27Ln 14358A
P. 537.3 A a.
Où l’on a rétabli, sur le manuscrit de l’auteur, les endroits qui ont été retranchés dans l’Édition de
A
Chez JEAN CATUFFE.
Le goût de bien des lecteurs pour
les choses frivoles, & l’envie de
faire un volume de ce qui ne de-
vrait remplir que peu de pages,
sont cause que l’histoire des hommes célè-
bres est presque toujours gâtée par des détails
inutiles, & des contes populaires aussi faux
qu’insipides. On y ajoute souvent des cri-
tiques injustes de leurs ouvrages. C’est ce
qui est arrivé dans l’édition de
à
cueil dans cette courte Histoire de la Vie
de
ne, que ce qu’on a cru vrai & digne d’être
rapporté ; & on ne hazardera sur ses ouvra-
A 2 ges
4
ges rien qui soit contraire aux sentiments du
public éclairé.
sous les
Baptiste Poquelin
sier chez le Roi, marchand frippier, &
ducation trop conforme à leur état, auquel
ils le destinaient : il resta jusqu’à quatorze
ans dans leur boutique, n’ayant rien appris
outre son mêtier, qu’un peu à lire & à
écrire. Ses parens obtinrent pour lui la sur-
vivance de leur charge chez le Roi ; mais
son génie l’appellait ailleurs. On a remar-
qué que presque tous ceux qui se sont fait
un nom dans les Beaux-Arts, les ont culti-
vés malgrè leurs parens, & que la nature a
toujours été en eux plus forte que l’éduca-
tion.
la comédie, & qui le menait quelquefois à
l’
tit bien-tôt une aversion invincible pour sa
profession. Son goût pour l’étude se déve-
loppa, il pressa son grand-père d’obtenir
qu’on le mît au college, & il arracha enfin
le
5
le consentement de son père, qui le mit dans
une pension, & l’envoya externe aux Jésui-
tes, avec la répugnance d’un bourgeois, qui
croyait la fortune de son fils perdue, s’il étu-
diait.
Le jeune
grès qu’on devait attendre de son empresse-
ment à y entrer. Il y étudia cinq années ;
il y suivit le cours des classes d’
Bourbon
puis fut le protecteur des Lettres & de
lière
Il y avait dans ce collège deux en-
fants, qui eurent depuis beaucoup de réputa-
tion dans le monde. C’était Chapelle & Ber- Celui-ci, connu par ses voyages aux
L’Huillier, homme de fortune, prenait
un soin singulier de l’éducation du jeune
pelle
l’émulation, il faisait étudier avec lui le jeu-
ne
leur aise. Au-lieu même de donner à son
fils naturel un précepteur ordinaire & pris
A 3
au
6
au hazard, comme tant de pères en usent
avec un fils légitime qui doit porter leur nom,
il engagea le célèbre
l’instruire.
génie de
maitre n’eut de plus dignes disciples. Il
leur enseigna sa philosophie d’
quoiqu’aussi fausse que les autres, avait au
moins plus de méthode & de vraisem-
blance que celle de l’Ecole, & n’en avait pas
la barbarie.
sendi
philosophe les principes d’une morale plus
utile que sa physique, & il s’écarta rarement
de ces principes dans le cours de sa vie.
Son père étant devenu infirme & incapa-
ble de servir, il fut obligé d’exercer les fonc-
tions de son emploi auprès du Roi. Il sui-
vit
la comédie, qui l’avoit déterminé à faire ses
études, se réveilla avec force.
Le théâtre commençait à fleurir alors :
cette partie des Belles-Lettres, si méprisée
quand elle est médiocre, contribue à la
gloire
7
gloire d’un état, quand elle est perfection-
née.
Avant l’année
de comédiens fixes à
ceurs allaient, comme en
en ville. Ils jouaient les pièces de Hardy,
barie & de l’avilissement, vers l’année
Ses premières comédies, qui étaient aussi
bonnes pour son siècle, qu’elles sont mau-
vaises pour le nôtre, furent cause qu’une
troupe de comédiens s’établirent à
Bientôt après, la passion du Cardinal de
chelieu
comédie à la mode ; & il y avoit plus de so-
ciétés particulières qui représentaient alors,
que nous n’en voyons aujourd’hui.
gens qui avaient du talent pour la déclama-
tion ; ils jouaient aux
main
té éclipsa bien-tôt toutes les autres ; on l’ap-
pella l’illustre Théâtre. On voit par une tra-
gédie
A 4
8
gédie de ce temps-là, intitulée , d’un
Ce fut alors que
nie, se résolut de s’y livrer tout entier, d’ê-
tre à la fois comédien & auteur, & de ti-
rer de ses talens de l’utilité & de la gloire.
On fait que chez les athéniens, les au-
teurs jouoient souvent dans leurs pièces, &
qu’ils n’étaient point deshonorés pour par-
ler avec grace en public devant leurs conci-
toyens. Il fut plus encouragé par cette idée,
que retenu par les préjugés de son siècle. Il
prit le nom de
changeant de nom, que suivre l’exemple des
comédiens d’
de Bourgogne
était Le Grand , s’appellait
Le
9
Le nouveau
tout le temps que durérent les guerres civiles
en
son talent, & à préparer quelques pièces. Il
avait fait un recueil de scènes italiennes,
dont il faisait de petites comédies pour les
provinces. Ces premiers essais très informes
tenaient plus du mauvais théâtre Italien où
il les avait pris, que de son génie, qui n’avait
pas eu encore l’occasion de se développer tout
entier. Le génie s’étend & se resserre par tout
ce qui nous environne. Il fit donc pour la
province le Docteur amoureux , les
La première pièce régulière en cinq Actes
qu’il composa, fut l’Etourdi ; il représenta
dans
A 5
10
dans cette ville une troupe de comédiens
de campagne, qui fut abandonnée dès que
celle de
Quelques acteurs de cette ancienne trou-
pe se joignirent à
pour les états de
pe assez complète, composée principalement
de deux frères nommées Gros-René , de
Le
qu’il avait vu au Collège ; il lui donna une
protection distinguée. Il joua devant lui l’Etour-, le
Cette petite pièce des Prétieuses faite en
province, prouve assez que son auteur n’a-
vait eu en vue que les ridicules des provin-
ciales. Mais il se trouva depuis, que l’ou-
vrage pouvait corriger & la Cour & la ville.
c’est l’âge où
On prétend que le
alors faire
reu-
11
reusement pour la gloire du théâtre fran-
çais,
talent à un poste honorable. Si ce fait est
vrai, il fait également honneur au prince
& au comédien.
