Transcription Transcription des fichiers de la notice - Le courrier du CNRS 5 CNRS 1972-07 chargé d'édition/chercheur Valérie Burgos, Comité pour l'histoire du CNRS & Projet EMAN (UMR Thalim, CNRS-Sorbonne Nouvelle-ENS) PARIS
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1972-07 Fiche : Comité pour l'histoire du CNRS ; projet EMAN Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l'Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR).
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Le « Courrier du CNRS» a maintenant un an. Ce premier anniversaire nous donne l'heureuse occasion de manifester notre reconnaissance au rédacteur en chef, René Audé, à ses collabo- . rateurs, aux membres du Comité de rédaction et aux auteurs qui n'ont ménagé ni leur talent ni leur temps. Les encouragements, qui nous sont venus nombreux de l'intérieur et de l'extérieur du CNRS, montrent bien que la publication du Courrier était une oeuvre nécessaire et attendue et qu'elle n'a pas manqué son but. Comme toutes les entreprises, elle est certes perfectible : les conseils seront toujours bienvenus et nous sommes ouverts à toutes vos suggestions. Expliquer les mécanismes et les modes d'action du CNRS en mettant plus spécialement l'accent sur les procédures nouvelles ou rénovées; exposer quelques uns des résultats de recherche choisis parmi les plus spectaculaires, les plus récents et les plus prometteurs; informer directement et rapidement tous les membres de notre communauté des décisions essentielles ou des évènements majeurs qui font la vie du .Centre; mais aussi faire connaître autour de nous ce que nous faisons et où nous allons : tels sont les tâches que s'est assignée l'équipe de rédaction du Courrier. L'accroissement de la connaissance et les progrès techniques font que les interactions entre la communauté scientifique et l'ensemble de la société sont de plus en plus nombreuses et de plus en plus directes. Les chercheurs doivent tout mettre en oeuvre pour que ces interactions ne soient ni des frictions, ni des faux contacts. La vocation et aussi l'aptitude potentielle de chaque citoyen à juger la science croît à la même cadence que s'affirme l'aspect technique de notre environnement et de notre éducation. Si les hommes de science veulent être bien jugés, c'est-àdire selon leurs vrais mérites, et surtout bien compris, ils doivent faire en sorte que l'objet de leurs travaux et leurs aspirations soient sensibles au plus grand nombre. En aidant les scientifiques à se connaître et à se faire connaître, le « Courrier du CNRS » doit être une arme efficace dans la pacifique mais énergique offensive pour l'information.
Hubert CURIEN Directeur Général du CNRS

LA CREATION DU CENTRE DE RECHERCHES ARCHEOLOGIQUES
Le 10 mars 1970, le Directoire du C.N.R.S. approuvait la création du Centre de recherches archéologiques. Cette mesure marquait l'aboutissement d'une étude entreprise en 1968 par M. Pierre Monbeig, directeur scientifique du C.N.R.S., avec la collaboration de nornb_reux archéologues, sur l'opportunité d'un regroupement des moyens consacrés par le C.N.R.S. à la recherche archéologique, et sur les modalités possibles de ce regroupement. A la même date, M. Bernard Groslier, directeur de recherche au C.N.R.S. et conservateur des monuments d'Angkor, était nommé à la tête du Centre de recherches archéologiques. Les événements qui survinrent peu après au Cambodge obligèrent M. Groslier à différer son retour en France. A sa demande, l'intérim fut confié à M. J .-C. Gardin, qui dirigeait alors le centre d'analyse documentaire pour l'archéologie au C.N.R.S. Un comité de direction fut constitué à la fin de 1970, sous la présidence de M. Henri Seyrig, membre de l'Institut ; l'année 1971 put ainsi être consacrée aux tâches préliminaires essentielles : définition du statut et des règles de fonctionnement du laboratoire, examen des premières propositions de programmes, choix de l'implantation future du Centre et élaboration du budget pour 1972. L'exposé ci-après fait le point des principales options approuvées par le comité de direction sur ces différents sujets. S'il est un domaine où le projet d'une réforme des institutions a longtemps agité les esprits, c'est .assurément l'archéologie. Dès 1962, M. Henri Seyrig, alors directeur de l'institut français d'archéologie de Beyrouth, soumettait à différents services une note dans laquelle il dépeignait les inconséquences de l'éparpillement des ressources et des responsabilités qui caractérise l'organisation de la recherche archéologique dans notre pays. D'autres archéologues joignaient leurs voix à la sienne pour demander une réforme; les avis différaient, cependant, sur la nature des mesures souhaitables ou possibles. Pour certains, il ne fallait envisager rien moins qu'une refonte totale de 1:appare. il, par la création d'un Institut national d'archéologie, auquel devaient être subordonnées, d'une manière ou d'une autre, toutes les recherches financées