INVENTAIRE
Z
1035
Dda.
C.
15491
A
Et se trouve à PARIS,
PRÉFACE
DE L’ÉDITEUR.
Les écrits qu’un auteur publie ne sont d’ordinaire que le masque sous lequel il nous présente son cœur. C’est dans une correspondance intime & secrette qu’il se dévoile en li- berté.
Les Lettres de M. de Vol-
vj PRÉFACE.
D’autres lettres imprimées du vivant de M. de Voltaire, par la Beaumelle, sont fort loin de le peindre en beau.
Celles dont je fais part actuellement au public, bien supérieures aux précedentes par leur style ou par leur objet, n’offrent que peu de traits de la fausseté du prétendu phi- losophe. On y reconnoît par- tout le bel-esprit rare qui converse avec un homme d’es- prit.
J’ai joint à ce recueil un petit poëme fort agréable que
PRÉFACE. vij
manuscrit, & dont il m’a dit plusieurs fois que M. de Vol- taire étoit l’auteur. La chose ne paroîtra douteuse à personne.
Après les lettres de M. de Voltaire, le public verra sans doute avec bien du plaisir celles de son illustre amie. C’est un trésor véritablement précieux pour les littérateurs. Elles nous entretiennent fidèlement de ce grand poëte dans les tems les plus agités de sa vie.
Si quelqu’un me blâme d’a- voir mis au jour une corres- pondance destinée à rester se- crette, c’est à coup sûr un de
viij PRÉFACE.
ces êtres intéressés à cacher leur turpitude, & qui ne vou- droient laisser dans les cœurs d’autres vertus que celles dont leur dissimulation puisse n’a- voir jamais rien à craindre. En un mot, ce quelqu’un-là fait une satyre, & ce n’est pas la mienne.
LETTRES
(2)
amitié. Regardez-moi comme son
secrétaire ; écrivez-lui & écrivez-
moi, malgré les amusemens que vous
donnent les femmes d’
On a déja enlevé à
traduction anglaise de mes lettres.
C’est une chose assez plaisante que la
copie paroisse avant l’original. J’ai
heureusement arrêté l’impression du
manuscrit français, craignant beau-
coup plus le clergé de la cour de
Vous me demandez l’Épitre à
lie
la divinité même & non à l’un de ses
prêtres qu’il faut vous adresser, &
que je ne peux rien faire sans ses
ordres. Vous devez croire qu’il est
impossible de lui désobéir. Vous avez
bien raison de dire que vous auriez
voulu passer votre vie auprès d’elle. Il
est vrai qu’elle aime un peu le monde.
Cette belle ame est d’une étoffe
Qu’elle brode en mille façons.
(3)
Son esprit est très philosophe,
Et son cœur aime les pompons.
Mais les pompons & le monde sont
de son âge, & son mérite est au-
dessus de son âge, de son sexe & du
nôtre.
J’avouerai qu’elle est tyrannique ;
Il faut, pour lui faire sa cour,
Lui parler de métaphysique,
Quand on voudroit parler d’amour.
Mais moi, qui aime assez la mé-
taphysique, & qui préfère l’amitié
d’
cune peine à me contenir dans mes
bornes.
C’est à
L’art de penser est consolant,
Quand on renonce à l’art de plaire.
Ce sont deux beaux métiers vraiment,
Mais où je ne profitai guères.
J’aurois du moins fait quelque profit
dans l’art de penser entre
A 2
(4)
vous. J’aurois été l’admirateur de tous
deux. Je n’aurois jamais été jaloux
des préférences que vous méritez.
J’aurois dit de sa maison, comme
Ditior hic aut est quia doctior est....
Cuique suus.
Mais vous allez courir à
cette divine abeille va porter son
miel aux bourdons de
moi, je reste presque toujours dans
ma solitude entre la poësie & la phi-
losophie.
Je connois fort
réputation, & c’en est assez pour
l’aimer, si je peux me flatter de
votre suffrage & du sien.
Adieu ; le papier me manque. Vale.
(5)
Ce lundi.
VOILA une fort mauvaise copie
d’
Vous n’aurez pas besoin de mes vers
pour vous amuser en chemin. Votre
imagination & votre compagne de
voyage vous meneroient au bout du
monde. Cependant, prenez toujours
ce chiffon de tragédie pour les quarts-
d’heure où vous voudrez lire des cho-
ses inutiles. Si vous voulez en procu-
rer une lecture au petit Gnome cor-
respondant des savans, vous êtes le
maître. Quand vous serez arrivé à
louse
ami
lement ; je le crois au fond digne de
vous, quoiqu’il n’ait pas de brillant.
Vous lui ferez lire cette pièce, mais
point de copie. Adieu ; bon voyage.
Mille respects, tendre amitié.
A 3
(6)
A Paris, ce 3 novembre 1733.
VOUS m’avez écrit, Monsieur, en
arrivant, & je me suis bien douté
que vous n’auriez pas demeuré huit
jours dans ce pays-là, que vous n’é-
cririez plus qu’à vos maitresses. Je vous
fais mon compliment sur le mariage de
M. votre frère ; mais j’aimerois encore
mieux vous voir sacrer que de lui voir
donner la bénédiction nuptiale. On
s’est très-souvent repenti du sacrement
de mariage & jamais de l’onction épis-
copale. Je viens d’écrire à
petite guenille :
Vous suivez donc les étendarts
De
Vous vous enrôlez cette année
Sous Car... & sous
Le doyen des héros, une beauté novice,
Vont vous occuper tour-à-tour,
Et vous nous apprendrez un jour
(7)
Quel est le plus rude service,
Ou de Villars, ou de l’Amour.
Ceci n’est bon que pour votre tri-
nité indulgente. Je vous destinois des
vers un peu plus empoulés. C’est une
nouvelle édition de
A 4
(8)
point être brûlé si tôt. Comment !
Vous devriez bien l’apprendre. Vous
l’apprendrez sûrement ; car
du Châtelet
Elle traduit déjà tout courant ; elle
n’a eu que cinq leçons d’un maître
irlandois. En vérité,
telet
neuf à notre cour.
Voulez-vous des nouvelles ? Le
de Kell
d’
coupe les deux ailes de l’aigle impé-
riale en
roi
jamais. Une grande moitié de sa pe-
tite armée l’a abandonnée pour aller
recevoir une paye plus forte de l’é-
lecteur-roi.
Cependant le roi de
faire la cour par tout le monde, &
ne se déclare encore pour personne.
Les hollandois veulent être neutres,
(9)
& vendre librement leur poivre &
leur canelle. Les Anglois voudroient
secourir l’empereur, & ils le feront
trop tard. Voilà la situation présente
de l’
point à tout cela. On ne parle que
du rossignol que chante
Petit-pas
avec
de ses impertinentes magnificences.
Adieu. Quand vous serez las de toute
autre chose, souvenez-vous que
taire
dévouement le plus tendre & le plus
inviolable.
A Paris, ce 25 novembre 1733.
J’INTERROMPS l’agonie pour
vous dire que vous êtes une créature
charmante. Vous m’avez écrit une
lettre qui me rendroit la santé, si
quelque chose pouvoit me guérir.
A 5
(10)
On dit que vous allez être prêtre
& grand-vicaire ; voilà bien des sa-
cremens à la fois dans une famille.