Après avoir couru quelque temps toutes les
provinces, & avoir joué à
à
Mère. Sa troupe & lui représentérent la mê-
me année devant leurs Majestés la tragédie
de , sur un théâtre élevé par ordre du
Il y avait depuis quelque temps des comé-
diens établis à l’
comédiens assistérent au début de la nouvelle
troupe.
La
12
La mode de représenter ces petites farces
après de grandes pièces était perdue à l’
tel de Bourgogne
Docteur. Depuis ce temps l’usage a toujours
On permit à la troupe de
tablir à
le
diens italiens, qui en étaient en possession
depuis quelques années.
La troupe de
tre les mardis, les jeudis & les samedis, &
les italiens les autres jours.
La troupe de l’
jouait aussi que trois fois la semaine, excep-
té lorsqu’il y avait des pièces nouvelles.
Dès-lors la troupe de
tre de la Troupe de Monsieur, qui était son
tie.
13
tie. Et je suis obligé de remarquer à cette
occasion, que nous n’avons aujourd’hui au-
cun théâtre supporttable ; c’est une barbarie
gotique, que les italiens nous reprochent
avec raison. Les bonnes pièces sont en
La troupe de
cette salle jusqu’à la mort de son chef. El-
le fut alors accordée à ceux qui eurent le
privilège de l’Opéra, quoique ce vaisseau
soit moins propre encore pour le chant, que
pour la déclamation.
Depuis l’an
dire en quinze années de temps, il donna
toutes ses pièces, qui sont au nombre de
trente. Il voulut jouer dans le tragique,
mais il n’y réussit pas ; il avoit une volubili-
té dans la voix, & une espèce de hoquet,
qui ne pouvait convenir au genre sérieux,
mais qui rendait son jeu comique plus plai-
sant. La femme d’un des meilleurs comé-
diens que nous ayons eus, a donné ce por-
trait-ci de
„ Il n’était ni trop gras, ni trop maigre ;
„ il avait la taille plus grande que petite, le
„ port noble, la jambe belle, il marchait
„ gravement, avait l’air très sérieux, le nez
„ gros,
14
„ gros, la bouche grande, les lèvres épais-
„ ses, le teint brun, les sourcils noirs &
„ forts, & les divers mouvements qu’il leur
„ donnait lui rendaient la physionomie ex-
„ trêmement comique. A l’égard de son ca-
„ ractère, il était doux, complaisant, gé-
„ néreux ; il aimait fort à haranguer ; &
„ quand il lisait ses pièces aux comédiens,
„ il voulait qu’ils y amenassent leurs en-
„ fans, pour tirer des conjectures de leur
„ mouvement naturel.
nombre de partisans, & presque autant d’en-
nemis. Il accoutuma le public, en lui faisant
connaitre la bonne comédie, à le juger lui-
même très sévèrement. Les mêmes spec-
tateurs qui applaudissaient aux pièces médio-
cres des autres auteurs, relevaient les moin-
dres défauts de
hommes jugent de nous par l’attente qu’ils
en ont conçue ; & le moindre défaut d’un
auteur célèbre, joint avec les malignités du
public, suffit pour faire tomber un bon ou-
vrage. Voilà pourquoi & les
15
l’esprit très juste, sans l’avoir cultivé, rame-
na souvent par son approbation la Cour & la
ville aux pièces de
honorable pour la nation, de n’avoir pas
besoin des décisions de son maitre pour bien
juger.
tout les mauvais auteurs du tems, leurs pro-
tecteurs, & leurs cabales : ils suscitérent con-
tre lui les dévots ; on lui imputa des livres
scandaleux ; on l’accusa d’avoir joué des hom-
mes puissants, tandis qu’il n’avait joué que les
vices en général ; & il eût succombé sous ces
accusations, si ce même Roi, qui encoura-
gea & qui soutint
pas aussi protégé
Il n’eut à la vérité qu’une pension de mil-
le livres, & sa troupe n’en eut qu’une de
sept. La fortune qu’il fit par le succès de
ses ouvrages, le mit en état de n’avoir rien
de plus à souhaiter : ce qu’il retirait du théâ-
tre, avec ce qu’il avait placé, allait à trente
mille livres de rente ; somme qui, en ce tems-
là, faisait presque le double de la valeur réel-
le de pareille somme d’aujourd’hui.
Le crédit qu’il avait auprès du Roi, pa-
raît assez par le Canonicat qu’il obtint pour
le
16
le fils de son médecin. Ce médecin s’appel-
lait
un jour au dîné du Roi : Vous avez un méde- cin, dit le Roi à
Il faisait de son bien un usage noble &
sage : il recevait chez lui des hommes de la
meilleure compagnie, les
sacs
la volupté & la philosophie. Il avoit une
maison de campagne à
lassait souvent avec eux des fatigues de sa
profession, qui sont bien plus grandes qu’on
ne pense. Le
nu par son esprit, & par son amitié pour
préaux
vait avec lui comme
voir souvent, & disait qu’il trouvait toujours
à apprendre dans sa conversation.
nu en libéralités, qui allaient beaucoup plus
loin que ce qu’on appelle dans d’autres hom-
mes, des charités. Il encourageait souvent
par des présents considérables de jeunes au-
teurs
17
teurs qui marquaient du talent : c’est peut-ê-
tre à
engagea le jeune
Royal
de dix-neuf ans. Il lui fit composer la tragé-
die de ; & quoique cette
Il n’est peut-être pas inutile de dire, qu’en-
viron dans le même tems, c’est-à-dire en
riage de
cent louis au nom du Roi.