par la France, dans quelque domaine que ce fût (préhistoire, égyptologie, antiquités classiques, civilisations orientales, antiquités nationales, etc.), et sans égard à la diversité présente des instances de tutelle : la Direction de l'enseignement supérieur, pour les centres de recherche universitaires et les grands instituts d'archéologie à l'étranger (Ecole d'Athènes, de Rome, Institut du Caire); la Direction générale des relations culturelles, au ministère des affaires étrangères, pour d'autres établissements à l'étranger (Instituts de Beyrouth, d'Istanbul, etc.), ainsi que pour la plupart des missions de fouilles opérant · hors de France ; le C.N.R.S., pour ces mêmes missions, ainsi que pour un certain nombre de formations de recherche souvent associées par ailleurs à l'Université; le Bureau des fouilles, au ministère des affaires culturelles, pour les travaux archéologiques conduits en France. lesquels bénéficient cependant aussi du concours de la Direction de l'enseignement supérieur et du C.N.R.S., etc. Pour d'autres archéologues, au contraire, cette diversité même, et les particularismes dont elle est le reflet, interdisaient que l'on mît aucun espoir dans un regroupemerit aussi ambitieux ; bien plus, la multiplicité des sources de financement avait ses défenseurs, et l'on se bornait alors à recommander la création d'un Conseil supérieur de coordination, à l'échelon national, où l'ensemble des organismes précités seraient représentés. Les projets se succédèrent entre ces deux pôles sans qu'un mouvement général se dessinât en faveur d'aucun d'entre eux. C'est alors que le C.N.R.S. décida de reconsidérer sans plus tarder l'état de ses propres affaires. dans les mêmes perspectives unificatrices. Un rassemblement d'équipes de recherche Même dans ce cadre limité, en effet, la multiplicité des formations de recherche archéologique, comme aussi la diversité de leurs structures et de leurs statuts, semblaient faire obstacle à un développement concerté de leurs moyens. En 1971, on ne comptait pas moins d'une trentaine de formations de ce genre - laboratoires propres, laboratoires associés, équipes de recherche, groupes plus ou moins stables formés dans le cadre d'une recherche coopérative sur programme, etc. La plupart d'entre elles manquaient de locaux, plusieurs réclamaient les équipements «lourds» rendus nécessaires par le développement des techniques d'analyse en archéologie (prospection des sites, datation, conservation caractérisation des matériaux, etc.); presque toutes, enfin/déploraient l'insuffisance des moyens dont elles disposaient pour les tâches les plus banale_s : relevés de monuments, dessin et photographie d'objets, recherches documentaires, etc ... La similitude des besoins, d'une formation à l'autre, et l'impossibilité de les satisfaire séparément pour chacune d'elles, conduisit à envisager d'abord un regroupement physique des équipes dans des locaux et autour de services techniques communs. Ce parti eût été défendable si l'on avait pu mener l'opération à Paris, où se trouvent aujourd'hui la plupart des équipes en question (cf. carte ci-contre); mais la politique de décentralisation s'y opposait. Quant à l'idée d'un regroupement en province. certains la jugeaient proprement scandaleuse. D'autres, plus nuancés, voulaient bien s'en accommoder, mais trouvaient sans peine des raisons qui semblaient vouer l'entreprise à l'échec : - la richesse collective des bibliothèques d'archéologie parisiennes, en premier lieu, et l'impossibilité d'en reconstituer aucune qui les égale jamais, à moins d'investissements et de délais si considérables que nul n'ose y songer. - la densité des enseignements d'archéologie à Paris, avec pour corollaire une concentration des élèves et des maîtres dont il parait déraisonnable de se couper, etc. Une autre voie s'offrait néanmoins: au lieu d'un regroupement géographique, on pouvait viser d'abord un rassemblement d'ordre organique, sans rien abandonner des objectifs précédents, mais en les replaçant dans une perspective à long terme qui permît de mieux définir les étapes et les conditions de la décentralisation. C'est ainsi que naquit l'idée d'une sorte de fédération

Carte : Répartition des formations de recherche archéologique du CNRS en France

d'équipes de recherche, constituant ensemble un seul et même laboratoire du C.N.R.S., mais réparties à travers la France en fonction des impératifs propres à chacune d'elles. La création de services techniques communs restait cependant une des pièces maîtresses de l'entreprise; et pour ceux-là au moins, le regroupement dans un même lieu, où qu'il fût, ne semblait pas soulever d'objections. Encore fallait-il s'assurer que la dispersion des équipes du laboratoire n'était pas un obstacle à l'usage qu'elles pourraient faire de tels services. D'une manière plus générale, il importait de sauvegarder, dans l'hypothèse « fédérale», les bénéfices que l'on attendait d'une organisation centralisée.
