Transcription Transcription des fichiers de la notice - Œuvres posthumes de Dalembert Chastenay, Victorine de 1801-03-17 chargé d'édition/chercheur Le Lay, Colette PARIS
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1801-03-17
FRADCO_ESUP378_3

Œuvres posthumes D’Alembert

Ce 26 Vent. An 9 [17 mars 1801]

Je viens de lire avec plaisir, et intérêt, un petit recueil intitulé Œuvres posthumes de D’Alembert. J’ai appris à connaître cet homme célèbre sous des rapports intéressants.

Né en 1617 [sic] n’ayant connu au lieu de parents que la bonne nourrice chez laquelle il a demeuré, jusqu’en 1762. A 23 ans membre de l’académie, on voit que la retraite où l’entrainèrent ses hautes études n’ôta guère aux grâces de son esprit, et rien à la sensibilité de son cœur.

Il s’est peint lui-même comme esclave de la liberté. Mais d’ailleurs plus complaisant qu’il ne le paraissait.

Dans la métaphizique selon D’Alemb la seule façon de créer était de faire comme Locke, l’histoire de ce que tous les hommes sentent

De ce vrai dont tous les esprits

Ont en eux-mêmes la semence,

Qu’on ne cultive point, et que l’on est surpris

De trouver vrai quand on y pense.

Mais dans la phizique, on peut découvrir des phénomènes inconnus.

J’ai été fâchée de reconnaitre l’enciclopédiste dans la manière dont d’al parle de Rousseau. Il l’avait connu, dit-il, vingt ans au moins avant que l’Emile parut, circonspect, timide, et presque flatteur. Et le comparant à Diogène, il dit que ce fut pour s’être mis ainsi que lui à l’aise avec le public, que ce grec, a dit tant de choses dignes d’être retenues.

Le stile du roi Frédéric, et de l’imp. Catherine 2 en écrivant à dal. leur accent philosophique, le ton fier, et respectueux dont il répond, annonce une belle révol. morale. Mais est-il bien vrai que de tout tems, les puissances littéraires, n’ayent pas été de pair, avec les puissances du monde.

Je pourrais, je crois invoquer toutes les époques de l’histoire. Pascal ne croyait pas assez que dans l’opinion d’un savant, les deux gloires pussent même se comparer. J’ai consacré l’un de mes ouvrages, à Frédéric le Conquérant, écrivait dal. C’est à Frédéric roi que je consacre celui-ci. Il alla visiter ce roi et il retarda d’aller présider l’académie, donc, toute sa vie, on lui garda la présidence. Il a refusé l’instruction de Paul 1er que sa mère lui offrait au nom de la philosophie.

Je ne chasserai point les jésuites mandait Frédéric. Je ne leur ferai point de mal, étant bien sûr de les empêcher d’en faire. Je ne les opprime point, parce que je saurai les contenir.

Frédéric 2 assurait qu’il aimerait mieux avoir fait Athalie, que ses conquêtes, et que le plus beau jour de la vie, était celui où on la quittait. S’il est ainsi, vive Chatillon ! On peut y écrire un chef d’œuvre et certes on n’y appelle pas la mort. [plusieurs mots barrés]

On a mêlé à toutes sortes de pièces éparses, des notes intéressantes sur mylord Maréchal dont d’al. voulait écrire l’histoire. M. Amelot, M. Amelot était le ministre qui dirigeait la 1ère entreprise en faveur du prétendant et il écrivait aux militaires, qu’une terreur panique sans doute, lui avait fait prendre des vaisseaux marchant pour la flotte anglaise.

La France, la nation la plus spirituelle est ordinairement gouvernée par des sots, sous tous les régimes.

Jacques 3 donnait l’ordre de la jaretière à ses amis, mais ils ne la portaient, que dans ses maisons.

Caraccioli mandait, tous les gouvernements sont égaux, toutes les administrations sont égales. Le principe de tous les princes, est le despotisme ou la tirannie. Je suis très indifférent, pour ceux qui sont destinés à commander les hommes.

