Transcription Transcription des fichiers de la notice - Le courrier du CNRS 1 CNRS 1971-07 chargé d'édition/chercheur Valérie Burgos, Comité pour l'histoire du CNRS & Projet EMAN (UMR Thalim, CNRS-Sorbonne Nouvelle-ENS) PARIS
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1971-07 Fiche : Comité pour l'histoire du CNRS ; projet EMAN Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR).
Français

Le C.N.R.S. est une grande entreprise. Il emploie plus de  16 000  personnes,  son  budget  dépasse un milliard de francs. Il n'est  pas de  secteurs  de la recherche auxquels il ne soit directement ou au moins indirectement intéressé.

 

La diversité de la science, et aussi celle des insti­ tutions, fait que le C.N.R.S., cherchant  à s'adap­ ter aux contingences internes et externes, a été amené à mettre en œuvre des procédures dont la variété, satisfaisante pour les experts, est suscep­ tible de déconcerter les non initiés.

 

Bon nombre de nos laboratoires sont associés en groupes (Bellevue, Gif, Marseille, Strasbourg...). Mais d'autres sont plus isolés ou même, et cela souvent par nécessité, très isolés (Observatoire de Haute-Provence, Laboratoire Souterrain de Mou­ lis, Laboratoire du Four Solaire à Odeillo, Centre d'Etudes Biologiques des Animaux Sauvages à Chizé, Laboratoire de Primatologie et d'Ecologie des Forêts Equatoriales de Makokou...).

 

Tâille de l'entreprise, diversité des missions et des modes d'intervention, dispersion nécessaire de nos implantations sur le territoire national ou même à l'étranger, sont autant de raisons pour inciter à mettre des traits d'union entre les par­ ties qui composent le C.N.R.S. Le« Courrier duC.N.R.S. » a été conçu pour être l'un de ces traits d'union

Nous vous présentons donc avec confiance ce pre­ mier numéro, car nous ne pouvons pas douter que cette initiative vous paraisse opportune. Mais le succès d'un journal n'est assuré que si l'intérêt que lui portent ses lecteurs est soutenu.

Pour l'avenir de ce courrier, pour  qu'il  tienne les promesses que nous faisons en son nom, nous avons besoin de vos critiques et surtout de votre concours.

Trait d'union au sein du C.N.R.S., le Courrier devra aussi contribuer à mieux faire connaître autour de nous nos activités. Il deviendra, nous l'espérons, un élément efficace pour l'illustration des résultats obtenus grâce à notre action et pour la défense de nos moyens.

 

Mais la meilleure illustration et la meilleure défen­ se reposent sur la sincérité et sur la qualité. Notre souhait le plus fervent est donc que ce Courrier soit à la fois le reflet de notre cordiale solidarité, de notre profonde confiance dans l'avenir de la science, de notre constante recherche de la qualité et de la vérité.

 

Hubert Curien, Directeur général du C.N.R.S.

l'invité
POUR UN DIALOGUE ENTRE LES SCIENCES

Un immense puzzle

Le progrès des sciences a été obtenu

au prix de leur spécialisation croissante.

Savant est celui qu sait tout ou

presque tout dans un domaine de plus

en plus restreint, actuellement presque

infinitésimal au regard du panorama

complet des connaissances.

Pour le reste, chaque savant fait confiance

aux autres chercheurs proches

ou éloignés, qu'il sait travailler dans

des domaines non moins minuscules

que le sien. Ceux-ci lui sont interdits

par définition, mais il a conscience et

confiance que des hommes comme lui

y mènent le même combat sur d'autres

fronts, pénétrés d'un idéal identique,

appliquant des méthodes comparables

et soumettant leurs intuitions à des

contrôles équivalents.

La connaissance scientifique, ramifiée

à l'infini, est aujourd'hui parcellaire.

Elle constitue un immense puzzle dont

chacun connaît un élément bizarrement

et souvent arbitrairement, sinon malignement

découpé, mais dont personne

ne peut distinguer ni même soupçonner

la physionomie générale, l'image cohérente

qui donnerait à l'ensemble unité

et signification. Il n'en saurait être autrement.

Il reste que pour la recherche elle-même,

il n'est pas sans inconvénient que

chacun, en taupe efficace et myope,

limitée à son corridor particulier, opère

en franc-tireur absolu, en mineur qui

approfondit sa galerie dans l'ignorance

quasi complète des découvertes que des

ouvriers fraternels ont pu faire dans

des galeries voisines, à plus forte raison

des résultats acquis dans des chantiers

lointains.

Il faudrait qu'il existât à tout niveau

des relais, des anastomoses, des postes

de coordination, non seulement qui rassemblent

les résultats, mais surtout qui

confrontent et généralisent les démarches.

Dans l'investigation rigoureuse, le génie

consiste presque toujours à emprunter

ailleurs une méthode éprouvée ou une

hypothèse fertile et à les appliquer là

où personne encore n'avait imaginé

qu'elles pouvaient l'être.

Une même direction

La nature est une, ses lois sont partout

les mêmes ou, du moins, accordées,

cohérentes, se correspondant dans les

différents règnes et aux différents degrés.

Chaque science en explore un

secteur, c'est-à-dire examine un ensemble

de phénomènes, de données, d'individus

ou de réactions qui présentent

des propriétés similaires ou parallèles.

Mais les limites qui déterminent ces

ensembles, sans être arbitraires, sont

souvent trompeuses et en tout cas ont

été déterminées à l'aide d'un critère

qui, eût-il été le meilleur, excluait nécessairement

les autres. Avant de classer

les vertébrés, en mammifères, oiseaux,

batraciens, reptiles, poissons, on

les a distribués suivant leur nombre de

pattes. On rangeait le cheval à côté de

la grenouille et de la tortue. Une étude

plus poussée a conduit ensuite à choisir

d'autres discriminants, moins apparents

et plus importants.

Pour une part, l'évolution de la science

consiste dans le progrès de ses propres

classifications, dans la détermination

des critères fondamentaux et réellement

économiques qui sont peu à peu

substitués aux caractères superficiels,

qui « sautent aux yeux » comme on dit

et qui n'en sont que plus trompeurs.

Ils égarent, dispersent, leurrent au lieu

de conduire à la profonde, secrète et

féconde parenté. Il n'empêche que

d'avoir quatre pattes est ausssi un caractère

intéressant dont dérivent inévitablement

des conséquences spécifiques,

dont l'étude est pratiquement éliminée

par la nouvelle et meilleure taxinomie.

Les caractères résiduels, légitimement

disqualifiés, donnent sûrement

lieu à des relations remarquables qu'il

y a sans aucun doute avantage à déceler

et à établir. Quoique laissées pour

compte, elles ne sont nullem~nt insignifiantes.

Dans une autre perspective, elles pourraient

s'avérer soudain décisives, se révéler

non plus impasses et labyrinthes

stériles, mais lignes de force et artères

principales. L'univers est rayonnant. Il

supporte toute sécante médiane, corde

et bissectrice.

Le malheur est que la spécialisation incline

le savant à toujours s'enfoncer

dans la même direction et ne lui facilite

pas la découverte, la vision, l'imagination

de telles perspectives révolutionnaires.

CLASSIFICATION D'ARISTOTE
(d'après CARUS)

Un dénominateur
commun

La mythographie étudie les croyances

fabuleuses liées à des rites, la psychopathologie,

les obsessions et les délires,

l'entomologie les comportements des

insectes. J'ai cru pouvoir rapprocher

les mœurs de la mante religieuse ou

d'autres espèces animales où la femelle

dévore le mâle avant ou après l'accouplement,

de la terreur du vagin denté

fréquente chez certains névropathes et

des mythes de déesse ou de femme

fatale dont l'étreinte est mortelle. Certes,

la démarche est hardie, mais convient-

il pour autant de la récuser de

parti-pris? L'esthétique étudie l'harmonie

des lignes et des couleurs. Ne

peut-on concevoir qu'elle confronte les

tableaux des peintres et les ailes des

papillons par exemple? Sans doute

faut-il prendre garde que le tableau est

œuvre extérieure, dépendante du libre

arbitre et de l'habileté d'un individu,

tandis que la livrée d'un papillon est

composition inscrite dans l'organisme

et lot immuable de l'espèce. Ces oppositions

sont fondamentales. Il convient

premièrement de les souligner. Mais

une fois qu'on a défini et mesuré ces

indéniables contrastes, il est peut-être

opportun d'essayer de découvrir le dénominateur

commun de ces harmonies

de lignes et de couleurs. Une théorie

générale de la beauté dans la nature et

dans l'art peut en sortir. Je n'ai pour

ma part cessé de réclamer pareil élargissement

du champ de la vision mentale.

De même les phénomènes du m1metisme

montrent tels animaux s'assimiler

au décor et devenir pratiquement

invisibles ; d'autres imiter des espèces

parfois fort éloignées et se faire passer

pour elles; d'autres encore terrifier

leurs ennemis ou paralyser leurs proies

en dévoilant brusquement des ocelles,

faux yeux grandiloquents, gigantesques,

ou en arborant des appendices vains et

monstrueux ou, à l'occasion, comme le
fulgore-porte-lanterne, en promenant

devant eux de véritables masques. Il

est alors impossible de ne pas penser

respectivement aux légendes de chapeau

ou de manteau qui rendent invisible

et aux procédés de camouflage ;

en second lieu, aux impulsions qui, chez

l'homme, se traduisent par les phénomènes

de mode et de déguisement, de

carnaval et de théâtre ; enfin à la terreur

sacrale et institutionnelle que suscitent

les officiants masqués et travestis

des cérémonies primitives. Anthropomorphisme,

s'écrira-t-on. C'en est justement

l'inverse, car il faut prendre

garde qu'il ne s'agit nullement d'expliquer

à partir de l'homme certaines données

énigmatiques qu'on constate dans

la nature, mais au contraire d'expliquer

l'homme, qui relève des lois de cette

même nature et qui y appartient par

presque tout en lui, à partir des conduites

plus générales qu'on y rencontre

répandues dans la grande généralité

des espèces. Cette attitude conduit à

élargir considérablement les principes

d'explication biologique et à tenir que

la nature, qui n'est pas avare, tout

autant que la survie poursuit le plaisir,

le luxe, l'exubérance, le vertige. De sorte

qu'il semble légitime de briser le

cadre de la lutte pour la vie et de la

sélection naturelle, ressorts trop strictement
et exclusivement utilitaires et,

en ce sens, contrairement à l'opinion

accréditée, très étroitement anthropomorphes

et dépendant d'une image

passagère, localisée et datée que l'homme

s'est une fois faite de lui-même

dans des circonstances précises.

Il est l'heure de faire appel à des « mobiles

» moins avares, mais tout aussi

universellement impérieux que la profusion,

le jeu, l'ivresse, l'esthétique

même.

Des sciences

diagonales

Entre la science de l'homme et les

sciences naturelles peuvent s'établir et

se développer des échanges généreux.

Le dialogue doit être encore plus ample

et inclure les sciences physiques.

Le cristal déjà présente des propriétés

analogues à celles de la matière vivante;

d'une part, la cicatrisation de la

partie brisée par une activité régénératrice

accrue, comme un homard fait

sa pince ou un saurien sa queue; d'autre

part l'élimination progressive des

corps étrangers prisonniers par accident

dans sa substance ordonnée et

homogène. Enfin il semble bien que les

réseaux qui déterminent l'immuable

régularité des cristaux soient identiques

à ceux qui apparaissent au microscope

électronique sur la section transversale

de la fibre d'un muscle strié ou encore

à ceux qui déterminent la disposition

des feuilles sur la tige et des grains sur

l'épi. Heureuses et prometteuses connivences

entre la minéralogie, la botanique,

l'anatomie et les sciences encore

à venir qui en conjugueraient enfin les

butins disparates.

Les sciences, que j'ai proposé en 1959

d'appeler «diagonales» chevauchent

les disciplines anciennes et les contraignent

au dialogue. Elles tentent de décéler

la législation unique qui réunit

des phénomènes épars et en apparence

sans rapport. Elles déchiffrent des

complicités latentes et découvrent des

corrélations négligées en effectuant dans

le commun univers des coupes obliques.

Elles souhaitent et s'efforcent

d'inaugurer un savoir où la témérité

d'imagination s'exerce premièrement,

avant d'appeler une sévérité de contrôle

d'autant plus indispensable que l'audace,

tout d'abord scandaleuse, s'est

donné pour tâche d'établir les chemins

de traverses hasardeux, mais nécessaires

entre les postes nombreux et isolés

de la périphérie immense et dépourvue

de lignes intérieures où se développe

aujourd'hui la recherche fertile.

Roger CAILLOIS,

de l'Académie Française.


LES ACTIONS THÉMATIQUES PROGRAMMÉES

La création des Actions Thématiques Programmées au C.N.R.S. a été directement

suscitée par les réflexions menées

à l'occasion du VI• Plan; il est en

effet apparu qu'à la définition d'objectifs

scientifiques devait correspondre,

dans la panoplie des modes d'intervention,

un type de financement susceptible

d'être directement raccordé à la

mise en œuvre de telle ou telle finalité.

De fait, l'institution des Actions Thématiques

Programmées a immédiatement

reçu l'approbation de la Commission

de la Recherche, qui, dans son

rapport sur les options du VI• Plan,

leur a même reconnu une vertu exemplaire,

considérant en effet que :

« De telles procédures ont des avantages

sensibles aux différents stades de

préparation et d'exécution de la politique

de recherche. La systématisation

d'un mode de financement par thème

et programme présente en effet l'avantage

de clarifier l'esprit des différentes

actions entreprises et de permettre

ainsi de mieux relier la recherche et les

finalités. Au niveau des organismes de

recherche, des procédures du type des

Actions Thématiques Programmées qui

sont mises en œuvre actuellement au

C.N.R.S. devront être généralisées ».

Les caractéristiques des Actions Thématiques

Programmées en font pour le

C.N.R.S. un mode d'intervention original,

qui concilie la possibilité d'une

politique de la recherche sélective et

ouverte sur l'extérieur, avec l'occasion,

donnée aux chercheurs, d'obtenir un

supplément d'argent dans des formes

particulièrement bien adaptées aux exigences

du travail scientifique.

Cette spécificité des modalités et des

objectifs, explique le recours à la procédure

essentiellement pragmatique qui

est lancée à titre expérimental dès

1971.

