Transcription Transcription des fichiers de la notice - <em>Notes historiques sur Bayard</em> Durosoy, Barnabé Farmian (1745 ? - 1792) chargé d'édition/chercheur Morel, Nicolas (transcription)<br /> Laurence Macé CEREdI, UR 3229 - Université de Rouen-Normandie ; projet EMAN, Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle) PARIS
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Fiche : Laurence Macé CEREdI, UR 3229 - Université de Rouen-Normandie ; projet EMAN, Thalim (CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle). Licence Creative Commons Attribution – Partage à l’Identique 3.0 (CC BY-SA 3.0 FR)
Paris, Bibliothèque de la Comédie Française, ms. 250001
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A.2.949

Ms 25 001

21 9bre 1788

Répondu le 21 9bre 1766

Tourmenté cette nuit, Monsieur, par une colique d’estomach affreuse, je n’ai pas la force de sortir. – Je me hâte de vous mander, que hier au soir j’ai vû la personne, qui peut nous assurer 3 et même 400 souscripteurs ; – qu’elle m’a demontré qu’il falloit bien se garder de donner une forme périodique à un ouvrage nationnal ; il y a plus : le privilège étant obtenu, elle feroit les fondre ; – Mais point de journal ; – d’ailleurs des raisons que je ne puis confier au papier s’y opposeroient.

Il faut voir M. Necker. Il faut rédiger un précis a mettre sous ses yeux. Il faut signer les conventions préliminaires.

J’attendrai votre réponse, mais d’avance je vous garantis un succès certain ; – mais il faut avoir le privilège, et pour l’obtenir, il faut presenter l’ouvrage comme entreprise littéraire et patriotique, comme ouvrage de bibliothèque ; – cela leve toute difficulté.

J’attends les ordres de l’amitié.

Vale : tuus sum. De Rozoi

Ms. 25 001

À monsieur

Monsieur Vaudoyer avocat au Parlement, Rüe Notre Dame des Victoires n° 20 :/:

a 2t4

8 avril 1788

<hi rend="italic">Le Siège de <placename>Mezieres</placename></hi>

À monseigneur, ………

pair de France, etc, etc

Monseigneur,

Vous avez lû avec quelque intérêt cet ouvrage, dont le premier mérite est de rendre hommage à la mémoire d’un des guerriers le plus vertueux que la France ait produits : vous avez èxigé, que je fisse paraitre l'édition que j’avais préparée, pendant les répétitions ; vous m’avez rassuré sur le jugement que le public porteroit de ce drame héroïque : j’ai dû cèder à vôtre opinion, et sur tout avoüer, que ce n’est pas sans quelque plaisir.

Le suffrage de MM. les comèdiens, celui d’un nombre infini de personnes, dont le jugement pouvoit faire autorité pour moi, le sujet surtout

m’avoit fait concevoir de cet ouvrage quelques espérances flatteuses au moment, où Bayard obtient la grâce de son rival. J’avois vû plus d’une fois les larmes couler dans des lectures particulieres ; il me sembloit que je pouvois, sans me tromper moi même espérer, que l’effet théâtral ajouteroit encore à lintérêt du sujet.

Mais lorsque j’ai vû le rôle de Laure rendu de maniere, qu’à peine on a entendu un seul vers ; lors que le rôle d’Octavio, dont la sombre douleur et la jalousie impétueuse demandoit de l’energie et sur tout une diction dont la teinte fût analogue à la situation du personnage, ne fut prononcé qu’avec ce genre de talent, qui suffit à peine à la comèdie ordinaire, j’ai préssenti dès ce moment, que l’effet de ma piece êtoit manqué ; ce fut alors, que je me repentis de n’avoir pas crû aux conseils que j’avois reçus peu de jours avant.

Un compositeur, qui joint à une connaissance parfaite du théâtre, la mélodie la plus fraiche, la plus èxprèssive, et sur tout un faire qui lui est propre, m’avoit dit avec cette véracité, caractére de l’amitié ; ” vous èxposez un ouvrage ” estimable à une chute inèvittable ; vôtre piéce ” ne sera plus qu’un squelette, que le public ne pourra ” juger,

et que méconnaitra l’œil même de son père. ”

Mais j’avois entendu réciter le rôle de Bayard par cet acteur dont la diction brulante est une emanation de cette âme sensible qu’il reçut de la nature. Il me sembla, que ce rôle suffisoit pour soutenir l’ouvrage ; et sans doute cela seul eût suffi pour plusieurs réprésentations ; mais le public, qui suit le plus ce théâtre, est accoutumé à n’y voir, à l’exception de trois à quatre ouvrages, que de jolies esquisses ; depuis quelque temps on y met tout en tableaux de Boucher ou même

de Clinchetel ; le titre d’heroïque sur tout y semble tellement ètranger qu’avant même le lever de la toile, on proscrit l’ouvrage qui s’annonce sous ce titre.

Il y a plus. Les acteurs eux même s’effrayent de cette maniere de composer et de dire, qui caractèrise un genre dont ils se defient. Aussi dans le rôle de Laure avoit-on supprimé plusieurs morceaux, parce qu’ils sembloient avoir une teinte trop héroïque.

Cet ouvrage avait été reçu dès 1775, en comédie mélée d’arriettes ; alors elle êtoit ècrite en prose. Dèpuis je la mis en vers ; reçüe de nouveau sous cette forme, on suspendit sa représentation, et l’on me demanda d’en faire une comédie héroïque ; dans laquelle je ne conserverois que quelques intermèdes. J’y consentis encore. La pièce fut reçue pour la troisième fois, mais au moment des rèpètitions on èxigea des coupures, et toujours dans ce malheureux rôle de Laure.

J’avois, par exemple, pensé, que Laure allant

au 3e acte èxhaler sa douleur aupied de la tour où son amant est renfermé, dans le moment où elle ignore, que Bayard lui a sauvé la vie, pouvoit offrir un tableau intèrèssant. Octavio à qui sa reconnaissance fait un devoir de ne point voir Laure, ne repond point aux accens de amante l'amour ; ce silence èffrayant doit nécéssairement faire croire à Laure, que déjà il a èté conduit à la mort,. Je sçais que dans <persname><hi rend="bold">Aucass</hi>in</persname> e<hi rend="bold">t</hi><lb break="yes"/> <persname><hi rend="bold">Ni</hi>colette</persname> il y a une scene à peu près semblable : mais depuis 17745 que ma pièce a été reçue, je n’ayi pû empêcher, qu’un autre auteur dramatique n’eût la même idée ; et combien je devois m’applaudir d’avoir saisi celle-ci, quand j’ai vû qu’elle avoit frapè comme moi cet académicien, qui peut-être de tous les littérateurs connait le mieux les éeffets du théâtre et les moyens d’arracher ces cris de l’ame qu’il a tant de fois entendus, pour prix d’avoir si bien ètudié la nature.

eEh ! bien, cette scene si naturelle fut suprimée parce qu’en èffet elle paraissoit incohérente et froide, mais que mademoiselle Sainval, mais que madame Du Gazon, chacune avec sa manière differente de parler aux cœurs, et d’attirer à elle l’ame du spectateur, eussent donné à cette scene tout l’intérêt quelles répandent sur les moindres détails, quelle difference pour moi ! Artistes des deux sexes, fées enchanteresses, ou magiciens créateurs, dont l’ame s’unit à notre âme, il n’est que trop vrai, que notre déstinée est entre vos mains. Peres adoptifs de nos enfans, vous leur donnez une seconde naissance. Le moment même où nous les engendrons, est celui où le feu du génie nous ègare quelquefois, en nous embrasant ; remis entre vos mains, une création nouvelle assure leur èxistence. Je crois voir le fils de Sémélé qu’un dieu renferme en lui même ; après que sa mere a été consumée par le feu celeste, et ce fils conservé par une faveur si grande, est par la suite un conquèrant.