Il est très triste pour l’honneur des Let-
tres, que
lés depuis ; de si grands génies, dont l’un
avait été le bienfaicteur de l’autre, devaient
être toujours amis.
Il éleva & il forma un autre homme, qui
par la supériorité de ses talens, & par les
dons singuliers qu’il avoit reçus de la nature,
mérite d’être connu de la postérité. C’était
le comédien
la tragédie & dans la comédie.
en prit soin comme de son propre fils.
Un jour
médien
B
18
médien de campagne, que la pauvreté em-
pêchait de se présenter, lui demandait quel-
que léger secours pour aller joindre sa trou-
pe.
manda à
lui donner. Celui-ci répondit au hazard : Qua- tre pistoles. Donnez-lui quatre pistoles pour moi, lui dit
Un autre trait de sa vie mérite encore plus
d’être rapporté. Il venait de donner l’au-
mône à un pauvre. Un instant après, le
pauvre court après lui, & lui dit : Monsieur, vous n’aviez peut-être pas dessein de me donner un louis d’or, je viens vous le rendre. Tien, mon ami, dit
protecteurs, par ses amis & par sa fortune, ne
le fut pas dans sa maison. Il avait épousé en
19
gentilhomme nommé
que
quel on avait répandu cette calomnie, fit que
plusieurs personnes prirent celui de la réfuter.
On prouva, que
mère qu’après la naissance de cette fille. La
disproportion d’âge, & les dangers auxquels
une comédienne jeune & belle est exposée,
rendirent ce mariage malheureux ; &
re
ya dans son domestique les dégoûts, les amer-
tumes, & quelquefois les ridicules, qu’il a-
vait si souvent joués sur le théâtre. Tant
il est vrai que les hommes qui sont au-dessus
des autres par les talens, s’en rapprochent
presque toujours par les faiblesses. Car pour-
quoi les talens nous mettraient-ils au-dessus
de l’humanité ?
La dernière pièce qu’il composa fut le Ma-. Il y avait quelque tems que sa
Il
B 2
20
Il lui prit une convulsion en prononçant
juro, dans le divertissement de la réception
Le malheur qu’il avait eu de ne pouvoir
mourir avec les secours de la religion, &
la prévention que l’on a contre la comédie,
tout épurée qu’elle était par lui, furent cau-
se qu’on refusa de l’enterrer. Le Roi le re-
grettait, & ce Monarque, dont il avait été
le domestique & le pensionnaire, eut la
bonté de prier l’Archevêque de Paris de le
faire enterrer dans une église. Le curé de
Saint Eustache, sa paroisse, ne voulut pas
s’en charger. La populace, qui ne con-
naissait dans
qui ignorait qu’il avait été un excellent au-
teur, un philosophe, un grand-homme en
son
21
son genre, s’attroupa en foule à la porte de
sa maison le jour du convoi : sa veuve fut
obligée de jeter de l’argent par les fenêtres ;
& ces misérables qui auraient, sans savoir
pourquoi, troublé l’enterrement, accompa-
gnérent le corps avec respect.
La difficulté qu’on fit de lui donner la sé-
pulture, & les injustices qu’il avait essuyées
pendant sa vie, engagérent le fameux
Bouhours
phe, qui de toutes celles qu’on fit pour
lière
& la seule qui ne soit pas dans cette fausse
& mauvaise histoire qu’on a mise jusqu’ici
au-devant de ses ouvrages.
Tu réformas & la ville & la Cour ;
Mais quelle en fut la récompense ?
Les français rougiront un jour
De leur peu de reconnaissance.
Il leur fallut un comédien
Qui mît à les polir sa gloire & son étude ;
Mais,
rien,
Si parmi les défauts que tu peignis si bien,
Tu les avais repris de leur ingratitude.
Non-
B 3
22
Non-seulement j’ai omis dans cette
L’E-
23
Comédie en vers & en cinq Actes, jouée d’abord à Lyon en 1653, & à Paris a mois de décem- bre 1658, sur le théâtre du Petit Bourbon.
Cette pièce est la première comédie
que
est composée de plusieurs petites intrigues as-
sez indépendantes les unes des autres ; c’é-
tait le goût du théâtre italien & espagnol,
qui s’était introduit à
n’étaient alors que des tissus d’avantures sin-
gulières, où l’on n’avait guères songé à pein-
dre les mœurs. Le théâtre n’était point,
comme il le doit être, la représentation de
la vie humaine. La coutume humiliante pour
l’humanité, que les hommes puissants avaient
pour-lors, de tenir des fous auprès d’eux,
avait infecté le théâtre ; on n’y voyait que
de vils bouffons, qui étaient les modèles de
nos
ridi-
B 4
24
ridicule de ces misérables, au-lieu de jouer
celui de leurs maitres. La bonne comédie
ne pouvait être connue en
la société & la galanterie, seules sources du
bon comique, ne faisaient que d’y naitre.
Ce loisir, où les hommes rendus à eux-mê-
me se livrent à leur caractère & à leur ri-
dicule, est le seul temps propre pour la co-
médie ; car c’est le seul où ceux qui ont le
talent de peindre les hommes aient l’occasion
de les bien voir, & le seul pendant lequel
les spectacles puissent être fréquentés assi-
duement. Aussi ce ne fut qu’après avoir bien
vu la Cour &
mes, que
couleurs si vraies & si durables.
Les connaisseurs ont dit, que
une
25
une pièce d’intrigue, que dans une comédie
de caractère.
On est obligé de dire (& c’est principale-
ment aux étrangers qu’on le dit) que le stile
de cette pièce est faible & négligé, & que
sur-tout il y a beaucoup de fautes contre la
mangue. Non-seulement il se trouve dans
les ouvrages de cet admirable auteur, des
vices de construction, mais aussi plusieurs
mots impropres & surannés. Trois des plus
grands auteurs du siècle de
lière
être lus qu’avec précaution par rapport au
langage. Il faut que ceux qui apprennent
notre langue dans les écrits de ces grands
hommes, y discernent ces petites fautes,
& qu’ils ne les prennent pas pour des auto-
rités.