Les mécanismes de concertation
Au nombre de ces bénéfices figure tout d'abord la coordination des programmes de recherche. En tout état de cause, nul n'avait jamais songé à investir un organisme du C.N.R.S. du pouvoir de décider, à la place des formations archéologiques elles-mêmes, quels devaient être les objectifs et les programmes de chacune; tout au plus recommandait-on que celles-ci prissent en considération certains liens nécessaires entre leurs activités, soit qu'il s'agisse pour l'une de compléter les résultats d'une autre, soit que les méthodes, voire les moyens matériels utilisés dans un cadre archéologique donné trouvent ailleurs un emploi efficace. Ainsi conçue, la coordination n'implique rien d'autre que l'aménagement de certains mécanismes de concertation entre les parties intéressées. La formule « laboratoire propre», au C.N.R.S., parut à cet égard convenir, même si les équipes du Centre de recherches archéologiques devaient rester longtemps , encore dispersées aux quatre coins de la France, au lieu d'être regroupées à la manière des départements d'un institut ou d'une université. En effet, le Comité de direction du laboratoire est capable de jouer un rôle coordinateur, dans le premier cas comme dans le second. En outre, des dispositions statutaires sont prévues pour que chaque équipe soit représentée au sein du Conseil de laboratoire, lequel devient à son tour le lieu d'une concertation régulière entre les formations de recherche elles-mêmes. Par ailleurs, l'intégration de celles-ci dans un cadre administratif' permet des échanges faciles de l'une à l'autre, que l'éloignement géographique n'entrave nullement - au contraire même, constate-t-on déjà, tant il est vrai que l'on rend parfois plus volontiers visite à un cousin de province qu'à un voisin de palier. De même, enfin, le laboratoire a les moyens d'organiser chaque année des séminaires dont la fonction peut être de provoquer une réflexion commune sur des questions d'intérêt général - par exemple, la conception des « Atlas archéologiques » modernes, la gestion des archives de fouilles, etc. Tous les mécanismes souhaitables existent ainsi au Centre de recherches archéologiques, comme dans n'importe quel institut du C.N.R.S., pour favoriser la concertation des programmes propres à chaque formation. Cependant, objecte-t-on, il ne s'agit là que .d'une concertation limitée : les seules équipes concernées sont celles qui acceptent de faire partie du laboratoire (le «rassemblement» dont il est question plus haut ne devant être l'effet, faut-il le préciser, que d'adhésions libres et spontanées) ; et la compétence du

 

Centre, en tout état de cause, ne dépasse pas le cadre du C.N.R.S. Le premier point ne saurait être nié : on n'impose pas plus le goût du fédéralisme que celui de la centralisation. Le second, en revanche, appelle déjà quelques nuances. Rien, en effet, n'interdit au C.R.A. d'harmoniser son action avec celle d'autres institutions compétentes en matière de recherche archéologique à l'extérieur du C.N.R.S. C'est ce qui fut tenté dès 1971 auprès de la Direction générale des relations culturelles au ministère des affaires étrangères ; une première convention vient d'être signée entre cet organisme et le C.N.R.S., au titre du C.R.A., instituant à Damas un « pool» de moyens matériels (véhicules, équipement topographique) destinés à l'ensemble des équipes de recherche archéologique opérant en Syrie. Sans doute la coordination portet- elle en l'occurrence moins sur les programmes que sur les moyens ; mais ceux-ci commandent parfois ceux-là, et de nouveaux accords sont envisagés, qui visent à la fois l'un et l'autre.
