a de certain

la période nécessaire pour ramener tous les astres dans un rapport rigoureusement le même, aux mêmes positions, acec les mêmes poids, la même attraction, est presque incalculable. L’aphélie, ou la plus grande distance de la Terre au Soleil, pouvait varier imperceptiblement à chaque révolution. Je ne puis dire, combien je suis étonnée de la confusion et de la brièveté des connaissances humaines en ce genre. Il me semble que loin de lire un livre, ou de le composer, on combine encore l’alphabet, et qu’on est encore bien loin d’avoir pu l’arrêter.

D’abord les hommes quelque soit leur science, sont sans cesse obligés de deviser pour proportionner les objets à leur faible capacité, ils ne pensent qu’une chose à la fois, et tout le reste est alors comme s’il n’était pas aussi la justesse des rapports est presque toujours ce qui leur échappe, ils approfondissent un point, mais ils embrassent rarement un ensemble.

Je trouve en contemplant toutes les productions et des sciences et des arts, que le caractère de chaque auteur s’y imprime, en dépit de leur diversité. On serait embarrassé de dire en quoi ce caractère consiste, le temple de Gnide, les lettres persanes, l’esprit des lois, sont partout Montesquieu. Voltaire, Corneille, Racine, font des tragédies en cinq actes, des vers de douze syllabes, et ne se rapprochent jamais. L’auteur le plus original se distinguera entre mille autres. le pinceau, la plume, l’observation de quelque génie que ce soit, semblent se mouvoir entre deux parallèles, dont ils ne s’écartent jamais. Je ne conçois pas trop cette vérité que je remarque ; mais plutôt que d’en savoir la cause, je voudrait plutôt dire en quoi consiste ce moi, si frappant, et si indéfinissable, que l’on retrouve et que l’on échappe, jusque dans les abstractions du calcul.