Transcription Transcription des fichiers de la notice - Voyage en Laponie de Maupertuis Chastenay, Victorine de 1800-12-29 chargé d'édition/chercheur Vignaud, Laurent-Henri Projet Chastenay ; projet EMAN, Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle) PARIS
http://eman-archives.org
1800-12-29
FRADCO_ESUP378_3
Français

[Exposition : https://eman-archives.org/Chastenay/exhibits/show/voyage-laponie-maupertuis/voyage-laponie-maupertuis1]

Le 8 niv[ose] an 9

Je viens de lire un voyage fait en Laponie par Maupertuis en 1736 et 1737 pour mesurer un degré au cercle polaire.

L’auteur commence par expliquer trop longuement pour un savant, trop peu clairement pour un ignorant, le but et le mode de cette opération. [il s’agit des Éléments de Géographie p. 1-67, qui expliquent la méthode de triangulation permettant de mesurer les degrés de méridien]

Les étoiles fixes, ou crues telles, ont servi dans le principe à donner l’idée de la méridienne. Elle fut plus exacte quand on eut mesuré la hauteur moyenne de ces étoiles dont le mouvement devint sensible à de plus précises exactes observations. [art. 1, p. 9-14]

L’élévation successive des étoiles du pôle, à mesure qu’on s’approchoit du pôle, donnèrent [sic] l’idée de la rondeur de la Terre, et les différences d’Orient en Occident dans l’heure de l’apparition du Soleil apprirent qu’elle étoit ronde en tous les sens. [art. 2, p. 14-17] L’idée mère du système de Copernic est très ancienne. [art. 3, p. 17-23]

La mesure de la Terre avoit, depuis Aristote, occupé les savants. [art. 4, p. 23-27]

En 1672, le savant Richer à Cayenne s’apperçut que son horloge, réglée à Paris, retardoit chaque jour de 2’28’’. Calcul fait des variations occasionnées par la chaleur dans la verge du pendule, il fallut conclure que la pesanteur devait être moindre sous l’équateur ; et que la force centrifuge s’y faisait mieux sentir. [art. 5, p. 28-34]

 

On calcula ensuite, que les eaux devoient être en équilibre autour de la Terre. Il falloit, puisque la pesanteur à l’équateur étoit moins grande, que la colonne qui alloit du centre à l’équateur fut plus longue, que celle qui alloit du centre au pôle, et qu’ainsi la Terre fut applatie aux pôles. Newton fixa cette différence à la 1/230 partie de l’axe. [art. 5, p. 28-37] La mesure du degré faite par M. Picard n’étoit donc plus applicable à toute la Terre. [art. 6, p. 35-36] MM. Cassini [Cassini] mesurèrent l’arc du méridien, qui embrasse la France et trouvèrent que la Terre devoit être allongée vers les pôles. [art. 7, p. 36-38]

En mesurant un degré, on calcule que la distance d’une étoile au zenith est égale à un angle droit, moins la distance de l’étoile à l’horizon. Si la Terre étoit plane, il n’y auroit pas de degrés, parce que les zeniths ne pourroient former d’angles et que leurs plans seroient toujours parallèles. [art. 8 et 9, p. 38-43] On mesure l’amplitude de l’arc du méridien, intercepté sur la surface de la Terre entre les deux verticales, qu’on suppose la prolonger vers le centre. [art. 10, p. 43-45] [L’article 11, p. 45-48, n’est pas résumé]

C’est pour décider la question de la figure de la Terre, que les mathématiciens furent envoyés à la ligne [équateur] et aux pôles. [art. 12, p. 49-52] Les degrés plus petits, au pôle, qu’à l’équateur supposent la Terre allongée vers les pôles. Plus grands, ils la supposent applatie. [art. 13, p. 53-56] [L’article 14, p. 56-58, n’est pas résumé]