Ainsi les Actions Thématiques Programmées

constituent-elles :

• un mode d'intervention original, à

partir d'une idée déjà ancienne;

• une technique propre à servir à la

fois les exigences de la politique de la

recherche et celles du travail scientifique

une procédure pragmatique conciliant

la volonté de publicité et l'impératif

d'efficacité.

Une idée

déjà ancienne ...

Les Actions Thématiques Programmées

peuvent être définies comme des

actions coordonnées, axées sur un thème

déterminé, et portant sur la réalisation,

en plusieurs années, d'un programme

qui implique la mise en œuvre,

à titre principal de moyens d'équipement,

mais également des moyens de

fonctionnement corrélatifs à l'exclusion

de tout recrutement de personnel permanent.

En d'autres termes, il s'agit d'ajuster à

un programme finalisé et prédéterminé,

la totalité des moyens qu'il suppose

quelle que soit la nature de ces moyens

- à noter le caractère précieux, pour

des disciplines comme celles de Sciences

Humaines, du recours possible à

un personnel non permanent - et

quelle que soit l'échéance requise pour

leur emploi.

L'idée de subordonner l'octroi de crédits

à un programme n'est assurément

pas nouvelle. Par les Recherches Coopératives

sur Programme ou les actions

spécifiques, le C.N.R.S. avait,

d'ores et déjà, la possibilité d'interventions

ad hoc, venant renforcer les

moyens d'existence normaux des laboratoires,

avec un aspect sélectif et pluriannuel.

... mais un mode

d'intervention original

Aussi l'originalité des Actions Thématiques

Programmées réside-t-elle essentiellement

dans leur lien avec la planification

: inscrites au Plan, elles constituent

un faisceau de thèmes mis à

l'affiche et soumis plusieurs années

d'avance à l'enchère des mieux offrants.

Cette caractéristique les distingue à la

fois des actions spécifiques, au premier

chef, qui sont à l'inverse une sorte de

procédure d'urgence, destinée à faire

face à la survenance d'un besoin imprévu

et jugé digne d'intérêt : aussi bien

ces crédits sont-ils inscrits en fonctionnement

et pris sur un chapitre spécial

dit « ligne souple », dont l'objet est

précisément de pallier des dépenses

exceptionnelles et urgentes.

Autre différence, qui vaut également

pour les recherches coopératives sur

programme : inscrites au Plan, les Actions

Thématiques Programmées sont

proposées aux chercheurs à qui il appartient,

à l'inverse, de susciter la création

d'une recherche coopérative sur

programme ou d'une Action Spécifique.

Il s'agit là, au demeurant, d'une

différence plus formelle que fondamentale

: aussi bien l'initiative appartient-

elle en fait, dans les deux cas, à

la communauté scientifique, que le mécanisme

soit mis en branle par la Direction

ou par les chercheurs ; en effet,

les sujets d'Actions Thématiques Programmées

ont été dégagés par le milieu

scientifique lui-même, lors des travaux

préparatoires du Plan.

Dans ces conditions, les Actions Thématiques

Programmées se trouvent nécessairement

correspondre à des actions

de plus grande envergure que les Recherches

Coopératives sur Programme

ou les Actions Spécifiques et cela, du

point de vue des recherches concernées

ou des moyens investis : les recherches

faisant l'objet d'Actions Thématiques

Programmées doivent, en règle générale,

coordonner l'action de plusieurs

laboratoires, les Actions Spécifiques

correspondant quant à elles à un projet

unitaire ; d'autre part, les moyens fournis

aux Recherches Coopératives sur

Programme représentent une incitation

financière complémentaire - une sorte

de catalyseur - tandis que les crédits

d'Actions Thématiques Programmées

doivent constituer l'aliment exclusif,

ou principal, des projets.

l' IÉVIÉINIIGMIE001i'
Une technique

qui répond

aux exigences d'une

politique moderne

de recherche ...

Il est clair que le recours aux financements

sur programme du type des

Actions Thématiques Programmées ne

peut être généralisé. A côté d'un financement

sélectif, concentré et orienté,

doit subsister un financement plus

libre, permettant de soutenir l'ensemble

des activités d'un centre de recherche.

Les Actions Thématiques Programmées

sont des actions « lourdes »

dont le volume reste nécessairement

limité. Il reste que l'institution d'un

tel mécanisme est de nature à servir les

objectifs d'une politique moderne de

la recherche, qui se doit d'être à la fois

sélective et ouverte sur l'extérieur.

L'idée d'un financement mieux raccordé

à des axes de recherches jugés

préférentiels est une réponse au problème

posé par la nécessité d'allouer

de manière optimale des ressources forcément

limitées.

De fait, les axes de recherche que le

C.N.R.S. a définis dans tous les secteurs,

à l'occasion du VI• Plan, s'ils ne

doivent nullement exclure le maintien

d'une recherche de base, ni supprimer

la part d'une recherche plus libre ou

plus spontanée, présentent néanmoins

une grande utilité : ils permettent notamment,

d'orienter les travaux vers

les sujets qui semblent présenter le plus

d'intérêt, soit du fait de leur actualité,

soit en raison de leur caractère encore

inexploré, soit à cause de la fécondité

qu'on leur suppose, soit encore, parce

que les laboratoires français se trouvent

placés dans ces domaines en position

d'excellence sur le plan international.

Ils traduisent donc le souci de

donner leur plein effet aux ressources

intellectuelles et humaines disoonibies.

Les axes de recherche ainsi privilégiés

auraient toutefois risqué de n'être pas

opérationnels, si un mode d'intervention

particulier n'avait pas été associé

à cette réflexion. Les Actions Thématiques

Programmées sont donc l'instrument

principal de leur mise en œuvre.

Elles constituent en effet une marge de

manœuvre, grâce à laquelle le C.N.

R.S. peut, une fois assumées les charges

courantes d'entretien des laboratoires

et de soutien des formations

scientifiques de qualité, engager une

action encore plus volontariste et délibérément

sélective, là où elle semble

devoir être féconde.

Favorable à un emploi mieux rationalisé

des crédits, le système des Actions

Thématiques Programmées a l'avantage

second de contribuer à une meilleure

acceptation de la recherche et de

l'effort financier qu'elle requiert, par

la communauté nationale. La définition
<l'Action Thématiques Programmées

permet en effet d'ouvrir l'univers scientifique

sur l'extérieur, d'une double

manière:

• en permettant d'apporter une réponse

concrète à des besoins ressentis

par le pays et traduit dans les axes de

recherche : ainsi, entre autres exemples,

les problèmes de l'Education feront

l'objet d'une Action Thématique

Programmée en Sciences de l'Homme ;

• en rendant plus intelligible, parce

qu'explicites, publiées, et clairement

raccrochées aux finalités, un certain

nombre d'actions qui, certes, ne recouvrent

pas - et ne doivent pas recouvrir

- l'ensemble de l'activité du

C.N.R.S. mais qui lui donnent, à l'extérieur,

une image de marque conforme

à sa vocation ; de fait la mission spécifique

du C.N.R.S. est d'apporter à la

recherche un soutien sélectif et initiateur.

Une technique

adaptée aux

impératifs actuels

du travail

scientifique ...

Les Actions Thématiques Programmées

apparaissent comme le moyen donné

aux chercheurs de s'affranchir de deux

contraintes, celles tenant au découpage

en disciplines ou en unités de travail

cloisonnées, et celle résultant de l'absence

de garantie sur les crédits.

L'un des principaux objectifs des Actions

Thématiques Programmées consiste

à rassembler, autour d'un thème

de recherche, des scientifiques venus

d'horizons différents, à l'intérieur d'un

même secteur, voire d'un secteur à

l'autre. Elles sont fréquemment donc

interdisciplinaires.

Ainsi les Actions Thématiques Programmées

en Sciences de l'Homme

font-elles. pour la plupart, appel à plusieurs

spécialités de ce domaine.

D'autres Actions Thématiques Programmées

sont intersectorielles, rassemblant,

par exemple, autour de l'étude

des surfaces, chimistes, physiciens,

mathématiciens et biologistes.

Les Actions Thématiques Programmées

constituent d'autre part une assurance

de financement, précieuse pour la continuité

du travail scientifique. L'affichage,

plusieurs années à l'avance, des

thèmes pouvant faire l'objet d'Actions

Thématiques Programmées est de nature

à donner aux scientifiques une indication

sur leurs chances d'obtenir un

soutien particulier du C.N.R.S.

Surtout, l'inconvénient de l'annualité

budgétaire se trouve enfin complètement

éliminé. Les Actions Thématiques

Programmées ne constituent en effet

pas seulement - comme les Actians

Spécifiques - un engagement de

la Direction du C.N.R.S. à reconduire

une certaine masse de crédits pendant

quelques années ; leur inscription sur

les crédits d'Autorisations de Programmes

les met à l'abri des aléas conjoncturels.

La garantie donnée pour l'exécution

d'un programme est donc totale.

Une procédure

pragmatique ...

Les modalités et les objectifs propres

aux Actions Thématiques Programmées

expliquent le recours à une procédure

essentiellement pragmatique qui

concilie le souci de publicité avec

l'exigence d'efficacité.

Une Action Thématique Programmée

s'analyse concrètement en un programme

assez vaste, portant sur plusieurs

années, et se décomposant en un certain

nombre de thèmes de recherches

plus précis. Elle implique donc le recours

à différentes équipes de chercheurs,

se consacrant chacune à une

tranche du programme d'ensemble.

L'analyse de la structure fine de l' Action

Thématique Programmée, l'arbitrage

entre les projets des équipes correspondant

à chacune de ses tranches,

et enfin le contrôle des réalisations,

impliquent le rassemblement d'un certain

nombre de compétences placées

dans les meilleures conditions de travail

possibles. En même temps, la nécessité

d'attirer le concours, sur chaque

thème, des spécialistes les plus qualifiés,

implique une publicité suffisante

pour garantir aussi bien l'égalité des

chances que l'impartialité des jugements.

La procédure mise en place en 1971

à titre expérimental paraît répondre de

manière satisfaisante à ces diverses

·préoccupations.

Des comités d' Actions Thématiques

Programmées sont institués, qui ont

mission d'intervenir à trois stades :

• l'analyse du thème général et son

découpage en sujets plus précis soumis

à la communauté scientifique,

• l'arbitrage entre les projets de recherche

présentés,

• le contrôle de l'exécution.

Ces comités, qui constituent la pierre

angulaire du système, sont issus du

rassemblement des personnalités les

plus compétentes du domaine intéressé

par l'Action Thématique Programmée.

De fait, trois membres des sections

concernées du Comité National peuvent

y participer ; l'appel à des personnalités

extérieures permet en outre de

diversifier au maximum la composition

du Comité, notamment par le recours

quasi systématique à des personnalités

étrangères.

Ainsi, tous les comités d'Actions Thématiques
Programmées de Sciences

Humaines comporteront la présence

d'un spécialiste étranger, et cette pratique

devrait, à l'avenir, se généraliser

dans les autres secteurs.

Cet aréopage d'experts ne pourrait toutefois

pas fonctionner dans des conditions

utiles, s'il était exagérément nombreux

: aussi une limite maximale estelle

fixée au nombre des participants.

La contractualisation du système offre

une autre garantie d'efficacité : l'idée

est celle d'un engagement réciproque,

de la part de la Direction du C.N.R.S.

sur les moyens accordés, et de la part

des parties prenantes sur le respect des

objectifs et de l'échéancier, les comités

d'Actions Thématiques Programmées

contrôlant la bonne exécution du
contrat.

Une large publicité ...

Pour être inspirée par un souci d'efficacité

et de souplessse maximale, la

procédure n'est ni confidentielle ni

discrétionnaire : aussi bien la volonté

d'attirer les meilleurs projets et les

meilleures équipes requiert-elle une

large information.

Les sujets d'Actions Thématiques Programmées

font donc l'objet d'appels

d'offres, lancés dans la communauté

scientifique ; les appels d'offres comportent

des indications scientifiques

sur l'Action Thématique Programmée,

et les thèmes précis mis au contrat, des

informations administratives sur la procédure,

enfin, la fixation d'une enveloppe

financière dans laquelle doivent

s'inscrire les propositions. S'il aurait

été sans objet, s'agissant de sujets très

spécialisés, de donner aux appels d'offres

une diffusion universelle, il fallait

s'assurer que tous les milieux susceptibles

d'y être intéressés et d'y répondre,

en seraient informés : c'est la

raison pour laquelle, en plus des laboratoires

propres, des formations associées

du secteur, et, éventuellement, des

formations bénéficiant de Recherches

Coopératives sur Programme, les Universités

et les sections du Comité National

susceptibles de comporter en leur

sein des spécialistes du domaine sont

destinataires des appels d'offres.

Les possibilités de contrôle données au

Comité National et au Directoire, par

l'intermédiaire des représentants des

sections aux comités d'Actions Thématiques

Programmées, et par l'information

donnée en séance sur le lancement

et l'exécution des Actions Thématiques

Programmées, permettent à

un mécanisme ouvert à tous, de fonctionner

en outre dans des conditions de

publicité qui assurent l'emploi le plus

juste et le plus rationnel des crédits

ouverts.

Joëlle Lombard-Platet,

Secrétaire des Affaires Etrangères.

LA CRÉATION DE L'I. N2 • P3•

M. Jean Teillac et M. Georges Ricci ont été nommés
le 19 avril 1971, respectivement, Directeur de

l'Institut National de Physique Nucléaire et de

Physique des Particules et Directeur-Adjoint

administratif.

Cet Institut, déjà connu sous le signe I N2 P3, est

l'aboutissement d'un projet dont l'étude fut

confiée à M. Teillac en 1969.

M. Teillac, Chevalier de la Légion d'Honneur,

Officier de l'ordre du mérite, est professeur titulaire

(il a été nommé en 1959 dans la chaire de

physique nucléaire et radio-activité ; succession

de M. Frédéric J oliot), et Directeur de la section

de physique-chimie de la fondation Curie - Institut

du Radium.

Ses principaux travaux portent sur la spectroscopie

nucléaire des noyaux lourds et des zones de

transition, les réactions nucléaires, notamment les

réactions de spallation.

M. Ricci est un ancien élève de l'Ecole Nationale

d' Administration.

L'I N2 P3, Institut national du C.N.R.S., aura pour
objet de coordonner et de développer l'ensemble

des recherches poursuivies dans le secteur de la

physique nucléaire et physique des particules au

sein des laboratoires universitaires et ceux du

C.N.R.S.