Je vous laisse à juger Monseigneur, combien je dus souffrir en secret, lors que je vis que l’effet de plus d’un rôle étoit perdu pour moi : mais ce que je dus trouver bien extraordinaire, c’est que le soir même de la 1re reprèsèntation, on eût sans mon aveu décidé de ne point afficher la seconde. Il est de regle au théâtre que toutes les fois qu’un ouvrage est achevé, on en donne la seconde représéntation à moins que l’auteur ne s’y oppose ; et jamais M.M. les comèdiens français ne manquent à cette loi du théâtre : mais aussi point de principes parmi eux, qui n’annoncent que c’est le théâtre de la nation ; il n’est point chez eux de cœur qui ne soit pas français.

Le <hi rend="italic">Siège de <placename>Méziere</placename></hi> avoit été fini : on avoit chanté les couplets du divertissement. Si les danses avoient paru peu analogues à la dignité du sujet, il êtoit injuste de s’en prendre à moi ; ces faibles taches pouvoient d’ailleurs disparaitre à la seconde reprèsèntation. Mais parce que l’on avoit dèfigurè mon ouvrage, on me punit comme si en èffet le rôle de Bayard, celui du connetable de Bourbon et même celui d’Octavio n’avoient point reçu du public les applaudissemens les moins equivoques. Je reconnus bien alors que les talents les plus faibles sont toujours ceux, qui ont le moins de docilité, et

le plus de pretention : mais malheureusement on les laisse maitres absolus ;Le rôle de Bayard, et celui du connéttable de Bourbon et plus encore celui d' par le * * Voilà pour mon malheur la troisième fois, que j’éprouve la même injustice. La premiere fois ce fut lors que je donnai au théâtre ma <hi rend="italic">Clemence de <persname>Henri IV</persname>, ou la <subst><del>r</del><add place="inline"><hi rend="bold">R</hi></add></subst>éduction de <placename>Paris</placename></hi> Pendant plus de huit jours on annonça sur l’affiche la 2e représentation : mais on trouva tant de difficultés à substituer quelques sujets aux premiers qui avoient joués des rôles ; les accessoires êtoient d’ailleurs si nombreux, que je consentis moi même à perdre tout le fruit de cet ouvrage dans lequel d’ailleurs j’avois èté forcé de sacrifier des morceaux, dont on craignoit l’effet au théâtre comme êtant une image trop fidelle des attentats du fanatisme.La seconde fois, qu’une injustice inéxcusable me prouva + combien peu certains hommes sçavent respecter le droit des sous le titre gens, fut celle où ayant èté engagé à mettre au théâtre + de <hi rend="italic">L’Amour</hi> cette pièce du <hi rend="italic">Fils reconnaissant</hi> jouée en Espagne et en Italie <hi rend="italic">filial</hi> dans la langue du pays, et depuis traduite en français, j’avois crû y devoir ajouter une èpisode qui me paraissoit indispensable et qui fesoit tout le sujet du second acte à l’avant dernière repètition je ne sçai quel homme de goût crût me rendre un grand service en soutenant que quidquid delirant, plectimur.

L’histoire a conservé le souvenir des transports de joie et de reconnaissance avec lesquels les habitans de la campagne vinrent s’unir aux habitans de Méziere du moment où le siège avait eût été levé par les Espagnols.

+ L’ouvrage réduit en un acte auroit le plus Ggrand succés. J’eus beau Les Anglais reprèsenter que le 2edeuxieme acte êtoit nècèssaire. + n’ont pas eû - je cèdai malgré moi ; on avoit d’ailleurs tant de tort en séduit le compositeur de la musique, la scene charmante de disant, que nous l’arrivée du fils copié toute entiere d’après l’auteur allemand sommes un peu avoit été changée d’après les mêmes conseils, cependant la gent moutonnieres. pièce ce soutint : mais ce n’étoit plus la mienne. * àÁ la 3etroisieme Dès que le rèprèsentation, j’exigeai que l’on joüat mon ouvrage tel que je prétendu connaisseur l’avois composé ; on me le promit , je , et l’on suspendist les rèprèsentations eût prononcé, et depuis ce temps, en vain je l’aurois demandé. Le public a perdu vingt voix une musique charmante : il s’accoutume en outre a mal juger le litterateur s’unirent à la victime de tant de circonstances multiplieés ; tel homme, dont sienne ; tout le mérite est d’avoir dû ses succés à de jolis quatrains et a des enluminures plus ou moins frivoles, se croit en droit d’insulter à celui qui avant d’entrer dans la carrière avait crû devoir consulter la nature, et qui sur tout s’est fait un principe de ne jamais oublier ce que le législateur du parnasse français a dit sur la langue et sur le respect qu’on lui doit, même eût-on obtenu le titre d’auteur divin, de cette foule de juges qui ne sont rien moins que divins. *

J’avois saisi ce trait historique, et nècèssairement ce tableau remplissoit bien l’espace de temps qu’il falloit pour que Laure ramenat elle même son èpoux aux pieds de Bayard,. oOn s'est obstiné à vouloir que les habitans de Meziere et ceux des campagnes n'arrivassent qu'à la fin ; àlors les deux airs chantés par l'une des femmes et par deux des guerriers se trouverent trop rapprochés. oOn m’a dit qu’en ce moment cette * * mademoiselle madlle Renaud cadette, sœur de cette actrice du même nom, qui est à juste titre regardée comme la cantatrice la plus parfaite, que la France puisse opposer à l’Italie moderne. actrice charmante qui nous promet, bien qu’étant aà peine dans son adolescence, d’egaler un jour les dDangeville et les Dugazon èprouva un trouble dont souffrit sa douce sensibilité. – Aimable et rare artiste, asséz d’autres succés vous consoleront de ce faible chagrin. Vous êtes née pour laisser un grand nom dans l’histoire du théâtre ; si quelque chose me console moi des injustices que j’éprouve, c’est en rendant justice aux talens tels que les vôtres.

Voila, monseigneur, comme j’ai été récompensé d’avoir honoré la mémoire du preux chevalier ; vous avez ètè d’avis que l’on m’avoit rendu service en

ne joüant plus l’ouvrage : mais il en est un certain public, qui ne juge que par l'èvènement ; mais j’avois enfin le droit le plus incontesttable à rèclamer. Il est donc de certains hommes, avec lesquels, il y a toujours quelque loi pour faire du mal, et jamais pour faire du bien. On ma depuis opposé certaine raison, dont l’énigme est encore inèxplicable pour moi ; mais on n’avoit pas cette raison le soir même de la premiere reprèsentation mais ce qui est juste doit l’être indépendament des circonstances ; un corps ne doit jamais manquer aux loix qui font la base de son ètablissement, que même en supposant qu’il eût à se plaindre de quelque offense particulière ; sa gloire doit pouvoir plus sur lui, que ses ressentimens.