Au reste,
L E
B 5
26
Comédie en vers & en cinq Actes, représentée au théâtre du Petit Bourbon en 1658 .
Donec gratus eram tibi,
a été regardée comme le modèle de ces scè-
nes, qui sont enfin devenues des lieux-com-
muns.
Les
27
Comédie en un Acte & en prose, jouée d’abord en province, & représentée pour la prémière fois à
Lorsque
la fureur du bel-esprit était plus que ja-
mais à la mode. Voiture avait été le pré-
mier en
lanterie ingénieuse, dans laquelle il est si dif-
ficile d’éviter la fadeur & l’affection. Ses
ouvrages, où il se trouve quelques vraies
beautés avec trop de faux-brillans, étaient
les seuls modèles ; & presque tous ceux qui
se piquaient d’esprit, n’imitaient que ses dé-
fauts. Les romans de
déri
gnait dans la plupart des conversations un
mélange de galanterie guindée, de sentimens
romanesques & d’expressions bizarres, qui
composaient un jargon nouveau, inintelligi-
ble
28
ble & admiré. Les provinces, qui outrent
toutes les modes, avaient encore renchéri
sur ce ridicule : les femmes qui se piquaient
de cette espèce de bel-esprit, s’appellaient
Prétieuses ; ce nom, si décrié depuis par la piè-
ce de
lière
coup de respect pour les vérittables Prétieuses,
& qu’il n’a voulu jouer que les fausses.
Cette petite pièce, faite d’abord pour la
province, fut applaudie à Paris, & jouée
autre mois de suite. La troupe de
re
ordinaire, qui n’était alors que dix sols au
Parterre.
Dès la première représentation,
homme célèbre dans ce temps-là, dit au fa-
meux Chapelain : Nous adorions vous & moi tou- tes les sottises qui viennent d’être si bien critiquées ; croyez-moi, il nous faudra bruler ce que nous a- vons adoré. Du moins c’est ce que l’on trou-
de
29
de Retz, à ces combats spirituels, dans
lesquels on était parvenu à ne se point en-
tendre.
La pièce est sans intrigue & toute de ca-
ractère. Il y a très peu de défauts contre la
langue, parce que lorsqu’on écrit en prose,
on est bien plus maitre de son style ; & parce
que
beaux-esprits du temps, châtia le sien davanta-
ge. Le grand succès de ce petit ouvrage
lui attira des critiques, que l’Etourdi &
On fait qu’à une représentation des
On eut honte de ce style affecté, contre
lequel
élevés. On commença à ne plus estimer que
le naturel ; & c’est peut-être l’époque du bon
goût en France.
L’envie de se distinguer a ramené depuis
le style des Prétieuses, on le retrouve encore
dans
30
dans plusieurs livres modernes. L’un *, en
traitant sérieusement de nos lois, appelle
un exploit, un Compliment timbré. L’autre †,
écrivant à une maitresse en l’air, lui dit : Vo- tre nom est écrit en grosses lettres sur mon cœur… Je veux vous faire peindre en iroquoise, mangeant une demi-douzaine de cœurs par amusement. Un
*
Le
31
Comédie en un Acte & en vers, représentée à Paris le 28 mai 1660.
„ La Bière est un séjour par trop mélancoli-
que,
„ Et trop mal-sain pour ceux qui craignent
la colique
Il y a des expressions qui ont vieilli. Il y a
aussi
32
aussi des termes qu’une délicatesse peut-être
outrée a bannis aujourd’hui du théâtre, com-
me carogne, cocu, &c.
Le dénouement que fait
un des moins bien ménagés & des moins heu-
reux de
bons ouvrages, qui ont & de mauvais cen-
seur & de mauvais copistes. Un nommé
La, à la fin de
Don
33
Comédie héroïque en vers & en cinq Actes, re- présentée pour la prémière fois le 4 février 1661.
& ce fut par cette pièce qu’il apprit
qu’il n’avait point de talent pour le sérieux,
comme acteur. La pièce & le jeu de
lière
tée de l’espagnol, n’a jamais été rejouée de-
puis sa chute. La réputation naissante de
lière
ses ennemis triomphèrent quelque tems.
L’eco-
C
34
Comédie en vers & en trois Actes, représentée à Paris le 24 juin 1661.
Il y a grande apparence que
au moins les canevas de ces prémières
pièces déja préparés, pusqu’elles se succédé-
rent en si peu de temps.
On a dit que
duca-
35
ducation différente aux enfants qu’ils élèvent ;
il y a de même dans
tié
C 2
36
tié que dans les autres. L’auteur français
égale presque la pureté de la diction de
rence
gue, dans le caractère, dans le dénouement,
dans la plaisanterie.
Les
37
LES FACHEUX,
Comédie en vers & en trois Actes, représentée à Vaux devant le Roi, au mois d’ août, & à Paris sur le théâtre du Palais Royal, le 4novembrede la même année 1661.
dant des Finances, engagea
composer cette comédie pour la fameuse
fête qu’il donna au Roi & à la Reine-Mère,
dans sa
pellée
pour se préparer. Il avait déja quelques scè-
nes détachées toutes prêtes ; il y en ajouta
de nouvelles, & en composa cette comé-
die, qui fut, comme il le dit dans la préfa-
ce, faite, apprise & représentée en moins
de quinze jours. Il n’est pas vrai, comme
le prétend un certain
ne
quet ;
C 3
38
quet ; & il fallait ménager au Roi le plaisir
de la surprise. Cette pièce fit au Roi un plai-
sir extrême, quoique les ballets des intermè
des fussent mal inventés & mal exécutés.
tres, composa le prologue en vers à la louan-
ge du Roi. Ce prologue fut très applaudi
de toute la Cour, & plut beaucoup à
XIV
teur du prologue, furent tous deux mis en
prison peu de temps après. On les voulait
même arrêter au milieu de la fête. Triste
exemple de l’instabilité des fortunes de Cour.