Il s'agit d'une structure d'accueil, qui permettra

d'harmoniser les différents programmes des organismes

intéressés, de répartir entre eux les moyens

matériels, financiers et humains, mais aussi, d'assumer

les liaisons nécessaires avec le Commissariat

à !'Energie Atomique (C.E.A.) et le Centre

Européen de Recherches Nucléaires (C.E.R.N.).

Le Directeur sera assisté d'un Conseil d' Administration

présidé par le Directeur Général du

C.N.R.S., et d'un Conseil Scientifique composé en

partie par des membres du Comité National de

la Recherche Scientifique.

Dans l'interview publiée ci-après, M. Teillac expose

les objectifs et la nature du nouvel Institut.

Monsieur le Professeur, est-ce que
vous pouvez nous dire, tout d'abord, ce

que signifie ce sigle un peu curieux

« J N2 P3 », qui ressemble à une formule

mathématique ?

Eh bien, c'est facile. I N2 P3 veut dire

tout simplement : Institut National de

Physique Nucléaire et de Physique des

Particules. Les premières lettres de chacun

des mots donnent un « I », deux

« N » et trois « P », qui correspondent

à l'expression I N2 P3

• C'est plutôt une

formule le chimie qu'une formule de

mathématiques.

• Cet institut n'a-t-il pas pour objet

de regrouper un certain nombre de laboratoires

déjà existants ?

C'est peut-être moins un regroupement

qu'une coordination de l'activité des

laboratoires de physique nucléaire

et de physique des particules qui est

recherchée par la création de cet institut.

Précisons d'abord qu'il s'agit des

laboratoires de physique nucléaire et de

physique des particules qui dépendent

ou qui sont sous la tutelle du Ministère

de l'Education Nationale. Certains

d'entre eux sont des laboratoires propres

du C.N.R.S., certains sont des

laboratoires universitaires, d'autres dépendent

du Collège de France. Une

exception toutefois : le laboratoire Leprince-

Ringuet de l'Ecole Polytechnique,

qui dépend du Ministère de la

Défense Nationale. Pour·'. être plus

complet il faut ajouter à cette énumération

les formations de recherches, que

sont les groupes et équipes de recherches

associés.

L'institut national a donc pour but de

coordonner leurs activités au sein du

Ministère de l'Education Nationale.

Comme vous savez, les moyens de recherche

de ces laboratoires sont des

moyens considérés comme « lourds »,

c'est-à-dire qu'ils impliquent des crédits

relativement importants. Il n'était

pas possible de ne pas limiter la création
de laboratoires et la commission

de physique nucléaire du C.N.R.S. y a

toujours veillé. Il est ainsi possible de

répartir les crédits entre des centres

parfaitement définis et de leur donner

les moyens suffisants pour que puisse

se faire une recherche compétitive.

• Il s'agit donc de coordination au niveau

de la répartition des moyens.

Mais l'i N2 P3 n'aura-t-il pas également

un rôle en ce qui concerne les activités

de recherche elles-mêmes. Autrement

dit, le nouvel Institut aura-t-il

à intervenir dans la définition des programmes

des travaux poursuivis dans

ces laboratoires ?

En effet le premier objectif de l'I N2P3

sera de procéder à l'harmonisation des

programmes de recherches de ces laboratoires.

Ce travail a déjà été amorcé

durant la phase de préparation de

l'I N2 P3

, en liaison avec les instances

qui préparaient le VI" Plan, et à partir

des idées et des discussions de la commission

du Comité National.

• L'I N2P3 est un institut national.

Est-ce à dire qu'il aura compétence sur

tous les laboratoires français qui font

des recherches en physique nucléaire

et en physique des particules.

Il est exact que l'I N2P3 est un institut

national, mais il existe en France un

autre organisme qui procède à des recherches

fondamentales, notamment

dans le domaine de la physique nucléaire

et de la physique des particules

: il s'agit du Commissariat à !'Energie

Atomique. Le C.E.A. a depuis sa

création poursuivi des recherches en

physique nucléaire et physique des particules.

Il dépend du Ministre du développement

industriel et scientifique, et

poursuivra donc indépendamment de

l'Institut national son activité dans ce

domaine. Je dis indépendamment, ce

n'est pas tout à fait exact comme je

vais le préciser dans un instant.

La deuxième mission de l'Institut National

de Physique Nucléaire et de

Physique des Particules sera en effet de

resserrer les liens avec le Commissariat

à !'Energie Atomique, de façon à ce

que, sur le plan national, les recherches

soient coordonnées dans leur ensemble.

Par ailleurs vous savez que la

France participe au C.E.R.N. Les physiciens

français, qu'ils dépendent de

l'Education Nationale ou du Commissariat

à !'Energie Atomique, vont procéder

à des expériences auprès des

machines du C.E.R.N. et il est bien

certain que si l'on souhaite que les

moyens soient répartis de la meilleure

façon possible, il est nécessaire

d'étendre cette coordination à la participation

française au C.E.R.N. qui est

rattachée au Ministère des Affaires

Etrangères

Vous venez d'expliquer Monsieur
le Professeur les objectifs de l'i N2 P3



Pouvez-vous me dire, maintenant que

nous savons à quoi il sert, comment il

est organisé et de quoi il se compose ?

Je pense que c'est le moment de préciser

qu'il s'agit d'un institut national

du C.N.R.S. Le C.N.R.S. a en effet

vocation pour créer, si besoin est, des

instituts nationaux dans des domaines

de recherche particuliers. Il l'a déjà

fait en ce qui concerne l'astronomie

et la géophysique en créant l'I.N.A.G.

On peut dire que l'I N2 P3 est le second

institut national de ce type, si l'on excepte

l'A.N.V.A.R. En fait l'I N2 P3

sera différent de l'I.N.A.G. par sa forme

administrative puisqu'ayant le statut

d'établissement public il aura une

certaine autonomie et une personnalité

juridique.

• Le C.N.R.S. a donc des enfants

qui ne se ressemblent pas tous ?

Pas tous en effet et cela me paraît ju_dicieux.

La forme retenue pour

l'I N2 P3 est certainement bien adaptée

aux problèmes qui se posent dans le

domaine de la physique nucléaire et

de la physique des particules, où, à côté

de la répartition de gros moyens, il y

a aussi des problèmes de gestion qui

doivent se traiter avec les laboratoires

intéressés.

Le fait que ce soit un établissement

public n'implique d'ailleurs pas une

séparation avec le C.N.R.S. Les liens

entre les deux organismes seront nombreux,

d'abord parce que l'I N2 P3 est

placé sous la tutelle du C.N.R.S., ensuite

parce qu'un certain nombre de

relations organiques sont prévues par le

décret de création. J'en citerai deux

exemples. Le premier est que le président
du conseil d'administration - organisme

suprême dans un établissement

public - est le directeur général

du C.N.R.S., son directeur administratif

et financier et le directeur scientifique

compétent participant également

à ce conseil.

Le second c'est que la commission 06

élargie du Comité National est le

conseil scientifique de l'i N2 PB. Au

delà de ces liaisons organiques il est

certain que d'autres liens se tisseront

peu à peu. C'est ainsi que le C.N.R.S.

invitera le directeur de l'i N2 PB à participer

à certains de ses comités de di-

' rection où seront débattus des problèmes

d'orientations scientifiques générales

ou abordées des questions relatives

à l'i N2 PB.

• Vous êtes, Monsieur le Professeur,

le directeur de l'i N2 PB. Pouvez-vous

dire qui est le directeur de l' I N2 ps. et

comment il voit le démarrage et l' avenir

prochain de cet organisme.

Qui est le directeur de l'i N2 PB ? Eh

bien je dirai que je suis professeur à

l'université de Paris VI depuis 1958.

J'ai assuré de 1958 à 1969 la direction

de l'Institut de Physique Nucléaire à

Orsay.

• Pour un universitaire, pour un

chercheur, devenir directeur d'un institut

tel que celui-là avec toutes les

charges administratives que cela doit

représenter, n'est-ce pas prendre le

risque de se voir détourné de sa vocation

propre ?

Des charges rrès lourdes ...

Vous avez tout à fait raison et on peut

se demander d'ailleurs pourquoi les

universitaires acceptent des charges de

direction. En effet la direction d'un

institut comme l'Institut national apporte
des charges très lourdes du point

de vue administratif et, par conséquent,

supprime en fait pendant la durée du

mandat toute possibilité réelle de travail

dans un laboratoire. Heureusement

de telles charges sont maintenant, d'une

façon très générale, limitées dans le

temps. Par exemple, pour l'Institut National

de Physique Nucléaire et de Physique

des Particules, le mandat est de

cinq ans renouvelable une fois au maximum.

10 ans font une période considérable

et je pense que, dans toute la

mesure du possible il est raisonnable

de se limiter à un seul mandat.

• Et pour l'avenir ? Il faut sans doute

d'abord mettre sur pied cet institut, ce

n'est pas rien, mais une fois cela atteint,

n'y a-t-il pas certains objectifs auxquels

vous vous attacherez plus particulièrement?

Dans l'immédiat, et ceci est évidemment

essentiel, il faut trouver le personnel

de façon à créer une infrastructure

administrative et scientifique telle

que l'Institut puisse fonctionner. Je

pense que cette étape durera au moins

une bonne année.

Comme objectifs, eh bien nous sommes

dans une période où, pour la physique

nucléaire, nous avons avant tout des

soucis de choix, dans un contexte où

les crédits sont très limités. En effet,

au cours du VI" Plan, il a été prévu

que la physique nucléaire ne devrait

pas croître à un rythme supérieur à

5 % par an. C'est un rythme qui est

inférieur à la croissance des autres

secteurs de la recherche.

Cette décision a été prise après une

étude soignée, faite sur la place qu'occupe

la physique nucléaire dans l'ensemble

scientifique français.

Il est certain que la physique nucléaire

avait connu pendant une quinzaine

d'années un développement relativement

rapide. Tout le monde est d'accord,

y compris les physiciens nucléaires

pour que le domaine de recherche

fondamentale soit un domaine équilibré,

dans lequel chaque secteur trouve

une place raisonnable.

Toutefois, il reste bien évident qu'on

risque de compromettre gravement

l'avenir d'une discipline qui se trouve

avec un taux d'expansion nettement

inférieur à la moyenne. Il y aura là

un problème vital pour l'Institut National

: celui de préserver la vie de

la discipline et de ne pas l'engager

dans une voie irréversible qui conduirait

à une baisse de potentiel très considérable

sur le plan national.

• Les choix seront donc très difficiles

à faire?

Dans certains domaines de la physique

nucléaire et physique des particules,

des choix ont déjà été faits puisque

la France a décidé de participer au

300 GeV. On peut donc dire que l'avenir

est assez bien défini pour une très

longue période, pratiquement jusqu'à

la fin du siècle. La machine de 300

GeV qui se construit au voisinage du

C.E.R.N. actuel sera opérationnelle

vers 1977. Certaines idées qui sont actuellement

en train de se concrétiser

permettent de penser qu'on pourra

peut-être porter l'énergie initialement

prévue de 300 GeV à 800 ou 1 000

GeV.

On a, par conséquent, devant nous une

longue période d'expérimentation. Cela

peut nous conduire jusque vers l'an

2000.

Dans l'immédiat on doit donc veiller à

ce qu'un effort d'équipement soit fait

pour que nos physiciens puissent bénéficier

de cet investissement européen.

Dans le domaine de la physique nucléaire

les choix sont beaucoup plus

difficiles, c'est un domaine plus vaste,

déjà beaucoup plus fouillé. Les machines

sont plus variées par conséquent

il est moins aisé d'arrêter un choix. Il

est certain qu'au VI° Plan, nous

n'avons pas les moyens pour construire

une nouvelle machine. C'est donc

avant tout vers l'exploitation des machines

existantes ou des machines qui

sont en cours de réalisation qu'on va

travailler. En particulier les 2 Van de

Graff achetés par le C.N.R.S., dont

l'un est à Strasbourg et l'autre à Orsay,

doivent être équipés et utilisés.

Le cyclotron de Grenoble est aussi une

machine qu'il faut continuer à exploiter,

elle vient d'être mise en marche il

y a seulement 2 ou 3 ans.

Faudra-t-il rénover certains appareillages

plus anciens ou essayer de définir

des objectifs nouveaux ? Il est évidemment

trop tôt pour que je puisse vous

dire quelque chose à ce sujet et nous

envisageons d'en faire le sujet de prochaines

discussions.

LE POINT
L'étude des propriétés magnétiques des corps fait

l'objet d'un des chapitres les plus attachants de la

physique des solides. C'est aussi un chapitre des

plus anciens : depuis plus de trois mille ans la

pierre d'aimant ou magnétite a attiré l'attention

des curieux de la nature et les actions à distance

qu'elle met en jeu ont alimenté depuis longtemps

les spéculations des philosophes.

Malgré son ancienneté, le Magnétisme reste un

sujet toujours actuel. Il a donné lieu très récemment

aussi bien à la découverte de phénomènes

fondamentaux comme celle de l'effet Kondo que

de nouveaux matériaux à propriétés extraordinaires

comme celle du composé SmCo5 dont l'anisotropie

magnétocristalline est la plus grande

connue.

Du point de vue théorique, c'est un sujet passionnant

par la variété des phénomènes et des

concepts qui entrent en jeu : interactions magnétiques

diverses à courte et à longue distance, phénomènes

coopératifs, changements de phase. C'est

aussi à son propos que l'hystérésis et l'influence du

temps peuvent s'étudier expérimentalement avec

le plus de précision, dans les conditions les plus

diverses et s'interpréter avec les modèles les plus

simples. Enfin, d'un point de vue macroscopique,

la richesse des types possibles de décomposition en

domaines élémentaires dépasse toujours l'imagination

des théoriciens et leur pose de perpétuels

défis.

Du point de vue des applications, celles du

Magnétisme sont aussi nombreuses que variées. A

l'époque des grandes découvertes, les aimants des

compas de marine ont permis l'exploration du

monde. Aujourd'hui, la mémoire magnétique des

roches permet de remonter dans l'histoire de notre

globe à quelques centaines de millions d'années

en arrière et fournit une preuve décisive de

l'expansion océanique et de la théorie des dalles

tectoniques : notions fondamentales qui donnent

de nouvelles bases à la Géologie.

Nous devons être reconnaissants à M. Averbuch,

Maître de Recherche au C.N.R.S., l'un des meilleurs

spécialistes de la physique des solides sous

son aspect moderne, d'avoir bien voulu rédiger

un exposé sur l'état actuel du ferromagnétisme et

les problèmes qu'il pose encore aux théoriciens.