Messieurs les journalistes ont cependant trouvé quelque talent, des vers heureux, et des sentimens èlevées dans cet ouvrage perdu pour moi, après tant de travaux ; je ne puis trop les remercier de leurs suffrages. pPlus que jamais ils sentent la nècèssité de soutenir l’homme de lettres contre les degoûts, qui èteindroient en lui jusqu’á l’amour du travail. oOn ne peut trop leur rendre grace de lutter contre la préférence

exclusive donnée aujourd’hui à ces caricatures plus ou moins brillantes qui se succèdent sur l’un de nos théâtres. Il y a quelques années dèjà, que l’auteur profond, ènergique, èloquent du comte de Comminges et de Gabrielle de Vergi, se plaignoit que l’on ne vouloit plus souffrir au théâtre de ces scenes pleines qui caracterisent le pinceau large et fier des Corneilles et des Racines. Chaque année augmente cette dèpravation : on ne prèsente on ne veut que des esquisses : mais aussi qu’en reste-t-il pour le cœur et pour l’esprit, lorsque l’on sort du théâtre ? Ainsi les dèclamations de Sènèque perdirent la tragédie chez les anciens romains ; ainsi les concetti et les imbroglio de l’opera bouffon ont perdu la bonne comèdie dans l’Italie moderne. Heureusement elle renait pour nous en ce moment du théâtre français grace à deux hommes de génie. dDeux grands comèdiens l’un dans L’<hi rend="italic"><subst><del>i</del><add place="inline"><hi rend="bold">I</hi></add></subst>nconstant</hi> et L’<hi rend="italic"><subst><del>o</del><add place="inline"><hi rend="bold">O</hi></add></subst>ptimiste</hi>, l’autre sous le

masque de Moliere et bientôt sous celui d’Ésope conservent et propagent le vérittable caractere et la tradition premiere de la haute comèdie, tel que les avoit conçus l’inimittable auteur du <hi rend="italic">Misantrope</hi> ; c’est un dépôt sacré dont il leur est bien glorieux de rendre ainsi compte chaque jour à la nation.

Puissiez vous, Monseigneur, trouver quelque plaisir à relire l’ouvrage, dont je vous hommage ! J’avois resolu de garder le silence sur les plaintes que j’avois a faire : mais j’ai crû me devoir cette sorte de justification au moment, où MM. les comèdiens vont remettre au théâtre ma tragèdie de <hi rend="italic"><persname>Richard III</persname></hi> ; ce dernier ouvrage m'a couté tant de soins ! N’ayant point mérité d’ailleurs les injustices que j’ai èprouvées il m’etaisst bien doux, Monseigneur, d’en converser avec vous. Vôtre tendre amitié fait en ce moment le bonheur de ma vie. quel chagrin ne s'effacerait pas quand une ame telle que la vôtre

C'étoit pour des hommes tels que vous, que le Pindare des Latins avait dit ; principibus placuisse viris non ultima laus est ; et moi, j’ai pris pour devise, avec vous, Monseigneur, ces vers du même Poëte ;

ô et praesidium et dulce decus meum. /:/

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Lu et aprouvé le 2 septembre7bre 1788 Suard

Vu l’aprobation permis d’imprimer à Paris ce 9 septembre 1788 de Crosne

M Durozoy

Préface.

Je ne retracerai point ici tous les exploits, et surtout les actes de bienfesance et de vertu qui ont rendu la mémoire du chevalier sans reproche et sans peur, aussi chere que cèlébre. Le théâtre a depuis quelques temps retenti des hauts faits et des traits mémorables de ce guerrier, l’honneur [de] son siecle et de sa patrie ; je l’ai dit et ècrit depuis longtemps ; la meilleure manière d’apprendre à tout un peuple l’histoire de son pays, c’est de la mettre en action sur la scene.

Je n’extrairai donc de la vie de Bayard que ce qui est relatif à l’ouvrage que je donne aujourd’hui, et je placerai dans quelques notes historiques tout ce qui tient à l’histoire des guerriers qui ont combattu à ses côtés.

Bayard ayant été blessé d’un coup de pique dans le haut de la cuisse à l’assaut de Bresse, dans le moment où il venoit d’emporter le retranchement, fut porté ensuite dans la maison d’une dame qui lae supplia de sauver sa vie, ses biens, son honneur, et celui de ses filles. La ville avoit été bien tôt forcée par les Français ; mais la présence de Bayard fut une sauve-garde assurée pour cette mere sensible, qui de ce moment prodigua au bon chevalier, ainsi que ses files, les soins les plus touchans. On sçait quel combat de reconnaissance et de générosité signala les adieu de Bayard et de cette mere, que ce seul trait a renduë immortelle.

Dans un autre moment, Bayard qui comme Cesar, comme Alexandre, et surtout comme notre bon Henri IV, adoroit ce sexe charmant, sans lequel la gloire même perdroit tout son prix, vo[it] arriver chez lui une jeune fille, qu’on lui avoit amenée. Le chevalier esperoit ne trouver dans ses yeux que le caractere brillant du plaisir et tous les charmes de la

volupté. Des larmes coulent au contraire des yeux de cette jeune victime. C’est une mere que l’indigence force à sacrifier l’honneur de sa fille ; c’est la mort d’un père tué dans un combat, qui a ruiné cette mere si peu èxcusable. Il y a plus : elle aime cette jeune infortunée ; et dès ce moment elle alloit être indigne de l’amant dont elle esperoit faire un èpoux. Essuyer ses larmes, l’envoyer à Grenoble chez une de ses parentes, dame d’un grand nom, la doter après l'avoir réunie à son amant, voila quels plaisirs délicieux et durables Bayard èchangea contre l’instant de volupté passagere, qu’il avoit crû gouter, et dont le sacrifice lui valut tant d’autres joüissances.

De l’ensemble de ces deux traits de la vie de mon heros, j’ai formé l’intrigue de la piece, ou d’ailleurs je me suis plu à peindre toujours Bayard d’aprés lui même ; je n’ai changé que peu de circonstances et j’avais au moins cette liberté.

En ajoutant l’epoque du siége de Méziere, le fait d’armes le plus glorieux du bon chevalier je dus nècéssairement le représenter dans le même tableau

comme guerrier, et comme amant.

Meziere êtoit alors une place presque demantelée une faible garnison et de mauvais remparts pouvaient-ils tenir longtemps contre deux armées formidables ? Mais Bayard s’y renferma et vingt chevaliers du plus grand nom se firent un honneur de combattre à ses côtés.

Un Clermont-Tonnere, un Duras, un Montmorenci, un Sassenage, un Monteynard, un La Tour du Pin, et Malessie, celui-là même qui avoit pris avec lui la caisse militaire des Espagnols. –  Les habitans de Meziere firent des prodiges de valeur sous les yeux du heros, et j’ai crû devoir consacrer cette anécdote si glorieuse pour eux au moment de la levée du siege, par la fête même qu’ils donnent à Bayard.

Chaque année, le jour de la délivrance de Meziere est un jour de fête publique pour ses habitans. Le nom de Bayard y est proclamé avec transport après tant de gènèrations. Puisse mon ouvrage y être représenté à l’un de ces anniversaires, et devenir un des tributs payé par la reconnaissance d’une ville dont chaque citoyen avait mérité d’être un des compagnons d’armes de Bayard.

Le trait, que j’ai consacré dans la scène 6e de mon premier acte est encore une des anecdotes de la vie de Bayard ; comme l’oublier au théâtre ?