le développement des moyens techniques
S'agissant des. moyens matériels de la recherche archéologique, la fonction du C.R.A. n'est pas seulement d'en rationnaliser l'emploi, elle est aussi d'en favoriser le développement dans les voies suggérées par l'activité même des équipes du Centre. C'est dans ce but que celles-ci furent invitées au début de 1972, avant même qu'elles n'eussent été toutes formellement constituées, à faire connaître l'état de leurs besoins dans les domaines techniques suivants : relevés graphiques ( dessin, photographie, topographie, photogramétrie, etc.), prospection physique, analyse physique_ et chimique des matériaux (à des fins diverses : caractérisations différentielles, datation, conservation), mécanographie, informatique, documentation. Deux enquêtes commencées en 1971 lavaient permis de dresser auparavant un premier bilan des ressources disponibles en France dans deux des domaines précités : - l'analyse physique et chimique des matériaux, considérée en raison de l'abondance relative des équipements déjà en place dans les laboratoires de sciences exactes et appliquées; - la documentation, considérée inversement à cause des insuffisances notoires de la plupart des bibliothèques auxquelles les archéologues peuvent avoir recours, à Paris comme en Province. De l'ensemble de ces enquêtes résulte aujourd'hui l'ébauche de quatre plans : 1) l'un concerne les moyens techniques courants (reprographie, relevés graphiques), que le C.R.A. envisage de développer progressivement dans chacune des équipes qui en ont le plein emploi, au fur et à mesure que son budget le permettra. 2) le second concerne les moyens physiques d'analyse des matériaux naturels ou fabriqués, à des fins variées (prospection, caractérisation, etc.). Pour ce domaine, le C.R.A. se propose de suivre une double politique - développement ou création de moyens propres, à l'échelon des services communs ou des équipes spécialisées (ex. : conservation, analyses céramologiques, etc.), lorsque 'les ressources des laboratoires exté- 1rieurs ne peuvent satisfaire pleinement les besoins du Cerr'tre; - étab1ïssement d'accords avec ces laboratoires, au contraire, lorsqu'ils paraissent mieux: placés que le Centre pour traiter un problème d'analyse déterminé. Les premiers essais de collaboration menés dans ce sens en 1972, en particulier avec des laboratoires relevant du commissariat à l'énergie atomique, ont confirmé l'intérêt de tels accords, tant sur le plan technique que du point de vue financier. 3) Le troisième plan concerne les moyens d'information bibliographique et les ressources documentaires accessibles aux équipes du Centre. L'objectif est ici l'aménagement progressif d'un « réseau documentaire » qui permettrait à celles-ci de recevoir dans des délais relativement courts, par l'intermédiaire des services centraux du C.R.A., l'une ou l'autre des prestations suivantes : la localisation d'un document ou la vérification d'une référence bibliographique, le prêt éventuel du document, sa reproduction (par exemple sur microfiche), le cas échéant sa traduction complète ou abrégée, etc. Deux conditions en particulier sont nécessaires pour que ce projet aboutisse : la collaboration des bibliothèques d'archéologie, et l'établissement de transmissions rapides entre les différents noeuds du réseau. Des pourparlers encourageants 011t été_ epgagés dans ce sens avec la Direction des -b1bl1Ôthèques-de France au ministère de l'éducation nationale, ainsi qu'avec la Direction des télécommunications au ministère des P et T.  4) Le dernier plan, enfin, concerne les moyens mécanographiques et informatiques. Un service de perforation de cartes a été mis en place en 1972 à l'échelon central, pour répondre aux demandes formulées déjà par environ la moitié des équipes du C.R.A. Le service d'informatique sera constitué au moment de l'installation du Centre à Valbonne; ses moyens matériels dépendront de ceux qui se trouveront

alors sur le campus de Sophia Antipolis et dans la région de Nice, à l'usage des laboratoires de recherche. Le choix de Valbonne