Je serais heureux si de tels exposés pouvaient

éveiller la vocation de futurs chercheurs.

Louis NEEL,

Prix Nobel.

LE FERROMAGNÉTISME
UN EXEMPLE D'ÉTAT CONDENSÉ

SOCRATE : « ... une puissance divine,
comme dans le cas de la pierre appelée

magnétique par Euripide et qu'on appelle

le plus souvent pierre d'Héraclée

».

PLATON.Ion

La force magnétique est animée, ou

imite la vie.

GILBERT, de Magnete

Depuis la découverte de la pierre d'aimant,

le magnétisme - en fait, le ferromagnétisme

- a posé un défi particulier

à l'esprit humain. Le désir de

relever ce défi fut l'une des motivations

des physiciens du XIX• siècle qui établirent

la théorie électromagnétique

qui, sous sa forme moderne, l'électrodynamique

quantique, représente l'une

des constructions les mieux établies de

la théorie physique. Mais l'existence

d'une phase magnétique «condensée»

n'aurait pas dû paraître plus étrange

que l'existence des phases solide et

liquide pour une substance pouvant

exister sous forme gazeuse - et l'eau

est bien connue - si, dans le cas du

ferromagnétisme, n'étaient apparues

des forces à long rayon d'action. Le

seul autre cas connu de tout temps est

la gravitation qui, étant universelle, surprend

moins.

Il a fallu cependant attendre jusqu'en

1895 que Pierre Curie établisse expérimentalement

l'existence de corps diamagnétiques

- à moment magnétique

induit antiparallèlement au champ -

de corps paramagnétiques - à moment

induit parallèlement - et de ferromagnétiques,

à aimantation permanente.

Chauffés au-delà d'une certaine température

ou point de Curie, ces derniers

deviennent paramagnétiques. En 1905,

Langevin montrait que le diamagnétisme

est créé par un courant orbital, expliquant

l'absence d'effet thermique;

il montrait également que le paramagnétisme

nécessitait l'existence de moments

permanents et que la variation

de la susceptibilité en fonction inverse

de la température était une conséquence

de la statistique de Boltzmann.

En 1907, le pas décisif était franchi par

Pierre Weiss. Il supposait que les moments

élémentaires interagissent par un

« champ moléculaire». Dans ces conditions,

à des températures inférieures

au point de Curie, l'agitation thermique

ne peut suffire à empêcher les

moments magnétiques de s'aligner; au

contraire, aux températures supérieures

on a un comportement paramagnétique

avec une susceptibilité inversement proportionnelle
à T-Tc, au lieu de T. Par

ces travaux, et par ceux de Van der

Waals sur la condensation liquide-gaz,

fut créée la théorie générale des changements

de phase. Mais Pierre Weiss

alla plus loin, il montra que l'existence

d'une phase magnétique condensée

uniforme empêchait les lignes de flux

de se refermer sans avoir parcouru un

grand trajet dans l'espace. Dans ces

conditions, il devait exister des états de

moindre énergie où les lignes de flux

« préfèreraient » se refermer dans

l'échantillon, séparé alors en domaines.

On voit ici la complication apportée

par les interactions à distance, complication

qui a son analogue dans les

systèmes ferroélectriques et supraconducteurs

découverts depuis.

•••

Les idées dominant toute conception

théorique du magnétisme étant établies,

il restait à comprendre la nature des

moments élémentaires et de leurs interactions.

C'est la mécanique quantique

qui a rendu cette description possible,

et ce sera le but de la première partie

de montrer ce qui est acquis et quels

problèmes restent à résoudre. Dans la

seconde partie, seront abordés les problèmes

de mécanique statistique posés

par le désir et la nécessité expérimentale

d'une description plus fine et plus

générale que celle de Pierre Weiss.

Enfin, dans une troisième partie seront

discutés les problèmes macroscopiques,

posés par les interactions à distance,

donc l'existence de domaines.

Nature des porteurs et

de leurs interactions

Le premier, Ampère a suggéré que les

aimants élémentaires pouvaient être

des courants moléculaires ; en fait,

l'explication donnée par Langevin du

diamagnétisme, et son adaptation quantique,

ont confirmé cette hypothèse.

Cependant, la mise en évidence du

spin de l'électron, grâce à la spectroscopie

atomique, a permis de comprendre

l'existence d'un autre magnétisme,

sans équivalent en mécanique préquantique.

Dans tous les cas, à un moment

magnétique est associé un moment cinétique,

mais à égalité de moment cinétique

le spin porte deux fois plus de

magnétisme - on dit : g = 2. Sauf

quelques exceptions, le couplage entre

le spin et le champ magnétique créé

par le mouvement orbital de l'électron,

particule chargée, se traduit par un g

différent de 2.

Ce phénomène est particulièrement

bien étudié dans le cas d'impuretés magnétiques

dans un sel ou un oxyde non

magnétique par la technique de la résonance

paramagnétique développée

en premier lieu par l'Ecole d'Oxford.

Cette spectroscopie consiste en l'observation

des transitions entre niveaux

magnétiques. Le couplage spin-orbite,

d'une part, l'influence des ions voisins

sur le mouvement orbital des électrons

de l'ion magnétique d'autre part, influencent

la valeur du g ; réciproquement,

de cette dernière on déduit des

informations intéressantes sur l'ion et

son environnement. Signalons que pour

des champs courants au laboratoire, les

fréquences d'observation sont des hyperfréquences

(fig. 1), que le même

phénomène de résonance existe pour

les noyaux, en l'absence de magnétisme

orbital dans leur cas; l'observation

se fait ici aux radiofréquences. Nous reviendrons

sur ce magnétisme nucléaire

ultérieurement.

L'interaction entre spins électroniques

posait un problème que seule la mécanique

quantique a pu résoudre. En

effet, l'interaction magnétique entre

dipoles est bien trop faible pour expliquer

des températures de Curie très

supérieures à 1°K. Pour résoudre la difficulté,

Heisenberg a fait appel au

principe d'exclusion de Pauli ; ce dernier

est lié à l'indiscernabilité des électrons

et, entre autres, entraîne que deux

électrons de spins parallèles ne peuvent

être au même instant dans le même

état orbital - donc au même point, par

exemple. Il en résulte que chaque

électron « étant un peu tous les autres

de spin parallèle», une correction doit

être apportée à l'expression des forces

électrostatiques ; cette correction est

une diminution de l'énergie électrostatique

entre spins parallèles ; on dit

techniquement - et l'on démontre -

que l'intégrale d'échange J est positive.

C'est la raison pour laquelle les spins

des électrons d'un ion libre tendent à

s'aligner (première règle de Hund).

Mais la réalité n'est jamais aussi simple

et l'utilisation de cet argument pour

obtenir une interaction entre spins

seuls, surtout dans le cas d'un solide,

c'est-à-dire d'un problème à N corps

(sous entendu N - oo ), pose des problèmes

mathématiques extrêmement

ardus. Mais cette théorie devrait s'appliquer

surtout aux isolants ; or, dans

ce cas, l'intégrale d'échange est souvent

négative, ainsi que l'ont suggéré Neel

et Landau pour expliquer les propriétés

magnétiques de certains composés.

L'explication donnée et raffinée par

Kramers, Van Vleck, puis P.W. Anderson

réside dans le phénomène de superéchange

où l'on tient compte des orbitales

des ions magnétiques et de leur

interaction d'échange avec les orbitales

des ions non magnétiques ( oxygène,

fluor ... ). Les règles de Goodenough et

Kanamori permettent de prévoir le

signe des couplages en fonction de la

structure géométrique des sels ou oxydes.

Nous reviendrons ultérieurement

sur ce problème avec un autre point

de vue.

La théorie développée jusqu'ici ne

s'applique pas aux conducteurs ; il est

cependant possible de garder ce modèle

ionique avec quelques modifications

pour les terres rares et leurs alliages.

Les électrons magnétiques 4f

de la plupart des terres rares sont, en

effet, localisés, mais leurs interactions

ont lieu par l'intermédiaire, non plus

des électrons des anions, mais des

électrons de conduction, c'est-à-dire

d'électrons dont les fonctions d'ondes

orbitales s'étendent sur tout l'échantil

Ion. Le couplage spin-orbite entraîne
que l'aimantation localisée soit de nature

mixte; par ailleurs, l'intégrale

d'échange est entre spin localisé et spin

de conduction, d'où un couplage en

(g - 1) proposé par de Gennes et qui

n'est qu'une première approximation

que l'on cherche actuellement à raffiner.

Maintenant, toute perturbation localisée

dans un gaz d'électrons de conduction

entraîne des oscillations, ainsi

que l'a montré Friedel ; ici, on aura

des oscillations de polarisation magnétique

du gaz d'électrons, donc une interaction

entre ions de terres rares dont

le signe varie avec la distance et qui

décroît en r-3

• C'est une interaction du

type de celle envisagée par Ruderman

et Kittel pour des spins nucléaires dans

un métal.

Un cas déjà différent est celui de métaux

de transitions dont les électrons

magnétiques d sont assez délocalisés ;

ont dit qu'ils forment une bande d

étroite. On peut concevoir cette notion

de largeur de bande ainsi : les électrons

des atomes isolés ont une énergie

bien définie ; en rapprochant ces atomes

on permet aux électrons de sauter

de l'un à l'autre, et leur délocalisation

permet de préciser leurs vitesses

d'après le principe d'incertitude. On

peut ainsi diminuer l'énergie cinétique

moyenne de certains d'entre eux et ce,

d'autant plus que les atomes sont proches,

ou que les fonctions d'ondes atomiques

se recouvrent. C'est pourquoi,

on a liaison chimique par les électrons

s et p extérieurs dont les fonctions

d'onde sont assez rares. Au contraire,

des électrons f sont localisés et ne forment

pas de bande. Les électrons d

sont intermédiaires. En présence d'un

champ magnétique un gaz d'électrons

présente une susceptiblité initiale indépendante

de la température (Pauli) ;

pour des électrons d cette susceptibilité

est augmentée du fait de l'échange,

et peut même entraîner l'apparition

d'un ordre magnétique, de type ferromagnétique

(nickel, alliage Zn Zr2), ou

antiferromagnétique (chrome) dans le

cas d'un échange fonction rapidement

variable du transfert d'impulsion. Ce

modèle, dû à Stoner, semble insuffisant

pour le cobalt et le fer.

Il est possible, maintenant, de revenir

au problème des isolants, en essayant

de comprendre pourquoi les électrons

d du fluore de manganèse, par exemple,

ne forment pas une bande étroite,

au lieu d'être localisés. La raison, due

à Mott, réside dans un bilan entre le

gain d'énergie cinétique obtenu par formation

d'une bande et la perte en énergie

d'interaction coulombienne entre

électrons ; on conçoit, en effet, que le

fait, pour les électrons, de se promener

tous librement dans le cristal augmente

cette énergie par rapport à la situatian

où chacun d'eux reste à sa place

aux noeuds d'un réseau. C'est en tenant

compte de ces «corrélations» qu'Anderson

a pu donner une théorie globale

du magnétisme des isolants, théorie

qui justifie la description ionique.

Cette description n'est plus valable si

l'on diminue les distances intératomiques,

ce que l'on peut obtenir sous

pression, par exemple pour le sesquioxyde

de vanadium. C'est la transition

de Matt, entre conducteur et isolant

magnétique, sujet d'actualité.

Il y a encore un cas important, celui

d'une impureté de transition dans un

métal «normal». Dans ce cas les

fonctions d'onde d se mélangent avec

les fonctions s, et l'on peut dire que

la diffusion des électrons s sur l'impureté

présente une résonance ou un état

lié virtuel d; cela signifie qu'un électron

s arrive, est capturé quelque temps

sous forme d'électron d localisé, puis

réémis. Cette situation, étudiée par

Friedel, Blandin, Anderson et de nombreux

théoriciens à leur suite, est intéressante

du fait que les électrons d

de l'impureté interagissent selon la règle

de Hund, s'ils y restent assez longtemps

pour qu'une différence d'énergie

de J ait un sens, d'après la« quatrième

relation d'incertitude». On a alors découplage

magnétique de l'impureté,

puis interaction du type RudermanKittel

entre ces impuretés Il se peut que

la condition de découplage ne soit pas

satisfaite pour une impureté isolée mais

le devienne pour un groupe de deux ou

trois impuretés, ainsi que Tournier et

al l'ont montré expérimentalement pour

le cobalt dans le cuivre ou l'or. Ces impuretés

découplées peuvent interagir

selon un processus analogue au couplage

Ruderman-Kittel décrit plus haut

mais plus intense. Si, de plus, la matrice

présente par elle-même de l'échange,

on peut passer au ferromagnétisme

comme c'est le cas pour le nickel dans

le palladium. On peut également généraliser

ce modèle à l'ion de transition

dans son propre métal, et c'est peutêtre

dans cette voie qu'il faudra chercher

le modèle adapté à la description

du fer et du cobalt.

Enfin, dans le cas d'une impureté magnétique

et d'un couplage d'échange

avec les électrons de conduction, il est

possible de fabriquer un état quantique

du système qui soit un mélange de tous

les états magnétiques possibles de l'impureté

et du gaz de conduction. Cet

état « ne brisera pas la symétrie » initiale

de l'ensemble et ne sera pas magnétique.

C'est l'état fondamental dans

le cas de J < 0, ce qui signifie qu'à

très basse température on ne verra plus

de magnétisme; on a l'effet Kondo qui

commence à être compris. Les interactions

entre impuretés cassent l'effet

Kondo, ce qui oblige à travailler sur

des alliages extrêmement dilués ( on va

jusqu'à quelques p.p.m.). En effet, des

systèmes à N corps, au sens décrit cidessus,

ont, eux le droit de briser leur

symétrie, car le temps d'un saut quantique

entre les différents états, dont

seul l'ensemble restitue la symétrie initiale,

devient très long, par un phénomène

analogue à la « catastrophe d'orthogonalité

» à laquelle il a été fait

allusion plus haut. Sans cela il n'y

aurait pas de ferromagnétisme et, plus

généralement, d'états condensés.

Les problèmes

statistiques

Si, maintenant, nous avons une description

« mécanique» des systèmes magnétiques,

il reste à étudier comment, à

partir des propriétés macroscopiques,

on passera à la description, disons d'un

domaine. Si toutes les intégrales

d'échange sont positives, les spins seront

alignés et l'on aura ferromagnétisme.