On
39
On ignorait le théâtre, du temps de
rets
parce qu’ils ne connoissaient point la nature.
Ils peignaient au hazard des caractères chi-
mériques. Le faux, le bas, le gigantesque,
dominaient par-tout.
qui fit sentir le vrai, & par conséquent le
beau. Cette pièce le fit connaitre plus par-
ticulièrement de la Cour & du maitre ; &
lorsque, quelque temps après,
na cette pièce à
ordonna d’y ajouter la scène du chasseur.
On prétend que ce chasseur était le
de Soyecourt
au jargon de la chasse, pria le
Soyecourt
mes dont il devait se servir.
C4
L’éco-
40
Comédie en vers & en cinq Actes, représentée à Paris sur le théâtre du Palais Royal, le
Le théâtre de
naissance à la bonne comédie, fut aban-
donné la moitié de l’année
l’année
italiennes moitié françaises, qui furent panto-
mime italien, connu sous le nom de
mouche
plaudissaient sans réserve à ces farces mons-
trueuses, se rendirent difficiles pour
des Femmes
veau, laquelle, quoique toute en récits, est
ménagée avec tant d’art, que tout paraît ê-
tre en action.
Elle fut très suivie & très critiquée, com-
me le dit la
Piè-
41
Pièce qu’en plusieurs lieux on fronde,
Mais où pourtant va tant de monde,
Que jamais sujet important
Pour le voir n’en attira tant.
Elle passe pour être inférieure en tout à
La
C 5
42
Petite pièce en un Acte & en prose, représentée à Paris sur le théâtre du Palais Royal, le
C’est le premier ouvrage de ce genre
qu’on connaisse au théâtre. C’est pro-
prement un dialogue, & non une comédie.
qu’il ne défend les endroits faibles de
trait de
jouer à l’
ce dans le goût de
L’im-
43
Petite pièce en un Acte & en prose, représentée à Versailles le 14 octobre 1663, & à Pa- ris le 4 novembre de la même année.
tie pour se justifier devant le Roi de
plusieurs calomnies, & en partie pour répon-
dre à la pièce de
cruelle & outrée.
son nom. La licence de l’ancienne comédie
grecque n’allait pas plus loin. Il eût été de la
bienséance & de l’honnêteté publique, de
supprimer la satire de
génie & de talent s’exposent par cette petite
guerre à être la risée des sots.
tit d’ailleurs la faiblesse de cette petite comé-
die, & ne la fit point imprimer.
La
44
Représentée le 7 mai 1664, à Versailles, à la
Les fêtes que
jeunesse, méritent d’entrer dans l’his-
toire de ce monarque, non-seulement par
les magnificences singulières, mais encore
par le bonheur qu’il eut d’avoir des hommes
célèbres en tous genres, qui contribuaient
en même temps à ses plaisirs, à la politesse,
& à la gloire de la nation. Ce fut à cette
fête, connue sous le nom de l’Ile enchantée ,
respi-
45
respirait que la joie, & qui au milieu de tant
de plaisirs, ne pouvait critiquer avec sévé-
rité un ouvrage fait à la hâte pour embellir
la fête.
On a depuis représenté
Le
46
Petite pièce en prose & en un Acte, représentée au Louvre le 24 janvier 1664, & au théâ- tre du Palais Royal le 15 décembre de la mê- me année.
C’est une de ces petites farces de
lière
après les pièces en cinq Actes. Il y a dans
celle-ci quelques scènes tirées du théâtre i-
talien. On y remarque plus de bouffonne-
rie, que d’art & d’agrément. Elle fut ac-
compagnée au
L’a-
47
L’AMOUR
MEDECIN,
Petite comédie en un Acte & en prose, représen- tée à Versailles le 15 décembre 1665, & sur le théâtre du Palais Royal le 22 du même mois.
C’est le premier ouvrage dans lequel
lière
différents de ceux d’aujourd’hui ; ils allaient
presque toujours en robe & en rabat, &
consultaient en latin.
Si les médecins de notre tems ne connais-
sent pas mieux la nature, ils connaissent
mieux le monde, & savent que le grand art
d’un médecin est l’art de plaire.
peut avoir contribué à leur ôter leur pédan-
te-
48
terie ; mais les mœurs du siècle, qui ont chan-
gé en tout, y ont contribué davantage. L’es-
prit de raison s’est introduit dans toutes les
sciences, & la politesse dans toutes les con-
ditions.
49
Comédie en prose & en cinq Actes, représentée sur le théâtre du Palais Royal le 15 février 1665.
L’original de la comédie bizarre du Festin, est de
soit
D
50
soit qu’en effet il y ait dans cette pièce quel-
que intérêt, soit que le jeu des comédiens
l’embellît ; soit plutôt que le peuple, à qui
gne
sur
51
sur le
de cette seule manière qu’on le représente
aujourd’hui.
A la prémière représentation du
Cette scène, convenable au caractère im-
pie de
bles pouvaient faire un mauvais usage, fut
supprimée à la seconde représentation, &
fut peut-être la cause de sa chute.
Celui qui écrit ceci, a vu la scène écrite
de la main de
fils de
Le
D 2
52
Comédie en vers & en cinq Actes, représentée sur le théâtre du Palais Royal le 4 juin 1666.
L’ Europe regarde cet ouvrage comme
le chef-d’œuvre du haut comique ; le
sujet du
ca-
53
caractères, mais peut-être pas assez pour at-
tacher ; en récompense, tous ces caractères
ont une force, une vérité & une finesse, que
jamais auteur comique n’a connues comme
lui.
en scène ces conversations du monde, &
& y mêler des portraits.