C’est donc pour cela que vous me dites
que vous allez renoncer à l’amour.
Ainsi donc vous vous figurez
Alors que vous possederez
Le triste nom de grand-vicaire,
Qu’aussi tôt vous renoncerez
A l’amour, au grand art de plaire.
Ah ! tout prêtre que vous serez,
Seigneur, Seigneur, vous aimerez.
Fussiez-vous évêque ou Saint Père,
Vous aimerez & vous plairez ;
Voilà votre vrai ministère ;
Vous aimerez & vous plairez ;
Et toujours vous réussirez
Et dans l’Église & dans
Vos vers & votre prose sont bien
assurément d’un homme qui sait plaire.
Je suis si malade que je ne vous en
dirai pas davantage, & d’ailleurs que
pourrois-je vous dire de mieux, sinon
que je vous aime de tout mon cœur.
(11)
J’ai envoyé trois
Nota. On observera que
n’avoit pas alors adopté l’orthographe qui
substitue ai à oi dans la terminaison d’une
foule de mots.
A 6
(12)
Du 12 février 1764. A M. le Comte de S**.
VOUS remplissez, Monsieur, le
devoir d’un bon parent de
je vous crois allié de
seulement par le goût & par les gra-
ces, mais parce que je ne crois point
que
aimer vingt ans une ingrate. Je suis
sûr que vos mémoires vaudront beau-
coup mieux que les raisons que vous
donnez de m’avoir abandonné si long-
tems ; vous n’en avez d’autre que
votre paresse.
Je suis enchanté que vous ayez pris
le parti de la retraite ; vous me justi-
fiez par-là, & vous m’encouragez.
Si je n’étois pas vieux & presqu’a-
veugle,
& je dirois avec
Dal dolce loco, ov’hà sua étà fornita,
(13)
Che vede il caro padre venir manco.
J’irois vous voir assurément à la fon-
taine de
mes vallées ne soient plus vastes &
plus belles que celles où a vécu
trarque
bords du
que les miens aux cruels vents du
nord.
est un vaste jardin entre des monta-
gnes ; mais la grêle & la neige vien-
nent trop souvent fondre sur mon
jardin. J’ai fait bâtir un château très-
petit, mais très-commode, où je me
suis précautionné contre ces ennemis
de la nature ; j’y vis avec une nièce
que j’aime. Nous y avons marié
demoiselle Corneille
du voisinage qui demeure avec nous.
Je me suis donné une nombreuse fa-
mille que la nature m’avoit refusée,
& je jouis enfin d’un bonheur que je
(14)
n’ai jamais goûté que dans la retraite.
Je ne peux laisser la
tita
Monsieur, qui avez de la santé &
qui n’êtes point dans la vieillesse, de
faire un pélerinage vers notre climat
hérétique. Vous ne craindrez point le
souffle empesté de
gat vous chargera d’agnus & de reli-
ques ; vous en trouverez d’ailleurs
chez moi, & je vous avertis d’avance
que le pape m’a envoyé par M. le
duc de C......., un petit morceau de
l’habit de
tron. Ainsi vous voyez que vous ne
risquez rien à faire le voyage. D’ail-
leurs, la ville de
de philosophes, & je ne crois pas
qu’on en puisse dire autant de la ville
de la
Il y a long-tems que je n’ai été à
ma petite campagne des délices ; je
donne la préférence au petit château
que j’ai bâti, & je l’aimerai bien
(15)
davantage, si jamais vous daignez
prendre une célulle dans ce couvent ;
vous m’y verrez cultiver les lettres
& les arbres, rimer & planter.
J’oubliois de vous dire que nous
avons chez nous un jésuite qui nous
dit la messe. C’est une espèce d’Hé-
breu que j’ai recueilli dans la trans-
migration de
du tout génant,
victis
enfin, c’est un jésuite dont un phi-
losophe s’accommoderoit. Pourquoi
faut-il que nous soyons si loin l’un
de l’autre, en demeurant sur le même
fleuve ?
Je suis bien aise que messieurs d’
vignon
envoye le
Il ne tient qu’à vous de venir voir
sa source. Vous combleriez de plaisir
votre vieux serviteur, qui ne peut
(16)
vous écrire de sa main, mais qui vous
sera toujours tendrement attaché.
Au château de Ferney,
par Genève.
Du 26 décembre 1764, au château de
Ferney.Au même.
Vous avez écrit à un aveugle, Mon-
sieur, & j’espère que je ne serai que
borgne quand j’aurai l’honneur de vous
revoir. Soyez sûr que je vous verrai de
très-bon œil, s’il m’en reste un. Les
neiges du mont
donné d’abominables fluxions, que vo-
tre présence guérira. Mais serez-vous en
effet assez bon pour venir habiter une
petite célulle de mon petit couvent ?
Il me semble que Dieu a daigné me pé-
trir d’un petit morceau de la pâte dont
il vous a façonné. Nous aimons tous
(17)
deux la campagne & les lettres ; em-
barquez-vous sur notre fleuve ; je vous
recevrai à la descente du bateau, & je
dirai :
Je n’ai point encore entendu parler
de votre second tome ; mais quand il
viendra, je ne sais comment faire pour
le lire. Il y a trois mois que je suis
obligé de me servir des yeux d’autrui.
Jugez s’il y a quelqu’apparence au beau
conte qu’on vous a fait, que j’avois
mis quelques observations dans la Ga-
zette littéraire. Je ne lis, depuis long-
tems, aucune gazette, pas même l’ec-
clésiastique.
Il est juste que vous ayez beaucoup de
jésuites dans
à craindre en terres papales. Les parle-
mens ont fait du mal à l’Ordre, mais
du bien aux particuliers. Ils ne sont
heureux que depuis qu’ils sont chassés.
Mon jésuite
mal vêtu, mal nourri ; il n’avoit pas
(18)
un sou, & toute sa perspective étoit la
vie éternelle. Il a chez moi une vie
temporelle assez agréable. Peut-être que
dans un an il n’y aura pas un seul de
ces pauvres gens qui voulût retour-
ner dans leurs collèges, s’ils étoient
ouverts. Du reste nous ignorons,
Dieu merci, tout ce qui se passe
dans le monde, & nous nous trouvons
fort bien de notre ignorance. Le meil-
leur parti qu’on puisse prendre avec
les hommes, c’est d’être loin d’eux,
pourvu qu’on soit avec un homme
comme vous. Mon indifférence pour le
reste du genre humain augmentera
quand je jouirai du bonheur que vous
me faites espérer. Je prends la liberté
d’embrasser de tout mon cœur le parent
de
qui est de meilleure compagnie que
son héros.
(19)
Du 25 janvier 1765
Au même.
Le second volume m’est arrivé, Mon-
sieur ; je vous en remercie de tout mon
cœur : mais
core plus de remerciemens que moi. Il
doit être bien glorieux ; vous l’avez
cité. . . . . . . . . . . . . (I).
Mais comme je suis plus instruit que lui
de ce qui me regarde, je peux vous as-
surer que je n’ai pas seulement lu cet
extrait de
parlez. Il faut que ce
chrétien, puisqu’il a tant de crédit
en terres papales. Vous m’avez traité
comme un excommunié. Si la seconde
édition de l’
(I) Voyez la troisième lettre du tome
V de l’Année littéraire de 1764.