Sinon, les situations peuvent devenir

très complexes ; ainsi pour

J < 0, Neel a montre théoriquement

que l'on doit avoir un arrangement de

plans alternativement aimantés dans

l'une, puis l'autre direction et a étudié

les conséquences de cet arrangement

sur les susceptibilités. On a « antiferromagnétisme

».

Les choses peuvent se compliquer s'il

existe plusieurs espèces d'ions magnétiques

; on a alors la possibilité de couplage

entre sous-réseaux et « ferrimagnétisme

», nom imaginé par Neel qui

a prévu le phénomène. Ce cas est celui

de Fe3 0 4, la pierre d'aimant, étant

donné la présence d'ions Fe++ et

Fe+++. Beaucoup plus spectaculaire

est le cas des ferrites de terres rares,

étudiés expérimentalement par Pauthenet

et, en particulier, des grenats de

terres rares découverts par Bertaut et

Farrat.

Mais tous ces arrangements supposent

les spins parallèles à un même axe. Ce

n'est pas nécessaire et ainsi, dans les

métaux de terres rares, il existe des

phases dites hélimagnétiques où les

spins d'un plan cristallographique sont

parallèles entre eux, mais font un angle

e quelconque avec ceux du plan suivant.

La nature est très riche en possibilités,

et l'hélimagnétisme est l'analogue

des antiphases cristallographiques.

Toutes ces études ont été rendues

possibles par la diffraction magnétique

des neutrons qui a confirmé les premières

prévisions théoriques, puis est

devenue un outil indispensable (fig. 2).

Il est parfaitement possible, en principe,

par des théories de champ moléculaire,

de prévoir les phases magnétiques

et les changements de phase en

fonction de la température et des
champs magnétiques appliqués. Il y a

là un domaine assez riche, avec les

champs élevés que l'on sait maintenant

obtenir, pour des études expérimentales

de transitions de phase magnétique.

La connaissance des structures magnétiques

- ou cristallographie du

magnétisme - établie, il importe de

connaître l'équivalent des vibrations

magnétiques des réseaux, ou phonons,

c'est-à-dire les vibrations magnétiques

des systèmes de spin, ou magnons. Ces

excitations élémentaires sont des modes

collectifs, les interactions d'échange

empêchant que le retournement local

d'un spin reste une perturbation

localisée, ainsi que l'a montré F. Bloch

en 1930. En tenant compte aussi des

spins nucléaires couplés fortement aux

spins électroniques par interaction hyperfine,

mais faiblement entre eux, on

a pu prévoir théoriquement des modes

mixtes quelques fois observés jusqu'ici.

La méthode de choix pour observer

les magnons est l'étude de la diffraction

magnétique des neutrons, important

domaine permettant des comparaisons

détaillées entre théorie et expérience.

Les neutrons ne remplaceront

cependant pas en tout d'autres méthodes

comme la résonance ferro-magnétique,

excitation du mode uniforme des

magnons ; cette dernière reste précieuse

pour étudier les durées de vie ainsi

que certains effets non linéaires qui ont

conduit à des applications. Enfin, signalons

que la théorie des magnons

peut inclure la variation thermique de

leurs fréquences avec la température ;

cette « renormalisation thermique »,

systématisée par Tyablikov et l'Ecole

soviétique, réunifie les concepts de magnons

et de champ moléculaire, permettant

un traitement théorique assez

fin des changements de phases magnétiques.

L'analogue pour les réseaux

atomiques, la renormalisation thermique

des phonons, permet de décrire la

fusion, par un module de cisaillement

qui tend vers zéro.

Les magnons ne peuvent exister qu'en

raison du caractère « vectoriel » du

moment magnétique. Dans la limite

d'un couplage magnétocristallin infini,

les spins ne peuvent plus que s'orienter

parallèlement ou antiparallèlement au

champ magnétique et ne peuvent plus

se pencher ; les magnons alors disparaissent

et le système est décrit par le

modèle d'Ising. Ce modèle théorique

est peut-être valable pour quelques

sels. Il a été résolu théoriquement,

1

pour S = - et un réseau à deux di-

2

mensions, par Onsager ; ce fut la première

théorie parfaite d'une transition

de phase. De nombreux efforts sont appliqués

à améliorer les solutions approchées

du système à trois dimensions,

car l'on espère saisir ici de près certaines

des particularités thermodynamiques

des transitions de phase du

deuxième ordre. Ce modèle d'Ising ne

s'applique pas seulement au magnétisme

mais, avec un simple changement

de nom pour les états, aux transitions

ordre-désordre des alliages et, par extension,

à la condensation gaz-liquide.

Or, cette physique des transitions de

phase du second ordre, dont la transition

magnétique au point de Curie, en

l'absence de champ, est un exemple,

présente des difficultés aiguës. En effet,

au voisinage de la transition, une fluctuation

locale de température peut entraîner

localement l'apparition de l'autre

phase. Il en résulte des singularités

dans le comportement thermique de

différentes grandeurs physiques ; la

théorie thermodynamique due à Landau

contient elle-même ses limitations,

car l'on se met à perdre l'identité entre

valeur moyenne et valeur la plus

probable. De nombreux efforts théoriques

et expérimentaux sont développés

pour comprendre ces situations et sont

encore nécessaires ; par exemple, un

effort important est fait pour ramener

le problème à des composantes simples

en utilisant des « lois d'échelle» qui

tirent partie de la similitude géométrique

des descriptions classiques. Signalons,

à ce propos, une interprétation

de l'effet Kondo comme lié à des fluctuations

critiques d'un système au voisinage

d'une composition qui le rendrait

magnétique.

Il n'est pas possible de quitter les problèmes

statistiques sans mentionner les

résonances magnétiques, électronique

ou nucléaire et les autres méthodes de

mesure des champs hyperfins, effet

Mossbauer, corrélations angulaires ;

les champs hyperfins sont les champs

magnétiques et électriques locaux, vus

par les noyaux, c'est-à-dire ponctuels

à l'échelle électronique. Ils peuvent varier

dans le temps et, selon la vitesse

de ces variations, le spectre observé

changera d'allure. C'est pour décrire

ces phénomènes que Ayant d'une

part, Kubo et Tomita d'autre part, ont

introduit les fonctions de corrélation

quantique, apparentées aux fonctions

de Green, outil très populaire chez les

théoriciens. Il reste encore de nombreux

problèmes à résoudre dans ce

domaine des effets de mouvement.

Toute comparaison entre une théorie

statistique et l'expérience souffre cependant

de l'absence d'une connaissance

réelle des interactions : les théories

sont approximatives qui permettent de

calculer les intégrales d'échange. On

peut cependant espérer traiter des systèmes

parfaitement connus si l'on utilise

des spins nucléaires interagissant

exclusivement par couplage magnétique

dipole-dipole. Dans ces conditions

les températures d'ordre sont de 10-6

0K. Cependant, Abragam, Goldman et

al ont réussi récemment à réaliser une

expérience où seul le système des interactions

entre spins nucléaires est

refroidi à ces températures. Ils ont alors

pu observer un antiferromagnétisme

nucléaire.

Les effets
macroscopiques

de l'intéraction

à longue portée

La description du paragraphe II n'a

presque pas fait allusion au problème

de l'interaction magnétocristalline,

c'est-à-dire à la tendance qu'ont les

spins à s'orienter parallèlement à certaines

directions du cristal. On peut

évidemment tenir compte formellement

de ces forces en faisant une théorie

des magnons, par exemple, mais il

faut aussi comprendre leur origine.

Celle-ci est à rechercher, pour les sels

ioniques, dans le champ électrique cris-

, tallin ; c'est encore vrai pour les terres

rares, bien que l'effet d'écran électrostatique

des électrons de conduction

complique sérieusement le problème.

Pour les métaux de transition

on en est encore à échaffauder des

hypothèses, et les études expérimentales

précises sont très rares ; il faut

citer le travail d'Aubert et al sur le

nickel (fig. 3).

Il est plus facile d'introduire, dans une

description théorique, les effets des interactions

dipolaires magnétiques entre

spins, mais ici dès qu'il y a aimantation,

tout dépendra de la forme de

l'échantillon ; il faut déjà Jntroduire

le facteur démagnétisant, mais, surtout,

il est impossible, dans le cas de forces

à longues portées non compensées. de

les introduire dans une thermodynamique

locale. Ces difficultés théoriques

expliquent que le problème des domaines

de Weiss soit l'un des plus ardus

du magnétisme.

Pour que les lignes de force magnétiques

puissent se refermer dans l'échantillon.

il est nécessaire qu'un monocristal,

par exemple, soit séparé en domaines

(fig. 4) dont l'aimantation sera

uniforme ; mais entre ces domaines,

dans les parois de Bloch, l'aimantation

tournera, ce qui coûte de l'énergie

d'échange. et ne sera pas orientée selon

la direction de facile aimantation. ce

qui coûte de l'énergie magnétocristalline.

L'épaisseur de la paroi est déterminée

par un équilibre entre ces éner-gies. Si, maintenant, on met un champ

magnétique, on commencera par déplacer
des parois ; celles-ci interagissant

avec les impuretés éventuelles

- il y en a toujours - il en résultera

une viscosité magnétique ou traînage,

qui, réciproquement, est utilisé pour

étudier les impuretés. Au-delà du déplacement

des parois il interviendra le

retournement des domaines dans des

champs plus élevés.

Il est alors possible de comprendre,

au moins dans les grandes lignes, la

forme des courbes d'aimantation

« technique », le phénomène d'hystérésis

et le champ coercitif. Grâce à

différentes techniques. il est possible

de voir les domaines sur la surface

d'un échantillon. et ceci est indispensable

car les problèmes théoriques

sont tels qu'il semble difficile de ne

pas faire de nombreuses approximations.

où l'expérience doit être un guide

précieux. La complication introduite

par les effets à longue distance est très

sérieuse ; ainsi Neel a dû, pour expliquer

le champ coercitif. introduire la

non-planéité des parois. l'inhomogénéité

de l'aimantation dans un domaine

et l'apparition. en conséquence. de pôles

magnétiques internes. De plus. la

viscosité des mouvements de parois,

due à des forces d'ancrage. est extrêmement

sensible aux impuretés. ce qui

rend les expériences très délicates. mais

est riche en possibilités techniques.

Avant de conclure sur ces problèmes,

où beaucoup reste encore à faire. remarquons

que Brown a posé le problème

sous forme extrêmement mathématique

et, qu'en principe. les équations

en question. dites du micro-magnétisme,

devraient pouvoir être résolues.

Comme on observe en réalité un système

de- domaines. donc de" "immlarités

qui ne semblent pas exister dans les

équations primitives, la question reste

ouverte de savoir si leur complexité

entraîne des singularités ou si elles

sont encore insuffisantes pour décrire

la réalité.

Remarquons. enfin, l'analogie du type

de pensée physique nécessaire en théorie

des domaines, avec celle des métallurgistes

étudiant des déformations

plastiques et leur cinétique, ou celle

des spécialistes de l'ancrage des vortex

dans les supraconducteurs. Il serait

bon que l'utilité pratique de telles recherches

ne contrebalance pas trop l'attrait

qu'elles devraient avoir sur des

théoriciens.

En conclusion de cette revue rapide,

et très incomplète. il faut remarquer

que la recherche en magnétisme couvre

un très large éventail de problèmes,

que de nombreuses questions restent

ouvertes. et. qu'au fond. elle est inséparable

de l'ensemble de la physique

des milieux condensés. Il existe en

France une très longue tradition de

recherche dans ce domaine. et il est

rassurant de voir que l'afflux de jeunes

n'est pas limité par leur mauvaise volonté.

Cela est d'autant plus heureux

que la richesse des problèmes théoriques

et expérimentaux encore posés

font de cette branche une école de formation

particulièrement exaltante.

P. AVERBUCH.

Maître de Recherche au C.N.R.S.

PLEINS FEUX SUR...
L'INSTITUT DE RECHERCHE ET D'HISTOIRE DES TEXTES

LA FONDATION

« L'Institut de Recherche et d'Histoire

des Textes a pour mission d'étudier la

transmission écrite de la pensée humainie

; il organise les recherches concernant

la tradition manuscrite des textes

de langues diverses, dresse des inventaires

complets et méthodiques des manuscrits

disséminés dans le monde entier

et en réunit les reproductions photographiques

afin de fournir aux érudits

des instruments de travail et des

documents nouveaux. »

Donnée, en 1952 - quinze ans après

la création de l'Institut des Textes -

cette définition répondait encore à

l'objectif de son fondateur Félix Grat.

Ancien élève de l'Ecole des Chartes et

membre de l'Ecole française de Rome,

le jeune érudit s'était aperçu, au cours

des recherches personnelles qu'il avait

menées, que les manuscrits grâce auxquels

nous avions connaissance des

œuvres de l' Antiquité classique

n'étaient qu'imparfaitement inventoriés.

Un manuscrit nouvellement découvert

pouvait parfois contenir une meilleure

version d'un texte ou d'une œuvre,

et sa découverte contribuer à la

meilleure compréhension d'un auteur

ancien.

Le dessein de Félix Grat fut donc de

mettre à la disposition des chercheurs

toutes les informations nécessaires à

l'étude des textes littéraires; c'est à un

physisien, Jean Perrin, alors sous-secrétaire

d'Etat à la Recherche Scientifique,

que revint le mérite d'avoir compris

l'objectif de F. Grat et l'importance

que présentait une connaissance

meilleure de l' Antiquité classique, fondement

de notre propre culture. Sur

les fonds de la « Caisse nationale de la Recherche Scientifique », il fit ouvrir,

en 1937, un crédit qui permit à

F. Grat de commencer sa tâche. Mais

l'entreprise du savant et de ses deux

premières collaboratrices, Mlle Vielliard

et Mme Vernet, était en ses débuts

nécessairement restreinte. C'est

à la recherche des manuscrits des auteurs

latins classiques que se consacra

d'abord l'équipe, parcourant les bibliothèques

d'Europe pour en rapporter

non seulement des notices descriptives

mais aussi les témoignages plus
concrets et plus directs que constituent

les microfilms. Ce procédé qui nous

paraît à présent courant était alors

révolutionnaire : on peut dire que, dès

sa fondation, l'Institut des Textes sut

heureusement combiner la recherche

érudite traditionnelle et l'utilisation de

techniques audacieuses.