Celui des guerriers, qu’il nourrissoit dans leur vieillesse, dont il avoit doté les filles, et placé les fils au service, est peut être la leçon de bienfesance la plus touchante, dont l’histoire et l’art dramatique puissent consacrer le souvenir : à la mort de Bayard, on trouva dans ses papiers des notes reservées pour lui seul, sur un nombre infini de vieux guerriers de veuves, ou de filles d’officiers, qu’il soutenoit par ses bienfaits, et son testament justifioit ce que je lui fais dire :

En consacrant sa volonté derniere pour vous servir Bayard se survivra.

Une seule partie de mon ouvrage merite d’être discutée ici, et j’avouerai, qu’elle est celle à laquelle j’ai attaché le plus d’interêt en travaillant ; c’est le moment où j’ai mis en scene le connetable de Bourbon, et Bayard. Mais plus d’un motif m’a déterminé à placer cette scene, qui semble episodique

mais qui rappelle un trait si touchant de Bayard mourant, et sur tout une anecdote de la vie du connettable, qui est trop peu connuë.

Dans des Mémoires particuliers, que j’ai lûs, et qui détaillent les malheurs et les exploits de ce prince si coupable, mais d’ailleurs si grand et si cruellement pérsécuté, il est dit que le connètable avoit eû le desir de s’expliquer avec Bayard sur le traité qu’il avoit fait avec Charle Quint ; que même dans un moment, il avoit èté frapé de l’idée d’associer le bon chevalier aux projets de sa future grandeur et de la possession de ce trône dont l’adroit souverain avoit sçu présenter à Bourbon le fantôme illusoire. Je n’ai pû, et je le crois, je n’ai point dû resister au plaisir d’enrichir mon ouvrage de cette anecdote précieuse. Si lors que l’on voit paraitre sur la scene Sertorius et Pompée, la seule idée de grandeur, dont on est frapé en ce nommant ces deux heros de l’ancienne Rome, suffit pour faire èprouver au spectateur la plus vive sensation, tout autre intérêt de la

piece à part, de quelle douce èmotion doivent être affectés des français en voyant Bayard et Bourbon développer leur caractère, et ce dernier accablé par les reproches du chevalier lui dire enfin ;

plus te me hais, plus je t’estime.

Les paroles si célébres de Bayard à ce rebéle, d’ailleurs si digne d’être admiré ne devoient pas être mises dans une autre bouche que dans la sienne ; c’est comme si l’on fesoit prononcer à quelque roi où gèneral, la courte et sublime harangue de Henri IV, marchant pour combattre la Ligue dans la plaine d'Ivry.

Enfin si en rapprochant Bourbon et Bayard j’ai abusé du Quid libet audendi d’Horace, au moins me scaura-t'on gré d’avoir èsquissé le caractere de ce prince, qui regretta tant de fois sa patrie, et qui même en annonçant à Bayard que son traité est signé avec Charles, et qu’il part pour l’Ilatie est encor assez français dans le cœur pour dire à Bayard qu’il souhaite que la victoire lui soit fidele, et ajoute

dussè-je un jour être vaincu par toi !

Ce que je dis au 3e acte des soins que le bon chevalier vouloit que l’on prit des blessés, soit Espagnols soit Français, est encore un de ces traits caractéristiques, que je n’ai point dû négliger… Le détail sur le souterrain, qui avoit servi à quelques fuyards est consacré par l’histoire ; quand aux bandes piemontaises, dont je parle dans ce même endroit on sçait comme dès lors le regiment de Piémont Joüissoit de la plus haute distinction, et l’on sçait avec quelle valeur, quelle fidélité irréprochable il a conservè jusqu’au moment où j’écris le dépôt sacré de gloires et d’héroïsme, dont un Brissac avoit des le 15e siecle allumé ce foyer qui semble ne devoir jamais s’eteindre.

C’est ainsi que j’ai rapproché tout ce qui pouvoit ajouter à la ressemblance du portrait que j’osois esquisser. Si je regrette bien sincerement ainsi que je l’ai dit plus haut, que l’on ait appliqué à d’autres guerriers des mots èchapés a la grande ame de Bayard comment s’est-on permis de lui attribuer à lui dans plus d’un ouvrage devenu cèlébre au théâtre des actions qui n'étoient pas les siennes.

Comment ne pas respecter la verité historique en parlant d’un guerrier, qui est si cher à la nation et dont la vie est l’ecole la meilleure pour tout Français qui entre dans la carriere des armes ?… Comment a-t-on rendu Gaston et Bayard rivaux et jaloux l’un de l’autre ? Comment a-t-on eû la pensée de faire présenter un cartel par Bayard à qui ? À son général, au neveu de son roi, au prince qui lui êtoit le plus cher ? Et dans quel temps ?…  Au moment d’une campagne, qui fixoit le sort de cette guerre, à la veille d’une bataille devenue dèpuis si cèlébre dans nos faites ; – – et pour qui ce duel ? Pour une femme qui n’est qu’un personnage supposé ? … Le chevalier sans reproche commettre une telle faute ! Et les jeunes gens que vous conduisez au théâtre, et qui ne connaissent point  assez l’histoire pour être en garde contre une telle fiction, emportent avec eux l’idée de cette scene que je trouve inéxcusable ! En vain l’auteur a mis Bayard aux pieds de son général, en vain Gaston fait son testament en sa faveur, s’il meurt dans ce

duel si ridiculement imaginé ? Pourquoi  supposer une faute pour le plaisir de créer ensuite des traits de générosité déstinés à l’effacer ?

Qu’un romancier suppose une intrigue d’amour, mette en action une belle, dont plusieurs guerriers se disputent le cœur ; qu’il suppose qu’un combat dicté par l’honneur, comme celui de Bayard avec Sottomaïor, ait èté la suite d’un dépit jaloux, qu’il ait même la folie de rendre François premier temoin et juge de ce combat absurde ; que ne pardonne-t-on pas à un romancier ? Encore ne devroit-on permettre ces ècarts d’imagination, que lors qu’il peut en resulter de grandes vérités morales, et des leçons frapantes, utiles à toutes les classes d’hommes. Mais il devrait être déffendu de defigurer les veritables traits de nos heros.Alexandre ne permettoit pas qu’un autre qu’Apelles fit son portrait : le peuple français devrait proscrire tout ouvrage, où ses Condés ses Brissac ses Dunois ses Turenne deviendroient méconnaissables à ses yeux par les tableaux mensongers que l’on

en feroit. Dans le héros macédonien, c’étoit orgueil ; dans la nation française, ce seroit vénération et reconnaissance. Par quel chatiment assez grand pourroit-on punir l’artiste, qui oseroit porter une main sacrilege sur la superbe basilique de Rome, et travailler à la détruire, parce que son goût seroit de peindre des ruines ? Ceux qui dénaturent l’histoire, et sur tout lors qu’il s'agit de ces hommes qui font èpoque pour la posterité commettent le même crime. Combien d’ecrivains avec du talent d’ailleurs ne sont en ce genre que des peintres de ruines !

Je ne dois pas omettre ici des traits précieux qui ne pourront qu’intérésser mes lecteurs.