(20)
blans. Ces rimes de quatre en quatre
n’avoient pas d’abord frappé mon oreil-
le, qui n’est point accoutumée à cette
espèce d’harmonie. Je prends d’ailleurs
actuellement peu d’intérêt aux vers
soit anciens, soit modernes. Je suis
vieux, foible, malade.
Je n’en dis pas de même de votre
amitié, & de l’envie de vous voir : ce
sont deux choses pour lesquelles je me
sens toute la vivacité de la jeunesse.
J’ai l’honneur d’être, Monsieur, du
meilleur de mon cœur & sans cérémo-
nie, votre très-humble & très-obéissant
serviteur,
Au château de
Ferney
(21)
LETTRE
De M. l’abbé Berb...., chanoine de...., à Paris, au même.
MONSIEUR,
J’AI reçu avec bien du plaisir & de la
reconnoissance l’exemplaire dont vous
avez bien voulu m’honorer. Je n’au-
rois pas tant tardé à vous en faire mes
remerciemens, sans les différentes af-
faires dont je suis accablé depuis un an.
Votre ouvrage a fait la plus forte sen-
sation dans la grande capitale ; tous les
gens de lettres l’ont lu avec un plaisir
infini. A peine eût-il paru, que je
n’oubliai pas de lui faire rendre l’hom-
mage qui lui étoit dû par
&
impatience les autres volumes. Je par-
tage en quelque façon une portion
des lauriers dont les muses couvrent
(22)
votre tête, par l’intérêt que je prends
à tout ce qui vous regarde. J’ai vu aussi
dans le tems
communiqua la critique de l’
des
faire paroître, ou qu’il la modifiât,
s’il y étoit contraint par les ordres de la cour. C’est ce qu’il a fait, comme
Nota C’est ainsi que
façon à son ami, qu’il ait mis quelques obser-
(23)
FRAGMENT
D’une lettre de M. de S.... à M. de
. . . . . Nous prenons fort peu d’in-
térêt aux événemens de la guerre d’
talie
vos lettres me fait plus de plaisir que
la nouvelle de la prise du
Milan
de même. Il est fort engoué de vous.
L’empressement que vous lui témoi-
gnez excite ma jalousie. Je céde à la
démangeaison de vous crayonner l’hom-
me pour qui vous me faites infidélité.
Sa figure est celle d’un gnôme ;
vations dans la Gazette littéraire, & il employe
pour les y faire insérer les ordres de la cour.
Voyez la Gazette littéraire de l’Europe, page 392.
(24)
Il écrit à tous les savans
Ceux de
Il amasse à grands frais d’antiques monumens ;
De discours pesans il m’assomme.
ll mange & dort ; voilà votre homme &c.
Les vers suivans attribués à Moncrif, n’ont guères que le mérite d’avoir oc- casionné ceux de M. de Voltaire & de servir à leur intelligence.
Vers de
La fleur des enfans du Parnasse
Est arrivée en ces quartiers ;
Mais la cabale en vain pourchasse
Un jeune front ceint de lauriers.
Les généraux de cette armée
S’empressent à qui l’héberger.
Il est, grace à la renommée,
Mille Admètes pour ce berger.
Te voici donc,
Ma foi, tu sois le bien venu ;
Mais qu’il soit dit, sans te déplaire,
Que ton dessein nous est connu.
Pour
(25)
Pour te faciliter l’histoire
De chacun de nos généraux,
Un soldat que l’on en peut croire,
Fait leur portrait en peu de mots.
C’est d’
Qui succède au feu général ;
Le seul royaume de
A droit de lui vouloir du mal.
Vigilant, froid, infatigable,
Habile, bon ingénieur,
Aux ennemis insupportable,
Dans le combat mauvais railleur.
Tingri que le soldat adore,
Est aussi devant
Rien que de grand ne peut éclore
De la race de
Le nouveau chevalier de l’Ordre,
Sur qui, malgré tant de rivaux,
L’envie encore n’a pu mordre,
En mérite a bien peu d’égaux.
B
(26)
Tu t’attends que je te le nomme ;
Mais non je ne le ferai pas.
Devine. Eh bien ! là c’est cet homme,
Qui sort de tous les embarras.
C’est ce dragon, ce capitaine,
Dont
Et qui fait dans une semaine
Ce que d’autres font en un mois.
Jadis favori de ton roi,
Ta valeur fait parler de toi
Plus que le sang qui te fit naître.
Pour faire trembler les Germains,
Sang des rois, dont les moins illustres
Sont faits pour régir les humains.
Tant d’autres enfin dont l’histoire
Honorera leurs descendans,
Et dont les noms à ma mémoire
Se refusent à contre-tems.
(27)
Tu veux encor savoir peut-être
Combien nous avons de soldats.
Autant que d’hommes, mon cher maître,
Quoique
Mais encor, qui peut faire vivre
Ce nombre infini de guerriers ?
Garde-lui place dans ton livre ;
Car il mérite des lauriers.
C’est l’un de ces frères uniques
Qui quatre jadis n’ont fait qu’un,
Bons financiers, bons politiques,
Pensant au-dessus du commun.
Consultés par les plus grands princes
Dans des tems remplis d’embarras,
Et qui régiroient cent provinces
Sûrs de ne point faire un faux pas.
Mais tout
Que fait donc
Tout ce qu’il faut qu’on en attende ;
Il soupire après les combats.
B 2
(28)
Il veille, il travaille sans cesse ;
Homme de tête, homme de main,
Tous les jours il entend la messe,
Et jeûne comme un capucin.
En un mot, voici la justice
Que lui rend le camp tout entier.
VERS sur le même sujet & relatifs aux précédens ; par M. de Voltaire.
LES HÉROS DU
A M. le Duc de la Trimouille.
JE suis trop bon Francois, Seigneur,
Pour voir sans honte & sans aigreur
Cette impertinente écriture ;
Dans tout
Oh Ciel ! quelle pesante main
Barbouille nos héros du
Un sot éloge est une injure
A punir comme un trait malin.
(29)
Eh ! Monsieur de l’Académie,
Laissez les chansons aux grivois,
Ou prenez leur ton, je vous prie.
Moins bas & plus uni cent fois,
Mangez chez le munitionnaire,
S’il est homme assez débonnaire
Pour vous admettre à ses repas.
Mais ce riche a fait des ingrats ;
Il voudra bien encore en faire.
Croyez-moi donc, ne payez pas
En méchans vers sa bonne chère.
Quelle lache indiscrétion
Vous porte à rouvrir nos blessures
Et du Visé les déchirures ?
Peignez-vous par aversion
Nos ruineuses aventures ?
Malgré la bonne intention,
Vous demandez : Que fait
Là-bas ? que fera-t-il demain ?
Votre pinceau l’habille enfin,
Non pas d’une cotte de maille,
Ou d’un casque de
Mais du manteau d’un capucin.
Louons son esprit, sa vaillance ;
C’est l’homme de tous les talens.
Laissons au moine noir ou blanc
Les secrets de sa conscience.
B 3
(30)
Pour ce seigneur, en vérité,
C’est une œuvre bien méritoire
De vous pardonner le grimoire
Où vous l’avez si bien traité.