Du latin au grec

à l'arabe

et à l'ancien français

De ces premières explorations naquit

la « section latine », mais c'est dans

ces conditions, que les événements

rendaient particulièrement précaires,

que Mlle J. Vielliard reprenait la tâche

tragiquement interrompue de F. Grat,

tué à l'ennemi, le 13 mai 1940. Pour

elle, il ne s'agissait pas seulement de

poursuivre les recherches relatives aux

auteurs latins classiques. Elle envisagea

d'étendre à d'autres disciplines le

principe de la recherche systématique

des textes. En 1940, trois ans seulement

après la création de l'Institut, se

constituèrent la section arabe (I ), la

section grecque et la section romane.

On se doute que les circonstances du

moment ne favorisèrent pas un travail

dont l'objectif essentiel était de pousser

des investigations dans les bibliothèques

étrangères; mais rien ne pouvait

arrêter l'élan de l'Institut des Textes

et c'est en raison de cette impossibilité

que l'on s'attacha aussi à la

recherche des textes de la littérature

latine médiévale, conservés dans les

dépôts publics de France et que fut

constituée la section romane, consacrée

aux textes d'ancien français et de

provençal.

L'étude

des chartes anciennes

Les travaux entrepris par ces diverses

sections concernaient la recherche des

textes littéraires. On regretta vite de

laisser dans l'ombre toute une part de

documents dont l'intérêt pour les médiévistes

était cependant évident : il

s'agissait des actes « diplomatiques »

documents d'archives et non plus

textes littéraires -- conservés sous formes

d'originaux, mais aussi dans les

« cartulaires » où les communautés

religieuses ou laïques - et quelques

particuliers également - conservaient

les témoignages de leurs droits et de

leurs titres de propriété. On s'attela au

dépouillement de ce type de manuscrits,

en concentrant les efforts sur des

fonds particulièrement exposés aux

destructions de la guerre (Nord et Est

de la France). Naturellement la nouvelle

section, dans sa conception comme

dans ses objectifs, différait totalement

des précédentes : alors que pour

ces dernières, il s'agissait avant tout

de décrire et d'identifier, la tâche de

la première était d'analyser le contenu

même des actes afin d'en rendre la

matière accessible aux historiens. C'est

donc une nouvelle direction de recherche

qu'on abordait ici, et, avec les historiens,

c'est un nouveau « public »

que l'on touchait. A son tour. le droit

eut sa part quand on entreprit, à la

faveur des dépouillements de cartulaires

et des manuscrits plus spécialisés,

un répertoire des statuts synodaux.

Les instruments

de trava,il

Que mettait à la disposition des chercheurs

l'Institut ainsi constitué ? en premier

lieu, nous l'avons dit, des notices

descriptives, chacune d'entre elles

consacrée à un manuscrit et identifiant

dans la mesure du possible les auteurs

et les œuvres qui s'y trouvaient contenus.

Pour rendre plus accessibles les

informations contenues dans les notices,

également pour favoriser par le

jeu des rapprochements les recherches

d'identification, chacune des sections

fut amenée à constituer une série de

fichiers : d'auteurs. d'œuvres, d'incipit

et explicit, de bibliographie, - et pour

la section de diplomatique - des index

onomastiques ou méthodiques.

Les services rendus
i Ainsi est-il possible de procurer aux

/ chercheurs deux types de renseigner

ments : ou bien le demandeur, à partir

d'un texte, trouve des renseignements

sur l'auteur et la date de ce texte, les

manuscrits qui l'ont conservé, les éditions

dont on peut disposer, les travaux

critiques dont il a fait l'objet; ou bien

il s'agit, à partir d'un manuscrit médiéval

d'identifier les œuvres qui s'y trouvaient

contenues, souvent sans titre et

sans identification.

La réputation de l'Institut des Textes

fut vite établie : les recherches de ses

correspondants se trouvaient facilitées

non seulement grâce à la documentation

qu'ils pouvaient trouver sur place,

mais aussi grâce aux démarches (commandes

de microfilms, etc.) dont l'Institut

des Textes se chargeait. Des missions

photographiques lointaines

étaient en effet entreprises, au seul bénéfice

des chercheurs : ce fut longtemps

la tâche. aussi diplomatique que

technique de l'abbé Marcel Richard,

chef de la section grecque, que de

microfilmer dans les bibliothèques de

!'Athos des manuscrits rarissimes. La

tâche altruiste que le laboratoire avait

considéré comme sa raison d'être est

toujours poursuivie : de 800 à 1 000

manuscrits sont annuellement microfilmés

et la photothèque actuelle est

l'une des plus riches qui soient avec

ses 25 000 microfilms, représentant autant

de manuscrits photographiés intégralement

dans les bibliothèques du

monde entier : de Rome à Uningrad,

du Caire à New Y.ork (1). Constituée

tout à la fois par le microfilmage systématique

des manuscrits étudiés et

par les photographies demandées par

les chercheurs pour un travail personnel,

la « filmothèque » s'enrichit en

outre des collections déposées par

d'autres organismes tel le Centre d'études

byzantines de Dumbarton Oakes,

qui a confié à l'I.R.H.T. un double de

sa prestigieuse collection de microfilms

des manuscrits de la bibliothèque du

Patriarcat orthodoxe de Constantinople,

à la seule condition que l'Institut

des Textes en consentît le prêt aux

chercheurs qui en font la demande.

Une bibliothèque de près de 30 000 volumes,

et de consultation libre, achève

de faire de l'Institut des Textes un centre

d'information de première importance,

avec lequel se tiennent en relations

épistolaires plus de trois mille

chercheurs, répartis dans toutes les

Universités du monde : est-il aujourd'hui

un seul travail important dans

l'ordre de l'histoire littéraire classique

et médiévale, une seule édition savante

de texte latin, grec, arabe ou hébreux

qui soit mené à bien sans avoir recours

à ses services ?

L'EXTENSION

Les nouvelles

directions

de recherches

Une recherche en appelle nécessairement

d'autres : en quelques années

avait été mis sur pied tout l'appareil

nécessaire à l'étude des textes latins,

romans. arabes ou grecs.

Il ne s'agissait pas seulement de reconstituer,

à l'aide des diverses transmissions,

l'œuvre authentique d'un auteur,

mais aussi de voir comment cette œuvre

avait été comprise par les générations

successives de lecteurs. On s'aperçut

alors que cet aspect de la recherche

rendait nécessaire l'étude des manuscrits

eux-mêmes, des copistes qui les

avaient écrits, des mécènes qui les

avaient commandés, des bibliothèques

anciennes qui les avaient conservés : le

texte littéraire même, dans son contenu

- et surtout quand il s'agit de textes

médiévaux - en porte souvent la

marque.

Ainsi ont pris place aux côtés des sections

classiques des unités qui leur furent

d'abord complémentaires et dont

les tâches étaient étroitement associées

à celles des sections dont elles émanaient.

Dans leur nature elles en différaient :

les sections classiques couvraient des

aires linguistiques alors que leurs « satellites

» se consacraient à_ l'étude des

techniques complémentaires, et centraient

en quelque sorte leur activité

sur une thématique. Au fur et à mesure

de leur accroissement, la majeure

partie de ces « sous-sections » furent

amenées à accompagner leurs travaux

de recherches plus systématiques et

furent érigées en sections autonomes.

La codicologie ou science du manuscrit

considéré en tant qu'objet matériel,

étudié depuis la date où il fut cousu

jusqu'à celle où il fut déposé dans le

dépôt qui le conserve actuellement, ouvrit

la voie.

On se mit à établir des fichiers de copistes

de centres d'écritures, - les

scriptoria -, de possesseurs de manuscrits

et de bibliothèques anciennes.

Pourvue d'activités propres, étude de

la reliure, des bibliothèques anciennes

et de leurs inventaires, l'unité se transforma

bientôt en section autonome.

Se consacrer à l'étude des bibliothèques

anciennes entraînait qu'on ait

connaissance des érudits ou mécènes

qui les constituèrent ; on sait quelle

place tiennent les humanistes dans la

transmission de la pensée humaine ; on

sait de combien de gloses ils annotèrent

les textes. Ainsi fut créé. à l'Institut des

Textes. un fichier bio-bibliographique

des érudits de la Renaissance.

L'histoire du manuscrit suppose aussi

celle de l'écriture. C'est tout naturellement

au sein de l'Institut des Textes

que trouva abri le Comité International

de Paléographie, qui avait pour objet

de répertorier les manuscrits datés et

d'en étudier l'écriture. Ce projet est à

l'origine des admirables collections de

manuscrits datés conservés dans les

bibliothèques françaises; c'est à partir

de lui que s'est progressivement constituée

la section de paléographie dont

les travaux se multiplient : enquêtes

sur les documents d'archives en écriture

livresque antérieurs au XIIIe siècle,

étude des abréviations, rédaction

de la revue Scriptorium.

Le même effort fut tenté au sein des

sections hébraïque et biblique pour les

écritures relevant de ces deux disciplines.

Et c'est par l'intermédiaire de la section

hébraïque que s'introduisit une

nouvelle méthode d'identification de

l'écriture, l'holographie, qui a pour

objet de mesurer quantitativement. par

filtrage, le degré de ressemblance _de

diverses lettres avec des formes scrip-

turaires caractéristiques. Tentés par
M. Jean-Charles Viénot (Laboratoire

de physique générale et optique de

l'Université de Besançon), les premiers

essais d'étude optique des ressemblances

morphologiques de l'écriture hébraïque

sont assez concluants pour que

l'on augure de l'application de cette

nouvelle méthode une identification

plus certaine des scribes.

Plus récents sont les projets d'étude

de la décoration. En réalité le relevé

des blasons reproduits dans les manuscrits

et apportant sur les possesseurs

et sur les bibliothèques des renseignements

de premier ordre remonte aux

premiers temps de l'Institut des Textes.

1 A présent. une section d'héraldique

s'est constituée, chargée d'identifier les

blasons pour le compte des autres sections

mais aussi de dépouiller systématiquement

les recueils susceptibles

d'enrichir leur documentation propre.

Restait enfin à porter l'attention sur le

support même de la pensée et de l'écriture.

Sans doute l'Institut n'en a jamais

nié l'importance et toutes les notices

descriptives de manuscrits en font systématiquement

état. La science naissait

de l'expérience, mais il entrait dans les

identifications de support un empirisme

qui s'alliait mal avec la rigueur

scientifique du reste.

Les rapports établis avec le « Centre

de Recherche sur la conservation des

monuments graphiques » constitué

sous les auspices de M. Julien Cain, et

grâce à l'activité de M. Heim et de

Mme Flieder, et qui. dès le début de

cette année. fut directement associé à

l'Institut de Recherche et d'Histoire

des Textes. nous orientent vers l'analyse

chimique des supports (papier,

parchemin). des encres et des pigments.

Une voie plus audacieuse mène à l'essai

d'utilisation de l'analyse spectrale

ponctuelle par laser. Elle a pour but

d'obtenir, en vaporisant un micro-volume

de matière, la composition atomique

de support ou des encres. Nul

besoin de souligner l'importance extrême

de cette nouvelle direction de

recherche qui permettrait d'avancer

des hypothèses plus fondées sur l'origine.

la datation, l'aire de diffusion des

textes classiques et médiévaux.

L'introduction des

méthodes nouvelles

d'exploitation

La définition du rôle de l'Institut des

Textes que nous citions au début de

notre exposé date de vingt ans. mais

aucune autre ne pouvait expliquer

davantage le rôle primordial que peut

avoir dans le laboratoire un ordinateur

comme organe de gestion et comme

instrument de recherche. On rêve des

services qu'il aurait pu rendre. dès

l'origine, en assurant la multiplication

des index, des tables, des fichiers, en

effectuant leur mise à jour au fur et à

mesure de l'accroissement de la documentation.

Ceci explique que, dès l'apparition de

la machine ou du moins dès la vulgarisation

de son emploi, l'Institut des

Textes ait songé à l'utiliser. C'est ainsi

que se réunirent, voici trois ans, en un

« Groupe d'Etude pour la documentation

automatique » quelques collaborateurs

appartenant à diverses sections

et curieux d'étudier comment les méthodes

nouvelles pourraient s'appliquer

à tout ou partie de leur documentation.

Leurs premiers objets étaient ambitieux

et l'on songeait à établir un système

automatique propre à exploiter

l'ensemble des notices et des fichiers

de l'Institut. Il fallut vite se montrer

plus modeste : quelle qu'ait été la

rigueur qui a présidé à leur établissement,

il est très difficile de traiter en

machine des données destinées à une

exploitation manuelle.

L'effort s'est donc poursuivi dans deux

directions : d'une part, on travaille à

élaborer, à partir de maintenant, un

« nouveau fonds» documentaire adapté

au traitement électronique, et que

l'on exploitera dès que la masse d'informations

accumulée sera suffisante.

Dans cette optique, le « Groupe de

Documentation » a tenu à assurer un

enseignement d'Informatique qui permette

aux collaborateurs de l'Institut

des Textes de comprendre comment il

leur faut présenter leurs données pour

pouvoir un jour les exploiter automatiquement.

D'autre part, sur des fichiers un peu

marginaux, plus récents et par conséquent

plus aisés à manipuler et à modifier,

des premières tentatives ont été

faites, que nous énumérerons rapidement

La modicité des moyens et le manque

d'information de base orientèrent tout

d'abord les essais vers l'utilisation de

la mécanographie classique. Elle n'était

pas sans mérite car elle permit de débrouiller

les premiers problèmes et

d'obtenir, sans coût excessif, des résultats

rapides. C'est ainsi que fut entreprise

la gestion de la phototèque de

l'Institut des Textes, particulièrement

délicate et complexe puisque les collections

de microfilms s'enrichissent chaque

année d'un nouveau millier de manuscrits

et que, si les films font l'objet

d'un classement unique, leur commande

en revanche émane des sections, de

leurs lecteurs ou de leurs correspondants.

Avec la même méthode, mais

dans le domaine scientifique, fut entreprise

à titre d'exemple la perforation

d'un répertoire de chansons espagnoles

du xv· siècle qui progresse rapidement

et permettra, dès son achèvement, des

tris d'un grand intérêt sur les genres de

poèmes, les types formels, les systèmes

syllabiques, etc. L'on projeta

aussi un classement de documents

d'archives médiévaux, vite abandonné.

C'est qu'en effet les applications de la

mécanographie classique restent limitées

: l'utilisation des trieuses mécaniques

implique que tous les arguments

de tri soient groupés, si possible. sur

une même carte ; il faut donc pouvoir

tout à la fois limiter les critères de

classification et présenter leur contenu

sous forme codée, ce qui est facile

pour indiquer un pays, une date, malaisé

quand il s'agit d'une cote de

bibliothèque dont le signalement incomplet

risque d'égarer le chercheur,

d'un nom d'auteur, d'un titre, impossible

même pour la transpcription d'un

incipit ou d'un explicit.