Elle eut la première représentation les
applaudissemens qu’elle méritoit. Mais c’était
un ouvrage plus fait pour les gens d’esprit,
que
D 3
54
que pour la multitude, & plus propre encore
à être lu, qu’à être joué. Le théâtre fut dé-
sert dès le troisième jour. Depuis, lorsque
le fameux acteur
théâtre, après trente ans d’absence, joua
Si on osait encore chercher dans le cœur
humain la raison de cette tiédeur du public
aux représentations du
jours
55
jours nécessaires à la pièce, peut-être refroi-
dissent un peu l’action, pendant qu’elles font
admirer l’auteur ; enfin dans le dénouement,
qui, tout bien amené & tout sage qu’il est,
semble être attendu du public sans inquiétude,
& qui venant après une intrigue peu attachan-
te, ne peut avoir rien de piquant. En effet, le
spectateur ne souhaite point que
trope
quiète pas beaucoup s’il se détachera d’elle.
Enfin on prendrait la liberté de dire, que
On fait que les ennemis de
lurent persuader au
meux par sa vertu sauvage, que c’était lui que
Le
D 4
56
Comédie en trois Actes & en prose, représentée sur le théâtre du Palais Royal, le 9 août 1666.
vre du
sage
57
sage qui écrivait pour les hommes éclairés ;
& il fallut que le sage se déguisât en far-
ceur pour plaire à la multitude.
Le
D 5
58
LE SICILIEN,
OU
L’AMOUR PEINTRE,
Comédie en prose & en un Acte, représentée à Saint Germain en Laye en 1667, & sur le théâtre du Palais Royal le 10 juin de la mê- me année.
C’est la seule petite pièce en un Acte,
où il y ait de la grace & de la galante-
rie. Les autres petites pièces que
ne donnait que comme des farces, ont d’or-
dinaire un fonds plus bouffon & moins a-
gréable.
Me-
59
Représentée à Saint Germain en Laye pour le Roi au Ballet des Muses, en Décembre 1666.
de cette comédie ; le Roi se contenta
de ces deux Actes dans la fête du ballet des
Muses. Le public n’a point regretté que l’au-
teur ait négligé de finir cet ouvrage : il est
dans un genre qui n’était point celui de
lière
grands efforts d’un homme d’esprit ne rem-
placent jamais le génie.
Am-
60
AMPHITRION,
Comédie en vers & en trois Actes, représentée sur le théâtre du Palais Royal le 13 janvier 1668.
sujet de tragicomédie chez les grecs ;
c’est une des pièces de
de succès ; on la jouait encore à Rome cinq
cens ans après lui ; &, ce qui peut paraître
singulier, c’est qu’on la jouait toujours dans
des fêtes consacrées à
ceux qui ne savent point combien les hom-
mes agissent peu conséquemment, qui puissent
être surpris qu’on se moquât publiquement au
théâtre, des mêmes dieux qu’on adorait
dans les temples.
nes de
dit qu’il a imité son prologue de
savent pas la différence qui est entre une imi-
tation, & la ressemblance très éloignée de l’ex-
cellent
cure
61
cure & d’
une plaisanterie, pas un seul mot, que
lière
Tous les lecteurs exempts de préjugés sa-
vent combien l’
que.
Dans Tu viens avec des fourberies cousues.
tout
62
tout ce qu’ils ont fait, pendant les entre-
actes. Il n’y avait pas plus d’art dans les
tragédies. Cela seul fait peut-être voir que
le théâtre des anciens, (d’ailleurs à jamais
respecttable) est par rapport au nôtre, ce que
l’enfance est à l’âge mûr.
sexe par son érudition, & qui lui en eût fait
davantage, si avec la science des commen-
tateurs, elle n’en eût pas eu l’esprit, fut une
dissertation pour prouver que l’
L’
rythme
63
rythme très peu connu qu’il y faut observer,
sans quoi cette poésie rebute.
connut pas ce rythme dans son
L’ava-
64
Comédie en prose & en cinq Actes, représentée à Paris sur le théâtre du Palais Royal le 9 sep- tembre 1668.
Cette excellente comédie avait été don-
née au public en
préjugé qui fit tomber le
Il
65
Il y a dans
Tout le reste de la pièce est de
caractères, intrigues, plaisanteries ; il n’en a
imité que quelques lignes, comme cet endroit
où
aux spectateurs, dit : Mon voleur n’est-il point parmi vous ? Ils me regardent tous, & se met- tent à rire. Et cet autre en-
Mais si l’on veut connaitre la différence du
style de Plaute & du style de
voie
E
66
L’AVARE.
oie les portraits que chacun fait de son A-
vare.
ob gulam,
Il crie qu’il est perdu, qu’il est abîmé, si la fumée de son feu va hors de sa maison. Il se met une vessie à la bouche pendant la nuit, de peur de perdre son souffle. Se bouche-t-il aussi la bouche d’en-bas ?
Cependant ces comparaisons de
n’empêchent pas qu’on ne doive estimer ce
comique latin, qui n’ayant pas la pureté de
Térence, avait d’ailleurs tant d’autres talents,
& qui, quoiqu’inférieur à
la variété de ses caractères & de ses intrigues,
ce que Rome a eu de meilleur. On trouve
aussi à la vérité dans
l’a-
67
l’avais entrepris, le grand-turc & la Républi- que de Venise.
Cette comédie a été traduite en plusieurs
langues, & jouée sur plus d’un théâtre d’
talie
pièces de
ne peuvent réussir que par l’habilité du tra-
ducteur. Un poète anglais nommé Shad-, aussi vain que mauvais poète, la donna
On peut juger qu’un homme qui n’a pas
assez d’esprit pour mieux cacher sa vanité,
n’en a pas assez pour faire mieux que
re
méprisée. Fielding
modeste, a traduit
à
E 2
68
à sa nation, & sa pièce a eu près de trente
représentations ; succès très rare à
où les pièces qui ont le plus de cours, ne sont
jouées tout au plus que quinze fois.
Geor-
69
Comédie en prose, & en trois Actes, représen- tée à Versailles le 15 de juillet 1668, & à Paris le 9 de novembre 1668.
