LES SECTEURS SCIENTIFIQUES
MATHEMATIQUES,
PHYSIQUE DE BASE
MOYENS
ET MODES D'ACTION
Les crédits accordés en 1980 au secteur
des mathématiques et de la physique
de base s'élèvent à 411,6 MF,
soit 10% du budget du groupe CNRS.
Le secteur CNRS emploie 1 087 chercheurs,
1 037 ingénieurs, techniciens
et personnels administratifs qui se répartissent
dans 23 laboratoires propres
et 135 formations de recherche
dont deux GIS.
ORIENTATIONS
SCIENTIFIQUES
Mathématiques
L'activité mathématique française est
brillante, et d'un niveau international
incontestable. La recherche française
dans ce domaine représente 1 0 à
12 % du potentiel mondial, évaluation
obtenue en considérant le nombre de
conférenciers invités aux trois derniers
congrès internationaux des mathématiciens,
en 1970, 1974 et 1978.
Les recherches des mathématiciens
français s'effectuent dans deux voies:
la première est celle des grands problèmes
internes à la discipline : ce
sont les « mathématiques pures»,
dont l'importance culturelle est essentielle.
Des succès y ont été récemment
enregistrés, par exemple, dans la théorie
des fonctions automorphes, de la
cohomologie des variétés algébriques,
... La seconde, qui rapproche les
mathématiciens des physiciens et des
mécaniciens, parfois même des chercheurs
de disciplines plus éloignées,
comme les biologistes, est celle des
« mathématiques appliquées ». Des résultats
très intéressants ont été obtenus
au cours de la dernière décennie.
On peut citer par exemple les progrès
effectués en analyse non linéaire, notamment
dans la théorie des équations
aux dérivées partielles non linéaires,
à la suite de problèmes posés
par les physiciens. De même, les topologistes
ont entamé une collaboration
avec les théoriciens de la matière condensée.
La théorie des singularités intéresse
également des chercheurs venus
de plusieurs disciplines.
En France, les chercheurs universitaires
jouent en mathématiques un rôle
prépondérant : 6% seulement des
mathématiciens sont chercheurs au
CNRS (60 environ en mathématiques
appliquées, 11 0 en mathématiques
pures). L'action du CNRS se situe à
plusieurs niveaux :
-création d'un corps de chercheurs et
structuration de la communauté par
regroupements d'équipes ou de chercheurs
isolés;
-organisation de rencontres, de colloques
nationaux et internationaux ;
soutien des publications ;
- mise en place de moyens de calcul,
allant de pair avec un effort de convergence
entre mathématiques pures et
appliquées.
Afin de poursuivre l'évolution vers les
mathématiques appliquées, le CNRS a
poursuivi une ATP «Applications des mathématiques» dans le but de mieux
coupler les mathématiques aux chercheurs
des autres disciplines et de leur
fournir des moyens de calcul. L'action
est actuellement modeste et devrait
être renforcée.
Par ailleurs, une part notable des crédits
de mission est utilisée dans des
actions collectives de type RCP. Ce
poste budgétaire devrait s'àccroître.
Mentionnons également la participation
du CNRS au Centre international
de rencontres mathématiques de Luminy,
qui augmentera notablement en
1981.
Physique de base
Ce secteur recouvre les principales activités
des laboratoires français qui se
consacrent à des recherches sur les
lois fondamentales de la matière. Il est
important de remarquer que l'essentiel
des recherches en physique de
base est fait dans les laboratoires propres
du CNRS et dans les laboratoires
universitaires qui lui sont associés.
Le CNRS a une position dominante
dans le domaine de la physique (il
existe des laboratoires d'excellente
qualité du CEA dans ce domaine, mais
l'effort quantitatif est plus modeste,
les actions sont presque toujours l'objet
de collaboration avec les laboratoires
du CNRS). Cela lui permet de mettre
à profit ses organes d'analyse critique
et de direction pour contrôler efficacement
le niveau scientifique de la
physique du pays, pour lancer de nouveaux
axes de recherche. Cette position,
certes enviable, a pour conséquence
directe des responsabilités importantes.
Une diminution continue de
l'effort du CNRS dans le domaine de
la physique serait probablement suivie
par des variations similaires de ses
partenaires, qui, de toute façon, ne
disposent pas de moyens suffisants
pour assurer la relève.
L'évolution du secteur se caractérise
par quelques points :
- la recherche théorique est de très
bonne qualité, et l'on peut constater
des progrès sensibles dans la capacité
des expérimentateurs pour interpréter
leurs résultats ;
- la physique a de nombreux contacts
avec les autres disciplines. Les relations
entre les physiciens et les chimistes
pour la définition et la préparation
de nouveaux composés connaissent
un important développement.
Les physiciens du solide, dont les liens
étaient déjà bien établis avec les chercheurs
de chimie minérale et les chimistes
du solide, font de plus en plus
appel aux chimistes organiciens et aux
spécialistes des polymères. La collaboration
s'instaure par exemple pour
la préparation de conducteurs organiques
unidimensionnels, ou de matériaux
intéressant l'optique non linéaire.
