Transcription Transcription des fichiers de la notice - Lettres sur l'Atlantide de Platon... par Jean-Sylvain Bailly Chastenay, Victorine de 1799-08-02 chargé d'édition/chercheur Beaubois, Francis Projet Chastenay ; projet EMAN, Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle) PARIS
http://eman-archives.org
1799-08-02
FRADCO_ESUP378(bis)
Notes de lecture de l'ouvrage de Jean-Sylvain Bailly "Lettres sur l’Atlantide de Platon et sur l’ancienne histoire de l’Asie. Pour servir de suite aux Lettres sur l'origine des sciences, adressées à M. de Voltaire" (1ère éd. 1779, Paris, De Bure) Français Notes de lecture de l'ouvrage de Jean-Sylvain Bailly "Lettres sur l’Atlantide de Platon et sur l’ancienne histoire de l’Asie. Pour servir de suite aux Lettres sur l'origine des sciences, adressées à M. de Voltaire" (1ère éd. 1779, Paris, De Bure)

Ce 15 th[ermidor] an 7 (2 août 1799)

Je viens de lire les lettres de Bailly sur l’Atlantide, elles font suite à celles sur l’origine des sciences. Il y pousse ses recherches, et ses assertions encore plus loin. Dans ce livre il suppose l’Atlantide comme une île située sous le pôle au dessus du golfe de l’Oby. Il en fait successivement descendre les habitants vers le midi. Il les fait désigner dans les traditions personnes sous le nom de dives, ou de mauvais génies qui attaquent successivement les péris ou fées, êtres vertueux et bienfaisants, desquels sont venus les débris de connaissances astronomiques qui nous restent.

Quelque soit l’opinion qu’on fixe sur le roman de l’ingénieux Bailly, il est curieux de soulever avec lui le voile qui cache un nouveau monde, une antiquité singulière, des observations, des traditions toutes nouvelles, en un mot, un univers tout neuf.

Tradidit mundum disputationi eorum, dixit Voltaire, en répondant aux premières lettres, qui ne l’avaient point convaincu.

Le temps frappe sans choix, dit B[ailly] et il épargne avec indifférence. 20 siècles ne sont pourtant que les copies d’un siècle original. Après 3000 ans, le puissant génie d’Homer, imposa encore le sujet de nos tragédies. Les siècles d’ignorance sont les déserts du temps.

Platon a parlé le premier dans son Timée de cette ancienne nation, de cette Atlantide, et de ses excursions. C’est un vieillard d’Égypte, contemporain de Solon, qui lui sert d’interlocuteur.

Les conquérants, dit B[ailly], ont des pieds de fer, ils brisent en marchant et la poussière qui s’élève à leur passage couvre tout ce qu’ils laissent en arrière. Ne souhaitons jamais de révolution. Les déluges d’eaux, de feux, et d’hommes, ne s’étendent sur la Terre que pour la ravager.

B[ailly] pose en principe qu’une nation, ou une colonie, transporte avec elle jusqu’aux traditions de son pays, et fait d’une vérité un fait faux, relativement aux lieux, où on le suppose arrivé.

Hercule est un héros du nord, et ses colonnes ont suivi la marche des peuples. Le temple de Tyr en avait deux.

Platon, Diodore de Sicile, placent d’Atlantide sur les confins du monde, et de la mer.

L’esprit humain a eu son chaos, comme le monde matériel. B[ailly] réunit les fables, les traditions, les histoires, les allégories, les étymologies mêmes, les rapprochements d’usages, la conformité des mœurs, la transmission des préjugés, pour en étayer son système. Le sens propre de ce mot, selon lui, c’est assemblage.

B[ailly] en supposant que Sanchoniaton fut contemporain de Semiramis, le fait écrire 20 ou 22 siècles avant J.C. Ce phénicien consulte les livres de Thot, le premier qui ici laisse des mémoires soigneusement gardés dans les temples. Sanch[oniaton] commence d’après lui, l’histoire de Phénicie, par le commencement du monde. Il n’existait, dit-il, que le souffle, et l’esprit d’un air ténébreux, un chaos plein de confusion, et sans clarté.

L’idée de s’assoir sur le berceau du monde n’a pu éclore que chez les nations vraiment anciennes, et qui étaient proches parentes des premiers hommes.

B[ailly] trouve presque partout un mélange de vérités et de mensonges, il découvre partout l’ignorance qui succède à la lumière. L’utilité seule veut le souvenir, et le peuple perdu se retrouve dans les institutions communes de tous les peuples.

Ce n’est point de l’Amérique que sont sortis les atlantes, le continent était trop vaste, le climat trop varié et trop beau. D’ailleurs on n’y a retrouvé aucun vestige d’une ancienne et nombreuse population. Ce sont des insulaires qui ont dû les premiers tenter la navigation.

On trouve dans les Canaries, dans les sépulcres des guanches, quelque conformité avec les momies égyptiennes. Les Canaries ne sont point l’Atlantide. Les traditions de Thèbes et de Saïs, s’opposent au voyage que les atlantes auraient dû faire, par l’intérieur de l’Afrique pour y parvenir.

Nous passons en Asie, nous cherchons Prométhée sur le mont Caucase, nous démontrons que le culte du feu et celui du Soleil n’ont pu naître que dans un pays froid. L’astronomie nous démontre que le deuil d’Adonis, ou d’Osiris, vint nécessairement du 68e ° où le Soleil disparait pour 40 jours. La fable de Proserpine plus Les grecs ont adoré Apollon hiperboréen. Le culte du Soleil et les fêtes dont je parle, remontent à plus de 2800 ans avant J.C.