On ne connait, & on ne joue cette pièce
que sous le nom de George Dandin ; &
L’im-
E 3
70
Joué sans interruption en public le 5 février
On fait toute les traverses que cet admi-
rable ouvrage essuia. On en voit le
détail dans le préface de l’auteur au-devant
de
Les trois premiers Actes avaient été re-
présentés à
mai 1664
que
vrages de
vant qu’ils fussent achevés : il fut fort content
de ce commencement, & par conséquent la
Cour le fut aussi.
Il fut joué le
année à
lors les rivaux se réveillérent ; les dévots com-
mencérent à faire du bruit ; les faux zélés,
(l’espèce d’homme la plus dangereuse) crié-
rent
71
rent contre
quelques gens de bien.
d’ennemis qui allaient attaquer sa personne
encore plus que sa pièce, voulut laisser ces
premières fureurs se calmer : il fut un an sans
donner
zèle de ses amis aux cabales naissantes de ses
ennemies, obtient du Roi une permission ver-
bale de jouer
C’est à cette occasion, qu’on prétend que
Messieurs, nous al- lions vous donner le Tartuffe, mais monsieur le premier président ne veut pas qu’on le joue.
Pendant qu’on supprimait cet ouvrage,
qui était l’éloge de la vertu & la satire de la
seule hypocrisie, on permit qu’on jouât sur
le
E 4
72
le théâtre italien Scaramouche Hermite , piè-
Aujourd’hui bien des gens regardent com-
me une leçon de morale cette même pièce,
qu’on trouvait autrefois si scandaleuse. On peut
hardiment avancer, que les discours de
te
opposée à la dévotion imbécile d’
sont, à quelques expressions près, le plus
fort & le plus élégant sermon que nous ayons
en notre langue ; & c’est peut-être ce qui
révolta davantage ceux qui parlaient moins
bien dans la chaire, que
Voyez
73
Voyez sur-tout cet endroit :
Allez, tous vos discours ne me font point
de peur,
Je sai comme je parle, & le ciel voit mon
cœur :
Il est de faux dévots, ainsi que de faux bra-
ves, &c.
Presque tous les caractères de cette pièce
sont originiaux ; il n’y en a aucun qui ne soit
bon, & celui du
Dans les prémières représentations, l’im-
posteur se nommait
qu’à la dernière scène qu’on apprenait son
vérittable nom de
impostures étaient supposées être connues du
Roi. A cela près, la pièce était comme el-
le est aujourd’hui. Le changement le plus
marqué qu’on y ait fait, est à ce vers :
O Ciel, pardonne-moi la douleur qu’il me
donne.
Il
E 5
74
Il y avait :
O Ciel, pardonne-moi comme je lui par-
donne.
Qui croirait que le succès de cette admira-
ble pièce eût été balancé par celui d’une co-
médie qu’on appelle la Femme Juge & Partie ,
Qui divertit le nombre en le contrefaisant ;
Ses
75
Ses grimaces souvent causent quelques sur-
prises ;
Toutes ses pièces sont d’agréables sottises :
Il est mauvais poète, & bon comédien ;
Il fait rire, & de vrai c’est tout ce qu’il fait
bien.
On imprima contre lui vingt libelles ; un
curé de Paris s’avilit jusqu’à composer une
de ces brochures, dans laquelle il débutait
par dire qu’il fallait brûler
comme ce grand homme fut traité de son
vivant ; mais l’approbation du public éclairé
lui donnait une gloire qui le vengeait assez.
Mon-
76
Comédie-Ballet en prose & en trois Actes, fai- te & jouée à Chambord pour le Roi au mois de septembre 1669, & représentée sur le théâtre du Palais Royal le 15 novembre de la même année.
Ce fut à la représentation de cette co-
médie, que la troupe de
pour la première fois le titre de la troupe
du Roi.
On
77
On n’écrivait point contre
Le
78
Comédie-Ballet en prose & en cinq Actes, faite & jouée à Chambord au mois d’ octobre 1670, & représentée à Paris le 23 novembre de la même année.
Tout prince a des ambassadeurs,
Tout marquis veut avoir des pages.
Cette faiblesse est précisément la même
que celle d’un bourgeois qui veut être hom-
me de qualité. Mais la folie du bourgeois
est la seule qui soit comique, & qui puisse
faire rire au théâtre : ce sont les extrêmes
disproportions des manières & du langage
d’un
79
d’un homme, avec les airs & les discours qu’il
veut affecter, qui font un ridicule plaisant : cet-
te espèce de ridicule ne se trouve point dans
des Princes ou dans des hommes élevés à la
Cour, qui couvrent toutes leurs sottises du
même air & du même langage ; mais ce ri-
dicule se montre tout entier dans un Bour-
geois élevé grossièrement, & dont le naturel
fait à tout moment un contraste avec l’art
dont il veut se parer. C’est ce naturel gros-
sier qui fait le plaisant de la Comédie ; & voi-
là pourquoi ce n’est jamais que dans la vie
commune qu’on prend les personnages comi-
ques.
Les quatre prémiers Actes de cette Pièce
peuvent passer pour une Comédie ; le cin-
quième est une Farce qui est réjouïssante,
mais trop peu vraisemblable.
pu donner moins de prise à la critique, en
supposant quelque autre homme que le fils
du Grand-Turc. Mais il cherchoit par ce
divertissement plutôt à réjouïr, qu’à faire un
Ouvrage régulier.
joua comme dans
LES
80
Comédie en prose & en trois Actes, représentée sur le théâtre du Palais Royal le 24 mai 1671.
Si
C’est par-là que
Peut-être de son art eût remporté le prix,
Si
81
Si moins ami du peuple en ses doctes pein-
tures,
Il n’eût point fait souvent grimacer ses figu-
res,
Quitté pour le bouffon l’agréable & le fin,
Et sans honte à
Dans ce sac ridicule où
Je ne reconnais plus l’Auteur du
On pourrait répondre à ce grand critique,
que
barin
passe
peuple, c’est dans ses farces, dont le seul
titre annonce du bas comique ; & que ce bas
comique était nécessaire pour soutenir sa
troupe.