Sophia Antipolis, Valbonne, quels sont ces noms? Le premier est celui d'une association qui s'est vu récemment confier par l'Etat les destinées d'un « Complexe scientifique international» baptisé du même nom, et qui doit être aménagé sur le plateau de Valbonne, à quelques kilomètres au nord d'Antibes. Une dizaine d'organismes de recherche ont déjà réservé ou acquis des parcelles sur le terrain. Le C.N.R.S. est du nombre, pour le bénéfice du Centre de recherches archéologiques; et l'on peut espérer que le bâtiment inscrit au VIe plan au titre d'un « Institut d'archéologie» ouvrira ses portes en 1975. Pourquoi ce choix, et que trouvera-t-on dans ce bâtiment? Les premières recherches de terrain avaient porté sur la région d'Aix-en-Provence. La proximité d'une importante université, et la place qu'y tient déjà l'archéologie constituaient pour certains un argument favorable à une implantation aixoise. D'autres, au contraire trouvaient dans les mêmes faits une raison d'aller chercher ailleurs un cadre de travail plus neuf, où l'on ne risquât pas de gêner des positions établies. Ce furent des considérations techniques et financières qui, finalement, tranchèrent en faveur d'une implantation à Valbonne. On échappait là en effet aux défauts urbanistiques du projet aixois, qui plaçait le Centre dans la zone de développement industriel à l'ouest de la ville; et l'on gagnait notablement au change sur le plan des prix. En outre, l'installation du Centre à Sophia Antipolis avait ses avantages propres : la facilité des communications avec l'étranger, grâce à la proximité de l'aérodrome international de Nice; l'intérêt d'une position sur l'autoroute qui reliera bientôt Aix-en-Provence à Nice (et qui mettra Aix à une heure du Centre de recherches archéologiques); la présence sur le campus de laboratoires importants dans des domaines tels que la géologie, l'analyse des matériaux, l'informatique, etc., auxquels préhistoriens et archéologues attachent un prix croissant, ainsi que de services communs également précieux ( crèche, hôtels, restaurants, etc.) ; l'abondance des logements disponibles dans la région grâce aux limites saisonnières des locations touristiques ; et enfin, nullement négligeable, l'attrait d'un site particulièrement beau, et intelligemment protégé par la volonté de ses occupants, sur les collines qui dominent le golfe de Nice, adossées aux Alpes, à la hauteur de Vence et de Biot. Est-ce à dire que toutes les équipes de recherches archéologiques du C.N.R.S. vont s'y précipiter? Nous ne le croyons, ni le souhaitons : les quelque 4 000 m2 du bâtiment de Valbonne n'y suffiraient pas. La destination première de celui-ci est en effet d'abriter un ensemble de services techniques dont toutes les équipes ont besoin, d'une manière ou d'une autre, mais qu'elles pourront utiliser alors même que des circonstances particulières les retiennent l'une à Caen, l'autre à Paris, etc. : salles de conférences, magasins, dépôts d'archives, laboratoires, bibliothèque, service de calcul, etc. Rien n'interdira néanmoins aux équipes du Centre de se transporter à Valbonne si elles le peuvent et le veulent. Certaines, acquises depuis longtemps à la décèntralisation, l'ont déjà décidé; d'autres suivront le même chemin, à n'en pas douter, ne fût-ce que par l'effet

D’une « différence de potentiel» dont le sens paraît d'ores et déjà l'inverse de ce qui avait toujours été dit, au moins sur la ligne qui nous occupe, de la Méditerranée à Paris ... Et s'il faut un jour « défendre Valbonne», ce sera moins, croyons-nous, pour justifier rétrospectivement un choix si résolument exotique que pour limiter le nombre des postulants, et empêcher qu'à une centralisation parisienne forcée ne succède une concentration volontaire à Valbonne, où la régionalisation, si l'on y tient, ne trouverait pas mieux son compte. Les premiers pas Ainsi, les principes directeurs et les cadres généraux de l'organisation sont maintenant fixés : « le Centre de recherches archéologiques comprend des unités de recherche archéologique (U.R.A.), constituées chacune pour l'exécution d'un certain programme de recherche, et des services techniques chargés de répondre aux besoins des R.A. en matière d'instrumentation». C'est par cette définition que commence le réglement intérieur du laboratoire (article 1). Trop long pour qu'on en donne ici le texte complet, ce document précise notamment les modalités de fonctionnement des U.R.A., et les rapports qu'elles entretiennent avec les échelons centraux du laboratoire (direction et services communs). On y trouve réaffirmés les principes évoqués plus haut : - le C.R.A. est ouvert à toute formation de recherche archéologique du C.N.R.S., les