Transcription Transcription des fichiers de la notice - Mémoires pour servir à l'histoire des sciences et à celle de l'Observatoire... par Jean-Dominique Cassini Chastenay, Victorine de 1811-04-04 chargé d'édition/chercheur Beaubois, Francis PARIS
http://eman-archives.org
1811-04-04
FRADCO_ESUP378_6
Notes de lecture de l'ouvrage de Jean-Dominique Cassini "Mémoires pour servir a l'histoire des sciences et a celle de l'Observatoire royal de Paris", Paris, 1810 Notes de lecture de l'ouvrage de Jean-Dominique Cassini "Mémoires pour servir a l'histoire des sciences et a celle de l'Observatoire royal de Paris", Paris, 1810
Ce 4 avril 1811

Je viens de lire l’ouvrage de M. de Cassini, sur l’observatoire et je l’ai lu avec un très grand intérêt.

L’observatoire a été construit par Louis 14 avec les soins de Colbert, et si ce bel édifice n’était pas en tout ce qu’il fallait, pour remplir en tout sa belle destination, ce n’en est pas moins un monument admirable du 17ème siècle et de son dictateur. Construit en 1671, trop négligé à la fin de Louis 15 comme tout l’était à cette époque, sous Louis 16 et par les soins de MM. d’Angevillers et de Breteuil, on l’avait restauré, on l’avait perfectionné, on y avait fondé une école, on avait pris des mesures pour perfectionner en France l’un des instruments. Rien de tout cela ne se faisait vite mais tout à cette époque se faisait avec la volonté du bien, et l’envie de le bien faire.

L’histoire de la g[rande] carte de Cassini est une chose curieuse. Louis 15 en eut l’idée après avoir vu les plans que Cassini de Thury lui faisait en Flandres, du théâtre de la guerre, et de ses armées. Pendant 5 ans on y travailla mais cette époque 1755 M. de Sechelles cont[rôleur] g[énéral] décida que puisqu’il fallait que le roi renonça même à des objets d’agrément, il fallait suspendre la carte. Louis 15 dit avec grâce à Cassini, mon contrôl[eur] g[énéral] ne le veut pas. Cassini alors eut l’idée de la continuer par souscriptions, le roi donna aux actionnaires tout le travail fait. 34 ans ont à peine suffi pour achever cet ouvrage. Il n’a été vendu complet qu’à l’étranger. Il n’a pas été estimé et répandu  autant qu’il aurait dû l’être, il a pourtant servi de base à la n[ouvelle] division de la France, mais la convention tout à coup l’a enlevé aux actionnaires, et le traité fait depuis par le g[énéral] n’a pas été avantageux.

Les Cassini ont eu plus de 100 ans, de père en fils, la direction de l’observ[atoire]. Elle appartient maintenant au bureau des longitudes.

[L’Avitier?] remarque avec raison que l’opération des poids et mesure a été terminée sans avoir fait d’autre sensation que des contraintes dans l’habitude de la vie. C’est pourtant une chose à insérer au nombre des gds monuments de la révolution.

La vie de Dominique Cassini, écrite par lui-même, est un morceau d’une g[rande] simplicité, mais qui inspire le plus grand intérêt. Le catalogue de ses œuvres, ajouté par son petit fils, ressemble à ceux que nous trouvons dans les anciens des écrits d’Aristote, ou de quelque autre de cette force. C’est prodigieux.

Cassini naquit à Perinaldo, autrefois en Provence, et à cette époque en Italie, le 4 Juin 1725 [sic][8 Juin1625]. Il passa d’abord à Gênes, et il est remarquable que toujours pieux, et dévot, pendant 87 ans de vie il passa sa première jeunesse dans le goût et dans la dissension des thèses théologiques. C’était l’esprit du siècle, et le sien n’en fût pas affaibli. Les vies étaient moins dissipées et un homme appliqué pouvait rester étranger aux affaires, aux démarches, qui consument le temps. Combien on en avait ? Cassini s’amusa d’astrologie, cette science était fort répandue parmi les gens considérables d’Italie. Il s’en démontra le néant, et réussit à propager cette opinion. D’ailleurs, il faisait des vers latins et italiens, il mit le système du monde en vers pour la reine Christina, cette femme qui dans mon opinion de philosophe reclus, et étudiant, serait tant au dessus de Catherine 2 si elle n’eut fait périr l’amant qu’elle avait préféré.

Cassini, appelé à Bologne et envoyé plusieurs fois à Rome vers le Pape, pour des questions de limites, y fût traité avec une distinction dont nos adulations modernes n’approchent pas. La

plupart des plus g[ran]ds personnages, venaient observer le ciel avec lui, prenaient intérêt au succès, à l’importance de ses travaux. Appelé en France par Louis 14 et Colbert, il en fût accueilli comme on n’accueille plus. Le roi apprenait de lui quel orbite suivrait une comète, et s’en informait avec soin. Que de choses alors se traitaient, s’opéraient, d’estime, de confiance, d’amour pour le bien. Dominique Cassini était sûrement le plus honnête homme du monde, et il était traité comme tel par le roi, qui mettait alors son orgueil au progrès universel de l’art et de la science, et qui savait se le rendre propre, par un regard ou par un bienfait.

M. de Cassini a joint l’éloge de 3 académiciens morts en révolution, et sans en avoir obtenus. Maraldi son oncle, Le Gentil et Saron.

J’ai remarqué dans la vie de Le Gentil, ce dévouement qui le porta à passer douze ans dans l’Inde pour y observer le second passage de Vénus, après que la guerre de 7 ans lui eut fait manquer le premier, car alors les sciences n’avaient pas cette sauvegarde que la France la 1ère a, je crois, accordé à Cook, et qui est devenu le droit de toutes les nations. Que de grandes et simples idées auxquelles on ne pense pas durant un temps énorme ! C’est pendant ce long séjour que Le Gentil a fait ses précieux recueils sur l’Inde.

L’éloge du P[ère] du Saron est celui de toutes les vertus, graves et simples. La science, le savoir, les arts mêmes, en ont fait la grâce. Le digne et vertueux magistrat calculait en prison la marche d’une comète ; une main bienfaisante ??? dans un journal la preuve que l’astre vagabond avait obéi aux lois du philosophe captif afin qu’il pût jouir d’un moment de plaisir. Sa constante amitié avec M. Messier ne s’est jamais

démentit. La vertu est une belle chose. Les stoïciens avaient raisons, le sage est beau ! Que peut-il lui manquer ?