Psi-
F
82
PSICHÉ,
Tragédie-Ballet en vers libres & en cinq Actes, représentée devant le Roi, dans la salle des machines du
Le spectacle de l’Opéra, connu en
ce
rin
çait à se relever.
ambassadeurs chez
la musique de la Reine-Mère, & le
de Sourdiac
génie pour les machines, avaient obtenu en
donnérent rien au public qu’en
ne croyait pas alors que les français pussent
jamais soutenir trois heures de musique, &
qu’une tragédie toute chantée pût réussir.
On pensait que le comble de la perfection
est une tragédie déclamée, avec des chants
& des danses dans les intermèdes. On ne
son-
83
songeait pas que si une tragédie est belle &
intéressante, les entre-actes de musique
doivent en devenir froids ; & que si les in-
termèdes sont brillants, l’oreille a peine à re-
venir tout d’un coup du charme de la Musi-
que à la simple déclamation. Un ballet peut
délasser dans les entre-actes d’une pièce en-
nuyeuse ; mais une bonne pièce n’en a pas
besoin, & l’on joue Athalie sans les chœurs
Depuis la mort du
n’avait donc donné que des pièces à machi-
nes avec des divertissements en musique,
telles qu’
Il
F 2
84
Il ne peut faire que le premier Acte, la
première scène du second, & la première
du troisième ; le tems pressait,
neille
lut bien s’assujettir au plan d’un autre, & ce
génie mâle, que l’âge rendait sec & sévère,
s’amollit pour plaire à
de
Toutes les paroles qui se chantent sont de
manquait à cette société de grands hommes
que le seul
eut jamais de plus excellent au théâtre se fût
réuni pour servir un Roi, qui méritoit d’être
servi par de tels hommes.
Les
85
Comédie en vers & en cinq Actes, représentée sur le théâtre du Palais Royal le 11 mars 1672.
Cette comédie, qui est mise par les
connaisseurs dans le rang du
Plus on la vit, & plus on admira com-
ment
que sur un sujet qui paroissait fournir plus de
pédanterie que d’agrément. Tous ceux qui
sont au fait de l’histoire littéraire de ce temps-
là,
F 3
86
là, savent que
de Vadius, & que
gogne,
87
gogne, & n’en fut pas moins estimé : le vrai
mérite résiste à la satire. Mais
bien loin de pouvoir se soutenir contre de
telles attaques : on dit qu’il fut si accablé de
ce dernier coup, qu’il tomba dans une mé-
lancolie qui le conduisit au tombeau.
La meilleure satire qu’on puisse faire des
mauvais poètes, c’est de donner d’excellents
ouvrages ;
pas besoin d’y ajouter des injures.
F 4
Les
88
Comédie-Ballet en prose & en cinq Actes, repré- sentée devant le Roi à Saint Germain, au mois de février 1670.
cette pièce à
représentat deux princes qui se disputeraient
une maitresse, en lui donnant des fêtes ma-
gnifiques et galantes.
avec précipitation. Il mit dans cet ouvra-
ge deux personnages qu’il n’avait point en-
core fait paraître sur son théâtre, un astro-
logue, & un fou de Cour. Le monde n’é-
toit point alors desabusé de l’astrologie judi-
ciaire ; on y croyait d’autant plus, qu’on con-
noissait moins la vérittable astronomie. Il
est rapporté dans
pas manqué, à la naissance de
de faire tenir un astrologue dans un cabinet
voisin de celui où la Reine accouchait. C’est
dans les Cours que cette superstition règne
davan-
89
davantage, parce c’est là qu’on a plus d’in-
quiétude sur l’avenir.
Les fous y étaient aussi à la mode ; chaque
prince & chaque grand seigneur même avait
son fou ; & les hommes n’ont quitté ce reste
de barbarie, qu’à mesure qu’ils ont plus connu
les plaisirs de la société & ceux que donnent
les Beaux-Arts. Le fou qui est représenté
dans
tel que le
On ne doit pas omettre, que dans les di-
vertissements des
Donec gratus eram tibi.
F 5
La
90
Petite Comédie en un Acte, & en prose, repré- sentée devant le Roi à Saint Germain, en fé- vrier 1672, & à Paris sur le théâtre du Palais Royal, le 8 juillet de la même année.
C’est une farce, mais toute de caractè-
res, qui est une peinture naïve, peut-
être en quelques endroits trop simple, des
ridicules de la province ; ridicules dont on
s’est beaucoup corrigé à mesure que le goût
de la société, & de la politesse aisée qui règne
en
proche.
Le
91
En trois Actes avec des intermèdes, fut repré-
senté sur le
février 1673
C’est une de ces farces de
laquelle on trouve beaucoup de scènes
dignes de la haute comédie. La naïveté,
peut-être poussée trop loin, en fait le prin-
cipal caractère. Ses farces ont le défaut d’être
quelquefois un peu trop basses, & ses comé-
dies de n’être pas toujours assez intéressantes.
Mais avec tous ces défauts-là, il sera toujours
le premier de tous les poètes comiques. De-
puis lui, le théâtre français s’est soutenu,
& même a été asservi à des lois de décence
plus rigoureuses que du temps de
n’oserait aujourd’hui hazarder la scène où le
n’oserait se servir des termes de Fils de Pu- tain, de
dernes.
92
dernes.. Il est étrange que tant de régulari-
té n’ait pu laver encore cette tache, qu’un
préjugé très injuste attache à la profession de
comédien. Ils étaient honorés dans
nes
vrages. Il y a de la cruauté à vouloir avilir
des hommes nécessaires à un état bien poli-
cé, qui exercent, sous les yeux des magis-
trats, un talent très difficile & très estima-
ble. Mais c’est le sort de tous les gens à ta-
lents, qui sont sans pouvoir, de travailler pour
un public ingrat.
FIN.