Le langage « en clair » devient alors

ne nécessité et il est vite apparu que,
t pour la majeure partie des fichiers ou

e des notices de l'Institut des Textes, il

t l fallait recourir aux services de l'ordinateur.

t Un certain nombre de projets sont ac-

' tellement en cours. Ils diffèrent peu

1 dans leurs principes initiaux mais les

î produits documentaires que l'on envif

sage varient d'une exploitation à l'au'

tre : ce sont les « tables » des manus-

1

1

crits latins classiques conservés à la

Bibliothèque Vaticane que prévoit la

Section latine ; les données à partir

1 desquelles s'en fera l'établissement aul

i '· tomatique seront puisées dans les noti•

· ces qu'à l'heure actuelle il semble impossible

de traiter entièrement. La section

hébraïque, de son côté, élabore

B un index des manuscrits à enluminure 1 et s'attaque ainsi au problème ardu

1 des exploitations de type descriptif. A

lîi ce premier type de travaux, nous rat-

! tacherons également la gestion admi-

·1;.1;11·:!i nistrative, évoquée plus haut, et qui

s'oriente à présent, à cause de la masse

des données, vers le traitement élec-

1 tronique.

Deux autres entreprises nous font entrer

dans le domaine de la documentation

automatique. En vérité, l'une

d'entre elles, émanée de fa section

arabe, a pour objet l'établissement d'un

répertoire prosographique qu'on pourrait

assimiler à une table s'il n'exigeait,

po1;1r sa création, toute une série d'opérations

fort complexes : il est en effet

fo~dé sur les nombreux relevés biographiques

qui constituent l'essentiel des

sources littéraires arabes. Donnant de

précieux renseignements sur les hommes

dont elles relatent l'existence leur

famille, leurs études, leurs œuvre~, ces

sources biographiques sont fort pré-

cieuses mais d'une utilisation délicate
étant donné la diversité et la multiplicité

des noms d'un même individu;

dresser ce répertoire, c'est réussir à

identifier les personnages quels que

soient les noms dont ils sont pourvus

et réunir à leur sujet tous les renseignements

dispersés dans les diverses sources.

L'impressionnante masse de données

à mettre en œuvre (des centaines

de milliers de fiches), l'impossibilité de

constituer manuellement un répertoire

de ce type lui donnent une importance

de premier rang. L'obstination avec

lequel ce projet a été poursuivi tient

pour une grande part dans sa réussite :

il est le premier de l'Institut des Textes

à être sur la voie de l'achèvement.

Le second projet émane de la section

de Codicologie. Il vise à une exploitation

exhaustive des inventaires de bibliothèques

médiévales. L'intérêt de

ces inventaires est considérable : c'est

par leur intermédiaire que nous apprenons

ce que les hommes du MoyenAge

lisaient et connaissaient, selon les

temps, les lieux, leur qualité. L'ensemble

des données est suffisamment homogène

pour qu'on puisse dès maintenant
définir une méthode de traitement

à la fois pour les documents déjà

connus et pour ceux qui seront inventoriés

par la suite. L'introduction d'informations

nombreuses et diverses,

l'utilisation de plusieurs variables, la

diversité des appellations et des orthographes

rendent l'entreprise délicate,

mais les résultats qu'on en peut espérer

sont à la mesure de ces difficultés :

non seulement, tables, index systématiques

mais surtout réponses aux questions

occasionnelles et complexes qui

seront adressées par les demandeurs.

Enfin, le dernier des projets nous fait

pénétrer dans le domaine de l'analyse
de contenu et des langages documentaires.

C'est au sein de la section de

Diplomatique qu'il prit corps : pour

tirer parti de la masse croissante des

analyses d'actes, groupées dans des

« regestes » et d'une sélection difficile,

on eut l'idée d'en exploiter le contenu.

Tenter de le faire entrer dans des classifications,

c'est en laisser échapper

toute la complexité et la méthode analytique

semble, dans ce cas, bien préférable

: les analyses d'actes font l'objet

d'une indexation ; leur homogénéité

permet de procéder rapidement à cette

extraction de descripteurs. Une organisation

paradigmatique en mémoire

(permettant d'obtenir automatiquement

les notions spécifiques en demandant

une notion générique). des relations

syntagmatiques dans l'acte affinent le

système et accroissent la précision des

indications fournies. Ce svstème est

entièrement sur pied ; malheureusement

la réduction des crédits en interdit

la mise en application.

Ainsi s'est constitué petit à œtit l'Institut

de Recherche et d'Histoire des

Textes. tel que nous avons tenté de Je

présenter, souvent au hasard des circonstances,

mais toujours en accord

avec le dessein primitif du fondateur :

créer un centre complet de documentation

et d'étude du manuscrit médiéval.

Cette ligne de conduite uniforme

lui conféra une forte structure interne

; la recherche svstématique des informations.

leur mise en œuvre rigoureuse

contribuèrent à forger une méthode

de travail solide qui. pour s'appuyer

sur les principes traditionnels de

la recherche érudite. n'en est pas moins

mise constamment à l'épreuve des

sciences et des techniques nouvelles.

Tout comme l'étendue des recherches

et le contenu des fichiers avaient attiré

les chercheurs individuels, la méthodologie

contribue à grouper autour des

sections fortement structurées des

équipes de travail et des groupes de

recherche pour la réalisation de programmes

limités. C'est là un nouvel

aspect de l'Institut qu'on s'attache à

présent à développer tout particulièrement.

LES ORIENTATIONS

ACTUELLES

Les publications

La règle de l'Institut des Textes, son

objet même, ont toujours été de mettre

sa documentation au service des érudits

et des chercheurs : collaboration

fructueuse que celle qui s'établit entre

les sections et leurs correspondants et

qui aboutit à bien des découvertes

communes, en liant indissolublement la

mission de recherche à celle de documentation.

Mais il apparut vite que la

mise en œuvre des informations devait

toucher un public plus large : la collection
des « Documents, Etudes, Répertoires

» assura la publication des

travaux de diverses sections. Consacrée

tout d'abord à la diffusion d'inventaires

de textes, de répertoires, d'instruments

de travail, elle abïita ensuite

également des publications de textes.

C'est que les nouvelles options prises

par l'Institut des Textes l'orientaient

vers la publication des sources. Afin de

laisser à la collection existante sa spécificité,

on la doubla d'une collection

des Sources d'Histoire médiévale consacrée

aux sources narratives du

Moyen-Age français, chroniques ou

documents d'archives.

; D'un autre côté, le Bulletin de l'Institut

des Textes, consacré aux travaux

des sections et à leurs recherches, a

fait place à la « Revue d'Histoire des

Textes», d'une conception beaucoup

plus ample et générale ; elle abrite

tout autant les comptes rendus d'activités

des sections ou le résultat de

leurs découvertes que les articles écrits

par des chercheurs et savants extérieurs

au laboratoire et dispose, en France

comme à l'étranger, de tout un réseau

de correspondants ; organe puissant de

diffusion, point de rencontre de tous

ceux que préoccupent l'histoire du manuscrit

et des textes qu'il contient, elle

comptera pour une large part dans

l'expansion de l'Institut des Textes.

La collaboration

avec l'extérieur

Nous avons évoqué plus haut les liens

organiques établis avec le Comité international

de Paléographie et, depuis

peu, avec le Centre de Recherche sur

la conservation des monuments graphiques.

Bien d'autres travaux sont entrepris

en collaboration avec des organismes

de recherche étrangers : Académie

des Lincei à Rome et Institut

des manuscrits de la Ligue des Etats

Arabes pour l'Onomasticon Arabicum;

Académie des Sciences d'Israël pour

le catalogue des manuscrits hébreux

datés : Würtembergische Bibelanstalt
de Stuttgart pour l'édition critique de

la Bible Hébraïque ; Université de Heidelberg

pour le répertoire des chansonniers

castillans ; Fédération des Sociétés

et Instituts pour l'étude de la Renaissance

pour la Bibliographie internationale

de l' Huma.nisme et de la Renaissance.

Bibliothèque Vaticane pour

le Catalogue des manuscrits d'auteurs

et de textes classiques latins conservés

à la Bibliothèque Vaticane.

La collaboration
interdisciplinaire

L'introduction de méthodes nouvelles

de traitement implique une ouverture

de l'Institut des Textes vers les sciences

exactes. Nous avons déjà vu quels services

nous étions amenés à solliciter

pour l'analyse des supports et des encres.

On se doute que le traitement automatique

des textes et de la documentation

nécessite le recours aux mathématiciens

: l'Institut universitaire de

Calcul automatique de Nancy, l'Institut

de Mathématiques appliquées de

Grenoble, le service de Calcul-Sciences

humaines du C.N.R.S. ont contribué à

la mise en route de diverses exploitations.

D'autre part, l'Institut des Textes

entretien d'étroits rapports avec les

laboratoires du C.N.R.S. (C.R.A.L. de

Nancy, R.C.P. 207), ou les centres

étrangers (Louvain, Pise) spécialisés

dans les traitements sur ordinateur.

L'Institut, des textes

et l'Université

Les universitaires se sont toujours

montrés de fidèles correspondants de

l'Institut : ceux qui furent d'abord

demandeurs pour leurs travaux personnels

devinrent fréquemment les conseillers

des sections qu'ils avaient sollicitées

et contribuent à leur donner une

solide assise scientifique. Pour les entreprises

nouvelles et délicates, comme

le traitement automatique des actes diplomatiques,

des commissions de spécialistes

sont réunies. A l'inverse, de

plus en plus nombreux sont les étudiants

puisant à l'Institut et plus particulièrement

dans la section historique

matière à mémoires de maîtrises ou

thèses de 3• cycle.

Ce tour d'horizon rapide aura permis,

nous l'espérons, d'apprécier la

place que tient à présent l'Institut de

Recherche et d'Histoire des Textes

dans les études classiques et médiévales.

La tâche d'information et de mise en

œuvre poursuivie, depuis 30 ans, sans

relâche par ses sections, fait de lui le

premier centre mondial de documentation

des sources médiévales. Elle constitue

une base indiscutable et solide

pour les recherches de méthode qu'il

a entrepris par la suite. Elle a contribué

à rendre possible ce constant courant

d'échanges avec l'extérieur qui est

à l'origine de si fructueuses collaborations

et qui, en même temps que la réputation

de l'Institut de Recherche et

d'Histoire des Textes, fait celle du

Centre National de la Recherche Scientifique.

Lucie FOSSIER

arc hi vis te-paléographe,

chef du « groupe d'étude

pour la documentation automatique »

de l'IRHT

***************************************************
Institut de Recherche
et d'Histoire des Textes

(I.R.H.T.)

40, av. d'léna, Paris-16°. Tél. : 704-64-40

Ouvert au public toute l"année, sauf les

dimanches et fêtes de 9 h à 18 h.

Les collections de l'Institut de Recherche et

d'Histoire des Textes sont à la disposition

des érudits et des étudiants des Facultés

et Grandes Ecoles dûment accrédités qui

auront acquitté une cotisation annuelle

dont le montant est fixé à 5 F.

Les photographies (microfilms et agrandissements)

peuvent être prêtées à l'extérieur

dans la mesure où les bibliothèques qui

ont autorisé la prise de vue de leurs manuscrits

n'auront pas interdit de le faire.

LA CQO_,PERA.TJ:ON J:NTERNA.TIQNALE

L'ALLEMAGNE FÉDÉRALE

Les relations
, du CNRS avec

les organismes

de recherche de

l'Allemagne Fédérale

Conscient de l'importance des relations

internationales en matière de recherche

scientifique, le C.N.R.S. a depuis sa

création été soucieux de multiplier et

d'approfondir les contacts avec les organismes

de recherche étrangers. Certaines

possibilités liées à la nature

même du C.N.R.S. ont été très tôt

mises à profit, tandis que d'autres se

sont révélées utiles au cours des années,

ce qui explique la diversité actuelle

des moyens de la coopération

internationale. Toutefois, un des

moyens principaux de créer un courant

d'échanges consiste en la signature

d'accords de coopération scientifique,

et la Deutsche Forschungsgemeinschaft

s'inscrit dans une série de conventions

liant le C.N.R.S. à des organismes

de recherches des 17 pays suivants

:

R.F.A., Belgique, Bulgarie, Canada,

Cuba, Espagne, Etats-Unis, Grande-

Bretagne, Hongrie, Israël, Italie, PaysBas,

Pologne, Roumanie, Tchécoslovaquie,

U.R.S.S., Yougoslavie.

Certaines de ces conventions sont relativement

anciennes, d'autres de signature

très récente ; le cadre général est

le même pour toutes les conventions :

toutes incluent en effet des échanges

de documentation et d'informations et

des échanges de chercheurs.

Les frais de voyage des chercheurs sont

pris en charge par le pays d'origine,

et les frais de séjour sont à la charge

du pays d'accueil; à cet effet, chaque

pays ouvre un crédit annuel global

pour les frais de séjour des chercheurs

de l'autre pays. En 1970, 1 200 000 F

ont été mis à la disposition des échanges

dans le cadre des conventions.

Bien que la France fut liée tout particulièrement

à l'Allemagne par le traité

Franco-Allemand du 23 janvier 1963,

qui prévoyait des consultations régulières

entre gouvernements et une coopération

étroite dans le domaine de

l'éducation et de la science, la République

Fédérale Allemande était restée

longtemps en marge des relations internationales

du C.N.R.S. Parmi tous

les pays d'Europe occidentale possé-

dant un haut niveau de recherche, elle
était jusqu'à l'année dernière le seul

avec lequel le C.N.R.S. n'avait pas

signé de convention d'échange. Quelques

chiffres donneront une idée des

conséquences de cet état de fait sur le

nombre de scientifiques appelés à travailler

outre-Rhin : en 1970, 5 chercheurs

allemands et 4 chercheurs français

ont travaillé à titre temporaire

dans un laboratoire de l'autre pays.

Dans le même temps, 38 Belges et

30 Anglais étaient invités par le

C.N.R.S., tandis que 20 Français se

rendaient en Belgique et 42 en GrandeBretagne.

Cette anomalie doit être attribuée en

partie au fait que, pendant la phase

d'expansion des relations internationales

du C.N.R.S. (qui se situe à la fin

des années 50), l'Allemagne n'était pas

encore un grand pays de recherche, du

fait des limitations longtemps imposées

par les alliés. Cependant, les communications

faites par les savants allemands

aux congrès internationaux des

dernières années ont montré que l'Allemagne,

dans ce domaine avait rejoint

les pays scientifiquement les plus avancés.