Le fil à plomb, toujours en ligne verticale avec la surface des eaux, peut cependant éprouver une légère variation, au moyen  du voisinage d’une montagne immense. On l’éprouva au Pérou près de Chimboraço. [art. 15, p. 58-61]

On a calculé, pour la sureté des opérations, le mouvement apparent causé aux étoiles par le mouvement de leur lumière avec celui de la Terre dans son orbite. [art. 16, p. 62-65] [L’article 17, p. 66-67, n’est pas résumé ; fin des Éléments de Géographie]

La conclusion de cette l’opération polaire fut que la Terre étoit considérablement allongée vers le pôle. [sic ! Cette sentence erronée est inexplicable tant le texte de Maupertuis est clair sur ses conclusions (voyez p. 168 : « D’où l’on voit que la Terre est considérablement applatie vers les pôles »), il faut donc supposer un lapsus de la part de Victorine de Chastenay]

L’opération fut faite au milieu de mille dangers, occasionnés par un climat affreux ; mais avec tant de justesse que la base des triangles étant prise sur le fleuve de Tornéa qu’on mesura, à la perche, sur la glace ; il n’y eut sur plus de 7000 toises que 4 pouces de différence entre toutes les mesures. [Relation du Voyage, p. 151 : le texte de Maupertuis indique exactement « 7406 toises et 5 pieds »]

Maupertuis fit un voyage autour de cette triste Laponie pour voir un monument, qui selon la tradition du peuple, contenoit toutes les sciences. C’est une pierre qui sort de terre d’un pied et demi, sur trois pieds de longueur. Les tailles irrégulières qui la couvrent sont inintelligibles à ceux mêmes qui sont savants en langue runique. [Voyage en Laponie, p. 189]

Quel pays que cette Laponie ! Il est vrai que Maupert[uis] n’a point d’enthousiasme dans ses tableaux, et parle bien souvent d’ennui et de fatigue. L’hiver à Tornéa est une espèce de congellation nocturne, où l’air extérieur devient dans

 

des baraques de bois encombrées de neige jusqu’aux toits comme autant de flocons de neige. [Le résumé de Victorine de Chastenay est très obscur, le passage de Maupertuis, p. 153-154, est plus clair : « Lorsqu’on ouvroit la porte d’une chambre chaude, l’air de dehors convertissoit sur le champ en neige la vapeur qui s’y trouvoit, et en formoit de gros tourbillons blancs : lorsqu’on sortoit, l’air sembloit déchirer la poitrine. »] Le baromètre y descend à 37°. [le texte de Maupertuis précise que le thermomètre au mercure de Réaumur indique 37° au-dessous de zéro, Victorine de Chastenay confond ici les baromètres et les thermomètres et résume mal l'information]. Le thermomètre d’esprit-de-vin s’y brisa. [p. 153] Le ciel sans soleil présente cependant les plus beaux phénomènes de lumières, et de couleur. Des arcs, des feux brillants, s’y dessinent s’y agitent, sous mille formes ravissantes. [Il s’agit bien entendu du phénomène des aurores boréales, décrites par Maupertuis p. 155-158]

Le jour énorme qui est l’été, rend les forêts inhabitables par la quantité d’insectes qu’il réveille, et dont il sembleroit que les œufs dorment dans le lit des fleuves immenses, qui parcourent ce pays de bois. [p. 116] On met le feu aux arbres, pour lutter avec les insectes, à qui soutiendra le mieux la fumée. Ces feux consument quelquefois des bois entiers. [p. 203-204]

La rhenne [renne] en ce pays sert aux traineaux et aux pulkas, nourrit le Lapon de son lait, puis dans sa chair. Lui donne son sang et jusqu’à ses nerfs qui se filent, enfin la fourrure et la peau. [p. 198-200]

L’excès du froid, celui du feu que, sur les glaces, les familles de Lapons allument, dans de misérables tentes ouvertes comme un cône tronqué, sur le milieu des fleuves glacés, ne laissent aux Lapons aucune des grâces de la jeunesse. [p. 201-206] Regnard [Regnard, Jean-François] [Son Voyage en Lapponie date de 1681 mais fut publié pour la première fois dans ses Œuvres complètes, à Paris, chez la Vve Ribou, 1731, t. I, p. 91-292. Une autre édition a paru en 1790 et encore une autre en 1825] disoit qu’après le singe, c’étoit l’espèce, qui approchoit le plus de l’homme.