Bayard êtoit de la famille des Terrails maison ancienne du Dauphiné. Les ayeux du bon chevalier s'étoient déjà rendus fameux par leurs exploits et par leurs vertus, avant que le Dauphiné eût été donné à la France. Aubert Terrail cinquieme ayeul du chevalier avoit été tué dans

une bataille à côté du Dauphin viennois Humbert. Lors que la province fut devenuël’appannage de l’heritier du trône français, les Terrails devinrent des sujets fideles des successeurs de Hugues Capet. Philippe 4e ayeul du chevalier fut tué à la bataille de Poitiers. Jean son fils le fut à celle de Verneuil ; Pierre Ier son petit fils à celle d’Azincourt ; Pierre II ayeul de Bayard à Montlhery. Il falloit un père digne d’un tel fils ; c’etoit le premier présent que la nature dût faire à notre heros. Aussi ne le lui refusa-t-elle pas. Aimond père du chevalier merita l’estime et l’amour de son roi ; il recut à la bataille de Guinegaste quatre blessures, mais si cruelles par leurs suites, qu’il fut obligé de ne plus servir le reste de ses jours.

La mere de Bayard fut pour lui ce que Blanche de Castille fut pour Loüis IX, le modèle de toutes les vertus ; aussi le chevalier l’aimoit-il de l’amour le plus tendre. Aussi bon

père, que fils sensible, ayant eû d’une demoiselle née d’une maison noble d’Italie une fille naturelle digne en tout de son père. Il l’éleva, comme si elle eût été sa fille legitime. Elle fut richement doté par les freres même du chevalier, dont un êtoit evêque. Aucun genre de vertu ne devoit manquer au chevalier sans reproche.

Après avoir lû tant de traits admirables de la vie de Bayard, sans doute on croiroit, que Grenoble sa patrie lui auroit au moins èlévé un monument ; elle doit être si glorieuse d’avoir produit un tel homme ! Combien les peuples mêmes sont ingrats ! Mais si après avoir lû l’histoire du vainqueur de la Ligue et du regénerateur de l'empire français de ce roi si clément, si brave, si sensible, on ajoutoit à ceux qui verseroient des larmes en ècoutant les recits multipliés des graces accordéses par lui à ses ènnemis, ce heros a èté poignardé au milieu de sa capitale ; sans doute l’homme, à qui l’on annonceroit ce parricide, croiroit que ce prince

si bon regnoit sur un peuple de tigres. Cette reflexion sur Henri IV ne m’eloigne pas de Bayard autant qu’on pourroit le croire. Ce grand roi c'étoit chaque jour ou les vertus, ou les paroles, ou les faits mémorables du chevalier : il le proposoit pour modele à sa noblesse. Il faut avöuer, qu’il y a entre ces deux hèros si chers à la nation française des ressemblances frapantes. Tous deux francs, valeureux intrépides, tous deux fideles à leur parole, gènèreux envers leurs ènnemis ; tous deux amis tendres et sinceres, enfin dociles à suivre la voix de ce sexe enchanteur autant qu’imperieux qui ne permet pas qu’on lui resiste, et qui paye par un sourire le sang des heros et les veilles de l’homme de génie. Ainsi le vainqueur de Mayenne l’ami de Sully êtoit le Bayard des rois, et Bayard fut le Henri IV des chevaliers français.

Le bon roi se trouvant à Grénoble en 1600 resolut de faire èlever un tombeau digne de la gloire de Bayard, et digne du monarque qui s’honoroit en honorant sa mémoire mais la

guerre de Savoye, le mariage de Henri et beaucoup d’autres èvènemens suspendirent l’effet d’un projet que le monarque n’avoit jamais perdu de vuë. uUn crime èxècrable l’enleva à la France et le ciel sembla la punir d’avoir pû produire un monstre capable d’un pareil attentat, en suscitant contre elle une foule de tirans subalternes. Cependant en 1619 les ètats du dDauphiné s’étant rassemblés à Grenoble firent un fonds qui reviendroit à peu près à 2000# de notre monnoie d’aujourd’hui. Mais cette somme fut dissipée, et bien tôt employée à un autre usage.

Ce n’est que depuis quelques années que la peinture et la sculpture se sont disputé la gloire de rendre ou les traits ou quelque action de la vie de Bayard.

Enfin au moment où j’écris une souscription est ouverte pour concourir à èléver ce même monument projetté en vain par Henri IV. Beaucoup de corps militaires se sont fait une gloire de concourir à cette souscription. Un gentilhomme qui par les femmes descend de Bayard a ètè un des premiers

souscripteurs, et le premier prince du sang a souscrit lui seul pour une somme quatre fois plus considérable que celle que les ètats du Dauphiné avoient accordée en 1619.

Jè terminerai ces détails par une observation bien précieuse pour tout ami de la vertu, pour toutguerrier sensible, dont l’âme est faite pour sentir le prix de cette recompense qui tient à l’estime et à la vènèration de la postèrité.

Bayard n’a jamais commandé d’armée en chef : Bayard n’a point livré de bataille, n’a pris aucune ville, et cependant son nom est un des plus cèlébres de notre histoire, je ne sçai que celui de Henri IV que l’on ne puisse prononcer sans être pènétré d’un sentiment ègal a celui dont on est affecté en nommant Bayard. Comment donc le bon chevalier se trouve-t-il placé à côté du heros, qui gagna plus d’une bataille, et qui d’ailleurs comme roi, comme legislateur, comme grand politique èffaça, t

Je ne dirai pas seulement tous les princes ses contemporains mais encore tous les souverains qui l’avoient-prècèdé sur le trône françois. C’est que Bayard fut le plus vertueux des hommes ; c’est que ce chevalier si intrépide dans les combats fut d’ailleurs le plus loyal, le plus magnanime, le plus sensible le plus clement des guerriers, des amis, des gentilshommes. À ce nom que le bon Henri adoptoit comme celui qui devoit le rapprocher le mieux de toute sa noblesse, comment ne pas regretter que cette même noblesse française ait tant perdu de se prérogatives ? Sans doute il êtoit affreux que des milliers de tirans deployentassent les uns contre les autres leur banniere, entrainassent au combat leurs vassaux, et que le souverain, le seigneur suzerain de tant de petits despotes, fût trop souvent obligé de les combattre, et plus souvent encore de négocier avec eux, en s’avouant à lui même quil êtoit trop faible pour les rèduire.

Mais qu’il y a loin de cette anarchie déstructive à l’entier asservissement de cette foule de successeurs

de tant d’hommes dont le seul nom donne l'idée de patriotisme le plus pur et de la loyauté la plus touchante. En vain on a cherché à jetter du ridicule sur ces vertus chevaleresques à qui l'Europe dût tant d’exemples de grandeur, de magnanimitè, de devouement heroïques. L'esprit de chevalerie valoit bien sans doute cet esprit de courtisan qui depuis a dénaturé ce caractere premier de tout gentil homme français.

Oh ! Combien il seroit digne d’un roi surnommé Bienfesant de régénérer ce principe de vertus et d’heroisme, que l’on n’a pu laisser périr, sans porterl’atteinte la plus cruelle à la nation elle-même. Les sciences, les aarts, le ggénie lui même servent aux plaisirs, à la volupté aux charmes de la volupté à l’accroissement des richesses fictives, du luxe et peut-être du commerce. Mais l’ancienne Rome avoit acquis tous ces avantages, lors qu’elle vit naitre dans son sein, des Tibere, des Séjans, des hHéliogabales.

eEn vain elle êtoit devenue la souveraine du monde connu : lorsqu'èlle eût perdu cet esprit de ses Brissac, de ses Crillons, de ses La Trémoille, de ses Bayards qui lui avoit servi à fonder le plus grand des empires, elle vit bien tôt chaque anneau de cette chaine immense qui attachoit à son trône tous les peuples de l’univers s’affaiblir et se rompre. Alors la souveraine des nations en devint l’esclave. On la vit trainer les fers dont elle avoit chargé tant de peuples, et l’inertie dans laquelle on la voit languir même de nos jours semble être encore un chatiment qui venge la terre des maux que lui fit souffrir pendant trop de siecles ce même peuple aujourd’hui si peu digne du nom de Romain.