Revendiquez votre partage
Au tems avoué de
Chantez les siéges, les blocus,
Chefs & soldats dont le courage
Épargne la honte aux vaincus ;
Tracez, mais d’une main hardie,
L’Anglois qui chez nous accueilli
Y retrouve une autre patrie.
Celui dont la mort & la vie
Ne craignent ni le prompt oubli,
Ni le fade éloge avili
Par la bavarde confrairie.
La sagesse la plus profonde ;
Il fut le modèle & l’auteur
D’une race en héros féconde ;
Entre ses fils au champ de
Il meurt, & son sang les inonde.
Que de gloire ! que de grandeur !
Est-ce mourir, ou de ce monde
Sortir en vrai triomphateur ?
Donnons sa place & sa puissance
Au
(31)
A ce d’
Qui ne doit rien à sa naissance.
Il se montre seul à mes yeux
Et que m’importent ses ayeux ?
Quelle race ne sera fière
De commencer par un tel père !
Celui dont il ne faut rien dire,
Plutôt que de le louer peu.
L’apprentif qui l’ose décrire,
Ne voit en lui qu’un cordon bleu.
J’y vois le vainqueur de l’envie,
Qui, par la force & le génie,
Mit la fortune à la raison,
Qui des débris de sa maison
Fit les fondemens de sa gloire,
Aux grands projets donna l’essor,
Et des aîles à la victoire,
Et la trouvoit trop lente encor.
Cet infatigable
A ses côtés vole au combat.
Ce frère, son élève agile,
Jeune homme encore & vieux soldat,
Mes chers voisins de la
Car je vous y vis tous les deux ;
A votre nom mon sang pétille ;
Je respire à vous voir heureux ;
B 4
(32)
Et vous, augustes volontaires ;
De la
Dignes héritiers de vos pères,
Ah ! faut-il qu’un grossier encens
Enfume vos lauriers naissans.
Du soldat qui vous envisage
Goûtez les applaudissemens.
Préférer ce naïf hommage
Au plus fastueux compliment.
Qu’on opposoit à son ardeur ;
De tous les Condés son grand cœur
Réunit en lui le spectacle.
Tu nous rendras, jeune
Ce héros chanté sur le
Que Fleurus, Stinkerque &Nervinde
Ont vu valoir seul un parti,
Ton digne ayeul, dont le Sarmate
A genoux eût reçu des loix,
Si cette république ingrate
Méritoit d’avoir de bons rois.
Ah ! puissai-je avoir une voix
Egale au zèle qui me flatte,
Pour chanter un jour tes exploits.
Je souhaite aux dieux de la terre,
(33)
A nos princes succès en guerre,
Plaisir en paix, bon trésorier,
Sultanne fringante & jolie,
Fidelle & toujours applaudie,
Un brave & galant écuyer,
Mais sur-tout un bon secrétaire,
Du mérite & du caractère,
De celui que
Le succès l’avoit fait connoître.
De l’air dont se battoit son maître.
Princes, vos bontés sont d’un prix
A n’en pas profaner l’usage.
A ses plus dignes favoris.
Mais
A la gamelle du commun.
B 5
(34)
ÉPIGRAMME
De Voltaire, contre F**.
QUAND nous verrons dans les campagnes
Un aigle à l’œil superbe élancé des montagnes,
Planer vers le soleil & fuir loin de nos yeux,
Nous croirons voir
leux ;
Mais lorsqu’en un boccage, ou les roses fleuris-
sent,
Nous verrons la chenille errer dans un buisson,
Et flétrir en rampant les fleurs qui la nourrissent,
Il faudra, malgré nous, reconnoître F**.
Du 6 septembre.
DEPUIS que j’ai reçu votre lettre,
Monsieur, j’ai éprouvé un des malheurs
attachés à l’état de mère. J’ai perdu le
plus jeune de mes fils. J’en ai été plus
fâchée que je ne l’aurois cru, & j’ai
senti que les sentimens de la nature
(35)
existoient en nous, sans que nous nous
nous en doutassions. Sa maladie m’a
fort occupée.... Je me suis mise dans
les mathématiques depuis que la poësie
m’a abandonnée. J’apprends la géo-
métrie & l’algèbre par un maître que
vous connoissez, & qui en écarte
toutes les épines. Il me quitte pour
aller philosopher à
nouilly
tainebleau
vous y recevoir un jour.... On a
joué une petite pièce de
pellée
B 6
(36)
liminaires. Cette affaire est plus dif-
ficile que la paix générale, & m’in-
téresse bien autant. J’ai perdu ces
jours-ci un nommé
avez vu chez moi ; j’en suis fort fâ-
chée. Il est affreux de voir mourir les
gens avec lesquels on a vécu. Cela
dégoûte de la vie ; mais si on pouvoit la
passer avec vous, on seroit trop heureux.
A Paris, ce 3 avril 1735.
. . . . . . . .
je crois son affaire terminée. Si sa santé
n’est pas bonne, le plaisir de revoir
ses amis lui fera, je crois, grand bien.
Nous vous regrettons ensemble. Il vous
est tendrement attaché. S’il savoit que
je vous écris, il joindroit les marques
de son attachement aux assurances de
la tendre amitié qui m’attache à vous
pour ma vie.
(37)
Du 3 janvier 1736.
. . . . . . . Je vis avec un homme pour
qui je vous ai vu de l’amitié, & qui
la mérite par son attachement pour
vous. Vous devez à cela reconnoître
V***. On va jouer une tragédie
qu’il a faite depuis que vous étiez aux
donnée, & il a valu cela au public
par le mauvais procédé qu’il avoit eu
de voler son sujet, dont on lui avoit
rendu compte. Nous allons jouer dans
notre petite république de
comédie qu’il a faite pour nous, &
qui ne le sera que par nous...
fait l’Histoire de
je newtonise tant bien que mal. Je ne
sais si vous avez ouï parler du voyage
de
lls iront de la part de l’Académie. Vous
avez sans doute les observations pé-
(38)
riodiques de
pirate de la littérature m’ôte le plaisir
de vous envoyer une lettre en vers
de Argalotty,
(I) C’est Algarotti. La faute est dans l’ori-
(39)
A Bruxelles, le 24. . . . . 1740.
. . . . . . J’y ai essuyé les deux seuls
malheurs dont mon cœur fus suscep-
tible ; celui d’avoir à me plaindre d’une
personne pour qui j’ai tout quitté,
& sans qui l’univers, si vous n’y étiez
pas, ne seroit rien à mes yeux, &
celui d’être soupçonnée par mes meil-
leurs amis même d’une action qui doit
me rendre l’objet de leur mépris. Votre
amitié est la seule consolation qui me
reste ; mais il faudroit en jouir de cette
amitié, & je suis à trois cent lieues
de vous. Mon cœur n’est à son aise
qu’avec vous ; vous seul l’entendez,
& ce que les autres regardent en pitié,
comme une espèce de déraison, vous
paroît un sentiment, qui l’est dans
votre nature, s’il n’est pas dans la
nature. Je ne sais pourquoi je vous
ai avoué ce que je vous ai dit à
(40)
raison à une chose dont je ne con-
nois pas bien la raison moi-même.