Cette espèce fait un grand commerce de pelleteries. [p. 199-200] Elle habite sous ses pauvres tentes, et se gite au hazard. [p. 202] Les rivières la nourrissent de leurs poissons abondants. La rhenne se  nourrit de mousse. [p. 203] Plusieurs Lapons chassés par les insectes marchent l’été au bord de l’océan. [p. 204] Les hameaux sont en ce pays composés d’une maison. [p. 183] Le pasteur de ces lieux terribles, étoit cependant un homme humain, lettré, et s’y procuroit une espèce d’abondance. [p. 191] Ah, bénissons ce luxe religieux qui conserve un monument de ce que l’homme devroit être, en tous lieux, et qui excuse le climat.

Montesquieu jadis trouvoit dans le don gratuit du clergé la dernière lueur des libertés de la France.

Le 9 août Maupertuis trouva les rives du Tenglio et ses cataractes bordées de belles roses. [p. 120, à la date du 13 août et non du 9] J’aime ce sourire de la nature. Il falloit traverser ces forêts, ces remparts, ces murailles préservatives, élevés le long des glaces par la Providence, avec de grandes coignées. On y trouvoit d’immenses sapins, et bouleaux, abattus, l’écorce saine ; mais en dedans réduits en poussière. De là sans doute la première leçon donnée à ces peuplades, d’employer l’écorce à leurs besoins. [p. 117]

On trouve entre ces lacs, ces montagnes, ces bois antiques, des lieux que l’on disoit habités par des génies, et des fées, plutôt que par des ours. Les rochers paroissent souvent de majestueuses ruines. Il s’éleve des lacs des vapeurs, que les gens du pays prennent pour des esprits, auxquels la garde des montagnes est commise. [p. 119]

La nature, dans son plus humble état impose le respect à ses enfans. Tel Œdipe aveugle et proscrit.

 

On a inséré dans le même volume une lettre sur les comètes qui n’a rien de rassurante. Kepler [Kepler, Johannes] les regardoit comme des monstres de l’air, enfantés de son excrément par une faculté animale. [p. 213]

D’autres ont nié leur existence, et n’ont vu qu’une réfraction, €Aristote/€ [Aristote] les avoit prises pour des météores. [p. 214]

Toutes les planètes décrivent des ellipses. Ceux des comètes sont immenses. Le Soleil est un foyer de chacune, et toujours d’autant plus près d’une des extrémités que l’ellipse s’allonge davantage. [p. 222-223]

On en connoit plusieurs, l’une paroit avoir une révol[ution] de 129 ans [illisible rayé] une autres, celles de 1680, paroissoit avoir 575 ans, de période, et cette furieuse comète, semble avoir causé le Déluge, à l’époque d’une de ses apparitions. [p. 227] Ce n’est que depuis Ticho, que l’on a quelque exacte observation des comètes, et depuis Newton quelque idée de leur théorie. [p. 228]

Il n’est point démontré que quelqu’une ne puisse nous atteindre, déranger notre axe, nous briser, nous donner un anneau lumineux, comme à Saturne ! [p. 251] Pauvre Terre ! Une petite tour s’y appelle un observatoire !

J’ai trouvé dans le même vol[ume] de l’académicien de Berlin quelques éloges que j’ai lus, et dont l’auteur, en continuant de me parler d’objets intéressants, n’a point gagné ma bienveillance. J’y vois un homme qui fait de la philosophie un état, et cela me choque.