Plus cet exemple est frapant, plus la France doit le regarder comme une leçon importante pour elle. L’époque même où j’écris peut être si favorable à cette renaissance de la grandeur premiere

de la noblesse française ! Que ce vœu suffise ! Qu’il soit entendu par les dignes heritiers des héros fondateurs de notre gloire et de notre puissance. Ce n’est point à la tête d’un ouvrage dramatique qu’il peut m’être permis de discuter une verité aussi importante pour tout l’empire français. Mais comme sujet fidéle et sensible, j’ai pû du moins exprimer le plus pur des vœux, et tout gentilhomme digne de ce nom répétera sans doute avec moi la priere que j’adresse en secret au père, au souverain, au bienfaiteur de la nation :/:

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Lu et aprouvé le 7 juin 1788 Suard

Vu l’aprobation permis d’imprimer à Paris ce 10 juin 1788 de Crosne

<hi rend="italic">Notes historiques</hi>.

C’est aujourd’hui qu’enfin je justifie ma gloire comme chevalier mes vœux comme sujet.

J’ai déjá donné dans ma préface une idée des exploits de Bayard, j’ajouterai quelques traits à cette premiere esquisse.

Dès son enfance il avoit été donné pour page à Philippe comte de Beaugè seigneur de Bresse gouverneur du Dauphiné, et qui fut depuis duc de Savoye.

Charles VIII le lui demanda en passant à Lyon et ce roi le mena en 1495 en Italie à la conquête du royaume de Naples. Dès lors son nom devint cèlébre ; n’ètant âgé que de 19 ans lors de la bataille de Fournouë, il y eut deux chevaux tué sous lui, et enleva un ètendart aux ènnemis.

Après la mort de Charles VIII, il suivit Louis XII, à la conquête du Milanés en 1499.

et de là il fut envoyé à Naples en 1502, où sur [le] pont du Garillant il soutint seul l’attaque de de[ux] cent Espagnols. Il fut enfin secouru et les ennemis fur[ent] mis en fuite.

Après la journée dite des Éperons il sauva les det[…]de l’armée française en arrêtant avec quinze gens d’armes à la tête d’un pont les èfforts de l’armée victorieuse. C’est ici que l'on peut dire Cedite Graii Cedite Romani.

Il servit encore en 1507 dans l’armée envoyée au secours de Maximilien. Et l’an 1508 il se trouva a[u] siege de Padoue, et secourut la comtesse de La Mirandole, et le duc de Ferrare.

Il contribua sous les ordres du duc de Nemours à la déffaite d’André Gritti général des Venitiens, et à la prise de la ville de Bresse. Ce fut dans cette derniere ville qu’il se signala par ce trait de bienfesanc[e] dont j’ai parlé dans ma préface.

Je ne dois plus penser qu’à déffendre Meziere.

Ce fut en 1521 que Bayard déffendit cette ville contre Charle Quint dont l’armée êtoit composée de 40,000 d’infanterie et 4,000 de cavalerie, il la battit avec dix pieces de canon. Bayard sauva la ville par sa valeur et par sa vigilance. François 1er le combla d’honneurs et lui donna à commander cent hommes d’armes de ses ordonnances ; prérogative accordée jusqu’à lors aux seuls princes du sang.

Dès l’année 1512, Louis XII l’avoit nommé lieutenant général de la province du Dauphiné.

Quand même trahi par le sort J’y perirois en vengeant ma patrie Je benirois au moins ma mort.

Ce fut en 1524 à la retraite de Robec que Bayard reçut un coup de mousquet qui lui brisa l’épine du dos ; il mourut de cette blessure agè seulement de quarante huit ans. Dès l’année 1523 il avoit suivi en Italie l’amiral Boñivet dont l’inéxpérience l’orgueil, et les fautes multipliées causerent les malheurs

de la France et lui couterent tant d’hommes, d’argent et de désastres.

J’adomets ici les exploits du bon chevalier au siege de Pampelune ; la déffense de Méziere auroit suffi pour le rendre immortel.

Moi fidele sujet , vous traitre à vôtre roi & &.

Ce sont les propres paroles de Bayard mourant au connètable de Bourbon. Je ne puis trop le répéter comment peut-on mettre dans la bouche d’un autre guerrier, quel qu’il soit, ces paroles mémorables, et que la situation même des deux héros rend pus frapantes encore. Si l’on ne respecte pas de tels traits historique[s] il faut traiter les hommes comme ils n’aiment que trop à se voir traiter, ne leur offrir que des fables.

Du fier SottoMaïor tu sçais comme par moi l’audace fut punie & &

L’espagnol SottoMaïor avoit osé avancer un mensonge qui importoit à l'honneur de Bayard : le chevalier le défia au combat et le tua. Mais il pleura sa

victoire et s’écria ; Si j’avois cent mille ecus je les donnerois pour l’avoir vaincu sans l’avoir tüé. Et l’on a osé d’une affaire d’honneur qui coute des l’armes à Bayard, en faire une de jalousie – amoureuse, et pourquoi ? – – Quelle leçon pouvoit resulter d’une pareille fiction. Ô vanas hominum mentes !

Duras, la Tour-du-Pin, Clermont, et sSassenage j’attends tout de vôtre courage : À son poste déjà j’ai placé Monteynard ; Jeune Montmorenci des heros de Lorraine C’est à vous qu’en ce jour je remets l’étendart.

Duras ce guerrier de l’ancienne et illustre famille des Durfort êtoit communément appellé le cadet de Duras. Tous les memoires de ce siecle si fécond en preux chevaliers le citent comme un des plus braves. Il avoit toujours èté lié par l’amitié la plus tendre avec Bayard. Quant aux Durfort, lisez le mémoire que j’ai inséré dans le second volume de mes aAnnales

de Toulouse, pour détailler les services de cette maison et vous verrez combien de générations d’hommes chers à la patrie se sont succédés dans cette famille illustre à tant de titres.

La Tour-du-Pin. Peu de maisons plus anciennes ; on fait remonter son origine jusques aux anciens Dauphins viennois auxquels les liens de la plus prochaine parenté l’unissoient. Trois freres de cette maison servent aujourd’hui avec distinction, et par un choix ègalement honorable pour chacun d’eux, tous trois dans une même promotion furent èlévé au même grade militaire par le feu roi ; epoque rare dans une famille.

Clermont. Le guerrier de ce nom dont je parle dans cette piece êtoit le frere d’armes et l’ami le plus cher du chevalier Bayard ; il êtoit digne et d’avoir un tel ami et de soutenir l’éclat de sa maison. Je placerai ici quelques détails historiques que mes

lecteurs n’y trouveront pas sans plaisir. Ce que j’ai dit des la Tour-du-Pin est ce que j’ai à dire des Clermonts me fait un devoir d’y ajouter un précis rapide de l’histoire d’une province dont les titres de gloire se confondent avec ceux de ces maisons illustres.