Je vous l’ai dit parce que c’est la
vérité, & que je crois vous devoir
compte de tout ce que mon cœur a
senti. Aucune réflexion n’a produit
cet aveu, & toute réflexion l’auroit
empêché. Je me le reprocherois & je
m’en repentirois, si je ne croyois être
sûre de votre caractère. C’est cette
même certitude qui me fait me livrer
sans crainte & sans remords à tous les
mouvemens de mon cœur pour vous.
Sans doute, le sentiment que j’ai pour
vous doit être incompréhensible pour
tout autre ; mais il n’ôte rien à la pas-
sion effrénée qui fait actuellement mon
malheur. On auroit beau me dire :
Cela est impossible ; j’ai une bonne
réponse : Cela est, & cela sera toute
ma vie, quand même vous ne le vou-
driez pas.... On me mande de
mon livre réussit. Il ne me manque
que de pouvoir voir sentir son succès.
(41)Du 3 février.
. . . . . . .
l’Histoire des campagnes du roi ; j’au-
rai soin de vous les envoyer.
A Paris, ce 10 avril 1743.
. . . . . . . Vous savez le résultat de
notre affaire de l’Académie ; ni votre
archevêque, ni vous, ni nous, ne
sommes contens. Je vous avoue ce-
pendant qu’il est bien plaisant de voir
remplir une place destinée à
V***
B**
n’est guères moins ridicule. Nous ne vou-
lons plus y penser que la cour d’elle-
même ne pense à nous. Ne croyez pas
que nous nous soyons mal conduits.
Qui n’entend qu’une partie n’entend
(42)
rien, &
à condamner ses amis. Votre arche-
vêque ne doit point être fâché contre
vous ; car
chargé de lui mander le désistement,
& de plus nous espérions prendre la
place par famine, &c.
A Paris, ce 28 juin 1743.
. . . . . . . lmaginez-vous que
Voltaire
qui s’étoit passé au sujet de l’Académie,
a été si révolté du refus que l’on fait
de laisser jouer la tragédie de
César
d’où il ira vraisemblablement en
qui est tout ce que je crains : car le
pour moi. Je suis dans la plus grande
affliction, & quoique je sente qu’il a
bien quelque tort, puisqu’à sa place
je ne me serois pas sûrement en allé.
(43)
Cependant, ce que je sens le plus, c’est
ma douleur ; je suis resté ici dans l’espé-
rance de faire jouer
retour ; je doute que j’y parvienne, &
en ce cas j’irai à la fin de
les
ver. Voilà mon état & mes marches, &c.
A Montjeu, ce 12 mai.
VOUS savez que mon amitié pour
vous, Monsieur, me fait compter sur
la vôtre, comme sur ma plus grande
consolation dans mes malheurs. Je viens
d’éprouver le plus affreux de tous. Mon
ami
mes sentimens, est vraisemblablement
au
nous avoit quitté, il y avoit plusieurs
jours, pour aller prendre les eaux de
puis long-tems, quand un homme de
(44)
gne, m’a apporté une lettre de cachet
qui lui ordonne de se rendre audit
sone
qu’il étoit à
pas qu’il ne reçoive incessamment les
ordres du roi, & qu’il ne lui obéisse. Il
n’y a pas d’autre parti à prendre, quand
on ne peut les éviter. Je ne crois pas
qu’il puisse être averti avant de les rece-
voir. Il m’est impossible de vous dépein-
dre ma douleur ; je ne me sens pas assez
de courage pour savoir mon meilleur
ami avec une santé affreuse dans une
prison, où il mourra sûrement de dou-
leur, s’il ne meurt pas de maladie. Je
ne pourrai ni recevoir de ses nouvelles,
ni lui en donner des miennes sous la
puissance d’un pareil ministre. C’est
bien dans une circonstance aussi affli-
geante que votre présence seroit néces-
saire à ma consolation ; je ne connois
que vous avec qui je puisse pleurer le
malheur de mon ami. Il me semble qu’il
m’a encore plus attaché à lui. Je ne
(45)
croyois pas que l’amitié pût causer une
douleur si sensible. Vous qui la connois-
sez, représentez-vous mon état. Hélas !
dans quelles circonstances ai-je reçu
votre lettre ! Vous enviez le bonheur
que je goûte dans une société aussi pleine
de charmes ; vous avez bien raison, si
cela avoit duré. J’ai passé dix jours ici
entre lui &
je ne crois pas en avoir jamais passé
de plus agréables ; je l’ai perdu dans le
tems où je sentois le plus le bonheur de
le posséder, & comment l’ai-je perdu !
S’il étoit en
à plaindre. J’aime assez mes amis pour
eux-mêmes. Sa société feroit le bonheur
de ma vie ; sa sûreté en feroit la tran-
quillité. Mais le savoir, avec la santé &
l’imagination qu’il a, dans une prison,
je vous le dis encore, je ne me connois
pas assez de constance pour soutenir
cette idée.
ma seule consolation. C’est une femme
charmante ; son cœur est capable d’a-
(46)
mitié & de reconnoissance. Elle est, s’il
est possible, plus affligée que moi ; elle
lui doit son mariage, le bonheur de sa
vie. Nous nous affligeons & nous nous
consolons ensemble. Mais que lui ser-
vent nos pleurs & nos regrets ? Je ne
vois nulle espérance.
inflexible, & je suis inconsolable ; je ne
réparerai jamais la perte d’un tel ami.
La coquetterie, le dépit, tout nous
console de la perte d’un amant ; mais le
tems qui guérit toutes les playes, ne
fera qu’envenimer la mienne. Il m’est
impossible de vous parler d’autre chose.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Je serai obligée
de m’en retourner incessamment à
ris
de ma mort. Il me séparera de
de Richelieu
tôt, & me mettra à portée d’entendre
à tous momens des propos qui me dé-
sespéreront ; je vais devenir bien mi-
santrope. Je voudrois être à
avec vous, puisque je ne puis pas être à
(47)
voir tous ses malheurs à la sensibilité
de son cœur, sans laquelle il n’y a point
de plaisir. Je vous demande pardon de
vous accabler de ma douleur ; mais c’est
le seul inconvénient de l’amitié & de
la confiance. J’irai incessamment dans
mon château. Les hommes me devien-
nent insupportables ; ils sont si faux, si
injustes, si plains de préjugés, si tyran-
niques. Il faut mieux vivre seul ou avec
des gens qui pensent comme vous. On
passe sa vie avec des vipères envieuses,
c’est bien la peine de vivre & d’être
jeune. Je voudrois avoir cinquante ans
& être dans une campagne avec mon
malheureux ami,
lieu
faire le projet d’être heureux, & on ne
l’exécute jamais. Adieu, Monsieur. Je
sens que ma douleur diminue à mesure
que je vous écris ; mais je ne veux point
abuser de votre amitié.
(48)A Paris, ce 23 novembre.
