Transcription Transcription des fichiers de la notice - À Lamartine. Couronne d'autographes Savary, Pauline 1890-10-21 chargé d'édition/chercheur Macke, Jean-Sébastien (édition scientifique) Gabrielle Hirchwald (Atilf) & Jean-Sébastien Macke (ITEM), projet Entretiens d'écrivains dans la presse (1850-1914) ; EMAN (Thalim, CNRS-ENS-Sorbonne nouvelle) PARIS
http://eman-archives.org
1890-10-21 Fiche : Gabrielle Hirchwald (Atilf) & Jean-Sébastien Macke (ITEM), projet Entretiens d'écrivains dans la presse (1850-1914) 
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k7521897j/f2
<div style="text-align: justify;">À l'occasion du centenaire de la naissance d'Alphonse de Lamartine, Pauline Savary interroge les grands auteurs de la littérature contemporain, tels que Zola, Coppée ou Mistral.<br />Zola avoue qu'il a peu lu Lamartine alors que, dans sa jeunesse, ils étaient « grisés par Hugo, et surtout par Musset. » Il considère également que c'est un poète oublié et termine sa réponse par cet avertissement : « Cela doit rendre modeste les plus orgueilleux d'entre nous. »<br /><br /></div> Français <div style="text-align: justify;">À l'occasion du centenaire de la naissance d'Alphonse de Lamartine, Pauline Savary interroge les grands auteurs de la littérature contemporain, tels que Zola, Coppée ou Mistral.<br />Zola avoue qu'il a peu lu Lamartine alors que, dans sa jeunesse, ils étaient « grisés par Hugo, et surtout par Musset. » Il considère également que c'est un poète oublié et termine sa réponse par cet avertissement : « Cela doit rendre modeste les plus orgueilleux d'entre nous. »<br /><br /></div>
À LAMARTINE COURONNE D'AUTOGRAPHES

À l'occasion du centenaire que la France entière célèbre, il nous a paru intéressant de demander aux maîtres de la littérature contemporaine ce qu'ils pensaient de Lamartine.

Beaucoup d'entre eux ont bien voulu accueillir favorablement notre démarche et nous transcrivons leurs réponses :

Madame,

Je vous supplie de ne pas me demander d'écrire sur Lamartine et voici pourquoi.

J'ai écrit deux articles sur lui dans le Temps, le mois dernier, et j'écris en ce moment un discours que je prononcerai au centenaire à Mâcon, la semaine prochaine.

Du reste, je suis l'homme qui ne change pas. Je suis aujourd'hui admirateur des poésies de Lamartine comme en 1833 et reconnaissant de ses services dans le gouvernement provisoire, comme en 1848.

Veuillez agréer, etc.

JULES SIMON.

On dit qu'en Allemagne, des harpes éoliennes, suspendues dans les ruines de vieux châteaux, résonnent harmonieusement au souffle du vent qui passe. Comme elles, Lamartine est tout frémissant de sons mélodieux, S'il parle, c'est de l'éloquence ; s'il écrit, c'est de la poésie s'échappant d'elle-même de cette âme qui se voit jusqu'au fond, comme l'eau limpide descendue des hauts sommets.

Victor Hugo est un grand poète ; mais j'avoue ma préférence pour Lamartine, qui, sans travail ni effort, sans martelage pénible de l'expression ni antithèse fatigante de la pensée, est la poésie sereine et pure.

VICTOR DURUY.

Ce que je pense de Lamartine ? Je le dirai dans peu de jours, aux fêtes de Mâcon, en quelques strophes, indignes, à coup sûr, d'un tel sujet, mais d'une absolue sincérité.

C'est avec joie, d’ailleurs, que j'exprime ici mon admiration, une fois de plus, pour un si haut génie, pour une vie si pure, pour un si noble caractère.

FRANÇOIS COPPÉE.

Ce que je pense de Lamartine, Madame ?

J'avoue l'avoir peu lu, car il n'était déjà plus le poète de ma génération. Nous étions grisés par Hugo, et surtout par Musset. Aussi ne puis-je vous envoyer en trois phrases une opinion nette. Je pense qu'il a été très grand et qu'il a été oublié. Cela doit rendre modeste les plus orgueilleux d'entre nous.

Cordialement,

ÉMILE ZOLA.