Les aAllobroges rendirent le Dauphiné cèlébre dès le regne de Tarquin l'Ancien l’an 139 de la fondation de Rome. Les Romains finirent par s’en rendres maitres ainsi que tant d’autres provinces de l’Europe et de l’aAsie, et leur possession du Dauphiné dura jusquen 475 de l’eÉre chrétienne epoque du regne d’aAugustule ; elle avoit duré 596 ans. pPendant cette epoque la province viennoise donna sept consuls à Rome, et la ville de Vienne eut un senat comme êtant devenue la capitale de l’eEmpire d’oOccident

Les Bourguignons succèderent aux Romains dans le cinquieme siecle sous hHonorius et

Valentinien troisieme du nom. Mais leur domination ne dura que cinquante deux ans. Les rois français de la 2e et de la 3e race possederent le Dauphiné pendant 352 ans. Boson qui en êtoit gouverneur se revolta en 879. Il fut èlû roi de Bourgogne et fonda le second royaume de ce nom. Rodolphe III fut son septieme succésseur et laissa en mourant par testament ses êtats à l’empereur Conrad.

Dès avant l’année 889 le comte d’Albon s’étoit établi dans le Dauphiné et c’est de lui que descendent les Dauphins. Dèjà les progrés du gouvernement féodal avoient èté rapides en Europe. Rodolphe III vivoit encore que dèjà le Graisivodan, le Viennois, le Valentinois, et le Diois avoient leurs seigneurs particuliers. De là cette lutte continuelle des grands feudataires contre le souverain et cette foule de bannieres qui s'élevoient pour entourer et abbattre, s’il êtoit possible, l’étendart du suzérain. Le Dauphiné sur tout èprouva les

èffets de cette rapide révolution. Le clergé ne s’oublia point dans un moment, où sa politique infatigable pouvoit à l’aide des foudres de Rome recueillir des fruits si prècieux de ses négociations multipliées. Les seigneurs se partagerent entre eux des domaines que la faiblesse du souverain n’avoit plus le courage ou les moyens de leur disputer.

Les empereurs d’Allemagne se contenterent de vendre les honneurs de l’investiture en s’en réservant le droit. Il se trouve toujours au milieu d’une semblable anarchie quelques guerriers plus braves ou plus adroits ; un des comtes d'Albon fut ce guerrier non moins ambitieux que redouttable ; et Guignes Ier du nom ayant sçu reunir à ses domaines d’immenses possessions prit le premier le surnom de Dauphin. Guignes VIII – y ajouta le nom de Viennois : Humbert II ne voulut avoir sur ses armes d’autres empreinte que celle du Dauphin. Alors le Diois et le Valentinois êtoient possedés en toute propriété par le comte

de Poitiers. Loüis Aymar mourant sans posterité fit don de ces deux domaines au Dauphin en 1419. Ils furent reunis à ceux du Dauphin viennois par plusieurs transactions dont les èpoques sont consignées dans l’histoire. Guignes 9e du nom, n’eut qu’une fille nommé Anne Dauphine. Elle transféra ses êtats à Humbert Ier seigneur de la Tour-du-Pin. En 1282 Guignes 13e petit fils d’Humbert Ier n’ayant point laissé d’enfant d'Isabeau de France fille du roi de France Philippe le Long, hHumbert son frere lui succeda, et ce dernier prince fit don à la France de tous ses êtats.

Ce fut ce même Humbert à qui les monarques français durent une si riche possession, qui avoit plus que tout autre Dauphin illustré son pays par les loix les plus sages et sur tout par les prérogatives honorables qu’il avoit accordées aux chefs de toutes les maisons dont les services avoient bien merités de ses prèdécésseurs ou de lui même.

Les guerriers du nom de Clermont avoient plus qu’aucune autre famille signalé leur attachement au Dauphin. Humbert par ses lettres dattéses du 20 juin 1340 èrigea la terre de Clermont scsituée dans le Diois en vicomté, et donna en outre à aAymart de Clermont 4e du nom trois charges qu’il voulut être à jamais héréditaires dans sa maison, la premiere fut celle de capitaine général de ses armées, ou connèttable du Dauphiné ; la seconde celle de chef de son conseil la 3e celle de grand maitre de sa maison. Il instala Aymard de Clermont dans la possession de la charge de connèttable en lui mettant dans une main une èpée nuë, et dans l’autre un guidon où êtoient les armes du Dauphiné ; dans celle de la seconde charge en lui donnant une baguette blanche, et enfin dans celle de la troisieme en lui mettant au doigt un anneau d’or.

On ne doit pas s’étonner de ce haut dégré de grandeur auquel Humbert èléva le chef de la maison de Clermont. Dèjà l’on sçavait que le Dauphin viennois inconsolable d’avoir perdu un fils qu’il avait eu de la niece du roi de Sicile qu’il avoit èpousée

avoit resolu d’abdiquer ses êtats. Le duc de Savoye avoit jetté des vuës sur quelques parties de cette belle province. Il sollicitoit Aymard de Clermont de faire cause commune avec lui ; or le Dauphin autant par reconnaissance que par politique crût devoir enchainer à jamais par la gloire et par les titres les plus illustres seuls bienfaits digne de lui un feudataire dont la valeur, les services et l’alliance pouvoitent faire pencher la balance à sa volonté.

Humbert se repentit d’avoir abdiqué : mais on sçut faire valoir contre lui le motif de la religion, parce qu’il avoit embrassé l’êtat eclesiastique. Enfin en 1350, il reçut les trois ordres à quelques heures les uns des autres et mourut à Clermont enAuvergne le 22 mars 1354. Son corps fut apporté à Paris et enterré dans l’eglise des Jacobins, dont il êtoit prieur.

Au moment, où il avoit signé un premier traité de la cession qu’il faisoit de ses êtats, il avoit eû soin

de stipuler que toutes les prèrogatives, tous les honneurs tous les titres, et toutes les franchises qu’il avoit accordés soit aux grandes maisons du Dauphiné, soit aux simples citoyens seroient respectés par les monarques français, et Charles V – ce prince dont la mémoire est si respecttable par le sur nurnom de Sage que son siecle lui donna, et que la postérité lui à confirmé, jura de ne point détruire l’ouvrage des Dauphins et de regarder comme un dépôt sacré tout ce qui êtoit un monument de la gratitude et de la munificence des Dauphins viennois ; ainsi les Clermont joüissent encore des trois titres glorieux dont Humbert II avoit investi Aimard de Clermont son déffenseur et son parent.

Depuis l’epoque òu Charles fils de France devint Dauphin, les Clermont voüerent au monarque français leur nouveau souverain le même attachement qui leur avoit merité tant d'estime et de faveur de la part des Dauphins viennois.

Cette maison a donné des grands maitres

à l’ordre de Malthe, des prelats cèlébres au clergé de France, des guerriers fameux à la patrie. Les alliances les plus illustres ont perpetué sa grandeur. Point de siecle òu l’on ne trouve dans les annales du Dauphiné quelque guerrier de ce nom ; c’est un Aymard seigneur de Clermont qui fait le voyage de la terre sainte avec le comte Aimé Le Verd et qui vole au secours de l’empereur que les Turcs menacoient d’un sort funeste. C’est un autre Aymard baron de Clermont qui avec un baron de Sassenage, un Jean Flotte baron de Montmaur, un Jean de Salvaing s’arment pour aller secourir les chevaliers teutoniques et les délivrent du danger dont les Lithuaniens les menaçoient.

C’est un baron de Clermont qui au siege de Pontoise en 1444 – merite par sa valeur d’être fait chevalier par le roi lui-même sur la bréche ou il avoit fixé les regards de son prince et de toute l’armée française.