Nous jetterons un coup d’œil sur les traditions orientales. Gian ben Gian a régné 2000 ans sur les péris. Et lit-on le diable est venu les chasser à cause de leurs désordre. Les orientaux disent encore qu’est devenu le peuple de Gian ben Gian ? Regarde ce que le temps en a fait.

Cauimarath fut, selon les persans, le premier de leurs rois, le premier roi du monde. Le sage Feridoun fut un de ses successeurs. Quand un homme de bien, disait-il, est sur le point de passer dans l’autre vie, que lui importe de mourir sur le trône, ou sur le pavée.

La superstition qui crée les revenants, tient à un temps de lumière, elle suppose l’immortalité de l’âme. Elle est durable, parce qu’elle tient à la sensibilité. Le génie protecteur des hommes, ou des [illisibles], est autre chose. Quelque trait de vérité se retrouve toujours dans nos erreurs. Le génie est le seul agent sur la Terre, et il n’y a d’homme à homme, que la différence des génies.

Les fées sont les filles du temps qui embellit et exagère le passé. Les montagnes de Caf et de Damavend, ou le Causase patrie des péris, au-delà desquelles habitaient les dives, sont par le 37°.

Zoroastre le restaurateur du culte du feu, a dû, selon les observations qu’il a transmises, venir du 49°.

Partout dans l’Asie on a redouté le nord, vous trouvez les portes caspiennes, le rempart de Gog, et de Magog, enfin la grande muraille de la Chine. Le calife Vatheck le g[énéra]l des abassides, l’an 842 de notre ère, fit voyager pour découvrir le pays de magogi ; on le trouve vers le 48° et le savant Salam découvrit la muraille. C’est à cette latitude entre la Chine et la mer Caspienne que Bailly veut placer le peuple instituteur. De là sont venus les chinois et les brames.

Du point où nous sommes parvenus, nous dominons sur différents plateaux, et si de grands fleuves descendent vers le midi, d’aussi grands fleuves descendent du même point vers le nord.

La stérilité et la solitude s’accompagnent et se suivent. La population se mesure d’elle même, sur la fertilité. L’homme seul peut ouvrir le sein de la Terre, et faciliter sa transpiration.

La Tartarie a dû éprouver de grands changements. La cause doit se trouver dans la diminution de la chaleur. Quoique l’homme civilisé ait l’industrie de s’entourer de la saison qu’il veut, la saison de la nature est toujours la plus puissantes.

Abulghazi Kan, des usbecks, a écrit dans le siècle dernier l’histoire de sa nation ; sur les traditions, et mémoires originaux. Il a fait remonter jusqu’à Japhet, fils de Noé, qui peupla vers le 50° en Sibérie. Turk son fils fut contemporain de Cauimarath, de lui vinrent tartar et mogul, ou mongol. On trouve Oguz, petit fils de mongol, 2824 av[ant] J.C. Les cycles tartares ont dû commencer 2924 ans av[ant] J.C.

Pallas a découvert sur les bords du Jénifea les vestiges d’un peuple détruit. Ils creusaient des mines et leurs instruments qu’on a retrouvés étaient de pierre, de cuivre, et non de fer. On a trouvé des fers de lance, des poignards [illisible] en cuivre, et même des espèces de bas reliefs qui représentent des rennes, des élans etc. Il paraît que ce peuple fut nommé tschouden, et B[ailly] va retrouver ce nom en Finlande, et jusque chez une famille suisse.

Les langues et les fables sont les plus anciens ouvrages des hommes. La parole [illisible] caractère distinctif de l’homme. Le physique de la langue est revêtu de l’accent du climat. L’intellectuel montre le génie de l’homme. B[ailly] place le jardin des hespérides chez les hiperboréens. Il y place Phaeton, les larmes de ses sœurs, et l’Eridan lui-même. Hercule, Osiris, etc. lui paraissent autant d’emblèmes du Soleil.

Les enfers sont dans le nord. Homère, selon [illisible], les y a placés.

Il est assez remarquable que les grecs, peu voyageurs, ayant si bien connu la marche du Soleil, dans les climats septentrionaux.

L’île d’Ogygie, où l’Atlantide était sous le pôle. Lisons Plutarque, et consultons même une tradition chaldéenne dans le moine Cosmas Indicopleustès, voyageur de 6e siècle.

Les montagnes de glace s’agrandissent chaque jour dans le Spitzberg, la terre s’est refroidie.

Quelque puisse être au reste l’opinion qu’on adoptera sur le système de l’ingénieux savant, aimable et modeste, B[ailly]. Le mode de ses recherches est véritablement philosophique. Il agrandit le magasin des conjectures. Je reste dans une sorte de doute, et je pourrais bien adopter quelque partie de son roman, comme il s’arrête à quelque point des fables.

B[ailly] pense bien que le monde a du commencer d’une manière que la phisique ne peut expliquer, et les résultats de ses rapprochements me paraissent sous beaucoup de rapports essentiels, faciles à rapprocher de l’écriture sainte.

Il voit comme je l’ai toujours soupçonné indépendamment de ce monument respectable, la lumière primitive céder aux ténèbres, ??? et ne reparaître qu’à l’aide des souvenirs fondamentaux, et des découvertes heureuses. La marche du temps est bien lente, et il faut dérouler bien des siècles pour marquer quelques uns de ses pas.