— ... Parfaitement, me dit en souriant,
Tenez ! je vais vous citer un exemple frappant : il existe à l’heure actuelle en
J’eus l’occasion de le connaître à ses débuts et c’est moi qui, sous l’Empire, le présentai à un ministre des affaires étrangères.
— Il est bachelier, au moins ? dit le ministre.
— Comment donc, monsieur le ministre, répondis-je avec un fier aplomb. Qui est-ce qui n’est pas bachelier ? Certainement, il l’est !
Le jeune homme ne sourcilla pas. Et cependant, il ne l’était pas.
— Et le nom de cet ancien ambassadeur, de ce gros personnage qui n’est pas bachelier ?
— Ah ! non. Je ne puis vous le dire. Je suis persuadé qu’il serait fâché qu’on sût la vérité. Non, cherchez si vous voulez, moi je n’en dirai pas plus. Je voulais simplement préciser le cas qu’on fait encore du parchemin.
— Et vous, pourquoi n’êtes-vous pas bachelier ?
— Vous me demandez de compléter l’histoire du
Je finissais donc ma philosophie lorsque la détresse s’abattit sur ma famille si cruelle, si grande que chacun de nous dut se séparer. Il y avait une place de pion vacante dans un collège du
Je restai pion un an. Durant cette année, passée comme maître-répétiteur, je déclare n’avoir pas pu arriver à mettre de côté les cent francs qui m’auraient permis d’aller à
Cette fois, c’est bien décidé, me jurai-je à moi-même. Je vais passer mon bachot à
En débarquant à
Pourquoi ai-je encore retardé mon examen à
C’est mon frère aîné
Ah ! il était loin le bachot.
— Et qu’ont dit de tout cela vos professeurs de
— Si peu que mon professeur de rhétorique,
— Votre opinion sur le bachot alors ?
— Eh bien ! On devrait être bachelier de droit quand on a été bon élève. Vous connaissez mes navrants commencements. Malgré les efforts de mes parents, malgré l’estime de mes professeurs, j’ai dû renoncer au diplôme, à cause de la taxe. Quand on a fait des études sérieuses dans des écoles estampillées par le gouvernement, le certificat d’études devrait remplacer le baccalauréat. Voilà mon avis !
— Oui, j’ai été « retoqué » : on ne sait pas en général cette histoire. Elle est vieille, en somme, et remonte à près de quarante ans. La voici, si elle vous paraît amusante.
C’était en
Après deux années passées en seconde et en rhétorique-sciences, je me suis présenté au baccalauréat en
Eh bien ! j’avais été reçu a l’écrit. Mes compositions n’avaient pas paru trop mauvaises. Mais à l’oral, va te faire Boule noire en histoire, boule noire en allemand, boule noire en littérature française. Il n’en fallait pas davantage pour être impitoyablement refusé.
— D’où provenaient ces mauvaises notes ?
— Mon Dieu ! j’étais tout simplement devenu à
Je me rappelle qu’en histoire, au baccalauréat, j’ai fait naître
Dame ! que voulez-vous ? Je ne reçus que de mauvaises notes. Il faut vous dire également qu’il existait à cette époque entre les professeurs de lettres et les professeurs de sciences une certaine rivalité, une animosité réelle.
La partie littéraire exigée des candidats au baccalauréat ès sciences — dont j’étais — n’était pas bien considérable ; eh bien ! Les examinateurs se montrèrent beaucoup plus difficiles, beaucoup plus exigeants vis-à-vis de nous que vis-à-vis des candidats bacheliers ès lettres.
Aussi, voyant qu’avec mes boules noires j’allais être infailliblement perdu, après avoir eu de bonnes notes en sciences, mes professeurs allèrent-ils trouver leurs collègues qui m’avaient octroyé un trio de boules noires pour les supplier de changer une noire en rouge. Avec deux noires et une rouge j’étais sauvé ! Eh bien ! Rien n’y fit. Les examinateurs restèrent
— Cela dut vous faire une peine énorme !
— Pas du tout ! Qu’est-ce que ça pouvait bien me faire ! À ce moment-là, j’étais pauvre, obligé de soutenir par mon travail ma vieille mère et je ne me souciais pas de m’ouvrir une carrière à l’aide d’un diplôme. Je ne me représentai plus, du reste, au baccalauréat.
— Alors que pensez-vous de la réforme projetée actuellement par le grand-maître de l’Université ?
— Que voulez-vous ? Nous les poètes, les auteurs dramatiques, les romanciers, nous n’avons pas besoin de bachot, pas besoin de parchemin officiel.
Je vous répondrai donc, sans entrer dans des discussions pédagogiques, que toutes les réformes propres à éliminer la « veine » des examens doivent être approuvées et soutenues. Mais je trouve un peu exagérée la prétention d’examinateurs, quelque indépendants et érudits qu’ils puissent être, de connaître après deux heures d’examen écrit et un quart d’heure d’oral les aptitudes et les connaissances d’un candidat qui a huit ans d’études scolaires derrière lui... Et puis, entre nous, ce n’est pas le diplôme qui fait l’homme.