chercheurs ne se rattachant individuellement au laboratoire que par leur appartenance à l'une de ces formations; - cette adhésion est libre, aucune équipe n'est dans l'obligation de faire partie du C. R.A.; - la constitution d'une U.R.A. suppose donc acte de candidature émanant d'une équipe de recherche existante, que cette existence soit déjà reconnue en droit (cas d'une «équipe» ou d'un «laboratoire» créés comme tels au C.N.R.S., avant leur intégratîon au C.R.A.), ou qu'elle le soit seulement de fait (cas d'une U.R.A. constituée par le regroupement de chercheurs considérés jusqu'alors comme « isolés »); - ces candidatures sont examinées par le comité de direction du C.R.A., qui apprécie l'intérêt du programme de recherche de l'équipe, et l'adéquation des moyens dont celle-ci peut disposer (notamment, mais pas toujours exclusivement, sur le budget propre du C.R.A.). - la décision portant création d'une R.A. est prise par le directeur général du C.N.R.S., sur proposition du comité de direction; elle vaut pour l'exécution d'un programme de recherche précis, et pour une période de trois à cinq ans, renouvelable après

examen des résultats obtenus à ce terme. Cette dernière clause a pour but de favoriser une certaine flexibilité dans la constitution du laboratoire. L'importance attachée à la notion de programme signifie en particulier qu'aucune U.R.A. ne saurait prétendre au monopole des recherches archéologiques dans une aire culturelle donnée ; c'est de son programme que chacun tire sa spécificité, et non de la seule référence, dans son titre, à l'exploration d'une «tranche» spatio-temporelle quelconque. Inversement, la révision périodique des programmes peut être l'occasion pour une équipe de modifier l'orientation de ses recherches, sans être tenue par l'affirmation statutaire d'aucune vocation immuable. D'autres dispositions concourent également à la flexibilité. C'est par exemple, la possibilité explicitement offerte aux R.A. de n'être archéologiques qu'en partie, et de poursuivre des recherches interdisciplinaires avec la collaboration de spécialistes d'autres disciplines ~ ethnologie, histoire, sciences naturelles, etc. C'est encore l'autonomie de gestion, explicitement reconnue aux U.R.A., et qui leur permet de veiller elles-mêmes à la conduite de leurs affaires administratives et financières. C'est également l'intégration des collaborateurs techniques et administratifs attachés aux R.A. ou aux services généraux dans un cadre unique, à savoir le C.R.A. lui-même, qui les met à l'abri des avatars structurels du laboratoire, etc. Une douzaine d'équipes archéologiques ont déjà manifesté par un acte de candidature l'adhésion générale qu'elles donnaient à ces dispositions. Mais, dira-t-on, tout dépend du budget... et quelle assurance a-t-on que l'entrée de ces équipes au C.R.A. aura pour effet d'accroître leurs moyens de recherche? Aucun, en vérité; mais c'est que la question est mal posée. Tout d'abord, il est désobligeant de placer sur ce seul plan les motivations de chacun à l'égard d'une entreprise historiquement issue d'autres aspirations. Ensuite, dans un laboratoire construit comme l'est le C.R.A., _l'accroissement des moyens d'une équipe ne se mesure pas seulement à celui de son budget; dès 1972, la mise en place des premiers services généraux (reprographie, dessin, mécanographie, base de Damas, etc.) sera pour plusieurs équipes l'occasion de s'en convaincre. Enfin, s'il est permis de juger sur une seule année ( 1972, premier exercice budgétaire du C.R.A.) on a quelque raison de ne pas se montrer trop inquiet : non que les moyens mis à la disposition du C.R.A. aient été le moins du monde en rapport avec les demandes de chacun (U. R.A. ou services centraux), tant s'en faut; du moins, les options budgétaires du laboratoire, dans cette relative pénurie, ont-elles manifesté clairement la priorité que l'on donnait aux demandes des équipes de recherche, avant celles de l'échelon central, et le souci que l'on avait, dans le premier cas comme dans le second, de parer d'abord au plus pressé (l'équipement élémentaire de bureau ou de terrain, l'aménagement des archives, la préparation des publications, etc.), avant de s'engager dans les voies plus spectaculaires que les archéologues méfiants croient être celle d'une dangereuse technocratie.
Jean-Claude GARDIN, directeur d'institut de recherche au C.N.R.S.