 Il y fait l’éloge de Thierry de Keiserling et dit avec assez de justesse, en parlant de ses talents agréables, que s’ils ne supposent qu’une certaine justesse dans la proportion des organes, l’art d’en juger, le goût, sans lequel on n’y excelle jamais, approche bien du ressort de l’esprit. [p. 349]

La vertu, dit Maup[ertuis], est-elle autre chose, que la justesse de l’esprit appliquée aux mœurs. [p. 351] Oui cette justesse de l’esprit est, en l’élan d’un bon cœur, comme la logique et la rhétorique, en bon sens et en sublime.

Keiserling, se maria. Il faut, dit Maup[ertuis], la beauté, la vertu, les talents de son épouse, pour excuser un philosophe qui sacrifie sa liberté. [p. 352] Qu’est-ce donc qu’un philosophe ? Qu’est-ce donc que le célibat ? Que n’a-t-il dit, un savant, ou une hospitalière ?

Bork, autre Prussien, dont Maup[ertuis] fait l’éloge, vit arriver la mort en homme accoutumé à sacrifier ses intérêts à des intérêts supérieurs. [p. 360] Que cela est faux, vide de sens, sec, et petit, en voulant paroitre grand. Le mourant, ne connoit point d’intérêts supérieurs, il n’a que ses devoirs, et l’éternité sous les yeux.

Les statuts de l’académie de Berlin, renouvellée par Frederic 2, portoient que tous les mémoires y seroient lus en français. Maup[ertuis] y fit l’éloge de Montesquieu. Ses mœurs pures, et ses lumières prouvent, dit-il, peut-être, que les vices ne sont que la suite de l’imperfection de l’esprit. [p. 387]

Le bonheur réel de la société, dit-il, plus loin, est la somme qui reste après la déduction faite de tous les malheurs particuliers. [p. 404]

 

Il ne paroit pourtant pas approuver que Mont[esquieu] ait pris pour base de ses rapports un certain rapport d’équité. Il n’a pas l’air de l’entendre, et d’y croire. Philosophe par état !

Montesquieu en 1746 écrivit à Maup[ertuis] : Je me trouvois heureux dans mes terres, où je ne voyois que des arbres et je me trouve heureux à Paris, au milieu de ce nombre d’hommes, qui égalent les sables de la mer. Je ne demande à la Terre que de continuer à tourner sur son centre. [p. 426, la citation est littérale, Victorine de Chastenay l’a recopiée mot pour mot]

Le vol[ume] est terminé par une dissertation sur les langues, où distinguant l’écriture des choses, de celle des mots, Maup[ertuis] paroit avoir fourni à Mesmieux, l’idée de la pasigraphie. À la Chine, il faut être philosophe, pour savoir lire, et écrire, et l’écriture chinoise, pourroit être telle, que chacun y découvriroit selon sa capacité. Un Chinois voit plus ou moins dans une même page [phrase incomplète, voyez dans Maupertuis p. 457 : « J’ai oui dire en effet à un homme d’esprit qui a demeuré longtemps à la Chine, qu’un Chinois, selon qu’il est plus ou moins habile, voit plus ou moins dans la même page : que tandis que l’un n’y voit que superficiellement la chose, l’autre y trouve toutes ses propriétés, & les rapports de ces propriétés. »]. Lire et écrire, est pour un sourd-muet, le complément de l’éducation.

Maup[ertuis] propose donc un chiffre de convention, dont chaque nation auroit la clef dans sa langue. [p. 462]

Je n’ai point parlé d’un discours prononcé, à l’occasion d’un voyage de Lalande à Berlin, pendant que l’abbé de La Caille alloit au Cap, mesurer la parallaxe de la Lune [p. 330-342]. Je n’y ai rien compris. Et je réserve à Monsieur de Proni toute mon ignorance à instruire.