[changement de colonne]

L’abbé Gagliani, écrivait, j’attribuais autrefois les cruautés faites aux templiers, à la barbarie du siècle. J’étais un sot la crainte, et l’avidité seront toujours les causes de la cruauté.

Un certain Damilaville fait dans une lettre un terrible portrait du parlement de Paris. Il le représente comme un composé pour la plus grande partie de bourgeois jansénistes, et le moins éclairé des corps. Le Pt de Toulouse avait respecté le testament de Bayle, en disant qu’un tel homme ne devait pas être regardé comme étranger. Le Pt de Paris, flétrit sa mémoire.

Il avait consulté la Sorbonne sur l’inoculation, elle réfuta de délibérer. Il s’opposait à la circulation intérieure des grains.

Dal. écrivait à Mad. du Deffand femme d’esprit, qui mandait au sujet de Paris, je suis contente de ce que j’ai vu, je n’ai rien vu encore en effet disait d’al. Il faut ne rien regarder pour être satisfait de ce qu’on a vu. 

La devise de mad. Geoffrin était donner, et pardonner. Elle devenait plus bonne, disait-elle, en vieillissant.

On parlait devant elle, à son agonie des devoirs du gd ajoutez, dit-elle, le soin de procurer des plaisirs, chose dont on ne s’occupe pas assez.

D’al aimait cette digne femme, comme un fils. Il disait que les âmes bonnes, avaient toujours un pôle ami ! Il regretta naïvement mad. Geoff et Mlle de l’Espinasse, qui parait lui avoir inspiré un sentiment plus tendre. Elle aimait plaire, c’est un mérite dans une femme et je le désapprends trop.

L’amour disait le pauvre d’Al selon l’expression de l’écriture, est fort comme la mort. Je ne connais rien de plus touchant que ses regrets

sur son amie sur son isolement affreux. On aime sa mémoire, on aurait voulu l’aimer. Il avait donné son portrait à son amie, avec ces vers, qui m’ont bien touchée

De ma tendre amitié ce portrait est le gage

Qu’il soit dans tous vos maux, votre plus ferme appui

Et dites quelquefois en voyant cette image

De tous ceux que j’aimais, qui m’aime comme lui.

La fin du recueil contient des fragments de synonimes, ou d’articles de dictionnaires écrits avec justesse, simplicité, élégance.

Je trouve à l’article académie, que celle que fonda Charlemagne, vit ses membres, prendre des noms anciens ; on y trouve Horace, Homère, David, Augustin. C’est-à-dire, que chaque membre devait rendre compte de l’auteur dont il avait pris le nom. D’al regardait la multiplication des académies, comme aussi funeste au gout qu’aux vrais intérêts de l’état.

Il invite, à éviter le stile métaphorique toujours chargé d’ornemens 

Etre éloquent c’est faire passer avec rapidité, et imprimer avec force dans l’âme des autres, le sentiment profond, dont est pénétré.

D’al a écrit sur le gout. Il le définit le talent de démêler dans les ouvrages de l’art ce qui doit plaire aux âmes sensibles, et ce qui doit les blesser. La justesse de l’esprit ne suffit pas. Il faut encore, ne manquer d’aucun des sens qui composent le gout. Sur une impression confuse, et machinale, on établira de faux principes de gout. L’envie de se distinguer, fronde les opinions dans la théorie, l’amour propre qui craint d’échouer, les ménage dans la pratique.

Dans une ville telle que Paris disait Voltaire, il est à peine 3000 individus qui ayent le gout des arts. Presque tout l’univers est barbare. Le gout appartient à quelques âmes privilégiées, et ne s’introduit guère dans l’oisiveté opulente. Notre âme fuit les bornes, a dit Montesquieu. Elle préfère l’art à la nature qui se cache. Elle préfère la nature dans sa beauté. Ce qui fait ordinairement une grande pensée, est le nombre qu’elle en fait découvrir.