J’AI été cruellement payée de tout ce
que j’ai fait à
mené à bien l’affaire du monde la plus
difficile. Je procure à
retour honorable dans sa patrie ; je lui
rends la bienveillance du ministère ; je
lui r’ouvre le chemin des académies ;
enfin, je lui rends en trois semaines
tout ce qu’il avoit pris à tâche de perdre
depuis six ans. Savez-vous comment il
récompense tant de zéle & tant d’at-
tachement ? En partant pour
m’en mande la nouvelle avec sécheresse,
sachant bien qu’il me percera le cœur,
& il m’abandonne à une douleur qui
n’a point d’exemple, dont les autres
n’ont pas d’idée & que votre cœur seul
peut comprendre. Je me suis échauffé
le sang à veiller ; j’avois la poitrine en
mauvais état ; la fièvre m’a pris, &
j'espère
(49)
j’espère finir bientôt, comme cette
malheureuse
cela près que je finirai plus vite, &
que je n’aurai rien à regretter, puisque
votre amitié étoit un bien dont je ne
pouvois jamais jouir. Je retourne finir
à
bonheur que de malheur, & qui finit
d’elle-même dans le tems où je ne
pouvois plus la supporter. Croirez-vous
que l’idée qui m’occupe le plus dans
ces momens funestes, c’est la douleur
affreuse où sera
quand l’enivrement où il est de la cour
de
tenir l’idée que mon souvenir sera un
jour son tourment. Tous ceux qui
m’ont aimé ne doivent jamais le lui
reprocher. Au nom de la pitié & de
l’amitié, écrivez-moi à
simplement ; je recevrai encore votre
lettre, & s’il me reste encore de la vie,
j’y répondrai & vous manderai l’assiète
de mon ame dans ces momens qui
C
(50)
paroissent si terribles aux malheureux
& que j’attends avec joie comme la fin
d’un malheur que je n’avois ni mérité
ni prévu. Adieu. Souvenez-vous tou-
jours de moi, & soyez sûr que vous
n’aurez jamais de meilleure amie.
Cette femme célèbre a peu survécu à cette
lettre : elle est morte en
néville
Sans date.
LA conversation que je viens d’avoir
avec vous, me prouve que l’homme
n’est pas libre. Je n’aurois jamais dû vous
dire ce que je vous ai avoué ; mais je
n’ai pu me refuser la douceur de vous
faire voir que je vous ai toujours rendu
justice, & que j’ai toujours senti tout
ce que vous valez. L’amitié d’un cœur
comme le vôtre me paroît le plus beau
présent du Ciel, & je ne me consolerois
(51)
jamais si je n’étois sûre que vous ne pou-
vez, malgré toutes vos résolutions, vous
empêcher d’en avoir pour moi. Au mi-
lieu du sentiment vif qui emporte mon
ame, & qui fait disparoitre le reste à
mes yeux, je sens que vous êtes une
exception à cet abandonnement de
moi-même & de tout autre attache-
ment. J’ai tout quitté pour vivre avec
la seule personne qui ait jamais pu rem-
plir mon cœur & mon esprit ; mais je
quitterois tout dans l’univers, or elle,
pour jouir avec vous des douceurs de
l’amitié. Ces deux sentimens ne sont
point incompatibles, puisque mon cœur
les rassemble sans avoir de reproches à
se faire. Je n’ai jamais eu de véritable
passion que pour ce qui fait actuelle-
ment le charme & le tourment de ma
vie, mon bien & mon mal ; mais je
n’ai jamais eu de véritable amitié que
pour
vous. J’ai conservé ce sentiment si cher à
mon cœur au milieu de la plus grande
C 2
(52)
ivresse & je le conserverai toute ma
vie. La seule chose qui y mêle de l’amer-
tume, c’est que vous ayez pu me croire
capable d’une indignité qui a dû exci-
ter dans votre cœur l’indignation & le
mépris. Il est affreux qu’il y ait eu des
tems dans votre vie où vous avez eu ces
sentimens pour moi. Rougissez donc
de votre injustice, & voyez combien
un cœur comme le mien est incapable
de perfidie. Elle n’est pas dans ma na-
ture, & je suis de plus incapable d’a-
voir jamais cru une telle horreur de
vous, si on avoit osé vous en accuser.
Un cœur capable d’un amour si tendre
& d’une amitié si solide, ne peut l’être
d’un crime, & c’en seroit un que les hon-
nêtes gens ne devroient jamais pardon-
ner. Vous devez juger combien ces idées
cruelles m’occupent, puisque je n’ai pu
m’empêcher de vous en parler au mi-
lieu de l’attendrissement que votre dé-
part a mis dans mon ame. Je suis heu-
reuse de vous avoir revu, quoique je
(53)
ne doive plus vous revoir ; je suis même
heureuse par l’indiscrétion que j’ai fait,
puisqu’elle vous a fait connoître mon
cœur ; mais je serai bien malheureuse,
si vous ne me conservez pas votre ami-
tié, & si vous ne m’en continuez pas
les marques. Vous me feriez repentir
de la vérité avec laquelle je vous ai
parlé, & mon cœur ne veut point con-
noître le repentir. Il ne lui manque
qu’un ami comme vous, pour être aussi
heureux que la condition humaine le
comporte. Voudrez-vous mêler de l’a-
mertume à mes plus beaux jours ? Son-
gez que vous avez à réparer avec moi,
& que vous ne pouvez trop faire pour
me consoler d’avoir été soupçonnée
d’un crime par celui dans le cœur duquel
j’aurois cru trouver ma justification.
Adieu. Il n’y aura de bonheur parfait
pour moi dans le monde que quand je
pourrai réunir le plaisir de vivre avec
vous, & celui d’aimer celui à qui j’ai
consacré ma vie.
C 3
(54)
Du 17 février.
JE ne connois point de problême plus
difficile à résoudre que vous. Quoi qu’il
en soit, j’ai pris mon parti de vous ai-
mer & de vous le dire. Je ne sais ce que
me pourront valoir mes bons procédés,
puisque je n’en suis pas moins privée de
votre commerce. Vous m’écrivez com-
me à votre ennemi ; mais j’aime encore
mieux vos lettres, toutes singulières
qu’elles sont, que votre silence. Quand
j’ai voulu vous envoyer la Philosophie
de
ne l’eussiez, quand même personne ne
l’auroit dans votre ville ; mais je ne
voulois pas que vous tinssiez d’un autre
que de moi un livre qui m’est dédié ;
& d’ailleurs, celui que je vous envoie
est une seconde édition, beaucoup plus
correcte que la première. Je sais qu’on
peut faire beaucoup de critiques de ce
(55)
livre ; mais avec tout cela, il n’y en a
point de meilleur en françois sur ces
matières : car, hors les Mémoires de
l’Académie des sciences, il n’y a que
des livres de physique pitoyables.
Les dialogues d’Argalotti
d’esprit & de connoissance. Il en a fait
une partie ici, & ce sont eux qui ont
été l’occasion du livre de
Je vous avoue cependant que je n’aime
pas ce style là en matière de philoso-
phie, & l’amour d’un amant qui dé-
croit en raison du quarré des tems &
du cube de la distance, me paroît diffi-
cile à digérer ; mais en tout, c’est l’ou-
vrage d’un homme de beaucoup d’es-
prit & qui est maître de sa matière.