C’est un Philibert de Clermont seigneur de

Montoison qui à la bataille de Fournoue a le bonheur et la gloire de dégager Charles VIII des mains de l’ennemi et qui renouvelle ce qu’un D’estaing* * Au moment où je redige ces notes historiques les papierspublics me sont apportés dans la retraite champêtre que j’habite. Je trouve dans l’extrait qu’ils donnent d’une piece nouvelle qu’un jeune homme nomme Sargine sauve la vie au roi Philippe Auguste à la bataille de Bovines. J’ai peine à croire qu’au théâtre on ait pû défigurer encore ce trait si cèlébre de la vie de Philippe et dementir nos fastes qui nomment un dDestaing comme ayant été le dDécius qui expose sa vie pour sauver celle de son roi. Dans mon drame heroïque sur la bataille d’Ivry, un père  reconnait qu’il a ètè fait prisonnier par son fils à l’épée que celui ci rapporte du combat ; c'étoit une faible reminiscence avoit fait pour pPhilippe aAuguste à la bataille de Bovines. Ce même Philibert est le Clermont qui combatit avec les Duras, Sassenage, Beaumont et Montmorenci, sur les remparts de Meziere ; c’est encorlui qui êtant mort à Ferrare où il commandoit couta des larmes à ce Louis XII père du peuple dont la tendre amitié êtoit seule un si grand èloge pour le guerrier qui l’avoit meritée.

Je terminerai cet article par cette seule observation c’est qu’il ni avoit dans tout le Dauphiné que quatre Barrronnies d’ancienne création ; c'étoit celles de Clermont de Sassenage de Bressieu et de Montmaur.

Quel plaisir ne dois je pas goûter en retraçant la gloire d’une province qui a seule donné tant de deffenseurs à la patrie : Je n’en ne citerai plus qu’un seul trait exemple, mais aussi glorieux pour cette province qu’effrayant ; plus de 300 gentils hommes du Dauphiné se trouverent à la bataille de Pavie, presque tous y ayant un commandement ; presque tous y perdirent la vie, et pas un seul n’en revint sans avoir ètè blessé.

du combat du vieux dDailly contre son fils ; mais au moins n’étoit ce pas le trait lui-même. Dans mes <hi rend="italic">Mariages samnites</hi> Èliane, cette fille samnite qu’une faute commise contre la loi fait condamner à perdre le droit d'être choisie pour èpouse par un heros, prend une armure et s'élance dans les rangs ènnemis. Elle sauve la vie au gènèral samnite en se jettant entre lui et un soldat romain qui alloit le percer de son javelot. Elle revient du combat, le casque en tête et la lance à la main, est reconnuë pour avoir réparé sa faute par ce trait héroïque, mais j'ètois maitre de mon sujet et je n’aurois jamais osé dans un sujet français

Sassenage. On voit par ce que je viens de dire que les seigneurs de Sassenage êtoient au nombre des hauts barons de la province. eEn 1416, un Henri baron de Sassenage fut èlu gouverneur de la province. Cette famille a donné aussi à l’ordre de Malthe des grands maitres, aux provinces des gouverneurs, aux armeés des gènèraux.

Cette famille forma d’abord deux branches dont la premiere eût pour auteur Artaud III – du nom, comte d[e Fo]rez et finit en 1336. La seconde produisit un n[o]mbre infini de guerriers, entre autres Antoine qui fut proposé par la noblesse du Dauphiné pour succèder en qualité de lieutenant général de la province à Antoine de Clermont.

attribuer à un inconnu une action heroïque connuë pour être celle d’un guerrier, et de quel nom encor ! Du nom de Destaing. Je le redis ici parce qu’il est de ces verités que l'on n’a pas encore assez répétées lors même qu’on les a ècritesmille fois. Le théâtre est la veritable ecole où toute la nation doit apprendre sa propre histoire. Si l’on y défigure les traits principaux et caracteristiques des héros on se rend coupable de lèze-majesté nationale si j’ose m’exprimer ainsi. Les Anglais n’ont jamais commis cette faute ; mais aussi la trempe de leur génie repond à celle de leur caractere :/:

Henri gouverneur de la même province tué en 1424, à la bataille de Verneuil òu 300 gentils hommes perirent à ses côtés.

François fils de Henri qui périt comme lui au champ d’honneur.

Trois guerriers de cette même famille conduisirent successivement l’arriere ban de la noblesse dauphinoise.

Monteynard. Ce guerrier commanda une sortie que Bayard fit faire sur les assiégeans : il êtoit d’une maison distinguée du Dauphiné ; elle a donné plus d’un guerrier à la France. Un Raimond aAymard seigneur de Monteynard fut lieutenant général de sa province. De nos jours un guerrier du même nom a èté secretaire d’êtat au département de la guerre et merita l’estime de la nation pendant son ministere comme il avoit merité celle des guerriers pendant sa carriere militaire.

Montmorenci. – Celui dont il est question ici êtoit alors âgé de 14 ans et fit ses premiers armes au siege de Mèziere, il portoit l’étendart de Lorraine. c'ètoit ce même Anne de Montmorenci devenu depuis connètable et qui mourut des blessures qu’il

reçut à la bataille de St. Denis, après avoir fourni une si longue carriere tantôt dans la plus haute faveur tantôt obligé de lutter contre l’insolente prosperité des gGuises.

Du valeureux Beaumont l’intrepide courage &.

Ce Beaumont commandoit en èffet un des postes des assiegés ; on sçait que la maison de Beaumontest une des plus anciennes du Dauphiné. Un François de Beaumont seigneur des Adrêts se rendit célébre par son courage féroce dans les guerres civiles qui desolerent la France au milieu du seizieme siecle. dDe nos jours un jeune guerrier du nom de Beaumont a vengé le pavillon français et illustré notre marine par un combat qui rendra son nom à jamais cèlébre. On ne pourra lire l’histoire de ce qu’a fait la France pour soutenir et assurer l’indépendance de l’aAmérique sans trouver le nom de Beaumont à côté de celui des dDestaing des lLafayette, des Rochambeau, des Guichen. oOn peut d’ailleurs consulter sur les titres de cette maison un ouvrage redigé par Mr. l’abbé Brizart, le même littérateur qui a rendu un hommage

si touchant à la mémoire d’Henri IV, et qui depuis a merité d’être couronné par l’academie des Inscriptions et Belles Lettres. Nul ecrivain plus digne de recueillir les titres des heros français et de les faire passer à la postérité.

Viens mon cher Malessie et juge par toi mêmeS’il est vrai, que Bayard t'estime autant qu’il t’aime

Tout est historique dans cette scene : il m’est bien doux de pouvoir encor placer dans mon ouvrage le nom d’un guerrier dont les descendans existent et dont j’ai vû par moi même la noble et brulante sensibilité en apprenant que ce moment de la vie d’un de leurs ancetres seroit cité au theâtre avec le nom de Bayard et celui de tant d’autres preux dont le seul souvenir èleve l’âme et pènétre de vénération.

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Lu et aprouvé le 7 juin 1788 Suard

Vu l’aprobation permis d’imprimer à Paris ce 10 juin 1788 de Crosne

Ce manuscrit se compose d’une dédicace, d’une préface et de notes historiques, le tout ayant trait au siège de <placename>Mezières</placename>, drame lyrique donné en 1788 par Du Rozoy. Le manuscrit est tout autographe, écrit un peu comme par un copiste, mais bien de la main de l’auteur. –