Des coopérations fructueuses se
créent avec les biologistes, notamment
à l'occasion de l'utilisation des
grands équipements nationaux. Plus
généralement, il existe un souci, de
plus en plus répandu parmi les physiciens,
de choisir des objets d'étude qui
puissent apporter des résultats utilisables
par d'autres chercheurs: choix de
molécules d'intérêt atmosphérique ou
astrophysique, choix de matériaux utiles
pour la conversion d'énergie,
etc ... ;
- les progrès constants des montages
expérimentaux pour améliorer la résolution
en énergie, la résolution temporelle
ou spatiale, ou bien pour mieux
maîtriser les paramètres, nécessitent
des moyens de plus en plus lourds : lasers
accordables, microsondes, bâtis à
ultravide, pilotage des expériences par
mini-ordinateur, etc ... Cela conduit les
chercheurs à collaborer au sein d'équipes
spécialisées. De plus, l'acquisition
de ces matériels constitue un véritable
casse-tête pour les responsables
d'équipes obligés de faire simultanément
appel à toutes les sources de
financement. Il en résulte que l'on a
du mal à réaliser des opérations de décentralisation.
En effet, l'extrême difficulté
pour implanter des moyens matériels
suffisants, ainsi que le trop faible
nombre de collègues avec lesquels
on peut avoir des contacts scientifiques
fructueux rebutent les physiciens
qui voudraient aller travailler dans les
petites universités. Il apparait néanmoins
qu'un certain nombre d'opérations
ont été réussies par regroupement
et renouvellement des sujets des
petits laboratoires déjà existants, avec
ou sans apport de chercheurs extérieurs.
Il s'agit d'un travail de longue
haleine où le CNRS joue un rôle fondamental
par son soutien moral· et
financier;
- le développement des grands équipements
: pour garder leur place dans
la compétition internationale ou pour
aborder, en commun avec des chimistes
ou des biologistes, l'étude de matériaux
plus complexes, les physiciens
ont de plus en plus recours à de très
gros équipements disponibles seulement
à l'échelle nationale ou même
internationale. En dehors des très
grands accélérateurs de particules
dont les résultats servent de base aux
travaux des théoriciens, on peut noter
les installations suivantes : les réacteurs
nucléaires et toute l'instrumentation
de neutronique (institut Laue-Langevin à Grenoble ou laboratoire Léon Brillouin à Saclay), le rayonnement
synchrotron dispensé à LURE
qui ouvre des perspectives passionnantes
dans le domaine de la spectroscopie
ultraviolet et de l'utilisation
des rayons X (notons entre autres, que
des travaux très prometteurs pour le
domaine de la microélectronique ont
été faits en liaison avec des industriels)
; le laboratoire des champs intenses
de Grenoble et le grand microscope
électronique de Toulouse qui
permet d'obtenir des renseignements
précieux par exemple en métallurgie
mais aussi, en biologie.
Les thèmes de recherche du secteur
sont regroupés suivant les trois domaines
traditionnels : physique théorique,
physique atomique et moléculaire,
physique de la matière condensée.
• Physique théorique
Il s'agit d'une discipline charnière entre
les mathématiques d'une part, les
disciplines expérimentales d'autre
part. Le souci des théoriciens est de
bien comprendre la logique interne cachée
dans le cadre d'une architecture
cohérente. Ils veillent au transfert des
outils mathématiques les plus récents
et recherchent des modèles permettant
de décrire, et si possible de prédire,
les phénomènes soumis à l'investigation
expérimentale du moment. La
physique théorique actuelle est l'héritière
des grandes percées du début du
xx• siècle, c'est-à-dire la mécanique
quantique et la relativité. La mécanique
quantique reste fondamentale
pour les études des collisions entre
particules et pour les problèmes d'interaction
entre photons et atomes ou
molécules. La relativité générale a
gardé un vif intérêt tant par ses as-
pects mathématiques que par ses implications
cosmologiques.
Parallèlement aux études portant sur
les interactions élémentaires, les physiciens
théoriciens s'efforcent d'améliorer
les descriptions du comportement
collectif d'un grand nombre de
systèmes élémentaires. Les méthodes
de la mécanique statistique donnent
accès aux propriétés macroscopiques
d'un ensemble de particules dont les
interactions microscopiques sont connues.
Ces travaux concernent non
seulement la matière condensée qui
constitue notre environnement macroscopique
habituel, mais également
la matière nucléaire, ou celle qui est
soumise aux conditions extrêmes du
monde astrophysique.
Dans le domaine des interactions élémentaires,
la dernière décennie a vu
des progrès spectaculaires tant sur le
plan expérimental, auprès des grands
accélérateurs de particules et des anneaux
de collision, que sur le plan
théorique. Rappelons que le prix Nobel
a couronné en 1976 la découverte
expérimentale de particules «charmées
» prédites par les théoriciens, et
en 1979 la formulation d'une théo~ie
unifiée des interactions électromagnétiques
et faibles. Une prédiction originale
de cette théorie, celle de l'existence
de courants neutres, a été
confirmée par l'expérience. L'accumulation
d'évidences pour la structure en
«quarks» des particules soumises à
l'interaction forte a conduit à la formulation
d'une classe de modèles dont
certaines prédictions ont été confrontées
avec succès, avec l'expérience. Il
importe aujourd'hui de développer la
puissance prédictive de ces modèles.
Les théoriciens cherchent en particulier
à comprendre pourquoi les quarks,
constituants des particules subnucléaires,
ne semblent pas pouvoir être
observés isolément, du moins dans le
domaine des énergies accessibles aujourd'hui.
Les succès des théories de jauge conduisent
actuellement les théoriciens à
rechercher l'unification des interactions
fondamentales (forte, faible,
électromagnétique et gravitationnelle)
entre les constituants de la matière.
Ceci se traduit notamment par des
tentatives de quantification du champ
gravitationnel. Ces recherches auront
des implications considérables en astrophysique
et en cosmologie. Des ef-