C 4
(56)
sant. Vous ne savez pas que c’est mon
portrait qui est à la tête : du moins ça
été l’intention. Mais il n’a pas trop bien
réussi. On le traduit ; c’est
qui fait cette besogne. Je ne sais si on
parlera davantage de la traduction que
de l’ouvrage : car le Dame savent peu
d’italien & encore moins de philoso-
phie. On ne sait où est l’auteur ; s’il est
à
un des hommes que j’aye jamais con-
nus, le plus aimable, le plus instruit
& le plus doux à vivre. J’espère qu’il
vous dira du bien de moi, & je vous
prie de ne pas lui en dire de mal, si
vous vous intéressez encore un peu à
moi. Je vous conterai une petite anec-
dote littéraire qui me regarde ; mais
cette lettre a déjà près de quatre pa-
ges, j’ai peur qu’elle ne vous empêche
de me répondre : je vous plains ; mais si
vous connoissez encore l’amitié, vous
ne pouvez être à plaindre. Mais serez-
vous toute votre vie à
(57)
vous ne me soupconniez, il y a plus de
trois ans que je ne lui ai prononcé vo-
tre nom. Il ignore que je vous écris.
Adieu. Je vous demande pardon de la
longueur de cette lettre.
Sans date.
MALGRÉ les princesses & les pom-
pons, je pense sérieusement sur la for-
tune de mes amis. . . . . . . . Je me livre
au monde sans l’aimer beaucoup. Des
enchaînemens insensibles font passer
les jours entiers sans souvent que l’on
apperçoive que l’on a vécu. . . . . puisque
dence d’Anglois, je vous avouerai que
cela m’a extrêmement occupée &
amusée. . . . . Je suis charmée qu’
G 5
(58)
si-tôt ; la pauvre petite
meurt. Elle a renvoyé son roole.
en est fort affligé, & il a raison : elle
étoit très capable de faire valoir son
roole, & la petite Gossein
pitoyablement. Pour moi, je suis d’avis
qu’il attende la guérison de
selle Dufresne
qu’il est malade lui-même, & qu’il n’a
pas sorti. Mais il n’en a pas l’imagination
moins vive & moins brillante ; il n’en a
pas moins fait deux opéras, dont il en
a donné un à
avant qu’il soit six mois. On vous aura
sûrement mandé ce que c’est que
meau
divisent le public sur la musique ; les
uns la trouvent divine & au-dessus de
vaillée, mais point agréable & point
diversifiée. Je suis, je l’avoue, des der-
niers ; j’aime cent fois mieux
(59)A Paris, ce 28 mai.
JE ne puis me guérir de vous aimer
& de saisir avec empressement les oc-
casions de vous le dire. Je vous envoye
la
celle de l’auteur. Je desire que vous
soyez heureux, & je le serai parfaite-
ment, si je puis quelque jour jouir de
votre amitié. La vie vous aime trop,
pour que vous ne m’aimiez pas toute
votre vie.
Sans date.
: . . . . . . . . .
j’avois commencé à vous rendre comp-
te, & qui me donnent tant de chagrin
& tant d’inquiétude, est plus à plaindre
que jamais. Ses affaires vont tous les
jours de mal en pis. Le G. d. S. a paru
appaisé ; il avoit même donné des pa-
roles de paix à
C 6
(60)
avoit demandé de lui des lettres de
désaveu de ce malheureux livre,
moyennant quoi il promettoit de révo-
quer cette lettre signée, Louis
écrit & fait tout ce qu’on a voulu avec
une docilité attendrissante. Mais le dé-
part de
la plénipotentiaire de cette affaire, a
fait évanouir toutes mes espérances.
Le ministère paroit plus irrité que ja-
mais. Le Parlement l’a brûlé. Il y a
dans l’arrêt une permission d’informer
que le procureur-général veut pour-
suivre, contre toute vraisemblance.
La cour ne veut point révoquer sa
lettre de cachet. On lui fait un crime
d’un voyage qu’il a fait au camp, que
son amitié seule pour
lui a fait entreprendre sur les bruits
qui passoient pour constans en
raine
dangereusement ; d’autres disoient mê-
me mort. Mais il y a des tems où tout
se tourne en aigre. On lui a prêté cent
(61)
mauvais propos. Le ministère a saisi ce
prétexte avec plaisir. Je suis bien con-
vaincue qu’il a un dessein formé de le
perdre. On parle d’un bannissement.
Pour moi, je ne sais plus qu’en croire ;
je sais bien qu’à sa place je serois à
dres
Je vous avoue que tout cela m’a sensi-
blement affligée ; je ne m’accoutume
point à vivre sans lui, & à l’idée de le
perdre sans retour, cela empoisonne
toute la douceur de ma vie. Vous voyez
que vos lettres & les marques de vo-
tre amitié me deviennent tous les jours
plus nécessaires.
voit souvent ; il est extrêmement ai-
mable. Il me semble que vous le con-
noissez peu ; mais sûrement, si vous le
connoissiez davantage, vous en feriez
cas. Il prétend qu’il m’apprendra la
géomêtrie. Mon voyage a fort retardé
le projet ; je commence à le reprendre.
Je lis l’anglois assez bien à présent ;
mais je n’ai pu encore parvenir à l’écrire
(62)
couramment. Je lis
(63)
à moi-même : car j’y trouve un plaisir
extrême. La façon pleine d’amitié dont
vous avez partagé ma douleur, est une
des choses du monde qui m’a fait le
plaisir le plus sensible. Qui peut vous
exprimer combien j’ai senti vivement le
desir que vous avez eu de la venir par-
tager ? Je sens qu’il n’y a point de mal-
leur dont votre amitié ne console. On
travaille à force à mon hermitage, &
je ne désespère pas de vous y recevoir
un jour. On m’a peu parlé de vous ici ;
je crois que vous n’êtes pas en peine de
mes réponses en cas que l’on m’en par-
lât. Adieu, Monsieur ; je vous quitte
avec peine, & j’ai besoin que le papier
se refuse à tout ce que mon amitié me
dicte.
(64)
L’univers est instruit que
Voltaire
rance ; mais presque tout l’univers ne
sait pas qu’il a fait un beau poëme,
intitulé :
(65)
L’lnconstance donne ses ordres au
héros du poëme ; elle lui dit :
Mon favori. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
C’est le soutien de mon culte éternel.
Toujours il tourne & jamais ne rencontre.
Il vous soutient & le pour & le contre,
Avec un front de pudeur dépouillé.
Cet étourdi souvent a barbouillé
De plats romans, de fades comédies,
Des opéras de minces mélodies ;
Puis il condamne en style entortillé
Les opéras, les romans, les spectacles.
Il vous dira qu’il n est point de miracles,
Mais qu’à
Il se connoît finement en amis ;
Il les embrasse & pour jamais les quitte.
L’ingratitude est son premier mérite ;
Par grandeur d’ame il hait ses bienfaiteurs.
Versez sur lui les plus nobles faveurs ;
Il frémira qu’un homme ait la puissance,
(66)
La volonté, la coupable impudence,
De l’avilir en lui faisant du bien.
Il tient beaucoup du naturel d’un chien ;
Il jappe & fuit, & mord qui le caresse.
Ce qui sur-tout me plaît & m’intéresse,
C’est que de secte il a changé trois fois,
En peu de tems, pour faire un meilleur choix.
Trois pages plus loin.
Les antres sauvages de
. . . . . . . . . De
Là se tapit ce sombre énergumène,
Cet ennemi de la nature humaine,
Pétri d’orgueil & dévoré de fiel.