Aussi devenait-il nécessaire de renforcer

cette coopération. A cet effet, le

Centre National de la Recherche Scientifique
et la Deutsche Forschungsgemeinschaft

ont pris contact au début de

l'année 1970. MM. les professeurs

Speer, Pick et Müller Daehn respectivement

président, vice-président et directeur

des relations extérieures de la

D.F.G. se sont rendus à Paris les 27

et 28 avril 1970 afin de procéder à

des échanges de vues sur les problèmes

communs tels que Politique Générale

de la recherche et définition des priorités,

et sur les formes à donner aux

relations futures entre les organismes.

Cette première rencontre, au cours de

laquelle la délégation allemande visita

des laboratoires du C.N.R.S. à Gif-s/Yvette

(biologie) et à Orsay (physique)

renforça les partenaires dans leur intention

d'accroître les échanges.

Des propositions concrètes furent élaborées

dans le courant de l'année et

discutées à Paris lors d'une visite au

C.N.R.S. du président Pick, le 18 décembre

1970. Du 31 janvier au 6 février

1971, une délégation du C.N.R.S.

conduite par le directeur général

H. Curien, s'est ensuite rendue en

Allemagne. Elle comprenait M. Creysse!,

directeur administratif et financier,

M. Bauchet, directeur scientifique pour

les sciences humaines, M. Chabbal, directeur

scientifique pour la physique,

M. Gallais, directeur scientifique pour

la chimie. M. Audé, chef de la division

des Relations extérieures et M. Zuinghedau,

chef de la division matériel

et bâtiments. Le r•r février, un projet

d'accord scientifique fut paraphé à

Bad-Godesberg au siège de la D.F.G.

Après la visite de l'institut de radioastronomie

de la société Max Planck

dans l'Eifel, où fonctionne le plus

grand radiotélescope du monde, le

voyage s'est poursuivi à Munich où

la délégation a été reçue par le prof.

Butenandt, président de la société Max

Planck et le Docteur Schneider, secrétaire
général de cette société et s'est

rendue à Garching où se trouvent un

important institut de physique des

plasmas de la société Max Planck et

le département de physique de l'Université

de Munich. Puis les membres

de la délégation ont rendu visite à

diverses formations de recherche en

rapport avec leur spécialité : M. Bau-

chet à Francfort chez le Dr Coing,
M. Chabbal à Stuttgart chez le prof.

Pick, M. Gallais à Gottingen et Brunswick,

M. Zuinghedau à Stuttgart et

Karlsruhe, chez le prof. Linde.

Les recherches en commun constituent

un point fondamental de l'accord signé

avec la D.F.G. Depuis 1968, en effet,

des accords d'un type nouveau ont été

passés avec la Pologne, l'Italie, les

U.S.A. et le Canada. La nécessité d'une

coopération internationale accrue en

matière de recherche scientifique faisait

paraître de plus en plus insuffisants

les simples échanges de chercheurs

; aussi les nouvelles conventions

impliquent-elles, outre les clauses traditionnelles,

la mise en œuvre de recherches

en commun. Des contacts sont

pris d'un pays à l'autre en laboratoires,

çn vue de déterminer des domaines de

recherche précis dans lesquels une

_Joopération serait fructueuse eu égard

aux centres d'intérêts respectifs des

partenaires.

Pour ce qui est des relations entre le

C.N.R.S. et la D.F.G., l'année 1971

sera consacrée à des travaux exploratoires,

consistant en un inventaire des

formations de recherche susceptibles

de travailler de concert. Dans le même

temps sera établie, en fonction des

axes préférentiels définis par les deux

partenaires, une liste des domaines et

thèmes particuliers qui justifient la

mise en œuvre de recherches en commun.

La nature précise de ces recherches

en commun ainsi que les modalités

de leur mise en application seront

fixées tous les deux ans dans un protocole

d'ensemble qui déterminera également

le volume des échanges de chercheurs.

Afin d'approfondir les liens scientifiques

entre les pays d'Europe occidentale,

il a paru en outre souhaitable que

les chercheurs séjournant en pays

étranger puissent s'exprimer dans la
langue de ce pays sans avoir recours

à une tierce langue. Aussi envisage-ton

une formation linguistique préalable

de scientifiques allemands et français

concernés par cet accord.

Il est encore difficile, au stade actuel,

de parler en détail des projets communs.

On peut cependant d'ores et

déjà affirmer que la physique des solides

et la biologie retiendront en particulier

l'attention.

Les 26, 27 et 28 avril dernier, une délégation

de physiciens de la D.F.G. travaillant

dans les laboratoires de Stuttgart,

se sont rendus à Paris. La délégation

comprenait MM. les Professeurs

Haken, Eisenmenger, Pilkuhn, Wolf,

Spaeth et Queisser. De très nombreux

contacts ont été établis au cours de ces

trois journées avec les physiciens de

Bellevue, Orsay et Paris.

Ont été visités à Bellevue, les laboratoires

de physique du solide, des

rayons X, de magnétisme, des microstructures,

des terres rares et des hautes

pressions ; à Orsay, les laboratoires

de physique des solides, de physique

cristalline, de physico-chimie des

rayonnements, d'optique quantique et

de photophysique nucléaire ; à Paris,

les laboratoires de physique du solide
de Paris VI, de Paris VII et de l'Ecole

Normale Supérieure.

Il est prévu qu'une délégation de physiciens

français se rendra à Stuttgart

dans les mois à venir et qu'un groupe

de biologistes conduit par M. Levi, directeur

scientifique pour la biologie au

C.N.R.S. ira examiner sur place les

possibilités de travail en commun dans

les domaines de la biologie moléculaire,

de la biologie cellulaire et de la biocybernétique.
La Deutsche Forschungsgemeinschaft

et la Société Max Planck se partagent

en République Fédérale les tâches de

soutien à la recherche de telle sorte

que l'on peut considérer que la D.F.G.,

ne possédant aucune installation de recherche,

correspond à la partie « laboratoires

associés » du C.N.R.S. tandis

que la M.P.G. en représenterait la

partie « laboratoires propres».

Aussi le C.N.R.S. entend-il développer

parallèlement ses relations avec les

deux organismes, bien que jusqu'ici la

signature d'un accord global avec la

M.P.G. ne soit pas envisagé. Une coopération

directe est envisagée dans

plusieurs domaines précis, en particulier,

dans celui des champs magnétiques

intenses. Au cours d'une mission

qui a eu lieu à Paris, le 6 avril,

M. Schneider, secrétaire général de la

société Max Planck et les professeurs

Genzel et Queisser ont fait savoir que

leur organisme était désireux de disposer

d'un certain nombre de postes de

chercheurs permanents au laboratoire

de M. Pauthenet. M. Butenandt, président

de la société Max Planck, sera

l'hôte de M. Curien au début du mois

de juillet, et les modalités de la coopération

doivent alors être précisées.

Signalons pour terminer que c'est à
l'automne prochain qu'entrera en service

une importante installation francoallemande,

le réacteur à très haut flux

de Grenoble. L'initiative de ce projet

revient aux gouvernements français et

allemand, et les partenaires sont, du

côté français, le Commissariat à !'Energie

Atomique (25 %) et le C.N.R.S.

(25%) du côté allemand la Gesellschaft

für Kernforschung de Karlsruhe 50 %).

L'Institut « Max von Laue Paul Langevin

» sis en France est dirigé par un

directeur allemand et emploiera environ

500 personnes.

Jacques POUMET,
Agrégé de l'Université.

DU COTÉ DE L'ANVAR

L'anvar au service des chercheurs

L' Agence nationale de valorisation de la recherche (Anvar) a maintenant plus de deux ans d'existence, et les cher­cheurs du C.N.R.S. connaissent déjà ce jeune organisme.

Créée par la loi du 3 janvier 1967, l'Anvar a été organisée par le décret du 10 juillet 1968.  Etablissement  public à caractère industriel et commercial, doté de l'autonomie financière, elle a été placée auprès du Centre  National de la Recherche Scientifique, sous la tutelle du Ministre de l'Education Na­ tionale.

Etre au service des chercheurs, voilà le principe d'action essentiel de l'Anvar. C'est en effet grâce à eux qu'elle a pu constituer un portefeuille de brevets et de licences, qui représente tout son ac­tif scientifique.

Pour répondre à cette exigence, l' Anvar va au devant du chercheur : elle prospecte et sélectionne les inventions ; puis, dans un second temps, elle procède aux opérations de protection, de développement, et de mise en exploitation.

L'Anvar prospecte...

Les laboratoires sont en effet les principaux centres créateurs d'innovations, et représentent un terrain d'action privilégié pour les délégués scientifiques, chargés de la prospection.

Ces derniers sont choisis en  fonction de leur compétence dans des secteurs particuliers, où ils ont acquis une dou­ble expérience : pratique de la recher­che (soit dans les laboratoires de l'Université ou du C.N.R.S., soit dans les services de recherche des entrepri­ ses) et connaissance des contraintes propres au développement et à l'industrialisation.

Les délégués scientifiques de l' Anvar :


assurent les relations avec les Cen­ tres de Recherche de leur secteur (la présence d'un représentant de l'Anvar au Comité de direction des laboratoires du
C.N.R.S.,
visitent régulièrement les Centres de Recherche de leur secteur. Ces contacts leur permettent d'entendre les chercheurs, d'attirer leur attention sur les résultats exploitables, et de les conseiller dans les démarches à effec­tuer

L'Anvar sélectionne...

Les données de la vie industrielle dans leur ensemble ne sont pas toujours connues du chercheur, et celui-ci peut difficilement être informé de l'éventail des possibilités offertes à ses inven­ tions. Tel travail théorique est-il appelé à connaître un développement industriel? telle technique peut-elle être transposée du laboratoire à l'usine ? quelles sont les modalités pratiques de mise en œuvre d'une idée les mieux adaptées au marché ? A ces questions, le délégué scientifique, assisté par des spécialistes - de l'Anvar ou de l'extérieur - répond en fournissant une évaluation, aussi objective que possible. fondée sur les trois critères suivants :

  • valeur scientifique de l'invention ;
  • brevetabilité ;
  • potentiel commercial
On peut remarquer qu'un bon résultat scientifique ne conduit pas nécessaire­ ment à un bon brevet

L'Anvar protège...

Le brevet est un acte juridique destiné à protéger un résultat dans une pers­pective d'exploitation industrielle. il ne s'agit pas là d'un titre honorifique consacrant l'importance de travaux de recherches aux yeux du monde indus­triel.

Une étroite collaboration entre le cher­cheur et l'Anvar est fondamentale pour protéger l'invention. En effet. un excel­lent texte de brevet ne peut être établi qu'à l'issue d'un dialogue au cours duquel le spécialiste en propriété indus­trielle apporte son expérience des pro­cédures, et le chercheur sa connais­sance profonde de l'invention. La déci­sion pour une date optimale de dépôt résulte d'une discussion semblable

Il faut souligner que si certains bre­vets, de faible portée économique ne suscitent pas de tentatives pour être af­faiblis ou tournés, ceux qui font l'objet de fortes redevances, sont examinés à la loupe par des spécialistes de pro­priété industrielle, en vue d'y  trouver  la moindre faille.

C'est dans le but de faire mieux connaî­tre aux chercheurs la signification de ces opérations de protection, que la brochure Anvar : « Un brevet d'inven­tion - pourquoi ? comment ? » a été largement diffusée dans les milieux de la recherche. Ceux-ci lui ont du reste réservé un accueil particulièrement fa­vorable

L'Anvar   participe au développement des   résultats...

Les produits ou procédés brevetés ne sont pas toujours prêts pour une exploitation commerciale, et une  phase de développement s'avère souvent né­cessaire. La transformation d'un résul­tat de recherche en un produit nou­veau requiert, à un stade ou à un autre, une intervention financière, générale ment importante, condition  première de toute valorisation. L' Anvar peut donner à un laboratoire les moyens de faire progresser les résultats et d'aboutir à une réalisation qui fasse entrevoir plus clairement l'intérêt des applications. Aussi a-t-elle mis au point des procédures d'intervention qui lui per­mettent de financer elle-même un cer­tain nombre d'opérations, et d'aider le chercheur à trouver les partenaires, publics ou privés, qui lui apporteront les concours financiers nécessaires

L'Anvar commercialise...

Le choix du partenaire commercial étant décisif pour le lancement d'un nouveau produit ou procédé, l' Anvar examine avec soin le potentiel financier, technique, commercial des entre­prises souhaitant acquérir la licence d'un brevet, et sélectionne celle-ci en vue d'une exploitation optimale de la découverte.

là aussi, l'Anvar s'efforce d'agir en accord avec le chercheur : tous deux définissent ensemble le processus le mieux adapté à la valorisation de la découverte.

L'Anvar informe...

Si le rôle principal de l'Anvar  consiste à favoriser le passage des  inventions du stade « résultat de laboratoire » au stade « produit industrialisé », un au­ tre organisme, étroitement lié à }'Agen­ ce, le Centre de Diffusion de l'inno­ vation (C.D.I.) est chargé d'une double mission d'information:

  • information des industriels sur les voies et sujets de  recherche  choisis par les chercheurs, ainsi que sur l'état de disponibilité des licences du porte­ feuille des brevets de l'

Dans cette optique, le « Marché de l'innovation » - revue  trimestrielle, dont le premier numéro est  paru  en mai dernier - est une publication C.D.1.-Anvar qui regroupe les brevets (Anvar ou autres origines) dont les licences sont disponibles, et est appe­ lée à une large diffusion dans les mi­ lieux industriels.

  • Information des chercheurs sur les besoins des industries nationales quant aux techniques et produits nouveaux. Le Centre de Diffusion de l'innovation a été créé en septembre 1970. Les résultats obtenus à la suite de ses pre­ miers mois d'existence, et les perspec­ tives qu'il envisage pour l'avenir feront l'objet d'une prochaine chronique dans ce

 

L' Anvar a conscience de l'iµiportance de l'effort qui reste encore à entrepren­ dre. Par sa réussite elle peut contribuer à montrer que les  moyens  accordés à la recherche constituent un investisse­ ment national éminemment rentable. Cependant, elle atteindra d'autant mieux ses objectifs que les chercheurs lui feront confiance.

 

Maurice PONTE, Membre de l'Institut, Directeur de l' Anvar