Madame,

Je me rends au désir que vous voulez bien m'exprimer, et je ne vous adresse qu'une phrase sur Lamartine. Ce noble sujet mériterait bien davantage ; mais pour ma part je me borne à vous dire que j'ai beaucoup admiré Lamartine ; je l'ai beaucoup connu, aimé et plaint, il restera à jamais une des gloires les plus pures et les plus éclatantes du lyrisme français.

Agréez madame, etc.

BARTHÉLEMY-SAINT-HILAIRE.

Vous me faites l'honneur de me demander ce que je pense de Lamartine, à propos de son centenaire.

Je n'écris plus, je ne parle plus, je pense à peine encore.

Je ne suis plus de ce monde que pour y achever de vivre. Voici, puisque vous y tenez, mon mot sur l'homme que j'ai le plus aimé, le plus admiré et le plus plaint. Poète, écrivain, orateur, la nature a tout fait pour lui, l'art rien ou peu de chose. En tout il a obéi à son inspiration. Si ce n'est pas là le propre du génie, ma philosophie n'y entend plus rien.

E. VACHEROT.

Je l'ai connu en ses heureux jours quand le matin il écrivait les harmonies poétiques et Jocelyn, quand le soir, rue de l'Université, un monde enthousiaste accourait dans ses salons.

J'ai gardé le souvenir de sa belle et noble figure, de sa séduisante courtoisie, de sa parole mélodieuse, de sa bonté de cœur.

Esprit élevé, âme généreuse, grand et doux poète.

En le lisant on l'admirait, en le voyant on l'aimait.

XAVIER MARMIER.

Après la mort de Mirabeau, sa place sur les bancs de l'Assemblée Constituante fut laissée vide, afin qu'un signe visible marquât et l'étendue de la perte, et l'impossibilité de la réparer. Un pareil hommage était dû à Lamartine.

ÉMILE OLLIVIER.

Les myopes en esthétique disent que sa poésie est fuyante et insaisissable comme la vague et le nuage ; mais qu'importe si le nuage est doré par le soleil et si la vague réfléchit le pays des étoiles ?

Et d'ailleurs la nature, cette image de Dieu, ne resplendit-elle pas toujours dans les Harmonies et les Méditations ?

Certes Lamartine ne se soumet pas à copier un coin de paysage ; ce qui le frappe dans la nature, c'est qu'elle n'est que la mise en scène de Dieu et de l'homme ; c'est là que se joue la Divine Comédie. Le poète est trop poète pour se contenter de ne peindre que le décor du drame humain et surhumain.

ARSÈNE HOUSSAYE.

Vous me faites l'honneur de me demander ce que je pense de Lamartine ? Il me faudrait un long article pour vous répondre.

J'aime mieux lui appliquer, en le modifiant, ce mot qui a été dit, je crois, pour un autre grand écrivain : ne pas sentir et admirer Lamartine est un malheur.

HENRI DE BORNIER.

Pour clore, enfin, voici ce que nous envoie, de Maillane, le prince des Félibres, Mistral :

Vous n'ignorez pas, madame, que Lamartine, à l'apparition de Mireille, fit à cet heureux poème, dans le 40e entretien de son cours familier de littérature, la plus magnifique des bienvenues.

Et vous voudriez savoir ce que je pense de Lamartine ? C'est comme si vous me demandiez ce que je pense de mon père, madame, ou du bon Dieu.

Tout ce que je puis faire pour répondre à votre interview c'est de vous citer la dédicace que j'inscrivis, en reconnaissance, au frontispice de la deuxième édition de mon idylle provençale.

Je te consacre Mireille :

c'est mon cœur et mon âme, — c'est la fleur de mes années ; — c'est un raisin de Crau qu'avec toutes ses feuilles — t'offre un paysan.

Généreux comme un roi, lorsque tu m'illustras, — au milieu de Paris, — tu sais que, dans ta maison, le jour où tu me dis : — Tu Marcellus cris,

Comme fait la grenade, au rayon qui la mûrit, — mon cœur s'ouvrit, — et, ne pouvant trouver un langage plus tendre, — se répandit en pleurs.

FRÉDÉRIC MISTRAL.

Voici les lettres que nous avons reçues il y a quelques jours. Nous en faisons, à notre tour, hommage à la mémoire de l'auteur du Lac.

Pauline Savary