Il fuit le monde & craint de voir le Ciel,
Et cependant sa triste & vilaine ame
Du dieu d’amour a ressenti la flamme.
Il a trouvé, pour charmer son ennui,
Une beauté digne en effet de lui.
C’étoit
Une infernale & hideuse sorcière
Suit en tous lieux le magot ambulant,
Comme la chouette est jointe au chat huant.
L’infâme vieille avoit pour nom
C’est sa
L’aversion pour la terre & les cieux
(67)
Tient lieu d’amour à ce couple odieux.
Si quelquefois dans leurs ardeurs secrettes
Leurs os pointus joignent leurs deux squelettes,
Dans leurs transports ils se pâment soudain
Du seul plaisir de nuire au genre humain.
Notre
De diriger la foudre & la tempête
Devers
Du haut des airs terrible & forcenée,
Persécuter les restes d’
Et foudroyer les compagnons d’
Le roux
. . . . . . . . . . . . . . . . . Tel est son caractère ;
il n’est ami, parent, époux ni père ;
Il est de roche, & quiconque en un mot
Naquit sensible, est fait pour être un sot.
(68)
A
de S. A. S. M. le
à
A Moitiers-travers, le 16
J’APPRENDS, Monsieur, avec d’au-
tant plus de douleur la perte que vous
venez de faire de votre digne oncle,
qu’ayant négligé trop long-tems de
l’assurer de mon souvenir & de ma
reconnoissance, je l’ai mis en droit
de se croire oublié d’un homme qui
lui étoit obligé & qui lui étoit encore
plus attaché, & à vous aussi.
thas
amis & de tout le peuple dont il étoit
le père. Il ne suffit pas de lui succé-
(69)
der, Monsieur, il faut le remplacer.
Songez que vous le suivrez un jour &
qu’alors il ne vous sera pas indifférent
d’avoir fait des heureux ou des mi-
sérables. Puissiez vous mériter long-
tems & obtenir bien tard l’honneur
d’être aussi regretté que lui.
Si le souvenir des momens que nous
avons passés ensemble vous est aussi
cher qu’à moi, je ne vous recom-
manderai point un soin qui vous soit
à charge, en vous priant d’en con-
server les monumens dans votre pe-
tite maison de
au moins mon petit bosquet, je vous
en supplie, sur-tout les deux arbres
plantés de ma main ; ne souffrez point
qu’
les tailler ou de les façonner ; laissez-
les venir librement sous la direction
de la nature, & buvez quelque jour
sous leur ombre à la santé de celui
qui jadis eut le plaisir d’y boire avec
vous. Pardonnez ces petites sollicitudes
(70)
puériles à l’attendrissement d’un sou-
venir qui ne s’effacera jamais de mon
cœur. Mes jours de paix se sont passés
à
tribué à me les rendre agréables. Rap-
pellez-en quelquefois la mémoire ;
pour moi, je la conserverai toujours.
d’aggréer ses respects & de les faire
aggréer à
suis placé ici à portée d’un village
catholique pour pouvoir l’y envoyer
le plus souvent qu’il se peut remplir
son devoir, & notre pasteur lui prête
pour cela sa voiture avec grand plaisir.
Je vous prie de le dire à M. le curé
qui paroissoit allarmé de ce que de-
viendroit sa religion parmi nous autres.
Nous aimons la nôtre, & nous res-
pectons celle d’autrui.
Permettez que je vous prie de re-
mettre l’incluse à son adresse.
(71)
Ce paralelle, digne d’être conservé, est tiré d’un ouvrage qu’une circonstance indifférente au public n’a pas permis de répandre. Cet ouvrage traitoit de la peinture & de la sculpture ; l’au- teur, à l’occasion des bustes de
VOILA donc ces deux hommes
célèbres que la
qu’en même tems. Il est singulier qu’on
nomme & qu’on voye toujours ensem-
ble deux êtres, dont la destinée a été si
constamment différente, que le rappro-
chement qu’on en pourroit faire semble-
roit un jeu de l’imagination.
étoit noble & riche ; le second pauvre
& roturier. Le génie du premier fut
précoce ;
qu’au bout de quarante ans. Il n’a
cessé d’estimer les talens de l’auteur
de
(72)
paroît avoir méprisé jusqu’aux vertus
de son admirateur. On diroit que,
par l’échange le plus bizarre, chacun
d’eux avoit adopté la patrie de son
rival. L’un n’écrivit qu’afin de prou-
ver au genre humain que le bonheur
étoit seulement un fruit des mœurs
pures ; l’autre unit, dans ses ouvra-
ges, les éclairs d’un esprit juste aux
erreurs d’un esprit léger. Il recueilloit
des vérités brillantes par-tout où l’i-
magination suffisoit pour pénétrer,
& son génie ne lui fournit presque
jamais de réflexions vraiment profon-
des. D’ailleurs, ayant affoibli son ame
dans le commerce des grands, il s’a-
veugloit souvent lui-même sur le dan-
ger de ses maximes. En même tems
qu’il faisoit l’éloge des vertus, il ex-
cusoit le luxe qui les corrompt. Il
soutenoit qu’en matière de religion
c’étoit un mal que de contraindre les
esprits, & il employoit à les con-
traindre la seule arme qui fut en son
pouvoir,
(73)
pouvoir, le poignard du ridicule. Après
avoir acquis une fortune immense,
il se vantoit sans cesse d’avoir aidé
quelques malheureux. Je n’ai pas be-
soin d’exprimer duquel de ces deux
hommes je parle ; ce que j’en dis suf-
fit pour les distinguer.
Cette opposition dans le sort & dans
les mœurs a été encore favorisée par
le hasard.
L’un s’est vu mourir environné de
sa famille, dans le pays de sa nais-
sance, au milieu de ses vains triom-
phes, & tourmenté par le seul regret
d’en jouir trop peu.
J’ai ouï dire à une personne de distinction,
qui tenoit le fait de
est mort en désespéré. Il pestoit, il juroit contre
sa garde ; il apostrophoit la mort & lui crioit,
en déclamant avec de grands gestes : O
éloigne-toi ; éloigne toi..... Quoi ! il faut mou-
rir !... Il prenoit les mains de son ami
il lui disoit : Mon ami, mon cher ami, donnez
D
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pour souffrir qu’on le recueillit dans
une maison étrangère, y perd bientôt
après, dans une courte agonie, des
jours qu’il avoit passé dans de longs
tourmens. L’homme estimable qui se
flattoit de lui accorder long-tems un
asyle, a eu la douleur de ne lui offrir
qu’un tombeau ! . . . . . Le tombeau
de
gards, en des lieux qu’il eût voulu
détruire. Sa cendre peut-elle reposer
en paix sous les autels qu’il ébranla.
O
sur des rivages dignes de la recevoir.
Dans ce même séjour, où la nature
simple & tranquille étale aux yeux
des charmes si variés, on viendra con-
templer avec une douce mélancolie
moi votre parole d’honneur que je ne mourrai
pas.... D’autres fois il s’écrioit : lls m’ont em-
poisonné avec leur fumée de gloire.
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les restes de celui qui nous en ins-
pira l’amour ; & tandis que les froids
éloges qu’obtiendra
droit d’irriter son ombre, les cris
furieux de l’envie acheveront le tien.
FIN.